9. Propos tenus par M. Verheugen au sujet de l'élargissement
La Présidente. - L'ordre du jour appelle la communication sur la déclaration faite par M. Verheugen, au sujet de l'élargissement.
Je salue l'arrivée de M. le Président Romano Prodi et je le remercie de sa présence.
Je vous signale que M. le président Prodi va devoir nous quitter à 16 h 35 pour se rendre à New York à la réunion du Millenium. Nous le remercions néanmoins d'avoir tenu à être présent à ce débat et sans plus attendre je lui donne la parole.
Prodi,Commission. - (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, j'ai voulu intervenir personnellement devant cette Assemblée, aux côtés du commissaire Verheugen, pour clarifier la signification politique de son intervention du 2 septembre dans le Süddeutsche Zeitung et celle d'une série de déclarations à la presse qui s'en sont suivies. D'ici peu, le commissaire Verheugen vous expliquera exactement l'esprit et la lettre de ce qu'il a dit.
En ce qui me concerne, j'entends solennellement réitérer ici l'engagement inconditionnel de ma Commission à faire avancer la formidable entreprise de l'élargissement. J'ai à plusieurs reprises souligné combien l'élargissement est la tâche la plus importante à laquelle cette Commission s'est attelée, s'engageant à la mettre sur la bonne voie.
Cette nouvelle page de l'histoire de l'Union doit être écrite le plus vite possible, conformément aux objectifs fixés par le Conseil européen et par la Commission elle-même et présentés à plusieurs reprises à cette Assemblée. Comme vous le savez, il s'agit d'une opération extrêmement complexe du point de vue politique. Avec votre soutien vigoureux et constant, la Commission mène les négociations de façon transparente et objective en respectant scrupuleusement le mandat octroyé.
Les pays qui adhéreront à l'Union déploient un effort énorme que nous risquons continuellement de sous-évaluer. À cet effort doit toutefois correspondre de notre côté une grande générosité politique. Cette générosité doit s'exprimer de multiples façons. Le premier acte, que je ne puis que répéter une fois de plus, est que l'Union doit être prête à ouvrir ses portes aux nouveaux membres avant le 1er janvier 2003. Par conséquent, le devoir principal qui attend l'Union est de trouver à Nice à la fin de cette année, une réforme institutionnelle de haute qualité pour éviter la dilution de notre système.
Il est de notre devoir de démontrer un autre aspect de la générosité politique : que nous nous efforçons de recueillir le consensus le plus large possible des citoyens en faveur du processus d'élargissement. Pour ma part, je crains que l'opinion publique n'en soit pas encore suffisamment convaincue.
La recherche d'un soutien démocratique pour cette entreprise d'ampleur historique ne reflète certainement pas de notre part une volonté de retarder le processus, mais témoigne en revanche de notre désir de le renforcer. La question des modes et des instruments appropriés pour s'assurer ce soutien dans les États membres ou dans les pays candidats est évidemment de leur ressort. En particulier, les procédures nationales de ratification de l'élargissement sont des questions d'ordre national. Il n'entre certainement pas dans les intentions de la Commission, ni du commissaire Verheugen, de s'immiscer dans ce débat.
Toutefois - et il s'agit là d'un sujet différent -, chacun d'entre nous doit contribuer à expliquer à nos concitoyens l'enjeu de la question. J'ai toujours ressenti du côté du Parlement un engagement total en ce sens : expliquer, expliquer et expliquer à nos concitoyens que l'élargissement ne constitue pas une menace, mais une occasion historique de tous les points de vue, à commencer par la paix sur notre continent.
L'engagement sincère de tous les commissaires à faire progresser les politiques du collège est un élément caractéristique de ma présidence et cette Assemblée sait que, si cela s'avère nécessaire, je n'hésiterai pas utiliser les moyens nécessaires pour en assurer le respect.
Dans ce cas d'espèce, je suis convaincu que Günter Verheugen approuve totalement la politique de la Commission, politique que cette Assemblée a approuvé à maintes occasions. J'ai donc pleine confiance en sa capacité de mener les négociations sur l'élargissement à une conclusion rapide et positive.
