2. Protection pénale des intérêts financiers communautaires et création d'un Procureur européen
Le Président. - L'ordre du jour appelle le rapport (A5-0048/2003) de Mme Theato, au nom de la commission du contrôle budgétaire, sur le Livre vert de la Commission concernant la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un Procureur européen (COM(2001) 715 - C5-0157/2002 - 2002/2065(COS)).
Theato (PPE-DE), rapporteur. - (DE) Monsieur le Président, en décembre 2001, la Commission a adopté son Livre vert concernant la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un procureur européen. Elle a ainsi suscité une large discussion au-delà des milieux juridiques, parmi les scientifiques et les acteurs de terrain. Telle était aussi son intention, et je voudrais remercier la Commission pour cela.
Le Parlement européen lui-même est intervenu dans le débat. Avant même la publication du Livre vert, il a demandé, dans plusieurs résolutions, une meilleure protection des finances communautaires via la création d'un procureur européen chargé des affaires financières, qui traiterait les cas de plus en plus nombreux de criminalité transfrontalière affectant le budget communautaire.
C'est le moment. L'Union européenne est à la veille de l'élargissement et s'apprête à accueillir dix nouveaux États membres l'année prochaine. Le budget communautaire va continuer d'augmenter, la gestion des fonds européens va encore se complexifier. En même temps, la criminalité transfrontalière, de plus en plus professionnelle grâce à la technologie moderne, va augmenter. Le morcellement territorial des systèmes de droit pénal et les difficultés de la collaboration juridique entre les États membres expliquent pourquoi les criminels sont rarement arrêtés et encore moins condamnés. Les statistiques prouvent que le budget de l'Union européenne enregistre chaque année une perte pouvant atteindre 1 milliard d'euros à cause de la criminalité organisée internationale. Cet argent permet sans doute de financer d'autres structures criminelles. La contrebande de cigarettes en est le meilleur exemple. L'argent des contribuables européens ne peut plus être utilisé pour atteindre les véritables objectifs de l'Union européenne. J'insiste : cet argent est perdu et ce, parce que même aujourd'hui, l'Europe ne dispose pas encore de structures efficaces pour poursuivre les délits financiers au sein de l'Union européenne.
Le Conseil a reconnu le danger dans la mesure où il a inscrit la protection des intérêts financiers dans le premier pilier du traité de Maastricht et codifié la collaboration avec la Commission dans le traité d'Amsterdam. Avec ce rapport de la commission du contrôle budgétaire, la prise de position du Parlement s'inscrit parmi les 72 prises de positions que la Commission a obtenues et traitées jusqu'ici sur le Livre vert.
Veuillez remarquer que notre rapport est un rapport d'initiative, pas un rapport législatif. À la commission, nous avons pris le temps d'analyser en profondeur la thématique de la "création d'un procureur européen", nous avons chargé des spécialistes d'effectuer des études externes, organisé une consultation avec les parlements nationaux et les représentants de la société civile. Avec ce rapport, nous proposons des options, demandons des améliorations à la Commission, en particulier par rapport au maintien des droits fondamentaux et des droits de la défense, aux contrôles du procureur européen et à ses liens avec les structures en place. Nous souhaitons un lien avec les structures existantes OLAF, Eurojust et Europol. Nous souhaitons ainsi éviter les structures doubles tout en faisant du procureur un instrument efficace de protection des finances communautaires au niveau européen. Des propositions claires ont été avancées sur la façon dont le futur procureur européen pourrait collaborer avec les instances nationales dans les États membres. Le principe de subsidiarité constitue la règle. Toutes les questions relatives au fonctionnement du procureur peuvent être réglées par le droit dérivé.
Je voudrais remercier de tout cœur les collègues de ma commission, mais aussi ceux de la commission des affaires constitutionnelles, juridique, des affaires intérieures et des pétitions pour leur collaboration positive et constructive. Leurs propositions sont insérées dans le présent rapport. Notre premier souci est d'inscrire dans le Traité une base juridique appropriée pour la création de ce procureur, et que le Conseil désigne ce nouvel organe en accord avec le Parlement européen. L'amendement des Traités demeure ainsi une condition indispensable, car seule une réforme des Traités peut légitimer la proposition. Nous invitons la Convention européenne à prévoir dès à présent cette base juridique relative à la création d'un procureur européen chargé de la protection des intérêts financiers de l'Union européenne afin qu'elle figure à l'ordre du jour de la conférence intergouvernementale de 2004.
Comme je l'ai déjà dit, c'est le moment. Nous voulons que l'Union européenne ait les moyens de renforcer et de garantir la protection des intérêts financiers communautaires avant que l'élargissement ait lieu. Car nous voulons tous un espace de liberté, de sécurité et de droit où la fraude et la corruption aux dépens du budget communautaire et, donc, aux dépens des contribuables européens soient enrayées.
(Applaudissements)
Paciotti (PSE), rapporteur pour avis de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures. - (IT) Monsieur le Président, j'approuve ce qu'a déclaré Mme le rapporteur et je la félicite pour son rapport. La question du de la création d'un procureur européen chargé de lutter contre la fraude est exemplaire de la difficulté, de la lenteur et de l'inadéquation de l'intégration de l'Union européenne. L'ampleur et la gravité des fraudes commises au préjudice des intérêts financiers communautaires est évidente aux yeux de tous. Tout aussi évidente est l'inefficacité de la lutte contre cette forme de criminalité, qui reste en grande partie impunie.
La gravité de la situation a été dénoncée par le Parlement européen il y a plus de douze ans. Des années d'étude approfondie ont abouti à la formulation d'une proposition précise et réalisable pour la création d'un procureur européen chargé de lutter contre la fraude, proposition régie par les principes de subsidiarité et de proportionnalité et assortie de dispositions pénales et de procédure permettant de résoudre raisonnablement une grande partie des problèmes soulevés par l'exigence d'une initiative pénale centralisée, et d'un jugement restant de la compétence des juges nationaux. La base juridique d'une telle institution a été proposée par la Commission à la Conférence intergouvernementale de Nice qui, malheureusement, dans ce domaine également, a enregistré un échec, par manque d'une volonté commune des gouvernements et d'une vision européenne des problèmes. Le lancement de la coopération judiciaire intergouvernementale par le biais d'Eurojust a, d'une part, suscité des attentes plus ambitieuses et moins réalistes et, d'autre part, créé des prétextes pour de nouveaux renvois à des dates ultérieures. Mais l'heure n'est plus aux renvois : d'une part, les initiatives permettant de garantir un niveau uniforme de protection des droits fondamentaux des citoyens lors des procédures pénales et les règles minimales de recevabilité des preuves doivent être mises en œuvre ; d'autre part, la Convention sur l'avenir de l'Europe doit proposer d'inscrire dans la Constitution européenne une base juridique adéquate suffisamment flexible pour permettre la création d'un procureur européen antifraude capable par la suite d'évoluer, dans le cadre d'Eurojust, vers de plus amples objectifs de lutte contre la criminalité transfrontalière.
Patrie (PSE), rapporteur pour avis de la commission juridique et du marché intérieur. - Monsieur le Président, chers collègues, la fraude et la criminalité économique et financière portent un préjudice, comme on l'a dit, d'une ampleur considérable aux intérêts financiers de la Communauté européenne, puisqu'on estime que ce préjudice s'élève à plus d'un milliard d'euros chaque année. L'élargissement n'améliorera certainement pas cette situation, dans la mesure où il va renforcer le morcellement de l'espace judiciaire, accroître le nombre d'administrations impliquées dans la gestion des fonds communautaires et donc augmenter le risque de fraude. Cette fraude et cette criminalité constituent, on le sait, une préoccupation ancienne du Parlement européen et l'article 280 du traité d'Amsterdam a déjà reconnu la compétence à la Communauté pour prendre des mesures effectives et équivalentes dans tous les États membres.
