Proposition de résolution - B9-0105/2019Proposition de résolution
B9-0105/2019

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le projet de décision d’exécution de la Commission renouvelant l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja génétiquement modifié A2704-12 (ACS-GMØØ5-3), consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement (CE) nº 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil

1.10.2019 - (D06241/04 – 2019/2828(RSP))

déposée conformément à l’article 112, paragraphes 2 et 3, du règlement intérieur

Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire
Députée responsable: Tilly Metz
Günther Sidl, Anja Hazekamp, Eleonora Evi, Sirpa Pietikäinen

Procédure : 2019/2828(RSP)
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B9-0105/2019

Résolution du Parlement européen sur le projet de décision d’exécution de la Commission renouvelant l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja génétiquement modifié A2704-12 (ACS-GMØØ5-3), consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement (CE) nº 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil

(D06241/04 – 2019/2828(RSP))

 

Le Parlement européen,

 vu le projet de décision d’exécution de la Commission renouvelant l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja génétiquement modifié A2704-12 (ACS-GMØØ5-3), consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement (CE) nº 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil (D062417/04),

 vu le règlement (CE) nº 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés[1], et notamment son article 11, paragraphe 3, et son article 23, paragraphe 3,

 vu que le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale visé à l’article 35 du règlement (CE) n° 1829/2003, a décidé par un vote, le 11 juin 2019, de ne pas rendre d’avis, de même que le comité d’appel, qui a décidé par un vote, le 12 juillet 2019, de ne pas rendre d’avis,

 vu les articles 11 et 13 du règlement (UE) nº 182/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission[2],

 vu l’avis adopté par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) le 29 novembre 2018 et publié le 14 janvier 2019[3],

 vu ses résolutions antérieures objectant à l’autorisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM)[4],

 vu la proposition de résolution de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire,

 vu l’article 112, paragraphes 2 et 3, de son règlement intérieur,

A. considérant que la décision 2008/730/CE de la Commission[5] a autorisé la mise sur le marché de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux contenant du soja génétiquement modifié A2704-12 (ci-après le «soja A2704-12»), consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci; que cette autorisation porte également sur la mise sur le marché de produits autres que des denrées alimentaires et des aliments pour animaux contenant du soja A2704-12 ou consistant en celui-ci et destinés aux mêmes utilisations que tout autre soja, à l’exception de la culture;

B. considérant que le 29 août 2017, Bayer CropScience AG, détenteur de l’autorisation, a présenté à la Commission une demande de renouvellement de celle-ci, conformément aux articles 11 et 23 du règlement (CE) nº 1829/2003 (ci-après la «demande de renouvellement»)

C. considérant que, le 29 novembre 2018, l’EFSA a adopté un avis favorable au regard de la demande de renouvellement, lequel a été publié le 14 janvier 2019[6];

D. considérant que le soja A2704-12 a été conçu pour lui conférer une tolérance aux herbicides à base de glufosinate-ammonium; que la tolérance à ces herbicides est obtenue par l’expression de la protéine PAT (phosphinothricine acétyltransférase)[7];

Herbicides complémentaires

E. considérant qu’il ressort de plusieurs études que les cultures génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides entraînent une augmentation de l’utilisation de ces herbicides[8]; qu’il faut, par conséquent, s’attendre à ce que le soja A2704-12 soit exposé plus fréquemment à des doses plus élevées de glufosinate, ce qui risque d’entraîner une augmentation de la quantité de résidus dans les récoltes;

F. considérant que, dans le cadre du plus récent programme pluriannuel de contrôle coordonné de l’Union (pour 2020, 2021 et 2022)[9], les États membres ne sont pas tenus d’analyser les résidus de glufosinate dans le soja importé; qu’il ne peut être exclu que le soja A2704-12 ou les produits dérivés de celui-ci pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux dépasseront les limites maximales pour les résidus (LMR) de l’Union, qui ont été instaurées pour assurer un niveau élevé de protection des consommateurs;

G. considérant que le glufosinate est classé comme toxique pour la reproduction (catégorie 1B de l’Agence européenne des produits chimiques) et satisfait donc aux critères d’exclusion énoncés dans le règlement (CE) nº 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil[10]; que l’autorisation pour l’utilisation du glufosinate dans l’Union a expiré le 31 juillet 2018[11];

H. considérant que, dans les plantes génétiquement modifiées, la manière dont les herbicides complémentaires sont dégradés par la plante ainsi que la composition et, partant, la toxicité des produits de dégradation (métabolites), peuvent être influencés par la modification génétique elle-même[12];

I. considérant que l’évaluation des résidus d’herbicides et de leurs métabolites dans les plantes génétiquement modifiées est considérée comme ne relevant pas des compétences du groupe scientifique sur les organismes génétiquement modifiés de l’EFSA;

