PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur les nouvelles répressions à l’encontre des forces démocratiques au Venezuela: attaques contre la candidate à la présidentielle María Corina Machado
5.2.2024 - (2024/2549(RSP))
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur
Anna Fotyga, Angel Dzhambazki, Hermann Tertsch, Adam Bielan, Joachim Stanisław Brudziński, Witold Jan Waszczykowski, Waldemar Tomaszewski, Dominik Tarczyński, Andżelika Anna Możdżanowska
au nom du groupe ECR
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0097/2024
B9‑0111/2024
Résolution du Parlement européen sur les nouvelles répressions à l’encontre des forces démocratiques au Venezuela: attaques contre la candidate à la présidentielle María Corina Machado
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions précédentes sur le Venezuela,
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que, le 17 octobre 2023, le régime vénézuélien et l’opposition politique sont parvenus à un accord (l’accord partiel sur la promotion des droits politiques et des garanties électorales pour tous, l’«accord de la Barbade») en vue d’organiser l’élection au cours du second semestre de 2024; que cet accord couvrait des sujets importants tels que la participation d’observateurs internationaux au processus électoral; que la signature de cet accord était une première étape pour garantir la tenue d’élections libres et équitables au Venezuela;
B. considérant qu’en octobre 2023, lors de primaires, les partis d’opposition ont élu à une large majorité María Corina Machado comme candidate de l’opposition pour la présidentielle; que, quelques jours plus tard, le procureur général a ouvert une enquête pour fraude présumée à l’encontre de la commission des primaires qui a organisé les primaires; que la Cour suprême, favorable au régime, a suspendu tous les effets découlant de l’issue de ce vote;
C. considérant que, le 26 janvier 2024, la Cour suprême a réexaminé et confirmé la déchéance pour une durée de 15 ans prononcée précédemment contre María Corina Machado; que cette déchéance arbitraire persistante, ainsi que les déchéances dont ont été frappées d’autres personnalités éminentes de l’opposition vénézuélienne, telles que Leopoldo López et Henrique Capriles, entre autres, restreignent considérablement le droit des Vénézuéliens de choisir leurs représentants, ce qui porte gravement atteinte aux principes démocratiques et au droit à la participation politique, et rend impossible la tenue d’élections libres et équitables;
D. considérant que, dans sa résolution du 13 juillet 2023 sur les déchéances des droits politiques au Venezuela[1], le Parlement a déjà fermement condamné la déchéance politique de candidats par le régime vénézuélien; que cette résolution condamne expressément la déchéance arbitraire et inconstitutionnelle de María Corina Machado et d’autres personnalités politiques de premier plan pour une durée de 15 ans, et déplore que les recommandations de la dernière mission d’observation électorale de l’Union aient été totalement ignorées;
E. considérant que les États-Unis, l’Organisation des États américains, des organes des Nations unies, la Cour interaméricaine des droits de l’homme et de nombreux autres pays et institutions internationales ont condamné la répression politique exercée par le régime vénézuélien au moyen de la déchéance des droits politiques de leaders de l’opposition, dénonçant dans certains cas ces actes qui sont considérés comme caractéristiques des régimes autoritaires;
F. considérant que les États-Unis ont également exprimé de profondes inquiétudes quant à l’ingérence du régime vénézuélien dans la composition du Conseil national électoral (CNE); que l’Assemblée nationale contrôlée par le régime a élu tous les nouveaux membres du CNE en août 2023; que parmi les nouveaux membres du CNE figurent Elvis Amoroso, qui, en tant que Contrôleur général, a disqualifié des candidats de l’opposition, et Carlos Quintero, que les États-Unis ont sanctionné en 2017 pour son rôle dans l’affaiblissement des élections; qu’un CNE indépendant, impartial et pleinement opérationnel est indispensable à la tenue d’élections libres et équitables;
G. considérant que les déchéances de candidats de l’opposition par le régime vénézuélien violent gravement les droits politiques et les garanties électorales consacrés par l’accord de la Barbade;
