PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur l’état de droit et l’approbation éventuelle du plan de relance national (FRR) polonais
7.6.2022 - (2022/2703(RSP))
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur
Iratxe García Pérez, Eider Gardiazabal Rubial, Jonás Fernández, Juan Fernando López Aguilar
au nom du groupe S&D
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0317/2022
B9‑0322/2022
Résolution du Parlement européen sur l’état de droit et l’approbation éventuelle du plan de relance national (FRR) polonais
Le Parlement européen,
– vu l’article 2 et l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne (traité UE),
– vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
– vu le règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience[1] (règlement FRR),
– vu la proposition motivée de la Commission du 20 décembre 2017 conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité UE concernant l’état de droit en Pologne: «proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’état de droit» (COM(2017)0835),
– vu sa résolution du 1er mars 2018 sur la décision de la Commission de déclencher l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne en ce qui concerne la situation en Pologne[2],
– vu la recommandation de la Commission du 23 mai 2022 de recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la Pologne pour 2020 et portant avis du Conseil sur le programme de convergence de la Pologne pour 2020 (COM(2022)0622),
– vu sa résolution du 17 septembre 2020 sur la proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’état de droit[3],
– vu sa résolution du 16 septembre 2021 sur la liberté des médias et la nouvelle détérioration de l’état de droit en Pologne[4],
– vu sa résolution du 21 octobre 2021 sur la crise de l’état de droit en Pologne et la primauté du droit de l’Union[5],
– vu sa résolution du 5 mai 2022 sur les auditions en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE en ce qui concerne la Pologne et la Hongrie[6],
– vu la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et de la Cour européenne des droits de l’homme,
– vu la proposition de décision d’exécution du Conseil du 1er juin 2022 présentée par la Commission relative à l’approbation de l’évaluation du plan pour la reprise et la résilience pour la Pologne (COM(2022)0268),
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que la proposition de décision d’exécution du Conseil présentée par la Commission relative à l’approbation de l’évaluation du plan pour la reprise et la résilience pour la Pologne n’aurait pas été adoptée à l’unanimité, certains ayant voté contre et plusieurs commissaires ayant exprimé des opinions divergentes;
B. considérant que, lors de la session plénière d’octobre 2021, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a fixé trois critères pour l’approbation du plan pour la reprise et la résilience de la Pologne: le démantèlement de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise; la réforme des procédures disciplinaires à l’encontre des juges; et la réintégration des juges suspendus par la chambre disciplinaire;
C. considérant que le Parlement a invité à plusieurs reprises la Commission et le Conseil à s’abstenir d’approuver le projet de plan pour la reprise et la résilience de la Pologne tant que le gouvernement polonais n’appliquera pas pleinement et correctement les arrêts de la CJUE et des tribunaux internationaux, et à veiller à ce que l’évaluation du plan garantisse le respect des recommandations par pays pertinentes, en particulier en ce qui concerne la préservation de l’indépendance de la justice;
D. considérant que les réformes dans le domaine de la justice sont toujours en cours en Pologne et que les projets de loi votés récemment et les propositions en cours de discussion n’ont pas permis de répondre efficacement à toutes les préoccupations concernant l’indépendance des instances judiciaires et les procédures disciplinaires; que plusieurs juges sont toujours confrontés à des procédures disciplinaires et/ou n’ont pas été réintégrés;
E. considérant que l’article 19 du règlement FRR énonce clairement les 11 critères permettant à la Commission d’évaluer, notamment, si les dispositions proposées par l’État membre concerné visent à prévenir, détecter et corriger la corruption, la fraude et les conflits d’intérêts lors de l’utilisation des fonds obtenus au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR);
F. considérant que la Commission a déclaré, dans ses recommandations par pays du Semestre européen 2022[7], que l’indépendance, l’efficience et la qualité du système judiciaire sont essentiels, mais aussi que l’état de droit s’est détérioré et que l’indépendance de la justice demeure une préoccupation majeure en Pologne, comme l’ont également relevé plusieurs arrêts de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l’homme;
