Le Président. -L'ordre du jour appelle le débat sur les six propositions de résolution sur le Cambodge suivantes :
- B5-0170/2003, des députés Corbett et Swoboda, au nom du groupe PSE, sur la préparation des élections législatives au Cambodge ;
- B5-0174/2003, des députées McKenna et Isler Béguin, au nom du groupe Verts/ALE, sur la situation au Cambodge à la veille des élections législatives du 27 juillet 2003 ;
- B5-0176/2003, de M. Belder, au nom du groupe EDD, sur la situation au Cambodge à la veille des élections législatives du 27 juillet 2003 ;
- B5-0177/2003, des députés Vatanen et autres, au nom du groupe PPE-DE, sur la situation au Cambodge à la veille des élections législatives du 27 juillet 2003 ;
- B5-0180/2003, de M. Vinci, au nom du groupe GUE/NGL, sur la situation au Cambodge ;
- B5-0186/2003, de M. Maaten, au nom du groupe ELDR, sur la situation au Cambodge à la veille des élections législatives.
Gill (PSE). - (EN) Monsieur le Président, je me félicite de cette résolution qui met en lumière le déclin de la situation politique au Cambodge. La situation doit être rectifiée avant que le pays n'organise ses élections législatives en juillet.
Bien qu'en tant que démocrates nous voyions ces élections d'un bon œil, celles-ci seront dénuées de sens si les activistes politiques continuent d'être intimidés et harcelés. Les rapports qui indiquent que le processus d'inscription sur les listes électorales est injuste et antidémocratique sont très inquiétants et doivent s'accompagner d'une véritable action.
Dans notre résolution, nous prions instamment les autorités cambodgiennes d'organiser des élections libres et équitables et de respecter, entre autres, la liberté d'expression, la liberté des médias et la liberté religieuse. Mais, en réalité, nous devons davantage nous employer à exercer des pressions sur les autorités afin qu'elles procèdent à ces changements. L'Union européenne doit collaborer avec l'ONU et d'autres organisations internationales sur le terrain afin de surveiller les événements et d'essayer de trouver des solutions avant que le pays ne perde tout espoir de voir s'organiser des élections libres et démocratiques.
À l'heure qu'il est, la liberté d'expression est foulée aux pieds par les autorités cambodgiennes. Les débordements de violence qui se sont produits à Phnom Penh ont fait suite aux commentaires d'une actrice thaïlandaise, laquelle a déclaré qu'Angkor Vat devrait être restitué à la Thaïlande. Ceci doit être condamné. Pour l'heure, la solution adoptée par les autorités pour faire face aux actes de violence perpétrés à Phnom Penh a été d'arrêter les journalistes qui ont révélé la nouvelle et de fermer les frontières avec leur voisin thaïlandais. Par ailleurs, la seule station de radio indépendante du Cambodge a été fermée pour incitation à l'émeute. Le gouvernement cambodgien a réagi au sentiment antithaïlandais de sa population en expulsant des centaines de Thaïlandais du pays. Il faut rapidement mettre un terme à de telles atteintes à la liberté et manifestations évidentes de xénophobie.
Je recommande cette résolution et demande à l'Union européenne dans son ensemble de rester vigilante à propos de la situation au Cambodge, et de faire tout ce qui est en son pouvoir pour garantir la tenue d'élections démocratiques en été.
PRÉSIDENCE DE M. IMBENI Vice-président
Isler Béguin (Verts/ALE). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, comment ne pas déplorer qu'à l'occasion de cette nouvelle résolution sur un pays du Sud-Est asiatique, une fois encore, ce sont des manquements graves et croissants en matière de démocratie et de droits de l'homme que notre Parlement doit condamner.
Le Cambodge, malgré les perspectives prometteuses qu'on aurait pu lui prédire à une certaine époque, se verrouille dangereusement sous l'influence d'une junte autoritaire, similaire à celles de ses voisins laotiens et birmans. Si le ferment démocratique désamorce les guerres, la juxtaposition de régimes despotiques entretient ici une dangereuse menace dans toute cette sous-région asiatique. Comment interpréter autrement la crise ouverte entre le Cambodge et la Thaïlande, qui s'est traduite par le saccage de l'ambassade et des biens thaïlandais sur le sol cambodgien et la fermeture des frontières terrestres entre ces deux pays ? Ce conflit frontalier est à l'image de ce qui se passe au quotidien au sein de la société cambodgienne, une mosaïque d'ethnies et de pluralités culturelles et religieuses, durement et volontairement fragilisée par le dirigeant putschiste Hun Sen : violences d'État et persécutions en tous genres qui ont culminé récemment avec l'assassinat de M. Om Radsady, conseiller du président de l'assemblée nationale, en pleine rue.
