PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation en Biélorussie après une année de manifestations violemment réprimées
4.10.2021 - (2021/2881(RSP))
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur
Anna Fotyga, Jadwiga Wiśniewska, Bogdan Rzońca, Ryszard Czarnecki, Roberts Zīle, Witold Jan Waszczykowski, Adam Bielan, Elżbieta Rafalska, Veronika Vrecionová, Jan Zahradil, Hermann Tertsch, Assita Kanko, Ladislav Ilčić, Alexandr Vondra, Zdzisław Krasnodębski, Eugen Jurzyca
au nom du groupe ECR
B9-0496/2021
Résolution du Parlement européen sur la situation en Biélorussie après une année de manifestations violemment réprimées
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions précédentes sur la Biélorussie,
– vu les conclusions du Conseil européen du 25 juin 2021,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme et l’ensemble des conventions relatives aux droits de l’homme auxquelles la Biélorussie est partie,
– vu la déclaration du 30 juillet 2021 du haut représentant de l’Union, au nom de l’Union européenne, sur l’instrumentalisation des migrants et des réfugiés par le régime,
– vu la déclaration commune du 9 août 2021 sur le premier anniversaire de l’élection présidentielle frauduleuse en Biélorussie,
– vu la déclaration du 23 août 2021 des premiers ministres de Lituanie, de Lettonie, d’Estonie et de Pologne,
– vu la déclaration commune du 7 septembre 2021 sur la condamnation de Maria Kalesnikava et de Maksim Znak,
– vu la déclaration des ministres des affaires étrangères du G7 du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, du Royaume-Uni et des États-Unis d’Amérique ainsi que du haut représentant de l’Union européenne,
– vu la résolution du 13 juillet 2021 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Biélorussie,
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que le 9 août 2021 a marqué le premier anniversaire de l’élection présidentielle frauduleuse en Biélorussie, mais que la répression brutale exercée par le régime à l’encontre de personnalités de l’opposition, de médias indépendants et de représentants de la société civile se poursuit;
B. considérant que l’Union européenne et ses États membres soutiennent pleinement l’aspiration du peuple biélorusse à un avenir démocratique, prospère, libre et indépendant;
C. considérant que la situation des droits de l’homme en Biélorussie continue de se détériorer, avec notamment la détention plus de 670 prisonniers politiques, tandis que le régime poursuit ses actes de répression contre le peuple biélorusse pacifique, de nombreux citoyens étant harcelés, arrêtés et condamnés pour avoir exprimé leur opposition au régime;
D. considérant qu’Alexandre Loukachenko poursuit sa campagne contre la minorité polonaise, après avoir emprisonné Andżelika Borys et Andrzej Poczobut, deux personnalités de premier plan de la communauté polonaise, par des attaques contre les écoles de langue polonaise et une propagande fondée sur des récits historiques fallacieux;
E. considérant qu’en septembre 2021, un tribunal biélorusse a condamné l’une des principales figures de l’opposition du pays, Maryia Kalesnikava, à onze ans de prison; que Maksim Znak, un avocat de premier plan qui a également participé pacifiquement au processus de campagne, a été condamné à dix ans de prison;
F. considérant que la pression exercée sur les syndicats biélorusses s’est considérablement accrue ces dernières semaines, avec l’arrestation et la condamnation à des amendes de dirigeants et de membres du syndicat indépendant biélorusse (BITU) et du Congrès biélorusse des syndicats démocratiques (BKDP), qui ont également fait l’objet de perquisitions par le KGB; considérant que la Biélorussie est l’un des pires pays où travailler selon l’indice 2021 des droits dans le monde de la CSI;
G. considérant que les États membres, en particulier la Pologne et la Lituanie, ont accueilli, soigné et fourni des bourses à des milliers de demandeurs d’asile ayant fui les persécutions de Loukachenko en raison de leurs aspirations démocratiques;
H. considérant que le dictateur illégitime Alexandre Loukachenko, soutenu par le Kremlin, compte rester au pouvoir par tous les moyens, y compris l’instrumentalisation la plus barbare des migrants;
