PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur l’état de droit à Malte, cinq ans après l’assassinat de Daphne Caruana Galizia
14.10.2022 - (2022/2866(RSP))
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur
David Casa
au nom du groupe PPE
Thijs Reuten, Birgit Sippel, Juan Fernando López Aguilar, Sylvie Guillaume
au nom du groupe S&D
Sophia in ’t Veld, Anna Júlia Donáth, Moritz Körner, Michal Šimečka, Ramona Strugariu, Dragoş Tudorache, Hilde Vautmans
au nom du groupe Renew
Gwendoline Delbos‑Corfield
au nom du groupe Verts/ALE
Patryk Jaki, Adam Bielan, Ryszard Czarnecki, Eugen Jurzyca, Assita Kanko, Beata Kempa, Elżbieta Rafalska, Bogdan Rzońca, Dominik Tarczyński, Valdemar Tomaševski, Alexandr Vondra, Witold Jan Waszczykowski, Jadwiga Wiśniewska, Carlo Fidanza, Joachim Stanisław Brudziński, Vincenzo Sofo
au nom du groupe ECR
Konstantinos Arvanitis
au nom du groupe The Left
B9‑0470/2022
Résolution du Parlement européen sur l’état de droit à Malte, cinq ans après l’assassinat de Daphne Caruana Galizia
Le Parlement européen,
– vu les articles 2, 4, 5, 6, 7, 9 et 10 du traité sur l’Union européenne (traité UE),
– vu l’article 20 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE),
– vu les articles 6, 7, 8, 10, 11, 12 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu ses résolutions du 15 novembre 2017[1], du 28 mars 2019[2], du 16 décembre 2019[3] et du 29 avril 2021[4] sur l’état de droit à Malte,
– vu les auditions, les échanges de vues et les visites de délégations auxquels a procédé le groupe de surveillance de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures depuis le 15 novembre 2017,
– vu les échanges de lettres entre le président du groupe de surveillance de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux et le Premier ministre maltais,
– vu la résolution 2293(2019) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 26 juin 2019 intitulée «L’assassinat de Daphne Caruana Galizia et l’État de droit à Malte et ailleurs: veiller à ce que toute la lumière soit faite»,
– vu le rapport de suivi de la résolution 2293(2019) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, approuvé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire le 8 décembre 2020,
– vu l’avis de la Commission de Venise du 8 octobre 2020 sur dix lois et projets de loi mettant en œuvre des propositions législatives objets de l’avis CDL-AD(2020)006,
– vu le rapport du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, faisant suite à sa visite en Pologne du 11 au 16 octobre 2021,
– vu la lettre du 23 septembre 2022 du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe au Premier ministre maltais, et la réponse du 4 octobre 2022 de ce dernier,
– vu le rapport 2022 de la Commission européenne sur l’état de droit (COM/2022/0500),
– vu le rapport de mission de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) faisant suite à la visite de sa délégation sur l’état de droit à La Valette (Malte), du 23 au 25 mai 2022,
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que l’Union est fondée sur les valeurs communes, consacrées à l’article 2 du traité UE, que sont le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, valeurs communes aux États membres de l’Union et que les pays candidats doivent respecter pour adhérer à l’Union dans le cadre des critères de Copenhague, lesquelles ne peuvent pas être ignorées ou réinterprétées après l’adhésion; que la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux sont des valeurs complémentaires et que, lorsqu’elles sont affaiblies, l’Union est confrontée à une menace systémique, tout comme les droits et les libertés de ses citoyens;
B. considérant que l’état de droit, le respect de la démocratie, des droits de l’homme, des libertés fondamentales et des valeurs et principes consacrés par les traités de l’Union européenne et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont des obligations s’imposant à l’Union et à ses États membres qui doivent être honorées;
C. considérant que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne fait partie intégrante du droit primaire de l’Union; que la liberté d’expression et la liberté et le pluralisme des médias sont consacrés à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux et à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH);
D. considérant que l’indépendance du pouvoir judiciaire est consacrée par l’article 19, paragraphe 1, du traité UE, par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux et par l’article 6 de la CEDH, et qu’elle constitue une condition essentielle du principe démocratique de séparation des pouvoirs;
