Le Président. - L’ordre du jour appelle en discussion commune:
- le rapport de Mme Díez González, au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, sur le plan d’action de l’Union européenne contre le terrorisme (2004/2214(INI)) (A6-0164/2005);
- le rapport de M. Mayor Oreja, au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, sur la prévention des attentats terroristes, la préparation et la réaction à ceux-ci (2005/2043(INI)) (A6-0166/2005);
- le rapport de M. Lambrinidis, au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, sur la protection des infrastructures vitales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (2005/2044(INI)) (A6-0161/2005);
- le rapport de M. Borghezio, au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, sur la lutte contre le financement du terrorisme (2005/2065(INI)) (A6-0159/2005);
- les rapports de M. Duquesne, au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, sur l’échange d’informations en ce qui concerne les infractions graves, y compris les actes terroristes (10215/2004 - C6-0153/2004 - 2004/0812(CNS)) (A6-0162/2005),
l’échange d’informations et la coopération concernant les infractions terroristes (décision) (15599/2004 - C6-0007/2004 - 2004/0069(CNS)) (A6-0160/2005)
et l’échange d’informations et la coopération concernant les infractions terroristes (2005/2046(INI)) (A6-0165/2005);
- le rapport de M. Alvaro, au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, sur la prévention, la recherche, la détection et la poursuite de délits et d’infractions pénales, y compris du terrorisme (8958/2004 - C6-0198/2004 - 2004/0813(CNS))(A6-0174/2005);
- les questions orales de M. Florenz au Conseil et à la Commission concernant la capacité de réaction de l’Union européenne aux menaces que fait peser le bioterrorisme sur la santé publique (B6-0243/2005 et B6-0244/2005).
Rosa Díez González (PSE), rapporteur. - (ES) Monsieur le Président, aujourd’hui est une journée importante. Cette discussion commune place à nouveau le Parlement européen au centre de la lutte contre le terrorisme. Nous formons une assemblée politique et il s’agit ici d’un débat politique sur les mesures attendues de l’Europe pour la défense des droits de l’homme et la défaite du terrorisme. Ce débat a également pour objectif de donner des leçons en matière de démocratie.
Nous sommes convaincus que, pour combattre efficacement le terrorisme, l’Europe doit mettre en place, dans ce domaine également, une politique commune, qui dépasse la coopération de plus en plus étroite et fructueuse établie entre les pays de l’Union - dont l’Espagne et la France constituent de bons exemples -, ainsi qu’entre l’Union et des pays tiers; une politique qui réponde aux préoccupations des citoyens et qui puisse servir de modèle à travers le monde.
Vaincre le terrorisme est avant tout une question de croyance dans la suprématie de la démocratie. Vaincre le terrorisme, c’est être prêt à utiliser tous les instruments fournis par l’État de droit, sans exception, mais aucun autre que ceux autorisés par celui-ci. Vaincre le terrorisme, c’est lutter contre l’impunité et dénuer les actes terroristes de toute légitimité. Vaincre le terrorisme, c’est conserver vivante dans nos cœurs la mémoire de ses victimes.
Le terrorisme, Mesdames et Messieurs, est une forme de totalitarisme, de fanatisme. Il tend à détruire les sociétés libres et plurielles. Il est incompatible avec la démocratie. J’affirme donc que seule une démocratie solide, vigoureuse et engagée pourra le contrer.
Cette Assemblée a occupé le devant de la scène plus d’une fois dans ce domaine. Le 6 septembre 2001, quelques jours à peine avant l’attentat des tours jumelles, elle a adopté deux recommandations - le mandat d’arrêt et la définition commune de l’acte terroriste -, que le Conseil a pu approuver en décembre de la même année grâce au fait que nous, membres du Parlement européen, ayons achevé notre travail dans les temps. Il est vrai que certains membres de l’Union doivent encore les transposer dans leur législation et que d’autres pays ne les ont toujours pas transposées de manière adéquate. C’est pourquoi le rapport dont je suis le rapporteur réclame une prompte évaluation. Toutefois, ces deux décisions démontrent à quel point les citoyens européens ont besoin d’un Parlement qui occupe le premier rang en matière de décision politique.
L’Europe est un modèle de démocratie et de respect des droits de l’homme. C’est notre vocation, le but de notre union politique. Nous nous élevons donc contre le terrorisme afin de défendre et promouvoir la démocratie et de garantir le respect des droits de l’homme, parce que nous savons qu’il est l’ennemi de la démocratie. C’est la raison pour laquelle nous proposons une politique européenne qui combatte le terrorisme et assure ainsi la protection des droits de l’homme individuels et collectifs, le droit à la vie, la liberté d’expression, la liberté de mouvement, la liberté de pensée et la liberté de culte; nous suggérons une politique européenne qui s’oppose à ce fléau pour garantir la compatibilité entre la sécurité collective et la liberté et la dignité individuelles.
