Proposition de résolution - B8-0144/2017Proposition de résolution
B8-0144/2017

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la conclusion de l’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part

8.2.2017 - (2017/2525(RSP))

déposée à la suite d’une déclaration de la Commission
conformément à l’article 123, paragraphe 2, du règlement

Anne-Marie Mineur, Helmut Scholz, Eleonora Forenza, Lola Sánchez Caldentey, Patrick Le Hyaric, Stelios Kouloglou, Marina Albiol Guzmán, Martina Anderson, Xabier Benito Ziluaga, Malin Björk, Lynn Boylan, Matt Carthy, Nikolaos Chountis, Kostas Chrysogonos, Javier Couso Permuy, Dennis de Jong, Fabio De Masi, Stefan Eck, Cornelia Ernst, Luke Ming Flanagan, Tania González Peñas, Takis Hadjigeorgiou, Thomas Händel, Anja Hazekamp, Josu Juaristi Abaunz, Jaromír Kohlíček, Kateřina Konečná, Kostadinka Kuneva, Merja Kyllönen, Paloma López Bermejo, Sabine Lösing, Curzio Maltese, Jiří Maštálka, Marisa Matias, Jean-Luc Mélenchon, Martina Michels, Liadh Ní Riada, Younous Omarjee, Dimitrios Papadimoulis, Rina Ronja Kari, Sofia Sakorafa, Maria Lidia Senra Rodríguez, Barbara Spinelli, Neoklis Sylikiotis, Estefanía Torres Martínez, Miguel Urbán Crespo, Ángela Vallina, Marie-Christine Vergiat, Gabriele Zimmer au nom du groupe GUE/NGL

Procédure : 2017/2525(RSP)
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B8-0144/2017
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B8-0144/2017

Résolution du Parlement européen sur la conclusion de l’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part

(2017/2525(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu sa résolution du 8 juin 2011 sur les relations commerciales UE-Canada[1],

–  vu sa résolution du 10 décembre 2013 contenant sa recommandation au Conseil, à la Commission et au Service européen pour l’action extérieure sur les négociations relatives à un accord de partenariat stratégique UE-Canada[2],

–  vu la charte sociale européenne,

–  vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée: «Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050», (COM(2011)0112),

–  vu le document de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) intitulé «Rapport sur l’investissement dans le monde 2014 – L’investissement au service des objectifs de développement durable: un plan d’action»,

–  vu le rapport intitulé «A Critical Assessment of the Proposed Comprehensive Economic and Trade Agreement Between the European Union and Canada – A joint position of the European Federation of Public Service Unions and the Canadian Union of Public Employees, the National Union of Public and General Employees and the Public Service Alliance of Canada» (Une évaluation critique de la proposition d’accord économique et commercial général entre l’Union européenne et le Canada – Une position commune de la fédération syndicale européenne des services publics, du syndicat canadien de la fonction publique, du syndicat national des employées et employés généraux du service public et de l’alliance de la fonction publique du Canada) de janvier 2010,

–  vu le rapport de la section Europe du Réseau international des amis de la Terre intitulé «Comment les négociations commerciales menacent d’affaiblir les politiques climatiques de l’Union européenne et de faire entrer les sables bitumineux en Europe », rédigé par Fabian Flues et. al., publié en juillet 2014,

–  vu le rapport du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) intitulé «Making Sense of the CETA – An analysis of the final text of the Canada - European Union Comprehensive Economic and Trade Agreement» (Comprendre l’AECG – Une analyse du texte final de l’accord économique et commercial général entre l’Union européenne et le Canada), rédigé par Scott Sinclair, Stuart Trew et Hadrian Mertins-Kirkwood et publié en septembre 2014,

–  vu le document «Statement from the European Association of Judges (EAJ) on the Proposal from the European Commission on a new Investment Court System» (Déclaration de l’association européenne des magistrats sur la proposition de la Commission européenne concernant un nouveau système juridictionnel des investissements) du 9 novembre 2015,

–  vu le document de travail de la FSESP intitulé «CETA and TTIP – Potential impacts on health and social services» (AECG et PTCI – Conséquences possibles sur les services de santé et sociaux), rédigé par Thomas Fritz, d’avril 2015,