(Applaudissements)
Verheugen,Commission. - (DE) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je me réjouis de cette déclaration car elle m'offre la possibilité de vous donner quelques mots d'explication et, selon moi, de conclusion quant à l'interview qui a déclenché cette tempête.
Dans cette interview, j'ai indiqué à titre personnel et dans un contexte purement allemand que les référendums pouvaient être utiles pour impliquer davantage les citoyens dans les grands projets européens qui modifient la nature constitutionnelle de l'État. J'ai cité, à titre d'exemple, le traité de Maastricht et non l'élargissement. Enfin, j'ai dit également que cette possibilité n'existait pas dans la constitution allemande. Personne ne regrette autant que moi que cette déclaration ait été interprétée comme si j'avais plaidé pour un référendum sur l'élargissement. J'affirme donc que je n'ai pas formulé une telle demande, que ce soit pour l'Allemagne ou pour n'importe quel autre pays.
(Applaudissements)
Si l'on lit le texte en toute honnêteté sans s'appuyer sur des informations de seconde main, on ne pourra arriver à aucune autre conclusion.
Quel était toutefois le message véritable ? Le message était de dire que nous souhaitons l'élargissement et que nous le voulons aussi rapide que possible et aussi profond que nécessaire. Très nombreux sont les membres de cette Assemblée qui savent que, depuis un an, je m'efforce avec passion d'établir clairement, via un contact immédiat avec les citoyens des pays candidats et des États membres, que nous voulons vraiment accueillir ces nouveaux membres.
Ce que je tente de faire, c'est de donner une âme à un processus qui pourrait facilement devenir purement technique. Nous voulons garantir la paix et la stabilité dans l'ensemble de l'Europe. Nous voulons donner aux jeunes démocraties la chance de participer équitablement au développement politique et économique de l'Europe. Nous voulons poursuivre le renforcement du rôle de l'Europe dans la compétition internationale. Il n'y a pas d'alternative. Le bilan des négociations d'adhésion depuis l'entrée en fonction de la Commission Prodi est positif. Les rapports d'étape que la Commission présentera à l'automne montreront que les candidats ont accompli des progrès considérables et qu'ils sont peu à peu mûrs pour l'adhésion.
La Commission envisage de présenter, toujours à l'automne, de nouveaux éléments de la stratégie de négociation qui devraient permettre de conduire celles-ci avec encore plus de diligence et de s'attaquer aux questions centrales substantielles qui touchent au déroulement des négociations.
Je voudrais affirmer que ces progrès ne sont possibles que dans le cadre d'une collaboration étroite avec les États membres et le Parlement européen. Je remercie expressément le Parlement européen pour l'excellence de sa collaboration et pour m'avoir soutenu sans réserve, jusqu'ici en tout cas. Je reconnais également expressément le rôle positif que jouent le Parlement européen et ses membres dans les efforts d'explication de ce projet historique auprès des citoyens en Europe. Je me suis toujours déclaré favorable à récolter un soutien aussi large que possible dans le chef de la population et à exposer aux citoyens, dans le cadre d'un large débat, les avantages importants que recelait l'adhésion de nouveaux États membres.
Nous devons convaincre les citoyens des avantages politiques et économiques mutuels qu'amènera, dès le départ, l'élargissement. Nous devons mener un large débat démocratique sur ce projet historique. C'est cette idée fondamentale qui me tenait à cœur au cours de cette interview.
(Applaudissements)
La Commission n'a aucunement l'intention - et je serais certainement le dernier à l'avoir - d'introduire de nouvelles conditions politiques dans le processus de négociation ou de décision. La stratégie est fixée par le Conseil européen. La Commission la respecte avec la plus grande énergie.
Et comme l'a déjà dit le président Prodi, il est tout à fait évident que les accords d'adhésion seront ratifiés dans chacun des États membres conformément aux dispositions légales en vigueur. Selon moi, il en découle trois conclusions. Premièrement, nous devons mener une offensive de communication de grande ampleur dans les États membres et les pays candidats. La Commission a déjà accompli les préparatifs nécessaires à cette fin. Deuxièmement, il ne s'agit pas pour nous de balayer les soucis et les craintes qui existent mais bien d'en débattre ouvertement avec les citoyens ; nous devrions les aider...
