Proposition de résolution - B9-0259/2023Proposition de résolution
B9-0259/2023

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le renforcement du dialogue social

24.5.2023 - (2023/2536(RSP))

déposé à la suite des questions avec demande de réponse orale B9-xxxx/xxxx et B9-xxxx/xxxx
conformément à l’article 136, paragraphe 5, du règlement intérieur

Dragoş Pîslaru
au nom de la commission de l’emploi et des affaires sociales


Procédure : 2023/2536(RSP)
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B9-0259/2023
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B9-0259/2023
Débats :
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B9‑0259/2023

Résolution du Parlement européen sur le renforcement du dialogue social

(2023/2536(RSP))

Le Parlement européen,

 vu l’article 3, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne (traité UE),

 vu les articles 9, 151, 152, 153, 154 et 155 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, le «traité FUE»),

 vu les articles 12, 15, 16, 21, 23, 27, 28, 30, 31 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

 vu la communication de la Commission du 4 mars 2021 intitulée «Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux» (COM(2021)0102),

 vu la charte sociale européenne,

 vu l’engagement social de Porto du 7 mai 2021 et la déclaration de Porto du 8 mai 2021,

 vu les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective, n° 135 concernant la protection des représentants des travailleurs dans l’entreprise et les facilités à leur accorder (convention concernant les représentants des travailleurs), nº 154 concernant la négociation collective, n° 155 concernant la sécurité et la santé des travailleurs, nº 187 concernant le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail ainsi que n° 190 concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail,

 vu le Semestre européen, qui constitue le cadre de l’Union pour la coordination et la surveillance des politiques économiques et sociales, conformément aux articles 121 et 148 du traité FUE,

 vu l’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation,

 vu l’accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur le vieillissement actif et une approche intergénérationnelle,

 vu la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements[1],

 vu la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs[2],

 vu la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne[3],

 vu la directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs[4] (directive sur le comité d’entreprise européen),

 vu le règlement (UE) 2021/1057 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 instituant le Fonds social européen plus (FSE+) et abrogeant le règlement (UE) nº 1296/2013[5],

 vu la directive (UE) 2022/2041 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne[6] (directive sur les salaires minimaux adéquats),

 vu sa résolution du 16 décembre 2021 sur la démocratie au travail: un cadre européen pour les droits de participation des travailleurs et la révision de la directive sur le comité d’entreprise européen[7],

 vu sa résolution du 2 février 2023 contenant des recommandations à la Commission sur la révision de la directive sur les comités d’entreprise européens[8],

 vu la proposition de la Commission de recommandation du Conseil relative au renforcement du dialogue social dans l’Union européenne (COM(2023) 0038),

 vu la communication de la Commission du 25 janvier 2023 intitulée «Renforcer le dialogue social dans l’Union européenne: exploiter tout son potentiel au service de transitions justes» (COM(2023)0040),

 vu la communication de la Commission du 13 décembre 2013 sur un cadre de qualité de l’Union européenne pour l’anticipation des changements et des restructurations (COM(2013)0882),

 vu sa résolution du 19 janvier 2017 sur un socle européen des droits sociaux[9],

 vu sa résolution du 17 décembre 2020 sur une Europe sociale forte pour des transitions justes[10],

 vu la décision (UE) 2022/2296 du Conseil du 21 novembre 2022 relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres[11],

 vu la communication de la Commission du 4 mars 2021 intitulée «Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux» (COM(2021)0102),

 vu la communication de la Commission du 29 septembre 2022 intitulée «Lignes directrices relatives à l’application du droit de la concurrence de l’UE aux conventions collectives concernant les conditions de travail des travailleurs indépendants sans salariés» (C(2022)6846),

 vu les questions au Conseil et à la Commission sur le renforcement du dialogue social (O-xxxxxx/2023 — B9xxx/xxx et O-xxxxxx/2023 — B9xxxx/xxxx),

 vu l’article 136, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

 vu la proposition de résolution de la commission de l’emploi et des affaires sociales,

A. considérant que les droits des travailleurs à la négociation et aux conventions collectives, à la liberté d’association et à l’action collective sont des droits fondamentaux en démocratie;

B. considérant que la concertation sociale et la négociation collective entre les syndicats et les représentants des employeurs au niveau de l’entreprise, au niveau sectoriel, au niveau national et au niveau de l’Union sont des aspects essentiels du modèle social européen, dont l’héritage commun, fait de dialogue social, de participation des travailleurs, de négociation collective, de représentation en matière de santé et de sécurité et de système tripartite, est la pierre angulaire d’un avenir diversifié et durable sur les plans économique, social et environnemental, qui contribuera à la compétitivité, à la résilience économique et sociale ainsi qu’à une croissance plus forte et inclusive dans l’Union;

C. considérant qu’un dialogue social performant entre partenaires sociaux autonomes est essentiel pour trouver des solutions équilibrées aux défis d’aujourd’hui et de demain, en s’adaptant aux évolutions du monde du travail d’une manière qui profite à la fois aux travailleurs et aux employeurs, comme le démontrent notamment les accords-cadres existants entre les partenaires sociaux européens sur le vieillissement actif et sur la numérisation, ainsi que les négociations en cours sur le télétravail et le droit à la déconnexion; que le dialogue social s’est également avéré nécessaire dans des situations de crise inattendue, notamment l’adaptation des conditions de travail lors de la pandémie; que le dialogue social joue un rôle important dans le soutien actif aux travailleurs en transition vers de nouveaux emplois et dans l’anticipation des besoins en compétences en abordant les changements structurels et en renforçant la résilience des États membres; que la réussite du dialogue social dépend fortement de la capacité des partenaires sociaux à négocier librement en s’appuyant sur un ensemble complexe de règles et de pratiques, qui sont souvent établies dans les traditions et les systèmes juridiques nationaux; que cela suppose des législateurs nationaux et européen qu’ils se fient à la capacité des partenaires sociaux à œuvrer pour de bonnes conditions sur le marché du travail, tout en exigeant d’eux qu’ils prennent cette responsabilité au sérieux et qu’ils trouvent des compromis qui tiennent compte de leurs intérêts respectifs et profitent également à la société dans son ensemble;