–  vu le rapport de l’ONG Public Citizen intitulé «Tens of Thousands of U.S. Firms Would Obtain New Powers to Launch Investor-State Attacks against European Policies via CETA and TTIP» (L’AECG et le PTCI donneraient à des dizaines de milliers d’entreprises américaines de nouveaux pouvoirs qui leur permettraient d’entamer des poursuites entre investisseurs et États) publié en 2015[3]

–  vu le document «Stellungnahme zur Errichtung eines Investitionsgerichts für TTIP – Vorschlag der Europäischen Kommission vom 16.09.2015 und 12.11.2015» (Position sur l’établissement d’un tribunal des investissements dans le cadre du PTCI – Propositions de la Commission du 16.9.2015 et du 12.11.2015), publié par l’association allemande des juges en février 2016,

–  vu le rapport du Corporate Europe Observatory et. al. intitulé «The zombie ISDS – Rebranded as ICS, rights for corporations to sue states refuse to die» (Le zombie RDIE – Rebaptisé SJI, le droit des entreprises à poursuivre des États ne veut pas mourir), rédigé par Pia Eberhardt et publié en mars 2016,

–  vu le document «ISDS in the Revised CETA: Positive Steps, But Is It the ‘Gold Standard’?» (RDIE dans l’AECG révisé: des avancées encourageantes, mais s’agit-il de la référence absolue?), rédigé par le professeur Gus Van Harten, de l’université de York, et publié en mai 2016,

–  vu le document de synthèse intitulé «TTIP and Dispute Settlement: Potential Consequences for the Autonomous EU Legal Order» (PTCI et règlement des différends: conséquences éventuelles pour l’ordre juridique autonome de l’Union européenne), rédigé par Inge Govaere et publié en mai 2016,

–  vu le rapport de l’Internationale des services publics (PSI) intitulé «le système juridictionnel des investissements (ICS): le loup dans la bergerie – la grande manœuvre de l’UE pour rebaptiser le système de privilèges accordés aux entreprises» rédigé par Pia Eberhardt et publié en mai 2016,

–  vu le document de synthèse du BEUC intitulé «CETA fails the Consumer Crash Test – BEUC position on the EU-Canada Comprehensive Economic and Trade Agreement» (L’AECG échoue lors du crash test des consommateurs – la position du BEUC au sujet de l’accord économique et commercial général entre l’UE et le Canada) publié en mai 2016,

–  vu le rapport des ONG PowerShift et Campact intitulé «Investment Protection in the EU-Canada Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA): a critical analysis» (Protection de l’investissement dans l’accord économique et commercial général entre l’UE et le Canada: une analyse critique), rédigé par Peter Fuchs et publié en mai 2016;

–  vu le rapport de l’Union des syndicats allemands (Deutscher Gewerkschaftsbund) et de la Chambre du travail autrichienne (Österreichischer Arbeiterkammer) intitulé «CETA – Regulatory cooperation jeopardises our democracy and standards» (AECG – la coopération en matière réglementaire met notre démocratie et nos normes en péril), rédigé par Stefan Körzell et al. et publié en juin 2016;

–  vu le rapport de l’Union des syndicats allemands (Deutscher Gewerkschaftsbund) et de la Chambre du travail autrichienne (Österreichischer Arbeiterkammer) intitulé «CETA – Labour standards not on the agenda» (AECG – Les normes du travail absentes du programme), rédigé par Stefan Körzell et al. et publié en juin 2016;

–  vu le rapport de l’Union des syndicats allemands (Deutscher Gewerkschaftsbund) et de la Chambre du travail autrichienne (Österreichischer Arbeiterkammer) intitulé «CETA - Public services under pressure» (AECG – Les services publics sous pression), rédigé par Stefan Körzell et al. et publié en juin 2016;

–  vu le rapport de l’Union des syndicats allemands (Deutscher Gewerkschaftsbund) et de la Chambre du travail autrichienne (Österreichischer Arbeiterkammer) intitulé «CETA - No privileged rights to sue states for corporations» (AECG – Aucun droit privilégié à poursuivre un État pour les entreprises), rédigé par Stefan Körzell et al. et publié en juin 2016;