Je n’ai pas l’intention de vous ennuyer avec les détails de chacune des recommandations contenues dans le rapport. Toutes sont novatrices, mais réalisables. Elles exigent uniquement de la volonté politique et sont toutes nécessaires. Elles couvrent divers sujets allant du renforcement du rôle joué par le coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme à la promotion de la création du poste de procureur européen.
Je souhaiterais appuyer la recommandation en faveur de l’institutionnalisation de la reconnaissance des victimes du terrorisme au niveau européen. Il importe également en termes politiques que nous nous engagions à présenter une définition internationale du crime de terrorisme, une définition qui se révèle de plus en plus nécessaire si nous voulons, comme l’a proposé M. Kofi Annan dans l’agenda de Madrid, que ces crimes soient poursuivis et punis dans le monde entier.
Je souhaiterais enfin attirer votre attention sur une recommandation des plus ambitieuses: solliciter les États membres pour qu’ils n’accordent aucun délai de prescription pour les actes terroristes. L’adoption d’une telle position reflèterait ainsi la réprobation de la communauté internationale, qui compte ces actes parmi les plus graves et les plus inadmissibles des crimes perpétrés contre l’humanité.
Je conclurai, Mesdames et Messieurs, en déclarant que si l’action que nous accomplissons aujourd’hui est modeste - et j’en suis bien consciente -, elle n’en est pas moins importante. Et je suis fière d’avoir contribué à placer une fois encore le Parlement européen au front de la guerre contre l’impunité des criminels et à la tête de la défense des droits de l’homme. Je souhaiterais remercier tous mes collègues, ainsi que tous les groupes politiques, pour leurs contributions à ce long débat. Grâce à chacun d’eux, cette Assemblée est en passe de proposer au Conseil des initiatives proactives qui modifieront la dynamique du passé. Celles-ci visent la création d’une politique européenne qui soit apte à prévenir au maximum le terrorisme.
En tant que socialiste, Basque, Espagnole et Européenne, je suis fière que ce Parlement salue à nouveau la mémoire des victimes du terrorisme.
Le président du gouvernement espagnol, M. José Luis Rodríguez Zapatero, a réaffirmé son engagement samedi dernier lors d’une cérémonie de remise des diplômes à la Garde civile, lorsqu’il a déclaré que toutes les victimes resteraient inscrites à jamais dans nos mémoires. Pour tout démocrate, cet engagement - se souvenir des victimes - doit empêcher l’apparition de sociétés telles que celles poursuivies par les terroristes par le biais de leurs actes.
L’Europe sait ce qu’est le totalitarisme et elle est consciente de l’importance d’entretenir la mémoire pour éviter que l’histoire ne se répète. Primo Levi l’a brillamment expliqué dans un ouvrage exceptionnel: «Comprendre est impossible, mais savoir est nécessaire et se souvenir est un devoir».
Le Président. - Je voudrais souhaiter la bienvenue à notre ancien collègue, M. de Vries, qui suit le débat depuis les sièges réservés au Conseil.
Jaime Mayor Oreja (PPE-DE), rapporteur. - (ES) Monsieur le Président, je souhaiterais tout d’abord remercier le commissaire Frattini, ainsi que M. de Vries, coordinateur de la lutte antiterroriste et membre du Conseil, de nous honorer de leur présence ce matin. Je voudrais également remercier tous les députés européens qui ont œuvré et collaboré - tantôt sur la base de désaccords, tantôt sur la base de consensus - à la réalisation de ce rapport sur la prévention des attentats terroristes et la réaction à ceux-ci, et en particulier mes chers amis Mme Rosa Díez et M. Antoine Duquesne pour leur coopération et leurs contributions à ce rapport.
Je souhaiterais profiter des quelques minutes qui me sont imparties pour faire preuve d’une grande concision et résumer, principalement, les raisons et objectifs qui m’ont encouragé à présenter aujourd’hui le présent rapport devant le Parlement européen. Qu’ai-je voulu communiquer aujourd’hui à cette Assemblée par le biais de ce rapport? Tout simplement les quelques connaissances que j’ai pu emmagasiner, l’expérience limitée et modeste que j’ai acquise quant aux implications de la lutte contre une organisation terroriste dans mon pays, l’Espagne, et au Pays basque sur une période de plus de vingt-cinq ans.
Par conséquent, je suis convaincu qu’il importe plus que tout autre chose aujourd’hui de transformer l’approche traditionnelle de l’Union européenne en matière de lutte antiterroriste, qui s’est généralement traduite par l’élaboration d’une liste exhaustive de mesures, en ce qui doit être, à mon sens, un projet politique européen.
