Proposition de résolution - B9-0311/2020Proposition de résolution
B9-0311/2020

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le projet de règlement de la Commission modifiant le règlement (CE) nº 1881/2006 en ce qui concerne les teneurs maximales en acrylamide dans certaines denrées alimentaires pour nourrissons et enfants en bas âge

2.10.2020 - (D067815/03 – 2020/2735(RPS))

déposée conformément à l’article 112, paragraphes 2 et 3 et paragraphe 4, point c), du règlement

Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire
Députés compétents: Jutta Paulus, Christel Schaldemose, Martin Hojsik, Eleonora Evi, Sirpa Pietikäinen, Mick Wallace

Procédure : 2020/2735(RPS)
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B9-0311/2020

Résolution du Parlement européen sur le projet de règlement de la Commission modifiant le règlement (CE) nº 1881/2006 en ce qui concerne les teneurs maximales en acrylamide dans certaines denrées alimentaires pour nourrissons et enfants en bas âge

(D067815/03 – 2020/2735(RPS))

Le Parlement européen,

 vu le projet de règlement de la Commission modifiant le règlement (CE) nº 1881/2006 en ce qui concerne les teneurs maximales en acrylamide dans certaines denrées alimentaires pour nourrissons et enfants en bas âge (D067815/03),

 vu le règlement (CEE) no 315/93 du Conseil du 8 février 1993 portant établissement des procédures communautaires relatives aux contaminants dans les denrées alimentaires[1], et notamment son article 2, paragraphe 3,

- vu le règlement (UE) 2017/2158 de la Commission du 20 novembre 2017 établissant des mesures d’atténuation et des teneurs de référence pour la réduction de la présence d’acrylamide dans les denrées alimentaires[2],

- vu l’avis scientifique sur l’acrylamide dans les aliments adopté par le groupe scientifique de l’EFSA sur les contaminants de la chaîne alimentaire (CONTAM) le 30 avril 2015, publié le 4 juin 2015[3],

 vu l’article 5 bis, paragraphe 3, point b), de la décision 1999/468/CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission[4],

 vu l’article 112, paragraphes 2 et 3 et paragraphe 4, point c), de son règlement,

 vu la proposition de résolution de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire,

Dispositions générales

A. considérant que l’acrylamide est un composé chimique présent dans les denrées alimentaires qui se forme à partir d’asparagine et de sucres libres, substances naturellement présentes dans les transformations à haute température comme la friture, la torréfaction et la cuisson;

B. considérant que les consommateurs sont exposés à l’acrylamide lorsqu’ils consomment des aliments produits industriellement, tels que les chips, le pain, les biscuits et le café, mais aussi quand ils cuisinent à la maison, par exemple en faisant griller du pain ou en cuisinant des frites;

C. considérant que les nourrissons, les enfants en bas âge et les autres enfants constituent la tranche d’âge la plus exposée en raison de leur poids corporel plus faible et qu’ils sont donc particulièrement vulnérables; qu’en raison du rapport plus élevé entre le poids du foie et celui du corps, il est établi que les enfants ont un métabolisme plus élevé, ce qui accroît la probabilité que le glycidamide (le métabolite de l’acrylamide, qui est produit par biotransformation) puisse se former à un rythme plus élevé chez les enfants, ce qui accroît la possibilité de toxicité de l’acrylamide chez les enfants[5];

Sécurité

D. considérant que, selon la classification et l’étiquetage harmonisés (CLP00) approuvés par l’Union, l’acrylamide est toxique en cas d’ingestion, peut provoquer des anomalies génétiques, peut causer le cancer, entraîne des lésions aux organes par exposition prolongée ou répétée, est nocif par contact avec la peau, provoque des irritations oculaires graves, est nocif par inhalation, est suspectée de nuire à la fertilité, provoque des irritations cutanées et peut entraîner une allergie cutanée; qu’en outre, la classification fournie par les entreprises à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) dans les enregistrements REACH indique que cette substance est suspectée de nuire à la fertilité ou au fœtus[6];