–  vu le rapport de la Fondation de recherche autrichienne pour le développement international (Österreichische Forschungsstiftung für Internationale Entwicklung, ÖFSE) et de la Chambre de travail de Vienne (Arbeiterkammer Wien) intitulé «Assess CETA: assessing the claimed benefits of the EU-Canada trade agreement (CETA)» (Évaluer l’AECG – Une évaluation des bienfaits supposés de l’accord commercial entre l’UE et le Canada), rédigé par Werner Raza et al. et publié en juin 2016,

–  vu le rapport des ONG Via Campesina, Transnational Institute et al. intitulé «Food Safety, Agriculture and Regulatory Cooperation in the Canada-EU Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA)» (Sécurité alimentaire, agriculture et coopération en matière réglementaire dans l’accord économique et commercial général entre l’UE et le Canada), publié en août 2016,

–  vu le document de travail de l’université Tufts intitulé «CETA Without Blinders: How Cutting ‘Trade Costs and More’ Will Cause Unemployment, Inequality and Welfare Losses» (L’AECG sans œillères: comment la réduction des «coûts commerciaux et autres» provoquera une hausse du chômage et des inégalités ainsi que des pertes de bien-être), rédigé par Pierre Kohler et Servaas Storm et publié en septembre 2016,

–  vu le rapport des ONG PowerShift, CCPA et al. intitulé «Making Sense of CETA – 2nd edition» (Comprendre l’AECG – 2e édition), publié en septembre 2016,

–  vu le document «Legal Statement on investment protection and investor-state dispute settlement mechanisms in TTIP and CETA» (Déclaration juridique sur les mécanismes de protection de l’investissement et de règlement des différends dans le PTCI et l’AECG) de la coalition «Stop TTIP», signé par plus de cent professeurs de droit et publié en octobre 2016,

–  vu le document de synthèse de l’Alliance européenne de santé publique (EPHA) intitulé «How CETA could Undermine Public Health» (Comment l’AECG pourrait nuire à la santé publique) d’octobre 2016,

–  vu le document des ONG Transport & Environment et Client Earth «Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) and the environment — A gold standard for the planet or for big business?» (L’accord économique et commercial général et l’environnement – Une norme de référence pour la planète ou pour les grandes entreprises?), rédigé par Cécile Toubeau et Laurens Ankersmit et publié en novembre 2016;

–  vu la version provisoire du rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) intitulé «Les accords commerciaux de «nouvelle génération» et leurs implications pour les droits sociaux, la santé publique et le développement durable», rédigé par Geraint Davies et publié en novembre 2016,

–  vu la version provisoire du rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) intitulé «La compatibilité avec les droits de l’homme de l’arbitrage investisseur-État dans les accords internationaux de protection de l’investissement», rédigé par Pieter Omtzigt et publié en décembre 2016,

–  vu le rapport de l’ONG Corporate Europe Observatory intitulé «Regulatory cooperation: big business’ wishes come true in TTIP and CETA» (Coopération en matière réglementaire: les grandes entreprises voient leurs vœux exaucés avec le PTCI et l’AECG) publié en février 2017,

–  vu l’article 123, paragraphe 2, de son règlement,

A.  considérant que la conclusion d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada semble incompatible avec l’évolution d’une Union européenne autonome, qui poursuit ses objectifs en matière de protection de l’environnement, d’application du principe de précaution, de cohésion sociale, de travail décent, de défense des libertés civiles, en particulier en ce qui concerne la protection des données, d’accès aux services de santé, de politiques culturelles et de diversité culturelle, de sécurité alimentaire, de bien-être des animaux ainsi que de protection de l’agriculture familiale et à petite échelle; que la réduction de certaines dispositions et différences réglementaires inutiles devrait être intégrée dans les processus multilatéraux plutôt que dans un accord de libre-échange bilatéral;

B.  considérant que l’harmonisation des règles entre l’Union européenne et le Canada ne peut en aucun cas constituer un danger pour la santé des consommateurs ni affaiblir les normes de qualité auxquelles doivent se conformer les produits canadiens commercialisés en Europe;

