Proposition de résolution - B9-0223/2024/REV1Proposition de résolution
B9-0223/2024/REV1

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur les auditions actuellement menées au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE en ce qui concerne la Hongrie pour renforcer l’état de droit, et leurs incidences budgétaires

19.4.2024 - (2024/2683(RSP))

déposée à la suite de déclarations du Conseil et de la Commission
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur

Isabel Wiseler‑Lima, Petri Sarvamaa
au nom du groupe PPE
Thijs Reuten, Cyrus Engerer, Eider Gardiazabal Rubial, Sylvie Guillaume, Evin Incir, Łukasz Kohut, Juan Fernando López Aguilar, Matjaž Nemec, Domènec Ruiz Devesa, Birgit Sippel, Javier Moreno Sánchez
au nom du groupe S&D
Anna Júlia Donáth, Katalin Cseh, Sophia in ’t Veld, Ramona Strugariu, Moritz Körner
au nom du groupe Renew
Gwendoline Delbos‑Corfield
au nom du groupe Verts/ALE
Malin Björk, Manon Aubry, Nikolaj Villumsen
au nom du groupe The Left


Procédure : 2024/2683(RSP)
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B9-0223/2024
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B9‑0223/2024

Résolution du Parlement européen sur les auditions actuellement menées au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE en ce qui concerne la Hongrie pour renforcer l’état de droit, et leurs incidences budgétaires

(2024/2683(RSP))

 

Le Parlement européen,

 vu le traité sur l’Union européenne (traité UE), et notamment son article 2, son article 4, paragraphe 3, et son article 7, paragraphe 1,

 vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après «la charte»),

 vu la convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles,

 vu la déclaration universelle des droits de l’homme,

 vu les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme des Nations unies et du Conseil de l’Europe,

 vu la liste des critères de l’état de droit adoptée par la Commission de Venise lors de sa 106e session plénière à Venise les 11 et 12 mars 2016,

 vu sa résolution du 12 septembre 2018 relative à une proposition invitant le Conseil à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée[1],

 vu le règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union[2] («règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit»),

 vu la décision C(2023) 8999 de la Commission du 13 décembre 2023 sur la réévaluation, à l’initiative de la Commission, du respect des conditions prévues à l’article 4 du règlement (UE, Euratom) 2020/2092 à la suite de la décision d’exécution (UE) 2022/2506 du Conseil du 15 décembre 2022 concernant la Hongrie,

 vu sa résolution du 15 septembre 2022 sur la proposition de décision du Conseil constatant, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, l’existence d’un risque clair de violation grave, par la Hongrie, des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée[3],

 vu sa résolution du 24 novembre 2022 sur l’évaluation du respect par la Hongrie des conditions relatives à l’état de droit prévues par le règlement relatif à la conditionnalité et l’état d’avancement du PRR hongrois[4],

 vu sa résolution du 1er juin 2023 sur les violations de l’état de droit et des droits fondamentaux en Hongrie et le gel des fonds de l’Union européenne[5],

 vu sa résolution du 18 janvier 2024 sur la situation en Hongrie et le gel des fonds de l’Union européenne[6],

 vu les chapitres consacrés à la situation en Hongrie dans les rapports annuels de la Commission sur l’état de droit,

 vu l’avis sur la loi hongroise LXXXVIII de 2023 sur la protection de la souveraineté nationale, adopté par la Commission de Venise à sa 138e session plénière tenue à Venise les 15 et 16 mars 2024,

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’état de droit et de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE, incorporées dans la charte et inscrites dans les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme; que ces valeurs, communes aux États membres, constituent la base des droits dont jouissent les personnes qui vivent dans l’Union;

B. considérant qu’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2 du traité UE ne concerne pas uniquement le seul État membre dans lequel le risque se réalise, mais qu’il a une incidence sur les autres États membres, sur la confiance mutuelle entre eux, sur la nature même de l’Union et sur les droits fondamentaux de ses citoyens au titre du droit de l’Union;

