PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur Bahrein
5.7.2016 - (2016/2808(RSP))
conformément à l'article 135 du règlement
Marie-Christine Vergiat, Helmut Scholz, Malin Björk, Patrick Le Hyaric, Eleonora Forenza, Lola Sánchez Caldentey, Tania González Peñas, Xabier Benito Ziluaga, Estefanía Torres Martínez, Miguel Urbán Crespo, Paloma López Bermejo, Marina Albiol Guzmán, Maria Lidia Senra Rodríguez, Ángela Vallina, Merja Kyllönen, Sofia Sakorafa, Stelios Kouloglou, Kostadinka Kuneva, Kostas Chrysogonos, Barbara Spinelli, Martina Michels, Takis Hadjigeorgiou au nom du groupe GUE/NGL
Le Parlement européen,
– vu la déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment son article 18 et le second protocole optionnel sur la peine de mort,
– vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
– vu le traité international sur le commerce des armes,
– vu ses résolutions antérieures sur le Bahreïn, et notamment ses résolutions du 6 février 2014, du 8 juillet 2015 et du 4 février 2016 en particulier les cas de Nabeel Rajab, d'Abdulhadi al-Khawaja et d'Ibrahim Sharif ;
– vu la décision du conseil des ministres de la Ligue arabe, qui s'est réuni au Caire le 1er septembre 2013, d'installer une Cour panarabe des droits de l'Homme dans la capitale de Bahreïn, Manama,
– vu le rapport de février 2014 détaillant la mise en œuvre par le gouvernement de Bahreïn des recommandations de la commission d'enquête indépendante de Bahreïn et l'examen périodique universel (EPU) actualisé présenté par le gouvernement de Bahreïn en septembre 2014,
– vu la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la convention relative aux droits de l'enfant et la charte arabe des droits de l'Homme, tous traités auxquels Bahreïn est partie,
– vu les orientations de l'Union européenne relatives aux défenseurs des droits de l'Homme, adoptées en juin 2004 et actualisées en 2008,
– vu la Convention des Nations unies sur la réduction des cas d'apatridie,
– vu l'article 135, de son règlement,
A. Considérant que la répression s’est de nouveau intensifiée ces derniers mois dans le pays ;
B. Considérant que le 13 juin 2016 Nabeel Rajab, président du Bahreïn Center for Human Rights (BCHR) et du Gulf Center for Human Rights (GCHR), a de nouveau été arrêté par les autorités du Bahreïn pour un tweet qu’il a publié en 2015 concernant les conditions de détention dans la prison de Jaw pendant la guerre que la coalition menée par l’Arabie Saoudite au Yémen en 2015 ; considérant qu’il a été inculpé pour « diffusion de fausses informations » et mis à l’isolement pendant 15 jours;
C. considérant que le 28 juin 2016 il a été transféré dans un hôpital militaire pour « problèmes cardiaques » alors que lui, sa famille et ses proches avaient dénoncé à plusieurs reprises ses conditions d’emprisonnement et qu’il n’avait jamais eu de précédent cardiaque avant sa mise à l’isolement; considérant que la première audience de son procès a été fixée au 12 juillet 2016 et qu’il encourt 13 ans de prison ; considérant que Nabeel Rajab comme d’autres opposants et défenseurs des droits de l’Homme dans le pays font face à un harcèlement continu de la part des autorités judiciaires et ce depuis sa première arrestation en juin 2012 ;
D. Considérant que le mardi 14 juin la justice du royaume de Bahreïn a ordonné la suspension des activités du principal parti de l'opposition, le mouvement chiite Al Wefaq ; considérant que le ministère de l’intérieur a fixé au 6 octobre une audience en vue de la dissolution de ce parti ;
E. Considérant que le haut tribunal pénal de Bahreïn a condamné mardi 16 juin Cheikh Ali Salmane, le chef de l’opposition chiite, à quatre ans de prison, notamment pour incitation à la désobéissance ; considérant que le 20 juin 2016 les autorités du Bahreïn ont déchu de sa nationalité le leader religieux de la majorité chiite du royaume, l'ayatollah bahreïni Issa Qassim ; considérant qu’il est accusé de « division sectaire » et d’encourager les jeunes à « violer la constitution » ;
