PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la liberté des médias et la nouvelle détérioration de l’état de droit en Pologne
14.9.2021 - (2021/2880(RSP))
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur
Jadwiga Wiśniewska, Mazaly Aguilar, Sergio Berlato, Adam Bielan, Joachim Stanisław Brudziński, Jorge Buxadé Villalba, Carlo Fidanza, Raffaele Fitto, Ladislav Ilčić, Patryk Jaki, Krzysztof Jurgiel, Karol Karski, Beata Kempa, Izabela-Helena Kloc, Elżbieta Kruk, Zbigniew Kuźmiuk, Ryszard Antoni Legutko, Beata Mazurek, Tomasz Piotr Poręba, Nicola Procaccini, Elżbieta Rafalska, Bogdan Rzońca, Jacek Saryusz-Wolski, Beata Szydło, Dominik Tarczyński, Hermann Tertsch, Grzegorz Tobiszowski, Valdemar Tomaševski, Witold Jan Waszczykowski, Kosma Złotowski, Raffaele Stancanelli, Anna Zalewska
au nom du groupe ECR
B9-0463/2021
Résolution du Parlement européen sur la liberté des médias et la nouvelle détérioration de l’état de droit en Pologne
Le Parlement européen,
– vu les articles 2, 7 et 19 du traité sur l’Union européenne (traité UE),
– vu les articles 167 et 173 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE),
– vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après dénommée «charte»), et notamment son article 11,
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que la Constitution polonaise garantit la liberté de la presse (article 14) et la liberté d’expression, et qu’elle interdit la censure (article 54);
B. considérant que le principe de la liberté de la presse est étroitement lié à la liberté d’expression (article 54), élevée au rang de principe constitutionnel;
C. considérant que la procédure d’octroi de licences pour la diffusion de programmes de radio et de télévision est régie par la loi sur la radiodiffusion du 29 décembre 1992; considérant que, conformément à la loi sur la radiodiffusion, la diffusion de programmes de radio et de télévision nécessite une licence, laquelle est accordée par décision du président du Conseil national de radiodiffusion sur la base d’une résolution du Conseil national;
D. considérant que, conformément à la Constitution polonaise, les membres du Conseil national de radiodiffusion sont nommés par la Diète, le Sénat et le président de la République et qu’ils ne peuvent pas appartenir à un parti politique ou à un syndicat ni exercer des activités publiques incompatibles avec leur fonction;
E. considérant que, conformément à la loi sur la radiodiffusion, tous les radiodiffuseurs opérant en Pologne, y compris les radiodiffuseurs publics, élaborent leurs programmes de manière indépendante; considérant qu’aucun organe de l’administration publique ne peut influencer les décisions en matière de programmation ou de dotation en personnel des radiodiffuseurs publics;
F. considérant que la loi sur la radiodiffusion exige, en vertu de son article 35, que la radiodiffusion et la télévision en Pologne soient majoritairement détenues et contrôlées par des entités de l’Espace économique européen; considérant que les radiodiffuseurs en Pologne ne peuvent pas être détenus à plus de 49 % par des entités extérieures à l’Union européenne; considérant que ces exigences ne sont pas propres à la Pologne et qu’elles sont par exemple également appliquées en Autriche et en France;
G. considérant que le projet de loi modifiant la loi sur la radiodiffusion, actuellement examiné par le Parlement polonais, vise à clarifier la réglementation permettant au Conseil national de radiodiffusion de lutter efficacement contre la possibilité que des entités extérieures à l’Union prennent le contrôle des radiodiffuseurs, en particulier des entités de pays représentant une menace significative pour la sécurité de l’État;
H. considérant que la législation française prévoit qu’une licence pour la diffusion terrestre de programmes en français ne peut être accordée à une société dont plus de 20 % du capital social ou des droits de vote sont détenus par des ressortissants étrangers, sauf dans le cas d’obligations internationales de la France; que la législation française prévoit également un certain nombre de règles au cas par cas précisant la concentration de l’activité des médias interdite par la loi;
I. considérant qu’en vertu du droit allemand, une licence de radiodiffusion pour un programme national ne peut être accordée qu’à une entité résidant ou établie en Allemagne, dans l’Union européenne ou dans l’EEE; qu’en droit allemand, l’origine du capital du propriétaire d’un support donné n’est pas pertinente, mais que la localisation de son siège est importante;