(Applaudissements)
... à saisir les nouvelles chances qui s'offrent et à maîtriser les nouveaux défis qui se posent. Je pense particulièrement aux régions frontalières. Là aussi, la Commission dispose d'un concept en cours d'élaboration.
Et, troisièmement, nous devons procéder avec la plus grande prudence et la plus grande mesure pour ce qui est des thèmes chargés de craintes et d'émotions - et il y en a dans le cadre du processus d'élargissement ; l'immigration, par exemple. Mais il existe des voies et des possibilités pour résoudre ces problèmes. Et, sur ces points, il faudra prendre des décisions actuelles et au fait des problèmes.
(Applaudissements)
Poettering (PPE-DE). - (DE) Madame la Présidente, chers collègues, j'aurais souhaité que nous ne devions pas mener ce débat aujourd'hui. Il a pour origine un incident très sérieux, une faute politique très sérieuse. Après ce que nous venons d'entendre du président de la Commission, M. Prodi, et de M. le commissaire Verheugen, j'espère que les choses redeviendront claires au terme de ce débat.
Nous n'avons pas demandé une déclaration du président mais une déclaration de la Commission. Je suis toutefois profondément redevable au président Prodi d'avoir jugé l'incident assez sérieux pour prendre lui-même position à ce propos aujourd'hui. Monsieur le Commissaire Verheugen, j'ai lu votre interview à plusieurs reprises. Avant d'en venir au cœur du problème, je voudrais attirer l'attention sur une phrase qui m'a véritablement laissé sans réaction et m'a également ébranlé. Je le dis en toute objectivité car je crois profondément à chacun des mots que je prononce ici en toute sérénité et parce que cela reflète ma conviction.
Voilà ce que déclare M. Verheugen dans cette interview : "L'un des développements quasi tragiques de ces dernières années est que le Parlement n'est unanime que sur une chose : l'opposition à la Commission." Monsieur Verheugen, est-ce ainsi que vous comprenez ce Parlement européen ? Vous ne seriez pas en fonction si vous n'aviez pas reçu notre approbation.
(Applaudissements)
Au nom de notre groupe, je prétends - et le président Prodi le sait - que nous nous considérons, par principe, comme les alliés de la Commission européenne lorsqu'il s'agit du respect des Traités, lorsqu'il s'agit d'impliquer M. Patten dans la politique étrangère, lorsqu'il s'agit d'éviter de nous retrouver face à des secrétariats. Nous sommes aux côtés de la Commission et la prions d'en prendre acte et de ne pas nous soupçonner d'être par principe opposés à la Commission et de n'être d'accord que sur ce seul point au sein de cette Assemblée. Je le réfute sans détours.
(Applaudissements)
Je le réfute parce que je demande que notre travail soit également perçu comme un soutien de la Commission. Il nous faut venir à bout d'une tâche commune pour cette Europe.
Passons à présent au fond du problème. Vous avez dit que, si l'on lisait ce texte en toute honnêteté, on ne pouvait arriver à une autre conclusion. Je pense - et tel est bien le débat à l'échelle européenne - que l'on peut aussi, si l'on envisage ce texte en toute honnêteté, aboutir aux conclusions que nous avons avancées dans le débat public. Monsieur Verheugen, je vous remercie - et je le reconnais expressément - de vouloir déclarer qu'aucune nouvelle condition ne devrait être élaborée. Ce faisant, il est clair une fois pour toutes, comme l'a aussi dit le président de la Commission, que vous ne plaidez plus pour qu'un référendum tenu dans votre pays d'origine soit à la base de l'élargissement de l'Union européenne. Nombreux se demandent en effet si une stratégie se dissimule derrière cette remarque du commissaire Verheugen. En effet, d'autres personnalités - je ne veux pas introduire d'élément partisan dans ce débat - et, par exemple, un personnage important de la République fédérale d'Allemagne qui vous est très proche sur le plan politique, ont formulé, aujourd'hui même, cette demande de référendum. Mais je me réjouis de la clarification apportée aujourd'hui.