D. considérant que les négociations collectives sectorielles et interprofessionnelles ont été mises à rude épreuve dans certains États membres à la suite de la crise financière de 2008; que la part des travailleurs couverts par des conventions collectives a considérablement diminué dans la plupart des États membres au cours des 30 dernières années, la couverture moyenne étant passée, dans l’Union, selon les estimations, d’environ 66 % en 2000 à environ 56 % en 2018[12], en raison de facteurs comprenant notamment le déclin du taux de syndicalisation, les changements réglementaires dans les pratiques et processus de négociation collective[13], en particulier en ce qui concerne la décentralisation des systèmes de négociation collective, l’importance croissante des processus de négociation au niveau de l’entreprise et la montée des formes d’emploi précaires et du faux travail indépendant; qu’il est important de noter que la situation varie considérablement d’un État membre à un autre; que, dans la plupart des États membres, le taux de couverture par une convention collective tend à être plus élevé pour les salariés sous contrat à durée indéterminée et pour ceux qui travaillent dans de grandes entreprises; que la couverture des négociations est nettement plus élevée dans les pays où il existe des accords sectoriels et où ceux-ci sont fréquemment étendus à des entreprises ou à des travailleurs non couverts;

E. considérant que les travailleurs de moins de 30 ans sont deux fois moins susceptibles de s’affilier à un syndicat que les travailleurs plus âgés[14], tout en étant très favorables à la négociation collective et en ayant un degré élevé de confiance dans les syndicats;

F. considérant que les travailleurs et les employeurs européens sont actuellement confrontés à des défis majeurs découlant de problématiques sociales et environnementales anciennes, telles que la pauvreté, l’exclusion sociale, les inégalités croissantes, les crises sociales, ainsi que les urgences en matière de climat et de biodiversité, qui continuent de s’accentuer et contre lesquelles il est nécessaire de lutter; que ces défis ont été exacerbés par les conséquences de la pandémie et, depuis le 24 février 2022, de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et de la crise du coût de la vie, de l’inflation causée par les profits et de la crise de l’énergie qui s’en est suivie; que ces événements ont prouvé le besoin urgent d’une participation plus large et plus forte des partenaires sociaux, afin d’exploiter les opportunités des transitions verte et numérique durables et équitables et de tenir compte de la nécessité de ne laisser personne de côté; que, selon la base de données «EU PolicyWatch» d’Eurofound, les partenaires sociaux ont été impliqués pendant la pandémie dans près de la moitié des mesures politiques enregistrées au niveau national et/ou européen, tandis que cette participation a légèrement diminué en 2022, lorsque d’autres mesures liées à la crise du coût de la vie ont été recensées;

G. considérant que les mesures qui visent à faire respecter et promouvoir la négociation et les conventions collectives peuvent être une réponse efficace à la montée en flèche du coût de la vie et faciliter les augmentations réelles des rémunérations, qui sont nécessaires d’urgence, dans tous les secteurs;

H. considérant que la démocratie au travail joue un rôle essentiel dans le renforcement des droits de l’homme sur le lieu de travail et dans la société, notamment lorsque les représentants des travailleurs, y compris les syndicats, participent activement aux processus de diligence raisonnable des entreprises; que la participation précoce et significative des travailleurs au niveau approprié contribue à une gouvernance d’entreprise durable; que la voix des partenaires sociaux est un élément important des initiatives de l’Union visant à garantir une gouvernance d’entreprise durable et démocratique ainsi qu’une diligence raisonnable par rapport aux violations réelles et potentielles des droits de l’homme, y compris au travail, et aux incidences dommageables sur l’environnement, de même que des initiatives de l’Union visant à réduire le recours à des pratiques illégales, telles que l’exploitation au travail et la concurrence déloyale au sein du marché unique;

I. considérant que la démocratie au travail va au-delà de la participation formelle des organisations syndicales aux réunions du «dialogue social», ou de la simple consultation de ces organismes; que la promotion de la démocratie au travail exige la sauvegarde et le respect de divers droits et principes, notamment le droit d’organisation, le droit à l’action collective et à la négociation collective, les droits syndicaux, le droit de grève et les principes d’interdiction du licenciement abusif et de l’égalité de rémunération pour un même travail;

J. considérant que le principe nº 8 du socle européen des droits sociaux prévoit que les partenaires sociaux doivent être consultés sur la conception et la mise en œuvre des politiques économiques, sociales et de l’emploi, conformément aux pratiques nationales; que les partenaires sociaux sont également encouragés à négocier et à conclure des conventions collectives sur des sujets qui les concernent, dans le respect de leur autonomie et du droit à l’action collective; que les travailleurs ou leurs représentants ont le droit d’être informés et consultés en temps utile sur des sujets qui les concernent, en particulier en cas de transfert, de restructuration et de fusion d’entreprises, ainsi qu’en cas de licenciement collectif; que l’engagement social de Porto invite tous les acteurs concernés à promouvoir le dialogue social autonome en tant que composante structurante du modèle social européen et à le renforcer aux niveaux européen, national, régional, sectoriel et local, et au niveau des entreprises, en mettant particulièrement l’accent sur la mise en place d’un cadre propice à la négociation collective au sein des différents modèles qui existent dans les États membres;

K. considérant que le règlement relatif à la facilité pour la reprise et la résilience[15] prévoit l’obligation pour les États membres de consulter les partenaires sociaux lors de l’élaboration de leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience dans une plus grande variété de cadres; que la qualité et l’intensité de leur participation sont toutefois inégales et plutôt faibles dans un nombre relativement élevé de pays; que le rapport d’examen de la Commission sur la facilité pour la reprise et la résilience précise que le succès de cette dernière dépend de l’implication étroite des partenaires sociaux, des organisations de la société civile, des autorités locales et régionales, et d’autres parties prenantes;

L. considérant que certains États membres garantissent un cadre propice au dialogue social, tandis que dans d’autres, le dialogue social est sous pression à cause, entre autres, du retard et de l’inefficacité des procédures de consultation et du manque de capacités et de critères stricts de représentation ainsi que de restrictions à la liberté des partenaires sociaux de négocier de manière autonome et de trouver des compromis au moyen de la négociation collective; que, conformément à l’article 9 du règlement sur le FSE+, les États membres sont tenus d’assurer aux partenaires sociaux une participation significative à la mise en œuvre des politiques de l’emploi, d’éducation et d’inclusion sociale soutenues par le volet du FSE+ relevant de la gestion partagée; que tous les États membres doivent allouer un volume approprié des ressources du FSE+ - 0,25% au minimum lorsqu’ils ont reçu des recommandations par pays à ce propos - au renforcement des capacités des partenaires sociaux, y compris sous la forme de formations, de mesures de mise en réseau et d’un renforcement du dialogue social, ainsi qu’à des activités menées conjointement par les partenaires sociaux;

M. considérant que la négociation collective désigne toutes les négociations qui ont lieu, conformément au droit national et aux pratiques nationales de chaque État membre, entre un employeur, un groupe d’employeurs ou une ou plusieurs organisations d’employeurs, d’une part, et un ou plusieurs syndicats, d’autre part, en vue de déterminer les conditions de travail et d’emploi; qu’un syndicat s’entend comme un groupe de travailleurs constitué pour promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs, conformément au droit national et/ou aux pratiques nationales; qu’une organisation d’employeurs est une organisation composée d’employeurs individuels, d’autres associations d’employeurs ou des deux, constituée pour promouvoir et défendre les intérêts de ses membres, conformément au droit national et/ou aux pratiques nationales;