C. considérant que, contrairement à celui de l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE), le champ d’application de l’article 7 du traité UE ne se limite pas aux obligations découlant des traités, et que l’Union peut apprécier l’existence d’un risque clair de violation grave des valeurs communes dans des domaines relevant des compétences des États membres;

D. considérant qu’en 2018, sur proposition du Parlement européen, le Conseil a engagé la procédure énoncée à l’article 7, paragraphe 1, du traité UE afin de remédier au risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs visées à l’article 2 du traité UE; que six auditions ont été organisées au Conseil sur la situation en Hongrie au titre de la procédure de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE depuis que celle-ci a été lancée, mais que le Conseil ne s’est pas encore attaché à constater si un tel risque existe et n’a pas adressé de recommandations au gouvernement de Hongrie;

E. considérant que le règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit est de la plus haute importance, car il est l’instrument qui permet de protéger efficacement les fonds de l’Union;

F. considérant que la Commission a décidé d’octroyer à la Hongrie 0,9 milliard d’EUR de préfinancements au titre de REPowerEU; que lesdits préfinancements peuvent intervenir sans conditions, mais non sans contrôles;

G. considérant que dans sa résolution du 15 septembre 2022, le Parlement a constaté que, depuis le lancement de la procédure prévue à l’article 7, paragraphe 1, du traité UE, bon nombre des problèmes touchant au respect par la Hongrie des valeurs inscrites à l’article 2 du traité UE persistaient ou s’étaient considérablement aggravés, notamment en ce qui concerne l’indépendance de la justice, la corruption, les conflits d’intérêts, l’indépendance et le pluralisme des médias et le fonctionnement du système constitutionnel et électoral, mais aussi l’espace civique;

H. considérant que depuis l’adoption de cette résolution, la situation dans certains de ces domaines a connu une faible amélioration, que dans la plupart d’entre eux, elle est demeurée très inquiétante, et que dans quelques autres, elle s’est encore détériorée; que de nouveaux problèmes graves ont fait leur apparition par suite des mesures prises par le gouvernement hongrois;

I. considérant qu’en avril 2024, des dizaines de milliers de Hongrois sont descendus dans la rue pour manifester contre la mainmise exercée sur l’État et la corruption;

J. considérant qu’en 2023, le gouvernement hongrois a adopté un train de réformes législatives dans le domaine de la justice visant à améliorer certains éléments de l’indépendance du pouvoir judiciaire, dont le renforcement de l’indépendance du Conseil national de la magistrature (CNM); que la liste non exhaustive des manquements graves à l’état de droit auxquels il n’a pas encore été remédié dans le système judiciaire comporte notamment les éléments suivants:

 règles relatives à l’inamovibilité du président en exercice de la Curie, la cour suprême hongroise,

 absence de garanties et garde-fous appropriés concernant l’indépendance de la Curie,

 absence de transparence et d’automatisation du système d’attribution des affaires au sein de la Curie et manque de transparence des règles relatives à la composition des collèges,

 pressions politiques et administratives pesant sur l’indépendance du CNM et de ses membres, dont des campagnes de dénigrement,

 règles relatives à la nomination, à la promotion et l’inamovibilité des juges,

 absence de garanties et garde-fous appropriés concernant l’indépendance des juges chargés de connaître des décisions administratives,

 augmentation du nombre des obstacles entravant la présentation des demandes de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne;

 caractère lacunaire des règles régissant les procédures disciplinaires et de levée d’immunité ouvertes à l’encontre des procureurs et des juges,

 ingérence politique dans les travaux des parquets et des procureurs,

 absence de services efficaces d’accompagnement des victimes de la criminalité;