(Exclamation)
Ne vous énervez pas. Je me réjouis vraiment que nous ayons tous été d'accord de débattre de cette question car l'élargissement de l'Union européenne est une question qui concerne l'avenir du continent européen au XXIe siècle. Pour l'avenir, il est essentiel que la Commission et le Parlement empruntent la même route.
(Applaudissements)
Nous devons à présent faire pression de concert sur les gouvernements afin que Nice soit un succès. Nous devons le faire ensemble et manifester notre bonne volonté réciproque. L'essentiel - et, en ce sens, je partage la partie de vos déclarations avec laquelle nous sommes tout à fait d'accord - est que nous gagnions les citoyens de nos pays à l'élargissement de l'Union européenne afin qu'ils nous suivent sur cette route. En tant que députés du Parlement européen, nous nous engageons en permanence sur cette question. Car ce sont les citoyens d'Europe centrale qui ont permis le changement et la chute du communisme. Sans Solidarnosc en Pologne, l'unité de l'Allemagne n'aurait pas été possible.
(Applaudissements)
À présent, empruntons tous ensemble cette voie vers l'Europe - c'est une invitation que j'adresse à la Commission et à chacun d'entre nous. Ce Parlement s'accorde à dire que nous devons nous engager ensemble sur cette voie. Je voudrais vous prier, Monsieur Verheugen, d'également l'admettre. En principe, nous sommes du côté de la Commission lorsqu'il s'agit du développement futur de l'Europe, de l'unité de notre continent et de l'élargissement, car les peuples d'Europe centrale veulent faire partie de la communauté de valeurs qu'est notre Union européenne. Nous avons l'obligation politique et morale de tout entreprendre afin que cet élargissement puisse devenir réalité aussi vite que possible. C'est dans l'intérêt de la sécurité, de la paix et de la liberté de notre continent européen.
(Vifs applaudissements)
Hänsch (PSE). - (DE) Madame la Présidente, Monsieur le Président de la Commission, Monsieur Verheugen, vous venez de dire que vous aviez envisagé votre interview sur le plan intérieur allemand - mais, justement, ce n'est pas un problème intérieur allemand. Et même si M. Poettering vient de s'exprimer avant que je ne prenne la parole, n'en concluez pas qu'il s'agit d'un débat germano-allemand.
Vos déclarations, Monsieur Verheugen, ont plongé le groupe socialiste dans l'étonnement, l'irritation et, aussi, le dépit.
(Applaudissements)
À cet égard, il ne s'agit pas de la valeur ou du peu de valeur des référendums pour la démocratie et de l'implication des citoyens dans les décisions de l'Union européenne. En tant que porte-parole de mon groupe, je ne m'exprime pas davantage sur le débat ayant cours en Allemagne quant à de tels référendums ou processus similaires. Il va de soi que chaque État membre décide de l'adhésion de nouveaux États selon les règles de sa constitution et que c'est donc également le cas pour l'Allemagne. Attendu, toutefois, que la constitution allemande ne prévoit justement pas un tel référendum, vos déclarations ont été perçues comme un appel à l'introduction d'un référendum et, dès lors, comme une tentative de repousser l'élargissement à l'est de l'Union européenne. Je sais, Monsieur le Commissaire, que ce n'était vraiment pas votre intention. Mais cette impression est là et il faut la dissiper.
(Applaudissements)
Le groupe socialiste veut que l'Union européenne tienne l'engagement qu'elle a pris à l'égard de l'Europe de l'Est. Nous voulons que les négociations soient menées à bien rapidement et avec soin. Nous refusons d'élever de nouveaux obstacles à une adhésion. Mais cela vaut aussi pour certaines déclarations émises par votre groupe, Monsieur Poettering : en ce qui concerne, par exemple, l'attitude du PPE par rapport à l'adhésion à l'union économique et monétaire.
(Applaudissements)
Mon groupe, le groupe socialiste, se réjouit que le président Prodi et le commissaire Verheugen aient procédé aujourd'hui aux éclaircissements nécessaires. Nous leur en sommes redevables. Cette clarification nous suffit.