N. considérant que, conformément à la convention concernant les représentants des travailleurs, qui a été ratifiée par 24 États membres, les représentants des travailleurs sont des personnes reconnues comme tels par la législation ou la pratique nationale, qu’elles soient ou non des représentants syndicaux, c’est-à-dire i) des représentants nommés ou élus par des syndicats ou par les membres de syndicats; ou ii) des représentants élus, c’est-à-dire des représentants librement élus par les travailleurs de l’entreprise, conformément aux dispositions pertinentes de la législation ou de la réglementation nationale ou de conventions collectives, et dont les fonctions ne s’étendent pas à des activités qui sont reconnues comme relevant des prérogatives exclusives des syndicats dans le pays concerné; que, lorsque des représentants syndicaux et des représentants élus coexistent dans une même entreprise, les représentants élus ne devraient pas être utilisés pour porter atteinte à la position des syndicats concernés ou de leurs représentants, notamment en ce qui concerne la négociation collective, qui est la prérogative du syndicat;

O. considérant que les conditions propices au bon fonctionnement du dialogue social sont les suivantes: i) l’existence de syndicats forts et indépendants et de capacités techniques au sein des organisations d’employeurs; ii) des capacités techniques pour les partenaires sociaux; iii) l’accès aux informations pertinentes et en temps utile pour participer au dialogue social; iv) un engagement de toutes les parties à prendre part au dialogue social de façon constructive et de bonne foi, ce qui inclut la participation des partenaires sociaux à la définition des questions pertinentes, à la collecte de preuves, au partage d’informations, à l’étude d’options et à l’élaboration de solutions privilégiées; v) le respect des droits fondamentaux que sont la liberté d’association et la négociation collective; vi) un soutien institutionnel approprié; vii) le respect de l’autonomie des partenaires sociaux, qui leur permet de négocier et de conclure des conventions collectives de manière autonome; viii) l’adaptation à l’ère numérique et la promotion de la négociation collective dans le nouveau monde du travail; et ix) une protection adéquate contre tout acte de discrimination antisyndicale pour les représentants des syndicats et des travailleurs;

P. considérant que des négociations collectives fortes, en particulier au niveau sectoriel ou interprofessionnel, contribuent à la création et à la préservation d’emplois de qualité et ont une incidence positive sur les salaires; que les syndicats, la représentation et la participation des travailleurs ainsi que la couverture par des conventions collectives sont essentiels au respect des droits des travailleurs; que des actions, des mesures et une meilleure législation visant à protéger les droits des représentants des travailleurs et des syndicats sont nécessaires pour assurer l’équilibre du pouvoir de négociation entre employeurs et travailleurs, qu’il est possible d’améliorer en renforçant la démocratie au travail;

Q. considérant que l’OIT a été fondée en 1919 avec la ferme conviction que la paix universelle ne pourrait être instaurée que si elle était fondée sur la justice sociale[16]; que le dialogue social, la négociation collective et la représentation des travailleurs sont des valeurs et droits fondamentaux de l’OIT et qu’ils sont reconnus dans de nombreuses conventions et recommandations de l’OIT; que le Conseil de l’Europe compte également la démocratie au travail parmi ses valeurs fondamentales, telles qu’exprimées dans la convention européenne des droits de l’homme et la charte sociale européenne;

R. considérant que les principes directeurs de l’OIT pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous appellent à promouvoir l’inclusion de dispositions environnementales spécifiques dans les négociations collectives et les conventions collectives à tous les niveaux;

S. considérant que le Conseil, dans ses conclusions du 24 octobre 2019 intitulées «L’avenir du travail: l’Union européenne soutient la déclaration du centenaire de l’OIT», a encouragé les États membres à poursuivre leurs efforts pour ratifier et mettre effectivement en œuvre les conventions de l’OIT; que le Conseil a également invité les États membres et la Commission à renforcer le dialogue social à tous les niveaux, y compris dans la coopération transfrontière, afin de garantir la participation active des partenaires sociaux à la définition de l’avenir du travail et à la mise en place d’une justice sociale et d’une prospérité partagée;

T. considérant que le dialogue social et la négociation collective sont des instruments essentiels, à la disposition des employeurs et des organisations syndicales pour fixer et maintenir des salaires équitables et de bonnes conditions de travail et d’emploi ainsi que pour combler l’écart de retraite et de salaire entre les hommes et les femmes; que des systèmes de négociation collective solides renforcent la résilience des États membres en période de crise économique; que les sociétés dotées de systèmes de négociation collective solides ont tendance à avoir des économies plus compétitives et plus résilientes et à être plus prospères et plus égalitaires; que le droit à la négociation collective est une question qui concerne tous les travailleurs en Europe, et qui peut avoir des implications cruciales pour la démocratie et l’état de droit, y compris le respect des droits sociaux fondamentaux; que la négociation collective est un droit fondamental européen que les institutions européennes sont tenues de respecter en vertu de l’article 28 de la charte des droits fondamentaux; que, dans ce contexte, des politiques qui respectent, promeuvent et renforcent la négociation collective et la position des travailleurs dans le système de fixation des salaires jouent un rôle essentiel dans la mise en place de normes élevées de conditions de travail et l’amélioration des conditions de vie;

U. considérant que l’économie informelle se caractérise par une forte proportion de groupes de travailleurs invisibles et très vulnérables; que la pandémie de COVID-19 a contraint un nombre croissant de travailleurs, en particulier des femmes, à entrer dans l’économie informelle et a exacerbé les vulnérabilités pré-existantes; que les secteurs les plus représentés dans l’économie informelle au sein de l’Union, à savoir la santé, les soins, l’action sociale et l’agriculture, sont également des secteurs indispensables au fonctionnement de nos sociétés;

V. considérant que le dialogue social renforce tant la démocratie que la société civile et qu’il est l’expression du principe de subsidiarité, selon lequel les règles sont élaborées à un niveau proche de ceux qu’elles concernent et affectent;

W. considérant que, conformément à l’article 152 du traité FUE, l’Union «facilite le dialogue entre [les partenaires sociaux], dans le respect de leur autonomie»; que, dans sa décision 98/500/CE[17], la Commission a institué des comités de dialogue sectoriel pour favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux dans tous les secteurs au niveau de l’Union et a établi des dispositions précises concernant la création, la composition et le fonctionnement des nouveaux comités sectoriels, destinés à être des organes centraux de consultation, d’initiatives conjointes et de négociation pouvant conduire à la conclusion d’accords et à leur transposition ultérieure dans la législation de l’Union européenne au moyen de directives, si les partenaires sociaux en font la demande; que, comme la Commission l’a constaté dans son document de travail sur le fonctionnement et le potentiel du dialogue social sectoriel européen[18], ces comités ont contribué à améliorer les politiques européennes en matière sociale et d’emploi ainsi que les conditions de travail en Europe et ont contribué à la conception de politiques industrielles appropriées; que la Commission a conclu que l’efficacité du dialogue social au niveau européen est étroitement liée à celle du dialogue social national et que ces deux niveaux de dialogue interagissent entre eux;

