Proposition de résolution - B9-0246/2019Proposition de résolution
B9-0246/2019

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation des Ouïgours en Chine (China Cables)

16.12.2019 - (2019/2945(RSP))

déposée à la suite d’une déclaration du vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur

Kati Piri, Evelyne Gebhardt, Isabel Santos, Raphaël Glucksmann
au nom du groupe S&D

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0246/2019

Procédure : 2019/2945(RSP)
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B9-0246/2019
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B9-0246/2019
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B9-0246/2019

Résolution du Parlement européen sur la situation des Ouïgours en Chine (China Cables)

(2019/2945(RSP))

Le Parlement européen,

 vu ses précédentes résolutions sur la situation en Chine, en particulier celles du 18 avril 2019 sur la Chine, notamment sur la situation des minorités religieuses et ethniques[1], du 4 octobre 2018 sur la détention arbitraire de masse d’Ouïgours et de Kazakhs dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang[2], du 12 septembre 2018 sur l’état des relations entre l’Union européenne et la Chine[3] et du 15 décembre 2016 sur les cas de l’académie bouddhiste tibétaine de Larung Gar et d’Ilham Tohti[4],

 vu la décision de sa Conférence des présidents de décerner le prix Sakharov 2019 à Ilham Tohti, économiste ouïgour qui se bat pour les droits de la minorité ouïgoure de Chine,

 vu la déclaration conjointe du 21e sommet UE-Chine du 9 avril 2019,

 vu la 37e édition du sommet UE-Chine, qui s’est tenu à Bruxelles les 1er et 2 juin 2017,

 vu la communication conjointe du 12 mars 2019 de la Commission et de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité du 12 mars 2019 sur les relations UE-Chine - Une vision stratégique (JOIN(2019)0005),

 vu les déclarations orales de l’Union au titre du point 4 de la 39e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du 18 septembre 2018, ainsi que celles du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la France, de la Finlande et du Canada, qui se sont déclarés préoccupés par la détention arbitraire d’Ouïgours dans des camps de «rééducation» dans le Xinjiang,

 vu la déclaration commune sur les violations des droits de l’homme et les abus dans le Xinjiang, prononcée le 29 octobre 2019 par le représentant permanent du Royaume-Uni auprès des Nations unies au nom de 23 États, dont 14 États membres de l’Union, devant le comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale,

 vu l’article 36 de la constitution de la République populaire de Chine, qui garantit à tous les citoyens le droit à la liberté de religion, et son article 4, qui garantit les droits des ethnies minoritaires,

 vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, que la Chine a signé en 1998 sans jamais le ratifier,

 vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,

 vu les observations finales du rapport sur la Chine du comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale,

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que la promotion et le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit doivent demeurer au cœur du partenariat qu’entretiennent de longue date l’Union européenne et la Chine, conformément à l’engagement de l’Union à respecter ces valeurs dans son action extérieure et à l’intérêt explicite de la Chine à adhérer à ces mêmes valeurs dans le cadre de sa coopération au développement et de sa coopération internationale;

B. considérant la rapide détérioration de la situation dans la région du Xinjiang, où vivent plus de 10 millions de musulmans ouïgours et kazakhs, au cours de ces dernières années, étant donné que le contrôle absolu du Xinjiang est devenu une priorité absolue en raison de l’instabilité et des menaces pour la sécurité imputées aux Ouïgours dans le Xinjiang, d’une part, et de l’emplacement stratégique de la région autonome ouïgoure du Xinjiang pour l’initiative «Ceinture et route», d’autre part;

C. considérant qu’il ressort d’informations fiables que les Ouïgours et d’autres minorités ethniques principalement musulmanes dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang ont fait l’objet de détentions arbitraires, de tortures, de restrictions draconiennes pour ce qui est de la pratique et de la culture religieuses, et d’une surveillance numérique envahissante au point que tous les aspects de la vie sont contrôlés, au moyen de caméras de reconnaissance faciale, d’inspection du contenu de leurs téléphones mobiles, de prélèvements d’ADN et d’une présence policière étendue et intrusive;