K. considérant que la liste non exhaustive des insuffisances graves qui persistent dans la lutte contre la corruption et les conflits d’intérêts comprend notamment les éléments suivants:

 absence de bilan des enquêtes, des poursuites et des décisions définitives concernant les affaires de corruption à haut niveau,

 absence de réglementation stricte concernant le lobbying, le pantouflage et le contrôle des déclarations de patrimoine,

 caractère lacunaire des compétences, de l’autonomie, de l’accès aux informations et des moyens de l’autorité chargée de l’intégrité,

 absence de concertation et de débat publics sur les mesures de lutte contre la corruption,

 irresponsabilité des parquets, y compris en cas de faute, de manquement à leurs obligations et d’agissements criminels,

 ingérence politique dans les travaux des parquets menant des poursuites dans les affaires de grande corruption et les affaires criminelles;

L. considérant que la liste non exhaustive des insuffisances graves qui persistent dans le domaine de la liberté et du pluralisme des médias comporte notamment les éléments suivants:

 absence d’indépendance fonctionnelle de l’autorité des médias et du coordinateur pour les services numériques,

 absence d’indépendance éditoriale et financière des médias de service public et absence de pluralisme des opinions politiques en leur sein, que met à profit la majorité au pouvoir à des fins de propagande politique,

 recours abusif à la publicité d’État dans les médias progouvernementaux et absence de réglementation et de transparence en la matière,

 campagnes de dénigrement dirigées contre les journalistes et médias indépendants,

 accroissement du nombre des restrictions d’accès du public aux informations,

 absence d’enquête sérieuse sur le déploiement de logiciels espions ciblant des journalistes d’investigation et des professionnels des médias,

 concentration du marché des médias et influence excessive du gouvernement sur le paysage médiatique (notamment au moyen de la Fondation de la presse et des médias d’Europe centrale, dont l’acronyme hongrois est KESMA),

 possibilité pour le Bureau de protection de la souveraineté (BPS) de procéder à des enquêtes sur les médias et les journalistes;

M. considérant que la liste non exhaustive des carences graves et persistantes affectant le système constitutionnel et électoral ainsi que l’équilibre des pouvoirs comporte notamment les éléments suivants:

 caractère inéquitable des conditions dans lesquelles se déroulent les campagnes électorales à l’échelon local et national, et modifications fréquentes du code électoral,

 manque de transparence et de responsabilité dans l’élaboration et l’adoption des lois,

 maintien de l’«état de danger» décrété par les pouvoirs publics, qui donne au gouvernement de larges pouvoirs d’exception et l’autorise à prendre des décrets d’urgence primant les dispositions légales de niveau supérieur;

 absence de procédure de consultation constructive du public sur les projets de loi importants,

 privation des organismes indépendants de leurs moyens d’action et pressions exercées sur leur indépendance,

 utilisation de projets de loi «fourre-tout» pour modifier divers actes législatifs;

N. considérant que la liste non exhaustive des insuffisances graves qui persistent dans le fonctionnement de la société civile comporte notamment les éléments suivants:

 le pouvoir inhibiteur de diverses dispositions législatives visant à entraver l’existence et le fonctionnement des organisations de la société civile indépendantes, comme la loi relative à la transparence des organisations recevant des fonds étrangers ou celle sur la protection de la souveraineté nationale,

 les campagnes de dénigrement menées contre les représentants des organisations de la société civile et le harcèlement dont ils font l’objet,

 l’absence de financements publics pour les organisations de la société civile indépendantes, et le soutien financier accordé aux organisations progouvernementales ou à celles ayant des liens avec le gouvernement,

 la possibilité pour le BPS d’exercer une surveillance et de mener des enquêtes sur les organisations de la société civile et leurs représentants;