H. considérant qu’une ingérence électorale similaire au Venezuela a été mise en évidence dans le rapport de la mission d’observation électorale des Nations unies sur les élections régionales et municipales concernant des postes exécutifs et législatifs en novembre 2021; que les élections précédentes, y compris la course à la présidence de 2018, n’ont pas été officiellement reconnues vu le contexte d’intimidations et d’irrégularités d’une ampleur considérable;
I. considérant que la coalition de la Table ronde de l’unité démocratique a fait état de la présence de groupes armés dans 21 % des bureaux de vote dans tout le pays lors de l’élection présidentielle de 2018; que, par le passé, des élections ont été marquées par des violences et des intimidations à l’encontre d’électeurs potentiels, comme le meurtre d’un citoyen dans un bureau de vote dans l’État de Zulia par des gangs et d’autres groupes armés fidèles au régime vénézuélien; que les groupes armés ont semé la peur dans les zones rurales et urbaines, attaquant électeurs et candidats, manipulant les résultats électoraux et restreignant l’accès aux centres de vote en imposant un contrôle territorial absolu;
J. considérant que parmi les groupes armés susmentionnés figurent l’Armée de libération nationale (ELN), le Front patriotique de libération nationale (FPLN) et les groupes issus des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), opérant principalement dans les États frontaliers et recourant à la violence pour faire respecter les couvre-feux et les règles régissant les activités quotidiennes;
K. considérant qu’au cours de ces dernières années le régime vénézuélien de Nicolás Maduro a mis en place un système de gouvernance caractérisé par une alliance entre le gouvernement et des réseaux de criminalité organisée; qu’il s’agit d’une relation symbiotique, dans le cadre de laquelle les groupes armés non étatiques offrent aux hauts responsables du régime l’accès à leurs zones d’influence et le contrôle total de ces zones; qu’en contrepartie, le régime tolère et, dans certains cas, protège activement les agissements de ces groupes; que le bon fonctionnement de ce système de gouvernance maintient le président Nicolás Maduro au pouvoir;
L. considérant que le régime vénézuélien est soutenu par des acteurs internationaux et des pays, parmi lesquels Cuba et le Nicaragua, dont la plupart sont représentés au Forum de Sao Paulo et le Groupe de Puebla; que le Venezuela et Cuba sont les principaux alliés commerciaux, politiques et militaires de la Russie en Amérique latine;
M. considérant que les dernières manœuvres du régime vénézuélien montrent une répétition des mêmes schémas d’abus et vagues de répression que ceux déjà utilisés par le président Nicolás Maduro et ses alliés; que cette répression a notamment conduit à l’arrestation injuste d’une douzaine de membres de l’opposition, dont Juan Guaidó, ancien président de l’Assemblée nationale, et trois membres du personnel de campagne de María Corina Machado, candidate à la présidence, tous trois détenus contre leur volonté dans un lieu tenu secret;
N. considérant que, ces dernières années, les autorités vénézuéliennes ont harcelé, persécuté et emprisonné arbitrairement des responsables politiques et des représentants de la société civile tels que des syndicalistes, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme, parmi tant d’autres;
O. considérant que, selon l’organisation d’aide juridictionnelle de l’ONG Foro Penal (Forum pénal), plus de 15 800 personnes ont fait l’objet d’arrestations pour des motifs politiques depuis 2014 et qu’environ 270 sont toujours en détention;
P. considérant que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et sa mission internationale indépendante d’établissement des faits ont mis en évidence des incidents depuis de nombreuses années, notamment de nombreux assassinats, disparitions forcées, détentions arbitraires, cas de torture et de mauvais traitements à l’encontre d’opposants au régime Maduro;
Q. considérant que les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont découvert que les tribunaux vénézuéliens ne poursuivent pas les enquêtes sur d’éventuels crimes contre l’humanité; qu’en conséquence, la CPI a repris ses propres enquêtes; que la mission d’établissement des faits a affirmé qu’elle avait des motifs raisonnables de croire que, loin de démanteler des structures impliquées dans des abus, les autorités vénézuéliennes ont au contraire promu les personnes responsables de ces abus;
R. considérant que la dernière campagne de répression du président Nicolás Maduro a été mise en œuvre dans le cadre du plan «Furie bolivarienne» (Furia Bolivariana), qui prévoit le déploiement de forces militaires et policières pour «contrecarrer toutes les tentatives de terrorisme et de coup d’État, et ce, quelle que soit la manière dont elles se présentent»; que, par conséquent, le siège de nombreux partis politiques d’opposition et organisations non gouvernementales (ONG) est devenu la cible de vandalisme, souvent sous forme de graffiti sur lesquels on peut lire «Furie bolivarienne»;