Par conséquent, je soutiens pleinement le livre vert de la Commission sur la création d'un procureur européen chargé de la défense des intérêts financiers de la Communauté, ainsi que le rapport présenté par Mme Theato. Je soutiens l'incorporation d'un nouvel article 280 bis dans le futur traité constitutionnel, idée qui, par ailleurs, avait été rejetée par la dernière Conférence intergouvernementale, malgré le soutien de notre Assemblée, en 2000.
L'institution d'un procureur européen est bel et bien nécessaire, mais il convient d'assurer sa légitimité démocratique par une nomination sur avis conforme du Parlement européen ; il convient aussi d'insister sur la nécessité de doter ce procureur, ainsi que les procureurs délégués, d'un statut assurant leur totale indépendance à l'égard des parties au procès, des États membres, des institutions et des organes communautaires. Il est en outre essentiel de garantir l'uniformité de son action sur l'ensemble de l'espace judiciaire européen par l'affirmation du principe de l'égalité des poursuites et par un strict encadrement des cas de classement sous condition. À cet égard, il convient de soutenir le principe de la création, auprès de la Cour de justice, d'une juridiction communautaire chargée de la mise en état des affaires pénales. Enfin, il y aura bien sûr lieu d'assurer une meilleure coordination, la meilleure coordination possible, entre le procureur européen et les structures que sont l'OLAF, Eurojust et Europol.
Comme Mme Theato vient de le souligner, nous avons lancé un appel à la Convention, souhaitons qu'elle sache s'en saisir.
von Boetticher (PPE-DE), rapporteur pour avis de la commission des pétitions. - (DE) Monsieur le Président, chers collègues, tout d'abord merci au rapporteur, Mme Diemut Theato. Merci beaucoup Diemut, avant tout pour ton esprit de compromis. Je suis content qu'un compromis ait pu être trouvé entre, d'une part, ceux qui voulaient un procureur européen proche de la Commission et, d'autre part, ceux qui ne souhaitaient aucune sorte de procureur. Le rapport Theato dit clairement que ce procureur n'existera qu'en rapport avec Eurojust, uniquement en tant que poste au sein d'Eurojust. C'est logique, car autrement, un procureur européen travaillant séparément de Eurojust serait confronté aux mêmes problèmes que les procureurs nationaux en cas de poursuites transfrontalières. Bientôt, l'Union européenne élargie comptera 25 législations nationales, 25 codes de procédure pénale, 25 systèmes judiciaires et 21 langues. Une coordination de ce type nécessiterait la mise en place d'un nouveau mécanisme énorme. Ou alors, Eurojust pourrait tout simplement être utilisé afin d'éviter les redites.
Cela signifie toutefois aussi que les affaires doivent en fait être portées devant les tribunaux nationaux par les procureurs nationaux. En d'autres termes, un procureur européen ne fait que préparer une affaire. Et il doit être tout à fait clair que nous limitons la compétence du procureur à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne. Nous devons clairement refuser un procureur européen général chargé de tous les délits transfrontaliers graves comme le propose pour l'instant le présidium de la Convention, car nous n'y gagnerons rien. Dans d'autres domaines, les procès échouent non à cause d'un manque d'intérêt des procureurs nationaux, comme c'est le cas au niveau de la protection financière de l'Union européenne, mais la plupart du temps à cause des barrières linguistiques et des problèmes juridiques. Toutefois, nous ne pouvons pas tout uniformiser dans cette Union. Ainsi, nous ne pouvons pas uniformiser le droit pénal, les procédures pénales, la formation des procureurs ou l'appareil judiciaire. Nous ne pouvons ici que coordonner le tout. Pour ce faire, j'aimerais encore une fois dire clairement à la Convention : un procureur chargé de protéger les intérêts financiers de l'Union européenne - oui ; un procureur européen général chargé de lutter contre la criminalité - non.
Dimitrakopoulos (PPE-DE), rapporteur pour avis de la commission des affaires constitutionnelles. - (EL) Monsieur le Président, je voudrais commencer par féliciter Mme Theato pour son excellent travail.
L'avis de la commission des affaires constitutionnelles est le suivant : oui à la création d'un procureur européen. Oui parce qu'elle pense que les problèmes auxquels l'Union européenne doit faire face à l'heure actuelle doivent faire l'objet d'une solution et d'une approche plus systématiques.
Cependant, la commission met parallèlement en avant certaines questions qu'elle considère importantes. La première a trait à la juridiction du procureur européen. Bien évidemment, nous sommes tous d'accord pour dire que le point de départ était la lutte contre la fraude, domaine qui nécessite une action immédiate. Voilà un fait qui, malheureusement, est à déplorer mais qui n'en reste pas moins un fait. Toutefois, la commission a souligné que les relations transnationales ainsi que les structures collectives auxquelles ont recours les États membres signifient qu'une approche souple doit être mise en place en ce qui concerne la juridiction du procureur européen afin qu'en cas de nécessité, les compétences pour lutter contre d'autres crimes puissent être ajoutées à une date ultérieure ; malheureusement, comme nous le savons tous, le système international actuel invente constamment de nouveaux crimes.
Le deuxième point soulevé par la commission des affaires constitutionnelles porte sur le rôle du Parlement européen à l'égard du procureur européen. Nous estimons que le procureur européen devrait être responsable devant le Parlement européen, ce dernier ayant été la première institution à mettre en lumière ces questions et les problèmes posés par la criminalité paneuropéenne.
Troisièmement, la création d'un procureur européen va de pair avec le développement d'un droit pénal européen, une évolution qui est inévitable et, enfin, il importe selon moi de souligner, dans la structure des relations entre l'Union européenne et ses États membres, la position du procureur européen par rapport aux procureurs nationaux.
Schreyer,Commission. - (DE) Monsieur le Président, Madame le Rapporteur, Mesdames et Messieurs, je regrette, Madame Theato, de n'avoir pu être là lorsque vous avez pris la parole. Je participais, ici au Parlement, à un trilogue qui vient seulement de se terminer. La lutte contre la fraude aux dépens du budget européen est et reste l'un des soucis majeurs de la Commission. Nous savons que nous pouvons pour cela compter pleinement sur le Parlement européen, qui a pris et prend encore de nombreuses initiatives dans ce domaine. Nous sommes tous conscients du fait que nous ne pouvons lutter de manière appropriée et efficace contre les délits portant atteinte aux finances communautaires que si des poursuites pénales adéquates s'ensuivent. C'est pourquoi la Commission avait proposé en 2000 d'inscrire dans le traité CE une disposition pour la création d'un procureur européen. À l'époque, cette proposition n'a pas été reprise par le Conseil européen.
Le Livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un procureur européen, sujet de la discussion d'aujourd'hui et du rapport, a été présenté en décembre 2001 par la Commission. Sur la base de ce Livre vert, la Commission a entamé un processus de discussion en 2002. Le Parlement européen, et en particulier la présidente de la commission du contrôle budgétaire, Mme Theato, a largement contribué à ce débat et lui a imprimé un élan. Madame Theato, tous ici savent que le projet du procureur européen ne serait pas arrivé aussi loin sans votre soutien actif et sans votre engagement. Je voudrais vous en remercier au nom de la Commission.