D. considérant que les autorités chinoises ont lancé leur dernière campagne coup de poing contre l’extrémisme violent en 2014, sous couvert de menaces terroristes à grande échelle, pour justifier des restrictions généralisées et des violations graves des droits de l’homme à l’encontre des communautés de minorités ethniques du Xinjiang;

E. considérant qu’il ressort de témoignages crédibles qu’au moins des centaines de milliers de personnes, voire plus d’un million, sont ou ont été détenues dans des centres dits «de rééducation politique», dans ce qui constitue la plus grande incarcération de masse d’une minorité ethnique dans le monde actuel; qu’il est signalé que de jeunes enfants ont été envoyés dans des orphelinats publics si ne serait-ce qu’un de leurs parents était interné dans l’un de ces camps de rééducation;

F. considérant que la publication des révélations contenues dans les China Cables a mis en lumière des éléments sans précédent permettant d’attester que le président Xi Jinping a posé les jalons des mesures répressives prises à l’encontre des Ouïgours, des Kazakhs et des autres minorités dans plusieurs discours qu’il a prononcés à huis clos devant des fonctionnaires du Xinjiang lors d’une visite sur place en avril 2014;

G. considérant que la détention et la persécution des Ouïgours et d’autres minorités musulmanes du Xinjiang ont contraint de nombreuses personnes à cesser de communiquer avec leur famille et leurs amis à l’étranger, notamment en Europe, par crainte de représailles de la part des autorités;

H. considérant que les dispositions en matière d’affaires religieuses qui ont pris effet le 1er février 2018 entravent les activités des groupes religieux, qui doivent désormais davantage se conformer à la ligne du parti; que ces nouvelles règles menacent les personnes associées à des communautés religieuses qui n’ont pas de statut juridique dans le pays; que la répression à laquelle font face les communautés religieuses va croissant en Chine;

I. considérant qu’en août 2018, le comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale a mis en cause le gouvernement de la République populaire de Chine en raison des abus commis au Xinjiang, notamment la création de camps de détention arbitraires de masse; qu’en septembre 2018, lors de son tout premier discours après sa prise de fonction, Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a pris acte des «allégations profondément préoccupantes d’arrestations arbitraires à très grande échelle d’Ouïgours et de membres d’autres communautés musulmanes, internés dans des camps dits de rééducation dans tout le Xinjiang»;

J. considérant que les camps d’internement au Xinjiang ont connu une expansion rapide après la nomination de Chen Quango au poste de secrétaire du Parti communiste de la région en août 2016;

K. considérant que les communautés minoritaires chinoises qui résident dans l’Union européenne sont harcelées et persécutées par les autorités chinoises ou leurs représentants;

L. considérant que la Chine a fait des progrès au cours des dernières décennies dans la concrétisation des droits économiques et sociaux, en permettant à 700 millions de personnes de sortir de la pauvreté, mais qu’elle échoue pour l’essentiel à se conformer aux normes internationales les plus basiques en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales;

M. considérant que le Congrès des États-Unis a adopté le 4 décembre 2019 le «Uyghur Human Rights Policy Act», ou loi sur les droits de l’homme de la communauté ouïgoure, par lequel il charge le gouvernement fédéral des États-Unis de prendre des mesures immédiates afin de protéger les droits de l’homme et de sanctionner les actions des autorités chinoises dans la province du Xinjiang, tout en protégeant les Ouïgours résidant aux États-Unis contre le harcèlement et les persécutions exercés par la Chine;

N. considérant que, dans son cadre stratégique en matière de droits de l’homme et de démocratie, l’Union s’engage à promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et l’état de droit dans tous les domaines de son action extérieure, et à placer les droits de l’homme au cœur de ses relations avec l’ensemble des pays tiers, y compris ses partenaires stratégiques;

