Proposition de résolution - B9-0089/2020Proposition de résolution
B9-0089/2020

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le projet de règlement de la Commission modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne le plomb et ses composés

5.2.2020 - (D063675/03 – 2019/2949(RPS))

déposée conformément à l’article 112, paragraphes 2 et 3 et paragraphe 4, point c), du règlement intérieur

Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire
Députés responsables: Bas Eickhout, Maria Arena, Martin Hojsík


Procédure : 2019/2949(RPS)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
B9-0089/2020
Textes déposés :
B9-0089/2020
Débats :
Textes adoptés :

B9-0089/2020

Résolution du Parlement européen sur le projet de règlement de la Commission modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne le plomb et ses composés

(D063675/03 – 2019/2949(RPS))

Le Parlement européen,

 vu le projet de règlement de la Commission modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne le plomb et ses composés (D063675/03),

 vu le règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une Agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) nº 793/93 du Conseil et le règlement (CE) nº 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (le «règlement REACH»)[1], notamment son article 68, paragraphe 1,

 vu la décision nº 1386/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2020 «Bien vivre, dans les limites de notre planète»[2],

 vu sa résolution sur le Livre vert de la Commission relatif aux problèmes environnementaux du PVC[3],

 vu sa résolution du 9 juillet 2015 sur l’utilisation efficace des ressources: vers une économie circulaire[4],

 vu sa résolution du 25 novembre 2015 sur le projet de décision d’exécution de la Commission XXX accordant une autorisation d’utilisations du bis(2-ethylhexhyl) phtalate (DEHP) en vertu du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil[5],

 vu sa résolution du 13 septembre 2018 concernant la mise en œuvre du paquet «économie circulaire»: solutions possibles pour les questions à l’interface entre les textes législatifs relatifs aux substances chimiques, aux produits et aux déchets[6],

 vu l’arrêt du Tribunal du 7 mars 2019 dans l’affaire T-837/16[7],

 vu l’article 5 bis, paragraphe 3, point b), de la décision 1999/468/CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission[8],

 vu l’article 112, paragraphes 2 et 3 et paragraphe 4, point c), de son règlement intérieur,

 vu la proposition de résolution de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire,

A. considérant que le projet de règlement de la Commission entend limiter la quantité de plomb lorsque celui-ci est utilisé en tant que stabilisant dans les polymères et copolymères du chlorure de vinyle (PVC);

B. considérant que le plomb est une substance toxique qui peut avoir des effets graves sur la santé, dont des lésions neurologiques irréversibles, même à faibles doses[9]; qu’il n’existe aucune teneur en plomb sûre[10],[11]; que le plomb est également nocif pour l’environnement, car il est extrêmement toxique pour les organismes aquatiques[12] et persistant dans l’environnement[13];

C. considérant que le problème de l’utilisation du plomb en tant que stabilisant dans le PVC a déjà été soulevé par la Commission dans son livre vert du 26 juillet 2000 relatif aux problèmes environnementaux du PVC[14];

D. considérant que la Commission a déclaré dans son livre vert qu’elle était favorable à une réduction de l’utilisation du plomb en tant que stabilisant dans les produits en PVC, et qu’elle a envisagé plusieurs mesures, dont une réglementation en vue de son abandon progressif, avant de se contenter d’un engagement volontaire de l’industrie du PVC à cesser d’utiliser le plomb comme stabilisant d’ici 2015[15];

E. considérant que cette démarche était contraire à la position du Parlement qui, en réponse au livre vert, a demandé à la Commission d’interdire toute utilisation du plomb en tant que stabilisant dans le PVC[16];

F. considérant que le choix opéré par la Commission à l’époque, à savoir l’inaction, s’est traduit par la production, entre 2000 et 2015, de millions de tonnes de PVC stabilisé au moyen de centaines de milliers de tonnes de plomb[17]; que les produits fabriqués à partir de ce PVC contaminé au plomb deviennent progressivement des déchets;