Vous me demanderez peut-être quelle différence il existe entre une liste exhaustive de mesures et un projet politique. Ce dernier est beaucoup plus ambitieux. Un projet politique est toujours le résultat d’une priorité, d’une accentuation et, par-dessus tout, d’un état d’esprit approprié et convenable. Plus important, il peut être simultanément résumé et compris par une opinion publique reconnaissante des efforts fournis par un responsable politique dans l’optique de transformer cette liste de mesures en projet pratique.
Permettez-moi de signaler que les résultats obtenus récemment en Europe confirment la nécessité d’un nombre limité de projets politiques, parce qu’il est impossible d’en mener une infinité. Nous devons nous restreindre à quelques projets politiques seulement, des projets que les citoyens européens puissent comprendre et qui permettent de résoudre leurs problèmes. Et de mon point de vue, l’un de ces problèmes est indubitablement le terrorisme.
Il est impossible de combattre ce phénomène selon une méthode unique. Les forces de sécurité ne peuvent adopter l’état d’esprit adéquat dans une telle perspective. Nous devons nous attaquer à une forme particulière de terrorisme, à une organisation déterminée. Il est évident que cette lutte doit toujours reposer sur les mêmes principes de liberté, de respect des droits de l’homme, et sur les concepts fondamentaux de l’Europe, mais dans chaque cas, nous devons être capables de créer un projet politique concret spécifique et de préciser, déterminer et mesurer l’organisation combattue. Il convient d’agir de la sorte entre autres raisons parce que, comme je l’ai dit précédemment, c’est la seule façon d’encourager les forces de sécurité à investir tous les efforts qu’elles sont en mesure de fournir dans la lutte contre une organisation déterminée.
Quel est le principal atout d’une organisation terroriste? Son caractère dispersé. Nous ne savons jamais où elle débute ni où elle se termine; nous ne savons pas sur quelle structure sociale elle repose ni quels États, le cas échéant, se cachent derrière ce groupe. Cependant, elle dispose toujours d’un appui social. L’une des clés permettant de lutter contre le terrorisme consiste à connaître l’ampleur de l’organisation et les couches sociales qui la supportent.
Pour cette raison - et je suis déçu par certains amendements à cet effet -, je regrette que nous n’ayons pas eu le courage d’appeler l’organisation à laquelle sont confrontés les Européens - une organisation islamiste radicale, ou qui se pose en défenseur de l’Islam, c’est-à-dire Al-Qaïda - par son nom. Il est essentiel de la désigner nommément, car c’est le seul moyen de combattre une organisation: nous devons être capables de désigner ce à quoi l’Union européenne est actuellement confrontée.
Le principal risque encouru par le Parlement européen est la paralysie, l’inaction; c’est d’être sûr de ses principes et de ses valeurs et d’avoir dégagé un consensus général, sans pouvoir créer un projet politique européen commun destiné à résoudre cette question épineuse vouée à affecter notre présent et notre futur, et considérer ce problème comme celui de quelqu’un d’autre, comme s’il s’agissait d’un événement vécu par les Américains le 11 septembre, il y a quelques années, ou uniquement par les Espagnols, pour des raisons particulières, le 11 mars. Toutefois, je ne pense pas que nous devions agir de la sorte.
En conclusion, je souhaiterais rendre hommage aux victimes et souligner qu’elles doivent constamment occuper le centre de nos débats, qu’elles doivent demeurer notre principal sujet d’attention; je voudrais rappeler qu’à cet égard, nous devons tous allier notre force morale à la leur afin de traiter en profondeur cette question essentielle pour notre avenir.
Stavros Lambrinidis (PSE), rapporteur. - (EL) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, dans la lutte contre le terrorisme, la peur est le pire ennemi et la pire conseillère. Elle paralyse la population et altère son sentiment de sécurité, et c’est ainsi que les terroristes l’emportent. Elle amoindrit également la résistance du peuple et cause du souci aux gouvernements en matière de mesures répressives, souvent incompatibles avec les libertés fondamentales. À ce niveau également, les terroristes sont gagnants. Par conséquent, le meilleur moyen de limiter cette peur consiste à nous tenir prêts, en tant qu’Europe, tant à prévenir les attaques terroristes et leurs répercussions qu’à gérer les retombées d’un attentat - s’il venait finalement à se produire - de la meilleure façon qui soit, c’est-à-dire en les atténuant à la fois pour la population dans son ensemble et pour les victimes.
Pourquoi devrions-nous accomplir cette tâche collectivement, et non séparément?
