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Proposition de résolution - B8-0086/2017Proposition de résolution
B8-0086/2017

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation au Burundi

17.1.2017 - (2017/2508(RSP))

déposée avec demande d'inscription à l'ordre du jour d'un débat sur des cas de violation des droits de l'homme, de la démocratie et de l'état de droit
conformément à l'article 135 du règlement

Marie-Christine Vergiat, Malin Björk, Kateřina Konečná, Patrick Le Hyaric, Ángela Vallina, Barbara Spinelli, Merja Kyllönen, Lola Sánchez Caldentey, Tania González Peñas, Estefanía Torres Martínez, Miguel Urbán Crespo, Marina Albiol Guzmán, Takis Hadjigeorgiou, Paloma López Bermejo au nom du groupe GUE/NGL

NB : Cette proposition de résolution n'est disponible que dans sa langue originale
Procédure : 2017/2508(RSP)
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B8-0086/2017
Textes déposés :
B8-0086/2017
Textes adoptés :

B8‑0086/2017

Résolution du Parlement européen sur la situation au Burundi

(2017/2508(RSP))

Le Parlement européen,

– vu la Déclaration universelle des droits de l'Homme,

– vu les accords de Cotonou et sa clause démocratie droits de l’Homme

– vu les comptes rendus de missions et les axes prioritaires d'actions de la FAO et de l'UNICEF au Burundi en particulier sur la question de la lutte contre la faim et la malnutrition,

–    vu les accords d’Arusha du 28 aout 2000 notamment l’article 7 point 3 ;

–   vu la Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale, Mme Fatou Bensouda, à propos de l’examen préliminaire entamé dans le cadre de la situation au Burundi du 25 avril 2016

–  vu les conclusions du Comité contre la torture de l'ONU du 12 aout 2016

–    vu le Rapport de l’enquête indépendante des Nations Unies sur le Burundi (EINUB) établie conformément à la résolution S-24/1 du Conseil des droits de l’homme du 20 septembre 2016

–  vu la résolution sur la situation des droits de l’homme en République du Burundi de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 4 novembre 2016

– vu ses précédentes résolutions sur le sujet en particulier celle du 17 décembre 2015, 9 juillet 2015, 12 février 2015 et 18 septembre 2014 sur la situation au Burundi,

– vu l'article 123(2), de son règlement,

A.  Considérant que le Burundi est encore marqué par la guerre civile qui a eu lieu entre 1993 et 2006 et qui a fait plus de 300 000 morts ; considérant que des progrès ont été faits depuis la fin de la guerre, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé mais que la situation est de nouveau tendue depuis 2010,

B.  Considérant que la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat et sa réélection après le scrutin du 21 juillet 2015 ont plongé le Burundi dans sa crise politique la plus grave depuis la fin de la guerre civile;

C.  Considérant qu’en novembre 2016 on estimait à plus de 1000 personnes le nombre de personnes tuées, 8 000 détenues, entre 300 et 800 personnes disparues, des centaines de personnes torturées, plusieurs centaines de femmes victimes de violences sexuelles, et des milliers d’arrestations ; considérant que plus de 300 000 personnes auraient déjà fui le pays ; considérant que selon les ONG, ils sont environ 1 000 à franchir la frontière avec la Tanzanie chaque semaine et à s’amasser dans des camps surpeuplés soumis à la violence ;

D.  Considérant que suite à la visite du secrétaire général de l’ONU en février 2016, les responsables politiques de l’opposition et du parti au pouvoir s’étaient engagés à entamer « un dialogue inclusif » ; considérant que celui-ci n’a jamais eu lieu et que la répression n’a eu de cesse d’augmenter depuis ;