O. considérant que la liste non exhaustive des insuffisances graves qui persistent dans le domaine de la protection des intérêts financiers de l’Union comporte notamment les éléments suivants:

 fonctionnement des autorités chargées de la mise en œuvre du budget de l’Union,

 irrégularités, carences et lacunes dans les marchés publics, avec notamment une proportion élevée des procédures d’appel d’offres faisant appel à un soumissionnaire unique et un manque de concurrence dans le système de passation des marchés publics,

 lacunes affectant les mécanismes d’audit et de contrôle devant garantir la bonne utilisation des fonds de l’Union,

 insuffisance des capacités de prévention et de sanction de la fraude, de la corruption ou d’autres violations du droit de l’Union concernant l’exécution du budget de l’Union ou la protection des intérêts financiers de l’Union,

 mauvaise application de l’outil Arachne,

 manque de transparence quant à l’utilisation des fonds de l’Union par des fondations gestionnaires d’actifs d’intérêt public,

 non-participation de la Hongrie au Parquet européen;

P. considérant que la liste non exhaustive des insuffisances graves qui persistent en ce qui concerne le respect des principes et des règles du marché unique comporte notamment les éléments suivants:

 pratiques discriminatoires à l’encontre des entreprises menant des activités dans les domaines définis comme présentant un intérêt stratégique pour le gouvernement hongrois,

 abus du pouvoir public et législatif et recours à des méthodes d’intimidation contre les acteurs économiques exerçant des activités dans les domaines définis comme présentant un intérêt stratégique pour le gouvernement hongrois;

Q. considérant que le gouvernement hongrois ne s’est pas non plus attaqué à d’autres problèmes qu’avait pointés le Parlement dans sa résolution du 15 septembre 2022 dans le domaine des droits fondamentaux, et notamment:

 la liberté académique,

 la liberté de religion, 

 le droit à l’égalité de traitement, y compris les droits des personnes LGBTIQ,

 les droits des personnes appartenant à des minorités, y compris des Roms et des Juifs; la protection des minorités contre les déclarations haineuses,

 les droits fondamentaux des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés,

 les droits économiques et sociaux;

R. considérant que la loi sur la protection de la souveraineté nationale est entrée en vigueur le 23 décembre 2023; que, en conséquence, le nouveau BPS a été créé et le code pénal a été modifié de façon à prévoir, entre autres, une peine d’emprisonnement frappant l’utilisation de fonds venant de l’étranger pour des campagnes politiques; que dans sa déclaration du 27 novembre 2023, la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a estimé que le projet de cette loi présentait un risque important pour les droits de l’homme et devait être abandonnée; que, dans son avis du 18 mars 2024, la Commission de Venise a noté que les restrictions au financement étranger des partis politiques et des campagnes électorales étaient habituelles et en principe conformes aux meilleures pratiques et normes internationales, mais que les modifications juridiques ne définissaient pas clairement le type d’activités de campagne interdites et la manière d’établir qu’elles avaient été financées par des fonds étrangers; que, dans son avis, la Commission de Venise a également relevé que les modifications ne tenaient pas compte de la coopération des partis politiques au niveau international, pas plus qu’elles n’excluaient le financement par des organisations internationales ni ne prévoyaient le respect des obligations internationales, notamment celles qui découlent de l’appartenance à l’Union européenne; que, le 7 février 2024, la Commission a décidé d’ouvrir une procédure d’infraction à l’encontre de la Hongrie, estimant que la législation violait plusieurs dispositions du droit primaire et dérivé de l’Union, dont les valeurs démocratiques de l’Union, le principe de démocratie et les droits électoraux des citoyens de l’Union, plusieurs droits fondamentaux consacrés dans la charte, tels que le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la protection des données à caractère personnel, la liberté d’expression et d’information, la liberté d’association, les droits électoraux des citoyens de l’Union, le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, le privilège de ne pas s’incriminer et le secret professionnel, les exigences du droit de l’Union en matière de protection des données et plusieurs règles applicables au marché intérieur;

S. considérant que, depuis l’adoption du rapport intérimaire, la Cour de justice a déclaré, dans son arrêt rendu dans l’affaire C-823/21[7], Commission/Hongrie, qu’en subordonnant la possibilité de présenter une demande de protection internationale au dépôt d’une déclaration d’intention auprès d’une ambassade hongroise située dans un pays tiers, la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union en matière d’asile;