La semaine dernière, la Commission a présenté un rapport de suivi sur le Livre vert qui résume les résultats de la consultation publique. La majorité des participants à la discussion et au processus de consultation sont totalement en faveur d'un procureur européen. Pourtant, les gouvernements, comme nous le savons tous, se sont montrés plus réticents que les professionnels de la justice, les organisations non gouvernementales et, en particulier, que ceux qui s'occupent quotidiennement du problème. Toutefois, seule une minorité rejette complètement le projet. Mais dans l'ensemble, l'intérêt par rapport au projet du procureur européen a clairement augmenté dans le courant de l'année.
Dès lors, la Commission réitère sa proposition de création d'un procureur financier. Ce résultat est d'autant plus important que la Convention - comme quelqu'un l'a déjà dit - est maintenant entrée dans sa phase décisive. En ce moment, on y discute de propositions concrètes pour une constitution. La semaine dernière, le présidium de la Convention a proposé de reprendre, sous le titre "Justice et affaires intérieures", un article 20 sur le procureur européen et la semaine prochaine déjà, l'assemblée plénière de la Convention prendra position à ce sujet. Dans cette phase décisive, il est capital que le Parlement et la Commission poursuivent le même objectif et transmettent un message clair à la Convention.
Nous retirons déjà une certaine satisfaction du fait que notre souci commun ait réussi à s'imposer au point que le procureur européen fasse l'objet d'un article propre dans le projet de traité. Le mérite en revient à cette discussion ainsi qu'à vous. Cependant, la Commission estime que la proposition du présidium ne va pas suffisamment loin. Elle s'arrête avant l'objectif réel. La clause proposée autorise le Conseil à créer le procureur européen un jour futur et à l'unanimité. Avec une telle clause d'habilitation, le procureur européen pourrait éventuellement se révéler comme une promesse vide dans une Union élargie à minimum 25 États membres. C'est le risque. Dès lors, nous devons inscrire le poste de procureur européen dans le traité même, sans quoi le projet risque vraiment d'être renvoyé aux calendes grecques.
Je suis contente que le Parlement et la Commission soient entièrement d'accord sur cette question éminemment politique et très importante. J'espère qu'un grand nombre d'amendements visant la création d'un procureur européen dans le traité même seront proposés pour la séance plénière de la Convention les 3 et 4 avril. La Commission salue dès lors le soutien du Parlement européen qui s'exprime très, très clairement à travers le rapport de Mme Theato. Je vous félicite pour ce rapport, sachant l'engagement personnel qui l'a nourri.
Dans la phase décisionnelle qui s'ouvre actuellement à la Convention, il est capital que le Parlement envoie un signal clair. La Commission est d'accord avec l'essentiel du rapport de Mme Theato concernant le Livre vert, comme je l'ai dit. Mais nous ne sommes pas d'accord sur tous les points. Nous nous demandons, par exemple, si une Chambre préliminaire est nécessaire, si le contrôle effectué par les tribunaux nationaux pour les décisions du procureur est suffisant ou non et s'il peut être transféré.
En ce qui concerne Eurojust, la Commission estime également qu'il est souhaitable que le ministère public européen soit proche de cette institution. Nous l'avons exposé plus en détail dans le rapport de suivi. Nous nous demandons encore si ce rapprochement peut être réalisé de manière efficace par le biais d'un renforcement d'Eurojust reprenant les fonctions du ministère public. Ce point est l'objet d'une discussion. Les deux fonctions - la centralisation des poursuites pénales des délits à l'encontre des intérêts financiers de l'Union et la coordination des autorités nationales de poursuite pénale dans d'autres domaines de la criminalité - pourraient être réunies dans une structure commune, sous un même toit, pour ainsi dire. À cet égard, le transfert d'Eurojust vers le premier pilier constitue une condition nécessaire, mais pas suffisante. Il faut aussi que cela soit clair.
La Commission est également d'accord avec le rapport dans le sens où certaines questions liées à la création d'un procureur européen doivent encore être examinées. C'est le cas de la question du droit dérivé. Dans notre rapport de suivi, nous avons annoncé vouloir encore approfondir les questions suivantes en particulier, à savoir la question du système de preuves, de telle sorte que les preuves légales rassemblées dans un État membre puissent être admises dans un autre État membre, et les garanties inscrites dans les procédures pour les accusés, à propos desquelles une consultation spéciale a lieu sur la base d'un autre Livre vert qui a été présenté par mon collègue, M. Vitorino.
La Commission va répondre à l'invitation de la commission du contrôle budgétaire et approfondir ces questions cette année encore. Elle se basera pour ce faire sur les propositions de la Convention et en particulier aussi sur les travaux effectués dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Cependant, il importe à présent d'inscrire dans le traité constitutionnel même une autorité européenne de poursuite pénale avec une base juridique pour l'élaboration du droit dérivé qui sera alors nécessaire. C'est le seul moyen de faire face de manière efficace, au niveau pénal, aux difficultés actuelles lors de la lutte contre la fraude et la corruption aux dépens du budget communautaire. Si nous voulons rendre la construction européenne plus populaire auprès des citoyens et des contribuables, nous devons envoyer un signal efficace avec le futur traité.
(Applaudissements)
Avilés Perea (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, avec ce rapport que présente Mme Theato, le Parlement lance un appel à la Convention pour qu'elle modifie l'article 280 de manière à permettre la création d'un procureur européen.
Au cœur de cette question, il y a la préoccupation de protéger les intérêts financiers des contribuables européens. Le Parlement européen réclame depuis longtemps la création d'un procureur européen compétent dans le domaine des intérêts de l'Union.
Il importe de souligner les différences existant entre les États membres et qui entraînent un manque d'efficacité. Il s'agit de parvenir à une plus grande coopération européenne et d'avancer dans la construction d'un espace judiciaire européen.
Le procureur européen aurait pour fonction de poursuivre la fraude transfrontalière en adoptant des règles concrètes qui rendraient cette lutte possible, y compris la définition des délits. Le nouveau traité constitutionnel doit établir clairement la base pour ce procureur européen, qui reposera sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité, en résolvant les problèmes qu'entraîne le morcellement du système pénal européen actuel.
Nous devons parvenir à un système transparent qui, en cas de criminalité transfrontalière, maintienne l'équilibre entre l'efficacité et la procédure d'enquête, et le respect des droits fondamentaux, tout en gardant une cohérence et une collaboration entre les structures existantes : l'OLAF, Eurojust et Europol.
Le PPE-DE a présenté quelques amendements qui visent, précisément, à approfondir cette clarification, et je demande donc aux autres groupes de le soutenir.
Enfin, je voudrais mettre en évidence l'objectif de ce rapport, qui est de contribuer au processus constitutionnel qui est en marche, pour que nous puissions parvenir à clarifier cette question du procureur européen, qui est d'une importance fondamentale pour l'avenir de l'Union.
Je félicite Mme Theato pour le travail considérable qu'elle a réalisé, non sans difficultés, et j'espère qu'elle parviendra à l'objectif visé.
Bösch (PSE). - (DE) Monsieur le Président, le groupe socialiste de ce Parlement soutient entièrement le rapport de Mme Theato et la félicite aussi pour le travail qu'elle nous présente ici. Je crois que ce n'est pas un hasard si la commission du contrôle budgétaire présente régulièrement de telles initiatives car nous nous rendons compte qu'il n'est pas possible de protéger un budget de 100 milliards d'euros avec des moyens datant d'il y a 50 ans, c'est-à-dire les moyens nationaux. En fin de compte, cette déclaration claire et ces initiatives telles que le présent rapport de Mme Theato, nous les devons aussi à nos contribuables.