J. considérant que l’achat d’actions Polska Press par PKN Orlen S.A. est l’une des nombreuses transactions qui ont eu lieu ces dernières années sur le marché polonais des médias; que les changements de propriété dans les médias sont assez fréquents et n’affectent pas l’évaluation de la liberté des médias et de la liberté d’expression garantie par la Constitution de la République de Pologne; que les décisions de l’entreprise sont prises par le conseil d’administration de la société et non par ses propriétaires; que l’opération en question a été évaluée par l’Office de la concurrence et de la protection des consommateurs, qui n’a décelé aucune menace pour le secteur des médias en Pologne;
K. considérant que le principe d’attribution régit la délimitation des compétences de l’Union, ce qui signifie que toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres;
L. considérant que l’article 2 du traité UE ne confère pas de compétence matérielle à l’Union, mais se limite à énumérer certaines valeurs que les institutions de l’Union et ses États membres doivent respecter lorsqu’ils agissent dans les limites des attributions conférées à l’Union par les traités, sans dépasser ces limites;
M. considérant que la formulation et la mise en œuvre de politiques relatives à la santé et à l’éducation sexuelles, à la reproduction et à l’avortement relèvent de la compétence législative des États membres;
N. considérant que seul l’article 7 du traité UE prévoit que l’Union est compétente pour contrôler l’application de l’état de droit en tant que valeur de l’Union dans un contexte qui n’est pas lié à une compétence matérielle spécifique ou qui dépasse son champ d’application;
O. considérant que l’article 7 du traité UE n’établit pas une base permettant de développer ou de modifier la procédure y décrite;
P. considérant que la compétence de la Cour de justice en matière d’état de droit est limitée au seul examen du respect des prescriptions de procédure prévues par l’article 7 du traité UE, et uniquement à la demande de l’État membre concerné;
Q. considérant que les institutions de l’Union ne sont pas fondées à adopter une définition, quelle qu’elle soit, des valeurs énumérées à l’article 2 du traité UE, en particulier de la notion d’état de droit, car cette compétence ne leur a pas été conférée par les traités;
R. considérant que, en l’absence de cette compétence, les institutions enfreindraient les traités si elles adoptaient cette définition qui, au surplus, serait contraire aux traités;
S. considérant que le Tribunal constitutionnel polonais a reconnu la supériorité des dispositions nationales de rang constitutionnel par rapport au droit de l’Union depuis l’adhésion de la République de Pologne à l’Union européenne; considérant que, dans son arrêt du 11 mai 2005, le Tribunal constitutionnel polonais a indiqué que l’existence d’une autonomie relative des ordres juridiques fondée sur leurs propres principes hiérarchiques internes n’empêche pas les interactions ou les conflits et que, en cas d’incompatibilité entre une norme constitutionnelle et une norme du droit de l’Union ne pouvant être résolue par une interprétation respectant l’autonomie relative du droit de l’Union et du droit national, le système juridique polonais ne saurait en aucun cas résoudre cette contradiction en reconnaissant la suprématie de la norme européenne sur la norme constitutionnelle nationale, en acceptant qu’une norme constitutionnelle perde son caractère obligatoire et soit remplacée par une norme européenne, ou en limitant le champ d’application de cette norme à un domaine non couvert par le droit de l’UE; que le Tribunal constitutionnel polonais a également exprimé son avis en ce sens dans ses décisions du 24 novembre 2010 et du 16 novembre 2011; qu’aucun de ces arrêts n’a été contesté par les organes de l’Union;
T. considérant que certaines décisions des cours constitutionnelles d’autres États membres vont également dans le sens de la supériorité du droit national sur le droit de l’Union;
1. souligne que la liberté et le pluralisme des médias sont des éléments essentiels d’un débat libre et ouvert, et à ce titre des piliers de la démocratie moderne; relève que certains États membres font état de problèmes sur le marché des médias, souvent liés à la pandémie;
2. considère qu’en Pologne la liberté des médias est bien protégée et que toutes les garanties sont en place;
3. constate que toutes les opinions ont droit de cité dans l’espace médiatique et qu’aucun point de vue n’est limité, de sorte que le pluralisme des médias est garanti;
4. souligne que les États membres ont le droit de mettre en place une loi visant à empêcher efficacement les acquisitions de médias par des entités extérieures à l’EEE et à l’Union, russes ou chinoises par exemple;
