Proposition de résolution - B9-0284/2022Proposition de résolution
B9-0284/2022

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la lutte contre l’impunité des crimes de guerre en Ukraine

13.5.2022 - (2022/2655(RSP))

déposée à la suite de déclarations du Conseil et de la Commission
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur

Pedro Marques, Tonino Picula, Maria Arena
au nom du groupe S&D

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0281/2022

Procédure : 2022/2655(RSP)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
B9-0284/2022
Textes déposés :
B9-0284/2022
Textes adoptés :

B9‑0284/2022

Résolution du Parlement européen sur la lutte contre l’impunité des crimes de guerre en Ukraine

(2022/2655(RSP))

Le Parlement européen,

 vu ses résolutions antérieures sur la Russie et l’Ukraine, et en particulier celle du 1er mars 2022 sur l’agression russe contre l’Ukraine[1], et celle du 7 avril 2022 sur les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2022, y compris les dernières évolutions de la guerre en Ukraine et les sanctions de l’Union contre la Russie ainsi que leur application,[2]

 vu la déclaration du 4 avril 2022 du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au nom de l’Union, sur les atrocités russes commises à Boutcha et dans d’autres villes ukrainiennes,

 vu les principes de Nuremberg formulés par la commission de droit international des Nations unies, qui définissent la notion de crime de guerre,

 vu le statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI),

 vu l’accord de coopération et d’assistance de 2006 conclu entre la CPI et l’Union européenne,

 vu la charte des Nations unies,

 vu la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité,

 vu les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels,

 vu la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 2 mars 2022 sur l’agression commise contre l’Ukraine ainsi que celle du 24 mars 2022 sur les conséquences humanitaires de l’agression contre l’Ukraine,

 vu le rapport du 13 avril 2022 sur les violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en Ukraine depuis le 24 février 2022 par la mission d’experts du mécanisme de Moscou de l’OSCE,

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que la Fédération de Russie mène une guerre d’agression illégale, non provoquée et injustifiée contre l’Ukraine depuis le 24 février 2022, qui a entraîné le déplacement de quelque 7,7 millions de citoyens ukrainiens à l’intérieur du pays et la fuite de près de 6 millions vers les pays voisins;

B. considérant que, le 10 mai 2022, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a confirmé que la guerre avait fait au moins 7 256 victimes civiles en Ukraine, dont 3 496 personnes tuées et 3 760 blessées; que des rapports ont documenté la destruction de dizaines de milliers de biens civils en Ukraine, y compris des bâtiments résidentiels et des infrastructures civiles telles que des hôpitaux, des écoles et des jardins d’enfants, ainsi que des réseaux d’eau et d’électricité, ce qui a des conséquences désastreuses pour les civils et leurs droits de l’homme;

C. considérant que l’Assemblée générale des Nations unies, dans sa résolution du 2 mars 2022, a qualifié l’attaque russe contre l’Ukraine d’acte d’agression contraire à l’article 2, paragraphe 4, de la charte des Nations unies et, dans sa résolution du 24 mars 2022, a demandé à la Fédération de Russie de cesser immédiatement les hostilités contre l’Ukraine, en particulier les attaques contre les civils et les cibles civiles;

D. considérant que les atrocités commises par les forces armées russes à Boutcha et dans d’autres villes ukrainiennes pendant l’occupation russe révèlent la brutalité de la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine et soulignent l’importance d’une action internationale coordonnée pour lutter contre l’impunité et établir les responsabilités pour ces violations du droit humanitaire international;

E. considérant que de nombreux rapports, accompagnés de photos et de vidéos, attestent d’exécutions sommaires de civils lors de l’occupation russe de villages et de villes, de la détention de civils sans procédure régulière et de mauvais traitements assimilables à de la torture, du viol de civils, y compris d’enfants, par des militaires russes, et du recours à des obus d’artillerie non guidés, des armes à sous-munitions et des mines terrestres antipersonnel lors des attaques russes dans des régions peuplées; que, selon la commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien, 400 000 civils ukrainiens ont été déportés de force d’Ukraine vers la Fédération de Russie depuis le 24 février 2022;