Premièrement parce que le terrorisme n’a pas de frontières et qu’il en est souvent de même aujourd’hui de nos infrastructures vitales. Nous ne pouvons pas traiter séparément un problème aux répercussions uniquement paneuropéennes.
Deuxièmement, parce que nous sommes liés à cette Europe, non seulement par des attaches politiques, mais encore par la solidarité. Dans le cas du terrorisme en particulier, nous avons déclaré dans la nouvelle Constitution européenne, le 25 mars 2004, qu’il est absolument nécessaire que nous œuvrions de concert. Mais quelles actions devrions-nous mener de concert? En termes de prévention et de protection des infrastructures vitales, je vous dirais qu’il est de la plus haute importance que soit élaborée par la Commission et approuvée par le Parlement une proposition concernant un programme de protection de ces infrastructures. Chaque État membre doit, en collaboration avec les gestionnaires des infrastructures, pour la plupart du secteur privé, définir celles-ci à l’aide d’une méthode européenne harmonisée. Nous devons analyser la sensibilité de ces systèmes et évaluer les menaces qui pèsent sur eux, ce qui implique la nécessité d’échanger des informations les concernant. Par exemple, mon pays pourrait posséder des renseignements relatifs à une éventuelle menace sur un autre pays. Nous devons trouver des solutions pour protéger ces infrastructures et pour réagir de manière adéquate dans le cas d’un attentat. Parallèlement, nous devons garantir la confidentialité, afin que les propriétaires de ces infrastructures puissent échanger des informations au préalable, c’est-à-dire qu’ils soient capables de s’avertir mutuellement d’attentats potentiels. Nous devons également assurer le financement. Et plus que toute autre chose, nous devons veiller à la protection des libertés fondamentales lorsque nous agissons. La fin ne justifie pas les moyens. Nous devons garantir un calendrier reconnaissable et réalisable, ainsi qu’un contrôle communautaire indépendant du soutien octroyé en faveur de ce calendrier pour la prescription d’infrastructures. Nous ne pouvons pas tout simplement débourser de l’argent sans calendrier.
Que pouvons-nous faire en matière de gestion des crises? Dans cette optique, nous devons créer une force de protection civile européenne et garantir un financement européen de ses déplacements. Il s’agit des frais les plus élevés. Il est possible de créer une base de données permettant de coordonner les actions à travers l’Europe - de décider quels pays viendront en aide à un pays frappé par une catastrophe et quelles forces ils utiliseront à cet effet -, mais cela a un prix. Nous devons établir une collaboration avec les organisations non gouvernementales et les autorités locales, car elles sont toutes concernées lorsqu’une catastrophe se produit, qu’il s’agisse d’un attentat terroriste ou d’une catastrophe naturelle. Tous les systèmes d’alerte précoce doivent être regroupés dans le système ARGUS. L’Europe doit disposer d’un centre de gestion des crises, de coordination et de contrôle, et de traitement de l’information.
En tant qu’Union, nous devons également consulter les autorités nationales expérimentées. Je mentionne cette nécessité parce que, pour les jeux Olympiques de Grèce en 2004, nous avons organisé ce qui a probablement constitué la plus grande opération de protection civile et infrastructurelle de l’histoire du monde entier. La Commission européenne ne peut pas mettre sur pied un programme d’une telle envergure sans consulter des autorités telles que celles-là.
Quelles actions ne devrions-nous pas mener de concert? Nous ne voulons pas communiquer au monde des alertes vertes, rouges ou orange. Nous ne pouvons pas créer un climat de panique. En engendrant un tel climat, nous avons comblé les attentes des terroristes: nous avons engendré la peur que j’ai mentionnée dans mon introduction. Nous ne voulons pas non plus de guerres préventives contre le terrorisme. Il s’agit de guerres menées soit contres des États nations, soit contre les droits fondamentaux. À l’heure actuelle, de nombreux pays à travers le monde sont confrontés à l’immense tentation de restreindre ces droits, sous prétexte de la lutte contre le terrorisme. En outre, nous ne voulons pas considérer ce phénomène uniquement comme l’affaire de la police. Ce n’est pas - et ne devrait pas être - notre méthode pour le combattre. Nous ne voulons pas non plus ériger certains terroristes en suppôts du Diable, car ce faisant, nous en faisons des héros. Nous sommes également contre l’oubli des victimes. Nous devons nous souvenir d’elles. Les terroristes veulent le contraire; ils veulent que nous les ignorions.
Je vous remercie de votre écoute et je tiens à remercier tous mes chers amis d’avoir adopté ce rapport à l’unanimité au sein de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures. J’espère que nous aurons la possibilité de réaliser de grandes choses ensemble dans le futur.