X. considérant que la Commission est chargée de promouvoir et de faciliter le dialogue social européen conformément à l’article 154 du traité FUE; que les partenaires sociaux sectoriels européens et leurs affiliés nationaux devraient continuer à bénéficier d’un soutien en matière de capacités administratives, d’expertise juridique, de représentation et de financement par l’Union d’activités conjointes dans le cadre de projets européens et d’initiatives de renforcement des capacités;

Y. considérant que la numérisation croissante des marchés du travail et les nouvelles formes de travail pourraient constituer un défi de taille pour la représentation des travailleurs vulnérables et pourraient mettre en péril le modèle social européen; que les travailleurs exerçant des formes de travail atypiques ou de nouvelles formes d’emploi peuvent souffrir d’un manque de représentation; que l’émergence de nouvelles formes d’emploi pourrait rendre difficile le recrutement de nouveaux membres par les syndicats; que la Commission a récemment adopté de nouvelles lignes directrices à propos de l’application du droit de la concurrence de l’Union aux conventions collectives concernant les conditions de travail des travailleurs indépendants sans salariés, en apportant des éclaircissements grandement nécessaires sur le fait que certains travailleurs indépendants peuvent négocier collectivement pour améliorer leurs conditions de travail sans enfreindre les règles de concurrence de l’Union; que le droit de prendre part à des actions et à des négociations collectives a été clarifié et étendu aux travailleurs indépendants sans salariés; que les partenaires sociaux devraient veiller à rester ouverts et attractifs vis-à-vis de tous les types d’employeurs et de travailleurs ayant des contrats de travail et des statuts différents dans tous les secteurs, tels que les travailleurs indépendants sans salariés ou les travailleurs migrants, y compris originaires de pays tiers; qu’il est essentiel que cette approche garantisse l’inclusion et la diversité des affiliés et de la direction des partenaires sociaux, en reconnaissant que le monde du travail actuel est mondialisé et interculturel;

Z. considérant que les travailleurs de l’économie des soins sont principalement des femmes et des personnes issues de l’immigration, et que leurs conditions de travail et leur manque de représentation les exposent à des emplois précaires et peu sûrs;

1. souligne que le dialogue social, notamment la négociation collective, est un outil essentiel et bénéfique pour le bon fonctionnement de l’économie sociale de marché, l’un des objectifs du traité UE, et qu’il contribue à la résilience économique et sociale, à la compétitivité, à la stabilité ainsi qu’à une croissance et à un développement durables et inclusifs; souligne que le dialogue social est, en outre, un aspect essentiel de la démocratie dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques et des lois affectant ceux qu’il représente, à savoir les travailleurs et les employeurs; rappelle que, conformément aux traités, qui protègent explicitement l’autonomie des partenaires sociaux et les systèmes d’autorégulation en place dans certains États membres, il convient de protéger le dialogue social afin que les partenaires sociaux puissent s’autoréguler de manière autonome, en garantissant une légitimité totale et des progrès importants en matière de couverture des conventions collectives; se félicite de la communication de la Commission et de sa proposition de recommandation du Conseil relative au renforcement du dialogue social dans l’Union; souligne qu’il y a lieu de soutenir davantage le dialogue social au niveau national et au niveau de l’Union et que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour soutenir et favoriser la couverture des négociations collectives et éviter la baisse de l’affiliation aux partenaires sociaux et de la densité organisationnelle ainsi que pour veiller à ce que les lieux de travail soient bien adaptés aux évolutions du monde du travail et préserver ainsi des emplois de qualité; insiste toutefois sur le fait que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour apporter des solutions durables en matière d’organisation et de financement des comités de dialogue social sectoriel; invite la Commission à maintenir son soutien logistique aux comités de dialogue social sectoriel et à accroître son soutien financier, juridique et technique; invite la Commission à continuer de soutenir et de suivre de près le dialogue social sectoriel afin de garantir l’alignement entre les comités et de veiller à ce que le dialogue social puisse apporter une contribution significative aux politiques de l’Union; invite instamment la Commission à veiller à ce que les nouvelles propositions respectent pleinement l’autonomie des partenaires sociaux et évitent de nuire au dialogue social sectoriel européen; rappelle que la crise financière et la pandémie ont montré que les pays disposant de cadres solides pour le dialogue social et d’une couverture élevée des négociations collectives ont tendance à avoir des économies plus compétitives, inclusives et résilientes, étant donné que les partenaires sociaux ont joué un rôle majeur dans la gestion de la crise et l’atténuation de ses conséquences économiques et sociales négatives;

2. prie instamment la Commission de soutenir et de surveiller la mise en œuvre de la recommandation au niveau sectoriel, au niveau national et au niveau de l’Union, conjointement avec les États membres et les partenaires sociaux concernés; invite la Commission et les États membres à veiller à ce que ce suivi permette aux partenaires sociaux, entre autres, de recenser les situations dont ils ont été exclus ou pour lesquelles ils n’ont pas été suffisamment associés aux consultations au niveau national sur la politique de l’Union et la politique nationale, y compris l’accès à la justice et le droit à réparation; invite la Commission à veiller à ce que l’obligation de consulter les partenaires sociaux soit respectée, lorsque la législation de l’Union le prévoit, y compris en envisageant des instruments d’exécution tels que des procédures d’infraction; souligne que tout type de suivi doit également préserver la liberté et la capacité des partenaires sociaux à négocier de manière constructive, ce qui profite à toutes les parties, lorsque les négociations sont menées dans un cadre bipartite et tripartite; estime que la base de données EU PolicyWatch d’Eurofound, un instrument unique à l’échelle de l’Union permettant de connaître la participation des partenaires sociaux à l’élaboration des politiques nationales, pourrait être utile à cet égard;

3. estime que la liberté de réunion et d’association ainsi que le droit des travailleurs à s’organiser, consacrés par la charte des droits fondamentaux, ainsi que le droit des travailleurs à bénéficier d’une représentation syndicale collective et à demander collectivement des réformes sur leur lieu de travail, sont des aspects fondamentaux du projet européen et des principes fondamentaux du modèle social européen, qui ont été affirmés et juridiquement confirmés par les institutions de l’Union, les États membres et les partenaires sociaux; insiste en outre sur le fait que les travailleurs et les employeurs ont, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives à tous les niveaux appropriés;