C.  considérant que les normes du secteur agricole divergent considérablement entre l’Union européenne et le Canada et qu’un abaissement des normes va à l’encontre de l’acquis européen, ce qui le rend inacceptable;

D.  considérant qu’il y a toujours lieu de mettre soigneusement en balance l’assouplissement des contraintes réglementaires et le droit des consommateurs à l’information sur les produits qu’ils achètent ainsi que le droit des citoyens à une société juridiquement sûre;

E.  considérant que l’article 1er et l’article 10, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne (traité UE) disposent que «les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens»;

F.  considérant qu’une coopération institutionnalisée en matière de réglementation comme le propose actuellement la Commission porte atteinte aux prérogatives du Parlement européen et des parlements nationaux, et, dès lors, compromet le respect des valeurs de l’Union énoncées à l’article 2 du traité UE;

G.  considérant que le caractère confidentiel des négociations sur l’AECG a entraîné un déficit de contrôle démocratique du processus de négociation; qu’un accès total des parlementaires à divers niveaux de gouvernance des deux côtés de l’Atlantique, ainsi que des journalistes, des chercheurs, des citoyens et des organisations de la société civile, aux principaux documents des négociations aurait été la manifestation d’un principe démocratique; et que les textes consolidés devraient être publiés immédiatement;

H.  considérant que les représentants des intérêts des entreprises exercent une influence bien supérieure à celle des représentants de la société civile, et que leurs réunions avec la Commission peuvent être jusqu’à dix fois plus fréquentes;

I.  considérant que nous sommes confrontés à une mondialisation non réglementée, et qu’un accord commercial qui accorde plus d’importance encore à la déréglementation en ciblant principalement les barrières non tarifaires existantes et futures serait donc préjudiciable aux droits des travailleurs et des consommateurs, tandis que les grandes entreprises et les fonds d’investissement tireraient davantage parti de ce type de libéralisation; qu’il est nécessaire de prévoir un accord de coopération qui se concentre sur la protection des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement; qu’un accord commercial ne peut que venir compléter cet effort majeur visant à renforcer la réglementation pour qu’elle réponde aux normes les plus strictes à l’échelle internationale, de manière à éviter le dumping social et environnemental;

J.  considérant que les exportations portées par le commerce et la croissance mue par les investissements, loin d’être des moteurs essentiels de création d’emploi et de croissance économique qui ne requièrent pas d’investissements publics, pourraient provoquer des pertes d’emploi et un déclin économique;

K.  considérant qu’il est difficile d’évaluer l’impact réel de l’AECG sur les économies de l’Union européenne et du Canada alors que les résultats des études sont contradictoires; que l’AECG ne résoudra ni les problèmes économiques structurels persistants de l’Union européenne, ni leurs causes sous-jacentes;

L.  considérant que 87 % des plus de 20 millions de PME de l’Union européenne dépendent de la demande intérieure et ne participent pas aux échanges internationaux et que pour elles, une avancée dans le développement des marchés locaux et régionaux et du marché commun européen est une priorité bien plus importante;

M.  considérant que la création de richesses par l’AECG découle essentiellement d’une réorientation des échanges et non de leur accroissement;

N.  considérant que l’AECG n’a pas de chapitre consacré aux PME;

O.  considérant que les agriculteurs européens exercent leur activité sur un marché de plus en plus mondialisé et qu’ils sont donc davantage exposés à l’instabilité des prix que d’autres secteurs; que les accords commerciaux tels que l’AECG entravent la création d’emplois dans les zones rurales et la création de conditions propices à soutenir les moyens de subsistance des agriculteurs;

P.  considérant que la Commission elle-même, dans son rapport sur l’effet cumulé des accords commerciaux (dont l’AECG) sur l’agriculture de l’Union, estime que les importations agricoles augmenteront de manière significative tandis que la croissance des exportations restera modeste, avec pour conséquence une pression à la baisse sur les prix à la production dans l’Union; qu’elle prévoit en outre, dans le même rapport, une chute brutale des prix de la viande bovine, un déclin de la production locale et un affaissement de la valeur de la production des produits agricoles de l’Union; que ces données laissent envisager, à l’avenir, des effets négatifs sur les prix à la ferme pour les petits agriculteurs;