E.  Considérant que le harcèlement à l’encontre des ONG, des journalistes et de toutes les personnes critiquant le régime est régulier et continu depuis 2015 ; considérant que depuis 10 décembre 2015, Marie Claudette Kwizera, trésorière de la ligue Iteka est portée disparue suite à son arrestation par les Service national des renseignements (SNR) et que les autorités refusent de donner des informations à son sujet ; considérant que depuis le 22 juillet 2016 le journaliste Jean Bigirimana travaillant pour le médias Iwacu est porté disparus ; considérant que selon des témoins il aurait lui aussi été arrêté par SNR ;

F.  Considérant que le 12 Août 2016, le Comité contre la torture de l'ONU lançait un avertissement au Burundi pour intensification du recours à la torture et à d'autres mauvais traitements depuis avril 2015 ;

G.  Considérant que le 20 Septembre 2016, la mission d'enquête des Nations unies rendait son rapport, parlant de graves violations des droits de l'Homme, qui constitueraient de « possibles crimes contre l'humanité », commis d'avril 2015 à fin juin 2016 ;

H.  Considérant que le 11 Octobre 2016, Bujumbura annonçait la rupture de tout lien avec le bureau du haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme et la décision de rendre non grata trois experts onusiens ; considérant que le 12 octobre 2016, le Parlement burundais adoptait au cours d'une procédure accélérée un projet de loi retirant le Burundi de la CPI ; considérant que celle-ci est signée le 18 octobre 2016 par le président Pierre Nkurunziza ; considérant à ce titre que le mandat de la CPI ne prend fin qu’un an après la notification du retrait d’un état signataire et qu’une enquête peut encore être diligentée ;

I.  Considérant que le 19 octobre 2016 le ministre de l’Intérieur Pascal Barandagiye radiait cinq organisations non gouvernementales burundaises : le Forsc (Forum pour le renforcement de la société civile), le Focode (Forum pour la conscience et le développement), l’Aprodh (Association burundaise pour la protection des droits humains et des personnes détenues), l’Acat (Action chrétienne pour l’abolition de la torture) et le RCP (Réseau des citoyens probes) ; considérant que le 24 octobre cinq autres organisations étaient suspendues : Cosome ( Coalition de la société civile pour le monitoring électoral), CB-CPI (Coalition burundaise pour la CPI), UBJ( Union burundaise des journalistes), Ligue burundaise des droits de l’homme « Iteka » et SOS torture Burundi ; considérant que ces interdictions interviennent au prétexte de « ternir l’image du pays », de « semer la haine et la division au sein de la population burundaise » et pour activités perturbant « l’ordre et la sûreté de l’État » ; considérant que dans le même temps le Conseil national de la communication sanctionnait les radios Buja FM (ex-radio 10) et Radio Isanganiro pour « contenus non appropriés » ;

J.  Considérant que le 11 novembre 2016 la FIDH et la Ligue burundaise des droits de l’Homme (ITEKA) alertait sur les graves exactions commises au Burundi et sur le risque de crimes de masse et d’actes de génocide principalement par les forces de sécurité du régime et les milices des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure : meurtres, enlèvements, disparitions, tortures, viols, détentions massives ; considérant que ce rapport dénonce également les violations commises par les groupes armés d’opposition qui mènent une politique d’assassinats ciblés et des attaques dans le pays qui attise la violence et renforce la répression ; considérant que suite à ce rapport l’ONG Iteka (la plus ancienne des organisations de défense des droits humains du Burundi) est encore plus ciblée par la répression gouvernementale;

K.  Considérant que selon une ordonnance du ministère de l’intérieur du 21 décembre 2016 l’ONG Iteka « est définitivement radiée de la liste des associations sans but lucratif (ASBL) œuvrant au Burundi », sous prétexte « de ternir l’image du pays et de semer la haine et la division dans la population. » selon le ministère de l’intérieur ;