L'Europe doit exercer ses nombreux recours pour stabiliser ce pays et, au-delà, l'ensemble de cette région, et particulièrement au moment des élections. Souvenons-nous ici que le Cambodge est le premier bénéficiaire des aides dans cette région.
Belder (EDD). - (NL) Tant la situation intérieure au Cambodge que les relations du pays avec ses voisins nécessitent notre attention. Des tensions perpétuelles avec la Thaïlande et une atmosphère d'intimidation politique caractérisent la période précédant les élections législatives du 27 juillet prochain. C'est pourquoi le présent projet de résolution est opportun.
La situation religieuse au Cambodge suscite également l'inquiétude. C'est étonnant car jusqu'à présent, en matière de liberté religieuse, le pays se différencie de manière positive de ses voisins, le Laos et le Viêt Nam. Toutefois, les Églises chrétiennes sont inquiètes. En effet, les conflits entre bouddhistes et chrétiens s'intensifient encore et encore. En outre, les nouvelles directives du ministère du culte risquent de porter gravement atteinte à la liberté des chrétiens dans l'expression de leur foi en public, dans leur enseignement ou pour bâtir de nouvelles églises. La résolution demande l'abrogation immédiate de ces directives au gouvernement cambodgien. Et j'espère de tout cœur que le Conseil et la Commission soutiendront cette requête.
Une autre requête de la résolution aux autorités cambodgiennes peut aussi emporter mon approbation. Celles-ci se doivent de prendre toutes les mesures nécessaires afin de mettre un terme à la maltraitance des enfants. Malheureusement, ce problème ainsi que celui de la traite des femmes est un problème croissant au Cambodge. Les initiés insistent sur le fait que les autorités nationales sont en mesure de faire plus pour solutionner ce problème. Les États-Unis partagent également cet avis. Leur ambassadeur a récemment mis les autorités cambodgiennes en garde : moins d'aide en cas de négligence. En cette période d'éloignement transatlantique, Bruxelles et Washington devraient faire bloc.
Posselt (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, notre Parlement s'occupe intensivement du Cambodge depuis l'époque de Pol Pot, communiste d'un autre âge qui fut docteur en philosophie de la Sorbonne. Depuis lors, nous nous sommes engagés en faveur de la liberté du peuple cambodgien, y compris par rapport à l'occupation vietnamienne qui a suivi les Khmers rouges ; dans la prise de position vis-à-vis du régime instauré par les Khmers rouges aussi, nous avons toujours soutenu les droits de l'homme au profit des Cambodgiens, qui se trouvaient alors dans une situation apparemment désespérée.
Nous l'avons fait en collaboration étroite avec un grand vieil homme de la démocratie cambodgienne, Son San, qui est souvent venu en ce Parlement. Il est donc d'autant plus préoccupant que, après les signes d'espoir, après les élections municipales de l'année passée, la situation se soit considérablement détériorée. Les élections municipales de l'année dernière avaient donné une base pour, du moins dans les grandes lignes, inscrire les approches d'un développement démocratique qui ne peut que croître depuis le bas - les communes. Et ce développement s'accroît dans de nombreuses communes, ce qui est réjouissant.
Il est donc d'autant plus déplorable que la répression qui vient du pouvoir central, du gouvernement, augmente en ce moment. Cela tient à la crainte du régime devant les tentatives démocratiques, devant l'opposition, cela tient à l'instabilité qui repose sur la situation non éclaircie au sein de la maison royale quant à la succession au trône, cela tient aux nombreux conflits ethniques et religieux, à propos desquels je dois signaler à M. Belder qu'il ne s'agit pas seulement de conflits entre chrétiens et bouddhistes, mais que les croyants bouddhistes et chrétiens sont également persécutés, et nous devons nous engager pour les uns et les autres.
Pour cette raison, je voudrais dire ceci très clairement : notre accord de coopération avec le Cambodge était une bonne démarche, mais c'était un crédit de confiance, et ce crédit de confiance ne se justifie que si le développement introduit par les Nations unies, l'État de droit et la démocratisation qui en est à ses débuts se poursuivent sans entrave. Toutefois, si les élections du 27 juillet deviennent l'occasion de menacer la vie des leaders de l'opposition, d'intimider les communautés religieuses et les minorités ethniques, c'est une évolution qui promet hélas un retour en arrière effrayant, et nous ne pouvons pas l'accepter.