4. considère que, outre la consécration juridique de ces droits, il est essentiel d’assurer un contrôle efficace de leur respect et de sanctionner ceux qui y portent atteinte; invite, par conséquent, les États membres à doter les autorités nationales chargées des inspections et des contrôles des moyens techniques et humains nécessaires à l’accomplissement de leurs importantes fonctions, notamment par le respect du ratio d’un inspecteur du travail pour 10 000 travailleurs, conformément à la recommandation de l’OIT[19];

5. se dit préoccupé par la diminution de la densité des organisations patronales et syndicales dans la plupart des États membres, qui s’explique par de multiples facteurs, comme l’affaiblissement et le démantèlement des structures de négociation collective intersectorielles et sectorielles, la prolifération des emplois atypiques ou encore le déclin des secteurs industriels[20]; met en garde contre le fait que la diminution de la couverture des négociations collectives s’explique également par des pratiques antisyndicales, une faible représentation au sein des organisations patronales et les difficultés dues au refus des employeurs de participer aux négociations collectives; se dit préoccupé par les effets potentiels de la diminution de la couverture des négociations collectives sur la protection du travail ainsi que sur la compétitivité, l’inclusivité et la résilience des économies européennes;

6. rappelle qu’il importe de promouvoir l’égalité de genre et l’égalité des chances pour tous, y compris pour les personnes handicapées et les travailleurs migrants, sans exclure ceux de pays tiers, tant sur le plan de la diversité et de l’inclusion dans la représentation que de manière transversale dans tous les domaines d’action; est préoccupé par l’absence de représentation des travailleurs dans le secteur des soins à la personne notamment, où la majorité sont des femmes et des personnes issues de l’immigration dont les emplois sont peu valorisés, insuffisamment rémunérés et précaires; invite la Commission et les États membres à prendre des mesures législatives et institutionnelles pour promouvoir la négociation collective dans des secteurs, des professions ou des groupes de travailleurs spécifiques pour lesquels la reconnaissance effective de ce droit reste limitée; encourage les États membres et les partenaires sociaux à promouvoir le dialogue social afin de lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes en garantissant un salaire égal pour un travail de valeur égale, en prévoyant des congés de maternité/paternité et des congés parentaux et familiaux, ainsi qu’en luttant contre la violence à caractère sexiste sur le lieu de travail; encourage les partenaires sociaux à promouvoir l’inclusion des femmes et des jeunes au sein de leur direction et parmi les négociateurs;

7. invite instamment les États membres à prendre acte du fait que tant la reconnaissance mutuelle des partenaires sociaux que la reconnaissance des syndicats et des organisations patronales par les autorités de chaque État membre conformément aux lois et pratiques nationales sont des éléments clés qui contribuent à la réussite du cadre de négociation collective, à condition que les employeurs et les travailleurs puissent choisir librement quelle(s) organisation(s) les représenteront; souligne que cette reconnaissance légale est transparente sur la base de critères de représentativité objectifs établis en consultation avec les organisations patronales et les syndicats; invite la Commission et les États membres à protéger l’autonomie des partenaires sociaux en matière de négociations et à contribuer au bon fonctionnement du marché du travail;

8. invite la Commission et les États membres à consulter de façon significative et en temps utile les partenaires sociaux et à les associer à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques sociales et de l’emploi et, le cas échéant, des politiques économiques, ainsi qu’à la prise de décision dans les processus décisionnels ouverts; demande instamment à la Commission d’encourager la négociation collective, la démocratie au travail et le dialogue social par l’intermédiaire du Semestre européen, et plus particulièrement dans les recommandations par pays, afin de garantir des salaires décents par la négociation collective; demande à la Commission de consulter les partenaires sociaux pour formuler des propositions de nouveaux indicateurs du dialogue social pour un cadre révisé de gouvernance économique européenne lié aux relations professionnelles dans les États membres, indicateurs qui pourraient être utilisés pour renforcer le dialogue social; relève que de tels indicateurs pourraient faire référence à la démocratie dans les relations professionnelles, à la compétitivité du travail et à la qualité du travail et de l’emploi, à la couverture des négociations collectives et aux taux de syndicalisation, éléments déjà utilisés par Eurofound pour son index des relations professionnelles;

9. rappelle que les taux de couverture des négociations collectives varient considérablement d’un État membre à l’autre en raison d’un certain nombre de facteurs, dont les traditions et pratiques nationales; invite la Commission et les États membres à garantir, avec la participation des partenaires sociaux, un environnement favorable à la négociation collective; fait observer qu’alors que des négociations collectives solidement ancrées, en particulier au niveau sectoriel ou interprofessionnel, contribuent à garantir un niveau adéquat de protection offerte par des salaires minimaux ainsi que de bonnes conditions de travail, les structures traditionnelles de négociation collective se sont érodées au cours des dernières décennies, en raison notamment d’un glissement structurel de l’économie vers des secteurs moins syndicalisés et du déclin de l’affiliation syndicale, lié en particulier à des pratiques antisyndicales et à l’augmentation des formes de travail précaires et atypiques; invite la Commission et les États membres, ainsi que les partenaires sociaux, à s’efforcer d’atteindre une couverture des négociations collectives d’au moins 80 % à l’horizon 2030, en vue d’améliorer les conditions de vie et de travail dans l’Union, de contribuer à la convergence sociale vers le haut, de lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale au travail et de réduire les inégalités salariales et la précarité; invite la Commission et les États membres à examiner régulièrement, avec les partenaires sociaux, les progrès accomplis en vue de la réalisation de cet objectif;

10. invite les États membres à passer en revue la législation nationale et à abroger tout texte qui fait obstacle à la négociation collective, y compris toute législation qui entrave l’accès des syndicats aux lieux de travail à des fins d’organisation afin de pouvoir négocier collectivement ou de préparer une action collective dans le respect des pratiques et lois nationales; invite les États membres à garantir l’accès au lieu de travail, que le travail soit effectué de manière physique ou électronique, conformément aux règlements en matière de protection des données et dans le respect du droit à la propriété et des droits de la direction[21]; invite les États membres et la Commission à promouvoir des réformes législatives garantissant des négociations de bonne foi, interdisant les pratiques de travail injustes et la discrimination antisyndicale et favorisant des formes d’emploi sûres tout en prenant des mesures fortes visant à lutter contre les formes d’emploi précaires, en particulier celles qui touchent les jeunes travailleurs; invite la Commission et les États membres à promouvoir la négociation collective à tous les niveaux, et particulièrement au niveau sectoriel, en tant qu’instrument important pour accroître la couverture des conventions collectives, notamment en appuyant le renforcement des capacités des partenaires sociaux, en veillant à ce que les dérogations aux conventions collectives conclues à un niveau plus élevé respectent le principe de non-régression et garantissent l’application des conditions les plus favorables aux travailleurs, indépendamment du niveau auquel les conventions collectives ont été négociées; invite la Commission à examiner l’incidence des politiques sociales et en matière d’emploi et, le cas échéant, des politiques économiques, ainsi que de la législation au niveau de l’Union sur la promotion et le soutien du dialogue social et de la négociation collective, en particulier en ce qui concerne leur mise en œuvre dans les États membres et la participation des partenaires sociaux;