G. considérant que la Commission a recommandé à la Pologne, dans ses recommandations par pays du Semestre européen 2022, de prendre des mesures en 2022 et 2023, entre autres pour améliorer son climat d’investissement, notamment en préservant l’indépendance du pouvoir judiciaire et en garantissant une consultation publique effective et la participation des partenaires sociaux au processus d’élaboration des politiques;
H. considérant que, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement FRR, aucun plan adopté après le 31 décembre 2021 ne peut bénéficier d’un préfinancement;
1. exprime sa profonde inquiétude face à l’évaluation positive du plan pour la reprise et la résilience de la Pologne par la Commission, compte tenu des violations existantes et continues des valeurs consacrées par l’article 2 du traité UE, dont l’état de droit et l’indépendance de la justice; rappelle que l’existence de ces violations a été dûment attestée par de nombreuses décisions de justice, positions des institutions de l’Union, dont des procédures en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE, et organisations internationales;
2. insiste pour que le Conseil procède à une analyse rigoureuse et approfondie de l’évaluation, par la Commission, du plan national de la Pologne au titre de la FRR et souhaite, notamment, que les trois conditions de versement des fonds de la FRR à la Pologne, citées par la présidente de la Commission en octobre 2021, soient remplies;
3. demande instamment au Conseil de ne pas approuver le plan national de la Pologne au titre de la FRR tant que celle-ci ne remplit pas totalement les exigences du règlement sur la FRR, et en particulier celles visées à son article 22, notamment en vue de protéger les intérêts financiers de l’Union contre les conflits d’intérêts et la fraude, et tant qu’elle n’aura pas mis en œuvre l’ensemble des recommandations par pays du Semestre européen dans le domaine de l’état de droit, ni exécuté tous les arrêts pertinents de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l’homme;
4. relève que les valeurs intermédiaires et les valeurs cibles liées à la protection des intérêts financiers de l’Union, à la mise en place d’un système de contrôle adéquat, à l’indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi qu’à la prévention, à la détection et à la lutte contre la fraude, les conflits d’intérêts et la corruption devraient être atteintes avant la présentation d’une première demande de versement, et rappelle qu’aucun versement au titre de la FRR ne peut être effectué tant qu’elles ne sont pas atteintes;
5. souligne que le respect de l’état de droit et de l’article 2 du traité UE est une condition préalable à l’accès aux fonds, que le mécanisme de conditionnalité liée à l’état de droit est pleinement applicable à la FRR et qu’aucune mesure contraire aux valeurs de l’Union consacrées par l’article 2 du traité UE ne saurait faire l’objet d’un financement au titre de la FRR; prie instamment la Commission de surveiller très attentivement les risques qui pèsent sur les intérêts financiers de l’Union lors de la mise en œuvre de la FRR ainsi que toute violation ou violation potentielle des principes de l’état de droit et de prendre des mesures immédiates en cas de risque pesant sur les intérêts financiers de l’Union; invite dès lors la Commission, conformément au règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit[8], à se montrer particulièrement stricte à l’égard des États membres en s’assurant qu’ils se conforment à l’obligation de protection des intérêts financiers de l’Union consacrée par l’article 22 dudit règlement;
6. rappelle, en outre, que le respect de l’état de droit et la bonne gestion financière des fonds de l’Union doivent faire l’objet d’une évaluation continue tout au long du cycle de vie de la FRR et que le respect satisfaisant des jalons et cibles et les paiements y relatifs présupposent de ne pas revenir sur des mesures liées aux jalons et cibles qui ont déjà été atteints de manière satisfaisante; souligne que la Commission doit s’abstenir de verser des fonds et, le cas échéant, doit recouvrer des fonds, dans l’hypothèse où ces conditions ne seraient plus remplies;
7. rappelle qu’en sa qualité de gardienne des traités, la Commission devrait utiliser tous les instruments dont elle dispose pour veiller au respect des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE;
8. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.
- [1] JO L 57 du 18.2.2021, p. 17.
- [2] JO C 129 du 5.4.2019, p. 13.
- [3] JO C 385 du 22.9.2021, p. 317.
- [4] JO C 117 du 11.3.2022, p. 151.
- [5] JO C 184 du 5.5.2022, p. 154.
- [6] Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0204.
- [7] COM(2022)0622.
- [8] Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO L 433I du 22.12.2020, p. 1).