Proposition de résolution - B9-0400/2021Proposition de résolution
B9-0400/2021

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation au Nicaragua

6.7.2021 - (2021/2777(RSP))

déposée à la suite d’une déclaration du vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur

Leopoldo López Gil, Michael Gahler, David McAllister, Antonio Tajani, Paulo Rangel, Juan Ignacio Zoido Álvarez, Gabriel Mato, Francisco José Millán Mon, Antonio López-Istúriz White, Isabel Wiseler-Lima
au nom du groupe PPE

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0400/2021

Procédure : 2021/2777(RSP)
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B9-0400/2021
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B9-0400/2021

Résolution du Parlement européen sur la situation au Nicaragua

(2021/2777(RSP))

Le Parlement européen,

 vu ses résolutions précédentes sur le Nicaragua, et en particulier celles du 19 décembre 2019, sur la situation des droits de l’homme et de la démocratie au Nicaragua[1], et du 8 octobre 2020, relative à la loi nicaraguayenne sur les «agents étrangers»[2],

 vu l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part[3],

 vu la déclaration du 10 juin 2021 du haut représentant, au nom de l’Union européenne, sur la détérioration de la situation politique au Nicaragua, la déclaration du 6 mai 2021 de son porte-parole sur la nouvelle loi électorale et la déclaration commune de 59 pays sur le Nicaragua lors de la 47e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, qui s’est tenue le 22 juin 2021,

 vu la déclaration du 28 mai 2021 du porte-parole de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme sur le Nicaragua et les informations actualisées présentées oralement par Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, lors de la 47e session du Conseil des droits de l’homme du 22 juin 2021 sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua,

 vu la déclaration du secrétariat général de l’Organisation des États américains (OEA) du 6 mai 2021 sur l’élection des magistrats du Conseil électoral suprême et la réforme électorale au Nicaragua, ainsi que la résolution de l’OEA du 15 juin 2021 sur la situation au Nicaragua,

 vu les déclarations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, les bulletins publiés par le mécanisme spécial de suivi pour le Nicaragua (MESENI) et les observations de la commissaire Antonia Urrejola, présidente de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, lors de la session extraordinaire du Conseil permanent de l’OEA du 23 juin 2021 sur la situation au Nicaragua,

 vu le chapitre sur le Nicaragua du rapport annuel de l’UE sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde en 2020, adopté par le Conseil le 21 juin 2021,

 vu les conclusions du Conseil du 21 janvier 2019 sur le Nicaragua et les actes ultérieurs adoptés à la suite de celles-ci, à savoir le règlement (UE) 2019/1716 du Conseil du 14 octobre 2019[4], modifié par le règlement d’exécution (UE) 2020/606 du Conseil du 4 mai 2020[5], et la décision (PESC) 2019/1720 du Conseil du 14 octobre 2019[6], modifié par la décision (PESC) 2020/607 du Conseil du 4 mai 2020[7] et la décision (PESC) 2019/1467 du Conseil du 12 octobre 2020[8] concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Nicaragua,

 vu le règlement (UE) 2020/1998 du Conseil[9] et la décision (PESC) 2020/1999 du Conseil du 7 décembre 2020 concernant des mesures restrictives en réaction aux graves violations des droits de l’homme et aux graves atteintes à ces droits[10],

 vu le pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques,

 vu la Constitution du Nicaragua,

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que la situation des droits de l’homme et de la démocratie au Nicaragua s’est encore gravement détériorée à la suite de la répression violente des manifestations civiles en avril 2018; que depuis avril 2021, à l’occasion du troisième anniversaire des manifestations de grande ampleur survenues en avril 2018, au moins 124 personnes ont été privées de liberté pour des raisons politiques, tandis que les opposants du gouvernement et leurs familles sont confrontés à un risque permanent de harcèlement, aussi bien en personne que sur internet, de la part de la police et des partisans du gouvernement; que les détenus sont victimes de mauvais traitements en prison, se voient refuser des soins médicaux ainsi que l’accès à leurs avocats, et font l’objet d’attaques et d’agressions sexuelles, tandis que les personnes qui protestent contre le gouvernement sont placées dans des cellules à sécurité maximale, où elles sont confrontées à une surveillance renforcée, à des fouilles et à l’isolement; que la situation des femmes et des adultes âgés privés de liberté est particulièrement préoccupante;

