La Présidente. - L’ordre du jour appelle la question orale à la Commission sur la promotion des ventes dans le marché intérieur, posée par le groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe et le groupe du Parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et démocrates européens.
Newton Dunn (ALDE), auteur. - (EN) Madame la Présidente, je suis très reconnaissant à M. le commissaire d’être présent ici pour nous aider à résoudre cette question. Initialement, celle-ci devait être portée en même temps devant le Conseil et la Commission, la proposition déjà passée en première lecture au Parlement étant bloquée au niveau du Conseil depuis beaucoup trop longtemps. L’objectif de la question et du débat consistait à faire en sorte que le Conseil explique pourquoi celle-ci est bloquée et ce qu’il entreprend pour faire avancer le dossier et pour que la question retourne devant le Parlement afin de bénéficier au population. Malheureusement, faisant montre de prudence, la Conférence des présidents, a reformulé cette proposition en vue de ce débat et nous ne portons maintenant la question que devant la seule Commission. Le Conseil est complètement absent aujourd’hui, mais je suppose qu’un débat à moitié engagé est toujours préférable à aucun débat du tout!
Il s’agit d’une proposition relative aux promotions des ventes. Dans chacun des 25 États membres, il y a des législations nationales différentes qui déterminent ce qui est permis: produits d’attraction, «trois pour le prix de deux», distribution d’échantillons gratuits. Il n’existe pas de marché intérieur des droits des détaillants qui traversent les frontières pour opérer avec les mêmes offres et les mêmes outils commerciaux dans toute l’Union. La proposition initiale de la Commission - qui était foncièrement bonne - consistait à disposer d’un marché unique en matière de techniques de promotion des ventes.
Cela remonte initialement à la proposition de marché unique de 1992. Pour autant que je sache, cela a été initialement proposé dans un livre vert datant de 1996, c’est-à-dire il y a huit ans. La proposition est passée en première lecture en 2002 - il y a deux ans et demi - mais, depuis lors, nous attendons toujours que le Conseil se décide à bouger.
Elle apporterait des avantages évidents si nous arrivons à la faire passer. Davantage de concurrence et de choix pour le public, des prix plus bas et plus de transparence. Pour les détaillants, il y aurait davantage de flexibilité dans l’ensemble du marché unique et un autre outil de commercialisation et pour faire des affaires, qui créerait de la prospérité et des emplois.
Mais tant que nous ne bénéficierons pas de facilités transfrontalières, les coûts seront plus élevés, car les détaillants devront élaborer différents plans adaptés au marché de chacun des 25 États membres. Le récent rapport sur la stratégie de Lisbonne a fait ressortir le marché intérieur comme l’une de ses priorités, or cet aspect fait partie du marché intérieur.
Il existe des préoccupations concernant le traitement des enfants et les petites entreprises, qui feraient partie de la proposition que nous tenons beaucoup à aborder.
Les questions que je me dois de poser à M. le commissaire sont de deux ordres: le Conseil se réunit en secret et le Parlement ne peut assister à ces réunions, mais le commissaire, lui, au moins, est autorisé à siéger au Conseil et peut donc nous expliquer ce qui se passe. Premièrement, comment pouvons-nous faire franchir à cette question l’étape du Conseil et la faire avancer à nouveau pour le profit de tous les citoyens? Deuxièmement, depuis l’élaboration de la proposition il y a quelques années, l’euro a évolué et le commerce électronique - c’est-à-dire le commerce par l’internet - a connu un énorme développement, et notre commission souhaiterait savoir si la proposition, telle qu’elle avait été initialement avancée par la Commission, reste encore valable aujourd’hui ou si elle a entre-temps été dépassée par les événements. De même, la proposition de directive sur les services et la proposition de directive sur les pratiques commerciales déloyales interfèrent-elles avec la proposition initiale sur les promotions des ventes? Nous aimerions entendre un nouveau point de vue sur la situation actuelle de la directive relative aux promotions des ventes. Doit-elle être revue ou bien suffit-il que nous poussions le Conseil à agir le plus rapidement possible?
Harbour (PPE-DE), auteur. -(EN) Madame la Présidente, je tiens à remercier mon collègue, M. Newton Dunn, qui s’est chargé d’être le rapporteur pour ce qui sera, nous l’espérons, la deuxième lecture et le remercier aussi de nous avoir encouragé à collaborer pour faire avancer cette question. Il est honteux que nous n’ayons pas pu obtenir le soutien de la commission tout entière, mais il est néanmoins important, Monsieur le Commissaire, que nous vous donnions l’occasion d’entendre notre position sur ce point.
