Le Président. - L'ordre du jour appelle en discussion commune les propositions de résolution suivantes :
- B5-0708/2000 de Mme McNally et autres, au nom du groupe du parti des socialistes européens, sur la centrale nucléaire tchèque à Temelin ;
- B5-0723/2000 de MM. Flemming et Chichester, au nom du groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et démocrates européens, sur le réacteur de Temelin ;
- B5-0732/2000 de M. Echerer et autres, au nom du groupe des Verts/Alliance libre européenne, sur la centrale nucléaire de Temelin ;
- B5-0745/2000 de MM. Papayannakis et Sjöstedt, au nom du groupe confédéral de la gauche unitaire européenne/gauche verte nordique, sur la centrale nucléaire de Temelin.
Adam (PSE). - (EN) Monsieur le Président, je prends la parole au nom de Mme McNally qui a dû retourner au Royaume-Uni cet après-midi. L'Union européenne, appuyée par notre Assemblée, a déjà beaucoup fait pour améliorer la sécurité technique et opérationnelle des réacteurs nucléaires de type soviétique et pour créer des régulateurs indépendants. Si j'ai bien compris, l'intervention prévue à Temelin a déjà été effectuée en Finlande, et des travaux de mise à niveau similaires sont en cours à Kozloduy en Bulgarie avec le soutien d'un prêt Euratom.
J'aimerais obtenir, dans la mesure du possible, confirmation par la Commission que le travail effectué à Temelin suit les recommandations de douze inspections réalisées par l'Agence internationale de l'énergie atomique et qu'il répondra à des normes de sécurité équivalentes à celles en vigueur dans les États membres. L'opinion publique européenne veut être assurée, ou rassurée, en la matière. Nous avons entendu de nombreux messages des autorités tchèques cette semaine. Elles déclarent que la grande majorité des actions demandées dans notre résolution ont déjà été effectuées et que le reste en est cours de réalisation. La Commission est-elle en mesure de confirmer ces déclarations cet après-midi ? Si ce n'est pas le cas, est-elle disposée à faire part de toute urgence de son avis sur cette question à la commission de l'industrie, du commerce extérieur, de la recherche et de l'énergie ?
Flemming (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, de nombreux pays de l'Union européenne ont des relations très amicales et même familiales avec la République tchèque. Mais je pense justement que dans une bonne famille, on peut se dire aussi les choses qui ne vont pas. Les centrales nucléaires de l'Union européenne appliquent les normes de sécurité les plus strictes et tout pays candidat à l'adhésion souhaitant mettre en service une nouvelle centrale nucléaire doit bien entendu respecter ces normes.
Il est vrai que l'évaluation du niveau de sécurité de la centrale de Temelin relève de la compétence de l'autorité de surveillance nucléaire tchèque. Mais il est vrai aussi que la Commission, dans le cadre du partenariat pour l'adhésion de la République tchèque, a établi comme priorité la transposition des dispositions législatives communautaires en matière d'étude d'impact sur l'environnement, notamment à cause du projet de Temelin. Bien que la République tchèque ait signé en 1993 la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière - la convention d'Espoo -, elle ne l'a toujours pas ratifiée à ce jour. Et voici soudain qu'en quelques jours et dans la précipitation, les essais de mise en service de la centrale devraient être effectués à Temelin sans que l'Allemagne et l'Autriche voisines n'aient obtenu les informations demandées et sans que la population très inquiète des pays voisins n'aient eu l'opportunité de donner leur avis et de faire connaître leurs éventuelles objections aux autorités tchèques. C'est pourtant ce que prévoit la convention d'Espoo qui fait partie intégrante du droit communautaire !
J'invite et je dirais même j'exhorte le gouvernement tchèque à prendre au sérieux les craintes de la population dans les pays voisins mais aussi sur son propre territoire. Les réacteurs de Temelin sont bel et bien des réacteurs de conception soviétique du type VVER1000 et Westinghouse ne pourra rien changer à cela. Rappelez-vous donc Tchernobyl, s'il vous plaît !
J'insiste à nouveau auprès du gouvernement tchèque pour qu'il agisse dès à présent spontanément comme si la République tchèque était déjà membre de l'Union européenne, c'est-à-dire, membre de notre grande famille européenne.