Donc, nous disons oui à la coopération et au soutien d'une démocratisation qui commence. Mais nous devons aussi dire clairement à nos partenaires cambodgiens que s'ils remettent la démocratie en jeu, ils remettent aussi en jeu la coopération avec l'Union européenne.
(Applaudissements)
Maaten (ELDR). - (NL) Monsieur le Président, je me réjouis fortement des progrès réalisés en matière de coopération économique avec le Cambodge et d'autres pays asiatiques et je suis par ailleurs partisan de l'apport d'un soutien financier de l'Union européenne au Cambodge mais, dans ce cas, à une condition, et j'y reviendrai dans un instant. Je voudrais rappeler que de tous les pays profitant d'une aide financière de l'Union européenne, le Cambodge reçoit le plus de soutien par habitant.
Cependant, je me fais bien du souci pour la situation des droits de l'homme au Cambodge. Nous savons tous que certaines pratiques comme la torture de prisonniers, l'implication de l'armée et de la police dans la traite des femmes et des enfants et les détentions préventives excessives sont de mise. Et je pense ici surtout aux récentes annonces relatives au meurtre de M. Om Radsady, l'ancien président de la commission des affaires étrangères du parlement cambodgien, aux menaces adressées à la princesse Vacheahra, actuelle présidente de ladite commission, et aux infractions continuelles aux droits des partis d'opposition et surtout à celui de M. Sam Rainsy. Mais je pense aussi aux accusations portées à son encontre au sujet de la responsabilité de l'attentat contre l'ambassade de Thaïlande à Phnom Penh.
Monsieur le Président, à la lumière de ces événements, je voudrais insister sur le fait que l'aide fournie par l'Union européenne au Cambodge ne peut être inconditionnelle et que nos représentants à Phnom Penh doivent demander instamment au gouvernement cambodgien de tout mettre en œuvre afin d'améliorer la situation des droits de l'homme dans son pays. Les élections se profilant, l'Union européenne doit demander instamment que des garanties soient données quant à la liberté, l'équité et la démocratie des élections ainsi qu'à la sécurité des différents dirigeants de l'opposition, faute de quoi, l'Union européenne doit immédiatement mettre fin à ses accords de coopération avec le Cambodge. L'Union européenne, qui ne perd pas une occasion de se mobiliser pour améliorer les droits de l'homme et promouvoir la démocratie dans le monde entier, perdrait toute crédibilité en dépensant des montants si astronomiques en aide financière pour un pays qui ne peut garantir ni l'un ni l'autre.
Dupuis (NI). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, je voudrais d'abord remercier la Commission. Je pense que si nous avons évité le pire au cours de ces dernières semaines, c'est grâce à l'action de la Commission, grâce à l'action surtout du commissaire Patten. Il y a quinze jours, j'étais à Phnom Penh. J'y ai eu droit à un savon par les ambassadeurs de l'Union et par le représentant de la Commission qui trouvaient exagérées les préoccupations qu'avec Jules Maaten et d'autres, nous avions eues lorsque M. Sam Rainsy avait dû se réfugier dans l'ambassade américaine. Quelques jours plus tard, la sœur du roi Norodom Sihanouk était menacée de façon très grave par le premier ministre, et deux jours plus tard, M. Om Radsady, que j'avais rencontré avec le Prince Ranariddh, était assassiné.
Je crois que ces événements ont fait réfléchir ultérieurement, je l'espère en tout cas, les représentants de l'Union à Phnom Penh. Il est quand même paradoxal que, de Bruxelles ou de Strasbourg, nous ayons plus la perception des problèmes et des dangers qui menacent un processus démocratique, que ne l'ont des personnes résidant à Phnom Penh. Je crois qu'il faudrait aussi s'interroger sur la masse des projets de coopération que nous gérons et sur la masse financière que cela représente. Je crois que cela a des incidences sur le type de relations que des représentants de nos pays ou de nos institutions peuvent avoir sur place, avec la multiplication des cocktails et des rencontres avec des hautes personnalités du pouvoir local.