B. considérant qu’en raison de la situation actuelle, plus de 108 000 Nicaraguayens ont été contraints de fuir et de demander l’asile dans les pays voisins depuis 2018, dont les trois quarts ont cherché refuge au Costa Rica;

C. considérant que le 4 mai 2021, l’Assemblée nationale du Nicaragua a adopté une réforme de la loi électorale 331, qui intègre les lois punitives récemment adoptées et qui ont été condamnées par le Parlement européen; que la réforme susmentionnée englobe également des dispositions qui restreignent la concurrence électorale et l’exercice des droits politiques, qui limitent encore plus la participation de l’opposition politique démocratique, et qui entravent les libertés publiques en violation des normes internationales et, en particulier, le droit de participer à la conduite des affaires publiques, la liberté d’association, la liberté d’expression, le droit de contestation sociale et le droit de défense des droits, parmi d’autres; que ces réformes électorales ne tiennent pas compte des demandes de l’opposition, de la société civile et de la communauté internationale;

D. considérant que, ces dernières années, le gouvernement nicaraguayen a adopté des lois de plus en plus restrictives, telles que la loi sur la réglementation des agents étrangers, la loi spéciale contre la cybercriminalité, la loi contre les crimes de haine, la loi sur les droits du peuple à l’indépendance, à la souveraineté et à l’autodétermination pour la paix et la loi modifiant le code de procédure pénale, qui a porté la période d’enquête à 90 jours au lieu des 48 heures fixées par la Constitution; que ces lois institutionnalisent la répression et rendent légaux les agissements commis dans le pays depuis leur adoption;

E. considérant que le nouveau Conseil électoral suprême (CES) est un organe qui supervise et administre le processus électoral au Nicaragua; que ce processus doit être confié à un organe impartial, indépendant et transparent qui défend les principes démocratiques et l’exercice effectif et pluraliste des droits civils et politiques de la population; que les membres du CES ont été nommés par l’Assemblée nationale du Nicaragua, laquelle est étroitement contrôlée par Ortega; que cela fait du CES un organe partial et non transparent et érode encore plus la dynamique politique; que ces nominations, ainsi que les récentes réformes électorales, ne sont pas le résultat du dialogue entre le gouvernement et les groupes d’opposition, que l’Union européenne et la communauté internationale ont appelé de leurs vœux à plusieurs reprises, mais ont été imposées par la majorité au pouvoir;

F. considérant que ces dernières semaines, les autorités nicaraguayennes ont dissous deux partis politiques en dehors du cadre légal, en recourant à des procédés contraires aux normes internationales; que la dissolution de partis politiques et l’ouverture d’enquêtes pénales à motivation politique pouvant conduire à la disqualification de candidats de l’opposition démocratique portent atteinte non seulement au droit d’éventuels candidats de se présenter aux élections, mais aussi au droit des électeurs d'élire les candidats de leur choix; que ces mesures, conjuguées à l’instrumentalisation politique du système judiciaire, vont à l’encontre des principes démocratiques fondamentaux et constituent une violation grave des droits conférés aux citoyens nicaraguayens par la Constitution nicaraguayenne et le droit international;

G. considérant que, depuis le début du mois de juin 2021, au moins 20 membres de l’opposition, dont cinq candidats à l’élection présidentielle, deux dirigeants syndicaux et trois dirigeants politiques, ont été arrêtés de manière arbitraire sur la base de qualifications pénales ambiguës et à motivation politique, sans aucune preuve, en violation grave des garanties procédurales; que des dizaines d’opposants de premier plan font état d’un harcèlement systématique et vivent sous la menace constante d’intimidations, puisque la police stationne presque en permanence devant leurs domiciles ou les suit dans la rue, les empêchant ainsi de se déplacer librement;