T. considérant que, dans son arrêt du 10 novembre 2022 dans l’affaire Bakirdzi et E.C./Hongrie (49636/14 et 65678/14), devenu définitif le 3 avril 2023, et dans celui du 30 mars 2023 dans l’affaire Szolcsán/Hongrie (24408/16), devenu définitif le 30 juin 2023, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a conclu à des violations en ce qui concerne les droits de vote des électeurs des minorités nationales ainsi qu’à raison de la scolarisation des enfants roms dans des classes ou des écoles séparées sans que des mesures adéquates ne soient prises pour remédier aux inégalités;

U. considérant que, dans ses décisions concernant la surveillance renforcée de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans les affaires et groupes d’affaires Szabó et Vissy c. Hongrie[8], Gazsó c. Hongrie[9], Ilias et Ahmed c. Hongrie[10] et Baka c. Hongrie[11], le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a exprimé une nouvelle fois ses préoccupations quant à la non-exécution de ces arrêts;

V. considérant que, dans son rapport d’évaluation du cinquième cycle d’évaluation sur la Hongrie, le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) a exprimé de nombreuses préoccupations quant à l’efficacité du cadre en place en Hongrie pour prévenir la corruption parmi les personnes occupant de hautes fonctions exécutives et les membres de la police nationale hongroise et du service national de protection; que le GRECO a indiqué qu’une caractéristique commune et générale de l’administration publique et des services répressifs en Hongrie était que la plupart des mesures d’intégrité et de prévention de la corruption ciblaient les fonctionnaires de bas échelon et d’échelon intermédiaire, tandis que le cadre d’intégrité applicable aux personnes occupant de hautes fonctions exécutives était très faible et que les conditions de désignation des cadres supérieurs au sein de la police et du service national de protection comportaient des risques de politisation;

W. considérant que, dans son rapport, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance s’est félicitée de certaines évolutions positives en Hongrie, mais qu’elle s’est déclarée préoccupée par la suppression de l’autorité pour l’égalité de traitement, la stigmatisation des étudiants issus de milieux défavorisés et de familles à faibles revenus, tels que les étudiants roms, la détérioration significative des droits humains des personnes LGBTI, le discours public et les discours politiques de plus en plus xénophobes visant notamment les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants, les musulmans et les personnes LGBTI, par l’efficacité extrêmement limitée du cadre juridique sur les discours de haine, la non-mise en œuvre des stratégies nationales d’inclusion sociale, la fin de l’aide nationale à l’intégration pour les réfugiés et les personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire et la limitation de l’accès à l’asile dans le pays;

X. considérant que, dans ses observations finales, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a fait part de ses préoccupations concernant la santé et les droits sexuels et génésiques et le fait que la politique d’égalité de la Hongrie repose exclusivement sur la notion de famille et considère que le rôle principal d’une femme est d’être épouse et mère, et a recommandé à la Hongrie de prendre des mesures pour lutter contre le discours public anti-genre;

Y. considérant que, dans sa déclaration à la suite d’une visite officielle en Hongrie, la représentante de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe pour la liberté des médias a déclaré que, si l’on examine la situation de la liberté des médias en Hongrie, on observe une approche systémique dans laquelle certaines voix ne bénéficient pas des mêmes conditions de base pour se faire entendre;

Z. considérant que, dans sa recommandation concernant le programme national de réforme de la Hongrie pour 2023 et portant avis du Conseil sur le programme de convergence de la Hongrie pour 2023 (COM(2023)0617), le Conseil recommande que la Hongrie prenne des mesures pour améliorer l’adéquation du système d’aide sociale, améliorer l’accès aux mesures actives du marché du travail efficaces, garantir un dialogue social efficace et améliorer le cadre réglementaire et la concurrence dans le secteur des services, conformément aux principes du marché unique et de l’état de droit;