Echerer (Verts/ALE). - (DE) Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de remercier tous mes collègues pour leur coopération constructive qui a permis d'aboutir à cette proposition de résolution commune.
La réalisation d'EIE a tout simplement été omise dans 13 procédures de modification de projet. Mme Flemming vient de nous le rappeler, la convention d'Espoo est depuis longtemps signée. Au début de cette année, elle aurait dû être ratifiée par le parlement tchèque et progressivement mise en œuvre. Cela a été reporté sine die sans aucune justification.
Les inquiétudes exprimées constamment par l'opinion publique et la presse, mais aussi en privé, au sujet de la sécurité de la centrale ne sont cependant pas vraiment prises au sérieux. Lors de la dernière rencontre bilatérale des experts tchèques, autrichiens et allemands des 2 et 5 septembre de cette année, il a été à nouveau constaté que la centrale de Temelin ne satisfaisait pas aux normes de sécurité allemandes et que l'autorisation d'exploitation serait refusée en Allemagne.
Quatrième élément, l'électricité produite par la centrale de Temelin n'est pas destinée à couvrir les besoins nationaux mais à être exportée, qui plus est à des prix relevant du dumping.
Cinquièmement, la sécurité des citoyens européens et notre responsabilité vis-à-vis de ces derniers devraient constituer des motifs largement suffisants pour intervenir.
La Commission dit que nous n'avons pas de possibilités juridiques d'intervenir ici. Cela fait longtemps qu'elle le sait. La Commission espère-t-elle que quelqu'un va sortir une solution juridique d'un chapeau par un coup de baguette magique ? Soyons raisonnables ! La position des Verts est, comme vous le savez tous, que sécurité et centrale nucléaire sont deux concepts incompatibles. Nous nous retrouvons maintenant en Europe avec des centrales nucléaires orientales et des centrales nucléaires occidentales. Il y a ici aussi une morale équivoque qui doit disparaître. La Commission doit comprendre que les mesures juridiques ne permettent à elles seules pas de régler tous les problèmes.
J'attends donc de la Commission et du Conseil qu'ils montrent une volonté politique commune aussi forte que celle affichée par le Parlement européen dans cette proposition de résolution.
Si vous le permettez, je voudrais revenir sur un amendement déposé par le Groupe technique de députés indépendants qui n'a aucun sens, qui ne contient aucune nouvelle exigence et n'est rien d'autre qu'une manœuvre déguisée pour lier ce vote à d'autres éléments. Je ne peux approuver cette politique. Vouloir grossir de manière populiste la défaillance ou le désintérêt de la politique avec une menace de veto n'est pas productif et n'offre par une base de négociation constructive.
La sécurité des citoyens européens et, partant, la confiance dans la Communauté doivent être pour nous une priorité absolue. Notre proposition de résolution est extrêmement importante pour la population européenne mais aussi et surtout pour l'opinion publique tchèque et j'espère que nous ne les décevrons pas.
Chichester (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, cette question ne devrait même pas faire l'objet d'une discussion d'urgence. Je regrette le cynisme avec lequel les Verts ont récupéré cette situation et fait des assertions inexactes à ce sujet. L'ingérence dans les affaires intérieures d'un pays candidat en brandissant la menace d'un veto à son adhésion à l'UE est absolument inacceptable. C'est du chantage politique. Je regrette que le peuple autrichien se soit laissé gouverner par ses émotions, et pas par un argument scientifique rationnel. Les Tchèques donnent tous les signes d'un comportement responsable et correct, dans le respect des normes en vigueur au niveau international. Nous devrions les laisser faire. Comme l'a demandé mon groupe politique, j'ai signé la proposition commune, mais je compte bien voter contre la résolution.
Scheele (PSE). - (DE) Monsieur le Président, en tant que troisième intervenante autrichienne dans ce débat, je craignais de ne plus rien avoir à ajouter. Mais après l'intervention de M. Chichester, je crois qu'il est utile de rappeler qu'il importe de prendre au sérieux les exigences et les inquiétudes de la population européenne et autrichienne dans la question de l'énergie nucléaire et plus particulièrement dans la question de la centrale nucléaire de Temelin. Mon groupe parlementaire soutient la présente résolution pour des raisons de principe, parce que nous voulons prendre au sérieux les inquiétudes de la population et parce que cela fait longtemps que beaucoup d'entre nous se battent activement contre l'énergie nucléaire, à l'Est comme à l'Ouest.