H. considérant que le harcèlement constant des médias indépendants restreint le droit à la liberté d’expression et porte atteinte au droit du public d’être dûment informé; que la liberté d’expression, aussi bien en ligne que hors ligne, est essentielle pour toute démocratie et en tout temps, mais qu’elle revêt une importance capitale en période électorale;

I. considérant que cette évolution inquiétante, orchestrée par le gouvernement nicaraguayen, montre que le régime s’oriente toujours davantage vers l’autoritarisme en ce qu’il restreint l’espace dévolu à la démocratie, à la concorde nationale et à la médiation internationale en vue d’une solution pacifique au conflit et empêche clairement la tenue d’élections libres et régulières le 7 novembre 2021;

J. considérant que presque aucune des recommandations adressées à l’État du Nicaragua par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme n’a été suivie;

K. considérant que selon certaines allégations, le Nicaragua blanchirait de l’or provenant de la Compañía General de Minería de Venezuela, qui a été inscrite sur la liste des personnes sanctionnées par le Bureau américain du contrôle des avoirs étrangers pour des opérations illicites; que la réforme du droit de la consommation (loi 842) adoptée par l’Assemblée nationale nicaraguayenne oblige les banques à ouvrir des comptes en banque pour les membres de la famille de personnes sanctionnées par le gouvernement des États-Unis et par d’autres pays et accusées de corruption, de blanchiment de capitaux et d’atteintes aux droits de l’homme;

1. exprime sa solidarité avec la population du Nicaragua et condamne tous les actes de répression des autorités nicaraguayennes contre les membres des partis d’opposition, les journalistes et autres travailleurs des médias, les étudiants, les populations autochtones, les défenseurs des droits de l’homme et la société civile, ainsi que les membres de leur famille, et en particulier les décès qui en ont résulté; demande qu’il soit immédiatement mis un terme à l’imposition de mesures restrictives, à la répression et aux violations des droits de l’homme, et que le gouvernement nicaraguayen soit tenu responsable des graves violations qu’il a commises depuis 2018;

2. demande la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques détenus arbitrairement, y compris les candidats potentiels à la présidence Cristiana Chamorro, Arturo Cruz, Félix Maradiaga, Juan Sebastián Chamorro et Miguel Mora, les dirigeants politiques José Pallais, José Adan Aguerri, Dora María Téllez, Hugo Torres, Víctor Hugo Tinoco, Violeta Granera, Ana Margarita Vijil, Suyén Barahona et Pedro Joaquín Chamorro et les autres militants de l’opposition; demande en outre que soient respectées les garanties juridiques fondamentales, ainsi que leurs droits fondamentaux, civils et politiques; rappelle que les personnes en exil doivent recevoir toutes les assurances nécessaires pour pouvoir retourner dans leur pays;

3. demande au gouvernement nicaraguayen de lever ce qui constitue de facto un état de siège, de respecter le rôle de la police nationale en tant que force non politique, non partisane et non délibérative, de désarmer les forces paramilitaires, de respecter les accords signés avec l’Alliance civique et de rétablir les droits des citoyens; demande une nouvelle fois au gouvernement de permettre aux organisations de la société civile de travailler dans un environnement sûr et favorable, sans crainte de représailles;

4. réitère son appel en faveur du rétablissement d’un dialogue sans exclusive et de la démocratie, qui constituent la seule solution pacifique pour sortir de la crise politique, économique et sociale au Nicaragua; souligne la nécessité d’adopter des réformes dans un esprit d’ouverture et de transparence;

5. prie instamment les autorités nicaraguayennes de modifier la loi électorale conformément aux paramètres internationaux exigés par l’OEA dans sa résolution du 21 octobre 2020, de nommer des personnes impartiales au sein des différentes structures électorales, de rétablir le statut juridique des partis qui en ont été privés, de respecter le droit des Nicaraguayens d’élire leurs représentants et d’être élus, et de garantir la présence sans restriction d’organismes nationaux et internationaux d’observation électorale tout en s’engageant à la coexistence politique après les élections; souligne que, pour que les élections et le gouvernement qui les remportera soient reconnus, il est nécessaire de procéder aux changements demandés par l’OEA et les organisations internationales et, en particulier, de rétablir les droits et les libertés permettant un processus électoral libre, crédible et équitable; conclut qu’en l’absence de telles réformes, le Parlement européen ne saurait reconnaître les résultats des élections;