11. insiste sur le fait que les réformes dans les États membres devraient promouvoir et renforcer la négociation collective à tous les niveaux, notamment en appuyant le renforcement des capacités des partenaires sociaux; souligne que les réformes du travail au niveau national doivent promouvoir les droits des travailleurs et contribuer à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, y compris son principe 8 sur le dialogue social et la participation des travailleurs, ainsi que la négociation collective, le respect de l’autonomie des partenaires sociaux et le droit à l’action collective et le droit d’être informé et consulté en temps utile sur le transfert, la restructuration et la fusion d’entreprises ainsi que sur les licenciements collectifs;

12. invite la Commission à analyser toute réforme du travail, en particulier celles liées aux conditions de travail et à l’information et à la consultation des travailleurs, dans les plans nationaux pour la reprise et la résilience des États membres, et à coopérer avec les autorités nationales afin de les aider à combler d’éventuelles lacunes; souligne la nécessité pour la Commission et les États membres d’améliorer la portée et la pertinence de la collecte de données au niveau de l’Union et au niveau national en matière de dialogue social, en particulier en ce qui concerne les négociations collectives; réclame la collecte des données complètes et comparables, ventilées par secteur, pour inclure le nombre de conventions collectives concernant des mesures visant à faire face à la transition verte et à la transition numérique, les pénuries de compétences et sur le marché du travail, ainsi que le profil des travailleurs couverts par ces conventions de manière juste et inclusive;

13. souligne que, conformément aux lois et aux pratiques nationales, les États membres et les partenaires sociaux devraient être encouragés à envisager des mécanismes d’extension visant à élargir le champ d’application d’une convention collective à l’ensemble des travailleurs d’un secteur ou d’une entreprise;

14. s’inquiète du fait que des travailleurs actifs dans le cadre de nouvelles formes de travail, en particulier ceux dont les tâches sont organisées au moyen de plateformes numériques et d’une gestion algorithmique, ne jouissent pas de réels droits de représentation ou de participation sur le lieu de travail; demande une nouvelle fois à la Commission et aux États membres de garantir le droit des travailleurs à la liberté d’association et de participation sur le lieu de travail, pour toutes les formes d’emploi; est préoccupé par le phénomène des syndicats d’entreprise ou des représentants des travailleurs qui sont mis en place ou contrôlés par les employeurs et servent les intérêts de ces derniers plutôt que ceux des travailleurs; demande aux États membres de protéger les syndicats de travailleurs et les syndicats patronaux qui participent ou souhaitent participer à des négociations collectives contre toute ingérence par l’autre partie ou par des agents ou membres de l’autre partie dans leur formation, leur fonctionnement ou leur administration; souligne que cela devrait couvrir également la protection contre les activités visant à perturber ou empêcher la formation de syndicats ou la recherche de nouveaux adhérents sur le lieu de travail, ainsi que contre toute action de la direction d’une entreprise visant à empêcher les travailleurs d’exercer leur droit de s’organiser au mépris de l’article 2 de la convention nº 98 de l’OIT concernant l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective et de la directive 2002/14/CE[22]; invite la Commission et les États membres à veiller, avec les partenaires sociaux, à ce que les travailleurs bénéficient d’une représentation de qualité, à ce que les formes permanentes de représentation des travailleurs ne soient pas remplacées par des représentations ad hoc dépourvues de structures permanentes, à ce que les élections des représentants des travailleurs respectent la convention concernant les représentants des travailleurs et à ce que les représentants des travailleurs bénéficient d’une protection effective contre tout acte préjudiciable à leur égard, y compris le licenciement, en raison de leur statut ou de leurs activités de représentant des travailleurs, de leur appartenance syndicale ou de leur participation à des activités syndicales;

15. rappelle que le plan d’action du socle européen des droits sociaux fixe comme objectifs qu’au moins 60 % des adultes participent à des activités de formation chaque année et qu’au moins 80 % des personnes âgées de 16 à 74 ans possèdent des compétences numériques de base; souligne le rôle essentiel que les partenaires sociaux peuvent jouer en vue d’atteindre ces objectifs et de remédier aux pénuries de compétences et de main-d’œuvre, en particulier dans les régions les plus touchées par les transitions écologique et numérique; rappelle que les partenaires sociaux devraient être consultés dans le cadre de discussions tripartites sur les politiques de reconversion professionnelle, de renforcement des compétences, d’enseignement et de formation professionnels et d’apprentissage tout au long de la vie; encourage les partenaires sociaux à aborder la question de la reconversion professionnelle et de l’amélioration des compétences, ainsi que celle des compétences numériques et de l’habileté numérique, dans le cadre du dialogue social sur les politiques de formation;

16. demande que la stratégie industrielle de l’Union et sa stratégie en faveur des PME promeuvent le rôle des partenaires sociaux et veillent à ce que les emplois de demain soient écologiques et décents, bien rémunérés et assortis de bonnes conditions de travail, y compris en matière de santé et de sécurité au travail, et d’une protection sociale solide, le tout dans un contexte d’égalité entre les femmes et les hommes; invite les États membres, dans le cadre du pacte vert pour l’Europe et des plans de la facilité pour la reprise et la résilience, notamment RePowerEU, à adopter et à mettre en œuvre, en étroite coopération avec les partenaires sociaux, des trains de mesures complets et cohérents au bénéfice de tous les groupes de la société et à utiliser au mieux les financements publics et privés pour la création d’emplois de qualité assortis de conditions de travail équitables et de bonnes rémunérations, la promotion de la négociation collective et le respect des conventions collectives; estime en outre que tous les bénéficiaires d’un soutien financier de l’Union, y compris dans le cadre des programmes du plan industriel du pacte vert, devraient respecter les conditions de travail et d’emploi applicables et/ou les obligations des employeurs, y compris toute convention collective applicable; invite instamment la Commission et les États membres à veiller à ce que les entreprises bénéficiant d’une aide publique soient tenues de prendre des mesures pour éviter les licenciements collectifs et la détérioration des conditions de travail et de respecter les négociations collectives et les processus d’information et de consultation des syndicats en ce qui concerne les investissements, les restructurations et d’éventuelles réformes;