Mario Borghezio (IND/DEM), rapporteur. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les mesures répertoriées dans le programme de La Haye, et qui concernent en premier lieu le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et les échanges d’informations entre les États membres, doivent être mises en œuvre avec rapidité et efficacité. C’est l’un des objectifs proposés dans mon rapport. Il doit être satisfait à cet objectif dans le respect de la confidentialité des données à caractère personnel - point sur lequel de nombreux députés ont insisté au cours du débat - en vue de consolider la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne, qui se trouvent gravement menacées par le terrorisme international.
Le terrorisme est financé avant tout par le trafic d’armes et de stupéfiants, et il est clair que les transactions effectuées par ces groupes qui contrôlent les trafics de cette nature impliquent la participation des institutions bancaires et financières officielles. Les mesures de prévention et de riposte au financement du terrorisme doivent par conséquent se concentrer sur ces institutions. De ce point de vue, nous saluons chaleureusement l’engagement formulé au nom de la Commission par M. Frattini - que nous remercions de son rapport - d’une présentation immédiate, devant le Parlement européen, d’une proposition de règlement sur la traçabilité des transactions financières. Nous estimons que cette initiative, pour laquelle nous sommes reconnaissants à la Commission, est pratique, rapide et efficace.
Il y a par ailleurs une autre question tout aussi importante, celle de la coopération judiciaire. Comment est-il possible qu’un juge donné - et en Italie, beaucoup d’entre eux sont engagés intensivement et efficacement dans la lutte contre le terrorisme - agisse sans instruments adéquats de coopération et d’échange d’informations? C’est un problème qui reste encore à résoudre.
Je n’ai pas l’intention de sous-estimer les préoccupations exprimées par de nombreux députés quant à la question de la protection des données à caractère personnel, mais une exigence doit avoir la priorité: écraser les sièges du terrorisme qui menacent les citoyens. Il est par conséquent nécessaire de réfléchir soigneusement à la nécessité d’une coopération dans l’échange d’informations et de la création d’un instrument qui nous permettra d’arrêter le terrorisme en temps réel, au moyen de mesures et d’interventions efficaces, afin d’éviter de verser plus tard des larmes de crocodile pour les centaines de victimes des attentats, ou, pire encore, d’attaques terroristes de type biologique.
Il est évident que l’organisation et le développement opérationnel des réseaux terroristes impliquent des méthodes et des techniques en évolution constante, qui incluent également les infiltrations. De ce point de vue, et tout en ayant la plus grande considération pour le travail et le désintéressement des organisations non lucratives, j’estime qu’il est indispensable de souligner le danger réel de l’infiltration des organisations caritatives par des groupes terroristes, comme l’ont déjà attesté de nombreuses enquêtes. Ces organisations doivent assurer une transparence maximale dans la gestion de leurs fonds, doivent utiliser exclusivement des comptes bancaires officiels et des canaux financiers standard, et doivent publier leurs plans budgétaires - ce qui constitue aussi une protection pour le secteur non lucratif, qui est une source de fierté pour la société civile européenne.
N’oublions pas, de plus, la mise en œuvre des recommandations du GAFI (Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux), qui prennent une grande importance dans la définition de nouvelles règles en matière de transferts bancaires. Ces règles sont une condition préalable sine qua non pour nous permettre d’isoler la source et les bénéficiaires des transferts, qui ne doivent pas pouvoir se cacher derrière des sociétés écrans. Je voudrais conclure en vous rappelant la question encore entièrement non résolue des paradis financiers et fiscaux, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne, qui, même aujourd’hui, peuvent offrir un voile de protection aux organisations terroristes internationales qui menacent la paix et la sécurité des citoyens européens.
Antoine Duquesne (ALDE), rapporteur. - Monsieur le Président, le terrorisme est une nébuleuse multiforme qui a durement frappé l’Europe et, malheureusement, il va continuer à représenter une menace majeure pour nos démocraties si nous ne parvenons pas à un très large consensus pour le combattre, s’il n’y a pas de volonté franche de coopération entre nous et si nous n’adoptons pas une stratégie d’ensemble pour l’éradiquer.
Il ne suffit pas de réagir, il faut anticiper, précéder le mouvement. Il faut surtout que sa condamnation politique soit unanime et, pour ce faire, que les moyens que l’Europe se donne soient efficaces.
Je me félicite donc des cinq rapports qui sont mis aux voix aujourd’hui parce que chacun développe des moyens d’action très concrets contre ce fléau, et je suis rassuré par la conviction que nous partageons, Mme Diéz González, MM. Mayor Oreja, Lambrinidis et Borghezio et moi-même. J’espère que ces rapports vont être adoptés, sinon à l’unanimité - ce qui serait idéal - du moins à une très large majorité.
