Proposition de résolution - B9-0442/2022Proposition de résolution
B9-0442/2022

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la mort de Mahsa Amini et la répression des manifestants pour les droits des femmes en Iran

3.10.2022 - (2022/2849(RSP))

déposée à la suite d’une déclaration du vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur

David Lega, Michael Gahler, Željana Zovko, Rasa Juknevičienė, David McAllister, Antonio López‑Istúriz White, Isabel Wiseler‑Lima, Arba Kokalari
au nom du groupe PPE

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0434/2022

Procédure : 2022/2849(RSP)
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B9-0442/2022
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B9‑0442/2022

Résolution du Parlement européen sur la mort de Mahsa Amini et la répression des manifestants pour les droits des femmes en Iran

(2022/2849(RSP))

Le Parlement européen,

 vu ses résolutions précédentes sur l’Iran, notamment celles du 19 septembre 2019[1], du 19 décembre 2019[2] et du 17 décembre 2020[3],

 vu la déclaration du 22 septembre 2022 des experts des Nations unies, demandant des explications sur la mort de Mahsa Amini et plaidant pour la fin des violences à l’égard des femmes,

 vu le rapport du 11 janvier 2021 du rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran,

 vu le rapport du 16 juin 2022 du secrétaire général des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran,

 vu le rapport du 18 juin 2022 du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran,

 vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,

 vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et sa ratification par l’Iran en juin 1975,

 vu la déclaration du 27 septembre 2022 du secrétaire général des Nations unies, António Guterres,

 vu le rapport de janvier 2022 de l’organisation «Portes ouvertes», intitulé «Iran: Full Country Dossier» (Iran: dossier complet sur le pays) et portant sur l’état de la liberté religieuse des chrétiens en Iran,

 vu la Constitution iranienne,

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que la situation des droits de l’homme en Iran se détériore de plus en plus et que les experts des Nations unies s’alarment de l’escalade des persécutions fondées sur la religion et les convictions; que l’Iran est partie à la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et au pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, qui protègent la liberté d’expression et de conviction; que l’Iran a refusé de signer et de ratifier la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et que sa proposition de protocole facultatif a été rejetée; que le Corps des gardiens de la révolution islamique figure sur les listes de sanctions de l’Union européenne et des États-Unis pour son implication dans des violations des droits de l’homme ayant conduit à la mort;

B. considérant que, le 13 septembre 2022, Mahsa Amini, une femme kurde de 22 ans, a été arrêtée, puis torturée et battue durant sa détention par les forces de sécurité iraniennes, appelées «police des mœurs», en raison d’allégations selon lesquelles elle portait des vêtements inappropriés et enfreignait les règles relatives au port du voile; qu’elle a ensuite été transférée au centre de détention de Vozara, où elle est tombée dans un coma, avant de décéder le 16 septembre 2022; que les autorités iraniennes ont affirmé que sa mort était due à des causes naturelles; qu’aucune enquête en bonne et due forme n’a été menée; que les médecins ont empêché le père de la victime de voir son corps et le rapport d’autopsie; que dès les premiers jours de la République islamique, le port du voile a été imposé en Iran; que nombre de femmes sont harcelées, arrêtées, emprisonnées, torturées, flagellées et même tuées pour des raisons religieuses ou ethniques;

C. considérant qu’à la suite de la mort de Mahsa Amini, des manifestations de masse ont éclaté dans tout l’Iran et continuent de se répandre, notamment à Téhéran, à Ispahan, à Karaj, à Machhad, à Racht, à Saqqez et à Sanandadj, pour demander des comptes et s’opposer aux politiques répressives de la République islamique à l’égard des femmes; que les autorités ont eu un recours excessif et disproportionné à la force, aux exécutions extrajudiciaires et à la torture, faisant des blessés et plus de 70 morts; que les Nations unies ont confirmé que les forces iraniennes ont utilisé des balles réelles, de la grenaille, des gaz lacrymogènes et d’autres projectiles métalliques contre les manifestants; que la plupart des manifestants blessés ne se font pas soigner à l’hôpital par peur d’être arrêtés, ce qui les expose à un risque d’infection et d’autres complications médicales; que des enfants et des adolescents comptent parmi les personnes arrêtées et tuées;

D. considérant que plus de 40 défenseurs des droits de l’homme ont été arrêtés depuis le 18 septembre 2022 et que les arrestations, les agressions et les attaques des forces iraniennes ont particulièrement et violemment ciblé les femmes qui défendent les droits de l’homme; qu’en Iran, les défenseuses des droits de l’homme sont souvent accusées d’atteinte à la sécurité nationale, qui se traduit par de longues peines de prison; que le 21 août 2022, quatre défenseuses des droits de l’homme, Akram Nasirian, Maryam Mohammadi, Nahid Shaghaghi et Esrin Derkale, ont été condamnées à une peine de prison pour avoir défendu les droits des femmes en Iran;

