Proposition de résolution - B9-0321/2022Proposition de résolution
B9-0321/2022

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur l’état de droit et l’approbation éventuelle du plan de relance national polonais (FRR)

7.6.2022 - (2022/2703(RSP))

déposée à la suite de déclarations du Conseil et de la Commission
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur

Konstantinos Arvanitis
au nom du groupe The Left

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0317/2022

Procédure : 2022/2703(RSP)
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B9-0321/2022
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B9‑0321/2022

Résolution du Parlement européen sur l’état de droit et l’approbation éventuelle du plan de relance national polonais (FRR)

(2022/2703(RSP))

Le Parlement européen,

 vu les articles 1, 2, 3, 4, 6, 7, 13, 14, 16, 17, 19 et 49 du traité sur l’Union européenne (traité UE) et les articles 265, 310, 317 et 319 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE),

 vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

 vu la convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière,

 vu la déclaration universelle des droits de l’homme,

 vu le règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union («règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit»)[1],

 vu ses résolutions antérieures sur le mécanisme de conditionnalité liée à l’état de droit,

 vu son recours en carence introduit le 29 octobre 2021 dans l’affaire C-657/21, Parlement européen/Commission, actuellement pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne,

 vu les rapports de la Commission sur l’état de droit du 30 septembre 2020 (COM(2020)0580) et du 20 juillet 2021 (COM(2021)0700),

 vu les conclusions du Conseil européen du 11 décembre 2020,

 vu la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme,

 vu les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 février 2022 (C-156/21 et C-157/21)[2],

 vu l’ordonnance de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 juillet 2021 et son arrêt du 15 juillet 2021[3], selon lesquels le système disciplinaire des juges en Pologne n’est pas compatible avec le droit de l’Union,

 vu la proposition motivée de la Commission du 20 décembre 2017 conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité UE concernant l’état de droit en Pologne: «proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’état de droit» (COM(2017)0835),

 vu sa résolution du 1er mars 2018 sur la décision de la Commission de déclencher l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne en ce qui concerne la situation en Pologne[4],

 vu les lettres adressées par la Commission à la Pologne le 17 novembre 2021,

 vu la proposition de décision d’exécution du Conseil présentée par la Commission relative à l’approbation de l’évaluation du plan pour la reprise et la résilience pour la Pologne (COM(2022)0268),

 vu le rapport conjoint de sa commission des budgets et de sa commission des affaires économiques et monétaires sur la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience,

 vu le règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience (règlement FRR)[5],

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que l’Union est fondée sur le respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, de l’état de droit et des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, tels que consacrés à l’article 2 du traité UE;

B. considérant que, conformément au règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit, l’état de droit doit être compris au regard des valeurs et principes inscrits dans l’article 2 du traité UE, notamment les droits fondamentaux et la non-discrimination; que la Commission devrait utiliser tous les instruments à sa disposition, y compris le règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit, pour lutter contre les violations persistantes de la démocratie et des droits fondamentaux partout dans l’Union, y compris les attaques contre la liberté des médias et les journalistes, les migrants, les droits des femmes, les droits des personnes LGBTIQ ainsi que les libertés d’association et de réunion; que la Commission doit agir et en tenir compte dans l’application du règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit;

C. considérant qu’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs inscrites à l’article 2 du traité UE ne concerne pas uniquement l’État membre dans lequel le risque se matérialise, mais qu’il a une incidence sur les autres États membres, sur leur confiance mutuelle, sur la nature même de l’Union et sur les droits fondamentaux de ses citoyens au titre du droit de l’Union;

D. considérant que le rétablissement du système judiciaire polonais est une condition préalable pour le respect des critères d’évaluation pertinents au titre de la FRR et pour garantir une protection adéquate des intérêts financiers de l’Union;

E. considérant que le règlement FRR exige que les organismes responsables des contrôles et de la surveillance disposent de l’habilitation juridique et de la capacité administrative nécessaires pour exercer de manière indépendante les tâches qui leur sont assignées et que le projet de décision d’exécution du Conseil souligne qu’une protection juridictionnelle effective est une condition préalable au fonctionnement d’un système de contrôle interne;

F. considérant que les institutions de l’Union doivent garantir et défendre les valeurs énoncées à l’article 2 du traité UE, dans les limites des attributions qui leur sont conférées par les traités;