L.  Considérant que le 4 janvier 2017 Farhan Haq, le porte-parole adjoint de l’ONU, dénonçait cette décision dans un communiqué et demandait « au gouvernement de revenir sur sa décision et de reconsidérer aussi les restrictions imposées à d’autres organisations de défense des droits de l’Homme et de la société civile sanctionnées depuis trois mois » ; considérant que cette décision a été condamné par l’ensemble de la communauté internationale notamment par l’UE (communiqué du6 janvier 2017) et par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ;

M.  Considérant que le 23 et 28 décembre 2016 l’Assemblée nationale adoptait deux projets de loi visant à contrôler plus étroitement l’action des ONG locales et internationales, la première prévoyant que les ONG étrangères se conforment aux priorités définies par le Gouvernement du Burundi et la deuxième demandant aux ONG locales d’obtenir l’autorisation du ministre de l’Intérieur pour toute activité et les obligeant à faire transiter les fonds d’origine étrangère par la banque centrale ;

N.  Considérant que le 1er janvier 2017 Emmanuel Niyonkuru, ministre burundais de l'Environnement, était tué par balles par un agresseur inconnu ;

O.   Considérant que le Burundi a reculé de deux places dans l'Indice de développement humain (PNUD) passant de la 178e place en 2013 à la 180e en 2014, considérant le Burundi est devenu le pays le plus pauvre du monde en 2015 avec un PIB de 315,2 dollars par habitant, considérant que le PIB a encore chuté en 2016 à 260 dollars par habitant ; considérant que l’inflation des prix des produits de base comme le sucre ou l’essence et la volonté de créer de nouvelles taxes sur l’ensemble des produits de première nécessité au début de l’année 2017 ne fait qu’aggraver la situation ;

P. Considérant qu'au moins un Burundais sur deux est en situation de malnutrition chronique et que près de deux tiers, ou 58 pour cent, de tous les enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique, considérant, le pays connaît le taux de faim le plus élevé des 120 pays où l’indice de la faim dans le monde a été calculé en 2012,

1.  se déclare extrêmement préoccuper par la situation au Burundi et en particulier par les possibilités d’actes génocidaires dans le pays ; souligne que cette situation peut avoir des conséquences dramatiques pour l'ensemble de la région; estime qu’un dialogue politique au niveau national et régional doit être amorcé au plus vite afin que la crise actuelle ne dégénère pas encore plus ;

2.  condamne toutes les violations des droits de l'homme commises au Burundi, dont les assassinats, les exécutions extrajudiciaires, les atteintes à l'intégrité physique des personnes, les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, les arrestations arbitraires et les détentions illégales, ainsi que les violations de la liberté de la presse et de la liberté d'expression et l'impunité générale qui règne dans le pays ;

3.  demande la mise en place d’une enquête internationale sous l’égide de l’ONU sur les allégations d’actes génocidaires dans le pays ; demande de la même façon la mise en place d’une enquête rigoureuse, indépendante et transparente les crimes commis dans le pays et que leurs auteurs soient traduits en justice; réaffirme qu'il ne peut y avoir d'impunité pour les personnes responsables de violations graves des droits de l'Homme;

4.  Condamne de la même façon la dissolution de l’ONG Iteka et la suspension/radiation des autres ONG de défense des droits de l’Homme ;

5.  Dénonce « l’ethnicisation » de la crise par le recours à une propagande fondée sur une idéologie ethnique, qui assimile les opposants, les membres de la société civile, les journalistes, et les Tutsi à des ennemis du régime qu’il faut éliminer ;

6.  Demande la libération immédiate et sans condition de toutes les personnes ayant été arrêtées dans le cadre de l'expression de leurs droits démocratiques;

7.  réclame l'arrêt immédiat des actes de violence, de violation des droits de l'Homme et d'intimidation politique à l'encontre de la société civile et des opposants, ainsi que le désarmement immédiat de tous les groupes armés apparentés aux partis politiques, dans le strict respect du droit international et des droits de l'Homme ; exhorte le gouvernement à entamer un véritable dialogue politique sur les principales questions nationales et à abroger les lois restreignant la liberté d'expression, de rassemblement et des ONG afin de garantir un climat propice à l'expression de la démocratie ; demande l’abrogations des mesures prises à l’encontre des ONG, des radios et des autres médias indépendants dans le pays ;