Ils savent qu'il y a eu des initiatives telles que l'OLAF. Nous savons que tout n'est pas encore parfait. Ce sont des étapes intermédiaires et je pense qu'un procureur de ce genre ne sera pas davantage l'instrument le plus parfait de tous les temps. Mais il s'agira d'une étape très importante dans le sens de la protection des contribuables en Europe. Et il convient surtout pour le Parlement d'insister aussi sur le fait que cette institution repose sur des bases démocratiques. En Europe, certaines institutions ne sont pas non plus soumises au contrôle du Parlement, comme Europol par exemple, et il n'est donc pas étonnant d'apprendre soudain par les médias que les États membres permettent apparemment à Europol, à huis clos, de manipuler des sommes tout à fait fantastiques. Cela saute aux yeux : la transparence fait défaut parce que le Parlement n'est pas impliqué, et je crois qu'il est important de garantir ces éléments pour le procureur. Nous avons déjà signalé parfois - notamment dans d'autres rapports - que nous souhaitions avoir cet article 280 (a). Le Parlement a de nouveau procédé au vote sur ce sujet il y a quinze jours à Strasbourg et j'espère que le paragraphe 3 de Mme le rapporteur, qui traite de ce point, sera aussi soutenu par le Parlement.
L'importance que revêt pour nous un procureur est parfois démontrée par des exemples très concrets. Ainsi, nous avons récemment demandé au plus petit des États membres, le Luxembourg, de s'occuper enfin d'une affaire - l'affaire "Perilux" - qui stagne depuis des années auprès du ministère public luxembourgeois. Des montants énormes des contribuables européens sont ici en jeu. Le Luxembourg ne réagit pas et nous devons ici insister sur l'importance d'un procureur européen qui bousculerait un peu les États membres ne prenant peut-être pas tout à fait au sérieux les intérêts des contribuables européens. Ces cas se produisent tout le temps et, dans le cas du Luxembourg, c'est particulièrement contrariant, car en l'occurrence, les tribunaux belges ont déjà atteint des conclusions.
Encore une fois, sincères félicitations, et je pense qu'avec ce rapport, ce Parlement va prendre aujourd'hui une bonne et importante décision.
(Applaudissements)
Sørensen (ELDR). - (DA) Je tiens à préciser, Monsieur le Président, que je trouve totalement inadmissible le volume de la fraude aux moyens communautaires ; celui-ci s'élève à peut-être deux milliards par an et il augmente même dans d'autres secteurs. Parallèlement, il convient de reconnaître qu'il s'agit essentiellement d'un problème national dans la mesure où le budget de l'Union européenne est administré à 80 % par les autorités nationales et, à ce propos, j'estime que les États membres font preuve d'un manque fondamental de volonté pour prendre les mesures requises par rapport à cette fraude aux dépens des moyens communautaires.
Cette constatation est notamment étayée par la déclaration de la Commission, selon laquelle sur quatre cas signalés par l'OLAF et qui devraient faire l'objet de poursuites judiciaires pour les autorités nationales, un cas seulement a des suites pénales.
Je trouve tout cela inadmissible. Cela ne m'amène cependant pas à approuver de façon inconditionnelle la conclusion formulée par Mme Theato selon laquelle la solution optimale et unique consisterait à créer encore une nouvelle institution, un procureur européen commun, une instance qui primerait sur la législation nationale et qui imposerait une vaste harmonisation dans des secteurs où les États membres possèdent des traditions juridiques et des conceptions du droit différentes. Je me limiterai à signaler une harmonisation de la législation pénale, des systèmes de preuves, des sanctions et des règles de procédure.
Si un tel modèle est mis en œuvre ici et maintenant, je prévois d'importants conflits d'autorité entre le procureur européen et les autorités nationales ainsi qu'un empiétement par rapport à d'autres initiatives communautaires telles que Eurojust, l'OLAF et Europol - des initiatives auxquelles il convient, dans tous les cas, vu qu'elles sont récentes, d'accorder un délai plus long afin de leur permettre d'engranger des résultats, y compris en ce qui concerne la fraude aux dépens des moyens communautaires.
Cela étant dit, je soutiendrai en principe l'idée de créer une telle institution et d'inscrire sa création dans le Traité. Je ne pense pas que le temps soit venu d'harmoniser de façon aussi draconienne, comme le propose Mme Theato, des domaines fondamentaux de la politiques judiciaire.
J'estime, d'autre part, que le développement d'un procureur européen doit se faire progressivement et dans le cadre d'un renforcement d'Eurojust. C'est, du reste, le modèle que cite Mme Theato à l'article 22, paragraphe 2, de son rapport.
Ce sont, grosso modo, ces considérations qui sont à la base des amendements déposés par le groupe libéral à propos du présent rapport.
Rühle (Verts/ALE). - (DE) Monsieur le Président, chers collègues, après l'institution de l'OLAF, la création d'un procureur européen constituerait la suite logique pour lutter contre la fraude financière au sein de l'Union européenne dans l'intérêt des contribuables européens. Au nom de mon groupe, je tiens à remercier expressément le rapporteur, Mme Theato, pour le courage et la persévérance avec lesquels elle se bat depuis des années pour ce sujet. Je remercie également la commissaire, Mme Schreyer, qui soutient le combat pour un procureur européen avec le Livre vert et de nombreuses auditions.
Malheureusement, la politique européenne en matière de justice et d'affaires intérieures n'est pas encore vraiment communautarisée. Non seulement le troisième pilier exclut la participation et les contrôles du Parlement européen dans plusieurs domaines importants, mais il est aussi à l'origine de nombreux déficits démocratiques dans la politique européenne en matière juridique et judiciaire. La création d'un office européen de lutte antifraude (OLAF) sans accompagnement juridique engendre un vide juridique au niveau européen. Nous avons à nouveau mis la charrue avant les bœufs.
Malheureusement, la Convention elle-même ne semble pas vraiment consciente de l'importance de ce problème. Sinon, comment expliquer que le présidium de la Convention s'obstine pour que cette décision portant création d'un procureur européen soit prise à l'unanimité au Conseil ? Le Conseil a montré dans le passé qu'il lui manque cette volonté unanime de travailler réellement à la lutte contre la fraude et à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne.
Montrons donc aujourd'hui, au sein du Parlement, une grande unanimité et une large majorité. Je considère qu'il faut impérativement montrer au plénum de la Convention en particulier que nous sommes majoritairement contre cette unanimité, que nous pensons que le procureur européen doit avoir une place vraiment importante dans le nouveau traité, que la création de ce procureur doit reposer sur un vote à la majorité qualifiée et que le Parlement doit également avoir un droit de cogestion.
(Applaudissements)
Crowley (UEN). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais aussi remercier le rapporteur, Mme Theato, pour le travail qu'elle a accompli sur cette proposition, même si je ne l'approuve pas.
L'un des facteurs les plus importants qui interviennent dans la création de nouveaux offices et de nouvelles institutions dans le cadre des traités européens est qu'il faut avant toute chose se rappeler un certain nombre d'éléments. Il y a des règles de base. Est-ce que le public le réclame ? Non. Est-ce que cela sera plus efficace ? Non. Est-ce que cela apportera une meilleure forme de justice ? Non. Est-ce que cela protégera plus efficacement les intérêts financiers de la Communauté européenne ou des institutions européennes ? Non. La raison en est qu'il y a déjà, dans chaque État membre, plusieurs procureurs ayant des compétences particulières dans leur région pour s'occuper de la fraude et des poursuites pénales et pour comprendre les règles et les exigences en matière de preuves dans chaque État membre.
Nous devons garantir que ces ministères publics comprennent bien quels sont les intérêts financiers de l'Union européenne. Il doit y avoir davantage de coopération entre l'OLAF, la Cour des comptes et ces procureurs nationaux dans le cadre des poursuites dans les tribunaux nationaux. En outre, en plus du système Eurojust, il faut davantage de possibilités de partage des intérêts, de partage de l'éducation, et de partage de la compréhension entre les entités judiciaires dans chaque État membre pour enfin parvenir à une standardisation.