Je voudrais réfléchir à un ou deux points, afin de rebondir sur ce qu’a dit M. Newton Dunn à propos de l’importance économique de cette question. Ceux d’entre nous qui souhaitent pousser en faveur de l’achèvement du marché intérieur en tant que pierre angulaire de la stratégie de Lisbonne, comme exposé dans le rapport Kok et dans tant d’autres rapports du Conseil, souhaiteraient que vous nous disiez, de votre point de vue interne, comment il se fait que le gouvernement de certains États membres, dont les Premiers ministres assistent à ces grandes réunions du Conseil et font des déclarations quant à l’importance d’achever le marché intérieur, notamment le marché intérieur des services, sont extrêmement réticents, lorsqu’ils se voient invités à donner aux consommateurs l’occasion d’accéder aux promotions des ventes, aux offres de rabais et autres promotions sur les produits proposées dans un autre pays de l’Union européenne, à rendre ces promotions accessibles à leurs propres consommateurs?
Je rends hommage à M. Brinkhorst, ministre néerlandais des affaires économiques, car je sais qu’il a pris très au sérieux le règlement relatif aux promotions des ventes et qu’il a été également stupéfié de cette absence de progrès. Je me souviens qu’il a dit à notre commission que nous avions très certainement atteint, dans le développement du marché intérieur, le stade auquel les États membres devaient commencer à se faire mutuellement confiance. Qu’est-ce qui pourrait donc être plus essentiel, dès lors qu’on demande la confiance, que de dire qu’une législation en matière de protection des consommateurs qui permet les promotions des ventes dans un pays est également applicable à un autre pays?
Comment les attitudes des consommateurs d’un pays donné vis-à-vis des promotions auxquelles ils ont accès, qu’il s’agisse d’une promotion consistant en des rabais, d’un jeu promotionnel ou encore d’une vente annuelle organisée à un moment donné, peuvent-elles différer des attitudes des consommateurs dans un autre pays? Nous sommes confrontés à une situation extraordinaire dans laquelle, au sein de marchés qui sont très similaires, il existe différentes conditions dans les magasins en raison de divergences dans la réglementation en matière de promotions des ventes.
La stupéfaction qui a conduit à cette question vient de la question de savoir comment les États membres peuvent affirmer qu’ils sont sérieux lorsqu’il veulent créer un marché intérieur et disposer d’une réglementation unique relative aux pratiques commerciales déloyales, alors même qu’ils ne désirent pas permettre aux consommateurs d’accéder à ces droits ni de se faire confiance les uns aux autres. Voilà la question fondamentale.
Monsieur le Commissaire, j’imagine que vous êtes tout aussi pantois que nous à ce sujet. Il se peut qu’ensemble, nous puissions résoudre certains de ces problèmes.
McCreevy,Commission. - (EN) La proposition de règlement relatif aux promotions des ventes, qui a reçu un très fort soutien de la part de cette Assemblée il y a deux ans, constitue une initiative clé en matière de marché intérieur liée à l’achèvement d’un marché intérieur des services connaissant un bon fonctionnement. Je suis par conséquent heureux de constater que le Parlement a conservé tout l’intérêt qu’il manifestait pour ce texte, en dépit du fait que le Conseil est encore en train de l’examiner.
Les promotions des ventes sont des outils clés pour la commercialisation des biens et services. Elles couvrent les réductions de tous types: les offres exceptionnelles, les cadeaux, les concours et jeux promotionnels. Elles constituent un outil permettant de pénétrer sur de nouveaux marchés à l’aide de produits et de services innovants, d’encourager la loyauté du consommateur, de stimuler les actions concurrentielles ou de gérer efficacement les stocks, pour n’évoquer que quelques-uns des domaines dans lesquels les promotions des ventes sont essentielles. Leur conception, leur exécution et leur communication représentent un grand nombre d’emplois dans l’Union européenne, avec des investissements représentant des milliards d’euros.
Les promotions des ventes sont essentielles au développement du commerce transfrontalier des produits et services à l’intérieur du marché intérieur. C’est particulièrement vrai pour les petites et moyennes entreprises lorsqu’elles développent de nouveaux marchés. Cependant, la libre circulation des marchandises et des services est sérieusement entravée du fait d’une multitude de règles nationales divergentes régissant les promotions des ventes.