E. considérant que les persécutions religieuses se poursuivent en Iran; que la Constitution iranienne ne reconnaît que trois minorités religieuses: les chrétiens, les zoroastriens et les juifs, à l’exception des convertis issus de l’islam; que, selon les estimations, environ 500 000 chrétiens vivent en Iran, ce qui représente moins de 1 % de la population; que, depuis des décennies, des travailleurs et des représentants religieux sont victimes d’expulsions et, notamment, que deux religieuses de la Congrégation des filles de la charité de Saint-Vincent de Paul ont été expulsées et que la maison des pères lazaristes à Ispahan a été confisquée; qu’être un chrétien pratiquant ou se convertir au christianisme entraîne un risque de persécution; que d’autres minorités religieuses, telles que les bahaïs ou les soufis yarsans, sont également persécutées en raison de leurs convictions; que les chrétiens sont victimes d’une discrimination généralisée et ne peuvent par exemple pas adopter d’enfants; qu’ils sont accusés d’être des agents de l’Ouest dont l’objectif est d’affaiblir l’islam et le régime islamique d’Iran; qu’être musulman est une condition d’accès à la plupart des emplois, en particulier au sein du gouvernement;

F. considérant que le code pénal iranien prévoit des hudûd, des peines prescrites par la charia, notamment l’amputation, la flagellation et la lapidation, mais aussi la peine de mort en cas de prosélytisme ou de tentative de conversion de musulmans par un non‑musulman, ainsi que des peines pour les non‑croyants;

G. considérant qu’en Iran, les femmes sont privées de leurs libertés et de leurs droits, notamment de la liberté vestimentaire, et qu’elles sont continuellement harcelées, arrêtées, emprisonnées, torturées, flagellées et même tuées si elles défient ces règles répressives; que le mouvement de manifestation des «filles de la rue de la Révolution» a été lancé en décembre 2017 pour lutter contre le port obligatoire du voile;

H. considérant que les perturbations et les ingérences dans les télécommunications par les forces de sécurité iraniennes ont davantage encore porté atteinte à la liberté d’expression et d’association en Iran; que des manifestants pro-régime organisent également des émeutes dans tout l’Iran, avec le soutien du régime;

I. considérant que les autorités iraniennes prennent pour cible les journalistes, notamment ceux qui traitent de la mort de Mahsa Amini et des troubles majeurs qui y font suite, comme Niloufar Hamedi, qui est l’une des premières journalistes à avoir écrit sur le sort d’Amini et est actuellement détenue en cellule d’isolement; que l’Iran se classe 178e sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse;

J. considérant que les autorités iraniennes continuent de dissimuler le nombre de citoyens tués dans les manifestations de novembre 2019; que, tout au long de l’année 2021, les forces de sécurité ont dispersé les rassemblements pacifiques de personnes en quête de justice, qui ont été temporairement détenues et battues;

K. considérant que, selon une déclaration du ministère iranien du renseignement, neuf ressortissants européens, originaires de Pologne, de Suède, d’Allemagne, d’Italie, de France et des Pays-Bas, ont été arrêtés le 30 septembre 2022;

1. déplore les récents événements en Iran, condamne la réaction brutale du régime et présente ses condoléances aux familles des victimes;

2. condamne fermement le meurtre de Mahsa Amini alors qu’elle était détenue par la République islamique et invite les autorités iraniennes à permettre une enquête transparente sur les événements, en coopération avec les organisations internationales;

3. demande aux autorités iraniennes de mettre immédiatement un terme à la répression brutale et au recours à la violence contre les manifestations de masse, notamment à l’utilisation d’armes à feu, de libérer sans attendre les manifestants pacifiques et les défenseurs des droits de l’homme détenus, et de garantir l’accès à internet et la libre circulation de l’information; 

4. presse les autorités iraniennes de libérer immédiatement les neuf ressortissants européens qui auraient été arrêtés;

5. demande aux Nations unies, en particulier à leur Conseil des droits de l’homme, de lancer sans délai une enquête approfondie sur les événements qui ont eu lieu ces dernières semaines, confiée au rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Iran;

6. invite instamment les autorités iraniennes à permettre une enquête en bonne et due forme sur les décès et les arrestations, qui soit neutre et fondée sur des preuves, à libérer tous les manifestants non violents, à permettre à tous les détenus de bénéficier d’une procédure régulière et à amener tous les auteurs de violences à répondre de leurs actes;

7. soutient fermement les aspirations du peuple iranien, qui souhaite vivre dans un pays libre, stable, inclusif et démocratique qui respecte ses engagements nationaux et internationaux en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales; réaffirme son soutien sans réserve à tous les défenseurs iraniens des droits de l’homme et des droits des femmes qui continuent à défendre les droits fondamentaux malgré les difficultés et les répercussions personnelles auxquelles ils sont confrontés; condamne fermement la persécution des femmes en Iran et le fait qu’elles ne puissent pas exercer leurs libertés et leurs droits fondamentaux, y compris ceux consacrés par les traités internationaux auxquels l’Iran est partie; demande à l’Iran de respecter la liberté d’expression et de conviction de toutes les personnes vivant en Iran, notamment des femmes et des filles, qui sont particulièrement réprimées; déplore que les femmes soient obligées de porter le voile contre leur gré, par peur de représailles violentes, voire de la mort;