I. considérant que des représentants du régime ont annoncé publiquement qu’un certain nombre d’opérations spéciales étaient prévues en Europe contre des figures de l’opposition connues; considérant que Vitaly Shishov, directeur de la Maison biélorusse d’Ukraine, a été retrouvé mort près de son domicile à Kiev;
J. considérant que Loukachenko a prévenu, en juillet dernier, que la Biélorussie n’empêcherait plus l’entrée dans l’Union de demandeurs d’asile, de drogues ou même de matières nucléaires;
K. considérant qu’Alexandre Loukachenko a évoqué la possibilité de révoquer l’obligation de la Biélorussie d’accepter le retour des réfugiés et soumis au Parlement biélorusse un projet de loi relatif à une suspension;
L. considérant que ces derniers mois, un nombre croissant de migrants a transité par la Biélorussie avec le soutien actif des autorités biélorusses et l’objectif d’entrer dans l’Union et de s’installer dans des pays tels que l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni, seuls très peu d’entre eux ayant déposé une demande d’asile en Pologne, en Lettonie ou en Lituanie; que le franchissement illégal de la frontière biélorusse représente une attaque hybride inédite du régime de Loukachenko contre l’Union;
M. considérant que depuis août 2021, on a dénombré plus de 10 000 tentatives de franchissement illégal de la frontière séparant la Pologne de la Biélorussie en direction du territoire de l’Union; que plus de 1 200 migrants, principalement originaires d’Irak et d’Afghanistan, ont été placés en détention; que l’identité d’une grande part de ces migrants reste inconnue et que nombre d’entre eux doivent faire l’objet d’une enquête de sécurité approfondie;
N. considérant que la situation à la frontière de l’Union avec la Biélorussie reste tendue en raison du grand nombre de provocations de la part d’officiers et de soldats biélorusses;
O. considérant que la Pologne, la Lituanie et la Lettonie ont réagi à la pression accrue de l’immigration irrégulière créée par le régime de Loukachenko par l’envoi de troupes supplémentaires, le renforcement des contrôles aux frontières et la mise en place d’un état d’urgence temporaire le long de leurs frontières, qui forment également la frontière extérieure de l’Union; que la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie et la Pologne ont décidé de moderniser l’ensemble du système de contrôle aux frontières, notamment en construisant des clôtures aux frontières extérieures de l’Union afin d’éviter leur franchissement illégal ou d’autres provocations hybrides, comme dans le cas de l’enlèvement d’Eston Kohver;
P. considérant que les migrants arrivés aux frontières de la Biélorussie sont confrontés à des conditions difficiles, les autorités biélorusses continuant de leur refuser toute aide sous la forme de nourriture, d’eau, de vêtements ou de médicaments, qui leur sont offerts du côté polonais et lituanien; que, d’après de nombreux témoignages, certains migrants seraient en très mauvaise condition physique et que nombre d’entre eux ont été testés positifs à la COVID-19; que d’autres indiquent que les forces de police biélorusses ont fourni des stupéfiants aux migrants pour les inciter à franchir la frontière;
Q. considérant que cinq personnes ont perdu la vie en tentant d’entrer dans l’Union depuis la Biélorussie par la frontière avec la Pologne et la Lituanie, une zone marécageuse et densément boisée; que le durcissement des conditions météorologiques expose les migrants à un risque accru d’hypothermie et d’épuisement; que le premier ministre polonais a déclaré que les autorités polonaises s’efforceraient de sauver la vie et de protéger la santé de tous les immigrants clandestins qui entreraient en Pologne et seraient repérés à temps;
R. considérant que l’instrumentalisation des migrants par le régime biélorusse vise à rompre l’unité de l’Union et menace la sécurité régionale de l’Union, et a été fermement condamnée par le Conseil dans sa déclaration du 30 juillet 2021; que la Commission a confirmé qu’elle préparait un nouveau train de sanctions à l’encontre de la Biélorussie concernant l’afflux de migrants par la frontière avec ce pays; que l’État biélorusse est non seulement impliqué dans la délivrance de visas touristiques aux migrants et leur transport à Minsk puis à la frontière, mais leur demande également de l’argent qui tombe ensuite aux mains du cercle proche de Loukachenko;
