PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la nécessité d’une action urgente de l’Union européenne pour garantir la sécurité alimentaire, compte tenu de l’invasion russe de l’Ukraine, et d’un plan d’action sur le long terme visant à accroître l’autonomie alimentaire de l’Union
16.3.2022 - (2022/2593(RSP))
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur
Mohammed Chahim, Clara Aguilera
au nom du groupe S&D
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0160/2022
B9‑0160/2022
Résolution du Parlement européen sur la nécessité d’une action urgente de l’Union européenne pour garantir la sécurité alimentaire, compte tenu de l’invasion russe de l’Ukraine, et d’un plan d’action sur le long terme visant à accroître l’autonomie alimentaire de l’Union
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur la Russie et l’Ukraine, et notamment celle du 16 décembre 2021 sur la situation à la frontière ukrainienne et dans les territoires de l’Ukraine occupés par la Russie[1],
– vu les déclarations des dirigeants du Parlement européen sur l’Ukraine des 16 et 24 février 2022,
– vu la déclaration du 24 février 2022 du haut représentant, au nom de l’Union européenne, sur l’invasion de l’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie;
– vu la déclaration du président du Conseil européen et de la présidente de la Commission du 24 février 2022 sur l’agression militaire sans précédent et non provoquée de l’Ukraine par la Russie,
– vu les récentes déclarations du président ukrainien et de la présidente de la Commission sur la situation en Ukraine,
– vu la déclaration du G7 du 24 février 2022,
– vu les conclusions du Conseil européen du 24 février 2022,
– vu l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE),
– vu le règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) nº 1305/2013 et (UE) nº 1307/2013[2],
– vu le règlement (UE) 2021/2117 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 modifiant les règlements (UE) nº 1308/2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, (UE) nº 1151/2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, (UE) nº 251/2014 concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés et (UE) nº 228/2013 portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union[3],
– vu sa résolution du 1er mars 2022 sur l’agression russe contre l’Ukraine[4],
– vu la déclaration des chefs d’État ou de gouvernement sur l’agression militaire russe contre l’Ukraine, publiée à la suite du Conseil européen du 10 mars 2022,
– vu la déclaration des ministres de l’agriculture du G7 sur l’invasion de l’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie, publiée à la suite de leur réunion du 11 mars 2022;
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que selon la charte des Nations unies et les principes du droit international, tous les États jouissent de l’égalité souveraine et doivent s’abstenir, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État;
B. considérant que le 24 février 2022, la Fédération de Russie a lancé une invasion non provoquée et injustifiée de l’Ukraine;
C. considérant que le Conseil de l’Union européenne a adopté une première série de sanctions contre la Russie, y compris des sanctions individuelles ciblées, des sanctions économiques et financières et des restrictions commerciales, et qu’il continue de préparer de nouvelles sanctions en étroite coordination avec les alliés transatlantiques et d’autres partenaires internationaux partageant les mêmes valeurs;
D. considérant que les ports de la mer Noire font partie des infrastructures civiles endommagées, ce qui entraîne un blocage total du commerce maritime, y compris des exportations de produits agricoles vitaux vers différentes régions, dont l’Union européenne;
E. considérant que la guerre sur le terrain en Ukraine empêche la circulation interne des marchandises, en particulier des denrées alimentaires, des aliments pour animaux et d’autres produits agricoles, ce qui entraîne une grave pénurie alimentaire en Ukraine et un manque de stocks disponibles pour le transport vers d’autres pays;
F. considérant que le conflit s’est accompagné du ciblage d’infrastructures agricoles critiques, y compris pour le transport et le stockage, ce qui a des répercussions régionales importantes; que les bombardements, les tirs d’artillerie et l’utilisation de bombes à sous-munitions dans des situations de guerre endommagent les terres agricoles et mutilent ceux qui essaient de reprendre le travail de ces terres, ce qui les rend inutilisables pendant des années, le temps de procéder au déminage et de détecter puis de désamorcer ou de détruire ces engins;
G. considérant que la récolte 2022 en Ukraine ne peut avoir lieu dans la mesure où les agriculteurs et les travailleurs agricoles ont fui pour avoir la vie sauve ou sont allés défendre leur pays, et que les exploitations agricoles sont trop gravement endommagées pour que la production de cette année se déroule de manière normale;
H. considérant que l’Ukraine représente 11 % du marché mondial du blé, 16 % de son orge, 15 % de son maïs, 16 % de son colza, 50 % de son huile de tournesol, 9 % du commerce de graines de tournesol et 61 % de ses tourteaux de tournesol; que pour la Russie, ces chiffres sont de 20 % (blé), 16 % (orge), 2 % (maïs), 3 % (colza) et 20 % (tourteaux de tournesol);