En ce qui me concerne, la lutte politique menée en Autriche contre la centrale nucléaire de Zwentendorf m'a marquée pour longtemps et je n'ai donc pas eu besoin de la force de persuasion des conservateurs, comme j'ai pu l'apprendre avec amusement et étonnement ces derniers jours dans les médias autrichiens.
Comme ma collègue Echerer, je suis moi aussi opposée à l'unique amendement, formulé de manière très confuse, parce que je crois que l'expression "niveau élevé" ne veut rien dire, la République tchèque étant évidemment elle aussi consciente de la nécessité d'un haut niveau de sécurité. Je soutiens donc totalement la présente proposition de résolution mais voterai contre la proposition d'amendement.
Olsson (ELDR). - (SV) Monsieur le Président, je reconnais volontiers devant les membres de cette Assemblée que je me sens un peu partagé sur cette question. D'une part, je suis de longue date un opposant à l'énergie nucléaire, et depuis de nombreuses années membre de la direction de l'inspection suédoise des centrales nucléaires, d'autre part je suis président de la délégation à la commission parlementaire mixte UE-Tchéquie.
Je dirai donc brièvement trois choses. Tout d'abord : l'inquiétude que suscite l'énergie nucléaire justifie qu'on l'entoure non seulement de bonnes mesures de sécurité, mais, au cas par cas, de la plus grande sécurité possible. D'autre part, les règles applicables à la République tchèque sont naturellement les mêmes que celles qui sont en vigueur pour les autres pays candidats, et à terme il s'agira des mêmes règles que celles applicables aux États membres. Troisièmement, cette résolution doit être considérée comme faisant partie du dialogue ouvert que nous menons avec la République tchèque, dialogue mené au sein de la commission parlementaire mixte, mais qui devrait aussi se prolonger dans nos parlements respectifs.
Nous devons élargir ce débat, qui fait partie du fonctionnement de notre démocratie. Cependant, cela ne doit pas conduire à durcir les sentiments entre la République tchèque et les États membres de l'UE. J'espère que les Tchèques pourront répondre positivement à toutes nos questions, et que cette affaire s'acheminera ainsi vers une conclusion heureuse.
Raschhofer (NI). - (DE) Monsieur le Président, chers collègues, après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, on aurait pu penser que nous aurions tiré les leçons qui s'imposent. À l'époque, le rayonnement radioactif ne s'est ni limité à l'Ukraine ni limité à un problème bilatéral. Je sais qu'au sein de l'Union européenne, il y a des partisans et des opposants à l'énergie nucléaire et qu'il n'y a pas unanimité sur la question. Mais le plus grave est l'absence de normes de sécurité uniformes pour les centrales nucléaires. Il est urgent de remédier à cela si nous voulons rester crédibles.
Après les expériences de Tchernobyl, je me demande comment il est possible qu'au cœur de l'Europe, à Temelin, une centrale nucléaire présentant encore des lacunes considérables en termes de sécurité puisse être mise en service. Avec l'activation de la centrale de Temelin, la République tchèque tente de nous mettre devant le fait accompli. Sauf votre respect, cette manière d'agir n'a rien d'une attitude de partenaire. Edmund Stoiber l'a d'ailleurs clairement dit aujourd'hui : il importe de respecter l'ordre intérieur.
Ce mardi, une résolution a été adoptée au parlement autrichien par tous les partis et j'insiste sur le "tous". Cette résolution dit clairement que la conclusion des négociations d'adhésion ne pourra être approuvée que dans la mesure où des améliorations seront apportées à la centrale de Temelin. Je voudrais dire clairement que nous sommes favorables à l'adhésion de la République tchèque pour autant que les conditions soient satisfaites. Je vous invite à soutenir notre proposition de résolution dont le contenu est en tous points identique à la résolution adoptée par les quatre partis présents au parlement autrichien. Notre objectif à tous doit être de garantir des normes de sécurité maximales dans les centrales nucléaires.
