Proposition de résolution - B9-0066/2023Proposition de résolution
B9-0066/2023

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la réaction de l'Union européenne face aux manifestations et aux exécutions en Iran

16.1.2023 - (2023/2511(RSP))

déposée à la suite d'une déclaration de la Commission
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur

Ernest Urtasun, Hannah Neumann, Jordi Solé, Rosa D’Amato, Francisco Guerreiro, Ignazio Corrao, Alviina Alametsä, Claude Gruffat, Anna Cavazzini, Tineke Strik, Mounir Satouri, Katrin Langensiepen, Markéta Gregorová, Yannick Jadot, Gwendoline Delbos‑Corfield, Jakop G. Dalunde, Alice Bah Kuhnke
au nom du groupe Verts/ALE

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0066/2023

Procédure : 2023/2511(RSP)
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B9-0066/2023
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B9‑0066/2023

Résolution du Parlement européen sur la réaction de l'Union européenne face aux manifestations et aux exécutions en Iran

(2023/2511(RSP))

Le Parlement européen,

 vu ses résolutions antérieures sur l’Iran,

 vu la déclaration du porte-parole du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 7 janvier 2023 sur les dernières exécutions en Iran,

 vu les conclusions du Conseil du 14 novembre 2022 sur les femmes, la paix et la sécurité, les conclusions du Conseil du 12 décembre 2022 et les mesures restrictives supplémentaires qui y figurent ainsi que les conclusions du Conseil du 15 décembre 2022,

 vu la déclaration du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au nom de l’Union européenne du 25 septembre 2022 ainsi que la déclaration du porte-parole du SEAE du 19 septembre 2022 sur la mort de Mahsa Amini,

 vu les lignes directrices de l’Union européenne du 8 décembre 2008 sur les violences contre les femmes et les filles et la lutte contre toutes les formes de discrimination à leur encontre,

 vu l’attribution du prix Sakharov pour la liberté de l’esprit aux Iraniens Nasrin Sotoudeh et Jafar Panahi en 2012,

 vu la déclaration de la haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme du 10 janvier 2023,

 vu les déclarations du rapporteur spécial des Nations unies du 26 octobre 2022 sur la responsabilité effective des morts intervenus lors des manifestations récentes et du 22 septembre 2022 sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, demandant des explications sur la mort de Mahsa Amini et plaidant pour la fin des violences à l’égard des femmes,

 vu la résolution S35/1 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du 24 décembre 2022 décidant de la création d'une mission d’enquête internationale indépendante en République islamique d’Iran,

 vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP),

 vu la déclaration universelle des droits de l’homme,

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que la mort de Jina Mahsa Amini, Kurde d’Iran, en septembre 2022 à la suite de son arrestation et des mauvais traitements infligés par la «police des mœurs» ont déclenché dans tout le pays des manifestations menées par des femmes exigeant que des comptes soient rendus pour la mort de Mme Amini et demandant qu’il soit mis fin aux violences et aux discriminations dont les femmes sont victimes en Iran;

B. considérant que les manifestations se sont transformées en un mouvement de protestation qui s’est étendu à l’ensemble du pays et dont les manifestants exigent des réformes profondes en scandant des slogans appelant à la chute du régime de la République islamique d’Iran;

C. considérant que la seule réponse des dirigeants iraniens et des forces de sécurité du pays, notamment le corps des gardiens de la révolution islamique et les forces paramilitaires Basij, a été de réagir en tuant des manifestants et des dissidents et en s’attaquant de manière disproportionnée aux minorités opprimées telles que les Baloutches et les Kurdes;  que les fonctionnaires iraniens ont recours à des actes de violence sexuelle et sexiste à l'encontre des femmes et des filles; que selon Amnesty International, les forces de sécurité iraniennes tirent directement sur les manifestants, de manière illégale et délibérée, avec des balles réelles, de la grenaille et d’autres projectiles métalliques et qu’ils les intimident et les dispersent à coups de gaz lacrymogène, de canons à eau et de matraque;

D. considérant que, selon des associations de défense des droits de l’homme, des centaines de manifestants pacifiques ont été tués par les forces de sécurité iraniennes; que, selon Human Rights Watch, des milliers de manifestants ont été arrêtés; que des milliers de manifestants ont été officiellement mis en examen et jugés au cours de simulacres de procès et que des centaines d’entre eux ont été condamnés à mort; que les détenus ont été forcés, par des moyens de torture physique ou psychologique, de passer aux «aveux», lesquels sont retransmis à la télévision publique iranienne;