E. considérant qu’il a en outre été observé une dégénérescence du nerf périphérique et des terminaisons nerveuses dans certaines zones du cerveau liées à la mémoire, à l’apprentissage et aux fonctions cognitives[7];

F. considérant que l’avis scientifique du groupe CONTAM du 30 avril 2015 sur l’acrylamide dans les aliments[8] a recensé, à partir de toutes les données disponibles, quatre paramètres critiques possibles pour la toxicité de l’acrylamide, à savoir la neurotoxicité, les effets sur la reproduction masculine, la toxicité pour le développement et la cancérogénicité; que ledit groupe a également noté que l’acrylamide est un mutagène de cellules germinales et qu’il n’existe actuellement aucune procédure établie pour l’évaluation des risques utilisant ce critère; qu’il a plus spécifiquement confirmé ses évaluations antérieures selon lesquelles l’acrylamide dans les denrées alimentaires est susceptible d’accroître le risque de développer un cancer pour les consommateurs dans tous les groupes d’âge.

G. considérant que la toxicité de l’acrylamide avait déjà été reconnue en 2002 dans un rapport conjoint de la FAO et de l’OMS[9]; que l’acrylamide a été classé comme «cancérogène probable pour l’homme» par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC)[10], comme étant «raisonnablement susceptible d’être un carcinogène humain» par le National Toxicology Program (NTP) des États-Unis[11] et comme étant «susceptible d’être cancérogène pour l’homme» par l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA)[12];

H. considérant que les propriétés de l’acrylamide qui perturbent le système endocrinien font l’objet de plusieurs études scientifiques[13] et doivent être examinées d’urgence;

Principe de précaution

I. considérant que l’article 191, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE) définit le principe de précaution comme l’un des principes fondamentaux de l’Union;

J. considérant que l’article 168, paragraphe 1, du traité FUE précise qu’«[u]n niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union»;

Conditions juridiques particulières

K. considérant que l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement (CEE) no 315/93 dispose que la mise sur le marché de denrées alimentaires contenant une quantité inacceptable, du point de vue de la santé publique et en particulier sur le plan toxicologique, d’un contaminant est interdite, et que les teneurs en contaminants doivent en outre être maintenues aux niveaux les plus faibles que permettent raisonnablement de bonnes pratiques au cours de toutes les étapes de la production;

L. considérant que le règlement (UE) 2017/2158 impose aux exploitants du secteur alimentaire d’appliquer des mesures d’atténuation et de procéder à certaines actions visant à réduire la présence d’acrylamide dans certaines denrées alimentaires, de sorte que les teneurs en acrylamide restent inférieures aux «teneurs de référence», qui sont utilisées pour vérifier l’efficacité des mesures d’atténuation par échantillonnage et analyse;

M. considérant que les teneurs de référence fixées dans le règlement (UE) 2017/2158 s’appliquent depuis avril 2018 et doivent être réexaminés par la Commission tous les trois ans, et pour la première fois dans un délai de trois ans après l’entrée en application dudit règlement, dans le but d’établir des teneurs plus faibles[14];

N. considérant que les teneurs de référence font défaut pour plusieurs catégories de produits, telles que les chips de légumes, ou les crackers à base de riz, dont il a été prouvé qu’ils contenaient des teneurs élevées en acrylamide; que la recommandation (UE) 2019/1888 de la Commission[15] établit une liste non exhaustive de catégories de denrées alimentaires devant faire l’objet d’un suivi régulier de la présence d’acrylamide;

O. considérant que, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CEE) n315/93, la Commission peut éventuellement fixer des tolérances maximales pour certains contaminants, afin de protéger la santé publique; qu’aucune teneur maximale en acrylamide dans les denrées alimentaires n’a encore été fixée; que le considérant 15 du règlement (UE) 2017/2158 indique qu’en complément des mesures d’atténuation, la fixation de teneurs maximales en acrylamide dans certaines denrées alimentaires devrait être envisagée;