Je tiens à vous assurer de ce que la Commission a fait tous les efforts qui étaient en son pouvoir pour venir en aide aux présidences en exercice du Conseil qui se sont succédées afin de parvenir à un accord politique. La Commission a notamment fait preuve d’une grande souplesse en ce qui concerne les deux thèmes clés restant à traiter, qui sont le choix de l’instrument juridique et l’inclusion dans le texte d’une clause de reconnaissance mutuelle.
En ce qui concerne les implications de la stratégie de Lisbonne, il est clair que si l’actuelle position ne devait pas changer, cette impasse suggérerait que le Conseil serait incapable de mettre en œuvre intégralement les engagements en matière de marché intérieur qu’il avait lui-même fixés dans ce contexte. Toutefois, la Commission ne croit pas que les négociations portant sur ce texte soient terminées.
L’alternative à l’harmonisation consisterait en des arrêts de la Cour qui lèveraient les restrictions disproportionnées identifiées, mais cela n’aurait pas pour effet d’harmoniser les dispositions qui permettraient d’atteindre un niveau élevé de protection des consommateurs, y compris de protection des mineurs. La Commission est convaincue que le Conseil ne considérera pas cela comme une proposition satisfaisante. La Commission continuera par conséquent de travailler avec la nouvelle présidence en vue de trouver une solution qui fasse apparaître un marché unique authentique en matière de promotions des ventes.
Patrie (PSE), au nom du groupe. - Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, mes chers collègues, la proposition de règlement relatif aux promotions des ventes a connu, vous le savez, depuis le début du processus de débat, de nombreux avatars puisqu’elle a été repoussée pas moins de quatre fois par le Conseil depuis trois ans.
Mais comment s’en étonner? On ne peut, en effet, pas s’étonner de ces blocages persistants dès lors que plus personne ne perçoit clairement quelles sont les options prises par la Commission en matière de droits européens de la consommation malgré l’adoption, il y a bientôt deux ans, en mars 2003, du livre vert sur la protection des consommateurs.
A-t-on encore l’ambition d’avoir un jour un droit de la consommation harmonisé, comme semble promouvoir la directive sur les pratiques commerciales déloyales, ou bien a-t-on tout bonnement renoncé à une quelconque harmonisation comme paraît le démontrer le projet de directive sur les services dans le marché intérieur?
À ce flou sur la stratégie, s’ajoute, si je puis dire, une certaine confusion sur les concepts et en particulier sur des concepts-clés comme la clause de marché intérieur, la reconnaissance mutuelle, ou ce fameux principe du pays d’origine auquel les projets de texte font alternativement référence, sans que l’on sache très bien pourquoi on a choisi, dans quel cas, tel principe plutôt que tel autre et quels en seront les avantages tant pour les entreprises que pour les consommateurs.
Dès lors, on comprend bien que les États qui disposent de législations particulièrement protectrices pour les consommateurs hésitent à lâcher la proie pour l’ombre et à souscrire sans réserve à un système qui, quelle que soit la manière dont on l’appelle - reconnaissance mutuelle ou principe du pays d’origine - aboutira immanquablement à du dumping juridique, c’est-à-dire à un alignement progressif des législations nationales sur les moins-disantes d’entre elles.
Aussi, tant que des réponses claires ne seront pas données à ces questions préalables, tant qu’un travail de mise en cohérence des différents textes en cours n’est pas réalisée, je ne vois pas bien, pour ma part, l’urgence qui s’attache à obtenir un accord politique sur cette proposition de règlement et, pour le dire de façon triviale, il est urgent d’attendre.
Enfin, subsiste également le désaccord sur l’outil juridique, comme vous venez de le souligner, Monsieur le Commissaire. Ce n’est pas un simple point de procédure, puisque le choix du règlement plutôt que de la directive demeure pour moi contestable dans un domaine où, compte tenu de sensibilités culturelles extrêmement fortes, comme on l’a vu sur la question des soldes, il conviendrait de donner des marges de souplesse aux États membres.
Enfin, soyons sérieux! Cessons d’invoquer à tout bout de champ la nécessaire relance de la stratégie de Lisbonne et de feindre de croire que la création de millions d’emplois en Europe est suspendue à la réglementation des jeux, concours promotionnels et autres chèques commerciaux. La stratégie de Lisbonne vaut mieux que cela. Dès lors, qu’on reconnaisse d’égale valeur ces trois piliers: compétitivité, mais également développement social et protection de l’environnement!