Je suis quelque peu déçu par un des commentaires figurant dans le rapport, selon lequel des règles communes sur la preuve doivent être établies. Dans le système juridique britannique, c'est-à-dire le droit coutumier, les règles sur la preuve ont été établies en 322 ans - et pourtant nous allons tout de même établir des règles communes sur la preuve bon gré mal gré ? Il convient de se rappeler que les citoyens de l'Union européenne ont droit à une représentation convenable quant à leurs préoccupations. Ils ont droit à la protection de leurs impôts, mais agir au niveau national est la meilleure façon de protéger le contribuable et ses intérêts.
Titford (EDD). - (EN) Monsieur le Président, chaque membre de cette Assemblée connaît la règle la plus importante en politique : quand vous êtes dans un trou, arrêtez de creuser. Il y a aussi la blague sur le touriste perdu au beau milieu de l'Irlande et qui demande à un habitant du coin la route pour se rendre à Tipperary, et l'Irlandais lui répond : "Je ne commencerais pas par ici." Et pourtant, c'est perdue au fond du trou que Mme Theato commence et déclare, dans son exposé des motifs, que "la nécessité d'une protection pénale particulière des intérêts financiers des Communautés est un constat ancien." Je suis d'accord, mais s'il n'y avait pas de fonds communautaires, il n'y aurait pas d'intérêts financiers communautaires et donc, pas de nécessité de les protéger. C'est le fond de ma pensée. Il n'a jamais été logique de donner de l'argent à une organisation pour qu'elle le dépense d'une manière qui a échappé à la réforme et qui ne peut être justifiée. C'est là qu'est le "trou". La réponse est qu'il faut arrêter de creuser, arrêter de donner de l'argent à la Communauté.
Quant à la création d'un procureur européen : peut-être voulez-vous vous diriger dans cette voie, mais si j'étais vous, je ne commencerais pas par là. Le problème, c'est que le système est largement corrompu et incontrôlé. Attaquez-vous à la cause, pas au système.
Ilgenfritz (NI). - (DE) Monsieur le Président, il est évident que la protection des intérêts financiers doit rester pour nous un objectif prioritaire. À ce propos, nous soutenons la création d'un procureur européen, mais après une discussion approfondie, nous pensons aussi que cette solution ne constitue pas la panacée pour le futur. Il faut continuer à développer les options existantes. J'entends par là le renforcement de l'OLAF ou la promotion d'une meilleure collaboration au sein des appareils officiels. Il est remarquable que, par exemple, les Pays-Bas annoncent quatre fois plus de cas de fraude que l'Espagne ou la Grèce. Si des États membres ne contrôlent pas leurs cas de fraude, ils doivent se voir menacer d'un blocage des subventions et ils doivent aussi être contraints de payer pour les pertes apparues au sein de l'Union à la suite des contrôles laxistes de leurs autorités.
Kirkhope (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, en tant qu'ancien procureur pénal occasionnel, je trouve que la création d'un procureur européen est une affaire qui a été montée d'une manière qui est loin d'être efficace. En tant que membre de la Convention européenne, je pense que notre travail consiste à trouver des moyens de ne pas amplifier la bureaucratie institutionnelle et à tenter de simplifier les choses pour que les citoyens européens soient protégés et se sentent plus proches de ceux qui les représentent.
Je ne vois pas les avantages qu'apporterait ce procureur, même s'il est intégré dans une autre institution, comme vient de le dire un de mes collègues. Le coût et la bureaucratie présentent des difficultés. Un autre aspect présente des difficultés, comme cela a été suggéré, il s'agit de l'intégration de cet acteur particulier dans les systèmes juridiques européens, qui varient énormément en ce qui concerne leur effet, les preuves qu'ils recueillent et la nature même de leurs procédures pénales. À mon sens, la base juridique présente aussi des difficultés. De plus, si nous entendons permettre aux organisations actuellement en place de se réformer, cela ne leur faciliterait pas la tâche dans ce processus.
Nous avons besoin d'une plus grande coopération entre les États et la Commission - entre les autorités. Nous devons clarifier les arrangements internes de comptabilité et de prévoir des sanctions plus sévères pour les États qui abordent la fraude de manière inadéquate. Nous devons encourager une plus grande action de la part des États et améliorer le rôle de la Cour des comptes. Nous avons besoin de plus de réformes internes. À mon avis, la stratégie de réforme de l'UE est actuellement en perte de vitesse, et il faut la relancer. Sincèrement, il ne faut pas traiter les États membres de l'UE comme de vilains enfants en confisquant leurs jouets et en les confiant à une nouvelle gardienne surmenée et incompétente.
Si nous respectons notre appartenance à l'UE, nous devons aussi respecter notre capacité à engager des poursuites judiciaires de manière efficace et à traiter la fraude et la réforme quand cela s'avère nécessaire.
Casaca (PSE). - (PT) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, il est absolument incontestable que, face aux délits pénaux et lorsque ce ne sont pas les autorités nationales qui traitent les problèmes, la protection des intérêts financiers communautaires ne fonctionne pas ou fonctionne mal, et que la situation présente est insoutenable, comme notre collègue M. Herbert Bösch vient de le rappeler au sujet de la situation au Luxembourg.
Notre rapporteur, Mme Diemut Theato, n'a pas épargné sa peine pour défendre la création d'un procureur européen afin de faire face à cette situation, et Mme Michaele Schreyer n'a pas manqué de soutenir pleinement cette initiative. Je voudrais les remercier toutes les deux pour leur travail et leur dévouement. Toutefois, et avec toute l'amitié, la considération et l'estime que je leur dois, il me faut rappeler deux choses à mon avis décisives dans ce domaine.
Je pense que les citoyens européens ne comprendraient pas que nos institutions décident à nouveau de ne s'attacher qu'aux questions économiques en ignorant la citoyenneté. Il ne me semble pas défendable de créer un procureur européen qui s'occupe des intérêts financiers et qui ignore, par exemple, le trafic d'êtres humains, notamment d'enfants.
Par ailleurs, le nombre des champs d'action et la complexité de la définition des organismes européens agissant dans le domaine de la prévention, de la lutte et de la répression (Europol, Eurojust et OLAF) conseillent la prudence dans ce domaine. La pire solution pour nous consisterait à accroître l'entropie du système, les différents organismes se préoccupant uniquement de leurs compétences respectives sans que la lutte contre la criminalité économique de dimension européenne ne puisse être poursuivie avec plus d'efficacité.
Enfin, j'ai quelques réserves au sujet des principes du secret de la justice et de l'indépendance du procureur lorsqu'ils sont pris de manière absolue, comme dans le cas, pour ce dernier, du Livre vert de la Commission. Il suffit de regarder les résultats décevants de mon pays en la matière pour s'apercevoir de la nécessité de ne pas commettre les mêmes erreurs.
Di Pietro (ELDR). - (IT) Monsieur le Président, comme M. Kirkhope qui m'a précédé tout à l'heure, j'ai moi aussi été procureur mais je suis parvenu, et je parviens aujourd'hui à des conclusions diamétralement opposées. J'invite ceux qui croient vraiment à l'intégration européenne à être cohérents et à soutenir le projet d'une Union européenne plus forte, c'est-à-dire une Union qui puisse se doter de tous les moyens nécessaires pour avoir une incidence réelle sur le fléau qu'est la fraude aux dépens des intérêts financiers de l'Union, puisque jusqu'ici ces intérêts n'ont pas été suffisamment protégés par les États membres et leurs législations. C'est un fait : chaque année le montant de ces fraudes aux dépens des budgets communautaires - c'est-à-dire, en dernière analyse, aux dépens des contribuables européens - s'élève à environ un milliard d'euros, comme l'indique correctement la proposition de résolution de Mme Theato - à laquelle vont toute mon admiration et mon estime -, et toutes les analyses s'accordent à dire que ce phénomène ira constamment en s'aggravant.
