Proposition de résolution - B9-0408/2021Proposition de résolution
B9-0408/2021

B9-0408/2021

Procédure : 2021/2788(RSP)
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Document de séance

 

<NoDocSe>B9-0408/2021</NoDocSe>

<Date>{05/07/2021}6.7.2021</Date>

<TitreType>PROPOSITION DE RÉSOLUTION</TitreType>

<TitreSuite>déposée à la suite d’une déclaration du vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité</TitreSuite>

<TitreRecueil>conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur</TitreRecueil>

<Titre>sur la répression de l’opposition en Turquie, en particulier le parti démocratique des peuples (HDP)</Titre>

<DocRef>(2021/2788(RSP))</DocRef>

<RepeatBlock-By><Depute>Anna Fotyga, Adam Bielan, Valdemar Tomaševski, Witold Jan Waszczykowski, Eugen Jurzyca</Depute>

<Commission>{ECR}au nom du groupe ECR</Commission></RepeatBlock-By>

B9-0408/2021

Résolution du Parlement européen sur la répression de l’opposition en Turquie, en particulier le parti démocratique des peuples (HDP)

(2021/2788(RSP))

Le Parlement européen,

 vu ses résolutions précédentes sur la Turquie, et notamment sa résolution du 19 septembre 2019 sur la situation en Turquie, notamment le limogeage de maires élus[1], et celle du 19 mai 2021 relative aux rapports 2019-2020 de la Commission sur la Turquie[2],

 vu les conclusions adoptées par le Conseil européen du 25 juin 2021,

 vu l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 20 novembre 2018 dans l’affaire Selahattin Demirtaș/Turquie,

 vu la convention européenne des droits de l’homme et le pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels la Turquie est partie,

 vu la déclaration universelle des droits de l’homme,

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant qu’au cours de la campagne qu’il mène depuis 40 ans contre la Turquie, le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) a été responsable de la mort d’au moins 40 000 personnes, dont des femmes et des enfants; que le PKK est inscrit sur la liste des organisations terroristes par la Turquie, l’Union européenne, les États-Unis et de nombreux autres pays;

B. considérant que le procureur général de la Cour suprême d’appel a procédé à une mise en accusation de 850 pages devant la Cour constitutionnelle contre le Parti démocratique des peuples (HDP), qui a ensuite été envoyée à la Cour suprême, également appelée Cour de cassation; qu’il est demandé dans cet acte une peine d’inéligibilité de près de 500 des membres de ce parti et la suspension de son compte bancaire; que, selon le procureur, cette demande se base sur des déclarations et actions du HDP contraires aux principes démocratiques et universels du droit, et parce que les accusés auraient pactisé avec l’organisation terroriste du PKK et ses organisations affiliées et auraient contribué à son développement;

C. considérant que la Cour constitutionnelle a procédé à un premier examen de l’acte d’accusation révisé et l’a accepté à l’unanimité; que le procureur général a fondé la plupart de ses accusations sur les manifestations de Kobane, pour lesquelles une procédure judiciaire est en cours à l’encontre des responsables politiques du HDP, dont les anciens coprésidents emprisonnés, Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ; que ces accusations étaient principalement fondées sur un tweet du 6 octobre 2014 par lequel le bureau exécutif central du HDP invitait les citoyens contre Daech et contre l’embargo de la Turquie sur Kobane en solidarité avec les habitants de cette ville; qu’il y a 108 accusés du HDP dans le «procès de Kobane»; que 28 d’entre eux ont été arrêtés dans l’attente d’un procès, que six font l’objet d’un contrôle judiciaire et que 75 mandats d’arrêt ont été émis;

D. considérant que, le 30 juin 2021, les procureurs du ministère de la justice ont soumis à la commission parlementaire mixte chargée des questions constitutionnelles et de justice de la Grande Assemblée nationale turque des résumés de procédures judiciaires engagées en vue de lever l’immunité législative de 20 responsables politiques de six partis d’opposition; que ces procédures visent 15 députés du HDP, le chef du Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kılıçdaroğlu et un responsable de chacun des autres partis de l’opposition, à savoir le Parti régional démocratique (DBP), le İYİ, le Parti des travailleurs de Turquie (TİP) et le Parti démocrate (DP);

E. considérant qu’en Turquie, la dissolution des partis politiques est décidée par la Cour constitutionnelle, sur la base d’un acte d’accusation déposé par le bureau du procureur général auprès de la Cour suprême; que les 15 membres de la Cour constitutionnelle peuvent, en fonction de la gravité des actes commis, décider de supprimer partiellement ou complètement les aides d’État dont un parti bénéficie au lieu de la dissoudre définitivement;

F. considérant que la dissolution des partis politiques, en particulier des partis pro-kurdes, n’est pas exceptionnelle en Turquie; que la dissolution des partis politiques est une mesure juridique appliquée dans toutes les démocraties, qui doit être mise en œuvre conformément aux dispositions de la Constitution et de la loi et fondée sur des preuves manifestes que cette démarche radicale est nécessaire et justifiée; qu’à ce jour, la Cour constitutionnelle a dissous six partis politiques pro-kurdes;

G. considérant que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé à plusieurs reprises que la dissolution de partis politiques violait le droit d’association prévu à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme;

H. considérant que le HDP, troisième parti politique de Turquie, a été accusé par le gouvernement turc d’avoir des liens directs avec le PKK;

J. considérant que le changement constitutionnel temporaire adopté par le parlement turc en mai 2016 a permis la levée de l’immunité puis l’emprisonnement de députés du HDP, du CHP, du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir et du Parti d’action nationaliste (MHP);

