Le Président. - L’ordre du jour appelle la déclaration de la Commission sur le rapport du groupe de haut niveau sur la Conférence intergouvernementale.
Je donne la parole à M. Barnier, au nom de la Commission.
Barnier,Commission. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, le débat que nous avons maintenant a pour la Commission, que j’ai l’honneur de représenter, à la fois un grand intérêt et une limite.
La limite que chacun comprendra et respectera est qu’à l’heure où nous parlons, ni la Commission ni le Parlement européen n’ont arrêté de manière précise et détaillée leur position et leurs propositions pour la prochaine négociation institutionnelle qui va s’ouvrir au début de l’année prochaine. Il s’agit donc aujourd’hui - mais c’est déjà beaucoup - de vérifier ou de mesurer l’état d’esprit dans lequel nous allons, vous et nous, aborder cette négociation.
Je vais donc vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, ou plutôt vous confirmer, l’état d’esprit qui est celui du Président Prodi et du collège des commissaires, et j’écouterai avec une extrême attention ce que vous direz au nom de vos groupes politiques ou à titre personnel.
Mesdames et Messieurs, en demandant à trois personnalités respectées et expérimentées de réfléchir librement et d’exprimer leurs idées, la Commission a voulu, sans attendre, provoquer et éclairer le débat. Ce faisant, je suis sûr que nous jouons notre rôle, dans l’esprit même du premier alinéa de l’article 48 du traité de l’Union européenne.
Ce premier objectif est atteint. Le débat commence. Il doit avoir lieu ici, il doit avoir lieu dans les États membres, au sein des parlements nationaux. J’y contribuerai avec tous ceux qui s’intéressent à la constructions européenne - et ils sont plus nombreux qu’on ne le croit - le plus près possible des citoyens.
Je voudrais, Monsieur le Président, dire notre reconnaissance au Premier ministre Jean-Luc Dehaene, au Président von Weizsäcker et à Lord Simon pour la qualité de leur contribution, et vous remercier également, ici, pour votre accueil et pour l’attention que vous portez à leur rapport, en particulier au sein de votre commission des affaires constitutionnelles, animée et présidée par M. Napolitano.
Mesdames et Messieurs, le rapport Dehaene a le premier mérite de fixer les enjeux et de donner à la réforme des institutions une vraie perspective politique. J’y reviendrai dans un instant. On peut, dès maintenant, en tirer plusieurs enseignements : d’abord sur le calendrier ; ensuite, sur le champ des réformes qu’il faut réussir et, enfin, sur la manière de se préparer à cette négociation.
Au sujet du calendrier d’abord, cette réforme, Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous dire ma conviction, est la dernière occasion pour une vraie réforme avant le grand élargissement de l’Union, avant la réunion des États et des peuples européens au sein d’une grande communauté politique et économique. Cette perspective du grand élargissement n’est plus hypothétique, elle n’est pas lointaine. Nous avons même décidé, le 13 octobre dernier, au sein du collège, de nous y préparer toujours avec le même sérieux, mais plus rapidement. Voilà pourquoi il faut que cette conférence intergouvernementale soit effectivement terminée avant la fin de l’année 2000.
Ce délai plus rapproché nous oblige à réussir. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, ce délai nous condamne-t-il ou nous condamnerait-il pour autant à une mini-conférence intergouvernementale ? Nous ne le pensons pas. Cette réforme, dont chacun sait bien au fond de lui-même qu’elle est nécessaire, n’est pas seulement et n’est pas d’abord une affaire de temps, elle est d’abord une affaire de volonté politique, de lucidité sur notre propre fonctionnement actuel et ses insuffisances ; elle est affaire de courage, du courage collectif que nous aurons, ou que nous n’aurons pas, pour donner cette fois-ci la priorité à l’Union, pour donner la priorité à une vision à long terme, qui dépasse, nous le savons bien même si c’est difficile, les prudences et les intérêts immédiats.
Compte tenu des délais de la négociation, des délais de la ratification par chacun des États membres, c’est donc maintenant qu’il faut vouloir et obtenir cette vraie réforme. Mesdames et Messieurs, je ne parle pas d’une réforme définitive des institutions européennes, mais d’une réforme suffisamment forte pour éviter le blocage des institutions, ou leur asphyxie ; d’une réforme suffisamment forte, comme l’a dit l’autre jour l’un de vos collègues, pour autoriser, dans l’avenir, d’autres évolutions. C’est une erreur de croire - je le dis avec beaucoup de force - que l’on pourra faire plus tard, à dix-huit, à vingt ou à vingt-sept, la réforme que nous n’avons pas pu faire à Amsterdam ou que nous n’aurions pas voulu faire maintenant.
Au sujet du champ de cette réforme, nous avons parlé de niveau d’ambition pour cette conférence intergouvernementale, et c’est bien là l’état d’esprit de la Commission. Personne, Mesdames et Messieurs, ne peut en être surpris, puisque le grand projet de l’élargissement, je l’ai dit il y a quelques instants, sera plus rapide et plus vaste qu’on ne l’avait imaginé à Amsterdam. Je le répète donc : la Commission et le Parlement européen jouent leur rôle en voulant tirer vers le haut cette conférence et quand ils recommandent de faire maintenant toutes les réformes nécessaires pour que notre Union puisse accueillir un grand nombre d’États.