AA. considérant que le gouvernement hongrois n’a pas exécuté plusieurs arrêts de la Cour constitutionnelle hongroise, de la CJUE et de la CEDH relatifs à des violations par la Hongrie des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE et qu’il n’a pas donné suite à la grande majorité des recommandations contenues dans le rapport 2023 de la Commission sur l’état de droit ni aux recommandations d’autres organes internationaux tels que le GRECO, la Commission de Venise et autres;

1. est consterné par la violation systémique et délibérée persistante de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux en Hongrie, et dont le gouvernement hongrois est responsable;

2. souligne que le respect des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE s’est considérablement détérioré en Hongrie depuis le déclenchement de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE et déplore profondément que l’absence d’action décisive de la Commission et du Conseil ait contribué à un effondrement de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux dans ce pays, en le transformant en un régime hybride d’autocratie électorale, d’après les indices pertinents;

3. condamne l’adoption de la loi sur la protection de la souveraineté nationale et la création du Bureau de protection de la souveraineté doté de pouvoirs étendus et d’un système strict de surveillance et de sanctions, qui viole fondamentalement les normes démocratiques telles que le principe d’élections libres et régulières, l’état de droit et les droits fondamentaux, et viole de multiples lois de l’Union; se félicite de la procédure d’infraction engagée contre la Hongrie par la Commission à ce sujet; invite le gouvernement hongrois à abroger immédiatement cette loi;

4. déplore l’incapacité du Conseil à accomplir des progrès significatifs dans le cadre de la procédure en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE et demande une nouvelle fois d’améliorer la situation en organisant des auditions régulières, en s’attaquant rapidement aux problèmes nouveaux et de longue date affectant l’état de droit, la démocratie et les droits fondamentaux et en formulant des recommandations concrètes assorties de délais de mise en œuvre; invite le Conseil à publier un procès-verbal exhaustif et des conclusions après chaque audition; insiste sur le fait que dans toutes les procédures liées à l’article 7 du traité UE, le Parlement devrait pouvoir présenter sa proposition motivée au Conseil, être présent lors des auditions au titre de l’article 7 du traité UE et être tenu rapidement et pleinement informé à chaque étape de la procédure; invite la Commission et les États membres à engager la procédure prévue à l’article 7, paragraphe 2, du traité UE et demande au Conseil européen de déterminer si la Hongrie a commis des violations graves et persistantes des valeurs de l’Union, au titre de l’article 7, paragraphe 2, du traité UE, en l’absence de progrès avant la fin de la présidence belge; souligne que le Conseil partage la responsabilité de la protection des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE et qu’une absence d’action pour les protéger aurait des conséquences à long terme potentiellement nuisibles;

5. souligne le rôle important de la présidence du Conseil pour faire progresser les travaux du Conseil relatifs à la législation de l’Union, assurer la continuité du programme de l’Union et représenter le Conseil dans ses relations avec les autres institutions de l’Union; s’inquiète de ce que la Hongrie ne soit pas capable d’assurer cette présidence de manière crédible en 2024, étant donné qu’elle ne respecte pas le droit de l’Union et les valeurs consacrées par l’article 2 du traité UE, ainsi que le principe de coopération loyale; déplore que le Conseil n’ait pas encore trouvé de solution à ce problème et que des représentants du gouvernement hongrois s’apprêtent à présider les réunions du Conseil concernant la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux, y compris les réunions relatives à la protection des intérêts financiers et du budget de l’Union; souligne que ce défi se présente au moment crucial des élections européennes et de la formation de la Commission; déplore l’incapacité à trouver une solution et réaffirme qu’il est prêt à prendre des mesures pour défendre la crédibilité de l’Union à l’égard des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE en ce qui concerne la coopération avec le Conseil;

6. invite le Conseil et la Commission à accorder davantage d’attention à la lutte contre le démantèlement systémique de l’état de droit, ainsi qu’à l’interdépendance entre les différentes violations des valeurs recensées dans ses résolutions; souligne que l’Union devrait défendre toutes les valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE avec la même détermination, faute de quoi les institutions démocratiques s’en trouveront affectées, ce qui, au final, portera atteinte aux droits de l’homme et à la vie de tous dans les pays où ces valeurs sont violées;

