PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur l’état de droit et l’approbation éventuelle du plan de relance national polonais (FRR)
7.6.2022 - (2022/2703(RSP))
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur
Damian Boeselager, Terry Reintke, Francisco Guerreiro, Piernicola Pedicini, Ernest Urtasun, Eleonora Evi, Rosa D’Amato, Daniel Freund, Damien Carême, Rasmus Andresen, Gwendoline Delbos‑Corfield, Ignazio Corrao, Marcel Kolaja, Alice Kuhnke, Monika Vana, Mikuláš Peksa, Alviina Alametsä, Michèle Rivasi, Sylwia Spurek, Benoît Biteau, David Cormand, Mounir Satouri, Caroline Roose, Yannick Jadot, Saskia Bricmont, Tilly Metz, Tineke Strik, Katrin Langensiepen, Bas Eickhout, Sara Matthieu, Kim Van Sparrentak, Alexandra Geese, Henrike Hahn, Sergey Lagodinsky, Jordi Solé, Margrete Auken, Erik Marquardt
au nom du groupe Verts/ALE
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0317/2022
B9‑0320/2022
Résolution du Parlement européen sur l’état de droit et l’approbation éventuelle du plan de relance national polonais (FRR)
Le Parlement européen,
– vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte»),
– vu les articles 1er, 2, 4 et 19 du traité sur l’Union européenne (ci-après le «traité UE»),
– vu l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «traité FUE»),
– vu la convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme,
– vu la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE),
– vu sa résolution du 21 octobre 2021 sur les lignes directrices concernant les aides d’État au climat, à la protection de l’environnement et à l’énergie[1],
– vu sa résolution du 10 mars 2022 sur l’état de droit et les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne[2],
– vu sa résolution du 5 mai 2022 sur les auditions en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE en ce qui concerne la Pologne et la Hongrie[3],
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’état de droit et de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, valeurs proclamées à l’article 2 du traité UE, dans la charte et dans les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme; que ces valeurs, qui sont communes aux États membres et auxquelles tous les États membres ont librement souscrit, constituent la base des droits dont jouissent les personnes qui vivent dans l’Union;
B. considérant qu’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs inscrites à l’article 2 du traité UE ne concerne pas uniquement l’État membre dans lequel le risque se matérialise, mais qu’il a une incidence sur les autres États membres, sur leur confiance mutuelle, sur la nature même de l’Union et le fonctionnement de ses institutions ainsi que sur les droits fondamentaux de ses citoyens au titre du droit de l’Union;
C. considérant qu’il est impossible de protéger de manière appropriée les intérêts financiers de l’Union tant que l’indépendance du système judiciaire polonais n’est pas entièrement rétablie; que d’ici là, il est impossible que la Pologne remplisse les critères d’évaluation pertinents prévus par la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), ce qui signifie donc que le rétablissement du système judiciaire polonais est une condition préalable à l’évaluation positive de son plan;
D. considérant que le règlement sur la FRR[4] exige que les organismes responsables des contrôles et de la surveillance disposent de l’habilitation juridique et de la capacité administrative nécessaires pour exercer de manière indépendante les tâches qui leur sont assignées et que le projet de décision d’exécution du Conseil lui-même souligne qu’une protection juridictionnelle effective est une condition préalable au fonctionnement d’un système de contrôle interne;
E. considérant que, le 21 octobre 2021, le Parlement a invité la Commission et le Conseil à s’abstenir d’approuver le projet de plan pour la reprise et la résilience de la Pologne tant que le gouvernement polonais n’appliquera pas pleinement et correctement les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne et des tribunaux internationaux, et à veiller à ce que l’évaluation du plan garantisse le respect des recommandations par pays pertinentes, en particulier en ce qui concerne la préservation de l’indépendance de la justice;
F. considérant que, le 10 mars 2022[5], le Parlement a souligné que l’approbation des plans nationaux au titre de la FRR devrait être subordonnée au respect de l’ensemble des 11 critères énoncés à l’article 19 et à l’annexe V du règlement sur la FRR;
G. considérant que, le 5 mai 2022[6], le Parlement a invité la Commission et le Conseil à ne pas approuver les plans nationaux de la Pologne et de la Hongrie dans le cadre de la FRR tant que les deux pays ne se seront pas pleinement conformés à toutes les recommandations par pays du Semestre européen dans le domaine de l’état de droit et n’auront pas mis en œuvre tous les arrêts pertinents de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme;