Le projet de règlement de la Commission

P. considérant que le projet de règlement de la Commission reconnaît l’importance de fixer des teneurs en acrylamide dans les denrées alimentaires à un niveau aussi bas que raisonnablement possible;

Q. considérant que le projet de règlement de la Commission propose de fixer des teneurs maximales pour deux catégories très spécifiques de denrées alimentaires uniquement, à savoir les «biscuits et biscottes pour nourrissons et enfants en bas âge» (150 µg/kg, ce qui correspond à la teneur de référence actuelle) et les «denrées alimentaires pour bébés, préparations à base de céréales destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, à l’exception des biscuits et des biscottes» (50 µg/kg, soit même 10 µg/kg de plus que la teneur de référence actuelle de 40 µg/kg);

R. considérant que les données relatives à la présence sur lesquelles la Commission a fondé son projet de règlement remontent à la période allant de 2015 à 2018; que, pour que le règlement (UE) 2017/2158 ait une incidence sur les teneurs en acrylamide des aliments, on peut raisonnablement s’attendre à ce que les fabricants de denrées alimentaires aient au moins respecté à présent la teneur de référence établie il y a trois ans;

Situation du marché et analyse du projet de règlement de la Commission

S. considérant que des recherches menées à l’automne 2018 par dix organisations de consommateurs dans toute l’Europe[16] ont montré que plusieurs produits qui ne relèvent pas des deux catégories visées par le projet de règlement de la Commission, tels que les biscuits et les gaufrettes, sont souvent consommés par des enfants de moins de trois ans; certains de ces produits sont manifestement commercialisés à l’intention des enfants (c’est-à-dire avec un emballage présentant des personnages de dessins animés qui plaisent aux enfants); que pour des produits tels que les crackers ou les céréales pour petit-déjeuner, on peut penser que la situation est similaire;

T. considérant que la teneur de référence pour les «biscuits et gaufrettes» (350 μg/kg) et la teneur de référence pour les «biscuits et biscottes pour nourrissons et enfants en bas âge» (150 μg/kg) diffèrent considérablement, sans que les parents soient informés de la différence de la teneur maximale en acrylamide visée;

U. considérant qu’il a également été constaté que, pour les biscuits et les gaufrettes, un tiers des produits testés atteignait ou dépassait la teneur de référence, et que, parmi les biscuits et les gaufrettes identifiés comme étant «fréquemment consommés par les enfants de moins de trois ans», près des deux tiers n’auraient pas satisfait à la teneur de référence fixée pour la catégorie «biscuits et biscottes pour nourrissons et enfants en bas âge»;

V. considérant qu’il n’est pas contesté que la présence d’acrylamide dans les denrées alimentaires peut être réduite au minimum par l’application de mesures d’atténuation appropriées[17]; que, dans toutes les catégories de denrées alimentaires, il s’est avéré possible de produire des produits à faible teneur en acrylamide[18];

W. considérant que, en ce qui concerne le projet de règlement de la Commission, tant les données issues des recherches menées auprès des consommateurs[19] en 2018 que celles provenant de la base de données de l’EFSA pour la période 2015-2018 montrent que des teneurs inférieures aux teneurs proposées de 150 μg/kg et 50 μg/kg ont été facilement obtenues par une très grande majorité de producteurs dans les deux catégories de denrées alimentaires; qu’on peut supposer que presque tous les produits peuvent respecter ces teneurs aujourd’hui; que des teneurs plus strictes sont donc nécessaires pour inciter à une réduction supplémentaire;

X. considérant que la fixation de teneurs maximales facilite clairement l’application des règles relatives à l’acrylamide par les États membres; que des teneurs maximales doivent néanmoins être fixées conformément au principe ALARA [«As low As Reasonable Achievable» (aussi faible que raisonnablement possible)] énoncé à l’article 2 du règlement (CEE) no 315/93;

Y. considérant qu’en conclusion, les teneurs proposées dans le projet de règlement de la Commission sont déjà facilement respectées par la plupart des produits présents sur le marché et que des teneurs inférieures se sont avérées réalisables sans que des efforts considérables soient nécessaires;

