PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la mort de Mahsa Amini et la répression des manifestants pour les droits des femmes en Iran
3.10.2022 - (2022/2849(RSP))
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur
María Soraya Rodríguez Ramos, Petras Auštrevičius, Nicola Beer, Izaskun Bilbao Barandica, Dita Charanzová, Olivier Chastel, Klemen Grošelj, Bernard Guetta, Ilhan Kyuchyuk, Nathalie Loiseau, Urmas Paet, Dragoş Pîslaru, Michal Šimečka, Nicolae Ştefănuță, Ramona Strugariu, Frédérique Ries, Dragoş Tudorache, Hilde Vautmans
au nom du groupe Renew
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0434/2022
B9‑0435/2022
Résolution du Parlement européen sur la mort de Mahsa Amini et la répression des manifestants pour les droits des femmes en Iran
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur l’Iran, notamment celles du 17 février 2022 sur la peine de mort en Iran[1], du 17 décembre 2020 sur l’Iran, en particulier le cas de Nasrin Sotoudeh[2], lauréate du prix Sakharov 2012, du 19 décembre 2019 sur la répression violente des récentes manifestations en Iran[3] et du 19 septembre 2019 sur l’Iran, notamment la situation des défenseurs des droits des femmes et des binationaux européens emprisonnés[4],
– vu la déclaration du 25 septembre 2022 du vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR), au nom de l’Union européenne, sur la mort en détention de Mahsa Amini et les récentes manifestations en Iran,
– vu les conclusions du Conseil du 4 février 2019 sur l’Iran et sa décision du 12 avril 2021 de proroger pour une nouvelle période de 12 mois ses mesures restrictives adoptées en réaction aux violations graves des droits de l’homme commises en Iran[5],
– vu les rapports du rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, en particulier les derniers rapports publiés les 18 juin 2022, 13 janvier 2022 et 11 janvier 2021, et sa dernière déclaration faite en date du 9 mars 2021,
– vu la déclaration du 29 novembre 2018 des experts des droits de l’homme des Nations unies intitulée «L’Iran doit protéger les défenseurs des droits des femmes»,
– vu les orientations de l’Union concernant les défenseurs des droits de l’homme,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
– vu le Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Iran est partie,
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que Jina Mahsa Amini, femme kurde iranienne, a été arrêtée le 13 septembre 2022 à Téhéran pour avoir prétendument porté son voile de manière «inappropriée» et que cette arrestation a été pratiquée par la «police des mœurs» iranienne, qui soumet régulièrement les femmes et les jeunes filles à des détentions arbitraires, à des tortures et à d’autres mauvais traitements pour non-respect du port obligatoire du voile en vigueur en Iran; que, selon des témoins oculaires, Jina Mahsa Amini a été battue lors de son transfert au centre de détention de Vozara à Téhéran, où elle est tombée peu après dans un coma, avant de décéder trois jours plus tard, le 16 septembre 2022, dans un hôpital voisin pendant sa garde à vue;
B. considérant que, selon la loi iranienne sur le port obligatoire du voile, les femmes et les filles qui sont vues en public sans foulard peuvent se voir infliger une peine d’emprisonnement, une flagellation ou une amende, et qu’elles sont régulièrement arrêtées dans la rue au hasard par la «police des mœurs», qui les insulte, les menaces ou les agresse physiquement; que ces actes constituent des peines cruelles, inhumaines ou dégradantes, qui sont formellement interdites par le droit international, y compris le PIDCP, auquel l’Iran est partie;
C. considérant que l’enquête annoncée sur la mort de Jina Mahsa Amini par le gouvernement iranien manque de crédibilité, non seulement parce qu’une enquête menée par le ministère de l’intérieur sur ses propres forces de l’ordre ne satisfait pas au critère d’indépendance au regard des normes internationales, mais aussi parce qu’une culture d’impunité existe de longue date en ce qui concerne les crimes relevant du droit international et autres violations graves des droits de l’homme commises par les autorités iraniennes;
D. considérant que, comme le signalait Amnesty International en septembre 2021, les autorités iraniennes n’ont pas rendu compte d’au moins 72 décès en détention depuis janvier 2010, même si des sources sérieuses indiquent que ces décès résulteraient de tortures, de mauvais traitements ou de recours à la force létale par des fonctionnaires;
E. considérant que la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence à l’égard des femmes, qui s’est rendue en Iran en janvier et février 2005, a conclu qu’en Iran, les femmes issues de minorités subissent de multiples formes de discrimination;
F. considérant qu’après la mort de Mahsa Amini, des dizaines de milliers d’Iraniens représentant toutes les couches de la société ont participé à des manifestations antigouvernementales dans l’ensemble du pays; que des centaines d’Iraniens ont été tués, blessés ou détenus par les forces de sécurité au cours des manifestations et que, selon les informations disponibles, des milliers d’autres ont été arrêtés, y compris des militants des droits de l’homme, des étudiants, des avocats, des militants de la société civile et au moins 18 journalistes;