7. demande une nouvelle fois à la Commission d’utiliser pleinement les outils disponibles pour faire face à un risque clair de violation grave, par la Hongrie, des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, notamment les procédures d’infraction accélérées, les demandes en référé devant la CJUE et les recours pour non-exécution des arrêts de la CJUE; rappelle l’importance du règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit et salue la décision de la Commission du 13 décembre 2023 confirmant que le risque pour le budget de l’Union est resté inchangé depuis décembre 2022, ce qui a conduit à prolonger les mesures adoptées au titre dudit règlement; invite la Commission à prendre des mesures immédiates au titre de ce règlement en ce qui concerne d’autres violations de l’état de droit;

8. réaffirme ses vives préoccupations, dans ce contexte, au sujet de cette décision, étant donné que la condition favorisante horizontale de la charte a été remplie en ce qui concerne l’indépendance de la justice, ce qui a permis aux autorités hongroises de présenter des demandes de remboursement pour des montants allant jusqu’à 10,2 milliards d’EUR sans que soient mis en place des mécanismes de contrôle ou des procédures de passation de marchés publics adéquats pour garantir la bonne gestion financière ou la protection du budget de l’Union; rappelle la demande du Parlement visant à contrôler la légalité de la décision C(2023)9014 devant la CJUE, conformément à l’article 263 du traité FUE, introduite le 25 mars 2024; attend une résolution rapide de cette question; demande une nouvelle fois à la Commission de réévaluer sa décision, notamment à la lumière des mesures nationales prises depuis son adoption et des révélations de l’ancienne ministre hongroise de la justice qui ont fuité, et qui impliquent un manque d’indépendance des poursuites et une ingérence politique dans les procédures pénales; invite la Commission à s’abstenir de verser des fonds jusqu’à ce que l’ensemble de la législation pertinente ait été pleinement mise en œuvre, que les mesures adoptées aient fait la preuve de leur efficacité dans la pratique et que la Hongrie ait exécuté tous les arrêts pertinents de la CJUE et de la CEDH; demande à la Commission de contrôler de manière approfondie les préfinancements octroyés au titre du financement de l’Union afin de veiller à ce que les fonds soient mis en œuvre conformément aux objectifs de la législation correspondante; demande une nouvelle fois à la Hongrie de rejoindre d’urgence le Parquet européen;

9. insiste sur le fait que les mesures nécessaires au déblocage des fonds de l’Union, telles que définies par les décisions pertinentes prises au titre du règlement portant dispositions communes (RPDC)[12], du règlement relatif à la facilité pour la reprise et la résilience (FRR)[13] et du règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit, doivent être évaluées de manière cohérente en tant que train de mesures à part entière et qu’aucun paiement ne devrait être effectué, même si des progrès sont réalisés dans un ou plusieurs domaines, mais que des lacunes persistent dans un autre; souligne qu’il est incompréhensible de débloquer des fonds au titre du RPDC en invoquant des améliorations de l’indépendance du pouvoir judiciaire, tandis que les fonds au titre de la FRR et du mécanisme de conditionnalité restent bloqués en raison des lacunes persistantes liées à l’indépendance du pouvoir judiciaire;

10. prend acte de la création de l’Autorité pour l’intégrité comme mesure corrective, parmi d’autres, à mettre en œuvre dans le cadre du règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit; est d’avis que la simple création de cette institution ne peut être considérée comme suffisante pour répondre aux préoccupations actuelles et estime que le respect des mesures correctives concernées devrait être évalué sur la base du fonctionnement pratique de cette institution; estime que, si elle dispose de prérogatives et de compétences d’exécution adéquates, l’Autorité pour l’intégrité est en mesure de répondre à certaines des préoccupations liées à la situation de l’état de droit en Hongrie, en particulier la lutte contre la corruption; s’inquiète néanmoins qu’elle ne dispose pas, dans la pratique, des compétences et des prérogatives lui permettant de s’acquitter correctement de ses tâches, comme cela a été démontré au cours de la première année de ses activités; insiste pour que de nouveaux pouvoirs lui soient conférés et que ces pouvoirs puissent être exercés, notamment en lui accordant un accès adéquat aux bases de données pertinentes, en renforçant ses pouvoirs d’enquête et en rendant obligatoire l’adoption de ses recommandations;

