Proposition de résolution - B9-0524/2021Proposition de résolution
B9-0524/2021

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation en Tunisie

18.10.2021 - (2021/2903(RSP))

déposée à la suite d’une déclaration du vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur

Salima Yenbou, Hannah Neumann, Mounir Satouri, Ernest Urtasun, Jordi Solé, Rosa D’Amato, Ignazio Corrao, Piernicola Pedicini, Francisco Guerreiro, Alviina Alametsä, Saskia Bricmont
au nom du groupe Verts/ALE

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0523/2021

Procédure : 2021/2903(RSP)
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B9-0524/2021
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B9-0524/2021
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B9‑0524/2021

Résolution du Parlement européen sur la situation en Tunisie

(2021/2903(RSP))

Le Parlement européen,

 vu ses résolutions antérieures sur la Tunisie,

 vu la déclaration du 27 juillet 2021 du vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR), Josep Borrell, ainsi que sa déclaration à la presse du 10 septembre 2021: «Iraq, Libye et Tunisie:  L’UE est plus que jamais déterminée à soutenir les pays et leurs populations»,

 vu la communication conjointe du 9 février 2021 de la Commission et du haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité intitulée «Un partenariat renouvelé avec le voisinage méridional – Un nouveau programme pour la Méditerranée», et le Plan économique et d’investissement en faveur du voisinage méridional qui y est annexé,

 vu l’accord d’association UE-Tunisie de 1995,

 vu la déclaration du 18 juin 2021 de l’expert indépendant des Nations Unies sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre: «Tunisie: un expert de l’ONU loue les progrès démocratiques depuis la Révolution, affirme qu’il faut faire plus pour les personnes LGBT», ainsi que ses observations préliminaires du même jour lors de sa visite en Tunisie,

 vu les observations du 24 avril 2020 du Comité des droits de l’homme concernant le sixième rapport périodique de la Tunisie et sa déclaration du 4 mars 2020: «Le Comité des droits de l’homme félicite la Tunisie de ses progrès – mais des questions subsistent sur la justice, la discrimination et la surpopulation carcérale»,

 vu les observations finales du 2 septembre 2021 du Comité des droits de l’enfant sur les quatrième et sixième rapports combinés de la Tunisie,

 vu la convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), que la Tunisie a ratifiée en 1985 et sur laquelle elle a levé ses réserves en 2014,

 vu le plan d’action national (PAN) pour les femmes et la paix et la sécurité sur la période 2018-2022, adopté en 2018,

 vu la publication de l’OCDE de décembre 2020 intitulée «Economic Monitor, Fall 2020: Rebuilding the Potential of Tunisian Firms»  (Rapport de suivi économique, automne 2020: Reconstruire le potentiel des entreprises tunisiennes),

 vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel la Tunisie est partie,

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que plus de dix ans après les manifestations sans précédent de 2011 qui ont vu Zine El-Abidine Ben Ali quitter le pouvoir, les protestations se poursuivent dans le pays, notamment en raison des événements préoccupants qui ont fait suite à la concentration des pouvoirs entre les mains de l’actuel président Kaïs Saïed, lequel, dans un discours télévisé le 25 juillet 2021, a décidé de démettre le Premier ministre Hichem Mechichi et son gouvernement, de suspendre le Parlement pour une période reconductible de 30 jours, de lever l’immunité de tous les députés du Parlement et de s’octroyer des pouvoirs judiciaires;

B. considérant que le 11 octobre 2021, le président Kaïs Saïed a approuvé un nouveau gouvernement choisi par la Première ministre nouvellement nommée, Najla Bouden Romdhane; qu’en vertu de la Constitution de 2014, le président et le Premier ministre partageaient tous deux les pouvoirs exécutifs;

C. considérant que les bureaux de l’Instance nationale de lutte contre la corruption ont été contraints de fermer le 20 août 2021 et qu’aucune raison n’a été fournie à cet égard; que les données personnelles de milliers de lanceurs d’alerte ont été saisies par le ministère de l’intérieur;

D. considérant que des milliers de personnalités publiques et d’acteurs de la société civile feraient l’objet d’une interdiction de voyager sans qu’aucun un mandat n’ait été émis, tandis que des dizaines de personnes ont été assignées à résidence et placées sous surveillance de l’État;

E. considérant que le 22 septembre 2021, le président a publié le décret présidentiel no 117 qui suspendant la constitution à l’exception de son préambule et de ses deux premiers chapitres; que le président s’est octroyé les pleins pouvoirs législatifs pour modifier par décret les lois régissant les partis politiques, les élections, le système judiciaire, les syndicats et les associations, la liberté de la presse et la liberté d’information, l’organisation du ministère de la justice, les forces de sécurité intérieure, les droits et libertés de l’homme, le code du statut personnel, les forces de sécurité intérieure, les douanes et le budget de l’État;

F. considérant que l’Union européenne a accordé à la Tunisie 2 milliards EUR de dons directs pour soutenir sa transition démocratique, dont 260 millions en 2020 et 200 millions à partir de juin 2021, au titre de son assistance macrofinancière;

G. considérant que, dans le contexte actuel, des groupes de la société civile mettent en garde contre une dérive au détriment de la démocratie; que la société civile tunisienne est dynamique et qu’elle compte de nombreux militants, dirigeants communautaires, universitaires, artistes et groupes de jeunes qui se mobilisent et demandent des réformes urgentes, notamment en matière de lutte contre la corruption;

 se déclare extrêmement préoccupé par l’état actuel de la démocratie et de l’état de droit dans le pays et, en particulier, par le fait que la concentration des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire entre les mains du président Kaïs Saïed se prolonge;