E. considérant que les journalistes en général, et plus particulièrement les journalistes d’investigation, tant au sein qu’en dehors de l’Union, sont de plus en plus la cible de «poursuites-bâillons» dont le seul but est de les empêcher d’exercer leur métier, d’éviter tout contrôle public et de permettre aux autorités d’échapper à toute responsabilité; que cette situation a des effets dévastateurs pour la liberté des médias;
F. considérant que les États membres devraient encourager la mise en place de mécanismes d’alerte précoce et de réaction rapide afin de garantir aux journalistes et aux autres acteurs des médias de bénéficier immédiatement de mesures de protection lorsqu’ils sont menacés; que ces mécanismes devraient être soumis à un véritable contrôle de la société civile et garantir la protection des lanceurs d’alerte et des sources qui souhaitent rester anonymes;
G. considérant que, pour éviter que des actes restent impunis, les États membres ont l’obligation de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour traduire en justice les auteurs de crimes contre des journalistes et d’autres acteurs des médias; que les enquêtes et les poursuites devraient tenir compte de l’ensemble des différents rôles – réels et potentiels – dans ces crimes, notamment joués par les initiateurs, les instigateurs, les auteurs et les complices, ainsi que de la responsabilité pénale qui découle de chacun de ces rôles;
H. considérant que Daphne Caruana Galizia, journaliste et blogueuse d’investigation maltaise spécialisée dans les questions de corruption, a été assassinée dans un attentat à la voiture piégée le 16 octobre 2017; qu’elle était la cible d’actes de harcèlement et de nombreuses menaces prenant la forme d’appels téléphoniques, de lettres et de SMS et que sa maison a été incendiée; que le 16 mars 2021, le tueur à gages ayant plaidé coupable du meurtre de Daphne Caruana Galizia a déclaré sous serment devant un tribunal qu’un projet d’assassinat au moyen d’un fusil d’assaut AK-47 avait déjà été fomenté contre elle deux ans avant sa mort;
I. considérant que les enquêtes sur l’assassinat menées par les autorités maltaises avec l’aide d’Europol ont conduit à l’identification, à l’inculpation et au procès, toujours en cours, de plusieurs suspects et possiblement de l’un des commanditaires potentiels, le détenteur de la société 17 Black Ltd basée à Dubaï et ancien membre du conseil d’administration d’ElectroGas Malta Ltd, premier producteur d’électricité à Malte, qui a été arrêté le 20 novembre 2019 alors qu’il tentait apparemment de fuir Malte; que le Federal Bureau of Investigation (FBI) américain a également participé aux enquêtes;
J. considérant que les Émirats arabes unis ont servi à dissimuler des transactions qui seraient liées à la corruption, que Daphne Caruana Galizia était en train de percer à jour au moment de son assassinat,
K. considérant que des sociétés établies au Panama et détenues par l’ancien chef de cabinet de l’ancien Premier ministre de Malte et par l’ancien ministre du tourisme, précédemment ministre de l’énergie, devaient recevoir des fonds de la société 17 Black Ltd, établie à Dubaï; que les liens existants entre la société 17 Black Ltd et de nombreux projets publics à Malte continuent d’être dévoilés;
L. considérant que département d’État des États-Unis a mis en cause le chef de cabinet de l’ancien Premier ministre maltais et de l’ancien ministre du tourisme, précédemment ministre de l’énergie, ainsi que leurs familles en raison de leur implication dans des faits de corruption graves, et les a donc frappés d’une interdiction d’entrée sur le territoire américain;
M. considérant que Daphne Caruana Galizia a révélé que la banque Pilatus était l’établissement bancaire de prédilection pour les transactions douteuses impliquant des personnes politiquement exposées de Malte et d’Azerbaïdjan; que le commissaire de police maltais a déclaré publiquement, en août 2020, l’imminence de l’inculpation de personnes ayant participé à des activités criminelles à la banque Pilatus; que 26 mois plus tard, seule une personne a été inculpée et les enquêtes semblent au point mort; que les personnes impliquées avaient le droit d’entrer dans le pays et d’en sortir librement malgré l’émission de mandats d’arrêt; qu’un ancien responsable de la conformité au sein de l’autorité maltaise des jeux a été autorisé à quitter Malte, alors qu’il se trouvait en vacances avec l’ancien Premier ministre de Malte, malgré un mandat d’arrêt européen le ciblant, avant d’être finalement interpellé à son arrivée en Italie;