I. considérant que l’Ukraine est devenue un fournisseur important de l’Union européenne, puisqu’elle est le principal fournisseur de maïs (en moyenne 9,2 millions de tonnes, soit 57 % des livraisons), de colza (2 millions de tonnes, soit 42 % des importations européennes en volume), de graines de tournesol (0,1 million de tonnes, soit 15 %) et de tourteaux de tournesol (1,3 million de tonnes, soit 47 % des importations) et, dans une moindre mesure, de blé (1 million de tonnes, soit 30 % des importations); que la Russie est également, dans une moindre mesure, un important fournisseur de blé de l’Union européenne (0,5 million de tonnes, soit 11 %), mais surtout de tourteaux de colza (0,2 million de tonnes, soit 50 %), de tourteaux de tournesol (0,9 million de tonnes, soit 34 %) et de graines de tournesol (0,3 million de tonnes, soit 35 %);
J. considérant que, depuis le début du conflit, les prix mondiaux des produits agricoles ont déjà fortement augmenté (entre + 5 % et + 10 % selon les produits), ce qui les rapproche des prix de la campagne de commercialisation 2007-2008;
K. considérant que les prix de l’énergie, des intrants et des denrées alimentaires augmentent tous en raison du conflit, ce qui signifie que de plus en plus de personnes seront exposées au risque de pauvreté (en plus des 97 millions de personnes actuellement menacées); qu’il est donc nécessaire de prendre des mesures sociales pour aider les producteurs et les consommateurs à faire face à ces effets;
L. considérant que les répercussions sur la sécurité alimentaire de la guerre d’agression russe, non provoquée et injustifiable, ont exacerbé la situation déjà grave due à la COVID-19, aux sécheresses exceptionnelles dans le sud de l’Union, au changement climatique et à la perte de biodiversité;
A. Mesures urgentes pour faire face aux conséquences de l’agression contre l’Ukraine sur la sécurité alimentaire
1. condamne avec la plus grande fermeté l’agression militaire illégale, non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et l’invasion de cette dernière par la Fédération de Russie, ainsi que l’implication de la Biélorussie dans cette agression; exige de la Fédération de Russie qu’elle mette un terme immédiat à toutes les activités militaires en Ukraine, qu’elle retire sans condition l’intégralité de ses forces militaires et paramilitaires et de ses équipements militaires de l’ensemble du territoire ukrainien internationalement reconnu, et qu’elle respecte pleinement l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, afin de rétablir la paix et de garantir ainsi que la reconstruction des systèmes vitaux dans le domaine économique, social, sanitaire et alimentaire puisse commencer en toute sécurité;
2. exprime sa solidarité sans faille avec le peuple ukrainien et sa profonde affliction face aux morts tragiques et aux souffrances humaines causées par l’agression russe et souligne que les attaques contre les civils et les infrastructures civiles ainsi que les attaques indiscriminées sont interdites par le droit international humanitaire;
3. constate que ces attaques, conjointement à l’interruption des échanges commerciaux pour cause de guerre, empêchent des ressources essentielles, allant de l’énergie et des engrais aux produits chimiques et agricoles de base, d’arriver dans l’Union, de sorte que la solidarité dont font preuve les agriculteurs et les consommateurs à l’égard de la population ukrainienne implique des sacrifices;
4. estime que l’Union, comme d’autres organismes internationaux, ne doit pas tolérer des prix artificiellement gonflés et doit prendre des mesures pour prévenir les comportements spéculatifs qui mettent en péril la sécurité alimentaire ou l’accès à la nourriture des pays et des populations vulnérables, en surveillant les marchés ayant une incidence sur le système alimentaire, y compris les marchés à terme, afin de garantir une transparence totale, et en partageant des données et des informations fiables sur l’évolution du marché alimentaire mondial;
5. invite la Commission à recenser et à favoriser les moyens de remédier aux conséquences économiques et sociales des sanctions, notamment dans les domaines de la production agricole, afin de préserver la sécurité alimentaire;
6. appelle à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel; demande que les canaux de communication avec la Russie restent ouverts et que les parties concernées soient prêtes au dialogue et aux négociations jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu soit instauré et que la guerre prenne fin, car ce n’est qu’au moyen d’un tel cessez-le-feu qu’il sera possible de reconstruire une vie normale et de reprendre la production de denrées alimentaires dans l’ensemble de l’Ukraine et de ses zones agricoles, et de retrouver une circulation normale de denrées alimentaires, de produits, de main-d’œuvre saisonnière et d’intrants essentiels à la production agricole et alimentaire par-delà les frontières, ce qui permettra de surmonter les problèmes de transport touchant les exportations de denrées alimentaires et la production de produits de base;
7. réitère ses appels précédents en faveur d’une réduction significative de la dépendance énergétique, en particulier à l’égard du gaz, du pétrole et du charbon russes, notamment en diversifiant les sources d’énergie, en augmentant l’efficacité énergétique et en accélérant la transition vers une énergie propre; souligne que les sanctions peuvent avoir une incidence spécifique sur les ménages européens par le biais des prix des denrées alimentaires et des coûts de l’énergie, et qu’on ne peut pas attendre de ces ménages qu’ils paient le prix de cette crise sans bénéficier d’un soutien; invite dès lors les États membres à élaborer des plans et des subventions pour les ménages afin de faire face à la crise du coût de la vie;