G. considérant que, le 10 mars 2022[6], le Parlement a souligné que l’approbation des plans nationaux au titre de la FRR devrait être subordonnée au respect de l’ensemble des 11 critères énoncés à l’article 19 et à l’annexe V du règlement FRR;

H. considérant que, le 5 mai 2022[7], le Parlement a invité la Commission et le Conseil à ne pas approuver les plans nationaux de la Pologne et de la Hongrie dans le cadre de la FRR tant que les deux pays ne se seront pas pleinement conformés à toutes les recommandations dans le domaine de l’état de droit et n’auront pas mis en œuvre tous les arrêts pertinents de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme;

I. considérant que les trois conditions pour le versement des fonds de la FRR à la Pologne, citées par la présidente de la Commission le 19 octobre 2021, ne sont pas encore remplies;

J. considérant que les autorités polonaises ont adopté une série de mesures qui sont en contradiction directe avec les trois conditions énoncées par la présidente de la Commission, dont, notamment, la suspension de la juge polonaise Anna Głowacka le 25 février 2022 pour avoir appliqué le droit européen et les arrêts des cours européennes; que le président polonais a procédé à la nomination de plus de 200 nouveaux juges, qualifiés de «néo-juges», dont la nomination (à la demande du Conseil national de la magistrature) présente des vices, et notamment à la nomination de quatre juges de la Cour suprême; que, le 10 mars 2022, à la demande de Zbigniew Ziobro, ministre de la justice, le «Tribunal constitutionnel», politisé et totalement sous contrôle, a porté atteinte (avec la participation des «juges remplaçants») à la validité de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme en Pologne en remettant en cause la faculté de la Cour européenne des droits de l’homme et des juridictions polonaises d’examiner le bien-fondé de la nomination des juges et de l’indépendance du néo-Conseil national de la magistrature;

K. considérant que plusieurs projets de loi sont en cours d’examen par les deux chambres du Parlement polonais, dont des amendements à la loi sur la Cour suprême et à d’autres lois, ainsi que des amendements à la loi sur le Conseil national de la magistrature et à d’autres lois;

L. considérant que, conformément à l’article 234 du traité FUE, le Parlement européen peut se prononcer sur une motion de censure à l’égard de la Commission;

1. déplore l’évaluation positive, par la Commission, du plan pour la reprise et la résilience de la Pologne en dépit des violations existantes et continues des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE, dont l’état de droit et l’indépendance de la justice, ainsi que la non-conformité du plan avec les exigences énoncées dans le règlement FRR pour qu’il puisse faire l’objet d’une évaluation positive; rappelle que l’existence de ces violations a été dûment attestée par des décisions de justice, des positions des institutions de l’Union, dont des procédures en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE, et des organisations internationales; rappelle que le respect intégral des décisions de justice est absolument nécessaire et ne saurait servir de monnaie d’échange; souligne que les fonds de l’Union ne devraient pas être accordés aux gouvernements des États membres qui violent l’état de droit, la démocratie et les droits fondamentaux; rappelle les diverses violations par la Pologne dans le domaine de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux, notamment en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire, la liberté des médias, les attaques contre des acteurs de la société civile et la poursuite de la détérioration des droits des personnes LGBTIQ+ et des droits des femmes, ainsi que l’utilisation alléguée du logiciel espion Pegasus;

2. dénonce une nouvelle fois le fait que, depuis que la Commission a déclenché l’article 7, paragraphe 1, du traité UE à l’égard de la Pologne en décembre 2017, la situation dans le pays s’est gravement détériorée; estime que l’évaluation positive du plan pour la reprise et la résilience de la Pologne porte atteinte au principe de l’indépendance de la justice et constitue donc une violation du principe de l’état de droit par la Commission elle-même;

3. demande instamment au Conseil de ne pas approuver le plan national de la Pologne au titre de la FRR tant que celle-ci n’aura pas totalement rempli les exigences du règlement FRR, et en particulier son article 22, en vue de protéger les intérêts financiers de l’Union contre les conflits d’intérêts et la fraude, ainsi que l’ensemble des recommandations dans le domaine de l’état de droit, et tant qu’elle n’aura pas appliqué tous les arrêts pertinents de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme;

4. insiste pour que le Conseil procède à une analyse rigoureuse et approfondie de l’évaluation, par la Commission, du plan national de la Pologne au titre de la FRR et souhaite, en particulier, que les trois conditions de versement des fonds de la FRR à la Pologne, citées par la présidente de la Commission en octobre 2021, soient remplies;