C'est pour cette raison que les instruments juridiques existants pour combattre la fraude, comme les conventions et les protocoles ratifiés par les États membres, la complexité de la mise en œuvre pratique de l'assistance judiciaire en matière pénale, la nature de l'OLAF dont le mandat le contraint à se limiter à de simples contrôles administratifs et, surtout, la fragmentation de l'espace pénal européen, se sont avérés totalement inadaptés pour faire barrage efficacement à ce phénomène, et ce ne sont pas les excuses alléguées jusqu'ici qui me convaincront que l'on doit renoncer au procureur européen.
Cependant, une simple décision de principe ne suffit pas : si nous sommes réellement favorables à la création d'un procureur européen, nous devons être cohérents et le doter de moyens efficaces pour agir. Il faut donc définir avec la plus grande précision, au niveau communautaire, les délits et les peines prévues pour les actes délictueux et, en outre, prévoir des dispositions communes en matière de droit pénal et de procédure pénale de l'Union européenne. En conséquence, j'estime moi aussi, comme le soutient le rapporteur Mme Theato, qu'en ce qui concerne la séparation des pouvoirs, le procureur européen et les procureurs délégués devront être indépendants et exercer leur mandat sur la base du principe du caractère obligatoire de l'action pénale. De plus, il sera nécessaire de soumettre à un contrôle juridictionnel les actes du procureur européen, tant pour les actes de recherche que pour les actes de renvoi en jugement.
Pour conclure, je pense que les citoyens honnêtes de l'Union ne pourront que se féliciter de la création d'un instrument destiné à lutter contre les fraudeurs partout et à tout moment.
Van Dam (EDD). - (NL) Monsieur le Président, le débat sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires traîne depuis déjà un certain temps. De très nombreuses heures et une énergie considérable ont été investies dans ce débat. Malheureusement, avant tout pour combler cette lacune afin de jeter les bases d'un appareil judiciaire européen. Ce rapport repose sur des motifs politiques, l'orateur précédent l'a illustré. Il n'est dès lors pas étonnant qu'il suscite la réticence politique. Je déplore qu'un débat rationnel soit compromis.
Lorsqu'il fait référence à la Charte des droits fondamentaux, le rapport est en avance sur la réalité. Celle-ci n'est en effet pas encore intégrée de manière juridiquement contraignante dans le Traité sur l'UE. Mon groupe ne le souhaite d'ailleurs pas, vu le contenu modéré de la Charte et les doubles emplois avec les constitutions nationales et la CEDH.
Si la résolution visait réellement à une approche pénale efficace de la fraude et du crime portant préjudice aux intérêts communautaires, nous lui aurions accordé notre soutien. Mais cela nous est impossible dès lors que ce rapport manque sa cible et tend vers une unité politique de l'Union européenne.
Borghezio (NI). - (IT) Monsieur le Président, la protection des intérêts financiers de l'Union européenne semble servir de prétexte à la création - et ceci semble être l'objectif principal - d'un super-procureur, quasiment un trait d'union avec l'institution du mandat d'arrêt européen, selon une approche visant à remplacer les juridictions nationales : une approche par rapport à laquelle le gouvernement italien a adopté une position nettement opposée, dûment motivée à plusieurs reprises. Une proposition - celle de la création d'un procureur européen - qui, par un hasard étrange, est présentée à nouveau par le présidium de la Convention : l'article 20 préconise une législation européenne instituant un parquet européen, dont la structure devrait être décidée et votée à la majorité. Cela suscite d'autres préoccupations, notamment parce que le problème du procureur européen soulève des questions très délicates, comme celle posée par le principe de la libre circulation des preuves, dans la mesure où cela signifie que l'on passera outre aux conditions de recevabilité et d'admissibilité des preuves spécifiquement prévues par le système juridique de l'État compétent pour le jugement. Ce n'est pas en annulant les traditions juridiques nationales que l'on fera barrage à la criminalité transfrontalière, mais en exerçant des contrôles adéquats et en prenant des mesures efficaces et efficientes pour contrer, prévenir et éradiquer la criminalité financière internationale.
Stauner (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, j'ai entendu avec satisfaction que l'ancienne commissaire Edith Cresson a été inculpée il y a deux jours pour fraude par la justice belge, quatre ans après la démission de la Commission Santer à la suite, précisément, des manquements de Mme Cresson. Cela aussi montre qu'il est urgent de créer un procureur européen chargé d'amener exclusivement et uniquement devant les tribunaux les cas de fraude aux dépens des fonds européens et ce, peu de temps après que le délit a été commis, car on ne peut espérer un effet préventif que si les poursuites pénales et la condamnation suivent rapidement. En principe, je suis la dernière à me prononcer en faveur d'un transfert des tâches à l'Union européenne, mais dans ce cas exceptionnel, il est justifié car tous - je dis bien tous - les organes responsables ont échoué lamentablement dans la protection des fonds européens, en particulier la Commission actuelle qui se limite dans ce problème à de belles paroles.
Il y a plus que jamais nécessité d'agir car le nombre des cas de fraude, de mauvaise gestion et de népotisme augmente. Il me suffit de rappeler les dernières affaires survenues à l'Office statistique des Communautés européennes EUROSTAT. Le plus souvent, les ministères publics nationaux sont impuissants. Le principe selon lequel "les petits, on les pend, les grands, on les laisse courir" a un effet dévastateur sur la confiance des citoyens européens dans les institutions européennes.
Dès lors, j'en appelle au Conseil et à la Convention : nous n'avons plus besoin de Livres verts. Nous avons besoin d'une base juridique univoque qui délimite clairement le travail. Alors, il n'y aura plus de marge pour les objections de certains États membres. Il faut faire ce premier pas maintenant avec le remaniement des Traités et avant l'élargissement vers l'Est. Si nous réussissons, nous devrons cette institution aux efforts de notre collègue, Mme Theato, que je remercie encore une fois expressément pour ses efforts soutenus.
(Applaudissements)
Morgan (PSE). - (EN) Monsieur le Président, nous disposons aujourd'hui d'un marché ouvert au sein de l'Union européenne, mais cela signifie aussi qu'il est ouvert aux fraudeurs. La plus grande partie de la fraude à l'encontre de l'UE provient en fait d'argent qui n'est pas perçu. D'après les estimations de la Commission, le budget de l'UE a perdu 90 milliards d'euros, et ce rien que pour la contrebande de cigarettes. Des mesures sont en place pour empêcher la fraude. L'OLAF a été établi, il fait son travail et transmet les dossiers aux États membres - où les dossiers finissent sur une étagère. Nous pourrions sanctionner la Cour des comptes, mais la question n'a toujours pas de réponse : qui engage les poursuites ? Nous pourrions faire davantage contre la fraude, mais la question reste la même : qui engage les poursuites ? Eurojust est opérationnel, mais une fois encore : qui engage les poursuites ? La réponse, dans les faits plutôt qu'en théorie, est : presque personne.
Les États membres ne s'attaquent pas sérieusement à la fraude au niveau européen. Il leur a fallu cinq ans pour ratifier la Convention pour la protection des intérêts financiers. Les poursuites engagées à l'encontre des personnes qui arnaquent l'UE sont absolument minimes. Le système actuel ne fonctionne pas. Il est extrêmement difficile de poursuivre les fraudeurs transfrontaliers, en partie parce que les preuves recueillies dans un État membre ne sont pas valables dans un autre État membre.
