PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation dans le nord de l’Iraq et à Mossoul
24.10.2016 - (2016/2956(RSP))
conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement
Enrique Guerrero Salom, Elena Valenciano, Pier Antonio Panzeri, Ana Gomes, Clara Eugenia Aguilera García, Nikos Androulakis, Zigmantas Balčytis, Hugues Bayet, Brando Benifei, José Blanco López, Vilija Blinkevičiūtė, Simona Bonafè, Biljana Borzan, Soledad Cabezón Ruiz, Nicola Caputo, Andrea Cozzolino, Andi Cristea, Miriam Dalli, Viorica Dăncilă, Isabella De Monte, Tanja Fajon, Jonás Fernández, Monika Flašíková Beňová, Doru-Claudian Frunzulică, Enrico Gasbarra, Michela Giuffrida, Theresa Griffin, Sergio Gutiérrez Prieto, Cătălin Sorin Ivan, Liisa Jaakonsaari, Eva Kaili, Cécile Kashetu Kyenge, Javi López, Krystyna Łybacka, Vladimír Maňka, Louis-Joseph Manscour, Costas Mavrides, Marlene Mizzi, Sorin Moisă, Alessia Maria Mosca, Victor Negrescu, Momchil Nekov, Demetris Papadakis, Emilian Pavel, Vincent Peillon, Pina Picierno, Tonino Picula, Kati Piri, Miroslav Poche, Liliana Rodrigues, Inmaculada Rodríguez-Piñero Fernández, Daciana Octavia Sârbu, Siôn Simon, Tibor Szanyi, Claudiu Ciprian Tănăsescu, Paul Tang, Claudia Țapardel, Marc Tarabella, Julie Ward, Carlos Zorrinho au nom du groupe S&D B8-1161/2016
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B8-1159/2016
Résolution du Parlement européen sur la situation dans le nord de l’Iraq et à Mossoul
Le Parlement européen,
– vu la déclaration faite le 16 juin 2014 par Navi Pillay, haute-commissaire aux droits de l'homme des Nations unies, qui condamne les exécutions sommaires perpétrées par l'EIIL et qui estime que ces dernières constituent de manière quasi certaine des crimes de guerre,
– vu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur l'Iraq, en particulier les résolutions 2299 (2016) et 2249 (2015), qui condamnent les récents attentats terroristes commis par le groupe "État islamique",
– vu ses résolutions du 27 février 2014 intitulée «Situation en Iraq»[1], du 18 septembre 2014 intitulée «Situation en Iraq et en Syrie: offensive de l'État islamique et persécution des minorités»[2] et du 12 février 2015 intitulée «Crise humanitaire en Iraq et en Syrie, en particulier au regard de l'État islamique»[3],
– vu les observations formulées par la vice-présidente/haute représentante, Federica Mogherini, le 18 octobre 2016, à la suite du deuxième Conseil de coopération UE-Iraq au titre de l’accord de partenariat et de coopération conclu entre l’Union européenne et l’Iraq,
– vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que l’armée iraquienne, avec l’appui de la coalition internationale de lutte contre le groupe «État islamique», des forces peshmerga du gouvernement régional kurde et des forces de mobilisation populaire, a lancé une opération afin de libérer Mossoul, deuxième plus grande ville d’Irak, et nombre de villes et de villages situés dans le «couloir de Mossoul», de l’emprise de Daech;
B. considérant que près de 1,5 million de personnes vivant à Mossoul pourraient être affectées par les opérations militaires visant à libérer la ville des mains de Daech; que, selon l’évaluation du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, en fonction de l’intensité et de la portée des combats, jusqu’à un million de personnes pourraient être contraintes de quitter leur foyer;
C. considérant que l’Union européenne est un des principaux bailleurs de fonds de l’aide humanitaire en faveur des populations touchées par le conflit dans l’ensemble de l’Iraq, sur la base des principes et des besoins humanitaires, et qu’elle participe activement aux opérations visant à répondre aux urgences humanitaires en cours à Mossoul et à Hawija, grâce à la mise à disposition d’une aide d’urgence vitale pour toutes les personnes les plus vulnérables;
D. considérant que Mossoul est une ville pluriethnique où une majorité arabe sunnite côtoie des chaldéens, des syriaques et des assyriens, des kurdes, des yézidis, des chabaks, des kaka'e et des turkmènes (chiites et sunnites); considérant que les zones situées autour de la ville ont également une histoire marquée par la diversité ethno-religieuse, avec une concentration de chrétiens sur la plaine de Ninive, de yézidis autour du Mont Sinjar et de turkmènes musulmans à Tal Afar;