S. considérant qu’en septembre 2021, la Russie et la Biélorussie ont organisé conjointement l’exercice militaire «Zapad 2021», soit le plus vaste entraînement militaire d’Europe ces 40 dernières années, qui a mobilisé environ 200 000 soldats et plus de 80 avions et hélicoptères;
T. considérant que la Russie et la Biélorussie ont mis en place une force aérienne et un centre de formation en matière de défense aérienne communs à Grodno, à moins de 15 km de la frontière avec la Pologne;
U. considérant que le 9 septembre 2021, les présidents Loukachenko et Poutine se sont rencontrés à Moscou et ont annoncé l’approbation de 28 nouveaux programmes d’intégration économique et budgétaire, ainsi que la création d’une «sphère de défense commune», ce qui représente une nouvelle étape vers la fusion des forces armées biélorusses et russes et vers un éventuel déploiement permanent de troupes russes en Biélorussie;
V. considérant qu’à la suite de la récente fusillade de Minsk, qui a coûté la vie à un informaticien et à un agent du KGB, plus de cent personnes qui avaient commenté l’événement sur les réseaux sociaux ont été arrêtées par le régime;
1. réaffirme son refus de reconnaître l’élection d’Alexandre Loukachenko au poste de président de la Biélorussie et estime que le régime en place est illégitime; continue de soutenir le peuple biélorusse dans ses demandes en ce qui concerne des élections libres et régulières, la démocratie, les libertés fondamentales et les droits de l’homme;
2. condamne fermement la répression qui vise actuellement le peuple biélorusse, la censure des médias et de l’internet, ainsi que le harcèlement et les intimidations visant les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes, les blogueurs, les figures de l’opposition et d’autres voix indépendantes en Biélorussie;
3. réitère son appel à la libération inconditionnelle de l’ensemble des prisonniers politiques, y compris Andżelika Borys et Andrzej Poczobut, et condamne fermement les actes de répression et les actes hostiles perpétrés par les autorités à l’encontre des représentants de la minorité polonaise et du système scolaire polonais en Biélorussie;
4. soutient la nomination des journalistes de Belsat Yekaterina Andreeva et Darya Chultsova, incarcérées dans une colonie pénitentiaire en Biélorussie, pour le prix du journaliste de l’année du PRIX Europa Festival; s’inquiète de la répression exercée à l’encontre de journalistes expulsés ou forcés de quitter le pays;
5. réaffirme la nécessité pour tous les États membres d’adopter une position unifiée en réponse au terrorisme d’État orchestré par le régime d’Alexandre Loukachenko et soutenu par le Kremlin; souligne qu’il importe de lutter au sein de l’Union contre la désinformation concernant la situation en Biélorussie et contre les autres formes de menaces hybrides provenant de tiers à cet égard, ainsi que contre la tendance actuelle à l’utilisation des migrants comme une arme dirigée contre l’Union; attend des médias occidentaux qu’ils s’abstiennent, à cet égard, de légitimer Alexandre Loukachenko et de devenir une source supplémentaire de propagande pour le régime, comme cela a été le cas avec CNN, qui a récemment diffusé un entretien avec le dictateur; demande par ailleurs aux entreprises d’informatique concernées, suite aux récentes arrestations d’utilisateurs des réseaux sociaux, d’accroître le degré de protection de leurs consommateurs contre la surveillance;
6. condamne fermement l’instrumentalisation des migrants et des réfugiés par le régime Loukachenko et soutient les efforts déployés par les États membres pour gérer efficacement les flux migratoires afin de protéger les frontières extérieures de l’Union; invite l’Union européenne, ses États membres et les organisations internationales à redoubler d’efforts pour interrompre cette traite d’êtres humains organisée par l’État biélorusse, notamment en exerçant des pressions diplomatiques sur les pays d’origine des migrants et en imposant des sanctions aux fonctionnaires, aux personnes et aux entités biélorusses impliqués, ainsi qu’aux réseaux criminels internationaux opérant sur le territoire de l’Union européenne responsables des transferts vers les destinations finales;