1. condamne vivement l’envoi de centaines de milliers d’Ouïgours et de membres de la minorité kazakhe dans des «camps de rééducation politique» sur la base de l’analyse de données recueillies à l’aide d’un système de «police prédictive», y compris pour des motifs tels que des voyages à l’étranger ou une foi religieuse jugée trop ardente; souligne que toute forme de détention, lorsqu’elle est appliquée en violation des lois internationales fondamentales, ainsi que la persécution à l’encontre de personnes ou de groupes donnés en raison de motifs ethniques, culturels ou religieux ou d’autres actes inhumains causant de profondes souffrances ou de graves blessures aux populations civiles sont inacceptables à la lumière du cadre juridique international;

2. invite les autorités chinoises à libérer immédiatement et sans condition l’universitaire ouïgour Ilham Tohti et, dans l’attente de sa sortie, à veiller à ce qu’il puisse entretenir un contact régulier et illimité avec sa famille et les avocats de son choix et qu’il ne soit pas soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements; plaide pour qu’une enquête immédiate, efficace et impartiale soit ouverte sur les tortures dont aurait été victime Ilham Tohti, et que les responsables soient traduits en justice;

3. invite les autorités chinoises de la région autonome ouïgoure du Xinjiang à fournir des informations sur l’emplacement et les conditions médicales des personnes retenues et à les libérer immédiatement s’il n’existe aucune preuve d’activité criminelle réelle justifiant leur détention; demande au gouvernement chinois de mettre un terme sans attendre à la pratique des détentions arbitraires, sans chef d’inculpation, procès ou condamnation pour une infraction pénale, de membres des minorités ouïgoure et kazakhe et de Tibétains, de fermer tous les camps et centres de détention et de libérer les détenus immédiatement et sans condition; invite une nouvelle fois les autorités chinoises à octroyer aux journalistes et aux observateurs, y compris au Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et aux titulaires de mandats au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, un accès libre, véritable et sans entrave à la province du Xinjiang;

4. est profondément préoccupé par les informations faisant état du harcèlement des Ouïgours à l’étranger par les autorités chinoises, parfois par la détention de membres de leur famille, qui vise à les contraindre à espionner d’autres Ouïgours, à retourner dans le Xinjiang ou à ne pas commenter la situation qui y règne; invite la Commission et tous ses États membres à enquêter d’urgence sur ces signalements, à garantir la protection des membres de la diaspora du Xinjiang et à accélérer les demandes d’asile présentées par les Ouïgours et d’autres musulmans turciques; se félicite, à cet égard, des décisions prises par l’Allemagne et la Suède de suspendre le rapatriement vers la Chine de tous les Ouïgours, Kazakhs ou autres musulmans turciques en raison du risque de détention arbitraire, de torture ou d’autres mauvais traitements auxquels ils seraient soumis dans ce pays;

5. observe avec inquiétude que l’importance vitale de la «stabilité à long terme» dans le Xinjiang pour le succès de l’initiative «Une ceinture, une route» a entraîné l’intensification des stratégies de contrôle déployées de longue date, qui ont été étayées par diverses innovations technologiques et par une augmentation rapide des dépenses en matière de sécurité intérieure, ainsi que le recours à des mesures de lutte contre le terrorisme pour criminaliser la dissidence et les individus dissidents à la faveur de l’application d’une définition large du terrorisme; s’inquiète des mesures appliquées par l’État chinois pour assurer la «surveillance étroite» de la région grâce au déploiement de la technologie chinoise de surveillance électronique «Skynet» dans les principales zones urbaines, à l’installation de traceurs GPS dans tous les véhicules à moteur, à l’utilisation de scanners de reconnaissance faciale à des points de contrôle, aux gares et aux stations-service, et aux campagnes de collecte de sang menées par la police du Xinjiang pour alimenter la base de données génétiques de la Chine; s’inquiète profondément de voir que la Chine exporte déjà de telles technologies vers des États autoritaires à travers le monde;