Q.  considérant que les zones en majorité rurales qui se consacrent à des activités spécifiques et n’ont que peu de possibilités de se diversifier sont extrêmement vulnérables aux effets de l’AECG; que les zones rurales et les emplois qui s’y trouvent sont menacés par les tendances découlant de cet accord qui les éloignent de l’agriculture traditionnelle;

1.  rejette l’AECG sous sa forme actuelle;

2.  estime que l’ambition affichée par la Commission d’instaurer des «normes internationales» en concluant des accords tels que le TTIP et l’AECG est une pure chimère, étant donné que de tels accords ne vont pas au-delà d’une reconnaissance mutuelle bilatérale;

3.  invite instamment la Commission à prendre conscience de ce que l’AECG et d’autres accords commerciaux de très grande ampleur vont, dans les faits, imposer des normes, tout en instaurant une discrimination, dans la mesure où quelque 130 pays sont exclus des négociations et que certaines questions importantes pour les pays en développement, comme la sécurité alimentaire, les subventions agricoles et l’atténuation du changement climatique, risquent d’être marginalisées; invite la Commission à redoubler d’efforts au sein d’enceintes démocratiques multilatérales, par exemple dans le prolongement de la démarche de la COP21;

4.  invite la Commission à garder à l’esprit que le traité de Lisbonne établit que la politique commerciale de l’Union européenne fait partie intégrante de l’action extérieure de l’Union en général et doit, par conséquent, non seulement répondre aux objectifs en matière de développement, d’environnement et de sécurité sociale, mais également contribuer aux autres objectifs fixés par le traité sur l’Union européenne; rejette, dès lors, l’AECG, car celui-ci vise à accroître les bénéfices des multinationales au lieu de chercher à renforcer la société;

5.  invite la Commission à veiller à ce que le chapitre sur le développement durable ait pour objectif la ratification, l’application et le respect complets et effectifs des huit conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) et de leur contenu, du programme pour un travail décent de l’OIT ainsi que des accords internationaux fondamentaux dans le domaine de l’environnement; considère que les dispositions doivent viser au renforcement de la protection des normes en matière de travail et d’environnement;

6.  invite la Commission à veiller à ce que les normes du travail et environnementales ne se limitent pas au chapitre relatif au commerce et au développement durable mais figurent également dans d’autres volets de l’accord;

7.  demande à la Commission de veiller à ce que la mise en œuvre et le respect des dispositions en matière de travail fassent l’objet d’un processus de surveillance efficace auquel soient associés les partenaires sociaux et les représentants de la société civile;

8.  souligne que les parties ne doivent pas sabrer la législation nationale en matière de travail dans le but d’encourager le commerce ou l’investissement étranger direct, et qu’aucune disposition de l’accord ne doit empêcher les parties d’appliquer le droit national;

9.  souligne qu’une concurrence renforcée en matière d’investissements entre les banques et autres prestataires de services financiers de l’Union européenne et du Canada augmente l’interconnexion des systèmes financiers du Canada et de l’Union européenne ainsi que leur vulnérabilité aux chocs et aux contagions extérieurs;

10.  relève que la concurrence accrue prévue par l’AECG incitera les acteurs du secteur financier, dans un but de conquête de parts de marché, à prendre davantage de risques, à vendre des produits financiers plus spéculatifs et à réduire les services aux clients les moins riches;

11.  souligne que, compte tenu du très petit nombre de PME européennes qui exportent vers le Canada, il est crucial de rejeter l’AECG et les autres accords de libre-échange du même acabit, qui, loin de représenter les intérêts légitimes des PME ou de traduire un réel engagement commun des deux parties contractantes, contribuent à rendre les PME plus vulnérables comparées aux multinationales; souligne qu’il est dès lors patent que l’AECG ne vise pas à créer de nouvelles perspectives au Canada pour les PME européennes;

12.  fait observer que l’AECG et les autres accords du même acabit visent à accélérer la libéralisation de nos économies, et que les femmes sont souvent les premières à souffrir de ce phénomène, car elles sont davantage susceptibles de travailler pour le secteur public;