7. s’inquiète des décès recensés à la frontière entre la Biélorussie et l’Union européenne et exprime sa sympathie aux familles et aux proches des personnes disparues; condamne le refus par les Biélorusses de l’aide humanitaire proposée par la Pologne, la Lituanie et la Lettonie pour les réfugiés bloqués à la frontière, et prie instamment la Biélorussie de cesser d’utiliser les migrants comme moyen de pression sur l’Union et d’assumer ses responsabilités ainsi que de respecter ses obligations juridiques internationales à leur égard;
8. invite l’Union à renforcer les sanctions frappant le régime biélorusse en ciblant les responsables politiques qui ont pris part à la fraude électorale et aux violations des droits de l’homme perpétrées en Biélorussie, ou qui sont responsables de la crise migratoire actuelle; souligne également la nécessité de cibler les entreprises soutenant le régime Loukachenko, y compris dans le secteur de la potasse, et d’imposer des sanctions sectorielles ainsi qu’une interdiction des importations de biens généralement produits par les détenus des colonies pénitentiaires; réclame en outre le gel complet de toute coopération avec le secteur public biélorusse, au profit d’un soutien au secteur privé, à la société civile et aux organisations œuvrant à l’extérieur du pays afin de soutenir les mouvements démocratiques;
9. souligne qu’il convient de prolonger et de maintenir les sanctions jusqu’à ce que: les personnes qui ont été emprisonnées en Biélorussie en raison de leurs activités en faveur de la démocratie soient libérées, les poursuites judiciaires motivées par des considérations politiques à l’encontre de toutes les figures de l’opposition et des journalistes indépendants en Biélorussie soient retirées, tous les cas d’assassinats et de disparitions de dirigeants de l’opposition et de journalistes en Biélorussie soient comptabilisés, toute forme de harcèlement et de répression à l’encontre des médias indépendants, des syndicats indépendants, des organisations non gouvernementales, des organisations religieuses (y compris leurs dirigeants et leurs membres) et de l’opposition politique en Biélorussie cessent, et des élections présidentielles et législatives libres et régulières soient organisées en Biélorussie, conformément aux engagements de l’OSCE et moyennant la participation d’observateurs internationaux;
10. est vivement préoccupé par le récent exercice militaire conjoint russo-biélorusse «Zapad 2021», d’une ampleur inédite et qui s’est accompagné de la création d’une force aérienne commune et d’un centre de formation de défense aérienne, ainsi que de l’annonce d’une intégration plus poussée des forces armées des deux parties;
11. est fermement convaincu que la Russie, principale source de soutien politique, financier et logistique de Loukachenko, devrait également rendre des comptes quant à la répression féroce des Biélorusses et à l’instrumentalisation des migrants; invite la Commission à enquêter sur tous les outils de financement étrangers du régime Loukachenko, en particulier en provenance de Russie et de Chine;
12. dénonce toute tentative d’intégration de la Biélorussie dans la Russie, car elle serait menée par un dirigeant illégitime et contre la volonté du peuple biélorusse; invite les États membres et le vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité à indiquer clairement qu’une telle manœuvre ne sera pas acceptée;
13. réprouve la condamnation en Biélorussie des grandes figures de l’opposition Maryia Kalesnikava et Maksim Znak; exige que les autorités biélorusses libèrent tous les prisonniers politiques et cessent de persécuter les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les militants de la société civile; demande une enquête complète et approfondie sur le meurtre du militant biélorusse Vitaly Shishov à Kiev;
14. déplore l’attribution de droits de tirage spéciaux par le FMI à hauteur de 910 millions de dollars et sans aucune condition, ce qui n’est pas dans l’intérêt de la population biélorusse, mais profitera plutôt au dirigeant illégitime du pays; est d’avis que ce type de disposition, qui ne subordonne pas le versement de fonds au respect des droits de l’homme, est susceptible d’affaiblir les sanctions visant à mettre le régime sous pression et sert l’objectif de la Russie de maintenir Loukachenko au pouvoir;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, ainsi qu’au Conseil de l’Europe, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à l’Organisation de l’aviation civile internationale et aux autorités de la République de Biélorussie et de la Fédération de Russie.