F. Considérant que la défenseuse des droits de l’Homme Zainab Al-Khawaja, emprisonnée depuis trois mois pour avoir déchiré une photo du roi, a finalement été relâchée le 31 mai 2016 ; considérant que les charges de « destruction de biens publics » restent en suspens et que la défenseuse risquant d’être emprisonnée à tout moment a été contrainte avec sa sœur à l’exil;
G. Considérant que les défenseurs des droits de l’Homme Ebtisam Al-Saegh, Hussain Radhi et Dr Taha Al-Durazi ont été soumis à une interdiction de voyager en juin 2016 alors que les deux premiers se rendaient à la session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies et le troisième devait se rendre en Angleterre ;
H. considérant que MM. Ramadan et Moosa sont toujours face à un risque d’exécution imminente après un procès inique et des aveux obtenus sous la torture ; considérant que la communauté internationale et notamment l’ONU demande l’abandon des charges contre eux ;
I. Considérant que le militant du parti Wa'ad Ibrahim Sharif, libéré en juin 2015, il est réemprisonné depuis juillet 2015 pour « appel à renverser le régime » pour un discours fait en 2015 ou il appelle à des réformes démocratiques dans le pays; considérant qu’en février 2016 la Court du Bahrain l’a condamné à un an de prison ;
J. considérant que les juridictions bahreïnies ont condamné huit personnes à mort en 2015 ; considérant qu’une enquête menée par l’Institut pour les Droits et la Démocratie de Bahreïn (BIRD) a révélé que le gouvernement a privé 208 personnes de leur citoyenneté en 2015 après que des amendements législatifs aient donné le droit aux tribuanux de dénaturaliser les prévenus jugés coupables de terrorisme ; considérant que la plupart de ces individus ont été soumis à des procès inéquitables, ont été torturés et sont devenus apatrides ;
K. Considérant que selon les normes internationales de l’ONU la mise à l’isolement pour une longue durée peut s’apparenter à de la torture ; considérant les nombreux cas et allégations de mauvais traitements et tortures commis par les autorités bahreïnies sur les prisonniers ;
L. considérant que selon l'opposition le pays compte aujourd'hui plus de 3 000 prisonniers politiques; considérant que le Centre bahreïni pour les droits de l’Homme dénonce dans un rapport publié fin janvier 2016 le fait que 250 enfants seraient emprisonnés pour des raisons politiques dans le pays en particulier dans le cadre de la lutte anti-terroriste;
M. Considérant que le Bahreïn reste un lieu où les travailleurs migrants, en particulier les femmes engagées comme travailleuses domestiques, sont fortement confrontés à l'exploitation; considérant que les travailleurs migrants sont sous menace constante d’expulsion et sont victimes de nombreuse atteintes aux droits du travail ; considérant que les syndicalistes sont victimes de répression dans le pays et que les mouvement sociaux, notamment les grèves, sont durement réprimés et souvent déclarés illégaux ;
N. considérant que les conditions de travail et la répression des mouvements sociaux sont particulièrement alarmantes dans les secteurs de la construction et du textile, considérant qu’un certain nombre d’entreprises de textile européennes et étasuniennes ont des filiales et des sous-traitants dans le pays comme les marques Macy’s, C&A, GAP, JC Penney et Walmart ;
O. Considérant les atteintes récurrentes à la liberté d’expression, de réunion et de manifestation dans le pays et notamment la répression accrue à l’encontre des journalistes et des défenseurs des droits de l’Homme ; considérant les restrictions d'accès à internet et l'augmentation de la censure, de la fermeture des réseaux sociaux et du filtrage de l'information qui ont encore augmenté depuis 2011;
P. considérant que le régime politique du Bahreïn est une monarchie autoritaire concentrant l'essentiel des pouvoirs entre les mains du monarque et réprimant fortement toute velléité démocratique ou égalitaire de la population ; considérant que dans la lignée du printemps arabe, le Bahreïn et en particulier mais pas seulement sa composante chiite (75% de la population) marginalisée par l'élite sunnite s’est soulèvée en 2011; considérant que selon l'opposition, près de 300 000 personnes seraient descendues dans les rues d'un pays qui comptent 600 000 nationaux;
