Proposition de résolution - B8-1319/2016Proposition de résolution
B8-1319/2016

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation en République démocratique du Congo

28.11.2016 - (2016/3001(RSP))

déposée à la suite d'une déclaration de la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement

Mariya Gabriel, Bogdan Brunon Wenta, Michael Gahler, Joachim Zeller, Brian Hayes, Agustín Díaz de Mera García Consuegra, Maurice Ponga, Frank Engel, Cristian Dan Preda, Ivo Belet au nom du groupe PPE

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B8-1310/2016

Procédure : 2016/3001(RSP)
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B8-1319/2016
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B8-1319/2016

Résolution du Parlement européen sur la situation en République démocratique du Congo

(2016/3001(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu ses précédentes résolutions sur la République démocratique du Congo (RDC), en particulier celles du 10 mars 2016[1] et du 23 juin 2016[2],

–  vu les déclarations de l’Union du 25 juin 2016 sur la situation des droits de l’homme en RDC et des 2 août 2016 et 24 août 2016, sur le processus électoral en RDC, effectuées dans la foulée du lancement du dialogue national en RDC,

–  vu les communiqués de presse communs des 16 février 2016 et 5 juin 2016 publiés par l’Union africaine, les Nations unies, l’Union européenne et l’Organisation internationale de la francophonie sur la nécessité d’un dialogue politique ouvert à tous en République démocratique du Congo et vu l’engagement de ces organisations à soutenir les acteurs congolais dans leurs efforts en vue de la consolidation de la démocratie dans le pays,

–  vu la déclaration du 15 août 2016 du porte-parole de la VP/HR sur la violence en RDC,

–  vu les conclusions du Conseil du 23 mai 2016 et du 17 octobre 2016 sur la RDC,

–  vu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur la République démocratique du Congo, en particulier la résolution 2293 (2016) sur la reconduction du régime de sanctions contre la République démocratique du Congo et le mandat du groupe d’experts et la résolution 2277 (2016), qui a reconduit le mandat de la mission de stabilisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUSCO),

–  vu les communiqués de presse du Conseil de sécurité des Nations unies des 15 juillet et 21 septembre 2016 sur la situation en RDC,

–  vu les rapports du Secrétaire général de l’ONU du 9 mars 2016 sur la mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC ainsi que sur la mise en œuvre de l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région,

–  vu le rapport du 23 juin 2016 du groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo,

–  vu la déclaration de Nairobi de décembre 2013,

–  vu l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région signé en février 2013 à Addis-Abeba,

–  vu la charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981,

–  vu la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance,

–  vu la constitution de la République démocratique du Congo adoptée le 18 février 2006,

–  vu l’accord de Cotonou,

–  vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,

A.  considérant que le nombre de mandats du président de la RDC est constitutionnellement limité à deux et que les prochaines élections présidentielles et législatives devaient au départ avoir lieu fin 2016, sachant que le mandat du président Kabila prend fin le 20 décembre 2016;

B.  considérant que, ces deux dernières années, le président Kabila, au pouvoir depuis 2001, a tenté par des moyens administratifs et techniques de retarder les élections dans le but de rester au pouvoir au-delà de la fin de son mandat constitutionnel; considérant que les retards actuels dans la préparation des élections ont entraîné des tensions politiques, des troubles et des violences dans tout le pays;

C.  considérant qu’en novembre 2015, le président Kabila a annoncé le lancement d’un dialogue national; considérant que, par la suite, l’Union africaine a nommé Edem Kodjo, ancien premier ministre togolais, au poste de médiateur du dialogue politique national; considérant que deux des principaux groupes de l’opposition ont refusé de participer à ce qu’ils jugent être un dialogue tronqué et antidémocratique et une manœuvre dilatoire;

D.  considérant que l’Union africaine, les Nations unies, l’Union européenne et l’Organisation internationale de la Francophonie ont souligné conjointement l’importance du dialogue et de la recherche d’un accord entre les acteurs politiques qui respecte la démocratie et l’état de droit, et ont pressé tous les acteurs politiques congolais de coopérer pleinement avec Edem Kodjo;

E.  considérant qu’un accord a été signé le 18 octobre 2016 entre le président Kabila et une partie de l’opposition afin de reporter les élections présidentielles à avril 2018; considérant qu’aux termes de cet accord, le président Kabila, qui a donc été autorisé à rester au pouvoir après 2016, a nommé un nouveau premier ministre ad interim, Samy Badibanga, membre de l’opposition, qu’il a chargé de former un nouveau gouvernement;

F.  considérant que l’accord prévoit l’organisation d’un nouveau recensement et la refonte des listes électorales d’ici juillet 2017, ainsi que la création d’un «comité de suivi» chargé de surveiller le processus électoral et de rendre compte chaque mois de l’état d’avancée de sa mise en œuvre;