Il ne s’agit pas, Mesdames et Messieurs, de contester les conclusions de Cologne. La première obligation de cette conférence intergouvernementale sera de traiter - et de bien traiter - les sujets laissés sur la table à Amsterdam ; de les traiter, j’insiste, avec de l’ambition parce qu’il est vrai, permettez-moi de le dire avec une certaine expérience, que l’on peut traiter ces trois sujets avec plus ou moins d’ambition. Ces sujets - le nombre des commissaires dans une Union élargie, la nouvelle pondération des voix, le champ d’application de la majorité qualifiée - sont tous les trois des sujets extrêmement difficiles, mais nécessaires. Notre sentiment, permettez-moi de vous le dire, est qu’il sera moins difficile de les traiter s’ils sont inscrits dans une perspective politique.
Voilà pourquoi la liste des questions mentionnées dans le rapport Dehaene nous paraît recevable. Aucune des idées avancées ne peut être considérée comme superflue. Il n’est pas superflu de travailler à une réorganisation du Traité pour le rendre plus lisible, plus accessible aux citoyens et pour imaginer un jour une modification plus aisée des politiques communes, par opposition aux principes fondamentaux de l’Union.
Il n’est pas superflu de chercher à améliorer le système des coopérations renforcées, sans toutefois, et je suis formel, prendre le moindre risque de je ne sais quel "détricotage" de l’acquis communautaire. Il n’est pas superflu d’espérer que l’on pourra tirer, à la fin de l’année 2000, dans le nouveau Traité, les conséquences institutionnelles des décisions qui pourraient être prises d’ici là, dans l’esprit de Cologne, pour la sécurité et pour la défense du continent européen. Il n’est pas superflu, Mesdames et Messieurs, de travailler à d’autres questions institutionnelles qui se poseront avec l’élargissement. Par exemple, celle de la personnalité juridique de l’Union. Par exemple, celle du fonctionnement de la Cour de justice, ou celle encore d’une meilleure action européenne pour la lutte contre les fraudes. Je dis cela dans le prolongement du Conseil de Tampere, dont vous venez de parler avec mon collègue et ami Vitorino. Sur tous ces sujets, et peut-être sur quelques autres, la Commission écoutera avec intérêt vos réactions et vos suggestions.
Enfin, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, un mot sur la préparation de la négociation. Les intentions des présidences portugaise et puis française, les intentions de la présidence finlandaise, avant Helsinki, sont essentielles pour que la conférence intergouvernementale s’engage sur de bonnes bases et s’engage, permettez-moi de le dire, le plus tôt possible au début de l’année 2000. Pour notre part, nous nous préparons sérieusement, et c’est le moins qu’on puisse attendre de la Commission. Nous débattrons au sein du collège, dès le 10 novembre prochain, de la forme et des orientations de notre rapport formel qui sera, lui, rendu public au début de cette négociation.
En toute hypothèse, Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport formel sera un document politique global et fort, construit et structuré pour être utile à la négociation, pour la faciliter et, nous l’espérons, pour l’accélérer. Me souvenant de la qualité des interventions, durant toute la période qui a précédé Amsterdam, des deux représentants du Parlement européen, Élisabeth Guigou et Elmar Brok, je tiens à dire aussi qu’il me paraît utile pour tous que votre Assemblée puisse faire entendre sa voix et soit associée dans de meilleures conditions à cette négociation qui va s’ouvrir.
Mesdames et Messieurs les députés, je terminerai en vous disant ceci. Entre la prudence et la témérité, entre le réalisme et l’utopie, il y a, nous en sommes convaincus, une place et un chemin pour une vraie réforme de nos institutions, pour un fonctionnement plus efficace et plus démocratique de l’Union, non pas pour retarder l’élargissement, mais pour le réussir.
(Applaudissements)
Poettering (PPE). - (DE) Monsieur le Président, chers collègues, avant tout, le groupe du parti populaire européen et des démocrates européens veut remercier Jean-Luc Dehaene, Richard von Weizsäcker et Lord Simon pour ce rapport ambitieux, courageux et pourtant réaliste et qui est donc aussi tourné vers l'avenir. La semaine dernière, notre groupe a débattu avec Jean-Luc Dehaene. Le commissaire Michel Barnier était présent et je voudrais vous dire, Monsieur le Commissaire, que nous sommes pleinement confiants dans la qualité de votre contribution aux travaux de la Commission en vue d'assurer un bel avenir à l'Union européenne et vous assurer de notre soutien à tous sur cette voie.
La décision sera prise à Helsinki de mener les négociations d'adhésion avec six États supplémentaires. Nous négocions donc avec douze États et il est très probable que plus de cinq États adhéreront à l'Union européenne dans la première vague. Il n'est donc pas réaliste de limiter le protocole d'Amsterdam à trois thèmes : il faudrait aller plus loin. C'est pourquoi le groupe du parti populaire européen et des démocrates européens affirme qu'il veut davantage que ce qu'envisage Amsterdam, nous voulons un "Amsterdam plus", nous voulons une réforme fondamentale de l'Union européenne afin qu'elle soit prête à un élargissement qui constitue une grande priorité pour nous.