S. considérant que, dans le contexte de ces attaques, le régime a également annoncé que l’Assemblée nationale constituante adopterait prochainement une loi conférant au pouvoir exécutif de larges pouvoirs de contrôle, d’enregistrement, de sanction et de dissolution des ONG; que cette loi permettra de restreindre encore les libertés publiques; que les autorités vénézuéliennes ont stigmatisé, harcelé et réprimé des médias, ordonnant la fermeture de médias dissidents; que l’organisation de la société civile Espacio Público a signalé 261 violations de la liberté d’expression en 2023, les actes de censure et d’intimidation étant les plus fréquents;
1. demande la levée immédiate et inconditionnelle de la déchéance pour une durée de 15 ans prononcée contre María Corina Machado et toutes les autres figures de l’opposition, afin de leur permettre de concourir aux élections;
2. demande la libération immédiate et inconditionnelle de tous les dirigeants politiques et sociaux arrêtés arbitrairement, y compris l’ancien président de l’Assemblée nationale, Juan Guaidó, et trois membres du personnel de campagne (Juan Freites, Luis Camacaro et Guillermo Lopez) de la candidate à la présidence María Corina Machado;
3. demande le respect et la mise en œuvre intégrale de l’accord de la Barbade, une première étape afin de garantir la tenue de l’élection présidentielle prévue au second semestre de 2024;
4. condamne fermement l’ingérence dans la désignation des membres du CNE et demande une procédure de nomination indépendante pour les nouvelles nominations au CNE;
5. se déclare extrêmement préoccupé par les retombées négatives potentielles du plan «Furie bolivarienne» sur les libertés publiques et la possibilité d’organiser des élections libres et équitables;
6. souligne la nécessité de garantir des élections libres et équitables en mettant intégralement en œuvre les 23 recommandations formulées par la dernière mission d’observation électorale de l’Union, en particulier celles concernant la suppression de la prérogative du Contrôleur général consistant à priver les citoyens de leurs droits politiques au moyen d’une procédure administrative, l’intégrité et le secret du système de vote électronique, l’utilisation des ressources publiques dans les campagnes électorales, les conditions permettant d’assurer une couverture médiatique équilibrée des campagnes électorales, en particulier dans les médias d’État, et la promotion de la liberté d’expression par l’abrogation de la loi contre la haine; demande aux autorités vénézuéliennes d’approuver une mission d’observation électorale de l’Union lors de la prochaine élection présidentielle;
7. condamne avec la plus grande fermeté les nombreux assassinats, disparitions forcées, détentions arbitraires, tortures et autres actions pénales contre des opposants au régime Maduro, y compris des responsables politiques, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme, entre autres;
8. déplore la répression continue exercée par le régime vénézuélien à l’encontre des figures de l’opposition politique et de la société civile; réaffirme son soutien ferme et inconditionnel au peuple vénézuélien;
9. déplore l’alignement du Venezuela sur la Russie, Cuba, le Nicaragua et d’autres régimes dictatoriaux;
10. invite les États membres, le vice-président de la Commission européenne et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR), les États-Unis et les organisations internationales de défense des droits de l’homme à suivre de près les actions répressives du régime vénézuélien contre l’opposition politique et la société civile au Venezuela;
11. invite les États membres et le VP/HR à infliger les sanctions qui s’imposent aux personnes du régime vénézuélien et de ses mandataires responsables pour violations des droits de l’homme contre le peuple vénézuélien;
12. soutient pleinement les enquêtes de la CPI sur les nombreux crimes et actes de répression commis par le régime vénézuélien et demande à l’Union de soutenir les enquêtes sur les allégations de crimes contre l’humanité dans le pays et de veiller à ce que les responsables répondent de leurs actes;
13. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l’Organisation des États américains, au secrétaire général des Nations unies, ainsi qu’aux autorités vénézuéliennes.
- [1] Textes adoptés de cette date, P9_TA(2023)0288.