À présent, nous pourrions naturellement dire : "Romano" locuto, causa finita (Romano a parlé, la cause est entendue).
(Rires)
Mais les choses ne sont naturellement pas aussi simples car le problème de fond que vous avez évoqué, Monsieur le Commissaire Verheugen, est un problème de fond auquel nous sommes tous confrontés : la Commission, les députés du Parlement européen, les gouvernements, les partis au sein de nos États membres. Le problème de fond est de savoir comment informer les citoyens des États membres sur l'adhésion des États de l'Europe de l'Est, comment les convaincre et les gagner à cette adhésion. Telle est la tâche décisive qu'il nous faut accomplir. À cet égard, toutefois, nous souffrons tous d'un déficit. On ne peut y parvenir qu'en faisant régulièrement comprendre aux gens que l'ampleur de la tâche est liée à l'ampleur des possibilités qui s'offrent à nous tous en Europe. Voilà ce que nous devons faire comprendre. À cette fin, vous devez, Monsieur le Président de la Commission, Monsieur le Commissaire, et nous devons tous, nous aussi, sortir de nos tanières bureaucratiques faites de détails et de réserves. Élevons ce que nous faisons à la hauteur historique que cela mérite !
La génération des politiciens des années 1950 - Adenauer, Monnet, Schuman et autres -, ont eu le courage et la clairvoyance de dissiper l'antagonisme séculaire entre l'Allemagne et la France dans une Communauté européenne et d'entamer, à l'Ouest, l'unification des peuples d'Europe.
Notre génération politique, Mesdames et Messieurs, la vôtre et la mienne, a la chance, pour la première fois depuis des milliers d'années, de rassembler, sur une base volontaire, pacifique et démocratique, tous les peuples d'Europe en une Communauté. Nous ne pouvons laisser galvauder cette chance et nous ne pouvons la laisser passer.
(Applaudissements)
Cox (ELDR). - (EN) Madame la Présidente, la journée d'aujourd'hui nous offre une occasion précieuse de procéder à des rectifications et de faire un important pas en avant dans ce débat. Je suis extrêmement heureux de constater la présence parmi nous du président de la Commission et j'espère que M. Prodi, en cette qualité, fera régulièrement valoir de cette manière sa position de dirigeant sur des questions telles que l'élargissement. Aussi, le discours qu'il a prononcé aujourd'hui me réjouit tout particulièrement.
J'accepte l'explication du commissaire Verheugen lorsqu'il dit qu'il s'exprimait dans un contexte allemand et à titre personnel. Toutefois, en sa qualité de commissaire en charge de l'élargissement, il ne peut s'offrir le luxe de s'exprimer à titre personnel. Le principal danger auquel nous nous exposons en tenant des propos contradictoires, ou peut-être mal formulés ou fondés sur un jugement erroné, c'est celui de faire passer un message inexact. Et, au vu de l'accueil et des commentaires qu'a suscités cet entretien, c'est clairement ce qui s'est passé dans ce cas-ci.
J'accepte son explication pour ce qui est du problème du référendum. Toutefois, la thèse sous-jacente est correcte. Nous devons avoir le public avec nous, et si c'est là l'idée qu'essayait d'exprimer le commissaire, je la trouve valable.
En ce qui concerne le fait que des États membres laisseraient le sale boulot à la Commission, j'espère que ce sale boulot n'implique pas l'élargissement. Je suis sûr que ce n'est pas ce que cette remarque insinuait.
(Applaudissements)
Monsieur le Commissaire, si vous vouliez dire que certains dirigeants de nos gouvernements se plaisent à sillonner l'Europe centrale pour annoncer que l'élargissement est en cours mais qu'ils s'en remettent ensuite à la Commission pour les détails, vous devriez alors nous le dire sans détours. Nous vous soutiendrons au moment de votre confrontation avec le Conseil à ce sujet.