G. considérant que les autorités iraniennes perturbent délibérément l’internet et les connexions mobiles pour empêcher les citoyens iraniens d’accéder aux technologies de communication de manière sûre et privée et d’organiser des rassemblements pacifiques; que le droit d’organiser des manifestations pacifiques est protégé par le droit international relatif aux droits de l’homme; que les coupures délibérées d’internet empêchent également les organisations internationales et locales de documenter les violations des droits de l’homme;
H. considérant que l’assassinat de Jina Mahsa Amini n’est ni exceptionnel ni accidentel, mais qu’il s’inscrit dans le cadre des politiques répressives à l’encontre des droits fondamentaux des femmes, des droits des minorités ou de droits découlant du croisement de ces droits qui ont été codifiés par la loi depuis 1979;
I. considérant que, depuis le début du mandat d’Ebrahim Raisi en 2021, on a constaté une aggravation du harcèlement des femmes par les forces de la «police des mœurs»; que le gouvernement iranien a œuvré en faveur de l’adoption d’une législation et d’un projet de législation encourageant la répression des femmes;
J. considérant que les tribunaux révolutionnaires iraniens ont, ces dernières années, intensifié la répression des actes de résistance pacifique émanant de défenseurs des droits des femmes qui protestent contre l’obligation de porter le voile, y compris en allongeant les peines de prison; que l’introduction de la loi sur le voile et la chasteté impliquerait l’utilisation de caméras pour surveiller et sanctionner les femmes qui ne portent pas le voile; que, selon une enquête réalisée en 2020 par le site d’information The Conversation, 72 % des personnes interrogées ont explicitement rejeté le port obligatoire du voile;
K. considérant que l’Iran n’a pas ratifié la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1979, que l’Iran dispose de nombreuses lois discriminatoires, notamment ses dispositions juridiques relatives au statut personnel;
L. considérant que les militantes des droits de l’homme Zahra Sedighi-Hamadani et Elham Choubdar ont été poursuivies par les autorités judiciaires iraniennes et condamnées à mort par le tribunal de la révolution islamique d’Orumieh le 1er septembre 2022 pour avoir manifesté leur soutien aux droits fondamentaux des personnes LGBT; que le système juridique iranien interdit explicitement l’homosexualité et que les relations homosexuelles sont passibles de la peine de mort en vertu du code pénal du pays;
M. considérant qu’Amnesty International a révélé que les autorités envisageaient, pour réprimer les manifestations actuelles, de déployer les Gardiens de la révolution, la force paramilitaire Basij, le commandement des forces de l'ordre de la République islamique d'Iran, la police antiémeute ainsi que des agents de sécurité en civil; que des éléments probants indiquent que le quartier général des forces armées a donné instruction aux commandants des forces de l’ordre de toutes les provinces de recourir à la force létale et aux armes à feu contre les manifestants pacifiques;
N. considérant que l’Union a adopté des mesures restrictives liées à des violations des droits de l’homme, parmi lesquelles un gel des avoirs et une interdiction de visa pour les personnes et entités responsables de graves violations des droits de l’homme, ainsi qu’une interdiction d’exporter à destination de l’Iran des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne ou des équipements de surveillance des télécommunications; que ces mesures restent en place et sont régulièrement mises à jour;
O. considérant que, malgré les mesures restrictives de l’Union, certains Iraniens affiliés au régime vivent actuellement dans l’Union européenne alors qu’ils soutiennent la répression brutale qu’exerce le régime;
1. présente ses condoléances à la famille de la victime kurde iranienne, Jina Mahsa Amini, et aux familles de toutes les personnes tuées lors des récentes manifestations en Iran, y compris Hadith Najafi, Ghazale Chelavi, Hanane Kia et Mahsa Mogoi, qui manifestaient contre le port obligatoire du voile;
2. condamne avec la plus grande fermeté la répression constante dont sont victimes les femmes qui s’opposent au port obligatoire du voile et qui exercent leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique; demande au gouvernement iranien de respecter la liberté des Iraniennes de choisir leur propre code vestimentaire;
3. condamne fermement la répression menée actuellement par l’État à l’encontre des minorités iraniennes, y compris les Kurdes, les Baloutchis, les Arabes et les minorités religieuses non chiites et non musulmanes, et rappelle que le taux d’emprisonnement et de détention des minorités est disproportionné; invite l’Union et ses États membres à suivre de près l’évolution de la situation en ce qui concerne le recours à la violence d’État dans les régions où vivent des minorités;
4. rend hommage et exprime son soutien aux Iraniennes qui continuent à défendre les valeurs universelles malgré les difficultés et les répercussions personnelles auxquelles elles sont confrontées; reconnaît que leur mouvement va au-delà de la défense des droits des femmes et plaide en faveur de l’instauration en Iran d’un régime laïque en lieu et place de l’actuelle théocratie réactionnaire et violente;