Nous avons ici un Livre vert. Il est essentiel de limiter les pouvoirs du procureur européen aux intérêts financiers du budget de l'UE. Tout ce qui sort de ce cadre ouvre la porte à d'énormes complications et à de sérieuses implications constitutionnelles - raison pour laquelle le paragraphe 4, qui demande la création d'un espace judiciaire européen, est une absurdité. Si le problème existe aujourd'hui, imaginez les difficultés qui se présenteront après l'élargissement.
Si nous voulons nous attaquer sérieusement à la fraude, nous devons admettre que le système actuel ne fonctionne pas et que nous devons nous en contenter tant qu'une alternative acceptable n'est pas présentée.
(Applaudissements)
Berthu (NI). - Monsieur le Président, sur la lutte contre la fraude, je voudrais dire tout d'abord qu'il y a un problème dont il faudrait s'occuper d'urgence. Il n'existe pas aujourd'hui d'institution judiciaire compétente pour mener des enquêtes à l'intérieur des administrations communautaires, en raison des privilèges de celles-ci. S'il y a une mission justifiable pour un procureur européen, c'est bien d'abord celle-là. Pour le reste, c'est-à-dire la création éventuelle d'une instance supranationale chargée de diligenter les enquêtes et d'exercer l'action publique auprès des États membres dans le cas d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés, l'opération proposée nous paraît présenter plus d'inconvénients que d'avantages. Bien sûr, les différences des espaces judiciaires nationaux peuvent, dans certains cas, gêner les poursuites. Mais Eurojust est fait pour remédier à ce problème dans le respect des compétences nationales. Laissons-le d'abord agir et se développer. Nous jugerons ensuite.
Quant au procureur européen supranational proposé par la Commission, il nous entraînerait dans un engrenage sans fin, puisqu'il faudrait non seulement harmoniser des incriminations, des sanctions, des prescriptions, toutes sortes d'actes de procédure, dont l'admissibilité des preuves, mais il faudrait aussi se pencher sur la question de la protection des libertés individuelles pour tous les actes coercitifs que demanderait le procureur européen : perquisition, saisie, écoute, mandat d'arrêt, contrôle judiciaire, détention provisoire, sans compter, bien entendu, l'immense question du contrôle démocratique qu'il faudrait créer. C'est énorme, Monsieur le Président, et j'engage vivement mes collègues à suivre plutôt la voie d'Eurojust qui peut aboutir aux mêmes résultats sans rien déstabiliser.
McCartin (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais féliciter Mme Theato pour son rapport. Je pense qu'elle a cristallisé une bonne partie du travail qui a été réalisé sur ce sujet. Elle a proposé ce que j'estime être un dossier convaincant à la Convention européenne pour inclure cette disposition dans les amendements du Traité.
Lorsque nous en parlons, nous ne devrions pas, contrairement à ce que certaines personnes ont fait ou ont tenté de faire, créer le sentiment que, d'une façon ou d'une autre, les finances de l'Union européenne présentent des fuites plus importantes que celles des États membres ou d'autres finances similaires dans le monde. Nous ne sommes ni pires ni meilleurs, en revanche nous nous basons sur les normes les plus élevées en matière de comptabilité et de responsabilité financière.
D'un autre côté, la plupart des arguments avancés contre cette idée sont des arguments politiques, idéologiques. Ce sont des arguments recherchés pour provoquer ceux qui s'inquiètent d'un transfert de pouvoirs et de compétences des parlements nationaux vers l'Europe, ainsi que de la création d'une bureaucratie supplémentaire et inutile. Ce n'est pas du tout comme cela que je vois les choses. Nous avons transféré 1 % de nos impôts nationaux vers l'Union, et il est utilisé dans l'intérêt des politiques communautaires. Nous avons établi le contrôle financier pour s'en occuper. Nous avons établi l'OLAF pour mener une enquête plus approfondie sur les problèmes soupçonnés. Cependant, nous ne passons pas à l'étape suivante, qui consiste à créer les moyens de poursuivre les personnes coupables d'avoir enfreint nos législations. J'en ai fait l'expérience dans ma vie quotidienne ; j'ai vu des entreprises et des individus déclarés coupables de détourner des fonds communautaires. J'ai vu des situations dans lesquelles un nombre considérable de personnes provenant d'un secteur bien particulier, lequel est bien financé par l'Union, semblent perpétuellement à même de s'en tirer pour des violations de nos règles et règlements relatifs aux dépenses. D'un côté, je vois le contribuable d'un État membre obligé de payer par la liquidation de ses comptes pour les crimes d'entreprises particulières. D'un autre côté, je vois l'incapacité de payer des impôts via lesquels le gouvernement national, une fois encore, paie l'addition.
Si un procureur européen s'occupait de nos ressources - nous ne voulons pas que cela aille plus loin -, je pense que les autorités des États membres qui dépensent cet argent seraient plus attentives. Je pense également que l'OLAF serait moins frustré que maintenant, quand il constate, après avoir enquêté et trouvé des situations suffisamment graves pour être envoyées devant les parquets nationaux, que rien ne se passe. Si nous avions un procureur européen, nous pourrions convaincre nos contribuables que nous cherchons à conclure la question de manière adéquate.
Santos (PSE). - (PT) Monsieur le Président, j'ai dit récemment que l'utilisation des ressources financières dont dispose l'Union européenne est probablement l'exercice le plus complexe, mais en même temps le plus attirant, auquel les institutions communautaires se consacrent. L'amélioration de l'efficacité et de la transparence dans l'utilisation des ressources humaines est donc bienvenue, digne d'être signalée et défendue. La qualité de la citoyenneté européenne, à savoir le sentiment d'appartenance à l'espace supranational de solidarité, est également renforcée par l'usage qui est fait du pilier financier de l'Union.
Le Parlement européen, dans son rôle d'autorité budgétaire, est indispensable en vue de cette amélioration. C'est pourquoi on ne peut que se réjouir des efforts de la Commission en vue d'améliorer la protection pénale des intérêts financiers communautaires et, tout spécialement, en vue de créer un procureur européen. Pour que les réformes aujourd'hui à l'examen se traduisent par une protection effective de l'argent des contribuables européens ainsi que de la crédibilité de l'Union dans la garantie de cette protection, nous devons consentir un grand effort d'harmonisation des procédures, de coordination des actions et de coopération loyale et ouverte entre les États membres. Mais il est également indispensable que l'essentiel de cette politique s'oriente de manière irréversible selon l'usage de la méthode communautaire.
Je salue donc l'orientation du rapporteur, Mme Diemut Theato, lorsqu'elle soutient que le droit pénal ne doit pas être considéré comme un domaine de réglementation exclusive du troisième pilier et lorsqu'elle fait valoir que la création du procureur européen sur la base du premier pilier peut constituer un pas fort significatif dans la future structure de "pouvoirs de l'Union".
Dell'Alba (NI). - (IT) Monsieur le Président, chers collègues, les conditions dans lesquelles se déroule ce débat ne sont certes pas les meilleures pour exprimer sa pensée. Au nom des Radicaux italiens, nous continuerons, en bonne logique, à nous opposer à l'idée pure et simple de la création d'un procureur européen qui ne serait pas assortie de ces instruments et de ces modalités qui font partie du patrimoine juridique et culturel de nos pays. Comment peut-on, ne serait-ce qu'un instant, imaginer un procureur européen sans les mécanismes de jugement, d'appel, de défense, propres et inhérents au système juridique de chaque pays ? Une fuite en avant de ce type ne pourrait que rendre encore plus justicialiste l'agencement que l'on veut appliquer à l'Europe et exporter un certain modèle de justice à l'italienne que nous avons connu et qui a fait tant de mal dans notre pays. Voilà les motifs pour lesquels nous voterons contre le rapport Theato, comme nous avons déjà voté contre en commission, non que l'idée en elle-même soit dépourvue de fondement, mais parce qu'il lui manque tous les attributs pour la rendre réellement juste, comme devrait l'être aussi une justice au niveau européen.