G. considérant que, au moment où l’industrie du PVC honorait son engagement en 2015, la Commission a réalisé que le plomb continuait d’être utilisé dans des produits en PVC importés; que la Commission a donc demandé à l’Agence européenne des produits chimiques (ci-après l’«Agence») d’élaborer un rapport sur les restrictions conformément à l’annexe XV;

H. considérant que l’Agence a confirmé l’importance capitale des restrictions imposées aux produits en PVC importés, concluant que «l’industrie européenne du PVC étant déjà engagée sur la voie de l’abandon progressif de l’utilisation des composés de plomb en tant que stabilisants du PVC, environ 90 % des émissions de plomb estimées sont imputables à des produits en PVC importés dans l’Union au cours de l’année 2016»[18];

I. considérant que le projet de règlement de la Commission propose de limiter l’utilisation et la présence du plomb et de ses composés dans les produits fabriqués à partir de PVC en fixant la concentration maximale en plomb à 0,1 %, en poids, du PVC[19];

J. considérant que cette démarche repose sur la conclusion que le risque pour les humains émanant du plomb utilisé comme stabilisant dans les produits en PVC n’est pas adéquatement contrôlé[20]; que les risques pour l’environnement n’ont pas été pris en compte pour la caractérisation du plomb dans le cadre de la proposition pour la limitation des risques[21];

K. considérant que la limite susmentionnée a été appliquée sur la base du raisonnement suivant: «[étant] donné que les composés du plomb ne peuvent pas stabiliser efficacement le PVC à des concentrations inférieures à approximativement 0,5 % en poids, la limite de concentration fixée à 0,1 % proposée par l’Agence devrait garantir que l’ajout intentionnel de composés du plomb en guise de stabilisants lors de la fabrication de PVC ne puisse plus avoir lieu dans l’Union»[22];

L. considérant qu’il importe de relever que la limite de 0,1 % ne représente pas un «niveau sûr», mais plutôt une limite d'ordre administratif fixée pour éviter toute utilisation de plomb comme stabilisant dans le PVC;

M. considérant que le projet de règlement de la Commission prévoit deux dérogations, d’une durée de 15 ans, pour les matériaux en PVC valorisé, lesquelles autorisent une concentration en plomb maximale de 2 %, en poids, de PVC rigide[23] pour l’une, et de 1 %, en poids, de PVC souple/mou[24] pour l’autre;

N. considérant que des concentrations en plomb de 1 % ou de 2 % ne correspondent certainement pas à des «niveaux sûrs», mais constituent des limites fixées pour permettre à l’industrie de continuer à optimiser les bénéfices financiers qu’elle tire du recyclage des déchets de PVC contenant du plomb[25];

O. considérant que de telles dérogations perpétuent l’utilisation d’une substance héritée via des produits fabriqués à partir de PVC valorisé, alors qu’il existe d’autres solutions explicitement reconnues par la Commission[26];

P. considérant que de telles dérogations vont à l’encontre de la position défendue de longue date par le Parlement; que le Parlement a déjà spécifiquement souligné, en 2001, «que le recyclage du PVC ne doit pas avoir pour effet de perpétuer le problème des métaux lourds»[27]; que le Parlement a souligné, dans sa résolution du 9 juillet 2015 sur «l’utilisation efficace des ressources: vers une économie circulaire», que «le recyclage ne saurait justifier le fait de continuer à utiliser des substances héritées dont les déchets peuvent être dangereux»[28]; qu’en 2015, le Parlement a agi en conséquence en refusant d’autoriser l’utilisation du DEHP, autre substance héritée, pour le recyclage du PVC[29]; qu’en 2018, le Parlement a réaffirmé «que, conformément à la hiérarchie des déchets, la prévention prime sur le recyclage et qu’en conséquence le recyclage ne saurait justifier le fait de continuer à utiliser des substances dont les déchets sont dangereux»[30];

Q. considérant que le projet de règlement de la Commission justifie les dérogations pour le PVC valorisé en déclarant que «la méthode de substitution pour recycler ces articles, à savoir l’élimination des déchets en PVC par mise en décharge et par incinération, augmenterait les émissions dans l’environnement et ne réduirait pas les risques»[31];