6. se déclare profondément préoccupé par les informations faisant état de l’utilisation possible du travail forcé des camps d’internement dans la chaîne d’approvisionnement d’entreprises de l’Union présentes dans la région du Xinjiang et par les signalements de collaboration avec les institutions chinoises impliquées dans la surveillance de masse ou la détention de membres de la population ouïgoure; invite les acteurs du secteur privé à évaluer leurs engagements dans la région du Xinjiang et à mettre un terme à leurs relations commerciales lorsqu’ils réalisent que ces relations encouragent, que ce soit directement ou indirectement, les violations des droits de l’homme;

7. exhorte les autorités chinoises à relâcher immédiatement et sans condition tous les défenseurs des droits de l’homme, les militants, les avocats, les journalistes et les pétitionnaires détenus en raison de leurs activités en faveur des droits de l’homme, ainsi qu’à mettre un terme à la répression dont ils font l’objet, sous forme de détention, de harcèlement judiciaire et d’intimidation; souligne également que les autorités chinoises doivent garantir que toutes les personnes détenues au secret soient immédiatement mises en relation avec leur famille et leurs avocats, et que les conditions de détention sont conformes aux normes établies dans l’«ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement», adopté par la résolution 43/173, du 9 décembre 1988, de l’Assemblée générale des Nations unies, y compris au regard de l’accès aux soins de santé;

8. presse la Commission, le Conseil et les États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour convaincre le gouvernement chinois de fermer les camps et de mettre un terme à toutes les violations des droits de l’homme au Xinjiang; invite l’Union et ses États membres à répéter ce message au gouvernement chinois à la moindre occasion et aux plus hauts niveaux; regrette que l’approche adoptée et les outils utilisés jusqu’à présent par l’Union n’aient pas conduit à des progrès tangibles dans le bilan de la Chine en matière de droits de l’homme, qui s’est encore détérioré au cours de la dernière décennie; demande instamment à la nouvelle Commission d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie globale de l’Union qui vise à garantir de réels progrès en matière de droits de l’homme en Chine;

9. souligne que l’Union européenne et la Chine, dans leur déclaration commune publiée à l’issue du 21e sommet UE - Chine, ont réaffirmé que tous les droits de l’homme sont universels, indivisibles, interdépendants et indissociables;

10. invite l’Union, ses États membres et la communauté internationale à œuvrer à la mise en place de mécanismes appropriés de contrôle des exportations pour empêcher la Chine, et en particulier Hong Kong, d’avoir accès aux technologies utilisées pour violer les droits fondamentaux;

11. rappelle que l’Union européenne se doit de continuer à évoquer la question des violations des droits de l’homme en Chine, et notamment le cas des minorités du Tibet et du Xinjiang, dont les libertés et les droits fondamentaux sont depuis longtemps bafoués par les autorités chinoises, lors de chaque cycle du dialogue politique et du dialogue sur les droits de l’homme avec les autorités chinoises, conformément à l’engagement de l’Union européenne à s’exprimer d’une voix unique, forte et claire lorsqu’elle dialogue avec le pays; rappelle que, dans le prolongement de son processus actuel de réforme et du rôle accru qu’elle joue sur la scène internationale, la Chine a choisi de s’inscrire dans le cadre international des droits de l’homme en signant un grand nombre de traités internationaux relatifs aux droits de l’homme; appelle de ses vœux, par conséquent, l’ouverture d’un dialogue avec la Chine afin de l’encourager à respecter ces engagements; souligne, en outre, le besoin spécifique des autorités chinoises de poursuivre la mise en œuvre des réformes nationales requises pour la ratification du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, signé par la Chine en 1998;

12. encourage l’utilisation de l’ensemble des instruments disponibles, notamment des sanctions ciblées, si elles sont jugées appropriées et efficaces, contre les fonctionnaires chinois à l’origine de la conception et de l’application de la politique de détention massive d’Ouïgours et d’autres musulmans turciques au Xinjiang, ainsi que contre les auteurs de la répression sévère de la liberté de religion, de la liberté de circulation et d’autres droits fondamentaux dans la région;

13. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi qu’au gouvernement et au Parlement de la République populaire de Chine.

 

 

Dernière mise à jour: 18 décembre 2019
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