N. considérant que Daphne Caruana Galizia et les Panama Papers ont révélé que deux associés au sein de la société Nexia BT, liée à Mossack-Fonseca, qui n’existe plus aujourd’hui, considérés comme étant à la source des structures de blanchiment de capitaux mises en place pour faciliter la corruption, ont été mis en examen uniquement au titre de certaines des allégations formulées à leur encontre, le scandale ElectroGas n’en faisant pas partie ;
O. considérant que l’accord sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel liquéfié entre ElectroGas Malta Ltd et le gouvernement maltais, signé par l’ancien ministre du tourisme, ministre de l’énergie en 2015, a été gardé secret pendant des années et n’a été dévoilé qu’en septembre 2022 par la Fondation Daphne Caruana Galizia et un média; que l’actuelle procureure générale s’est attirée des critiques pour avoir facilité la signature de ce contrat sans autre forme approbation de la part du cabinet ou du parlement en sa qualité de procureure générale adjointe, fonction qu’elle exerçait à l’époque; qu’au moment de son assassinat, Daphne Caruana Galizia enquêtait sur une quantité importante de documents internes d’ElectroGas Malta Ltd;
P. considérant que l’un des complices présumés et certains enregistrements présentés lors du procès ont impliqué l’ancien chef de cabinet du Premier ministre maltais dans la planification et le financement du meurtre; que le 20 mars 2021, cet individu et plusieurs de ses associés ont été arrêtés et accusés de blanchiment de capitaux, de fraude, de corruption et d’usage de faux dans le cadre d’une autre affaire, sur laquelle travaillait Daphne Caruana Galizia;
Q. considérant qu’une enquête publique indépendante sur l’assassinat de Daphne Caruana Galizia a été ouverte fin 2019 et clôturée le 29 juillet 2021; que les responsables de l’enquête publique ont publié un rapport contenant un ensemble de conclusions et de recommandations relatives au renforcement de l’état de droit, au respect de la liberté de la presse, à la liberté d’expression et à la protection des journalistes, à une réforme juridique au niveau constitutionnel et à des propositions législatives sur la liberté des médias; que ces responsables ont également établi que «même si rien ne prouve que l’État ait, en soi, joué un rôle dans l’assassinat de Daphne Caruana Galizia [...], l’État devrait assumer la responsabilité de l’assassinat pour avoir créé un climat d’impunité émanant du plus haut niveau au cœur de l’administration à Castille[5] et étendu son emprise tentaculaire à d’autres entités telles que les institutions réglementaires et la police, provoquant ainsi l’effondrement de l’état de droit»;
R. considérant que le gouvernement maltais a proposé plusieurs réformes afin de donner suite à certaines des recommandations formulées, notamment un projet de loi visant à renforcer la liberté des médias et une proposition de loi contre les poursuites-bâillons; que la mise en œuvre des réformes du système judiciaire maltais entamées en 2020 se poursuit;
S. considérant que la dernière évaluation de l’instrument de surveillance du pluralisme des médias indique qu’à Malte le risque global en ce qui concerne le pluralisme des médias est «moyen», mais que le risque est jugé «élevé» pour ce qui est de l’autonomie éditoriale et de l’indépendance politique;
T. considérant que la plateforme d’information maltaise The Shift News a fait l’objet de 40 recours distincts formés par des autorités publiques contre des demandes concernant la liberté d’information à propos des dépenses publiques à l’égard des médias indépendants;
U. considérant que la réforme judiciaire entreprise par les autorités maltaises a été mentionnée dans le discours sur l’état de l’Union de 2021;
V. considérant que le comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) a reconnu les progrès considérables accomplis par Malte quant au niveau de conformité avec les normes du groupe d’action financière, jugé conforme, et a retiré Malte de la liste grise après douze mois;
W. considérant que, dans son rapport de mission faisant suite à la visite de la délégation de la commission LIBE sur l’état de droit à Malte du 23 au 25 mai 2022, le groupe de surveillance de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux de la commission LIBE du Parlement s’est déclaré préoccupé par la lenteur des progrès dans le suivi de l’assassinat de Daphne Caruana Galizia et par la mise en œuvre des recommandations de l’enquête publique, entre autres, tout en reconnaissant que les procédures judiciaires sont toujours en cours;