Pour prévenir la menace terroriste et lutter efficacement contre la grande criminalité, l’échange d’informations et de renseignements est un élément essentiel. Mais pour que cet échange d’informations fonctionne bien, il faut d’urgence mettre de l’ordre et de la cohérence dans les réglementations que nous connaissons et vérifier, grâce à une évaluation sérieuse, que celles-ci apportent une réelle plus-value. Nous devons éviter les dérives sécuritaires au nom de l’efficacité, tout en veillant à ne pas entraver l’efficacité au nom d’un discours lénifiant.
Que les choses soient bien claires: lorsqu’il s’agit de combattre le terrorisme, ce n’est pas la lutte démocratique, menée avec détermination, dans le respect du droit qui représente un danger, c’est l’absence de réactions. À cet égard, je pense que la proposition de décision du Conseil est utile parce qu’elle renforce la coopération verticale en y associant Europol et Eurojust et permet une analyse. Quant à la proposition suédoise, elle est utile parce qu’elle permet des échanges bilatéraux très rapides dans le cadre d’une coopération horizontale entre les services des États membres. Selon moi, les propositions sont complémentaires.
Les amendements adoptés en commission renforcent l’efficacité des mesures, notamment en permettant la transmission de renseignements relatifs aux antécédents criminels, en favorisant l’échange spontané d’informations utiles, en fixant des délais pour l’échange d’informations, en obligeant à motiver les refus éventuels, en prévoyant la présentation d’un rapport annuel au Parlement ou encore en donnant à la Cour de justice la compétence d’interprétation. De plus, pour la première fois, nous proposons un ensemble cohérent de moyens de contrôle établissant un niveau de protection des données dans le troisième pilier qui soit équivalent à celui du premier pilier, notamment en créant une autorité commune de contrôle. Sur cette base, on pourra enfin expliquer très simplement et très concrètement aux services de police, par exemple sous la forme d’un code, quelles sont les bonnes pratiques à suivre. Cela permettra de lever les objections qui servent bien souvent de prétexte pour justifier l’inaction.
Certes, nous sommes simplement consultés pour avis, mais nous prenons l’initiative en formulant des propositions précises. Si le vote est largement favorable, comme ce fut le cas en commission, il sera impossible pour le Conseil et la Commission de faire la sourde oreille, de ne pas tenir compte de nos propositions qui sont, je pense, équilibrées. Nous jouons ici un rôle politiquement très important, et je suis convaincu que MM. Frattini et de Vries nous auront entendus et seront nos interprètes.
Nous devons encore réagir d’urgence dans d’autres dossiers fondamentaux, comme le casier judiciaire européen et la lutte contre le financement du terrorisme, car l’argent est indispensable à celui-ci. D’où toute l’importance de règles pour combattre le blanchiment d’argent et identifier les titulaires de comptes bancaires au service de la grande criminalité.
Chers collègues, le terrorisme est multiforme. La menace la plus importante aujourd’hui, c’est la violence de la nébuleuse des groupes terroristes qui s’arrogent à tort le droit d’invoquer l’Islam. Mais d’autres menaces existent également. Dans notre lutte, nous devons veiller à bien identifier nos différentes cibles; nous devons être attentifs aux liens entre terrorisme et grande criminalité. Nous devons aussi mettre en place un système d’alerte précoce, en renforçant la coopération au niveau des services de renseignements et en assurant mieux la protection des sites les plus menacés.
Il y a aussi beaucoup à faire en matière de prévention. Ne nous laissons pas prendre au piège des alibis que les terroristes avancent pour justifier l’injustifiable. Toutefois il est vrai qu’ils font référence à des problèmes, qui souvent existent et qui requièrent des solutions. Et l’action en la matière constitue un terreau pour ceux qui sont acculés au désespoir et disponibles pour la folie terroriste. La prévention suppose aussi que l’on fasse preuve de pédagogie pour bien montrer le danger de certains discours, et nécessite une pédagogie de la démocratie pour rappeler l’importance de la tolérance du débat, du respect de l’autre.
Nous devons également avoir la capacité de bien réagir lorsqu’une catastrophe se produit. Dans ce cas, il faut que la solidarité soit au rendez-vous: il faut une solidarité politique et concrète qui mobilise tous nos moyens et toutes nos énergies pour assister comme pour réprimer.
Il faut penser encore plus aux victimes du terrorisme. On doit les associer au processus pour répondre à leurs préoccupations, mais aussi pour leur montrer que des efforts soient consentis pour que, plus jamais, ces drames ne se produisent.
Monsieur le Président, mes chers collègues, notre force face à la barbarie, c’est notre passion pour la liberté et la démocratie avec, au cœur de celle-ci, l’homme et ses droits. Une fois encore, soyons volontaires et unanimes, et nous pourrons alors triompher de ceux qui rêvent de détruire les idéaux sur lesquels notre Europe est fondée.
