PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur les élections présidentielles non démocratiques en Russie et leur extension illégitime aux territoires occupés
22.4.2024 - (2024/2665(RSP))
conformément à l'article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur
Anna Fotyga, Ryszard Czarnecki, Assita Kanko, Witold Jan Waszczykowski, Adam Bielan, Charlie Weimers, Anna Zalewska, Patryk Jaki, Hermann Tertsch, Beata Mazurek, Bogdan Rzońca, Elżbieta Rafalska, Andżelika Anna Możdżanowska
au nom du groupe ECR
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0253/2024
B9‑0259/2024
Résolution du Parlement européen sur les élections présidentielles non démocratiques en Russie et leur extension illégitime aux territoires occupés
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur la Russie, sur Alexeï Navalny, sur la société civile et sur les défenseurs des droits de l’homme en Russie,
– vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (convention européenne des droits de l’homme),
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme,
– vu le statut de Rome de la Cour pénale internationale,
– vu la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
– vu la charte des Nations unies,
– vu la convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles, et notamment son article 10, relatif au droit à la liberté d'expression, et son article 11, relatif au droit à la liberté de réunion et d'association,
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que Vladimir Poutine, un ancien agent du KGB relativement peu connu du public, a été porté au pouvoir il y a 25 ans dans le but d’inverser l’effondrement de l’Union soviétique; que, depuis le début, son mandat a été marqué par une répression interne et par des agressions vis-à-vis de l’extérieur, actes qui n’ont pas tous été traités de manière adéquate par la communauté internationale, ce qui a conduit à de nombreux événements effroyables et, in fine, à la guerre d’agression illégale et injustifiable contre l’Ukraine;
B. considérant que le régime de Poutine a illégalement cherché à prolonger son mandat en supprimant la limitation des mandats présidentiels; que le pseudo-référendum organisé en 2020 ne saurait être considéré comme valable et que la loi qui en a découlé a été adoptée en violation des lois et des engagements internationaux de la Fédération de Russie; que le renouvellement du mandat présidentiel de Vladimir Poutine est donc anticonstitutionnel;
C. considérant que les récentes élections présidentielles non démocratiques témoignent de la nature profondément autocratique et antidémocratique du régime politique russe et sont instrumentalisées par le régime de Poutine pour asseoir encore davantage son pouvoir en Russie et renforcer ses provocations hostiles à l’étranger;
D. considérant que ces élections constituent une manœuvre à peine voilée du régime de Poutine pour continuer d’intensifier la répression sur son territoire et poursuivre sa guerre illégale et injustifiable en Ukraine;
E. considérant que la marge de manœuvre politique dont dispose la Russie pour s’opposer sérieusement au régime de Poutine a été en grande partie éliminée par une campagne incessante d’intimidation, d’exils, d’assassinats et d’emprisonnements, combinée à la disqualification de plusieurs candidats par la commission électorale centrale de Russie, tandis que les élections elles-mêmes ont été entachées de multiples irrégularités et de nombreux cas de fraude et caractérisées par l’intimidation des électeurs et la négation de leur droit de vote, le bourrage des urnes, la falsification à grande échelle des procès-verbaux des bureaux de vote, l’arrestation d’observateurs électoraux nationaux indépendants, la suppression pure et simple de la liberté des médias et la mise en œuvre de sanctions pénalisant l’exercice de la liberté d’expression;
F. considérant que, lors de ce simulacre d’élections, les candidats de l’opposition étaient des représentants du Parti communiste de la Fédération de Russie, du parti du Nouveau peuple et du Parti libéral-démocrate de Russie, dont le statut d’opposition n’est qu’une façade puisqu’ils soutiennent les politiques actuelles du régime; considérant que Nikolaï Kharitonov, Vladislav Davankov et Leonid Slutsky, qui ont participé à ce simulacre d’élections, sont tous soumis à des sanctions de l’Union et des États-Unis en raison de leur soutien à la guerre en Ukraine et ne peuvent être considérés comme de véritables opposants à la dictature russe;
G. considérant que la répression politique en Russie atteint des sommets sans précédent, même à l’époque soviétique, et qu’elle est largement utilisée pour réduire au silence toute voix critique à l’égard de la nouvelle vague d’impérialisme de Moscou et éviter que la population russe ne désapprouve la guerre en Ukraine; que cela a conduit à l’adoption d’une nouvelle loi permettant aux autorités de confisquer les biens et les avoirs des personnes qui critiquent l’«opération militaire spéciale» en Ukraine;