1. rend hommage à Daphne Caruana Galizia cinq ans après son assassinat et à son travail essentiel pour dénoncer la corruption, la criminalité organisée, la fraude fiscale et le blanchiment de capitaux, et confronter les personnes impliquées dans ces activités illégales à la responsabilité de leurs actes; condamne fermement la criminalisation, les attaques et les assassinats de journalistes, qui ne font qu’exercer leur métier, notamment les assassinats de Ján Kuciak et de sa fiancée Martina Kušnírová le 21 février 2018, de Viktoria Marinova le 6 octobre 2018, du journaliste grec Giorgos Karaivaz le 9 avril 2021 et du journaliste néerlandais Peter R. de Vries le 15 juillet 2021, et souligne le rôle crucial qu’ils jouent pour découvrir la vérité, protéger la démocratie et mettre fin à la culture de l’impunité; rend également hommage à tous les journalistes tués en Europe ces dernières années; réaffirme l’importance capitale que revêtent des médias indépendants et une société civile dynamique en tant que piliers fondamentaux de la justice, de la démocratie et de l’état de droit; relève que l’assassinat de journalistes ne touche pas seulement un État membre mais toute l’Union européenne; est fermement convaincu que la protection de l’état de droit démocratique est une responsabilité commune qui transcende les frontières nationales et les clivages politiques;
2. prend acte des progrès accomplis dans les procédures judiciaires en cours concernant l’assassinat de Daphne Caruana Galizia, tout en regrettant profondément, que jusqu'à présent, elles n’aient donné lieu qu’à une seule condamnation; lance, par conséquent, une nouvelle fois un appel pour l’achèvement de l’enquête sur les mobiles sous-jacents à l’assassinat et la clôture de la procédure judiciaire pénale le plus rapidement possible, en amenant les personnes impliquées dans l’assassinat, à tous les niveaux, à répondre de cet acte devant la justice; demande une nouvelle fois la pleine participation constante d’Europol à tous les aspects de l’enquête sur cet assassinat et à toutes les enquêtes qui y sont liées;
3. reconnaît que Premier ministre maltais actuel a présenté des excuses publiques pour les défaillances de l’État qui ont peut-être pesé dans l’assassinat de Daphne Caruana Galizia;
4. s’inquiète du fait qu’un an après la publication du rapport concernant l’enquête publique, le processus de mise en œuvre des recommandations formulées laisse à désirer; relève que le gouvernement maltais a présenté plusieurs réformes, notamment des propositions législatives visant à donner suite à certaines de ces recommandations; fait observer que le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a indiqué que les autorités maltaises devaient veiller à ce que les travaux législatifs lancés en application du rapport d’enquête publique soient conformes aux normes internationales et soient pleinement ouverts au contrôle et à la participation du public; invite le gouvernement maltais à mettre en œuvre, sans plus tarder, toutes les recommandations du rapport d’enquête publique;
5. salue l’action de la cellule de renseignement financier maltaise et souligne qu’il est essentiel que les crimes financiers et économiques de haute volée, en particulier ceux relevant de la corruption et du blanchiment de capitaux, fassent l’objet de poursuites rigoureuses; est néanmoins consterné par les progrès limités en ce qui concerne la poursuite des faits de corruption et de blanchiment de capitaux sur lesquels enquêtait Daphne Caruana Galizia au moment de son assassinat, impliquant des suspects aux plus hauts niveaux politiques; s’inquiète également des défaillances institutionnelles des services répressifs et de la justice à Malte et demande instamment aux autorités compétentes de traduire en justice toute personne impliquée dans une ou plusieurs des nombreuses affaires faisant actuellement l’objet d’enquêtes ou de signalements; est vivement préoccupé par les récentes révélations d’inaction répétée dans le cadre des mandats d’arrêt européens à l’encontre de personnes liées à de hauts responsables politiques; invite les autorités maltaises à remédier aux problèmes liés à la durée des enquêtes dans les affaires de corruption de haut niveau, en veillant notamment à un bilan positif en ce qui concerne les jugements définitifs; souligne l’importance de l’indépendance institutionnelle pour un bon fonctionnement de l’état de droit; invite les autorités maltaises à progresser dans les enquêtes sur les éventuelles tentatives de dissimulation de preuves et d’obstructions dans le cadre des enquêtes et procédures judiciaires par des agents publics en poste à l’époque;