Bayona de Perogordo (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, je tiens à féliciter Mme Theato pour le rapport que j'ai déjà soutenu au sein de la commission du contrôle budgétaire, et j'espère le soutenir encore eu sein de cette Assemblée.
Je voudrais placer le rapport dans son contexte et souligner le fait qu'il s'agit pour le Parlement européen de parvenir à une position par rapport au Livre vert de la Commission relatif au procureur européen. Avec cette publication, la Commission entend lancer un vaste débat, un très vaste débat, sur toutes les questions relatives à cette institution, et cela la mène à inclure plusieurs points dont certains pourraient être perçus comme lourds, comportant des failles et critiquables à de nombreux égards s'il s'agissait d'un projet législatif.
Toutefois, le Livre vert se résume à l'idée, à l'hypothèse intellectuelle que les intérêts financiers communautaires et, par conséquent, transfrontaliers, pourraient être mieux défendus par une institution également européenne dans le même domaine.
Cette structure conditionne le travail de Mme le rapporteur, et elle doit donc, d'une part, répondre aux questions les plus opportunes du Livre vert et, d'autre part, tirer de cette information complémentaire et prématurée l'idée essentielle d'obtenir une base juridique nécessaire à la poursuite d'une analyse scrupuleuse.
Il y a deux raisons pour lesquelles ce traitement et l'approbation de ce rapport sont recommandés. D'une part, l'actuelle Convention et la prochaine conférence intergouvernementale, qui marqueront l'avenir du droit communautaire, et d'autre part, l'adhésion imminente de nouveaux membres qui devraient faire face, dès leur arrivée, à une base juridique qui leur permettrait de s'associer à ce travail collectif de création, le cas échéant, d'un procureur européen.
Gargani (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, le rapport Theato sur le Livre vert de la Commission sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et sur la création d'un procureur européen a fait l'objet d'une longue préparation et d'un long débat. Tout d'abord nous étions d'accord, à condition que le rôle du procureur soit et reste limité, justement, aux intérêts financiers communautaires. Au cours du débat et des évaluations des commissions parlementaires, cependant, la disposition prévue à l'origine a couru le risque d'être déformée et de prendre une configuration différente et dangereuse dans le contexte institutionnel européen. Et c'est pour cela que la commission juridique et du marché intérieur qui avait, dans un premier temps, préparé un avis négatif, a par la suite, après une action intelligente du député Lehne et les éclaircissements obtenus de la part de la présidente Mme Theato, exprimé un avis de compromis et tenté de ramener l'institution que l'on veut réglementer vers l'inspiration originale. Des discussions ultérieures avec Mme Theato nous ont permis de parvenir à une position unie et de compromis dont nous espérons qu'elle sera confirmée par cette Assemblée ce matin. Mme Theato a fait preuve d'une grande sensibilité dans la prise en charge de ce problème parce qu'en fait, le système juridique de l'Union européenne ne prévoit pas de compétences en matière de droit pénal et de procédure pénale, ni de magistrature dotée de tous les degrés de juridiction à même de garantir le plein droit de la défense. Monsieur le Président, chers collègues, en l'absence d'un tel contexte, la création d'un procureur européen indépendant et sans aucun contrôle ébranlerait l'équilibre interinstitutionnel déjà fragile entre l'Union et les États dans un domaine délicat comme la justice : cela serait donc illogique et immotivé. En particulier, la création d'un tel organe semblerait vraiment prématurée si l'on considère que les objectifs de coopération judiciaire n'ont pas encore été atteints, ni ceux - là où cela est nécessaire -, de l'harmonisation des règles sur les questions de droit pénal des États membres.
Ce n'est que dans le cadre d'Eurojust - qui, il est vrai, pose le problème de la subsidiarité et un problème de coordination important entre tous les États européens - que nous pourrons vraiment aboutir à une solution importante et homogène qui respecte les États et qui offre en même temps les garanties que l'Union européenne doit assurer. Nous votons dans ce sens, et nous présenterons ces amendements devant la Convention, qui ne peut évidemment pas admettre un parquet européen, un super-ministère public illimité qui serait en contradiction avec toutes les règles de garantie qui existent néanmoins dans notre Europe.
Le Président. - Le débat est clos. Le vote aura lieu dans quelques instants.
PRÉSIDENCE DE M. COX Président
Galeote Quecedo (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, ce matin, les députés européens du PPE-DE ont trouvé, en regardant dans les boîtes aux lettres qui se trouvent ici, à côté de l'Hémicycle, une affiche sur laquelle étaient écrits leur nom et le mot "assassin". Monsieur le Président, jusqu'à présent, je pensais que seuls nos collègues du Pays Basque étaient habitués à voir leur nom figurer sur des graffitis dans la rue, et nous avons observé une minute de silence pour certains d'entre eux, au sein de cette Assemblée, Monsieur le Président.
Je pense que cela va à l'encontre de l'esprit sur lequel s'est fondé l'Union européenne, tout comme certaines affiches que nous avons vues hier ici même, en plénière - et je dis ceci avec tout mon respect.
Ainsi, Monsieur le Président, je vous demande d'en appeler à la tolérance, qui est la base de l'intégration européenne.
(Applaudissements)
Le Président. - La réaction de vos collègues en dit long sur votre appel à la tolérance. En ce qui concerne l'incident que vous avez mentionné, je le condamne totalement. La personne qui a fait cela s'est comportée d'une manière inacceptable et honteuse.
(Applaudissements)
Un parlement est une tribune du peuple et ses membres ont pleinement le droit d'exprimer leurs préférences et leurs analyses politiques et de le faire sereinement, dignement, et dans le respect et la tolérance réciproques.
À la lumière de ce que vous avez rapporté ce matin, Monsieur Galeote Quecedo, je vous propose de demander aux services s'il est possible de découvrir comment cet incident a pu se produire et qui en est l'auteur, pour que nous puissions éventuellement en tirer une leçon. S'il s'avère nécessaire de modifier le règlement pour faire face à ce genre d'incidents honteux, je suis déterminé à le faire.
(Applaudissements)
Barón Crespo (PSE). - (ES) Monsieur le Président, j'ai demandé la parole pour exprimer ma condamnation de ces faits intolérables, pour exprimer ma solidarité envers les collègues du PPE-DE, et je voudrais faire la même proposition que vous avez faite. Je la soutiens, au nom de mon groupe.
(Applaudissements)
Nogueira Román (Verts/ALE). - (ES) Monsieur le Président, il est inutile de rappeler que, comme tous les députés espagnols, nous sommes opposés à ce type de pratique et à toute forme de violence. Mais je dois dire, Monsieur le Président, que cela se produit dans un contexte dans lequel des millions d'Espagnols manifestent contre la guerre et dans lequel le gouvernement de M. Aznar compare des États comme la France et l'Allemagne…
(Protestations)
… à Saddam Hussein, au sein de la Chambre des députés. Hier encore, il a qualifié les États s'opposant à la guerre d'alliés de la Chine et de la Russie, au lieu de dire que ce sont l'Angleterre et l'État espagnol qui adoptent une position opposée à celle de l'Europe.
(Applaudissements)
Le Président. - Le comportement honteux dont nous avons été témoins aujourd'hui ne se justifie en aucune façon.(1)