Observations des États membres

J. considérant que les États membres ont transmis à l’EFSA de nombreuses observations critiques au cours de la période de consultation de trois mois[13]; que les commentaires les plus critiques concernent l’impossibilité d’évaluer correctement les risques liés à l’utilisation du soja A2704-12 dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux en raison de l’insuffisance du nombre et de la diversité des études de terrain, du manque généralisé de données sur les résidus de glufosinate ainsi que de l’absence d’études de toxicité chronique ou subchronique; que plusieurs États membres font observer que le plan de surveillance de l’environnement n’est conforme ni à la directive n° 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil[14], ni aux lignes directrices correspondantes, ni au document d’orientation de l’EFSA sur la surveillance environnementale consécutive à la commercialisation des plantes génétiquement modifiées (2011); que plusieurs États membres se déclarent préoccupés par les répercussions de la culture du soja A2704-12 sur la biodiversité et la santé publique dans les pays producteurs et exportateurs;

K. considérant qu’une étude indépendante conclut que l’évaluation des risques menée par l’EFSA n’est pas acceptable dans sa forme actuelle[15] en ce sens qu’elle n’identifie pas les déficits de connaissances et les incertitudes et qu’elle omet d’évaluer correctement le niveau global de sécurité et la toxicité potentielle du soja A2704-12; que cette étude conclut que l’EFSA ne tient pas compte des changements intervenus au cours de dix années qui ont suivi l’autorisation initiale du soja A2704-12 au regard des conditions agronomiques dans lesquelles le soja résistant aux herbicides est cultivé, par exemple le nombre croissant de problèmes causés par des adventices résistantes aux herbicides nécessitant des quantités toujours plus importantes d’herbicides;

Respect des obligations internationales de l’Union

L. considérant que le règlement (UE) nº 1829/2003 dispose que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux OGM ne doivent pas avoir d’effets négatifs sur la santé humaine, la santé animale ou l’environnement, et oblige la Commission à tenir compte de toute disposition pertinente du droit de l’Union et d’autres facteurs légitimes pertinents au regard de la question examinée lorsqu’elle prépare sa décision; que ces facteurs légitimes devraient inclure les obligations qui incombent à l’Union en vertu des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, de l’accord de Paris sur le changement climatique et de la convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB);

M. considérant que, dans un rapport publié récemment, le Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation a souligné que les pesticides dangereux avaient un effet catastrophique sur la santé, notamment dans les pays en développement, et qu’ils pouvaient entraîner des violations des droits de l’homme à l’encontre des agriculteurs, des travailleurs agricoles, des communautés vivant à proximité des terres agricoles, des communautés autochtones, des femmes enceintes et des enfants[16]; que l’ODD 3.9 vise à réduire de manière substantielle, d’ici à 2030, le nombre de décès et de maladies dus à des produits chimiques dangereux et à la pollution et contamination de l’air, de l’eau et du sol[17];

N. considérant que la déforestation est une cause majeure de déclin de la biodiversité; que les émissions liées à l’exploitation des sols et au changement d’affectation des terres, et provoquées principalement par la déforestation, sont la deuxième cause du changement climatique après la combustion de combustibles fossiles[18]; que l’accord de Paris et le plan stratégique 2011-2020 pour la biodiversité, y compris les objectifs d’Aichi pour la biodiversité, adoptés au titre de la convention sur la diversité biologique, encouragent les efforts de gestion durable, de protection et de restauration des forêts[19];

O. considérant que l’ODD 15 vise notamment à mettre un terme à la déforestation d’ici à 2020[20]; que les forêts jouent un rôle multifonctionnel de soutien à la réalisation de la plupart des ODD[21];

P. considérant que la production de soja est un facteur essentiel de déforestation en Amazonie, dans le Cerrado et dans les forêts du Gran Chaco en Amérique du Sud; que 97 % du soja cultivé au Brésil et 100 % du soja cultivé en Argentine est génétiquement modifié[22]; que la culture du soja A2704-12 est notamment autorisée au Brésil et en Argentine[23];

Q. considérant que l’Union est le deuxième importateur de soja dans le monde et que la majeure partie du soja importé dans l’Union est destinée à l’alimentation animale; que l’analyse de la Commission démontre que le soja, qui représente près de la moitié de la déforestation incarnée liée à l’ensemble des importations de l’Union[24], est de longue date le principal contributeur de l’Union à la déforestation mondiale et aux émissions qui lui sont associées;

R. considérant que neuf variétés de soja génétiquement modifiées autorisées au Brésil peuvent déjà être importées légalement dans l’Union en tant que denrées alimentaires et aliments pour animaux; que, par ailleurs, trois variétés de soja génétiquement modifiées dont la culture est autorisée au Brésil, y compris le soja A2704-12, sont en attente d’autorisation pour importation dans l’Union en tant que denrées alimentaires et aliments pour animaux[25];

S. considérant que, selon une enquête réalisée récemment à l’échelle de l’Union, près de 90 % des personnes interrogées estiment qu’il est nécessaire d’adopter de nouvelles règles pour garantir que les produits vendus dans l’Union ne contribuent pas à la déforestation mondiale[26];