(Applaudissements)
Le noyau en est certainement la décision à la majorité qualifiée au sein du Conseil et nous sommes favorables à ce que la décision à la majorité qualifiée devienne la procédure fondamentale en matière de prise de décision au sein du Conseil et à ce que dans toutes les questions de décision à la majorité, le Parlement européen se voit attribué un rôle législatif équivalent et la codécision - et ce aussi, dès à présent, en matière de politique agricole. Nous comprenons, bien qu'on doive encore en discuter, que chaque pays soit représenté au sein de la Commission et qu'il faille une nouvelle pondération au sein du Conseil de ministres. La double majorité est un instrument ; il y en a d'autres. Mais il faut naturellement que la démocratie se retrouve dans la nouvelle comptabilisation des voix au sein du Conseil. Je veux cependant également dire, mes chers collègues, qu'il y a une dimension qui dépasse toutes les procédures légales. Et si les représentants de certains grands États membres font actuellement montre d'une certaine prétention, d'une certaine arrogance à l'égard des États membres plus modestes, nous la refusons et affirmons que tous les États membres de l'Union européenne apportent leur contribution et doivent être impliqués. À cet égard, les grands États membres devraient également admettre que la présidence de certains petits pays s'est révélée plus fructueuse, efficace et engagée que celle de certains grands États membres.
(Applaudissements)
Nous apprécions la proposition du groupe des sages visant à l'élaboration d'un Traité fondamental. Je me réjouis particulièrement de la satisfaction de Jacques Santer sur ce point car il constitue un exemple de l'efficacité d'un petit État membre, en l'occurrence le Luxembourg. Nous soulignons que le groupe de travail a eu raison - et je trouve cette idée géniale - de proposer d'élaborer un Traité fondamental et un Traité élargi. Le Traité fondamental impliquerait l'ensemble des États membres et de leurs parlements en cas de réforme et c'est une bonne chose. Pour ce qui est du Traité élargi, la décision pourrait revenir au Conseil de ministres et au Parlement européen. Cela est générateur de flexibilité et permettrait de répondre aux défis qui se présenteront.
M. Barnier a parlé de la personnalité juridique de l'Union européenne. Sur le plan juridique, l'Union européenne est actuellement une coquille vide, un néant, qui ne peut même pas acheter une maison : ne parlons même pas de sa représentation dans une organisation internationale. Nous devons y remédier si l'Union européenne doit acquérir un poids dans le monde.
Nous devons également agir dans les domaines de la politique étrangère, de sécurité et de défense. Pas plus tard que la semaine dernière, l'Institut d'études stratégiques de Londres a déclaré que les Européens étaient incapables d'agir. Ce n'est pas uniquement dû à l'Institution mais bien à la disposition des États membres d'offrir à nos forces armées la logistique et l'information nécessaires. Nous attendons que les initiatives indispensables en la matière soient prises par le nouveau haut représentant de l'Union européenne, M. Javier Solana, en accord avec Chris Patten. Nous avons également besoin d'un grand débat sur l'extension géographique de l'Union européenne, sur sa teneur, et nous invitons le Conseil de ministres et les personnes qui le représentent dans cette enceinte d'avoir le courage d'engager l'Europe dans un avenir positif car il en va de la stabilité, de la paix, de la démocratie de notre continent au XXIe siècle.
(Applaudissements)
Corbett (PSE). - (EN) Monsieur le Président, mon groupe se réjouit de la publication du rapport de MM. Dehaene, Simon et von Weizsäcker car il présente clairement et fort justement l'argumentation soutenant la nécessité d'une conférence intergouvernementale ne se limitant pas aux fameux "trois sujets laissés sur la table à Amsterdam". Nous devons traiter le problème plus largement. La CIG ne visera cependant pas tant à élargir le champ de responsabilité ou les compétences de l'Union européenne qu'à lancer une réforme structurelle, institutionnelle, qui rende l'Union plus ouverte, plus efficace, plus démocratique et plus transparente. La CIG lui permettra surtout de fonctionner et d'assumer ses responsabilités lorsqu'elle sera composée de plus de vingt États membres.
Les trois sujets laissés sur la table à Amsterdam feront partie du train de réformes mais ils ne seront pas seuls. Nous sommes en train de gagner la querelle concernant l'élargissement de l'ordre du jour. Cependant, comme l'a souligné M. Barnier, ces trois sujets à eux seuls ne sont pas faciles à traiter. À titre d'exemple, l'extension du vote à la majorité qualifiée amènera immédiatement les eurosceptiques de tout poil et d'autres à dire dans leurs États membres respectifs que leur pays abandonne son droit de veto et sa souveraineté. En effet, la position d'une des plus grandes composantes du PPE est qu'il ne faut pas étendre le champ d'application du vote à la majorité qualifiée. Pourtant, s'ils prenaient le temps d'y réfléchir une minute, ils ne tarderaient pas à réaliser que leur propre pays, que chaque pays, perd davantage en raison des vetos prononcés par les autres pays qu'il ne gagne à user de son droit de veto dans de nombreux domaines ressortissant à la responsabilité de l'Union européenne.
Toutefois, les changements ne s'imposent pas dans les seuls trois sujets laissés sur la table à Amsterdam, sujets que sont l'extension du vote à la majorité qualifiée, la taille de la Commission et la pondération des voix au sein du Conseil. Des changements sont nécessaires pour la Cour de justice. Comment fonctionnera-t-elle si elle est composée de presque trente membres ? Des changements sont nécessaires en ce qui concerne la taille de ce Parlement si nous voulons respecter la limite de 700 membres prévus par les Traités à notre demande expresse. Il faut faire quelque chose pour faire suite aux conclusions tirées par nos États membres quant à la nécessaire intégration de l'UEO et au transfert de ses fonctions, ou d'une partie de ses fonctions, à l'Union européenne.