8.  s'inquiète vivement de la situation économique et sociale de l'ensemble des populations du Burundi, et notamment de celle des réfugiés et des personnes déplacées, dont le nombre ne cesse d’augmenter, compte tenu des problèmes de sécurité internes au pays et des tensions dans les pays limitrophes; réaffirme son soutien à toutes les organisations humanitaires présentes sur le terrain ainsi qu'à tous les pays voisins qui accueillent des réfugiés; invite la communauté internationale et les organismes humanitaires à renforcer leur aide pour toutes celles et tous ceux qui sont actuellement réfugiés ou déplacés du fait du conflit; demande aux États limitrophes de mettre tout en œuvre pour en finir avec les exactions contre les droits de l’Homme dans les camps de réfugiés, et notamment les nombreux viols, ;

9.  Est particulièrement inquiet des discriminations et de la criminalisation de l’homosexualité au Burundi ; fait une nouvelle fois observer que l'orientation sexuelle et l'identité de genre sont des questions qui relèvent du droit de l'individu à la vie privée, droit garanti par le droit international relatif aux droits de l'Homme, en vertu duquel le principe d'égalité et de non-discrimination doit être protégé et la liberté d'expression garantie ; demande par conséquent à l’Assemblée et au gouvernement du Burundi d’abroger les articles du code pénal portant atteinte aux personnes LGBTI ;

10. demande que l'Union européenne et ses États membres débloquent les crédits nécessaires pour faire face à la crise humanitaire qui secoue la région des Grands Lacs, œuvrent de concert avec les organismes des Nations unies et augmentent l'aide publique au développement, suivant les principes de l'efficacité du développement adoptés au niveau international, afin de s'attaquer aux problèmes qui sont au cœur des inégalités, de la pauvreté et de la malnutrition chronique et de réaliser les Objectifs de Développement Durable (ODD);

11.  dénonce le rôle joué par les États-Unis et les anciennes puissances coloniales dans la déstabilisation de la région

12.  réaffirme que les activités des entreprises européennes présentes dans les pays tiers doivent pleinement respecter les normes internationales en matière de droits de l'Homme; demande à ce titre aux États membres de veiller à ce que les entreprises qui relèvent de leur droit national ne s'affranchissent pas du respect des droits de l'Homme et des normes sociales, sanitaires et environnementales qui s'imposent à elles quand elles s'installent ou mènent leurs activités dans un État tiers ; appelle la Commission européenne et les États Membres à prendre les mesures qui s'imposent contre les entreprises européennes qui ne respectent pas ces normes ou qui n'indemnisent pas de manière satisfaisante les victimes de violations des droits de l'Homme relevant directement ou indirectement de leur responsabilité ;

13.   Estime que les problèmes du Burundi ne pourront être résolus dans le pays qu'en veillant à garantir les mêmes droits à tous les citoyens et en s'attaquant aux problèmes liés au contrôle des terres agricoles fertiles, au chômage et à la pauvreté, la lutte contre la corruption, la pauvreté, les inégalités et les discriminations et par la promotion des réformes sociales, politiques et économiques afin de créer un État libre, démocratique et stable ;

14.  Estime que le manque d'accès des populations aux ressources naturelles du pays, le creusement des inégalités de revenus, l'accroissement du chômage, la dégradation de la situation sociale et la paupérisation sont des obstacles à la stabilité et que la lutte contre ces problèmes doit constituer une priorité absolue dans un avenir immédiat

15.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement du Burundi, aux institutions de l'Union africaine et de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, au Secrétaire général des Nations unies, à l'Assemblée générale des Nations unies, aux coprésidents de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE et au Parlement panafricain.