La situation reste extrêmement préoccupante. Je crois que notre résolution, et je remercie les collègues, est une bonne résolution ; que la menace d'annulation, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit, d'une menace d'annulation de l'accord de coopération, est extrêmement importante. C'est un signal que peuvent entendre les autorités de Phnom Penh pour mener à bien le processus électoral jusqu'au mois de juillet. Mais je crois que ça ne sera pas suffisant, et en ce qui concerne la mission d'observation électorale, je crois que la balle est à présent dans le camp de notre Parlement. La Commission a fait des propositions pour la nomination d'un chef de cette mission d'observation électorale. Je pense que notre Parlement ne doit plus perdre une seule journée pour répondre à l'invitation de la Commission et désigner le plus rapidement possible ce responsable de la mission d'observation, afin qu'il puisse se rendre tout de suite au Cambodge, y faire des séjours fréquents et accompagner tout le processus d'ici au mois de juillet. Il ne faut pas qu'il soit seulement un notaire du décompte des voix lors des élections.
La partie la plus cruciale se joue maintenant, se joue dans l'accès aux médias qui sont contrôlés à 95 % par les autorités de Phnom Penh. Donc, il faudra que cette mission électorale se lance dans une partie de bras de fer avec les autorités de Phnom Penh. J'invite les personnalités compétentes de notre Parlement à faire en sorte que ce soit une personnalité forte qui soit nommée et envoyée le plus rapidement possible à Phnom Penh.
Fischler, Commission. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, Mesdames et Messieurs, la Commission est entièrement d'accord avec le Parlement sur le fait que la mort violente de plusieurs représentants politiques cambodgiens, à laquelle plusieurs collègues ont fait allusion ici, est devenue ces derniers temps un motif de grande préoccupation. La Commission espère beaucoup que le climat politique ne se détériorera pas davantage à l'heure où il s'agit de préparer les prochaines élections législatives au Cambodge.
Elle exprime en outre l'espoir que l'enquête menée par le gouvernement royal sur les origines de l'émeute du 29 janvier de cette année mènera à plus de stabilité dans le pays. Je puis vous assurer que la Commission, en accord étroit avec les États membres, suivra attentivement l'évolution de la situation au Cambodge. La Commission s'inquiète en outre de la situation des médias dans ce pays. La liberté d'expression est sans doute autorisée dans la presse, mais les médias publics restent tout de même soumis à un lourd contrôle de la part du gouvernement.
La commission d'observateurs de l'Union européenne envoyée l'an dernier à l'occasion des élections municipales a déjà souligné cet aspect. La Commission l'a aussi abordé dans ses contacts avec les autorités cambodgiennes. Une mission préparatoire emmenée par la Commission, composée de représentants des États membres et d'experts électoraux, s'est rendue au Cambodge du 27 janvier au 4 février. Les observations qu'elle en a ramenées doivent servir de base à une décision qui doit dire si - et comment - le processus électoral doit être soutenu et, surtout, si l'envoi d'une commission d'observateurs de l'UE aux élections du 27 juillet est judicieux, opportun et réalisable.
L'ensemble des interlocuteurs cambodgiens a souhaité un engagement de l'UE lors du processus électoral et émis le point de vue que la mission d'observateurs envoyée lors des élections municipales de l'an dernier a considérablement contribué à la naissance d'un climat de confiance et de transparence pendant la phase électorale. Sur la base des conclusions de la mission préparatoire, qui a souligné aussi bien les aspects positifs que les aspects préoccupants des préparatifs des élections, les États membres de l'UE se sont associés à la recommandation de la Commission d'envoyer une mission d'observateurs pour les prochaines élections. La Commission constate avec satisfaction que cette décision est partagée par le Parlement européen.
J'en viens au problème des entraves posées à différentes associations chrétiennes. Selon le décret du 14 janvier relatif à la prévention de conflits entre les différentes communautés religieuses - je cite -, "l'ensemble des activités liées à la propagande et au prosélytisme religieux, ainsi que la diffusion de communications et de feuilles d'informations sont autorisées uniquement au sein des institutions religieuses".
L'autorisation de telles activités en public peut toutefois être obtenue auprès du ministère du culte et des affaires religieuses. Ces dispositions s'appliquent à toutes les associations religieuses, et pas uniquement aux chrétiens. Elles ont été introduites pour réduire le risque de conflits et de heurts à fond religieux. En l'absence d'une analyse juridique de fond, il apparaît que ce décret, tout comme les autres mesures adoptées jusqu'à présent par le ministère du culte et des affaires religieuses, ne constitue pas dans l'absolu une violation de la déclaration des droits de l'homme et de la constitution cambodgienne.
Le Président. - Je vous remercie, Monsieur le Commissaire.