Il y a aussi la question de la codification et de la simplification des Traités, une question que notre Parlement avait été le premier à soulever à la veille des négociations d'Amsterdam. Cette tâche a été entamée à Amsterdam mais elle est loin d'être achevée. Il s'agit aussi d'un point soulevé et mis en avant par le rapport Dehaene.
L'ajout de nouveaux sujets tels que ceux-là à la CIG ne la complique pas nécessairement. Un train de mesures plus large pourrait faciliter la conclusion d'un accord et la ratification par les États membres mais, au nom de mon groupe, je peux dire que nous sommes désireux de voir le Parlement travailler en étroite collaboration avec la Commission, dans l'esprit évoqué à l'instant par M. Barnier, afin de pouvoir déposer sur la table de la CIG un paquet équilibré de propositions que pourront défendre le commissaire et nos représentants au cours de toutes les réunions de la CIG : un paquet qui permettra à l'Union de travailler lorsqu'elle comptera plus de vingt États membres.
Duff (ELDR). - (EN) Monsieur le Président, je salue ce rapport parce qu'il attire notre attention sur la question centrale qui est de savoir quelle sera la méthode de révision des Traités à l'avenir. Nous devons prendre conscience qu'il sera quasi impossible - et certainement irréalisable - d'aboutir à un accord entre 25 ou 30 États membres sur des questions fondamentales de souveraineté. La réforme essentielle concerne donc l'article 48 relatif à la modification des Traités. Nous devons consolider les articles constitutifs du Traité et disposer d'un système plus souple, plus léger afin de modifier le Traité en ce qui concerne les chapitres politiques. La première réforme sera de nature à apaiser les craintes des citoyens quant à des transferts progressifs en matière de souveraineté et la seconde devrait les encourager à s'engager plus clairement vis-à-vis des choix politiques auxquels nous sommes confrontés à Bruxelles et à Strasbourg.
La seconde réforme essentielle consiste à supprimer le droit de veto national des clauses de coopération renforcée et la troisième est à accorder aux citoyens le droit d'accès direct à la Cour européenne.
Frassoni (Verts/ALE).- (IT) Monsieur le Commissaire Barnier, le rapport Dehaene comprend des zones claires et des zones d'ombres, comme presque tout dans la vie. Je tiens à ajouter que ses idées ont principalement été avancées par le Parlement depuis des dizaines d'années, ce rapport ne me semble donc pas très original. Je voudrais maintenant profiter du bref temps de parole qui m'est alloué pour vous inviter, ainsi que le président Prodi, à réfléchir sur les risques que l'ont court en choisissant les gouvernements comme seuls interlocuteurs, en ne cherchant à convaincre que ceux-ci, surtout les plus réticents, et en voulant toujours faire rimer réalisme et crédibilité avec des propositions souvent ambiguës et modestes.
Une chose me préoccupe : même des sages, libres de toute obligation, cherchent prioritairement à parvenir à un compromis et veulent jouer un rôle qui ne leur revient pas. J'espère que la Commission, et vous, Monsieur le Commissaire, aurez le courage d'aller plus loin dans votre proposition, que vous serez en mesure de nous présenter quelque chose de plus passionnant qu'une simple réorganisation de textes confus provenant des Traités, la nécessité de définir un chapitre constitutionnel dans les textes fondateurs de l'Union européenne. Je regrette que le président Dehaene n'ait pas eu ce courage. J'espère aussi que la Commission sera capable de se libérer de la structure à piliers inefficace et anachronique et de refuser catégoriquement l'idée vraiment bizarre avancée par les sages : légitimer le processus de codécision en faveur du Parlement uniquement pour le premier pilier. La Commission a un défi à relever : elle doit avoir le courage de chercher des alliances et des consentements en dehors des organes de pouvoir, parmi les gens, au sein de ce Parlement. Dans le cas contraire, nous serons tous perdants.
Kaufmann (GUE/NGL). - (DE) Monsieur le Président, le président Prodi avait tout à fait raison d'évoquer devant cette Assemblée une erreur historique au cas où la conférence intergouvernementale se serait limitée aux fameux left overs d'Amsterdam. Non, ce qu'attendent fort justement les citoyennes et citoyens, c'est une démocratie véritable, la transparence et l'efficacité des décisions. Ce qui importe avant tout, c'est d'avoir le courage d'entamer un examen critique des politiques menées par l'Union jusqu'à présent. Une Europe empreinte de justice sociale demeure plus que jamais d'actualité. Il nous faut une réforme de l'Union tendant à ce qu'enfin, la lutte contre le chômage de masse et la pauvreté soit au cœur de la politique. À cette fin, il faudrait aussi avoir le courage de modifier l'article 4 du traité CE qui, fidèle à la tradition néo-libérale, définit l'Union comme une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.
Cela vaut aussi pour l'article 105 du traité CE en vue d'inviter contractuellement la BCE à favoriser la croissance et l'emploi par le biais de sa politique monétaire. Les citoyennes et citoyens doivent être impliqués dans le débat sur les objectifs et le contenu de la réforme. Ils doivent pouvoir donner leur avis sur les résultats de la conférence intergouvernementale par la voie d'un référendum.
J'ai pris connaissance avec intérêt des propositions de MM. Dehaene, von Weizsäcker et Simon. Personnellement, j'estime que certaines d'entre elles sont tout à fait dignes de réflexion, celles par exemple relatives à la simplification des Traités ou encore la proposition tendant à donner à la décision à la majorité qualifiée au sein du Conseil et à la codécision du Parlement la valeur de règle générale. En tant que députée d'un grand État membre, j'accorde toutefois la plus grande valeur à l'impossibilité de réduire les droits des plus petits États.