E. considérant que la façon dont les hostilités sont menées et dont les civils sont traités est importante, car il s’agit d’un élément politique fondamental de la réconciliation et du développement;
F. considérant que le Parlement européen a estimé, le 4 février 2016, que Daech était en train de commettre un génocide contre les chrétiens et les yézidis, ainsi que contre d’autres minorités religieuses, et qu’il persécutait les musulmans qui refusaient son interprétation de l’islam et commettait, à leur encontre, des atrocités et des crimes qui constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité;
G. considérant que le Conseil de coopération au titre de l’accord de partenariat et de coopération UE-Iraq s’est réuni pour la deuxième fois le 18 octobre 2016 à Bruxelles afin d’examiner les défis auxquels l’Iraq est confronté dans l’immédiat en ce qui concerne sa stabilisation et sa situation humanitaire;
1. soutient fermement l’opération lancée par l’Iraq pour libérer Mossoul de Daech; estime que cette opération constitue un élément décisif d’un effort mondial visant à infliger une défaite durable à Daech; est convaincu que l’Iraq prévaudra dans cette lutte contre un ennemi commun et libérera Mossoul et d’autres parties du pays de la présence de Daech;
2. réaffirme son soutien plein et entier à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de l’Iraq, et à son droit de prendre les mesures nécessaires pour les préserver;
3. invite instamment l’Union européenne, les Nations unies et l’ensemble de la communauté internationale à continuer de soutenir le gouvernement iraquien de manière durable en apportant une aide humanitaire et militaire lors des opérations de libération en cours dans plusieurs régions iraquiennes; salue les 50 millions d’euros d’aide humanitaire fournis par l’Union européenne à la région de Mossoul;
4. demande à l’Union européenne et à ses États membres de collaborer afin d’aider les autorités iraquiennes et le gouvernement régional kurde à sécuriser et à reconstruire les zones libérées, telles que le Mont Sinjar et les plaines de Ninive et la ville de Mossoul, de sorte que les réfugiés et les déplacés internes puissent retourner sur leur lieu d’origine et se réinstaller;
5. est préoccupé par les tensions récentes entre la Turquie et l’Iraq; demande à la Turquie de respecter pleinement l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Iraq et de s’abstenir de toute action militaire en Iraq sans l’accord du gouvernement iraquien; souligne l’importance de favoriser le dialogue entre l’Iraq et les autres pays de la région, afin de bâtir un monde plus sûr au Moyen-Orient;
6. souligne que Daech est un symptôme de problèmes plus vastes qui existent en Iraq et dans la région, notamment du fait qu’il est absolument nécessaire d’œuvrer en faveur d’un compromis politique entre les sunnites et les chiites en Iraq, a fortiori après la libération de Mossoul, et dans la région en général; souligne que les combats menés contre Daech en Iraq et en Syrie sont intrinsèquement liés; est dès lors préoccupé par certaines informations indiquant une relocalisation des militants de Daech de Mossoul vers la Syrie; souligne que la lutte contre Daech, le Front Al-Nosra (aujourd’hui connu sous le nom de Jabhat Fatah al-Sham) et d’autres organisations terroristes reste une priorité en Iraq et en Syrie, et rappelle à toutes les parties au conflit que la protection des civils et le respect du droit international doivent être la priorité absolue;
7. invite toutes les parties au conflit à respecter le droit international humanitaire pendant et après les hostilités et à se conformer, dans le cadre de ce conflit, aux principes de proportionnalité, de distinction et de précaution; exhorte toutes les parties au conflit à ouvrir des couloirs humanitaires pour permettre aux civils de fuir le conflit et pour les y aider, pour éviter que les civils ne restent pris au piège à Mossoul et ne soient utilisés par Daech comme boucliers humains, pour assurer l’accès à la sécurité et à l’aide humanitaire et garantir assistance et protection aux civils au cours de la procédure d’enquête de sécurité, conformément aux normes nationales et internationales, notamment afin de veiller à ce que les familles ne soient pas divisées et à ce que les enfants ne soient pas mis en danger, et pour mettre en place un mécanisme de surveillance extérieur des Nations unies; demande, en particulier, que toutes les précautions nécessaires soient prises pour veiller à ce que les enfants et leur famille soient protégés contre les bombardements, et demande de limiter au minimum le nombre de victimes et de protéger les infrastructures civiles, notamment les écoles et les hôpitaux;