(Applaudissements)
Je voudrais, en toute justice, que le commissaire retire ses remarques sur ce Parlement européen qui ne serait capable d'être unanime que dans son opposition à la Commission. Une telle remarque est injustifiable. La relation du commissaire avec notre Parlement et ses commissions a toujours été constructive et positive : elle doit le rester. De telles atteintes à notre relation interinstitutionnelle sont intolérables.
(Applaudissements)
Hautala (Verts/ALE). - (FI) Madame la Présidente, je remercie le président de la Commission et M. le Commissaire Verheugen d’avoir accepté de participer à ce débat avec nous. C’est pour nous une excellente occasion d’engager une discussion franche et sérieuse sur l’élargissement et nous pouvons aussi réfléchir ensemble à la manière de faire participer les citoyens à ce débat. C’est là une chose on ne peut plus importante.
Je comprends qu’au sein de la Commission on puisse être un peu embarrassé de l’attitude dont témoigne parfois le Conseil en ce qui concerne l’adhésion. Le Conseil n’a pas été capable de présenter des plans concrets pour l’élargissement et sur ce point, il faudrait réellement qu’il resserre les rangs. Il n’est pas bon non plus que les chefs d’État se rendent dans les pays candidats et leur fassent des promesses en l’air comme quoi ils pourront devenir membres d’ici peu. Ce n’est pas une manière sérieuse de faire progresser l’élargissement. Bien entendu, on peut restaurer la confiance des citoyens, mais cela implique avant tout que tout le processus d’ensemble des négociations soit plus transparent. Les parlements doivent eux aussi prendre part à ce débat, ce qui fournit une excellente occasion de rappeler que nous menons ce débat régulièrement ici aussi au Parlement européen.
Et qu’en est-il de l’idée d’organiser des référendums sur le résultat final de l’élargissement ? Ce n’est sans doute pas le moment de réfléchir à cette question, parce que, c’est vrai, nous devons avoir le courage de dire aux gens que cela fait déjà huit ans que les pays candidats actuels ont été invités à adhérer à l’Union européenne. Cela fait huit ans, mais j’espère que nous oserons dire aux citoyens que ce processus est déjà bien avancé et qu’il est irréversible. En soi, le référendum est un excellent moyen d’impliquer les citoyens dans les décisions. Je tiens à remercier M. le Commissaire Verheugen d’avoir eu le courage de prononcer le mot de "référendum". Même en Allemagne, il faudrait à mon avis essayer d’oublier le passé et ne plus considérer les référendums comme potentiellement dangereux.
Venons-en maintenant au travail d’élaboration de la charte des droits fondamentaux. Une charte des droits fondamentaux est en cours de préparation, mais a-t-on seulement prévu une seule réelle possibilité pour les citoyens d’avoir part à ce travail ? Pourquoi n’avons-nous pas engagé un débat sur la possibilité d’organiser des référendums au niveau européen ou par exemple sur le droit d’initiative citoyenne, droit dont jouissent par exemple automatiquement les citoyens suisses ? Personnellement, je peux comprendre que les Suisses ne veuillent pas adhérer à l’Union européenne tant qu’on ne leur garantira pas les mêmes droits fondamentaux quand ils seront citoyens de l’Union européenne. Voilà la tâche à laquelle nous pouvons nous atteler ensemble pour mettre en place une vraie Europe des citoyens. C’est là la meilleure manière de dissiper les craintes inutiles, parce que les gens seront obligés de se mettre au courant eux-mêmes, de discuter, de rechercher des informations. Bref, sur un plan général, les droits directs des citoyens sont indispensables, mais dans le cas présent, on ne peut certainement pas commencer à voter sur l’élargissement.
Brie (GUE/NGL). - (DE) Madame la Présidente, les opinions divergent au sein de mon groupe au sujet de l'élargissement prévu. Pour ma part, je le tiens pour une nécessité historique et une chance qui ne peut être mise en péril ni par la légèreté des procédures non démocratiques et un petit esprit bureaucratique ou national, ni par le mépris du monde politique vis-à-vis de la société.