13.  rappelle que, pendant la consultation publique sur les systèmes de protection des investissements, 97 % des répondants se sont dits défavorables à l’instauration de tout type d’arbitrage entre investisseurs et États, ce qui confirme l’un des principaux problèmes de ce modèle, à savoir qu’il s’agit d’une procédure de règlement à laquelle seuls l’investisseur requérant et le gouvernement national défendeur sont admis;

14.  fait observer que le système juridictionnel des investissements proposé ne répond pas aux exigences démocratiques et octroie aux entreprises le droit de se soustraire aux juridictions nationales, ce qui ouvre aux investisseurs étrangers un accès privilégié à une procédure de règlement international extrêmement puissante, les sommes en jeu pouvant représenter jusqu’à des milliards d’euros de fonds publics, procédure qui leur permet de faire valoir leurs droits sans pour autant devoir se soumettre aux obligations correspondantes;

15.  relève que, dans le cadre du système juridictionnel des investissements proposé, les arbitres ne seront pas liés par la jurisprudence;

16.  observe que les arbitres seront payés au nombre d’affaires traitées et d’heures y consacrées, ce qui créera une incitation à prolonger les procédures, avec un coût significatif pour les contribuables;

17.  constate que 80 % des entreprises américaines ont un intérêt important dans une entreprise canadienne; dès lors, en signant cet accord, l’Union européenne leur donnera la possibilité d’entamer des poursuites contre les gouvernements de ses États membres, aux dépens des contribuables;

18.  regrette l’utilisation de l’expression vague «traitement juste et équitable» dans l’AECG vu le grand nombre d’affaires d’arbitrage liées à ce point;

19.  observe que l’AECG permettrait à des investisseurs étrangers de poursuivre en justice des États membres de l’Union européenne en raison de lois adoptées par ces derniers au détriment des profits des investisseurs, y compris celles qui sont conçues pour protéger la santé publique, l’environnement ou les droits des travailleurs; relève, en outre, qu’un expert indépendant des Nations unies sur les droits de l’homme a déclaré l’AECG incompatible avec l’état de droit, la démocratie et les droits de l’homme et a affirmé que les accords commerciaux ne devraient être ratifiés qu’au terme d’une évaluation de leur incidence sur les droits de l’homme, la santé et l’environnement, ce qui n’a pas été le cas en ce qui concerne l’AECG;

20.  observe que, si l’AECG comporte certes une exigence en matière d’«activités commerciales substantielles», le système juridictionnel des investissements permettrait, dans une certaine mesure, le «chalandage fiscal», en donnant aux investisseurs la possibilité de choisir l’accord en vertu duquel ils souhaitent introduire un recours au titre du règlement des différends entre investisseurs et États;

21.  observe que, si le gouvernement belge a annoncé qu’il entendait demander un avis à la Cour européenne de justice concernant la compatibilité du système juridictionnel des investissements avec les traités européens, aucune institution européenne n’a effectué de démarche en ce sens, et que la Cour de justice n’a pas non plus été invitée à rendre un avis juridique sur la validité d’un système juridictionnel des investissements se présentant sous la forme d’un tribunal multilatéral des investissements, conformément aux traités européens;

22.  rappelle que le droit de réglementer des deux parties est soumis aux dispositions de l’AECG, ce qui réduit les possibilités de réglementation des autorités nationales;

23.  relève que le comité mixte de l’AECG, qui n’est soumis à aucun contrôle démocratique, aura des compétences très vastes dans la procédure législative à l’avenir;

24.  constate et déplore le fait que l’AECG privilégie le recours à des clauses de cliquet et à une clause de statu quo plutôt qu’à une démarche fondée sur une liste positive, ce qui a pour effet de graver dans le marbre la possibilité de libéraliser à volonté, à l’avenir, le secteur public;

25.  rejette l’approche d’un soi-disant «accord vivant» ainsi que l’insistance à vouloir que tous les détails importants de l’accord soient arrêtés lors des négociations, l’accord n’étant pas conclu tant que tous ses points ne le sont pas; rejette la proposition visant à transférer a posteriori les questions de réglementation – en contournant la procédure législative démocratique – à des organes d’experts spécialement institués à cet effet;