6. s’inquiète des progrès limités réalisés dans les enquêtes et procédures judiciaires à l’encontre des responsables de la banque Pilatus et des tentatives des autorités maltaises de bloquer les procédures; prend acte des mesures provisoires prises par le centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements le 14 septembre 2022[6], retardant les enquêtes des autorités maltaises; invite les autorités maltaises à mobiliser des ressources supplémentaires afin d’enquêter sur les raisons des retards et à veiller à ce que la justice suive son cours; invite les organes européens compétents à suivre de près les progrès réalisés dans l’affaire de la banque Pilatus; s’inquiète également des progrès limités à l’encontre des deux associés de Nexia BT et demande à la Commission et à MONEYVAL de suivre l’affaire; se déclare également préoccupé par les allégations de blanchiment de capitaux et de corruption dans le cadre de l’accord ElectroGas et invite la Commission à utiliser tous les outils à sa disposition afin de vérifier si le droit européen applicable a bien été respecté;
7. se félicite des capacités supplémentaires mises à disposition aux fins des enquêtes et des poursuites pénales en général, de la réforme de la procédure de nomination des juges et de la réforme du bureau et du rôle du procureur général; invite le Parlement maltais à parvenir à un accord sur la dépolitisation de la nomination du juge en chef en associant le pouvoir judiciaire à la procédure, dans le respect des normes européennes en matière de nomination des juges et de l’avis de la Commission de Venise;
8. déplore la détérioration de l’efficacité du système judiciaire maltais et demande que des solutions soient trouvées pour écourter la durée des procédures;
9. prend acte de l’importance des informations dont disposent les Émirats arabes unis concernant les transactions effectuées par des entreprises liées à la corruption et de leur portée pour les enquêtes en cours; observe que les Émirats arabes unis figurent depuis lors sur la liste grise du Groupe d’action financière; s’engage à assurer le suivi de la coopération existante entre les Émirats arabes unis et Malte afin de veiller à ce que les informations nécessaires aux fins des poursuites soient dûment demandées et transmises, et relève que cette coopération devrait avoir des conséquences pour la position des Émirats arabes unis vis-à-vis des organismes de réglementation de la lutte contre le blanchiment de capitaux; invite la Commission et les autorités maltaises à recourir à tous les outils dont ils disposent pour garantir la coopération des autorités des Émirats arabes unis et une aide juridique adéquate dans toutes les enquêtes; invite les Émirats arabes unis à coopérer rapidement avec les autorités maltaises afin de faciliter les enquêtes, et avec l’Union en général;
10. se félicite des récents renvois d’affaires du gouvernement maltais devant le Parquet européen; estime toutefois que le nombre total d’affaires reste relativement faible par rapport aux autres États membres et que le système maltais de détection, d’enquête et de poursuite des infractions reste opaque;
11. se déclare vivement préoccupé par le manque de coopération signalé de la part des autorités maltaises avec le Parquet européen dans la cadre des affaires en cours; prend acte, en particulier, des allégations relatives à l’enquête en cours sur un projet financé par l’Union dans lequel le cerveau présumé de l’assassinat de Daphne Caruana Galizia et détenteur de la société 17 Black Ltd, établie à Dubaï, est impliqué;
12. se déclare préoccupé par l’impunité dont bénéficient des personnalités clés de l’administration de l’ancien Premier ministre, notamment l’ancien Premier ministre lui-même, son chef de cabinet, et l’ancien ministre du tourisme, précédemment ministre de l’énergie;
13. prend acte de plusieurs propositions présentées par le gouvernement maltais pour améliorer la situation de la liberté des médias; prie instamment les autorités maltaises de s’assurer que les réformes proposées respectent les normes européennes et internationales en matière de protection des journalistes, en particulier afin de prévenir et de sanctionner les menaces et le harcèlement dont des journalistes sont la cible, publiquement et en ligne, et de les mettre rapidement en œuvre; insiste pour que les autorités maltaises introduisent en outre de nouvelles mesures et d’autres garanties pour améliorer le cadre nécessaire à un journalisme critique et indépendant à Malte, ainsi que l’obligation de rendre compte qui incombe aux responsables politiques et des fonctionnaires;