Q. considérant que depuis la répression des mobilisations de 2011 et l’invasion du pays par l’Arabie Saoudite les atteintes contre les droits de l’Homme ont encore augmentées dans le pays ; considérant que les autorités bahreïnies s’oppose à toute transformation sociale et démocratique du pays et instrumentalise la question religieuse pour réprimer toute opposition au régime (notamment sous couvert de lutte « anti-terroriste ») dans un contexte régional de tensions croissantes entre l’Arabie Saoudite et l’Iran;
R. Considérant que la 5ème flotte étasunienne stationne dans les eaux territoriales du Bahreïn face à l’Iran ; considérant que la police anti-émeute est formée et armée par la Grande Bretagne ; considérant que, malgré les violences récurrentes des autorités du Bahreïn, les États-Unis et la Grande Bretagne continuent de signer des contrats d’armements avec le pays ; considérant que la France pourrait conclure un accord commercial entre la Garde Royale du Bahreïn et la société française Renault Trucks Defense portant sur l’achat des blindés Sherpa Light ;
S. Considérant qu’au lendemain de la dernière résolution du Parlement Européen (en février 2016), le ministère des affaires étrangères du Royaume de Bahreïn a déclaré que le texte adopté ne correspondait pas à la position des forces politiques disposant d'une réelle influence, ni à celle de l'Union européenne ;
1. Se déclare particulièrement inquièt par la situation de santé et le harcèlement continu à l’encontre de Nabeel Rajab ; demande la levée immédiate de toutes les charges qui pèsent contre lui et l’autorisation pour lui et sa femme Sumaya Rajab de voyager ;
2. se déclare fortement inquiet par la continuité et l’augmentation de la répression dans le pays ; condamne l’interdiction du mouvement Al Wefaq et la répression de ses leaders et souligne que cette situation risque d’avoir un impact dramatique sur le pays et d’entrainer hausses des violences;
3. Rappelle de nouveau que tous les hommes naissent libres et égaux en droits et que nul ne doit pour des motifs économiques, politiques ou religieux remettre en cause ce principe ; soutien par conséquent les aspirations démocratiques, économiques et sociales du peuple du Bahreïn dans toutes ses composantes et condamne toute mise en cause de ce principe d’égalité ;
4. Réaffirme son opposition à la peine de mort dans tous les cas et en toutes circonstances ; condamne toutes les exécutions, où qu'elles aient lieu et se déclare fortement préoccupée par les condamnations à mort au Bahreïn ; demande instamment aux autorités du pays, de commuer toutes les condamnations à mort et de mettre en place un moratoire en vue de son abolition dans les plus brefs délais ;
5. Condamne de nouveau l’emprisonnement des prisonniers politiques dans le pays et les mauvais traitements et actes de torture auxquels ils sont soumis ; condamne de la même façon la répression récurrente dont font l’objet les défenseurs des droits de l’Homme, les opposants politiques, les syndicalistes, les journalistes et les représentants des mouvements sociaux dans le pays ;
6. Demande la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers de conscience dans le pays et de toutes les personnes arrêtées et inculpées pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion ;
7. souligne le fait que la lutte contre le terrorisme ne doit en aucun cas servir de prétexte à la restriction des libertés individuelles et des droits fondamentaux ; condamne par conséquent la politique menée par les autorités du Bahreïn qui vise sous ce prétexte à renforcer la répression et à stigmatiser une partie de la population en fonction de son origine, de sa culture ou de sa religion ; dénonce de la même façon l’instrumentalisation qui est faite par le gouvernement de la question religieuse notamment dans le cadre de la répression des mouvements sociaux et de la lutte contre le terrorisme ce qui lui permet d’éviter de répondre aux revendications sociales et démocratiques de la très grande majorité de la population ;