26.  estime que la Commission devrait se concentrer sur des accords et des traités qui défendent les droits de l’homme et le développement durable plutôt que de mener la politique commerciale actuelle qui ne profite qu’aux sociétés transnationales; demande dès lors à la Commission de participer activement au groupe de travail à composition non limitée des Nations unies chargé d’élaborer un traité contraignant portant sur les multinationales et les droits de l’homme;

27.  constate et déplore que les dispositions du chapitre de l’AECG sur le commerce transfrontalier de services relatives à l’accès au marché éliminent quasiment toute exigence d’examen des besoins économiques et toute limitation du nombre de fournisseurs de services dans un secteur donné; estime que le principe de précaution et son application à l’avenir ne sont pas suffisamment ancrés dans l’AECG;

28.  condamne le fait que les entreprises publiques de distribution d’eau ne soient pas clairement exclues des dispositions de l’AECG, ce qui entraîne une situation dans laquelle les politiques menées par les pouvoirs publics dans ce domaine afin de protéger l’accès à une eau potable propre et sûre pourraient être confrontées à une réclamation au titre du chapitre «investissements» sous le nom d’«obstacles au commerce», avec pour conséquence la validation d’un précédent pour toutes les politiques menées dans le secteur public; relève, en outre, que l’AECG ne fournit aucune description ou de définition des services publics;

29.  rejette les menaces que l’AECG fait peser sur les politiques publiques dans le secteur de la santé publique et refuse le droit des investisseurs étrangers à contester de telles politiques au titre des dispositions relatives aux investissements étrangers; regrette le fait que les intérêts commerciaux des entreprises multinationales, soutenus par un système d’arbitrage, l’emporteront, alors que l’aspect humain et les droits des patients sont négligés;

30.  relève que l’AECG encouragerait le secteur financier à prendre de plus grands risques – en s’engageant dans des investissements spéculatifs – afin de survivre sur un marché international plus concurrentiel; est convaincu que l’AECG, entre autres en accordant au secteur financier un rôle institutionnel dans la procédure réglementaire, limitera également les instruments réglementaires dont pourront disposer les gouvernements pour lutter contre toute instabilité financière;

31.  rejette une plus grande ouverture aux services éducatifs à financement mixte, en particulier dans le domaine de l’enseignement préscolaire, primaire et secondaire ainsi que de la formation des adultes et de la formation continue, l’accord multilatéral AGCS contenant déjà des dispositions plus que suffisantes en matière de libéralisation;

32.  observe que l’AECG aura des conséquences néfastes sur l’accès aux médicaments, en particulier pour les Canadiens, déjà confrontés à des médicaments qui occupent la deuxième place mondiale sur le plan de la cherté; estime que l’AECG risque de compromettre les normes de qualité et l’accessibilité économique des services d’intérêt général (services sociaux, soins de santé, éducation, eau);

33.  relève que l’AECG n’inclut aucune évaluation de ses effets potentiels sur le prix des médicaments et qu’il n’y est pas reconnu que les droits de propriété intellectuelle représentent un obstacle insurmontable à l’égalité d’accès aux médicaments;

34.  est convaincu qu’il y a lieu d’exclure les droits de propriété intellectuelle, indications géographiques comprises, du champ d’application de l’AECG, les règles proposées en la matière étant bien trop invasives et compromettant l’accessibilité économique des médicaments;

35.  réaffirme qu’en libéralisant les marchés agricoles, l’AECG sapera les fondements des normes de sécurité des aliments en gravant dans le marbre la possibilité de modifier les règlements et en encourageant une déréglementation accélérée par le biais du comité mixte de l’AECG; constate, à cet égard, que l’AECG ne comporte aucune mention spécifique du bien-être animal, ce qui renforce la tendance à sacrifier principes éthiques et valeurs sociales essentiels sur l’autel des accords commerciaux internationaux; estime que l’accord, sous sa forme actuelle, représente une menace pour l’agriculture locale des deux côtés de l’Atlantique;