Monsieur le Commissaire, je n'ai pas le moindre doute sur votre engagement personnel en faveur de l'élargissement. Mais quand vous nous dites aujourd'hui que nous avons tous, tout simplement, mal lu votre interview et que je découvre ensuite que vous déclarez dans l'édition de ce matin du quotidien "die Zeit" qu'il s'agissait de votre flop annuel, je me pose naturellement la question de savoir de quoi nous parlons en ce moment.
(Applaudissements)
Je vous prierais une fois encore de nous l'expliquer dans cette enceinte. En juillet, vous avez émis, en commission compétente, des allusions très obscures quant aux difficultés. Même sur demande, vous n'étiez pas prêt, à l'époque, à les concrétiser. Vous avez tout à fait raison de dire que la population doit être impliquée dans les processus de décision. Mais cela signifie bien entendu aussi que les députés élus démocratiquement doivent avoir cette possibilité. Je pense qu'il faut en finir avec les excès de diplomatie secrète dont font preuve le Conseil et la Commission à l'égard du Parlement.
Il y a un deuxième problème : je partage sans réserve votre opinion pour dire que les décisions existentielles ne peuvent être prises par les gouvernements en passant au-dessus des citoyens, comme cela a été le cas - je suis d'accord avec vous - dans le cas de l'euro. Mais un référendum allemand ne peut en aucun cas décider du sort de l'élargissement. Pour moi, c'est indélicat et inacceptable. À part cela, vous bénéficierez toujours d'un soutien adéquat de notre part si vous êtes sérieux quant à la participation citoyenne. Cependant, je me rappelle qu'à l'époque du traité de Maastricht, vous aussi aviez rejeté le principe d'un référendum sur la question en Allemagne.
Troisièmement - et c'est l'essentiel -, pour gagner les populations à l'élargissement et à l'adhésion, il faut prendre très au sérieux leurs soucis et leurs espoirs. À mon sens, cela ne se fera pas au premier chef en injectant 150 millions d'euros dans une campagne de relations publiques mais bien par une orientation de cet élargissement vers la démocratie, le social et l'emploi. Jusqu'à présent, on sent trop peu une telle orientation, ni dans le débat sur la Charte des droits fondamentaux, ni dans la réforme de l'Union, ni dans les négociations d'adhésion.
Monsieur le Commissaire, notre demande primordiale est que vous contribuiez, par votre compétence que l'on reconnaît comme étant grande, à ce que l'élargissement à l'Est devienne un projet de sécurité commune, un projet de solidarité sociale, un projet qui puisse être décidé et élaboré de concert avec les citoyens. Vous nous trouverez alors tous à vos côtés.
Muscardini (UEN). - (IT) Madame la Présidente, le président Prodi a dit : "L'opinion publique n'est pas suffisamment convaincue", et d'autres collègues ont repris cette phrase. C'est peut-être là le véritable problème : l'opinion publique n'est pas suffisamment convaincue parce que l'Europe s'occupe trop de sujets particuliers qui concernent les États membres et pas assez des grandes questions telles que l'emploi, l'immigration, les droits de l'homme, la révision des règles financières mondiales, la bulle financière, les relations avec les États-Unis, la capacité de l'Europe à avoir une économie forte, un poids spécifique.
Les citoyens européens ont peur, nous devons nous en rendre compte ! Pour cette raison, si on veut que l'élargissement soit le bien final des citoyens membres actuels et de ceux qui le deviendront, nous devons commencer à les impliquer dans les processus politiques et institutionnels et ce, Monsieur Prodi, non sans conditions, comme vous l'avez dit dans votre intervention, parce qu'il existe une condition : celle que l'élargissement constitue un bienfait réel pour les ressortissants actuels de l'Union et pour ceux qui, nous l'espérons, le deviendront le plus vite possible.
Dell'Alba (TDI). - (IT) Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, ce n'est certainement pas du côté des radicaux italiens que s'élèvera la critique contre la proposition d'organiser un référendum sur un sujet très important. D'accord, cela a été un faux pas, une erreur qui a mis la Commission et toute l'Union européenne en difficulté face aux aspirations légitimes des peuples d'Europe orientale qui, après cinquante ans de dictature communiste, ont désormais le droit, avec notre complicité je crois, de faire partie de notre Union.