8. demande la mise en œuvre d’une enquête internationale transparente sous l’égide de l’ONU sur les actes de torture, maltraitance et disparitions forcées récurrents dans le pays ; demande de la même façon à ce que les responsables soient traduits en justice et condamnés ;
9. souligne que les procès inéquitables, le recours à la torture, et les condamnations à mort prononcées au Bahreïn constituent une violation du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques auquel le Bahreïn a accédé en 2006, notamment de l’article 6 qui protège le droit à la vie, de l’article 7 sur le droit de ne pas être torturé, et de l’article 14 qui défend le droit à un procès équitable ; demande dès lors que le Bahreïn respecte dûment ses engagements internationaux en mettant notamment en place des procédures pour assurer le caractère équitable de tous les procès pénaux et des procédures d’appel ;
10. souligne également que Le Bahreïn enfreint l’article 15.1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui affirme que « tout individu a droit à une nationalité » ; dénonce dès lors le recours particulièrement systématique à la déchéance de nationalité y compris pour les défenseurs des droits de l’Homme et demande instamment aux autorités du Bahreïn de mettre fin à cette pratique et à mettre en œuvre les Conventions internationales en ce domaine;
11. S’alarme des atteintes aux droits du travail, de la répression des mouvements sociaux et des syndicalistes dans le pays ; est particulièrement inquiet de la situation des travailleurs migrants, notamment des femmes ; demande instamment aux autorités du Bahreïn de se conformer aux normes internationales en la matière et de mettre en œuvre les différentes conventions de l’OIT ;
12. réaffirme que les activités des entreprises européennes présentes dans les pays tiers doivent pleinement respecter les normes internationales en matière de droits de l'Homme; demande à ce titre aux États membres de veiller à ce que les entreprises qui relèvent de leur droit national ne s'affranchissent pas du respect des droits de l'Homme et des normes sociales, sanitaires et environnementales qui s'imposent à elles quand elles s'installent ou mènent leurs activités dans un État tiers ; appelle la Commission européenne et les États Membres à prendre les mesures qui s'imposent contre les entreprises européennes qui ne respectent pas ces normes ou qui n'indemnisent pas de manière satisfaisante les victimes de violations des droits de l'Homme relevant directement ou indirectement de leur responsabilité ; demande notamment pour ce qui concerne le Bahreïn, la mise en place d’une enquête indépendante sur le respect des normes sociales et environnementales des entreprises européennes en particulier dans le secteur des ressources naturelles et du textile ;
13. Condamne de nouveau l’intervention par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis au Bahreïn et souligne leurs responsabilités dans la dégradation constante des droits de l’Homme depuis 2011 ; condamne de la même façon l’intervention des pays du Golfe sous la houlette de l’Arabie Saoudite au Yémen
14. dénonce vivement les accords concernant le commerce des armes et de technologies utilisés pour porter atteintes aux droits de l’Homme entre certains États Membres (en particulier la Grande Bretagne et la France), les États-Unis et les pays de la région ; demande la suspension immédiate de tous les accords de commerce d’armes avec le Bahreïn ; demande de la même façon l'interdiction, des exportations de gaz lacrymogène et de matériel anti-émeutes jusqu’à ce que des enquêtes aient été menées sur leur utilisation inappropriée et que les responsables aient été identifiés et traduits en justice;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, ainsi qu'au gouvernement et au parlement du Royaume de Bahreïn et aux membres du CCG.