8. rappelle que le sauvetage de vies humaines et le respect du droit humanitaire international constituent des éléments politiques fondamentaux de la réconciliation et du développement, la seule façon de vaincre la haine et la division, et qu’il est essentiel de ne pas attiser encore les tensions entre les communautés et de jeter les bases d’un Iraq stable et prospère;
9. prie instamment la coalition militaire dirigée par l’Iraq de prendre toutes les mesures nécessaires pour conserver les preuves des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par Daech afin de s’assurer que les responsables répondent de leurs actes;
10. souligne l’importance vitale d’assurer rapidement et de manière efficace la sécurité des personnes concernées, par des itinéraires sûrs où leur protection peut être assurée, notamment par des opérations de déminage et par le rétablissement de l’état de droit, et de fournir des services de base, tels que les soins de santé, l’électricité et l’éducation, dans les zones libérées; met en garde contre le fait que l’absence de services de base, de sécurité, d’une stratégie à long terme de lutte contre les causes profondes et d’efforts visant à promouvoir la cohésion sociale pourrait aboutir à la résurgence des forces extrémistes; appelle, dès lors, de ses vœux une forte corrélation entre l’aide humanitaire et la coopération au développement, afin de garantir une continuité de l’aide, avec une aide humanitaire qui évolue vers la stabilisation, la résilience et le développement de l’Iraq;
11. souligne l’importance de Mossoul pour l’ensemble de l’Iraq et demande que les minorités soient représentées au sein d’une nouvelle administration à Mossoul; fait valoir le droit légitime des minorités ethniques et religieuses à la participation politique, ainsi qu’au rétablissement de leurs droits de propriété; plaide en faveur d’une coexistence pacifique et du plein respect des droits des différentes minorités ethniques et religieuses qui ont été fortement présentes, d’un point de vue historique, et qui cohabitent de façon pacifique, notamment sur le Mont Sinjar (yézidis), sur la plaine de Ninive (chaldéens, syriaques et assyriens), à Tel Afar et dans certaines parties du gouvernorat de Kirkuk, et demande également que des mesures soient prises afin d’assurer le retour en toute sécurité des personnes déplacées;
12. demande à l’Union européenne et à ses États membres, ainsi qu’aux Nations unies et à ses États membres, de collaborer avec les gouvernements nationaux et régionaux d’Iraq, et avec l’ensemble des acteurs internationaux ou nationaux concernés, pour superviser la réintégration pacifique des populations autochtones – aujourd’hui devenues des déplacés internes, des réfugiés ou des personnes demandant l’asile ailleurs – de la plaine de Ninive, de Tal Afar et de Sinjar sur leurs terres ancestrales;
13. souligne la nécessité de poursuivre, y compris après la libération de Mossoul, la lutte contre la propagation, dans la région et en dehors, des idéologies islamistes djihadistes, notamment du djihadisme salafiste, qui sert d’incitation théologique et politique aux crimes de Daech; invite les États membres de l’Union à déployer des efforts afin que la Cour pénale internationale puisse juger les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en Iraq, en Syrie, en Libye et ailleurs par les militants de Daech, y compris la tentative de génocide visant les yézidis;
14. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l'Union pour les droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement et au Conseil des représentants de la République d'Iraq, au gouvernement régional du Kurdistan, au gouvernement de la République de Turquie, au Secrétaire général des Nations unies et au Conseil des droits de l'homme des Nations unies.
- [1] Textes adoptés de cette date, P7_TA(2014)0171.
- [2] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2014)0027.
- [3] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2015)0040.