6. condamne l’adoption et la mise en œuvre de lois restrictives et punitives, et demande leur abrogation immédiate; souligne que ces lois vont à l’encontre des droits et libertés des citoyens nicaraguayens consacrés par la Constitution de la République du Nicaragua, la charte démocratique interaméricaine et d’autres traités internationaux dont le Nicaragua est signataire; rejette le recours abusif aux institutions et aux lois par le gouvernement autoritaire du Nicaragua dans l’intention de criminaliser les organisations de la société civile et les opposants politiques;

7. demande une nouvelle fois aux autorités nicaraguayennes de permettre un accès sans entrave au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), à la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), au groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (GIEI), au mécanisme spécial de suivi pour le Nicaragua (MESENI), aux organisations internationales de la société civile et aux institutions européennes afin de garantir le respect des droits de l’homme au Nicaragua;

8. invite le groupe d’action financière (GAFI) à mettre en place la coordination nécessaire avec le Bureau du contrôle des avoirs étrangers pour garantir la sécurité financière internationale face aux opérations illicites liées au régime Ortega-Murillo et à ses collaborateurs, ainsi qu’à leurs relations commerciales et à leurs actifs dans les pays européens; souligne que le Nicaragua se trouve sur la liste noire du GAFI depuis octobre 2020;

9. demande que le Conseil étende rapidement la liste des personnes et entités à sanctionner et y inscrive notamment le président et la vice-présidente du Nicaragua ainsi que leur cercle rapproché, en veillant tout particulièrement à ne pas nuire au peuple nicaraguayen; rappelle qu’à la lumière de l’accord d’association entre l’Union européenne et les pays d’Amérique centrale, le Nicaragua doit respecter et consolider les principes de l’état de droit, de la démocratie et des droits de l’homme, et demande de nouveau instamment que, compte tenu de la situation actuelle, il soit recouru à la clause démocratique de l’accord d’association;

10. invite le secrétariat du Système d’intégration centraméricain (SICA) et ses États membres à participer activement à la défense, à la protection et à la promotion des droits de l’homme et de la démocratie au Nicaragua, comme le prévoient le protocole de Tegucigalpa de 1991 et le traité-cadre de 1995 sur la sécurité démocratique en Amérique centrale, dont l’article 1er dispose que la démocratie est basée sur l’existence de gouvernements élus au suffrage universel, libre et secret et sur le respect illimité de tous les droits de l’homme dans les États formant la région de l’Amérique centrale;

11. salue et appuie les efforts et le travail positif réalisés par la délégation de l’Union au Nicaragua dans un environnement extrêmement complexe et demande à sa Conférence des présidents d’envoyer une mission d’enquête au Nicaragua afin d’évaluer la situation des droits de l’homme et la situation politique dans ce pays;

12. rappelle que, dans sa résolution du 14 mars 2019, il a demandé qu’Alessio Casimirri, qui vit toujours à Managua sous la protection du gouvernement nicaraguayen, soit immédiatement extradé vers l’Italie, où il doit purger six condamnations définitives à perpétuité pour sa participation avérée, le 16 mars 1978 à Rome, à l’enlèvement et à l’assassinat de l’ancien Premier ministre et chef du parti «Démocratie chrétienne» Aldo Moro et au meurtre de ses agents de sécurité;

13. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu’au secrétaire général de l’Organisation des États américains, à l’Assemblée parlementaire euro‑latino‑américaine, au Parlement d’Amérique centrale, au groupe de Lima et au gouvernement et au Parlement de la République du Nicaragua.

 

 

Dernière mise à jour: 7 juillet 2021
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