Pour conclure, je voudrais cependant dire très clairement la chose suivante : mon groupe rejette sans équivoque l'intégration de l'UEO dans l'Union. Nous voulons d'une Europe solidaire et civile. Nous ne voulons pas d'une Union militaire qui interviendrait à l'avenir, armée jusqu'aux dents et tel un gendarme européen, dans la politique internationale.
Berthu (UEN). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, le groupe Europe des nations estime que le rapport Dehaene sur les implications institutionnelles de l’élargissement n’est satisfaisant ni dans sa méthode, ni dans l’essentiel de ses conclusions.
Sa méthode : le Conseil de Cologne, en juin dernier, avait refusé de nommer un groupe de travail restreint pour préparer les travaux de révision du Traité. Il voulait en effet que, dès le départ, les discussions soient plus ouvertes. Or, qu’avons-nous vu ? La Commission, dépitée de n’avoir pu verrouiller le débat, s’est empressée de nommer pour son propre compte un groupe de travail restreint, groupe aussitôt qualifié de groupe des sages alors que ses membres ne sont pas plus sages que la moyenne des personnes ici présentes. Tout cela pour essayer de forcer le Conseil à retenir l’ordre du jour de la conférence souhaité par la Commission. On n’est pas surpris, dans ces conditions, de voir que le rapport Dehaene, sur le fond, cherche à renforcer les pouvoirs de la Commission et à contourner les droits des États. Tout d’abord, ce texte conclut - quelle curieuse coïncidence ! - que la Commission devra, dès le début de la conférence intergouvernementale, déposer un projet de traité complet sur la table du Conseil. C’est donc la même méthode de passage en force qui continue.
Dans le même esprit, le groupe avance la vieille proposition fédéraliste de généralisation des votes à la majorité qualifiée au Conseil. Cette proposition, combinée au maintien du monopole d’initiative de la Commission, aboutirait, on le sait, à un considérable renforcement des pouvoirs de cette dernière et à un amoindrissement corrélatif du droit des États. Il est d’ailleurs assez intéressant de constater que, dans un bel exemple de nove-langue européenne, le système de décision à la majorité est présenté par le rapport comme, je cite, "propice au consensus", alors que c’est bien évidemment le contraire. La règle de la majorité oblige la minorité à plier, et notamment les petits États, alors que l’unanimité impose de négocier jusqu’à l’obtention d’un consensus.
Dans le même esprit encore de contournement des États, le rapport Dehaene propose que le Traité puisse en certains cas être modifié sur simple décision du Conseil, voire sur une décision prise seulement à une majorité qualifiée. C’est absolument inacceptable, car absolument contraire à notre conception d’une Europe qui respecte ses nations. Pourtant, ce rapport, à côté des poncifs fédéralistes habituels, esquisse timidement une idée nouvelle, celle de la flexibilité institutionnelle nécessaire à une Europe élargie. Il reconnaît, ce que nous avons toujours dit, que les coopérations renforcées du traité d’Amsterdam ne peuvent servir à rien pour résoudre le double problème de l’hétérogénéité croissante et de l’impossibilité totale d’abandonner des pouvoirs de souveraineté à des procédures de décision à la majorité qualifiée et, encore plus, dans une Europe à trente États ou davantage. Voilà, mes chers collègues, le vrai sujet à inscrire à l’ordre du jour de la CIG, et le second sujet : "Comment replacer l’Europe sous le contrôle de ses peuples ?" rejoint le premier, puisqu’il postule, lui aussi, le libre exercice des souverainetés nationales.
Dimitrakopoulos (PPE). - (EL) Monsieur le Président, le rapport Dehaene, encore non officiel, va en tout cas dans la bonne direction. Certes, à le consulter, on constate qu'il n'évoque ni les grands desseins ni les objectifs de l'Union européenne, ni les grands défis auxquels celle-ci est confrontée à l'orée du XXIe siècle. Du moins esquisse-t-il quelques lignes directrices sur une série de questions institutionnelles qui doivent être tranchées. Reste à voir, après tous les éléments intéressants que nous a communiqués le commissaire compétent, M. Barnier, lesquelles de ces propositions nous adopterons et ce qu'il nous faudra ajouter pour que l'Union européenne commence à se préparer convenablement pour l'avenir.
M. Barnier a utilisé une formule importante, en déclarant que la Commission allait présenter un texte "global et fort". Attendons de voir quel sera son contenu. En tout cas, notre Parlement ne saurait manquer d'exhorter à ce que ce texte soit une approche systématique de tous les aspects de l'Union européenne afin que la conférence intergouvernementale aborde, une par une, les questions qui nous préoccupent en ce moment, et ce dans le droit fil de la logique d'Aristote qui veut que la politique soit l'art du possible.
Leinen (PSE). - (DE) Monsieur le Président, je perçois un grand pas en avant dans le rapport des sages et j'approuve sans réserve le commissaire Barnier : des réformes fondamentales de l'Union doivent être menées dès à présent et ne peuvent être repoussées après l'élargissement. Ce serait lourd de conséquences et fatal car vingt ou vingt-cinq États ne pourront tout de même pas régler ce que quinze États s'avèrent incapables de régler ensemble. C'est notre dernière chance de réformer l'Union de manière à ce qu'elle fonctionne, qu'elle soit comprise par les citoyens et qu'elle soit à même de s'élargir.