8. souligne que, pour prévenir le risque de pénurie de protéines végétales, la Commission devrait prendre rapidement toutes les mesures nécessaires pour autoriser temporairement l’utilisation de surfaces d’intérêt écologique adaptées à la culture de protéagineux pendant la durée de la crise et examiner la possibilité d’utiliser des méthodes de production innovantes et durables dans ces zones;
9. estime qu’il convient d’évaluer et de développer des évolutions immédiates des régimes de plantation afin de fournir davantage de produits cultivés localement au cours de la période de culture de cette année afin d’améliorer les systèmes de production et de permettre une évolution vers une plus grande autonomie à moyen et à long terme;
10. demande la mise en œuvre immédiate des mesures de prévention des perturbations du marché prévues à l’article 219 du règlement portant organisation commune des marchés[5] afin de soutenir les secteurs les plus touchés et, parallèlement, la mobilisation de la réserve de crise à cette fin;
11. estime que si l’augmentation de la production est désormais une priorité urgente, il convient d’évaluer les plans stratégiques nationaux afin d’apporter les adaptations nécessaires aux nouvelles circonstances, y compris l’utilisation des marges de manœuvre nécessaires pour augmenter la superficie des terres exploitées;
12. souligne que les mesures extraordinaires de développement rural liées à la COVID-19 devraient être étendues afin de remédier aux problèmes de liquidité actuels qui mettent en péril la viabilité des activités agricoles et menacent les petites entreprises actives dans la transformation, la commercialisation ou le développement de produits agricoles;
13. souligne que des mesures devraient être adoptées pour éviter toute perturbation du marché unique de l’Union et toute entrave à la libre circulation des marchandises, en particulier en ce qui concerne la libre circulation de produits essentiels tels que les céréales;
14. estime qu’il convient d’adopter des mesures visant à garantir une plus grande flexibilité pour les importations de produits essentiels (en particulier les céréales, le soja et les engrais) en provenance de pays tiers, y compris la possibilité de réévaluer temporairement les quotas d’importation existants;
B. Plan d’action à long terme pour le développement de l’autonomie alimentaire de l’Union
15. invite la Commission à élaborer sans délai un plan d’action détaillé afin de garantir le bon fonctionnement de nos chaînes d’approvisionnement alimentaire et de garantir la sécurité alimentaire au sein de l’Union à long terme, en tenant compte des enseignements tirés des incidences de la guerre en Ukraine et d’autres perturbations éventuelles;
16. réaffirme qu’il convient de renforcer l’autonomie stratégique européenne dans les domaines de l’alimentation humaine, de l’alimentation animale et du secteur agricole dans son ensemble, tout en respectant les objectifs du pacte vert, qui visent à protéger notre environnement et ses zones agricoles;
17. reconnaît que la perturbation de la structure des échanges qui existait avant l’invasion montre que l’Union doit examiner de toute urgence non seulement la meilleure manière de fournir une aide alimentaire en cette période de crise immédiate, mais aussi les moyens de développer un système agricole plus autonome produisant des denrées alimentaires et des aliments pour animaux à long terme, en réduisant notre dépendance à l’égard des importations et en augmentant la production intérieure; souligne que cela est particulièrement urgent pour les produits les plus menacés de pénurie du fait de la suspension des exportations ukrainiennes, tels que les céréales, les oléagineux, les protéagineux et les engrais;
18. appelle de ses vœux un renforcement de l’action au niveau international afin de veiller à ce que les prises de décisions politiques soient axées sur la sécurité alimentaire, en vue d’éviter les pénuries dans les pays les plus vulnérables, en donnant la priorité aux utilisations alimentaires des produits agricoles et en prévenant les obstacles au commerce international des denrées alimentaires;
19. estime que des changements importants dans les modèles de marché et d’exportation, ainsi qu’une planification d’urgence rigoureuse, pourraient également être nécessaires, tels que l’autonomie dans la production d’aliments pour animaux dans l’Union, d’autres débouchés pour les exportations, le renforcement des capacités de réaction, les stocks stratégiques de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et d’autres produits agricoles de base, l’autonomie en matière d’engrais et de produits de remplacement, ainsi que des informations claires sur les modèles de transport mondiaux des produits agricoles;
20. demande l’accélération et le renforcement des actions visant à réduire le gaspillage alimentaire afin de maximiser la disponibilité des denrées alimentaires et l’utilisation des ressources dont nous disposons dans l’Union européenne, en vue d’améliorer l’autonomie alimentaire;
21. demande que des mesures soient prises pour lutter contre la pauvreté causée par la hausse rapide des prix de l’énergie et les effets du conflit sur le prix des denrées alimentaires, et estime que des mesures sociales font partie des actions nécessaires;
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22. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la présidente de la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au président, au gouvernement et au Parlement de l’Ukraine, ainsi qu’au président, au gouvernement et au Parlement de la Fédération de Russie.
- [1] Textes adoptés de cette date, P9_TA(2021)0515.
- [2] JO L 435 du 6.12.2021, p. 1.
- [3] JO L 435 du 6.12.2021, p. 262.
- [4] Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0052.
- [5] JO L 347 du 20.12.2013, p. 671.