H. considérant que les trois conditions énoncées par la présidente de la Commission devant le Parlement le 19 octobre 2021 pour le versement des fonds de la FRR à la Pologne, à savoir 1) la dissolution de la chambre disciplinaire illégale, 2) la réintégration des juges suspendus par cette dernière et 3) la modification du système disciplinaire des juges, ne sont pas remplies;
I. considérant que, depuis que la guerre a éclaté en Ukraine, les autorités polonaises ont adopté une série de mesures qui sont en contradiction directe avec les trois conditions énoncées par la présidente de la Commission, dont, notamment, la suspension de la juge polonaise Anna Głowacka le 25 février 2022 pour avoir appliqué le droit européen et les arrêts des cours européennes; que le président polonais a procédé à la nomination de plus de 200 nouveaux juges, qualifiés de «néo-juges», dont la nomination (à la demande du Conseil national de la magistrature) présente des vices, et notamment à la nomination de quatre juges de la Cour suprême; qu’en outre, le 10 mars 2022, à la demande de Zbigniew Ziobro, ministre de la justice, le «Tribunal constitutionnel», politisé et totalement sous contrôle, a porté atteinte (avec la participation des «juges remplaçants») à la validité de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme en Pologne en remettant en cause la faculté de la Cour européenne des droits de l’homme et des juridictions polonaises d’examiner le bien-fondé de la nomination des juges et de l’indépendance du néo-Conseil national de la magistrature;
J. considérant que plusieurs projets de loi sont en cours d’examen par les deux chambres du Parlement polonais, dont des amendements à la loi sur la Cour suprême et à d’autres lois, ainsi que des amendements à la loi sur le Conseil national de la magistrature et à d’autres lois;
K. considérant que la décision de présenter le projet de décision d’exécution du Conseil a été adoptée par le collège des commissaires, deux vice-présidents de la Commission ayant voté contre et une vice-présidente et deux autres membres de la Commission ayant fait part par écrit de leurs inquiétudes;
1. condamne avec force l’évaluation positive, par la Commission, du plan pour la reprise et la résilience de la Pologne en dépit des violations existantes et continues des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE, dont l’état de droit et l’indépendance de la justice, ainsi que la non-conformité du plan avec les exigences énoncées dans le règlement sur la FRR pour qu’il puisse faire l’objet d’une évaluation positive; rappelle que l’existence de ces violations est largement attestée par des décisions de justice, des positions des institutions de l’Union, dont une procédure en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE, et des organisations internationales; rappelle que le respect intégral des décisions de justice n’est pas négociable et ne saurait servir de monnaie d’échange;
2. demande instamment au Conseil de ne pas approuver le plan national de la Pologne au titre de la FRR tant qu’il ne remplit pas totalement les exigences du règlement sur la FRR, notamment son article 22 relatif à la protection des intérêts financiers de l’Union contre les conflits d’intérêts et la fraude, l’ensemble des recommandations par pays du Semestre européen dans le domaine de l’état de droit et l’ensemble des arrêts pertinents de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme;
3. rappelle qu’en sa qualité de gardienne des traités, la Commission devrait utiliser tous les instruments dont elle dispose pour veiller au respect des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE et à la primauté du droit de l’Union; estime que les versements effectués à la Pologne au titre de la FRR doivent être subordonnés à la mise en œuvre intégrale des arrêts pertinents de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme, sans quoi ils constitueraient un abus de confiance manifeste; souligne que le Parlement est prêt à réagir comme il se doit et à utiliser tous les instruments dont il dispose, dont le recours à une motion de censure, conformément à l’article 234 du traité FUE;
4. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil, à la Commission, au Comité des régions et au Conseil de l’Europe.
- [1] JO C 184 du 5.5.2022, p. 163.
- [2] Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0074.
- [3] Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0204.
- [4] Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience. JO L 57 du 18.2.2021, p. 17.
- [5] Résolution du Parlement européen du 10 mars 2022 sur l’état de droit et les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0074.
- [6] Résolution du Parlement européen du 5 mai 2022 sur les auditions en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE en ce qui concerne la Pologne et la Hongrie, Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0204.