17. invite la Commission et les États membres à faire de la consultation des partenaires sociaux sur les questions écologiques et sur la transition juste une pratique courante tout au long du cycle d’élaboration des politiques, de la définition de l’ordre du jour à la mise en œuvre et du suivi à l’examen; estime que les avis des partenaires sociaux devraient être pris en considération lors de l’ensemble des phases de planification et de mise en œuvre de la transition juste; invite la Commission et les États membres à prévoir des campagnes d’information, des formations et le renforcement des capacités pour les partenaires sociaux ainsi que pour les autorités publiques compétentes afin de leur permettre de mieux se familiariser avec les questions liées au climat, leurs répercussions éventuelles sur le marché du travail et les mesures d’atténuation;

18. demande à la Commission de veiller à ce que la clause sociale figurant dans la directive européenne sur la passation des marchés publics[23] soit correctement appliquée par les États membres, et à exclure des passations de marchés les entreprises qui ont été condamnées pour activités illicites liées à des infractions des droits des travailleurs et des droits syndicaux ou à des infractions à la législation environnementale; rappelle que, conformément à la législation actuelle de l’Union, il devrait également être possible d’inclure des clauses garantissant le respect des conventions collectives sans enfreindre le droit de l’Union en matière de marchés publics; estime, dans ce conteste, qu’il y a lieu d’élargir le recours à des critères sociaux pour l’attribution des marchés par les pouvoirs adjudicateurs, car cela contribuerait à la réalisation de l’objectif d’une couverture des négociations collectives de 80 % dans les États membres; invite la Commission à évaluer l’éventuelle révision de la directive européenne sur la passation des marchés publics afin de renforcer la couverture des négociations collectives; invite les États membres à s’assurer que leurs systèmes judiciaires disposent des capacités suffisantes pour exercer leur autorité et pour prendre des mesures visant les contractants principaux et les sous-traitants solidairement responsables qui ont été condamnés pour concurrence déloyale, fraude fiscale ou évasion fiscale;

19. attire l’attention de la Commission et des États membres sur le besoin urgent d’intégrer un protocole de progrès social qui fasse prévaloir les libertés fondamentales sociales sur les libertés économiques en cas de conflit;

20. invite les États membres à transposer dans les meilleurs délais la directive relative à des salaires minimaux adéquats, qui impose aux États membres, le cas échéant, de prendre les mesures appropriées pour garantir que, lors de l’attribution et de l’exécution des marchés publics ou des contrats de concession, les opérateurs économiques et leurs sous-traitants respectent les obligations applicables en matière de salaires, de droit syndical et de négociation collective en matière de fixation des salaires dans le domaine du droit social et du droit du travail établis par le droit de l’Union, le droit national, les conventions collectives et les dispositions internationales en matière de droit social et du travail, y compris la convention nº 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et la convention nº 98 concernant l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective;

21. se félicite de l’engagement pris par la Commission de présenter, d’ici la fin de l’année 2023[24], une proposition législative en réponse à la résolution du Parlement du 2 février 2023[25]; salue l’annonce du lancement officiel de la consultation en deux étapes des partenaires sociaux dans l’Union; met l’accent sur l’importance de renforcer la transparence et les droits des travailleurs à l’information et à la consultation dans tous les types d’entreprises, dans l’intérêt tant des travailleurs que de l’employeur; souligne qu’il convient d’accorder une attention particulière aux structures d’entreprise et aux chaînes d’approvisionnement ou de sous-traitance complexes pour veiller à ce que le respect des obligations en matière de dialogue social soit garanti; invite de nouveau la Commission à concevoir, à la suite de l’analyse d’impact qu’elle réalisera et en consultation avec les partenaires sociaux, un cadre général sur l’information, la consultation et la participation des travailleurs pour les entreprises qui ont recours à des instruments européens de mobilité des entreprises, afin d’établir des normes minimales sur des aspects tels que l’anticipation des changements et les restructurations, en particulier à l’échelle des entreprises;

22. souligne sa profonde inquiétude face aux pratiques antisyndicales; demande à la Commission de garantir le droit de tous les citoyens de l’Union à s’organiser en syndicat, de manière que la représentation des travailleurs soit renforcée et que le droit des partenaires sociaux de négocier collectivement dans tous les secteurs soit respecté;

23. se félicite de la proposition de la Commission relative à une directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité; invite les États membres à veiller à ce que les modèles respectifs de gouvernance d’entreprise des entreprises prennent dûment en considération le développement environnemental, social et économique au moyen de pratiques de gouvernance et d’une présence sur le marché et promeuvent des pratiques de gouvernance d’entreprise contribuant à la durabilité de l’entreprise;

24. invite la Commission et les États membres à définir les conditions et exigences nécessaires à ce qu’au moins 80 % des entreprises soient couvertes par des accords de gouvernance d’entreprise durable d’ici 2030, tout en tenant compte de la charge administrative que cela représente pour les PME, y compris en mettant en place des stratégies convenues avec les travailleurs de manière à avoir une incidence positive sur le développement environnemental, social et économique au moyen de pratiques de gouvernance et d’une présence sur le marché, à renforcer le rôle de la direction lorsqu’il s’agit des intérêts à long terme de l’entreprise, à accroître la reddition de comptes de la part de la direction en ce qui concerne l’intégration de la question de la durabilité dans les prises de décision de l’entreprise et à promouvoir des pratiques de gouvernance d’entreprise contribuant à la durabilité de l’entreprise, notamment celles concernant, entre autres, les rapports d’entreprise, la rémunération du conseil d’administration, le rapport maximal des salaires entre celui du PDG et celui des travailleurs, la composition du conseil d’administration et la participation des parties prenantes;

25. se félicite que la communication de la Commission sur le dialogue social indique que la Commission désignera un coordinateur du dialogue social dans chaque service de la Commission afin de mieux appréhender le dialogue social dans l’ensemble de l’institution, comme l’ont préalablement proposé les partenaires sociaux eux-mêmes; souligne toutefois que les partenaires sociaux sont ceux qui comprennent le mieux le dialogue social et qu’ils devraient donc être des candidats privilégiés pour ce rôle de coordinateur; juge important que ces coordinateurs disposent d’un mandat clair quant à leur rôle et à leurs droits et devoirs, ainsi que de ressources humaines, techniques et financières suffisantes; suggère que la Commission associe ces coordinateurs du dialogue social à tous les aspects liés à l’emploi de la réglementation et de l’élaboration des politiques de l’Union;

26. demande à la Commission de promouvoir davantage le recours au Fonds social européen plus (FSE+) dans le cadre du renforcement des capacités des partenaires sociaux afin de consolider la négociation collective en Europe; souligne la nécessité d’un fonds européen pour le dialogue social afin de mettre en place des structures de dialogue social fortes, indépendantes et efficaces dans les États membres, le cas échéant;