F. considérant que les quatre conventions de Genève et le protocole additionnel I, auxquels l’Ukraine et la Fédération de Russie sont parties, confirment que les violations graves du droit international humanitaire constituent des crimes de guerre;

G. considérant que, à la suite de deux déclarations ad hoc de l’Ukraine, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide commis sur le territoire ukrainien depuis novembre 2013 relèvent de la compétence de la CPI, mais que celle-ci n’est pas compétente pour le crime d’agression en cours, étant donné que ni l’Ukraine ni la Fédération de Russie n’ont ratifié le statut de Rome et les amendements relatifs au crime d’agression; que, le 2 mars 2022, le procureur de la CPI a ouvert une enquête sur la situation en Ukraine;

H. considérant que, le 3 mars 2022, l’Ukraine, avec le soutien de 45 États participants, a invoqué le mécanisme de Moscou de l’OSCE pour traiter les violations des droits de l’homme et les conséquences humanitaires de l’invasion russe de l’Ukraine;

I. considérant que, le 4 mars 2022, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a créé une commission d’enquête internationale indépendante chargée d’enquêter sur les violations présumées des droits de l’homme et du droit humanitaire international liées à l’invasion de l’Ukraine par la Russie;

J. considérant que l’Ukraine est partie à la convention européenne des droits de l’homme (CEDH), tandis que la Fédération de Russie, en raison de son retrait du Conseil de l’Europe, cessera d’être une Haute partie contractante à la CEDH le 16 septembre 2022; que, conformément à l’article 58, paragraphe 2, de la CEDH, la Cour européenne des droits de l’homme reste toutefois compétente pour traiter les recours dirigés contre la Fédération de Russie concernant des violations présumées de la CEDH commises avant le 16 septembre 2022;

K. considérant que, le 28 mars 2022, l’Union a annoncé la création d’une équipe conjointe d’investigation avec l’Ukraine afin de recueillir des preuves et d’enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, avec le soutien d’Eurojust et l’assistance du bureau du procureur de la CPI, comme annoncé le 25 avril 2022;

1. condamne une fois de plus dans les termes les plus forts l’agression militaire illégale, non provoquée et injustifiée à l’encontre de l’Ukraine et l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, ainsi que les bombardements aveugles de villes, les attaques délibérées contre des zones résidentielles et des infrastructures civiles, les déportations forcées, l’utilisation de munitions interdites et les attaques contre des civils tentant de fuir les zones de conflit à travers des couloirs humanitaires préétablis, autant d’actes perpétrés par la Fédération de Russie en Ukraine en violation flagrante du droit humanitaire international;

2. invite la Fédération de Russie à mettre fin sur-le-champ à tous les actes de violence contre les civils et à toutes les opérations militaires sur le territoire ukrainien, comme l’a ordonné la Cour internationale de justice le 16 mars 2022;

3. exprime sa plus vive colère et sa profonde indignation face aux atrocités signalées, notamment les viols et les exécutions massives de civils, et exige que toutes les personnes responsables d’avoir permis, perpétré et dissimulé des crimes de guerre aussi ignobles et d’autres violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international soient traduites en justice et tenues de rendre des comptes dans les meilleurs délais;

4. condamne fermement le recours systématique et horrifiant aux violences sexuelles et sexistes comme arme de guerre par les forces armées russes et, rappelant la résolution 1820 (2008) des Nations unies contre la violence sexuelle utilisée comme arme de guerre, affirme que le viol et d’autres formes de violence sexuelle peuvent constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou un acte constitutif de génocide et devraient à ce titre être poursuivis conformément aux dispositions du droit international et du statut de Rome de la CPI, en particulier ses articles 7 et 8;

5. soutient pleinement l’enquête lancée par le procureur de la CPI sur la situation en Ukraine, fondée sur des allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, le travail de la commission d’enquête indépendante sous l’égide du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et les efforts des ONG indépendantes visant à recueillir et à préserver les preuves des crimes de guerre; souligne qu’il importe de travailler et de progresser rapidement afin d’obtenir les preuves nécessaires aux enquêtes et aux poursuites contre toutes les personnes responsables d’avoir permis, commis et dissimulé des crimes de guerre et d’autres violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international;