Considérations supplémentaires

Z. considérant que davantage de recherches pourraient aider à comprendre les raisons de la forte variabilité des teneurs en acrylamide au sein des catégories de denrées alimentaires et à définir des stratégies visant à réduire autant que possible la formation d’acrylamide;

AA. considérant qu’il est essentiel de contrôler l’efficacité des règles relatives à l’acrylamide; que cela implique que les États membres procèdent à des contrôles efficaces et fréquents et collectent des données sur la présence d’acrylamide;

AB. considérant que les campagnes d’information du public peuvent contribuer à sensibiliser les consommateurs aux produits dont la teneur en acrylamide est potentiellement plus élevée et à leur indiquer comment limiter l’exposition à l’acrylamide pendant la cuisson;

1. s’oppose à l’adoption du projet de règlement de la Commission;

2. considère que ce projet de règlement de la Commission n’est pas compatible avec le but et le contenu du règlement (CEE) no 315/93;

3. considère que le fait de continuer à autoriser des teneurs élevées en acrylamide dans les denrées alimentaires peut avoir des effets néfastes sur la santé des consommateurs européens; estime dès lors qu’il est extrêmement important d’abaisser les teneurs en acrylamide des denrées alimentaires;

4. estime que la teneur maximale proposée pour l’acrylamide dans la catégorie de denrées alimentaires «Aliments pour bébés, aliments transformés à base de céréales pour nourrissons et enfants en bas âge, à l’exclusion des biscuits et des biscottes» devrait être fixée en dessous, et certainement pas au-dessus, de la teneur de référence actuelle de 40 µg/kg;

5. estime que la teneur maximale proposée pour l’acrylamide dans la catégorie de denrées alimentaires «Biscuits et des biscottes pour nourrissons et enfants en bas âge» devrait être fixée en dessous, et certainement pas au-dessus, de la teneur de référence actuelle de 150 µg/kg;

6. demande à la Commission de fixer des teneurs maximales strictes non seulement pour les deux catégories de produits proposées dans le projet de règlement de la Commission, mais aussi pour d’autres catégories de produits, et de façon plus urgente pour les biscuits et les biscottes qui ne relèvent pas de la catégorie spécifique «biscuits et biscottes pour nourrissons et enfants en bas âge»;

7. attend avec intérêt la révision des teneurs de référence d’ici avril 2021, en vue de les abaisser; rappelle que les teneurs de référence doivent refléter la réduction continuelle de la présence d’acrylamide dans les denrées alimentaires et être axées sur les meilleurs résultats, afin d’inciter les fabricants à redoubler d’efforts;

8. salue la recommandation (UE) 2019/1888 concernant le suivi de la présence d’acrylamide dans certaines denrées alimentaires; insiste sur la nécessité de fixer rapidement des teneurs de référence (éventuellement suivies de teneurs maximales) pour les catégories de produits qui se révèlent contenir des teneurs élevées en acrylamide;

9. demande à la Commission et aux États membres d’intensifier la recherche sur la formation d’acrylamide dans les denrées alimentaires en vue de définir des stratégies visant à réduire autant que possible la formation d’acrylamide; demande à la Commission et aux États membres d’encourager la recherche sur les éventuelles propriétés de perturbation endocrinienne qu’ont l’acrylamide et le glycidamide;

10. invite les États membres à renforcer leurs capacités de contrôle des denrées alimentaires en vue de surveiller l’efficacité des règles relatives à l’acrylamide et à collecter, publier et transmettre à l’EFSA des données sur la présence d’acrylamide;

11. demande à la Commission et aux États membres de tenir le public au courant des catégories de produits dont la teneur en acrylamide est potentiellement plus élevée ainsi que des stratégies visant à limiter l’exposition à l’acrylamide pendant la cuisson;

12. demande à la Commission de retirer son projet de règlement et d’en soumettre un nouveau à la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire;

13. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.

 

Dernière mise à jour: 5 octobre 2020
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