36.  demande à la Commission de s’engager fermement à préserver de façon stricte les normes actuelles et futures en matière de sécurité des aliments et de santé humaine, de santé des plantes et de protection des cultures et de l’environnement, de protection des consommateurs et de santé et de bien-être animaux, telles que définies dans la législation de l’Union; demande également à la Commission de veiller à ce que ces normes puissent continuer à être améliorées à l’avenir, à ce que les valeurs fondamentales de l’Union européenne, telles que le principe de précaution et l’agriculture durable, ne se trouvent pas compromises, et à ce que les citoyens de l’Union puissent continuer d’avoir confiance dans la traçabilité et l’étiquetage des produits sur le marché européen; lui demande de réfléchir à des mesures spécifiques permettant de faire valoir le principe de précaution lors des négociations;

37.  invite la Commission à tout mettre en œuvre pour veiller à ce que les importations agricoles ne soient autorisées à pénétrer dans l’Union européenne que si elles satisfont aux normes européennes en matière de protection des consommateurs, de bien-être animal et de protection de l’environnement, ainsi qu’à des normes sociales minimales;

38.  demande à la Commission d’assurer une protection juridique suffisante aux indications géographiques de l’Union et aux produits agricoles européens de qualité sur le marché canadien, ainsi que la mise en place de mesures visant à réprimer l’usage abusif des indications et le recours à des informations et des pratiques trompeuses, et d’obtenir des garanties quant à l’étiquetage, la traçabilité et l’origine véritable des produits agricoles, ces points constituant un élément fondamental pour parvenir à un accord équilibré;

39.  relève que les coûts externes des dommages climatiques causés par l’allongement des distances de transport, l’augmentation du volume des échanges, la prééminence de l’agriculture industrielle et la destruction des économies locales ne sont pas pris en compte lors des négociations commerciales, ou du moins sont considérés quantité négligeable;

40.  relève, en outre, qu’aucune mesure d’atténuation du changement climatique, telle que l’abandon progressif des combustibles fossiles, l’utilisation de sources d’énergie propre et la réduction des émissions de gaz à effet de serre issus de l’agriculture, n’est prévue et qu’au contraire, la tendance à considérer ces types de mesures comme autant d’exemples d’obstacles illicites au commerce risque de se retrouver ancrée dans la pratique; souligne que la protection des investissements rend toute réforme trop coûteuse;

41.  invite la Commission à conserver les objectifs de développement des sources d’énergie renouvelable et de l’efficacité énergétique dans le contexte de l’accroissement de la sécurité énergétique; insiste sur le fait que le chapitre concerné doit comporter des garanties fermes assurant la préservation des normes environnementales de l’Union et de ses objectifs en matière de climat, ainsi que la liberté de l’Union de fixer indépendamment des normes et des objectifs à l’avenir;

42.  relève que l’AECG ne peut qu’entraver la réalisation des objectifs de développement durable, eu égard aux retombées négatives qu’il ne manquera pas d’avoir en matière de changement climatique et à la manière dont il bafoue les droits environnementaux, sociaux et des travailleurs;

43.  rejette l’AECG car il compromet la protection des données à caractère personnel des citoyens de l’Union du fait des engagements qui sont pris en ce qui concerne les flux transfrontaliers de données;

44.  observe que les parties à l’AECG ont produit 38 déclarations et autres documents à des fins de clarification et d’interprétation; observe en outre que la majorité de ces déclarations sont à caractère unilatéral et n’ont donc qu’une faible valeur juridique; ne pouvant dès lors être considérées comme contraignantes en ce qui concerne l’interprétation du texte, elle ne suffisent pas à modifier les principales dispositions de l’AECG de sorte à répondre aux préoccupations du public ni aux conditions fixées par le gouvernement wallon;

45.  relève que l’avocat général, dans l’affaire Avis 2/15, a constaté que l’accord de libre-échange UE-Singapour était un accord mixte; estime que les mêmes conclusions sont applicables à l’AECG et que ce dernier doit dès lors être également ratifié par tous les parlements nationaux conformément à leur procédure interne;

46.  rejette l’AECG et refuse de donner son approbation à la conclusion de cet accord;

47.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.