14. s’inquiète de la persistance d’entraves à la liberté et au pluralisme des médias, par exemple en ce qui concerne les demandes d’accès à des informations adressées au gouvernement, ainsi que du financement potentiellement discriminatoire des médias; regrette que des entités publiques aient introduit une série de recours contre les 40 décisions positives rendues par le commissaire à la protection des données en faveur des demandes concernant la liberté d’information présentées par The Shift News et estime que ces recours risquent envoyer un message inquiétant aux acteurs des médias et aux citoyens; invite le gouvernement maltais à retirer immédiatement ces recours;
15. s’inquiète du fait que, selon certaines informations, certes quelques représentants des médias faisaient effectivement partie du comité d’experts des médias chargé de fournir des conseils sur les changements à apporter au secteur des médias, mais le gouvernement maltais n’a procédé à aucune consultation publique; invite les autorités maltaises à garantir une large consultation publique concernant le secteur des médias, et en particulier sur la question de limiter le recours aux poursuites-bâillons; invite le Parlement maltais à adopter en priorité les actes législatifs qui s’imposent, notamment des modifications de la Constitution;
16. déplore que les journalistes, ainsi que les membres de la famille de Daphne Caruana Galizia, continuent actuellement de faire l’objet de poursuites-bâillons et demande d’urgence aux personnes qui ont engagé ces poursuites, y compris les anciens fonctionnaires du gouvernement, à y renoncer;
17. accueille favorablement les propositions actuelles établissant que les frais de justice dans les procédures de diffamation ne sont pas payables lors de la présentation initiale de la réponse du journaliste défendeur, ainsi que la possibilité pour les tribunaux maltais de considérer des poursuites en diffamation «manifestement infondées» et, partant, de les rejeter; invite les autorités maltaises à mettre en œuvre la recommandation de la Commission et à adopter des politiques de protection des journalistes qui soient efficaces; se félicite de la proposition de directive de la Commission visant à lutter contre les poursuites stratégiques altérant le débat public (poursuites-bâillons) (COM (2022) 177);
18. invite le gouvernement maltais à répondre aux préoccupations actuelles pour protéger la liberté et l’indépendance des médias publics de l’ingérence politique, notamment grâce à un cadre garantissant la transparence de la publicité publique, ainsi qu’à s’intéresser à la question de l’utilisation croissante des discours de haine sur les médias sociaux;
19. se félicite de la modification de la loi maltaise sur la protection des lanceurs d’alerte en 2021 et de son engagement à créer une base de données pour la collecte d’informations sur les lanceurs d’alerte d’ici la fin de l’année 2024;
20. exprime son inquiétude, car aucune solution n’a été trouvée pour la nomination d’un nouveau médiateur et aucune femme n’a été nommée commissaire chargée des enquêtes administratives; invite les autorités maltaises à créer un mécanisme antiblocage pour les nominations parlementaires et, en priorité, à œuvrer à la mise en place de la commission des droits de l’homme et de l’égalité, conformément aux principes de Paris et à l’acquis de l’Union en matière d’égalité;
21. demande une nouvelle fois aux autorités maltaises de mettre pleinement en œuvre toutes les recommandations en suspens de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, de la Commission de Venise, du groupe d’États contre la corruption et de MONEYVAL; prie les autorités maltaises de solliciter un avis de la Commission de Venise sur le respect des recommandations qu’elle a formulées;
22. souligne que le programme de citoyenneté par investissement que propose Malte reste une source de préoccupation majeure; rappelle sa position selon laquelle la citoyenneté de l’Union n’est pas à vendre et demande l’interdiction immédiate de ce programme à Malte et dans toute l’Union; se félicite des mesures prises par la Commission et saisir la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre de la procédure d’infraction et attend l’arrêt définitif de la Cour;
23. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe, au gouvernement et au Parlement des Émirats arabes unis et au président de la République de Malte.
- [1] JO C 356 du 4.10.2018, p. 29.
- [2] JO C 108 du 26.3.2021, p. 107.
- [3] JO C 255, 29.6.2021, p. 22.
- [4] JO C 506 du 15.12.2021, p. 64.
- [5] L’Auberge de Castille située à La Valette accueille depuis mars 1972 le cabinet du Premier ministre de Malte.
- [6] https://icsid.worldbank.org/cases/case-database/case-detail?CaseNo=ARB/21/36