E. considérant qu’en novembre 2022, 227 députés sur les 290 que compte le Parlement iranien ont adopté une déclaration exigeant du pouvoir judiciaire une «action décisive» contre les manifestants;

F. considérant qu’en décembre 2022, le régime iranien a commencé à exécuter des manifestants; que le 8 décembre 2022, Mohsen Shekari, manifestant de 23 ans, a été exécuté; que le 12 décembre 2022, Majidreza Rahnavard, 23 ans, a été publiquement exécuté; que le 7 janvier 2023, l’Iran a pendu Mohammad Mehdi Karami et Seyyed Mohammad Hosseini, âgés tous deux de 22 ans; que ces quatre personnes ont été exécutées par pendaison pour avoir participé aux manifestations pacifiques ayant fait suite à des procès sommaires ne répondant pas aux garanties minimales d’un procès juste et équitable; que, selon Amnesty International, les autorités iraniennes cherchent actuellement à infliger la peine de mort à au moins 26 autres personnes;

G. considérant que des acteurs, des musiciens, des athlètes et d’autres célébrités d’Iran ont publiquement fait part de leur soutien aux manifestations contre les dignitaires religieux; qu’en décembre 2022, les autorités iraniennes ont arrêté l’actrice iranienne Taraneh Alidoosti après qu’elle a critiqué le recours de l’État à la peine de mort contre les manifestants; qu’elle a été libérée sous caution en janvier 2023;

H. considérant que, le 24 novembre 2022, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a voté l’envoi d'une mission d’enquête internationale indépendante en République islamique d’Iran;

I. considérant qu’en réaction à l’opposition massive au gouvernement et aux manifestations, le régime iranien a imposé de vastes coupures de l’accès à l’internet qui ont considérablement limité toutes les communications numériques dans le pays; qu'un ensemble de groupes de défense des droits numériques a prouvé que le gouvernement iranien déployait toute une série de moyens techniques pour empêcher la population de contourner les restrictions d'accès à l’internet;

J. considérant que le meurtre de Jina Mahsa Amini est le témoin de la crise actuelle des droits de l’homme et de la violence sexiste structurelle contre les femmes en Iran, perpétuées par le fait que le gouvernement iranien et son appareil de sécurité jouissent d’une impunité systémique qui a permis le recours à grande échelle à la torture ainsi qu’aux exécutions extrajudiciaires et à d’autres formes illégales d’homicide;

K. considérant que de nombreuses femmes qui luttent pour les droits fondamentaux ont été arrêtées, condamnées et emprisonnées ces dernières années en raison de l’action pacifique qu’elles menaient de longue date pour promouvoir les droits fondamentaux des femmes;

L. considérant que l’Union européenne a adopté des mesures restrictives en lien avec des violations des droits de l’homme, parmi lesquelles un gel des avoirs et une interdiction de visa pour les personnes et entités responsables de graves violations des droits de l’homme, ainsi qu’une interdiction d’exporter à destination de l’Iran des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne ou des équipements de surveillance des télécommunications;

M. considérant que, dans les conclusions du Conseil de novembre et de décembre 2022, l’Union européenne a imposé des mesures restrictives à 60 personnes et huit entités en Iran responsables de la mort de Jina Mahsa Amini et des répressions menées sans relâche contre les manifestants iraniens;

N. considérant qu’en réaction aux sanctions iraniennes contre des députés au Parlement européen, en novembre 2022, le Parlement a décidé que ses commissions et délégations cesseraient tout contact avec les autorités iraniennes;

1. exprime toute sa solidarité avec la population iranienne et le mouvement de protestation pacifique qui se répand dans tout le pays contre l’oppression systématique des femmes et de toutes les voix dissidentes ainsi que contre un gouvernement qui étouffe brutalement dans l’œuf toute résistance politique, a recours à la peine de mort pour faire taire sa population et discrimine les groupes ethniques et les minorités religieuses; voit dans les manifestations l’expression d’un vif mécontentement du peuple iranien à l’égard d’un gouvernement profondément corrompu et d’un État violent, théocratique et opaque;