Alexander Nuno Alvaro (ALDE), rapporteur. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Monsieur de Vries, Mesdames et Messieurs, M. Duquesne a déjà livré une explication détaillée des besoins en termes d’actions visant à juguler, à combattre et à prévenir le terrorisme en Europe et dans le monde entier.
Dans le contexte des rapports à l’examen, et notamment de celui dont je suis responsable, à savoir le rapport relatif à la rétention de données, je tiens à rappeler à cette Assemblée ce que la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré concernant la guerre contre le terrorisme, à savoir que les gouvernements doivent veiller en permanence à ce que toutes les ressources qu’ils déploient et toutes les mesures qu’ils font appliquer, quelle que soit leur légitimité, ne mettent pas en danger ce qu’elles sont censées protéger. Dans certains cas, cela peut être l’existence d’une société libre; dans d’autres cas, cela peut être le droit au respect de la vie privée.
Je marque cordialement mon accord avec les rapporteurs fictifs et je tiens à profiter de cette occasion pour leur exprimer mes remerciements et pour dire que nous ne sommes pas fondamentalement opposés aux propositions formulées par les gouvernements du Royaume-Uni, de l’Irlande, de la France et de la Suède. Nous insistons cependant sur le fait que les mesures impliquant des limitations importantes des droits fondamentaux, et qui - comme tous les étudiants en droit l’apprennent au cours de leur premier trimestre d’études dans n’importe quelle université européenne - doivent toujours avoir une justification recevable, doivent se fonder sur une évaluation des besoins venant étayer les mesures en question. Cette évaluation ne doit pas se limiter à l’identification des besoins en termes d’actions, mais doivent aussi exposer les avantages qu’il y a à retenir, suivant une procédure habituelle, des données sur les réseaux de télécommunications publiques - Internet, les lignes terrestres, les téléphones mobiles et les SMS -, ce qui pourrait concerner chacun des 450 millions d’habitants de l’Union.
Le principal problème que je tiens à réexaminer dans ce contexte est celui de la méthode procédurale. Je suis reconnaissant pour la communication que nous avons reçue. Toutefois, avec la meilleure volonté du monde, je dois dire que la procédure est loin d’être parfaite. Ce rapport, sur lequel vous allez voter aujourd’hui, se fonde sur un projet datant du mois d’avril de l’année dernière. Entre-temps, la proposition du Conseil a subi plusieurs modifications. La proposition la plus récente date du 24 mai. Depuis cette date, la Commission a pris l’initiative de présenter ses propres propositions. Le Parlement n’étant pas complètement informé de celles-ci, n’ayant pas été associé aux dernières discussions au point de recevoir un nouveau document via des canaux officiels, il est difficile d’attendre de nous que nous fassions preuve d’un enthousiasme débridé quant à la coopération des autres institutions sur cette question. Il conviendrait peut-être de réfléchir quelque peu aux manières d’améliorer la coopération interinstitutionnelle si nous voulons réussir dans notre lutte contre le terrorisme.
Pour parler brièvement du rapport proprement dit, dans l’ancienne version - et il se peut que des problèmes similaires existent également dans la nouvelle version -, nous avons identifié des défauts techniques en ce qui concerne les moyens d’application. Il est question de créer des bases de données destinées à stocker le plus de données possible; il est question d’établir avec quelle facilité il est possible de trouver des moyens de contourner les dispositions contenues dans l’actuelle proposition, et s’il est (ou s’il doit être) facile ou difficile pour le secteur concerné d’effectuer les changements structurels requis -, et il s’agit là de la clé de voûte économique de la question - sans avoir besoin de compensations. Peut-être certaines des nouvelles propositions ont-elles exposé des règles différentes sur ce dernier point, mais il n’y avait sûrement aucune disposition prévoyant des compensations dans la version sur laquelle nous devions fonder nos délibérations.
L’autre question que nous devions examiner était une question juridique: dans quelle mesure le système proposé est-il compatible avec le droit au respect de la vie privée et familiale tel que défini à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme? Dans quelle mesure le stockage des données de tous les citoyens européens est-il compatible avec les droits fondamentaux définis dans nos Constitutions nationales, tels que le droit de déterminer soi-même la communication et l’utilisation de ses propres données individuelles, comme en Allemagne, et le droit au caractère privé des communications téléphoniques, qui, je suppose, existe dans chacun des États membres? Dans quel pays la décision-cadre sera-t-elle pour la première fois déclarée anticonstitutionnelle, si du moins elle est adoptée?