5. constate que la limite applicable aux capitaux provenant de pays tiers est déjà en vigueur dans plusieurs pays, notamment en France et en Allemagne;
6. souligne que l’article 7 du traité UE offre à l’Union la seule possibilité d’intervenir avec autorité dans les questions liées au respect par les États membres des valeurs de l’Union en tant que telles, y compris l’état de droit; insiste sur le fait que l’article 7 du traité UE est complet et exhaustif;
7. souligne qu’aucun risque d’une violation grave de l’État de droit visée à l’article 7 du traité UE n’a été constaté de la part de la Pologne; souligne que le fait d’accuser la Pologne de violer l’État de droit et de continuer à le détériorer n’a aucun fondement dans les traités et ne constitue qu’un instrument de pression politique illégitime;
8. souligne que l’organisation du pouvoir judiciaire ne fait pas partie des compétences attribuées à l’Union, mais relève de la compétence exclusive des États membres; souligne que les réformes introduites ces dernières années en Pologne pour améliorer le fonctionnement du système judiciaire polonais s’appuie sur le modèle d’autres États membres, qui eux n’ont pas été remis en question par la Commission; estime que ces réformes ne portent atteinte ni à l’indépendance des juges ni à celle du pouvoir judiciaire, toutes deux garanties par la Constitution et les lois polonaises;
9. constate que certains organes de l’Union outrepassent les compétences qui leur sont conférées par les traités; souligne que si cela n’est pas tenu en compte, on ne peut évaluer correctement l’argumentation présentée par la Pologne en réponse aux critiques exprimées par les institutions de l’Union concernant les procédures en cours devant le Tribunal constitutionnel polonais concernant les compétences de la Cour de justice en matière de réexamen du droit national et d’application de mesures provisoires dans des affaires telles que l’organisation du système judiciaire des États membres; souligne la jurisprudence antérieure du Tribunal constitutionnel polonais concernant la relation entre la Constitution polonaise et le droit de l’Union;
10. souligne que les cours constitutionnelles des États membres sont très attentives aux éventuelles actions ultra vires des institutions de l’Union;
11. juge inacceptable que les institutions de l’Union approuvent des solutions dans certains États membres concernant l’organisation du système judiciaire tout en critiquant et en remettant en question l’instauration de mesures similaires en Pologne
12. regrette les récentes démarches de la Commission, à savoir les accusations adressées à la Pologne au motif que celle-ci n’a pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt de la Cour de justice concernant la chambre disciplinaire de la Cour suprême et sa demande à la Cour de justice d’infliger des sanctions financières à la Pologne pour défaut de mise en œuvre de l’ordonnance de mesures provisoires; souligne que la Pologne a expliqué en détail comment ces mesures provisoires devaient être mises en œuvre, à savoir par une ordonnance du premier président de la Cour suprême, institution sur laquelle le pouvoir exécutif n’a aucune influence du fait du principe de séparation des pouvoirs; estime que la confrontation ne permet pas de résoudre le problème dans un esprit de dialogue et de coopération loyale et dans le respect des compétences de l’Union et des États membres;
13. déplore les récentes déclarations des représentants de la Commission évoquant l’éventualité de suspendre les paiements liés aux plans polonais de redressement et de résilience en cas d’inexécution des ordonnances de la Cour de justice; souligne que la seule procédure prévue par le traité en ce qui concerne la non-exécution des arrêts est décrite à l’article 260 du traité FUE et que toute tentative non conventionnelle de forcer l’exécution des arrêts de la Cour de justice est illégale;
14. rappelle la déclaration de la Commission, qui confirme qu’en appliquant le règlement 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 sur un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union, elle s’engage à respecter les conclusions du Conseil européen du 11 décembre 2020; rappelle que la Commission projette d’élaborer et d’adopter des lignes directrices sur ses modalités d’application du règlement;
15. considère qu’il n’est pas acceptable, sur le plan juridique, d’introduire un nouveau mécanisme de contrôle de l’état de droit de facto, même si son objectif est de protéger le budget de l’Union;
16. fait observer que l’Union n’est pas compétente pour élaborer des politiques relatives à la santé et à l’éducation sexuelles, à la reproduction et à l’avortement;
17. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission et au Conseil.