6. demande instamment à l’Ukraine de ratifier le statut de Rome de la CPI et ses amendements et de devenir officiellement membre de la CPI afin de soutenir les efforts visant à poursuivre les crimes graves ayant une portée internationale et d’aligner la législation et les procédures nationales de l’Ukraine sur le droit international, de manière à renforcer ses mécanismes juridiques de lutte contre l’impunité pour ces crimes;

7. invite la Commission et les États membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir le travail des institutions internationales et des juridictions ou tribunaux internationaux afin de poursuivre les responsables ou leurs responsables hiérarchiques; se félicite par conséquent des enquêtes lancées par plusieurs États membres en vertu du principe de compétence universelle et à l’appui des travaux de la CPI; se félicite également du mandat modifié de la mission de conseil de l’Union européenne sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM Ukraine), qui soutiendra les autorités ukrainiennes dans les enquêtes et les poursuites relatives aux crimes ayant une portée internationale commis dans le cadre de l’agression russe et renforcera la coopération avec la CPI et les États membres; se félicite enfin du nouveau mandat proposé pour permettre à Eurojust de participer à la préservation, à l’analyse et au stockage des preuves relatives aux crimes de guerre;

8. invite la Commission, les États membres et la communauté internationale à fournir des ressources financières et une assistance technique supplémentaires pour la collecte et le stockage des nombreuses preuves de violations du droit humanitaire international, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité; invite l’Union, dans ce contexte, à soutenir ce processus en augmentant les ressources de l’instrument «L’Europe dans le monde»;

9. insiste sur la nécessité de renforcer la coordination des différents mécanismes mis en place pour lutter contre l’impunité des crimes de guerre commis en Ukraine, notamment par l’organisation d’une réunion internationale visant à coordonner la collecte de preuves et, partant, à améliorer l’efficacité des processus de responsabilisation; appelle les institutions de l’Union européenne à soutenir ces efforts de coordination;

10. recommande de tirer le meilleur parti de l’expérience acquise par d’autres mécanismes d’établissement des faits, tels que le mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie, en matière de collecte, de rassemblement et de conservation des preuves pour les procès pénaux internationaux et nationaux, et d’étendre son mandat et de le transformer en un mécanisme permanent sans limites géographiques;

11. se déclare convaincu qu’un tribunal international ad hoc chargé d’enquêter sur le crime d’agression commis par la Russie contre l’Ukraine et d’en poursuivre les auteurs constituerait un pas décisif vers la fin de l’impunité et compléterait les procédures en cours pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres crimes graves au regard du droit international qui ont déjà été engagées devant la CPI, la Cour internationale de justice et la CEDH; invite dès lors les États membres à soutenir la création d’un tel tribunal et demande à la Commission de débloquer rapidement des fonds pour l’initiative visant à établir un bureau provisoire à La Haye, afin de permettre aux procureurs et enquêteurs ukrainiens et internationaux d’effectuer les préparatifs nécessaires à la mise en place rapide de ce tribunal, et de soutenir les juridictions nationales qui enquêtent sur le crime d’agression en vue de poursuites, en vertu du principe de compétence universelle;

12. demande à la communauté internationale de réfléchir aux modalités d’une indemnisation, par exemple par la création d’un fonds de réparation pour les victimes de l’agression russe;

13. invite les autorités ukrainiennes à harmoniser la législation nationale, et notamment le code pénal, avec le droit pénal international et le droit international humanitaire et à adopter un cadre clair et pratique de coopération avec la CPI et les autres États qui enquêtent sur les crimes commis en Ukraine;

14. invite les institutions de l’Union et les États membres à soutenir les efforts de lutte contre l’impunité et de promotion de la responsabilité par la création d’un observatoire européen de la prévention, de la responsabilité et de la lutte contre l’impunité;

15. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au vice-président de la commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ainsi qu’au président, au gouvernement et au parlement ukrainiens ainsi qu’au président, au gouvernement et au Parlement de la Fédération de Russie.

 

 

Dernière mise à jour: 18 mai 2022
Avis juridique - Politique de confidentialité