2. condamne avec la plus grande fermeté l’arrestation violente de Jina Mahsa Amini par la «police des mœurs» iranienne ainsi que les sévices et les mauvais traitements qu’elle lui a fait subir, entraînant sa mort; condamne l’incapacité des autorités iraniennes à enquêter comme il se doit sur les circonstances de la mort de Jina Mahsa Amini et à faire en sorte que les responsables aient à répondre de ce meurtre;

3. condamne avec la plus grande fermeté le recours généralisé et disproportionné à la force par la police iranienne et les forces de sécurité contre le mouvement de protestation pacifique, entraînant la mort de centaines d’innocents ainsi que des centaines de blessés; se dit consterné par l’assassinat de centaines de manifestants pacifiques en Iran;

4. se dit consterné par la condamnation et l’exécution de Mohsen Shekari, de Majidreza Rahnavard, de Mohammad Mehdi Karami et de Seyyed Mohammad Hosseini en raison de leur participation aux manifestations; dénonce l’arrestation, la détention, la torture et la condamnation de manifestants à l’issue de procès manifestement inéquitables ne répondant pas aux normes internationales minimales que l’Iran est tenu de respecter;

5. demande aux autorités iraniennes d'annuler sans tarder les récentes condamnations à mort déjà prononcées dans le cadre des manifestations actuelles et de garantir un procès équitable à tous les détenus; demande aux autorités iraniennes de veiller à ce qu’aucun mauvais traitement ne soit infligé aux personnes détenues ou emprisonnées sous quelque forme que ce soit;

6. rappelle la ferme opposition de principe de l’Union européenne au recours à la peine de mort en tout temps et en toutes circonstances;

7. exhorte le gouvernement iranien à mettre immédiatement fin à la répression violente des manifestations et à ouvrir des enquêtes indépendantes sur les homicides de manifestants; rappelle que le droit de réunion pacifique est consacré par l’article 21 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Iran est partie;

8. exige que les autorités iraniennes libèrent immédiatement et sans condition toute personne emprisonnée au seul motif d’avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique dans le cadre des manifestations, et qu’elles abandonnent toutes les poursuites engagées contre ces personnes; s’inquiète vivement de l’arrestation de plus de 80 professionnels des médias, et notamment de Niloofar Hamedi, premier journaliste à avoir fait état de l’arrestation et de l’hospitalisation de Jina Mahsa Amini, et demande aux autorités iraniennes de les libérer immédiatement;

9. condamne la perturbation et les coupures de l’internet imposées par les autorités iraniennes et exhorte le gouvernement iranien à rétablir immédiatement un accès complet à l’internet et aux communications dans tout le pays ainsi qu’à mettre un terme à tout blocage, perturbation ou restriction de la capacité du peuple iranien à communiquer et à accéder aux informations librement et en toute sécurité; souligne que la restriction de l’accès à l’internet et la perturbation des services de messagerie constituent une infraction et une atteinte grave au droit des citoyens à la liberté d’expression et de réunion consacrée par le pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Iran est partie;

10. condamne la discrimination systématique imposée par le gouvernement iranien aux femmes au moyen de lois et de réglementations qui font peser d’importantes restrictions sur leurs libertés, leur vie et leurs moyens de subsistance; se dit particulièrement préoccupé par la loi dégradante relative au port du voile obligatoire et son application abusive; est d’avis que les femmes ont le droit de décider elles-mêmes des vêtements qu’elles portent; encourage le gouvernement iranien à profiter des manifestations qui agitent le pays pour abroger les lois qui imposent le voile aux femmes et aux filles et démanteler la «police des mœurs» qui veille à l’application de ces lois abusives et discriminatoires;

11. exhorte le gouvernement iranien à libérer immédiatement et sans condition tous les défenseurs des droits de l’homme qui ont été emprisonnés pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et de conviction; demande au gouvernement iranien de cesser de s’attaquer aux défenseurs des droits de l’homme en Iran et de garantir en toutes circonstances que ceux-ci puissent poursuivre sans entrave leurs activités légitimes en faveur des droits de l’homme sans craindre de représailles, et notamment de harcèlement judiciaire; invite le gouvernement iranien à traiter les prisonniers avec le respect qui leur est dû au titre de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne humaine;

12. salue la décision du Conseil des droits de l’homme des Nations unies visant à créer une mission d’enquête indépendante en République islamique d’Iran; invite les dirigeants iraniens à autoriser les experts et le personnel de la mission à entrer dans le pays et à réunir des preuves sans ingérence des autorités;