Je me réjouis de la refonte des Traités. Aucun citoyen ne comprend le traité de Maastricht ou le traité d'Amsterdam. Lire ces textes est au-delà des forces de tout citoyen de l'Union. Nous devons parvenir à scinder ces textes entre leurs éléments véritablement constitutionnels et les autres, plus opérationnels. Ce sont là deux choses qu'il faut distinguer, comme c'est le cas dans nos lois fondamentales ou nos constitutions au sein des États membres.
Un mot sur la réforme des institutions. Le groupe Dehaene s'est énormément concentré sur la réforme de la Commission. Je pense que le Conseil se trouve au centre des réformes. Après qu'elle aura mené à terme ce qui est actuellement entrepris, la Commission fonctionnera. Le Parlement a accompli des réformes et fonctionne. L'institution qui ne fonctionne pas, c'est le Conseil. L'institution qui bloque l'Union, c'est le Conseil. C'est pourquoi nous nous concentrerons aussi, au sein du Parlement, sur la formulation d'exigences relatives à la réforme du Conseil. Car enfin, il faut tout de même régler d'une façon ou d'une autre cette double structure d'organe législatif ou exécutif, et ce d'autant plus pour une Union à vingt ou vingt-cinq États membres. Monsieur le Commissaire Barnier, j'espère que la Commission pourra avancer une proposition concrète de modification des Traités dont nous pourrons ensuite débattre.
Malmström (ELDR). - (SV) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire Barnier, nous devons prendre très au sérieux le message clair que nous ont communiqué les électeurs le 13 juin quant à la nécessité d'un changement dans l'Union. Nous devons agir dans l'esprit de ce message et œuvrer pour le changement. La conférence intergouvernementale représente à cet effet une excellent occasion.
Le rapport des "sages" contient beaucoup d'éléments dignes de nous inspirer, et nous devons profiter de la conférence intergouvernementale pour revoir en profondeur le traité. Il nous faut simplifier, clarifier, élucider et passer en revue toutes les tâches qui sont celles de l'Union, et mettre au point une disposition qui permette à l'UE de se concentrer sur un nombre de questions plus réduit, à savoir les problèmes dont l'ampleur dépasse réellement nos frontières nationales. Les citoyens de l'Union ont besoin d'une constitution démocratique, assortie d'un inventaire des compétences qui définisse clairement les responsabilités de chaque instance et donne au principe de subsidiarité une portée réelle.
Si nous abordons la conférence intergouvernementale avec ces ambitions en tête, je pense que nous réussirons les deux grandes missions de l'UE : créer une union élargie et fonctionnant de façon démocratique, et regagner une part de la confiance et de la légitimité que nous avons perdues dans l'opinion publique.
Voggenhuber (Verts/ALE). - (DE) Monsieur le Président, pour des têtes froides et bien informées, l'an 2000 est bien entendu une année comme les autres mais à l'entame d'un nouveau siècle, il n'y a pas que les romantiques qui ne peuvent se passer d'une certaine magie, lever les yeux des affaires quotidiennes et se vouloir en quelque sorte les architectes de leur propre avenir. Je déplore réellement, Monsieur le Commissaire Barnier, que la magie du changement de siècle et la capacité visionnaire ne transpirent nullement des préparatifs de la conférence intergouvernementale. Et au contraire de certaines des louanges qui lui ont été adressées dans cette enceinte, je déplore aussi que le groupe des sages n'ait pas eu ce courage.
Pour ce qui est des motivations et des nécessités de la réforme des institutions, on souligne le concept technocratique de l'augmentation de l'efficacité et de la capacité d'action sans même poser un regard sur la question urgente et indispensable de la mise en place d'une démocratie européenne. Le groupe des sages n'émet pas la moindre critique sur les deuxième et troisième piliers de ce no man's land démocratique de la coopération gouvernementale, pas plus que la moindre proposition de l'incorporer à une réforme démocratique européenne. Et pas la moindre réflexion sur la méthode des conférences intergouvernementales dont chacun sait pourtant désormais qu'elle n'est pas à même d'aider au développement de l'idée européenne. À vrai dire, l'implication du Parlement n'est pas une préoccupation.
De même, ce rapport du groupe des sages ne dit pas le moindre mot de la dimension sociale de l'Union européenne, condition sine qua non à une démocratie européenne. En ce qui concerne la politique étrangère et de sécurité, ce rapport s'étend largement - comme les chefs d'État et de gouvernement - sur le développement d'une politique de sécurité et oublie ce faisant que la politique de sécurité est un élément de la politique étrangère.
(Applaudissements)
Sjöstedt (GUE/NGL). - (SV) Monsieur le Président, si l'on veut résumer en quelques mots le rapport du groupe Dehaene - ce que je vais m'efforcer de faire - on peut dire qu'il contient tout ce que les partisans de l'adhésion de la Suède à l'UE avaient juré ne jamais devoir se produire. Si les propositions du groupe étaient mises à exécution, l'UE franchirait une étape déterminante de sa transformation dans le sens d'une construction étatique. Ce qui reste du droit de veto serait supprimé, l'influence des pays de moindre importance se trouverait réduite, le président de la Commission deviendrait une sorte de premier ministre dans une Commission toute-puissante, et l'UE deviendrait également une union militaire.
J'estime spécialement négatif le fait que ce groupe propose une diminution drastique du pouvoir des États membres en ce qui concerne les modifications apportées au traité. Il voudrait en effet que l'on puisse changer des pans importants du traité actuel, sans que ces changements soient nécessairement ratifiés par les États membres, et sans que l'on applique la règle de l'unanimité. C'est une proposition qui va directement à l'encontre des possibilités dont disposent les États membres et leurs populations d'exercer un impact démocratique sur l'évolution de l'UE.