11. souligne que le respect du droit de l’Union, y compris des règles du marché unique, constitue un pilier essentiel du principe de l’état de droit; invite la Commission à inclure, dans l’évaluation de la situation de l’état de droit dans chaque État membre, une analyse de la situation du marché unique dans l’État membre concerné; s’inquiète de l’abus de pouvoir et des pratiques discriminatoires systémiques appliquées par les autorités hongroises à l’encontre des entreprises opérant dans des domaines définis comme présentant un intérêt stratégique pour le gouvernement hongrois et les oligarques; souligne que cela a conduit à un environnement de discrimination et de peur qui va à l’encontre des piliers du marché unique, met gravement en péril certaines entreprises et leurs intérêts commerciaux légitimes et les contraint de facto à quitter le marché hongrois; invite la Commission à mettre tout particulièrement l’accent sur le respect des règles du marché unique lors de l’évaluation de la situation de l’état de droit en Hongrie; demande à la Commission d’examiner si les lois relatives aux domaines définis comme présentant un intérêt stratégique pour le gouvernement hongrois sont conformes à la législation européenne en vigueur; souligne que la Commission a le devoir de donner suite rapidement aux plaintes déposées par des entreprises qui sont systématiquement visées par les autorités hongroises et de porter les affaires pertinentes devant la CJUE;

12. déplore que la Hongrie ait abusé de son pouvoir de veto au sein du Conseil, empêchant ainsi l’octroi d’une aide essentielle à l’Ukraine et portant atteinte aux intérêts stratégiques de l’Union; condamne la politique générale du gouvernement hongrois à l’égard de la Russie;

13. demande une nouvelle fois à la Commission de veiller à ce que les destinataires finaux ou les bénéficiaires de fonds de l’Union ne soient pas privés de ces fonds, conformément au règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit; invite la Commission à trouver des moyens de distribuer les fonds de l’Union par l’intermédiaire des autorités locales et régionales et de la société civile si le gouvernement concerné ne coopère pas au sujet des lacunes dans le respect de l’état de droit;

14. souligne que les autorités hongroises doivent garantir la transparence et l’égalité des chances aux particuliers, aux entreprises, à la société civile, aux organisations non gouvernementales et aux collectivités locales et régionales souhaitant accéder aux financements de l’Union, et doivent garantir un contrôle judiciaire indépendant ainsi que des mécanismes de plainte impartiaux et efficaces; condamne les pratiques discriminatoires systémiques signalées à l’égard du monde universitaire, des journalistes, des partis politiques et de la société civile, ainsi que des entreprises dans certains secteurs;

15. invite la Commission à aider la société civile indépendante en Hongrie, qui cherche à préserver les valeurs inscrites à l’article 2 du traité UE, en s’appuyant notamment sur le programme «Citoyens, égalité, droits et valeurs»; demande de nouveau à la Commission d’adopter une stratégie complète pour préserver et faire évoluer l’espace dévolu à la société civile au sein de l’Union, en y intégrant tous les outils existants, et de présenter un ensemble de mesures spécifiques pour protéger et renforcer cet espace;

16. invite une nouvelle fois la Commission et le Conseil à entamer sans délai des négociations avec le Parlement sur un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux prenant la forme d’un accord interinstitutionnel, et à mettre en place un cycle politique permanent au sein des institutions de l’Union;

17. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et aux Nations unies.

Dernière mise à jour: 23 avril 2024
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