H. considérant que, depuis 2022, le régime de Poutine a mis en œuvre diverses lois restrictives en matière de surveillance électorale qui empêchent les participants à la campagne de nommer des membres de la commission électorale et empêchent les représentants des candidats d’observer le dépouillement des votes ou le déroulement du scrutin dans les bureaux de votes, tandis que les partisans des partis d’opposition sont régulièrement ciblés, détenus et souvent inculpés, notamment en vertu de la nouvelle loi adoptée en février 2024, qui autorise la confiscation des biens et des avoirs de toute personne critiquant la guerre en Ukraine;
I. considérant que la «victoire électorale» de Poutine, avec 87 % des voix, est manifestement le fruit d’une manipulation des résultats des bureaux de vote de l’ensemble du pays, de l’Adyguée à la Iamalo-Nénétsie, qui ont tous accordé au moins 85 % des voix au président Poutine, un chiffre clairement inconcevable dans une élection libre et équitable; que cela montre avec quelle désinvolture le régime de Poutine manipule les élections pour se maintenir au pouvoir depuis 24 ans;
J. considérant que le système réintroduit en Russie depuis 1999, avec les multiples obstacles figurant dans les lois électorales russes, vise à limiter l’influence que peuvent exercer à la Douma les partis d’opposition et les représentants de régions opposés à l’hégémonie de Moscou et à ses politiques qui nuisent au bien-être et même à la survie de nombreuses nations conquises par la Russie; que la Fédération de Russie est une circonscription unique et que les partis doivent recevoir 7 % du total des voix pour être représentés, ce qui fait que de nombreux partis et mouvements ne sont pas représentés au niveau national, permettant à Poutine de maintenir une dictature kleptocratique ancrée dans un système despotique centré sur Moscou;
K. considérant que l’opposant le plus farouche au régime de Poutine, Alexeï Navalny, président du parti «Russie du futur», est décédé en prison le 16 février 2024, dans des circonstances mystérieuses qui laissent penser à un assassinat orchestré par les autorités pénitentiaires pour garantir que toute opposition à Poutine en Russie soit effectivement été éliminée, anéantie, expulsée ou rendue illégitime;
L. considérant que la Fédération de Russie compte plus de 1 000 prisonniers politiques; que l’Union européenne est solidaire de l’ensemble des dissidents et de la population russe, lesquels, malgré les menaces pour leur liberté et leur existence, et malgré les pressions du Kremlin et des autorités russes, continuent de lutter pour la liberté, les droits de l’homme et la démocratie;
M. considérant que Mariana Katzarova, la rapporteure spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Russie, a déclaré dans son rapport de septembre 2023 que le cadre juridique actuel, hautement répressif et marqué par une forte corruption, rend pratiquement impossible toute mobilisation politique ou dissidence;
N. considérant que le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe n’a pas été invité à observer les élections russes de mars 2024, pour la première fois depuis 1993, tandis que de nombreux groupes internationaux d’observation électorale renommés ont refusé de participer à la légitimation du processus de ce simulacre d’élections;
O. considérant que les habitants des territoires illégalement occupés de Donetsk, de Louhansk, de Zaporijjia, de Kherson et de Crimée ont été contraints de voter lors de ces pseudo-élections à l’issue connue d’avance, souvent sous le contrôle strict d’hommes armés et masqués, dans le but de renforcer la prise de contrôle du régime Poutine sur les territoires illégalement occupés, de conférer une légitimité à une occupation illégale et d’identifier les dissidents qui dénoncent les crimes de guerre perpétrés en permanence par la Russie;
P. considérant que les personnes vivant sous occupation russe ont été contraintes d’acquérir la citoyenneté russe, et que nombre d’entre elles ont été déplacées de force dans la Fédération de Russie, tandis que celles qui se trouvent dans les territoires illégalement occupés qui ne pouvaient pas présenter de passeport russe lors du vote ont été interrogées et ont fait l’objet d’une perquisition par des fonctionnaires russes; que des agents électoraux ont fait du porte-à-porte dans l’ensemble des territoires occupés, accompagnés de gardes armés, pour contraindre les gens à voter lors des élections;
Q. considérant que la tenue d’élections russes dans les territoires occupés de l’Ukraine est illégale et inacceptable; que plus de 55 pays, dont les États membres de l’Union et l’Ukraine, ont signé une déclaration en ce sens;
R. considérant que, si l’on se s’attaque pas à ce problème comme il se doit, ce simulacre d’élections risque d’entraîner une nouvelle érosion du développement démocratique dans le Sud global;
S. considérant que le régime de Poutine n’a cessé de diffuser des messages clairement xénophobes et racistes dans les régions de la Fédération de Russie qui abritent près de deux cents communautés ethniques et nationales, autochtones pour la plupart, et qu’il a souvent insisté sur le fait que seuls ceux qui sont issus de la «grande Russie», supérieure aux autres nations, prospéreront dans le pays avec l’appui du gouvernement;