G.  considérant que le fait que les élections présidentielles et législatives se déroulent dans la paix et la transparence et dans les délais aurait largement contribué à consolider les progrès que la RDC a accomplis depuis plus de dix ans;

H.  considérant que, depuis janvier 2015, des responsables de la sécurité et du renseignement congolais s’en prennent aux militants pacifiques et aux représentants de l’opposition et de la société civile qui s’opposent aux tentatives visant à permettre au président Kabila de rester au pouvoir au-delà de la limite des deux mandats fixée par la constitution;

I.  considérant que les groupes de défense des droits de l’homme font continuellement état de l’aggravation de la situation en ce qui concerne les droits de l’homme et la liberté d’expression et de réunion en RDC, comme le recours à une force excessive contre des manifestants pacifiques, les arrestations et détentions arbitraires et les procès répondant à des motivations politiques; considérant que quatre jeunes militants ont été arrêtés, le 18 novembre 2016, deux jours avant une manifestation prévue contre le gouvernement congolais à Kinshasa; considérant que les manifestations sont actuellement interdites à Kinshasa et à Lubumbashi; considérant que les observateurs craignent une escalade depuis que des responsables de l’opposition ont une nouvelle fois appelé à la grève générale et réclamé une intensification des actions de rue dans les semaines à venir;

J.  considérant que, le 19 septembre 2016, des affrontements violents ont éclaté à Kinshasa entre les forces de police et des manifestants, qui ont entraîné la mort de plus de 50 personnes; considérant que quatre personnes ont perdu la vie lorsque les sièges de trois partis d’opposition ont été incendiés et pillés;

K.  considérant que, selon un rapport du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme, 422 cas de violation des droits de l’homme par la police et les forces de sécurité ont été signalés lors des manifestations qui se sont déroulées du 19 au 21 septembre 2016;

L.  considérant que, à la suite de ces événements, la procureure générale de la Cour pénale internationale a envoyé, le 16 octobre 2016, une délégation en RDC chargée d’évaluer sur le terrain la situation critique sur le plan des droits de l’homme et les violences perpétrées dans le pays;

M.  considérant que la liberté des médias en RDC s’est gravement détériorée et qu’elle est restreinte du fait que les journalistes font constamment l’objet de menaces et d’attaques; considérant qu’au bas mot, une dizaine de médias et de stations de radio ont été fermés par les autorités au cours des deux dernières années; considérant que, le 14 novembre 2016, un journaliste de la télévision a été assassiné par une dizaine d’hommes armés dans sa ville natale; considérant que la RDC est classée 152e sur 180 pays dans le classement sur la liberté de l’information établi par RSF;

N.  considérant qu’en septembre 2016, les États-Unis ont imposé des sanctions ciblées à l’encontre de deux hauts fonctionnaires congolais qui avaient porté atteinte au processus et aux institutions démocratiques en RDC;

O.  considérant que la situation est aggravée par la persistance et le renforcement de l’impunité en RDC; considérant que la sécurité en RDC continue à se détériorer, en particulier dans la partie orientale du pays, du fait de la violence causée par plus de 30 groupes armés étrangers et nationaux, et qu’il est constamment fait état de violations des droits de l’homme et du droit international, y compris des attaques ciblées contre des civils, des violences sexuelles et à caractère sexiste largement répandues, l’enrôlement systématique et la maltraitance d’enfants par des groupes armés et des exécutions extrajudiciaires;

P.  considérant que, d’après les agences humanitaires, l’instabilité politique plonge le pays dans le chaos et la population, déjà affaiblie par diverses crises passées ou en cours, dans une pauvreté et une insécurité extrêmes, et que plus de 5 millions de personnes auraient actuellement besoin d’une aide alimentaire;

Q.  considérant que le programme indicatif national 2014-2020 pour la RDC, qui bénéficie d’un financement de 620 millions d’euros au titre du 11e Fonds européen de développement, donne la priorité au renforcement de la gouvernance et de l’état de droit, et notamment à la réforme de la justice, de la police et de l’armée;

1.  déplore le fait que le gouvernement et la commission électorale nationale indépendante (CENI) ne soient pas parvenus à organiser les élections présidentielles dans les délais constitutionnels; demande une nouvelle fois que soient garantis le bon déroulement des élections et leur tenue dans les délais prévus, en respectant pleinement la constitution congolaise et la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance; insiste sur la responsabilité qui incombe au gouvernement congolais d’instaurer dans les plus brefs délais des conditions propices à la tenue d’élections transparentes, crédibles et ouvertes à tous;

2.  prend acte de l’accord qui a été signé le 18 octobre 2016 entre le président Kabila et une partie de l’opposition; rappelle que la conclusion de cet accord, à l’instar du dialogue politique dont il est issu, a été menée sans associer tous les groupes de l’opposition et sans qu’il y ait de consensus sur une transition politique; invite tous les acteurs à participer de manière constructive à l’élaboration d’une solution consensuelle qui garantirait la tenue d’élections transparentes, pacifiques et crédibles dans les meilleurs délais et au plus tard d’ici avril 2018; rappelle que le mandat du président Kabila prend fin le 20 décembre et que, d’un point de vue constitutionnel, le mandat présidentiel est limité à deux ans;