27. invite les États membres à ratifier et à mettre en œuvre toutes les conventions fondamentales de l’OIT, dont la convention nº 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs et la convention nº 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, qui ont toutes deux été récemment désignées comme conventions fondamentales de l’OIT et qui n’ont pas encore été ratifiées par tous les États membres, ainsi que la convention nº 190 de l’OIT concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail; invite la Commission à encourager les États membres à ratifier et à mettre en œuvre toutes les conventions fondamentales de l’OIT;

28. invite les États membres à garantir le bon fonctionnement des systèmes nationaux individuels et collectifs de règlement des conflits du travail conformément aux lois et/ou aux pratiques nationales, comme recommandé dans plusieurs conventions et recommandations de l’OIT, y compris les services de conciliation, de médiation et d’arbitrage avec l’accord des deux parties, qui devraient disposer de procédures simplifiées et de ressources suffisantes pour aider à la fois les travailleurs et les employeurs, et qui devraient être à la portée de tous; demande aux États membres disposant de services décentralisés de médiation professionnelle de veiller à ce que les autorités régionales maintiennent ces services, afin de garantir un niveau de protection similaire à tous les travailleurs et employeurs sur le territoire national;

29. invite la Commission et les États membres à promouvoir et à faciliter la liberté d’association et la négociation collective dans l’économie informelle afin d’accroître la visibilité des travailleurs, de garantir des conditions de travail décentes et une protection sociale, ainsi que de lutter contre le travail non déclaré;

30. demande à la Commission de respecter les accords entre partenaires sociaux au niveau européen, tant au niveau intersectoriel qu’au niveau sectoriel, et de veiller au respect des dispositions prévues à l’article 155 du traité FUE, en vertu desquelles le dialogue entre les employeurs et les travailleurs au niveau de l’Union peut, si ces deux parties le souhaitent, déboucher sur des relations contractuelles, notamment des accords; souligne que le respect des accords entre partenaires sociaux au niveau européen passe par leur mise en œuvre, soit selon les procédures et pratiques propres aux partenaires sociaux et aux États membres, soit, dans les matières relevant de l’article 153 du traité FUE et à la demande conjointe des parties signataires, au moyen d’une décision du Conseil faisant suite à une proposition de la Commission; demande à la Commission de clarifier la procédure et les critères qu’elle utilisera pour aborder les accords négociés dans le but de les rendre juridiquement contraignants;

31. souligne que le considérant 35 de la directive (UE) 2019/2121[26] prévoit que «[d]ans certaines circonstances, le droit permettant aux sociétés d’effectuer une opération transfrontalière pourrait être utilisé à des fins abusives ou frauduleuses, telles que le contournement des droits des travailleurs, du paiement des cotisations de sécurité sociale ou des obligations fiscales, ou à des fins criminelles»; estime qu’il est essentiel, à cet égard, que les dispositions de la directive 2002/14/CE définissant des normes minimales européennes en matière d’information et de consultation des employés soient appliquées, tout comme celles concernant la représentation au sein des conseils d’administration et la participation des travailleurs lorsque les entreprises procèdent à une restructuration transfrontalière; invite la Commission, dans le contexte de sa prochaine évaluation de la directive (UE) 2019/2121, à tenir compte des bonnes pratiques existantes ainsi que des résultats d’études et d’évaluations des effets et conséquences socioéconomiques positifs de la représentation des salariés dans les organes de l’entreprise, ce qui pourrait contribuer à améliorer la gouvernance d’entreprise; demande à la Commission de mettre au point des initiatives visant à sensibiliser la population et à améliorer la connaissance des règles nationales et européennes régissant la représentation des salariés dans les organes de l’entreprise dans les différents États membres de l’Union, et de développer l’échange des bonnes pratiques, notamment en évaluant les différentes formes de participation des travailleurs et leurs conséquences socioéconomiques; réaffirme que plusieurs actes juridiques de l’Union concernant les droits de représentation des travailleurs au sein des conseils d’administration ne définissent pas d’exigences minimales en ce qui concerne la représentation au sein du conseil d’administration dans les différents types d’entreprises de l’Union ou dans les entreprises qui utilisent des instruments juridiques du droit européen des sociétés pour permettre la mobilité transfrontalière de l’entreprise et une restructuration juridique, y compris les fusions, les transformations ou les scissions transfrontalières; demande à la Commission et aux États membres de prendre des mesures décisives de toute urgence pour faire en sorte que les entreprises à l’échelle de l’Union respectent les droits des travailleurs en matière d’information, de consultation et de participation et qu’elles se conforment donc aux obligations juridiques nationales et de l’Union existantes;

32. invite la Commission à apporter les améliorations nécessaires aux cadres juridiques régissant les sociétés anonymes européennes (Societas Europea ou SE) et les sociétés coopératives européennes et, sur la base d’une évaluation réalisée en temps utile par la Commission, au train de mesures sur le droit des sociétés, ainsi qu’à les modifier afin d’introduire des règles européennes minimales régissant la participation des travailleurs et leur représentation au sein des conseils de surveillance, y compris en matière d’égalité entre les hommes et les femmes;

33. est convaincu que l’introduction de nouvelles technologies numériques peut avoir une incidence positive sur l’environnement de travail si elles sont mises en œuvre et surveillées de manière fiable, ce qui nécessitera de mettre en place une consultation avec les représentants des travailleurs, y compris les syndicats, et de leur fournir des informations utiles et en temps voulu afin de garantir pleinement la santé et la sécurité au travail, la protection des données, l’égalité de traitement, la stabilité de l’emploi, la protection sociale et le bien-être au travail et d’empêcher toute exploitation et surveillance indues des travailleurs, ainsi que la discrimination et la stigmatisation, en particulier dans le cadre d’une gestion à l’aide d’algorithmes; souligne que les syndicats et les représentants des travailleurs devraient disposer de l’accès et des moyens nécessaires pour analyser et évaluer les technologies numériques avant leur introduction; souligne que les nouvelles technologies numériques et l’intelligence artificielle ne devraient pas reproduire les discriminations et les préjugés sociétaux existants, mais devraient contribuer à l’inclusion sociale et à la participation de divers groupes; souligne la nécessité d’appliquer le principe de l’éthique par défaut tout au long du cycle de vie des technologies numériques, afin d’en exploiter tout le potentiel et d’éviter les préjugés; souligne que les structures de dialogue social, la négociation collective sectorielle, la fourniture d’informations aux syndicats et aux représentants des travailleurs, ainsi que leur consultation et leur participation, sont essentielles pour fournir le soutien nécessaire aux travailleurs, afin qu’ils puissent mieux intégrer et participer à l’adoption et au suivi, par les partenaires sociaux, de la technologie numérique sur le lieu de travail;

34. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.

 

Dernière mise à jour: 30 mai 2023
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