Méndez de Vigo (PPE). - (ES) Monsieur le Président, que doit faire la prochaine conférence intergouvernementale ? Elle doit préparer l'Union à une Europe composée de 27 États membres. En conséquence, plus la portée de la réforme institutionnelle sera grande, plus la portée de l'élargissement sera importante.
Que doit-elle faire ? Elle doit maintenir l'équilibre institutionnel qui a permis l'évolution de la construction européenne de ces quarante dernières années. Qu'est-ce qu'elle ne doit pas supposer ? Elle ne doit pas supposer de nouvelles compétences pour l'Union européenne. Ça, le traité d'Amsterdam l'a déjà fait. Elle ne doit pas non plus mener à la dénaturation de l'Union.
Dans ce contexte, je tiens à dire que si le rapport de M. Dehaene est très juste à maints égards, il contient un élément qui me préoccupe beaucoup. Si nous l'envisageons dans sa totalité, le rapport de M. Dehaene propose d'étendre la majorité qualifiée et en même temps de constitutionnaliser les Traités et de les diviser en deux parties, l'une soumise à une procédure très stricte, qui exige l'unanimité pour la réforme, et l'autre à la majorité. Ajoutons à cela la flexibilisation des coopérations renforcées.
Ce qui me préoccupe - et je m'adresse à la Commission, qui doit dresser un rapport sur ce sujet -, c'est que l'union de ces trois facteurs - l'extension de la majorité qualifiée, la soumission à des révisions distinctes et la flexibilisation des coopérations renforcées - risque de conduire à une Europe à la carte, une Europe où chaque État membre pourra choisir ce qu'il veut être. Et ça, Monsieur le Président, ce n'est pas l'Union européenne pour laquelle nous avons lutté et en laquelle nombre d'entre nous croient.
van den Bos (ELDR). - (NL) Si l'on en croit le groupe Dehaene, ses projets sont très ambitieux, mais ces intentions ne sont ambitieuses que par rapport à la situation actuelle et aux réticences présentes. Les propositions ont une portée insuffisante du point de vue des exigences que pose une union de plus de trente pays. Si l’Union comporte deux fois plus d’États membres qu’actuellement, le processus de décision va se bloquer complètement à moins que des changements profonds ne soient proposés, des changements bien plus fondamentaux que ceux qui ont été avancés. L'élargissement des compétences de la Commission, en tant que gardienne des intérêts de l’Europe communautaire, au détriment des compétences des gouvernements représentés au Conseil est inéluctable. Ceci requiert une bien plus grande légitimité démocratique de la Commission que ce n’est le cas actuellement, avec à terme une élection directe de tous les commissaires. Cela suppose aussi que notre Parlement se voit octroyer toutes les compétences qui lui reviennent. Ce qui semble pour le moment révolutionnaire paraîtra bientôt très réaliste.
MacCormick (Verts/ALE). - (EN) Monsieur le Président, il y a un chien qui n'a pas encore aboyé dans ce débat et je voudrais donc attirer l'attention sur le fait que le rapport Dehaene ne traite absolument pas comme il se doit la composante régionale du gouvernement en Europe et se contente de la mentionner incidemment. À cet égard, la subsidiarité semble être un concept mentionné pour la forme mais privé de toute action concrète et elle exige certainement d'être redéfinie dans le Traité.
Les régions et nations autonomes situées à l'intérieur des États membres de l'Union européenne, comme il y en a en Espagne, au Royaume-Uni ou en Belgique, doivent acquérir une place effective dans notre système. La réforme au sein du Conseil serait un prérequis. Elle pourrait différencier de manière adéquate les rôles exécutif et législatif de cet organe et, en matière législative, s'assimiler peu à peu à une Assemblée territoriale.
Tel qu'il est constitué à l'heure actuelle, le Comité des régions est à la fois impuissant et aucunement représentatif. Les députés de cette Assemblée savent-ils que le Luxembourg compte six membres au Comité des régions contre quatre pour l'Écosse ? Je ne suis pas au fait des différences entre l'est et l'ouest du Luxembourg mais je connais un peu les différences internes à l'Écosse et le principe de représentation tel qu'il existe est absurde. Un Comité sensé constituer un contrepoids des régions et nations constitutives des États membres auxdits États membres est dominé par le système étatique.
Avec l'élargissement, de nouveaux députés arriveront dans ce Parlement et nombre d'entre eux représenteront d'anciennes nations ayant appartenu aux États de l'Union. Pensez à la Slovénie, pensez à l'Estonie. Ce sont de petits États mais leur représentation sera automatiquement supérieure à celle du Pays basque, à celle de la Flandre, à celle de l'Écosse, à celle du Pays de Galles. Il faut réexaminer les principes de représentation en Europe tels qu'ils sont appliqués aux nations et aux régions et je suis vraiment désolé que le rapport Dehaene n'en ait pratiquement rien dit.
(Applaudissements)
Lamassoure (PPE). - Monsieur le Président, moins d’un an après la réussite historique de l’union monétaire, voilà l’Union européenne dans une position étrange. Elle court, elle court, mais elle ne sait plus ni où elle va, ni comment elle y va.