5. relève que les valeurs intermédiaires et les valeurs cibles liées à la protection des intérêts financiers de l’Union, à la mise en place d’un système de contrôle adéquat, à l’indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi qu’à la prévention, à la détection et à la lutte contre la fraude, les conflits d’intérêts et la corruption devraient être atteintes avant la présentation d’une première demande de versement, et rappelle qu’aucun versement au titre de la FRR ne peut être effectué tant qu’elles ne sont pas atteintes;

6. rappelle qu’en sa qualité de gardienne des traités, la Commission devrait utiliser tous les instruments dont elle dispose pour veiller au respect des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE;

7. souligne que le mécanisme de conditionnalité liée à l’état de droit devrait s’appliquer tant au budget de l’Union qu’à l’instrument de l’Union européenne pour la relance; souligne, en outre, que l’approbation des plans nationaux au titre de la FRR devrait être subordonnée au respect de l’ensemble des 11 critères énoncés à l’article 19 et à l’annexe V du règlement FRR;

8. rappelle qu’il est grand temps pour la Commission de remplir ses fonctions de gardienne des traités et de réagir immédiatement aux graves violations persistantes des principes de l’état de droit dans certains États membres, lesquelles représentent un grave danger pour les intérêts financiers de l’Union en ce qui concerne la répartition équitable, légale et impartiale des fonds de l’Union, en particulier de ceux relevant de la gestion partagée; met en garde contre le fait que tout retard supplémentaire peut avoir de graves conséquences;

9. rappelle que, conformément au règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit, l’état de droit doit être compris au regard des valeurs et principes inscrits dans l’article 2 du traité UE, notamment les droits fondamentaux et la non-discrimination; considère que les violations persistantes de la démocratie et des droits fondamentaux, y compris les attaques contre la liberté des médias et des journalistes, les migrants, les droits des femmes, les droits des personnes LGBTIQ et la liberté d’association et de réunion affectent les projets que les États membres décident de financer avec des fonds de l’Union et peuvent avoir un effet suffisamment direct sur la protection des intérêts financiers de l’Union; invite la Commission à agir et à en tenir compte dans le contexte du règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit;

10. souligne que l’inaction et le laxisme à l’égard des structures oligarchiques et de la violation systémique de l’état de droit affaiblissent l’ensemble de l’Union européenne et sapent la confiance de ses citoyens; insiste sur la nécessité de veiller à ce que l’argent des contribuables ne finisse jamais dans les poches de ceux qui portent atteinte à l’état de droit;

11. regrette que le Conseil ne soit pas à même d’obtenir de véritables avancées pour faire appliquer les valeurs de l’Union dans le cadre des procédures en cours engagées au titre de l’article 7 en réponse aux menaces qui pèsent sur les valeurs européennes communes en Pologne et en Hongrie; recommande que le Conseil adresse des recommandations concrètes aux États membres en question, comme le prévoit l’article 7, paragraphe 1, du traité UE, dans le prolongement des auditions, et qu’il fixe des échéances pour la mise en œuvre de ces recommandations;

12. invite la présidence française du Conseil à respecter son engagement en faveur d’une «Europe humaine» et à contribuer résolument au renforcement de l’état de droit et à la protection des droits fondamentaux, tels qu’ils sont consacrés dans le programme de la présidence de l’Union, dans lequel l’état de droit est décrit comme une «condition essentielle au bon fonctionnement de l’Union»; prie instamment la présidence française de soutenir l’application et la mise en œuvre rapides et correctes du règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit;

13. rappelle que le respect de l’état de droit et la bonne gestion financière des fonds de l’Union doivent faire l’objet d’une évaluation continue tout au long du cycle de vie de la FRR et que le fait d’avoir atteint les valeurs intermédiaires et les valeurs cibles de manière satisfaisante, et perçu les versements qui en découlent, présuppose que l’État membre concerné n’ait pas annulé les mesures liées aux valeurs intermédiaires et valeurs cibles précédemment atteintes de manière satisfaisante; souligne que la Commission doit s’abstenir de verser des fonds dans l’hypothèse où ces conditions ne seraient plus remplies;

14. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil et aux États membres.

 

Dernière mise à jour: 8 juin 2022
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