3.  invite instamment l’ensemble des acteurs politiques à prendre part à un dialogue pacifique et constructif, afin d’éviter que la crise politique actuelle ne s’aggrave, et à s’abstenir de tout nouvel acte de violence ou provocation; se félicite des efforts déployés par la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo) en vue de forger un consensus plus large sur une transition politique; invite les autorités et l’opposition à s’abstenir de toute action ou déclaration susceptible d’entraîner la propagation des troubles;

4.  se dit profondément préoccupé par la détérioration de la situation des droits de l’homme et le fait que l’espace politique en RDC continue de se restreindre, avec notamment l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire et les actes de violence et d’intimidation auxquels sont confrontés les défenseurs des droits de l’homme, les opposants politiques et les journalistes; exige la libération immédiate de tous les prisonniers politiques; invite les autorités à lever immédiatement toutes les restrictions à la liberté des médias;

5.  condamne fermement les actes de violence qui ont été perpétrés dans ce pays le 19 et 20 septembre 2016 et insiste sur le devoir du gouvernement de respecter, protéger et promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales de ses citoyens; rappelle que les libertés d’expression, d’association et de réunion constituent les fondements d’une vie politique et démocratique dynamique et que tout recours à la force lors de manifestations pacifiques devrait être interdit;

6.  appelle de ses vœux une enquête complète, approfondie et transparente sur les violations des droits de l’homme qui auraient été commises lors des manifestations afin d’identifier les responsables et de leur demander des comptes;

7.  demande à la vice-présidente/haute représentante et aux États membres d’exploiter pleinement l’ensemble des instruments politiques, y compris les recommandations publiées dans le rapport final de la mission d’observation électorale de l’Union pour 2011 et dans le rapport de la mission de suivi de 2014 et d’exercer des pressions politiques au plus haut niveau afin d’éviter la propagation de la violence électorale en RDC et tout déstabilisation supplémentaire de la région des Grands Lacs;

8.  demande à l’Union européenne d’imposer des sanctions ciblées aux responsables des violences et du sabotage du processus démocratique en RDC, notamment des interdictions de voyage et le gel de leurs avoirs, pour donner suite aux conclusions du Conseil du 17 octobre 2016; souligne que l’Union doit utiliser les sanctions comme un levier pour nouer des contacts politiques, au niveau le plus élevé possible, y compris dans le cadre du dialogue politique mené au titre de l’article 8 de l’accord de Cotonou, en réclamant au président et au nouveau gouvernement des garanties claires en ce qui concerne l’organisation d’élections présidentielles et législatives et le respect de la constitution congolaise;

9.  demande à la délégation de l’Union européenne de continuer à suivre de près l’évolution de la situation en RDC et d’utiliser tous les outils et instruments appropriés pour aider les défenseurs des droits de l’homme et les mouvements en faveur de la démocratie; invite la VP/HR à envisager la possibilité d’accroître les capacités de médiation de la délégation de l’Union afin qu’elle coopère avec l’Union africaine pour favoriser un dialogue politique plus représentatif et prévenir l’aggravation de la crise politique et la propagation de la violence;

10.  réitère son soutien à l’Union africaine en tant que médiateur du dialogue politique en RDC; souligne le rôle crucial que joue cette organisation pour ce qui est de prévenir une crise politique en Afrique centrale, et appelle de ses vœux un engagement accru de sa part en faveur du plein respect de la constitution congolaise; appelle à la mise en place d’un dialogue permanent entre les pays de la région des Grands Lacs, de sorte à éviter toute déstabilisation supplémentaire; se félicite, à cet égard, de la tenue de la conférence internationale sur la région des Grands Lacs en vue d’évaluer la situation en RDC, qui a eu lieu à Luanda en octobre 2016;

11.  rappelle que la paix et la sécurité sont des conditions sine qua non de la bonne tenue des élections et de la stabilité de l’environnement politique; se félicite, à cet égard, que le mandat de la MONUSCO ait été reconduit et que ses compétences aient été renforcées afin d’assurer la protection des civils et de faire respecter les droits de l’homme dans le contexte des élections;

12.  réaffirme sa profonde préoccupation concernant la situation humanitaire alarmante en RDC; demande à l’Union européenne et à ses États membres de maintenir leur assistance au peuple de la RDC afin d’améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables et de lutter contre les conséquences du déplacement, de l’insécurité alimentaire et des catastrophes naturelles;

13.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission européenne/haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à l’Union africaine, au Président, au premier ministre et au parlement de la République démocratique du Congo, au Secrétaire général des Nations unies, au Conseil des droits de l’homme des Nations unies ainsi qu’à l’assemblée parlementaire paritaire ACP-UE.