T. considérant que les réactions des démocraties occidentales à ce simulacre d’élections, et à ces assassinats et autres actes d’agression de la Fédération de Russie n’ont pas été assez fermes pour que le Kremlin mette un terme à ses politiques hostiles et répressives et pour éviter qu’il ne se transforme en un État totalitaire agressif;
1. condamne avec la plus grande fermeté l’organisation de ces élections manifestement fictives en Russie et dans les territoires qu’elle occupe illégalement, et encourage l’Union et ses États membres à ne pas reconnaître Vladimir Poutine comme président de la Fédération de Russie une fois que son mandat actuel aura expiré, le 7 mai 2024, en lui signifiant qu’il n’aura aucun mandat juridique, politique ou moral pour nouer de nouvelles relations contractuelles au nom de la Fédération de Russie;
2. condamne avec la plus grande fermeté le meurtre d’Alexeï Navalny; présente ses condoléances à la famille de M. Navalny; demande qu’une enquête soit menée sur les circonstances de sa mort, afin que les personnes responsables répondent de leurs actes; appelle de ses vœux une réponse internationale conjointe et appropriée à cet homicide;
3. est fermement convaincu que d’éventuels changements au sein de la Fédération de Russie dépendront de l’issue de la guerre en Ukraine; invite dès lors la communauté internationale à apporter une contribution encore plus importante en vue de la victoire de l’Ukraine;
4. exprime sa solidarité à l’égard du peuple russe qui a manifesté, en Russie et à l’étranger, en réaction à ce simulacre d’élections; félicite en particulier les Russes et les représentants d’autres nations de la Fédération de Russie qui s’opposent activement au régime de Vladimir Poutine et à son invasion de l’Ukraine, en rejoignant l’Ukraine dans sa guerre juste, une guerre de légitime défense, au sein de la Légion «Liberté de la Russie», du Corps des volontaires russes et des formations du Bataillon sibérien;
5. est profondément préoccupé par le fait que le résultat de cette élection fictive puisse être utilisé par le régime pour susciter une mobilisation générale en soutien à sa guerre illégale et injustifiable en Ukraine;
6. demande une nouvelle fois que les assassins d’Alexeï Navalny et d’autres membres du régime répondent de leurs violations persistantes des droits de l’homme, ces personnes comprenant des hauts fonctionnaires et des membres des forces de sécurité et du secteur pénitentiaire, d’après la liste 6 000 publiée par la fondation internationale de lutte contre la corruption d’Alexeï Navalny; salue les sanctions récemment adoptées par les États-Unis à la suite de la mort d’Alexeï Navalny et invite l’Union à coordonner la réaction du monde démocratique;
7. invite la Russie à libérer l’ensemble des plus de 1 000 prisonniers politiques que compte la Fédération de Russie; exprime sa solidarité à l’égard de l’ensemble des dissidents et de la population russe, lesquels, malgré les menaces pour leur liberté et leur existence, et malgré les pressions du Kremlin et des autorités russes, continuent de lutter pour la liberté, les droits de l’homme et la démocratie, comme en témoigne la prise de position courageuse et digne de Vladimir Kara-Mourza, qui lui a valu de graves persécutions; réclame des sanctions ciblées à l’encontre de ceux qui ont organisé des élections illégales sur le territoire internationalement reconnu de l’Ukraine dans le but de légitimer une occupation illégale;
8. estime que tout changement définitif dans la Fédération de Russie nécessite que cet État mette fin à l’impérialisme et à la colonisation, se fédéralise à nouveau et rompe clairement avec son passé impérial;
9. exhorte la communauté internationale à veiller à ce que le régime rende compte des crimes qu’il commet actuellement, non seulement sur le territoire de la Fédération de Russie, mais aussi sur le sol européen et dans le reste du monde;
10. rappelle que l’Union devrait être pleinement solidaire de la société civile russe qui défend les valeurs démocratiques universelles et rejette l’impérialisme, et qu’elle devrait recourir au régime européen de sanctions en cas de violations des droits de l’homme pour punir les auteurs de telles violations et leurs familles; encourage l’Union à travailler étroitement avec ses partenaires internationaux, y compris les membres du G7 et les pays partageant les mêmes valeurs, et à coordonner les efforts de lutte contre les atteintes aux droits de l’homme et les violations de ces droits commises en Russie, notamment en renforçant les sanctions ciblées, la pression diplomatique et le soutien à la société civile;
11. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution, au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à Radio Free Europe/Radio Liberty, à Memorial International et au Centre pour les droits de l’homme Memorial ainsi qu’aux autorités russes.