5. condamne l’usage généralisé, intentionnel et injustifié de la force par les autorités iraniennes à l’encontre de manifestants pacifiques, en particulier dans les régions où vivent des minorités; souligne que de tels actes sont inacceptables et prie instamment le gouvernement iranien de libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes emprisonnées lors de la manifestation, d’abandonner toutes les charges découlant de l’exercice du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique et de veiller à ce que toutes les condamnations résultant de procès inéquitables, y compris celles qui se sont appuyées sur des déclarations obtenues par la torture ou d’autres mauvais traitements ou sans la présence d’un avocat, soient annulées;
6. condamne fermement le fait que l’Iran coupe l’accès à internet et aux réseaux mobiles dans le contexte des manifestations dans le pays, étant donné que ces mesures entravent les communications et la libre circulation des informations pour les citoyens iraniens; souligne que ces mesures constituent une violation manifeste du droit international; souligne que la mise en œuvre de la loi sur la protection des utilisateurs, notamment par l’intermédiaire du Conseil suprême du cyberespace, aurait pour effet de consolider le contrôle exercé par l’État sur l’espace en ligne et de limiter l’accès à l’internet mondial et serait contraire aux normes internationales en matière de liberté d’expression et d’information; condamne fermement les cyberattaques préjudiciables perpétrées récemment par l’Iran contre les infrastructures vitales de l’Albanie; invite la Commission à évaluer les conséquences de ces attaques dans le contexte de l’ordre international fondé sur des règles et à examiner les réactions possibles;
7. rappelle que les droits fondamentaux, tels que la liberté d’expression et de réunion, doivent toujours être respectés, et invite les autorités iraniennes à honorer leurs obligations internationales, notamment le PIDCP;
8. demande une nouvelle fois au gouvernement iranien d’instaurer un moratoire immédiat sur la peine de mort comme étape préalable à son abolition, de commuer la peine de toutes les personnes condamnées à mort et de suspendre immédiatement les exécutions de Mme Sedighi-Hamadani et de Mme Choubdar;
9. condamne les politiques et lois discriminatoires à l’encontre des femmes, en particulier la loi sur la jeunesse et la protection de la famille, qui a des conséquences négatives sur les droits sexuels et génésiques; prie instamment le gouvernement et le parlement iraniens de mettre en place une véritable loi sur la violence à caractère sexiste qui réponde aux normes internationales et s’abstienne de criminaliser les victimes, et, par ailleurs, de lutter contre les mariages d’enfants et la violence conjugale et sexiste;
10. réclame une interdiction d’exporter des technologies de reconnaissance faciale vers l’Iran, qui prévoit de les utiliser pour surveiller les femmes dans les espaces publics;
11. demande aux Nations unies, en particulier à leur Conseil des droits de l’homme, de lancer sans délai une enquête approfondie sur les événements qui ont eu lieu ces dernières semaines, confiée au rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Iran, dans le but de mettre en lumière les allégations de violations graves des droits de l’homme dans le pays commises depuis le début des manifestations;
12. encourage une coordination étroite entre les ambassades de l’Union accréditées à Téhéran; prie instamment tous les États membres ayant une présence diplomatique à Téhéran d’utiliser les mécanismes prévus dans les Orientations de l'UE concernant les défenseurs des droits de l'homme pour soutenir et protéger le personnel de ces ambassades et leurs familles, notamment en surveillant les procès inéquitables et en rendant visite aux défenseurs des droits de l’homme en prison; invite l’Union et ses États membres à mettre en œuvre des mesures de protection adéquates pour faire face aux risques spécifiques liés au genre auxquels sont exposées les femmes qui militent en faveur des droits de l’homme;
13. invite les États membres à prendre les mesures nécessaires pour révoquer les visas et permis de séjour des personnes affiliées au régime iranien et à cesser de leur en délivrer;
14. invite l’Union européenne, y compris le VP/HR, à continuer d’aborder les problèmes liés aux droits de l’homme avec les autorités iraniennes dans les enceintes bilatérales et multilatérales et à tirer parti de tous les engagements prévus avec les autorités iraniennes à cette fin, en particulier dans le cadre du dialogue politique de haut niveau entre l’Union et l’Iran;
15. prie instamment le VP/HR et le Conseil d’élargir et de mettre à jour la liste des sanctions individuelles afin d’y inclure les membres de la «police des mœurs» et tous les fonctionnaires de l’État responsables de la répression et du recours à la force létale contre les manifestants;
16. invite l’Union, y compris le VP/HR, à réévaluer son approche à l’égard de l’Iran, y compris la possibilité de sanctions;
17. prie instamment les institutions européennes de s’interroger sur le mouvement de protestation profondément enraciné en Iran et de souligner l’importance des libertés et des droits des femmes et des filles et de les promouvoir dans leurs campagnes de communication, et, par ailleurs, condamne toute tentative d’assujettissement ou d’imposition;
18. invite le Service européen pour l’action extérieure à rendre compte des mesures prises en ce qui concerne les résolutions antérieures du Parlement sur l’Iran;
19. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies ainsi qu’au gouvernement et au parlement de l’Iran.