2. demande au président d’abroger sans délai l’état d’exception et de rétablir immédiatement une démocratie parlementaire à part entière ainsi que le bon fonctionnement des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, notamment la séparation des pouvoirs; réclame le plein respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire;

3. demande l’adoption d’une feuille de route claire qui détaille les prochaines étapes et le calendrier de la transition politique actuelle de la Tunisie et la fin des mesures exceptionnelles, et qui prenne en considération les plans socio-économiques du gouvernement nouvellement nommé, l’avenir du système politique actuel, y compris de son parlement, la constitution de 2014 et la possibilité d’élections législatives anticipées;

4. prie instamment le président de rétablir d’urgence le plein fonctionnement des organes réglementaires indépendants de l’État, y compris l’organe provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois et l’instance nationale de lutte contre la corruption;

5. souligne l’importance de la contribution de la société civile, des universitaires, des avocats, des journalistes, des militants et des défenseurs des droits de l’homme dans une société dynamique, démocratique et ouverte; réaffirme la nécessité d’établir un dialogue national sans exclusive avec la participation de toutes les parties prenantes nationales, y compris les partis politiques, les organisations de la société civile et les citoyens;

6. invite l’Union et ses États membres à soutenir les militants de terrain et les acteurs de la société civile qui travaillent sur les réformes et la lutte contre la corruption en Tunisie et à adopter une politique qui soutienne les efforts humanitaires et de stabilisation ascendants;

7. réaffirme son ferme soutien à tous les défenseurs des droits de l’homme en Tunisie, ainsi qu’à leur travail; invite la délégation de l’Union et les représentations des États membres dans le pays à renforcer leur soutien à la société civile dans leurs relations avec les autorités tunisiennes, à utiliser tous les instruments disponibles pour accroître leur soutien au travail des défenseurs des droits de l’homme et, le cas échéant, à faciliter la délivrance de visas d’urgence et à fournir un refuge temporaire dans les États membres;

8. reste préoccupé par le respect des droits fondamentaux dans le contexte de l’état d’urgence et demande le rétablissement sans délai de l’état de droit dans le pays;

9. prend acte de la nomination de la Première ministre Najla Bouden Romdhane, mais demeure extrêmement préoccupé par le fait que le président conserve les pouvoirs exécutifs à la suite du décret présidentiel no 117 du 22 septembre 2021; demande au président d’abroger sans délai ce décret présidentiel;

10. demande que l’égalité entre les sexes en Tunisie soit défendue sans délai et invite notamment les autorités tunisiennes à mettre fin aux discriminations, dans le droit, à l’égard des femmes en ce qui concerne les droits de succession, les droits de garde des enfants, le droit d’être chef de famille, le droit au congé parental et les droits du travail, en particulier pour les employées de maison et les travailleuses agricoles; se félicite de la loi de 2017 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles et demande sa pleine application;

11. déplore le recours permanent au droit pénal pour sanctionner injustement les orientations sexuelles et les identités de genre qui ne correspondent pas à la norme, ce qui est source de discriminations généralisées et d’actes de violence physique et psychologique qui entravent l’accès à la justice des personnes LGBTI et les excluent des secteurs de la santé, de l’éducation, de l’emploi et du logement;

12. s’inquiète du maintien de la peine de mort dans l’ordre juridique tunisien; relève néanmoins qu’aucune peine capitale n’a été exécutée depuis l’entrée en vigueur du moratoire, mais déplore que des condamnations à mort soient toujours prononcées, 89 personnes se trouvant actuellement dans le couloir de la mort en Tunisie; demande à la Tunisie d’abolir la peine de mort;

13. demande instamment la mise en place d’une réforme qui mène à la suppression des tribunaux militaires en Tunisie; rappelle que les tribunaux militaires restent opérationnels en vertu du code de justice militaire de 1957, qui autorise les procès militaires de civils pour insulte à l’armée ou atteinte à sa réputation, en plus des crimes liés à la sécurité nationale tels que la trahison et l’espionnage;

14. se déclare pleinement déterminé à faciliter et à soutenir l’état de droit, la démocratie et les droits de l’homme dans le pays; demande à la Commission de maintenir son aide aux autorités tunisiennes, notamment par la voie de l’assistance macroéconomique et de l’initiative COVAX, à condition que les droits de l’homme et les principes démocratiques soient respectés, conformément à l’article 2 de l’accord d’association UE-Tunisie; préconise une meilleure coopération entre l’Union et ses États membres, d’une part, et les bailleurs de fonds internationaux, d’autre part, afin que les engagements financiers envers le pays soient respectés, et qu’une contribution positive puisse être apportée à la situation socio-économique du peuple tunisien; demande à la Commission de reprendre le dialogue tripartite qu’elle entretient avec la société civile tunisienne et les autorités tunisiennes;

15. invite le VP/HR, le Service européen pour l’action extérieure et les États membres à maintenir la pression sur les représentants politiques de la Tunisie pour qu’ils engagent des réformes démocratiques, notamment en matière de lutte contre la corruption, d’indépendance du système judiciaire et d’égalité des sexes;

16. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission et haut représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu’au gouvernement et au Parlement national de la Tunisie.

 

Dernière mise à jour: 20 octobre 2021
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