Les billets de la monnaie européenne ne circulent pas encore et voilà qu’on a parlé en juin, à Cologne, d’une armé européenne, en septembre à Tampere d’une justice pénale européenne, une Charte des droits fondamentaux se prépare, enfin surtout, la Commission invite le Conseil européen à accepter la perspective d’une Europe, élargie jusqu’à l’Asie mineure et jusqu’aux frontières occidentales de l’Irak et de l’Iran. Ce n’est plus un élargissement, c’est une explosion.
Les uns, dont nous sommes à l’UDF au sein du PPE, sont favorables à de nouvelles avancées européennes. D’autres, parmi nous, sont réservés, voire hostiles. Mais je crois que nous serons tous d’accord pour juger qu’il est temps que les responsables politiques reprennent le contrôle de la machine et osent enfin débattre du but de la dimension géographique et du chemin de l’Europe politique, comme nous l’avons fait pour l’Europe économique et monétaire.
L’Europe, jusqu’où ? Jusqu’où, en termes géographiques ? Nous n’en avons jamais débattu ni ici au Parlement, ni au Conseil, ni à la Commission. L’Europe, jusqu’où, en termes de compétences ? L’Europe des Trente ne pourra pas fonctionner comme l’Europe des Douze ! D’un côté, elle aura besoin d’un système de décisions beaucoup plus efficace, d’ordre politique et non plus diplomatique. En sens inverse, les sujets d‘intérêt commun seront moins nombreux et l’exigence de décentralisation beaucoup plus forte.
Jusqu’où voulons-nous aller ? Avec quels partenaires et selon quel chemin ? C’est à ces questions qu’il faut répondre avant de donner aux juristes nos instructions sur, par exemple : "la future pondération de vote de la belle île de Malte”.
(Applaudissements)
Väyrynen (ELDR).- (FI) Monsieur le Président, des bruits ont couru selon lesquels le groupe de haut niveau aurait l'intention de proposer à l'Europe le modèle de l'oignon, une sorte de système de cercles concentriques. Il est dommage que le rapport ne contienne pas le mot "oignon", car la différenciation institutionnelle semble être la seule solution réaliste pour l'Union qui s'élargit fortement.
L'Europe devra dans l'avenir se composer de trois cercles institutionnels. Le cercle extérieur serait le Conseil de l'Europe dont on pourrait mieux mettre à profit les institutions intergouvernementales en lui donnant de nouvelles tâches. Le second cercle serait l'Union européenne qui se développerait dans l'avenir comme une confédération. Une telle confédération européenne pourrait s'agrandir facilement et rapidement. Le cercle intérieur serait la fédération européenne que formeraient les États de l'Union européenne les plus avancés dans l'intégration : ceux qui appartiennent aussi bien à l'OTAN qu'aux pays européens. L'Union européenne deviendrait ainsi une confédération dont le noyau serait un état fédéral.
Van Hecke, Johan (PPE). - (NL) Monsieur le Président, le rapport Dehaene a incontestablement l’avantage d’être clair, de faire preuve de créativité et de pertinence, de même que de pragmatisme et d’ambition. Il n’y a pas cent recettes pour que se tienne rapidement une CIG efficace. Si l’on veut éviter un nouvel exemple de haute voltige en technologie juridique de pointe, un enchevêtrement inextricable, il faudra bien d’une manière ou d’une autre en revenir au point central de ce rapport totalement limpide. Il ne doit pas être considéré comme un veni vidi vici pour Dehaene. Mais si l'on accepte de se limiter purement et simplement à l'essence des décisions d'Amsterdam, l’Europe est menacée de paralysie. La balle se trouve maintenant dans le camp des États membres et de la Commission. En ce qui nous concerne, et que cela soit très clair, la réforme de l’Union reste en tout cas une condition sine qua non de l’élargissement. Il faut d’abord approfondir et ensuite élargir. Nous rejetons une Europe qui compterait toujours plus de membres, mais serait de moins en moins solidaire, efficace et à laquelle l’âme ferait de plus en plus défaut.
Barnier,Commission. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, à ce stade et compte tenu des contraintes de votre ordre du jour, je me contenterai simplement de quelques mots. La règle du jeu était claire pour le débat d’aujourd’hui. Ce débat revêtait pour la Commission un grand intérêt mais il avait aussi une limite puisque ni le Collège ni vous-mêmes n’avez pour l’instant défini précisément vos positions et vos propositions. Il s’agissait donc d’un échange de vues suscité par le rapport Dehaene que le président Prodi avait souhaité pour susciter justement ce débat et l’éclairer. J’ai écouté avec beaucoup d’attention, Monsieur le Président, l’ensemble des intervenants, que je remercie de leur attention et de leurs contributions. Nous allons tenir compte de ces questions, de ces suggestions, voire parfois des critiques ou des craintes, pendant les quelques jours qui nous séparent du 10 novembre. C’est en effet ce jour-là que le Collège arrêtera sa première position politique, et puis nous aurons un débat sur ce premier document politique de la Commission. Après quoi nous aurons encore beaucoup de travail, entre le 10 novembre et le début de la négociation, puisque la Commission devra présenter un document dont j’ai dit moi-même qu’il serait un document politique fort, global, structuré pour être utile aux négociateurs et faciliter cette négociation. C’est au cours de cette période que nous aurons à travailler en étroite intelligence avec la commission des affaires constitutionnelles et avec votre Assemblée. Je veux donc, Monsieur le Président, en guise de conclusion, remercier le Parlement européen de ce premier échange de vues sur la prochaine conférence intergouvernementale et sur les ambitions avec lesquelles nous devons aborder cette conférence intergouvernementale.