Linkohr (PSE). - (DE) Monsieur le Président, je voterai moi aussi pour cette résolution que j'estime sensée. Si elle peut contribuer à calmer le jeu entre les deux parties, ce serait déjà un succès. Je regrette que la République tchèque ne puisse ici se défendre et exposer sa position car, dans une affaire aussi complexe, il est toujours bon que les deux parties soient entendues.
Très franchement, je voudrais également dire que je n'approuve pas cette sorte d'ultimatum posé par le gouvernement autrichien et notre Parlement. Cela ne correspond pas à nos habitudes au sein de l'Union européenne. Il est clair qu'il y a un problème, mais si nous commençons à lancer des ultimatums, d'autres pourront demain exiger que l'adhésion de la République tchèque soit soumise au retrait du décret Benesch. Puis ce sera au tour d'un autre groupe de présenter l'une ou l'autre nouvelle exigence. Il faut être prudent avec ce genre d'ultimatums. Il y a d'autres moyens de résoudre ces problèmes. Cela dit, je voudrais moi aussi insister auprès des autorités tchèques pour qu'elles prennent au sérieux les inquiétudes exprimées en particulier par la société allemande au sujet de la sécurité des réacteurs.
Ma dernière remarque s'adresse à la Commission. Il est constamment fait référence aux études d'impact sur l'environnement et c'est très bien. Mais nous avons aussi le traité Euratom qui, en son article 97, précise que la Commission doit être informée de tout projet de rejet d'effluents radioactifs. La Commission doit également rendre un avis en cas de contamination potentielle des eaux, du sol et de l'atmosphère d'un autre État membre.
Je sais que la République tchèque n'est pas encore membre de l'Union européenne, mais j'aimerais entendre l'avis de la Commission sur cet article et savoir si elle pense que la République tchèque en a respecté les dispositions. Comme Gordon Adam l'a déjà demandé, il serait également intéressant de connaître son avis sur les études d'impact sur l'environnement.
Flemming (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, je voudrais apporter une correction aux propos de M. Linkohr. Je lui remettrai bien volontiers le texte de la résolution adoptée par le parlement autrichien. Ce texte ne contient pas le moindre ultimatum ni le moindre chantage et j'ai également dit clairement que nous ne pouvons pas et ne voulons pas utiliser la contrainte. Nous enjoignons simplement le gouvernement tchèque à se comporter comme l'impose le droit européen en vigueur et à respecter les termes de la convention d'Espoo même si elle ne l'a pas encore ratifiée.
Nielson,Commission. - (EN) La Commission a suivi de très près le débat politique sur la centrale nucléaire de Temelin. Elle n'a pas cessé d'insister sur l'importance pour les pays candidats d'adhérer au niveau élevé de sécurité nucléaire tel que défini dans les résolutions pertinentes du Conseil. La Commission participe activement aux délibérations du Conseil visant à établir et à garantir un niveau de sécurité élevé dans les pays candidats. Il s'agit d'une condition sine qua non à l'adhésion à l'Union européenne.
La responsabilité d'accorder la licence aux installations nucléaires incombe à l'autorité de réglementation nucléaire tchèque. La Commission coopère avec les autorités tchèques afin de renforcer le poids de cette autorité de réglementation. Le gouvernement tchèque a assuré qu'il n'octroierait pas la licence à l'unité I de la centrale nucléaire de Temelin avant que tous les problèmes encore en suspens n'aient été réglés de manière satisfaisante pour l'autorité de réglementation nucléaire.
En vertu de la législation tchèque actuelle, une étude d'impact environnemental doit être effectuée avant l'octroi de la licence d'exploitation. La Commission attend des autorités tchèques qu'elles respectent cette disposition. M. Adam demande si les autorités tchèques ont tenu compte des inspections et des remarques exprimées par l'AIEA. La réponse est "oui". L'AIEA a contrôlé les modifications apportées par les Tchèques aux systèmes de sécurité en fonction des programmes de l'AIEA. L'AIEA a conclu que les problèmes ont été correctement traités par les Tchèques.
Ce sont les informations dont je dispose sur cette question.