Processus non démocratique

T. considérant que, tant le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale visé à l’article 35 du règlement (CE) nº 1829/2003, lors du vote qui a eu lieu le 11 juin 2019, que le comité d’appel, qui s’est prononcé le 12 juillet 2019, ont décidé de ne pas rendre d’avis, ce qui signifie que l’autorisation n’a pas été soutenue par une majorité qualifiée d’États membres;

U. considérant que, tant dans l’exposé des motifs de sa proposition législative du 22 avril 2015 modifiant le règlement (CE) no 1829/2003 en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d’interdire sur leur territoire l’utilisation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux génétiquement modifiés que dans l’exposé des motifs de la proposition législative du 14 février 2017 modifiant le règlement (UE) no 182/2011, la Commission a déploré le fait que, depuis l’entrée en vigueur règlement (CE) no 1829/2003, elle a dû adopter les décisions d’autorisation sans pouvoir s’appuyer sur l’avis des comités des États membres, et que, par conséquent, le renvoi du dossier à la Commission pour décision finale, prévu à titre tout à fait exceptionnel dans le cadre de la procédure globale, est devenu la règle dans le processus décisionnel relatif aux autorisations de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux génétiquement modifiés; qu’à diverses reprises, le président de la Commission a déploré cette pratique, qu’il a qualifiée de non démocratique[27];

V. considérant que, lors de sa huitième législature, le Parlement a adopté des résolutions formulant des objections à la mise sur le marché d’OGM destinés à l’alimentation humaine et animale (33 résolutions) et à la culture d’OGM dans l’Union (trois résolutions); qu’il n’y a pas eu de majorité qualifiée des États membres favorable à l’autorisation de ces OGM; que la Commission reconnaît elle-même les lacunes démocratiques, le manque de soutien des États membres et les objections du Parlement, mais qu’elle continue d’autoriser les OGM, alors même qu’elle n’est pas tenue juridiquement de le faire;

1. considère que le projet de décision d’exécution de la Commission excède les compétences d’exécution prévues dans le règlement (UE) nº 1829/2003;

2. estime que le projet de décision d’exécution de la Commission n’est pas conforme au droit de l’Union, en ce qu’il n’est pas compatible avec l’objectif du règlement (CE) nº 1829/2003, qui est, conformément aux principes généraux prévus dans le règlement (CE) nº 178/2002 du Parlement européen et du Conseil[28], d’établir les bases afin d’assurer un haut niveau de protection de la vie et de la santé des personnes, de la santé et du bien-être des animaux, de l’environnement et des intérêts des consommateurs en relation avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés, tout en garantissant le bon fonctionnement du marché intérieur;

3. demande à la Commission de retirer son projet de décision d’exécution;

4. réitère son engagement à faire avancer les travaux sur la proposition de la Commission modifiant le règlement (UE) nº 182/2011; demande au Conseil de s’attacher d’urgence à mener à bien ses travaux sur cette proposition de la Commission;

5. invite la Commission à suspendre toute décision d’exécution relative aux demandes d’autorisation d’organismes génétiquement modifiés jusqu’à ce que la procédure d’autorisation ait été révisée de manière à remédier aux lacunes de la procédure actuelle, qui s’est révélée inadéquate;

6. demande à la Commission de retirer les propositions relatives aux autorisations d’OGM si le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale ne rend pas d’avis, que ce soit à des fins de culture ou d’alimentation humaine et animale;

7. invite la Commission à ne pas autoriser de plantes génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides sans évaluation complète des résidus de la pulvérisation d’herbicides complémentaires, de leurs métabolites et de leurs formules commerciales telles qu’elles sont utilisées dans les pays où ces plantes sont cultivées;

8. invite la Commission à tenir pleinement compte de l’évaluation des risques liés à l’utilisation d’herbicides complémentaires et à leurs résidus dans l’évaluation des risques relatifs aux plantes génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides, que la plante concernée soit destinée à être cultivée dans l’Union ou qu’elle y soit importée comme denrée alimentaire ou aliment pour animaux;

9. prie la Commission de ne pas autoriser l’importation de plantes génétiquement modifiées destinées à l’alimentation humaine ou animale qui ont été rendues tolérantes à un herbicide non autorisé dans l’Union, en l’occurrence le glufosinate;

10. rappelle que les ODD ne peuvent être atteints que si les chaînes d’approvisionnement deviennent durables et que des synergies sont mises en place entre les diverses stratégies[29];

11. réaffirme son inquiétude quant au fait que la forte dépendance de l’Union à l’égard des importations de soja destiné à servir de nourriture pour animaux sous forme de soja soit à l’origine de déforestation à l’étranger[30];

12. invite la Commission à ne pas autoriser l’importation de soja génétiquement modifié, sauf s’il peut être démontré que leur culture n’a pas contribué à la déforestation;

13. demande instamment à la Commission de réexaminer l’ensemble de ses autorisations actuelles de soja génétiquement modifié à la lumière des obligations internationales de l’Union, notamment au titre de l’accord de Paris, de la convention sur la diversité biologique et des ODD;

14. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.

 

Dernière mise à jour: 4 octobre 2019
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