K. considérant que ces députés ont été jugés pour «appartenance à une organisation terroriste», «diffusion de propagande terroriste» et de nombreux autres crimes; que, d’après les ONG chargées de suivre les procès, la plupart des éléments de preuve présentés par le ministère public était des discours et des activités normales pour des responsables politiques;

L. considérant que, le 17 juin 2021, Deniz Poyraz, employée du HDP, a été brutalement assassinée dans les bureaux de ce parti à İzmir; que ces bureaux connaissaient des alertes depuis des mois et que des responsables locaux du parti avaient prévenu la police et le gouvernorat des risques d’une attaque, mais que la police n’avait pris aucune mesure; que les groupes qui ont mené ces attaques contre les locaux du HDP ont été encouragés à agir par le gouvernement; que le jeudi 1er juillet 2021, les partis turcs de la majorité et de l’opposition ont condamné l’attentat perpétré contre les bureaux pro-kurdes du HDP à İzmir, et qu’Onur Gencer, assassin de l’employé du parti, Deniz Poyraz, a été arrêté pour «meurtre avec préméditation» à peine 24 heures après l’incident; que l’enquête a été critiquée et qualifiée de superficielle du fait de cette arrestation rapide et du fait qu’une trace de balle n’ait pas été remarquée sur la scène de crime; que, le 21 juin 2021, le HDP et les avocats de Mme Poyraz ont présenté au parquet une pétition de dix pages et 38 articles pour demander que l’enquête soit menée de façon efficace; que l’assassinat de Mme Poyraz ne devrait pas être considéré comme un crime de haine isolé, mais comme le fruit de tensions politiques;

M. considérant que la Turquie persiste à ne pas respecter l’arrêt contraignant du 20 novembre 2018 de la Cour européenne des droits de l’homme et confirmé le 22 décembre 2020 par l’arrêt de sa grande chambre, appelant les autorités turques à libérer immédiatement M. Demirtaş;

N. considérant que, le 21 juin 2021, la Cour constitutionnelle turque a accepté un acte d’accusation révisé déposé par Bekir Sahin, procureur général de la Cour suprême d’appel, demandant la fermeture du HDP pour ses liens présumés avec l’organisation terroriste du PKK;

O. considérant que, dans ses conclusions du 25 juin 2021, le Conseil européen déclare que le ciblage des partis politiques constitue un recul des droits de l’homme et va à l’encontre des obligations de la Turquie vis-à-vis du respect de la démocratie et de l’état de droit, et que le dialogue sur cette question reste un élément central des relations entre l’Union et la Turquie;

P. considérant que les détracteurs du président Erdoğan l’ont accusé d’instrumentaliser la justice pour réprimer les dissidents politiques critiques à l’égard du gouvernement et de l’AKP, parti conservateur au pouvoir; que, depuis le coup d’État de 2016, le gouvernement turc a pris des mesures à plusieurs reprises pour affaiblir les groupes et partis d’opposition; que des responsables politiques de l’opposition ont également fait l’objet d’expéditions punitives ces dernières années;

Q. considérant que les combattants kurdes/terroristes, y compris des membres du PKK, des Unités de protection du peuple (YPG) et des Forces kurdes de libération d’Afrin (HRE), qui sont des groupes bien formés et organisés, ont récemment intensifié leurs attaques contre l’armée turque dans la région;

R. considérant que le processus de paix kurde lancé en 2013, qui visait à résoudre les différends de façon pacifique et politique entre les deux parties, s’est effondré lorsque le gouvernement turc s’est montré incapable de conclure un accord avec le parti de l’Union démocratique (PYD), émanation syrienne du PKK;

1. rappelle l’importance d’entretenir avec la Turquie de bonnes relations, basées sur des valeurs communes, le respect des droits de l’homme, l’état de droit, les élections libres et démocratiques les libertés fondamentales et le droit universel à un procès équitable;

2. souligne que toute interdiction de parti politique doit se fonder sur des éléments de preuve solides pouvant justifier cette mesure et invite les autorités turques à fournir ces éléments; rappelle à cet égard les liens présumés entre le HDP et le PKK, inscrit sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne;

3. considère que la dissolution d’un parti modéré risque de nourrir la violence et les velléités terroristes parmi les Kurdes, et qu’elle est contraire à la nécessité de pluralisme et d’intégration de cette population, qui a le droit d’élire ses représentants au Parlement turc;

4. demande à la Turquie de garantir le pluralisme et de respecter les libertés d’association et d’expression conformément aux protection des droits établies proclamées dans la Constitution turque et aux obligations internationales de la Turquie;

5. se déclare préoccupé par l’utilisation récurrente de la révocation du statut parlementaire des députés de l’opposition et demande instamment aux autorités turques de veiller à ce que toutes les personnes bénéficient de garanties procédurales et aient le droit de voir leur affaire entendue par un tribunal indépendant qui puisse garantir l’accès à des recours juridiques conformément aux normes internationales;

6. déplore le non-respect par la Turquie des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Selahattin Demirtaş et le maintien en détention de ce dernier et demande sa libération immédiate;

7. souligne la nécessité de relancer le processus de paix kurde;

8. est préoccupé par la pression croissante exercée sur les partis d’opposition, dont le Parti républicain du peuple (CHP);

9. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi qu’au président, au gouvernement et au Parlement de Turquie.

 

[1] JO C 171 du 6.5.2021, p. 8.
[2] Textes adoptés de cette date, P9_TA(2021)0243.
Dernière mise à jour: 7 juillet 2021
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