R. considérant que le raisonnement qui sous-tend le projet de règlement omet de tenir compte du fait que le recyclage n’est en fait pas une méthode de substitution à la mise en décharge ou à l’incinération, car le recyclage du PVC ne peut se poursuivre indéfiniment et ne fait donc que retarder l’élimination définitive du PVC contenant du plomb et les émissions correspondantes, créant au passage des émissions supplémentaires pendant les phases de recyclage et d’utilisation ultérieure;

S. considérant qu’en dernière analyse, le projet de règlement de la Commission entend, d’une part, limiter l’importation d’environ 1 000 à 4 000 tonnes de plomb via des produits en PVC importés et, dans le même temps, autoriser d’autre part la (re)mise sur le marché de quelque 2 500 à 10 000 tonnes de plomb par an par le truchement du PVC valorisé[32];

T. considérant que, en d’autres termes, le projet de règlement de la Commission limiterait l’importation de plomb contenu dans des produits en PVC importés pour saper ensuite l’effet de cette restriction en remettant sur le marché de deux fois plus de plomb par l’intermédiaire de produits fabriqués à partir de PVC valorisé contenant du plomb;

U. considérant que les dérogations pour le PVC valorisé prévues par le projet de règlement de la Commission vont donc à l’encontre de l’objectif principal du règlement REACH, qui est d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement[33];

V. considérant en outre que ces dérogations sont contraires aux engagements pris dans le cadre du septième programme d’action pour l’environnement adopté en 2013, lequel préconise explicitement la mise au point de cycles de matériaux non toxiques, pour que les déchets recyclés puissent être utilisés comme une source importante et fiable de matières premières dans l’Union[34];

W. considérant que les dérogations en question aboutiraient à un marché comportant deux niveaux de qualité, à savoir les produits fabriqués à partir de PVC exempts de plomb d’une part et ceux qui utilisent du PVC recyclé contenant une quantité significative de plomb, d’autre part; que cette tolérance pour la présence de plomb dans des produits fabriqués à partir de PVC recyclé discrédite la valorisation de produits;

X. considérant qu’il n’y a pas lieu de remettre à plus tard la question d’une gestion écologiquement rationnelle des déchets de PVC contenant du plomb, et moins encore de reporter le plomb sur la prochaine génération de produits;

Y. considérant que le projet de règlement de la Commission limite la dérogation pour le PVC valorisé à certaines applications et introduit l’obligation de recouvrir entièrement le PVC valorisé d’une couche de PVC neuf, obligation dont l’entrée en vigueur est reportée de cinq ans pour le PVC souple;

Z. considérant que la limitation des dérogations n’apporte aucune réponse à la question des émissions de plomb lors de l’élimination finale des déchets, qui compte pour 95 % des émissions;

AA. considérant que le projet de règlement de la Commission exige en outre que les produits en PVC qui contiennent du PVC valorisé portent la mention «contient du PVC valorisé»; que le comité d’évaluation des risques (CER) de l’Agence a estimé que cette mention «ne suffit pas, à elle seule, pour distinguer les produits recyclés exempts de plomb de ceux qui en contiennent»[35];

AB. considérant que dans les faits, cette mention est trompeuse, car l’indication de la présence de matériau recyclé a une connotation positive, alors que, en l’occurrence, les produits recyclés peuvent contenir des quantités significatives de plomb par rapport aux produits fabriqués à partir de PVC exempt de plomb;

AC. considérant que cet étiquetage trompeur, qui place sous un jour favorable les produits à base de PVC valorisé, va à l’encontre de l’objectif du règlement REACH, qui est d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement;

AD. considérant que le projet de règlement de la Commission prévoit en outre un dispositif de certification à l’appui des allégations concernant l’origine recyclée du PVC afin de pouvoir distinguer les produits concernés de ceux fabriqués à partir de PVC vierge, qui doit être soumis à des valeurs limites différentes;