13. demande aux autorités iraniennes d’adresser une invitation permanente en vue de visites au titre de toutes les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations unies et d’y coopérer activement; les prie en outre instamment de veiller tout particulièrement à ce que le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran soit autorisé à entrer dans le pays;

14. invite M. Borrell, haut représentant, ainsi que l’ensemble des représentants de haut niveau de l’Union européenne et des États membres à exiger publiquement et en privé la fin immédiate de l’exécution des manifestants, la cessation de la répression violente contre les manifestants et la libération sans condition de toutes les personnes arrêtées pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique; encourage l’Union européenne et ses États membres à s’adresser aux Nations unies et aux pays voisins de l’Iran pour les prier instamment d’unir leurs forces diplomatiques et politiques en vue de faire pression sur l’Iran pour empêcher de nouvelles exécutions;

15. salue la décision du Conseil d’imposer des mesures restrictives à 60 personnes et entités iraniennes jugées responsables de la mort de Jina Mahsa Amini et de la répression violente contre des manifestants pacifiques; invite le Conseil européen à élargir les mesures ciblées à tous les hauts responsables du gouvernement et de l’appareil de sécurité iraniens liées à la répression violente, aux arrestations et à l’exécution de manifestants pacifiques, à commencer par Ibrahim Raisi, président de l’Iran, et Mohammed Bagher Ghalibaf, président du Parlement iranien; invite le Conseil européen à inscrire sur la liste des mesures restrictives de l’Union européenne tous les députés du Parlement iranien ayant soutenu l’appel à une «action décisive» contre les manifestants;

16. invite le vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ainsi que le Conseil européen à classer le corps des gardiens de la révolution islamique parmi les organisations terroristes tout en veillant à ce que les conséquences négatives de cette mesure sur l’aide humanitaire et l’aide au développement fournies par l’Union et sur les conscrits iraniens se trouvant dans le pays ou en dehors de celui-ci ainsi que les autres effets de cette mesure ne soient pas disproportionnés par rapport aux avantages, sur le plan politique et de la sécurité, de l’inscription de cette organisation sur la liste;

17. invite le SEAE, la Commission et les États membres à élargir l’aide apportée aux manifestants en Iran qui doivent quitter le pays, notamment en leur octroyant rapidement un visa et l'asile ainsi que des subventions d’urgence au titre de l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale – L’Europe dans le monde et du Fonds européen pour la démocratie; invite le SEAE à contacter les voisins immédiats de l’Iran afin que les points de passage de la frontière restent ouverts aux militants qui fuient l’Iran et que ces personnes puissent demander l’asile en Europe en toute sécurité depuis ces pays;

18. invite l’Union européenne et ses États membres à mettre en place des mesures concrètes pour protéger la diaspora iranienne dans l’Union, notamment en encourageant un espace ouvert de débat et d’avis divergents;

19. invite le SEAE et les États membres à se doter de moyens de fournir une assistance technique à ceux qui viennent en aide à la société civile iranienne et à développer leurs compétences tout en veillant à ce que les Iraniens restent maîtres de ces activités;

20. invite la Commission à envisager, dans le strict respect des principes de nécessité et de proportionnalité, de permettre à des prestataires de services de communications établis dans l’Union de fournir aux citoyens iraniens des outils, notamment des dispositifs de visioconférence, des plateformes d’apprentissage en ligne, des services de cartographie en ligne et des services en nuage, pour leur permettre d’accéder aux outils et plateformes en ligne dont ils ont besoin pour exercer leurs droits fondamentaux;

21. invite la Commission, le SEAE et les États membres à coopérer avec les Nations unies et à mettre à sa disposition tous les moyens nécessaires pour aider à la préparation et à la visite de la mission d'enquête indépendante en Iran; invite M. Borrell, haut représentant, à prier instamment les autorités iraniennes d’autoriser l’entrée en Iran de la mission d’enquête indépendante des Nations unies;

22. invite le SEAE et les États membres à continuer de demander des comptes au régime iranien pour l’assassinat de ses propres citoyens et les graves violations des droits de l’homme;

23. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission / haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l’Assemblée consultative islamique d’Iran, au gouvernement de la République islamique d’Iran et au bureau du Guide suprême de la République islamique d’Iran.

 

Dernière mise à jour: 17 janvier 2023
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