8. demande à la Commission et au Service européen pour l’action extérieure d’établir des règles et des mécanismes de diligence raisonnable qui garantissent que les canaux de communication de l’Union n’encouragent et ne soutiennent pas la politique du «port obligatoire du voile» ni toute autre politique discriminatoire, mais défendent la liberté d’expression et de conviction pour l’ensemble des femmes et des hommes en Iran;

9. exprime sa consternation et sa profonde inquiétude quant au fait que la Commission ait pu financer ou cofinancer directement ou indirectement des campagnes de banalisation du port du voile islamique, en particulier pour les enfants; constate que la Commission a récemment retiré une communication visuelle de ce type; souligne que les institutions de l’Union ne devraient financer ou cofinancer aucune campagne susceptible de promouvoir le hijab islamique ou d’exercer une quelconque pression sur les femmes et les filles musulmanes qui leur donnerait le sentiment d’être obligées de le porter; demande à l’Union et aux États membres d’éviter les slogans tels que celui de la campagne «WE CAN for human rights speech» du Conseil de l’Europe, cofinancée par la Commission, qui affirmait que «la beauté est dans la diversité comme la liberté est dans le hijab» et pouvait dès lors faire pression sur les filles et les femmes en faveur du port du voile;

10. exhorte les autorités iraniennes à respecter les libertés et les droits fondamentaux des minorités ethniques et religieuses, tels que leur liberté de se convertir à une autre religion, leur liberté de conscience et leur liberté d’exercer pleinement leurs droits, sur un pied d’égalité avec tous les autres citoyens;

11. prie instamment l’Iran de mettre en œuvre les différentes dispositions mondiales en matière de droits de l’homme relatives aux prisonniers, afin de respecter la dignité et la vie humaine; regrette profondément l’absence de progrès dans les affaires concernant les personnes ayant à la fois une nationalité de l’Union et la nationalité iranienne qui sont détenues en Iran, comme Ahmadreza Djalali, qui a été condamné à mort sur la base de fausses accusations d’espionnage;

12. déplore l’usage systématique de la torture dans les prisons iraniennes et demande qu’il y soit immédiatement mis un terme, ainsi qu’à toutes les autres formes de mauvais traitements; condamne la pratique consistant à refuser aux détenus les appels téléphoniques et les visites familiales; se dit extrêmement préoccupé par le fait que les détenus n’ont pas accès à une représentation légale pendant les interrogatoires;

13. demande une nouvelle fois à l’Iran d’accéder aux demandes de visites de représentants d’organisations internationales, comme le Conseil des droits de l’homme des Nations unies;

14. invite le vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, le Service européen pour l’action extérieure et d’autres dirigeants de l’Union à dénoncer publiquement la répression à l’encontre des femmes, des défenseurs des droits de l’homme et des minorités ethniques et religieuses dans le contexte des manifestations iraniennes actuelles, mais aussi en ce qui concerne la vie quotidienne en Iran; demande l’octroi d’un soutien supplémentaire aux organisations de la société civile et aux défenseurs des droits de l’homme en Iran;

15. constate avec grande inquiétude que la peine de mort est toujours appliquée en Iran; réaffirme sa ferme opposition à la peine de mort en toutes circonstances et souligne qu’aucune justification morale, juridique ou religieuse ne saurait être invoquée pour y souscrire; demande une nouvelle fois à l’Iran de déclarer toutes affaires cessantes un moratoire sur les exécutions capitales, dans la perspective d’une abolition totale de la peine de mort;

16. demande la mise en œuvre de mesures ciblées, soit par l’intermédiaire des mesures restrictives de l’Union actuellement en vigueur à l’encontre de l’Iran en ce qui concerne les violations des droits de l’homme, soit par celui du régime mondial de sanctions de l’Union en matière de droits de l’homme, à l’encontre des responsables iraniens qui ont commis de graves violations des droits de l’homme, telles que des détentions arbitraires, y compris de ressortissants étrangers et binationaux, des actes de violence et de torture, des exécutions et une restriction des télécommunications;

17. réaffirme que les sanctions à l’encontre des dirigeants du Corps des gardiens de la révolution islamique ne doivent pas être levées; invite l’Union à inscrire le Corps des gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes, comme l’ont fait, entre autres, les États-Unis;

18. invite la Commission à œuvrer en faveur de la création d’un mécanisme international de reddition des comptes pour l’Iran, sur le modèle de la plateforme internationale de reddition des comptes pour la Biélorussie, que l’Union a contribué à mettre en place;

19. encourage une coordination étroite entre les ambassades de l’Union accréditées à Téhéran; prie instamment tous les États membres ayant une représentation diplomatique à Téhéran d’employer les mécanismes prévus par les orientations de l’Union concernant les défenseurs des droits de l’homme pour aider et protéger les personnes concernées, en particulier les défenseurs des droits des femmes et les binationaux européens, notamment par des déclarations publiques, l’observation des procès et des visites dans les prisons;

20. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au Service européen pour l’action extérieure, au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Guide suprême de la République islamique d’Iran, au Président de la République islamique d’Iran, aux membres du Parlement iranien et à la famille de Mahsa Amini. 

 

Dernière mise à jour: 5 octobre 2022
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