AE. considérant le recours à un niveau supplémentaire de certificats suscite des doutes quant à l’applicabilité de cette disposition et est donc contraire aux dispositions de l’annexe XV du règlement REACH, qui exige que la restriction soit réalisable, exécutable et gérable;

AF. considérant que le projet de règlement de la Commission exclut deux pigments à base de plomb de son champ d’application au motif qu’ils bénéficient d’une autorisation au titre du règlement REACH;

AG. considérant que le CER a explicitement reconnu que «les risques [...] s’appliqueraient de manière analogue aux composés de plomb qui n’ont pas été utilisés comme stabilisants»[36];

AH. considérant qu’il est difficile de déterminer l’identité et la fonction spécifiques des composés de plomb dans le PVC, comme le reconnaît explicitement le CER[37];

AI. considérant qu’une telle dérogation engendre donc des difficultés au regard de la mise en œuvre et qu’elle est, par conséquent, contraire aux dispositions de l’annexe XV du règlement REACH qui exigent que la restriction soit applicable, exécutable et gérable;

AJ. considérant en outre qu’une telle dérogation ne tient pas compte du jugement prononcé dans l’affaire T-837/16, qui a effectivement annulé l’autorisation de ces pigments à base de plomb;

AK. considérant que le projet de règlement de la Commission prévoit un délai de grâce de 24 mois pour, entre autres, permettre aux opérateurs «d’écouler leur stock»[38];

AL. considérant qu’il est contraire à l’objectif du règlement REACH, qui est d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, d’autoriser des importateurs à vendre des produits en PVC contenant des milliers de tonnes de plomb pendant encore 24 mois alors même que la fabrication de tels produits n’est plus autorisée dans l’Union;

AM. considérant qu’en 2001, le Parlement a estimé qu’il était «nécessaire de poursuivre les recherches, en ce qui concerne principalement le recyclage chimique qui permet de séparer le chlore des métaux lourds [...] de manière à augmenter le pourcentage des déchets de PVC recyclés»[39];

AN. considérant que ni l’Agence ni la Commission n’ont évalué la faisabilité d’un recyclage chimique ou d’un recyclage «matière première» des déchets de PVC permettant de séparer le plomb et de l’éliminer en toute sécurité; que de telles technologies sont disponibles, selon l’industrie du PVC[40],[41];

AO. considérant que la European Chemicals Industry Association plaide en faveur du recyclage chimique pour résoudre le problème des substances préoccupantes[42];

AP. considérant que, en résumé, le projet de règlement de la Commission arrive 18 ans trop tard et qu’il n’est pas compatible avec le but ou le contenu du règlement REACH à plusieurs égards, à savoir les dérogations pour le PVC valorisé, la mention à connotation positive à apposer sur le PVC recyclé malgré le plomb qu’il contient, la dérogation pour des pigments à base de plomb, ainsi que le long délai de grâce octroyé aux opérateurs;

AQ. considérant que la Commission a présenté le projet de règlement plus d’un an après la date limite fixée par le règlement REACH[43];

1. s’oppose à l’adoption du projet de règlement de la Commission;

2. considère que ce projet de règlement de la Commission n’est pas compatible avec le but et le contenu du règlement REACH;

3. demande à la Commission de retirer son projet de règlement et d’en soumettre un nouveau au comité sans tarder;

4. estime que la valorisation de déchets de PVC ne devrait pas se solder par le transfert de composés de plomb dans une nouvelle génération de produits;

5. demande à la Commission de modifier l’annexe au projet de règlement et d’en supprimer les points a) et b) du point 14, ainsi que les points 15, 16, 17 et 19, et de réduire le délai prévu au point 13 à six mois au maximum afin que la restriction puisse entrer en vigueur plus tôt encore que ne le prévoit le projet de règlement;

6. invite la Commission à respecter les délais fixés par le règlement REACH;

7. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.

 

Dernière mise à jour: 7 février 2020
Avis juridique - Politique de confidentialité