Je m'adresserai donc aux collègues pour leur demander de faire leur examen de conscience. Je le demande à la Commission, mais aussi au Parlement : comment nous rendrons-nous aux sommets de Biarritz et de Nice, à l'ordre du jour desquels figurent des points aussi importants sur lesquels il ne se passe absolument rien ? Rien sur les réformes institutionnelles, rien surtout sur cet engagement que nous avons pris ces dernières années pour garantir la réussite de l'élargissement aux pays d'Europe méridionale. Je pense aux paquets Delors I et Delors II. Ensuite, nous entendons procéder à cet élargissement sans dépenser le moindre sous en dehors de ceux prévus dans le budget, budget déjà insuffisant pour les Quinze. Ce sont de graves problèmes, et votre intervention, Monsieur le Commissaire, a suscité le trouble. Je souhaite que l'on se remettra en route sur ces déclarations, mais les vraies questions restent ouvertes : quelles réformes, quels moyens financiers utiliser pour réussir l'élargissement vers l'est ?
Van Orden (PPE-DE). - (EN) Madame la Présidente, j'avais cru comprendre que M. Verheugen allait nous fournir une explication exhaustive de l'interview qu'il a accordée à la Süddeutsche Zeitung. L'un des points importants qu'il a soulignés était qu'à son sens, l'introduction de l'euro aurait dû être soumise à un référendum en Allemagne. Ma foi, il n'est pas trop tard. Est-il toujours d'avis que l'opinion publique allemande devrait être consultée sur la question de l'euro et quel serait, selon lui, le résultat d'une telle consultation ?
Verheugen,Commission. - (DE) Madame la Présidente, je voudrais tout d'abord répondre à quelques questions qui m'ont été concrètement posées. Tout d'abord, celles posées par MM. Poettering et Cox, que je remercie pour l'honnêteté de leurs interventions. Je prends volontiers acte du fait que vous livrez une analyse différente de celle que j'ai très brièvement entreprise du jeu de rôle entre le Parlement et la Commission. Je dois également admettre qu'elle est tout à fait exacte pour ce qui est de mon propre domaine d'expérience. J'ai été prié de retirer cette appréciation ; je le fais volontiers...
(Applaudissements)
…car cette discussion a montré que j'étais manifestement dans l'erreur sur ce point et je n'ai guère de peine à le concéder.
Je me tourne à nouveau vers M. Cox : vous avez achoppé sur un terme allemand bien précis que j'ai utilisé et qu'on traduit en anglais par dirty work (sale travail). Je voudrais juste expliquer que, dans la partie de l'Allemagne d'où je proviens, ce mot ne signifie rien d'autre en anglais que painful and hard work (travail douloureux et pénible). Je n'ai rien voulu dire d'autre...
(Interjections dans l'hémicycle)
…et l'interprétation que vous en avez faite me semble en tout cas très, très proche de cela.
Il n'est pas nécessaire que nous reprenions une fois encore les débats sur le processus décisionnel d'introduction de l'euro en Allemagne. À l'époque, j'étais président de la Commission temporaire du Bundestag qui a préparé la ratification de l'euro en Allemagne. Ce processus était déjà conclu à la fin de 1993. Il n'y a plus de décision à prendre ; le problème est réglé. On a débattu à l'époque de l'implication insuffisante de la population. Chacun de mes collègues allemands pourra le confirmer et je l'ai rappelé une fois de plus dans l'interview.
De plus, je voudrais constater pour conclure que ce débat a montré, à mon sens, qu'il y avait tout d'abord un accord aussi important que large entre la Commission et le Parlement sur le caractère nécessaire, important et irréversible de l'élargissement et qu'ensuite, il y avait également un accord important sur le fait que nous entendions travailler ensemble à gagner les citoyens d'Europe à ce projet historique.
(Applaudissements)
La Présidente. - Merci, Monsieur le Commissaire Verheugen. S'il n'y a pas d'autres interventions, ce débat est terminé, nous reprenons le débat sur le clonage humain. Je remercie le commissaire Verheugen et je salue le retour du commissaire Busquin.