Un autre aspect est le message politique véhiculé dans la justification du premier document, qui affirme que le système devrait être délibérément conçu de manière à inclure les personnes qui n’ont jamais été suspectées, afin de pouvoir réaliser l’objectif de combattre le terrorisme et le crime organisé de manière aussi complète et efficace que possible. Peut-être pourrait-on chercher une solution alternative parmi les autres options disponibles. Nous disposons de la convention sur la cybercriminalité, qui propose des moyens d’établir un équilibre raisonnable entre le stockage et la protection des données, tels que l’utilisation d’une mesure de gel des données, ou d’un système de préservation des données. Cette convention propose plusieurs solutions qui n’ont pas encore été mises en œuvre dans un seul pays. À l’heure qu’il est, on commence à se demander si, dans ce cas, le désir de décider des actions rapides ne l’a pas emporté sur la réflexion rationnelle, en particulier au vu du fait que le Conseil a reçu son mandat le 25 mars de l’année dernière, deux semaines exactement après les effroyables atrocités de Madrid.
J’espère que ce message que nous envoyons d’ici sera correctement interprété. Nous sommes désireux de coopérer, mais nous voulons aussi que la bonne procédure soit choisie. Comme le montre le rapport, nous estimons, et les services juridiques estiment eux aussi, que ce sujet devrait faire partie intégrante du premier pilier du traité sur l’Union européenne et être, en d’autres termes, l’un des domaines dans lesquels notre Parlement participe à la prise de décision commune et n’est pas simplement consulté. Peut-être cet élément sera-t-il pris en considération et peut-être nous verrons-nous alors accorder la même considération que celle que nous accordons aux autres institutions dans le déroulement de nos travaux.
Karl-Heinz Florenz (PPE-DE), auteur. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président de la Commission, dans le contexte de ce débat, je serais très intéressé d’apprendre jusqu’à quel point l’Union européenne en général et le Conseil en particulier s’attèlent à la question du bioterrorisme. Je suis persuadé qu’une bonne politique étrangère, qui fonctionne correctement, est le meilleur mécanisme préventif. Cela, hélas, n’a pas été entièrement compris par une partie de l’électorat européen au cours des dernières semaines, et nous en portons certainement en partie la responsabilité.
Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons nous voiler la face sur le fait que nous sommes susceptibles d’être confrontés au problème du bioterrorisme. Nous espérons que nous n’en arriverons pas là, mais je voudrais que la Commission et le Conseil nous fassent savoir de quelle manière ils se préparent à cette éventualité. Je souhaiterais également avoir des détails sur l’avancement de ces préparations au cours de l’année écoulée et des derniers mois, depuis la désignation d’un nouveau coordinateur européen. Si les rumeurs selon lesquelles la coopération a été déplorable dans toute la zone qui entoure mon pays sont vraies - et j’espère que ce n’est pas le cas -, je voudrais savoir quelles sont les actions entreprises par la Commission et le Conseil pour s’attaquer avec détermination à ce problème. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’une mission européenne, et que la dimension européenne apporte une valeur ajoutée. Je suis impatient d’entendre les commentaires de la Commission.
Franco Frattini,vice-président de la Commission. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je vais aborder la totalité des nombreuses questions sensibles soulevées par les rapporteurs, que j’ai écoutés avec une grande attention et que je remercie sincèrement d’avoir attiré l’attention sur des sujets d’une importance exceptionnelle pour la vie démocratique en Europe.
Je crois que le terrorisme est véritablement la nouvelle tyrannie du XXIe siècle, une tyrannie qui cherche à limiter nos libertés et à s’attaquer aux droits fondamentaux des personnes - le droit à la vie et à la sécurité physique - et je suis donc d’accord avec votre approche. Une réaction impliquant des interventions européennes et une forte coopération internationale est nécessaire. Il ne s’agit pas d’une réaction d’urgence: nous devons considérer le terrorisme comme une menace permanente, qui exige par conséquent une stratégie et avant tout, comme beaucoup l’ont exprimé, des actions concrètes.
Pas plus tard que vendredi dernier, à Luxembourg, le Conseil a apporté son soutien, sur cette base, au plan d’action proposé par la Commission et qui contient quelques propositions nouvelles et, à mon avis, efficaces. Celles-ci seront mises en œuvre dès les prochains mois et viendront s’ajouter aux mesures déjà en place. Comme l’a correctement affirmé M. Mayor Oreja, nous traitons là des différents aspects d’une stratégie unique, et non d’une liste de mesures. Il s’agira d’échafauder un plan politique sur lequel le Parlement, le Conseil et la Commission doivent, et peuvent manifestement, travailler ensemble.
Je crois que l’un des principes fondamentaux réside dans le fait que la lutte contre le terrorisme ne signifie pas une restriction des libertés; bien au contraire! La plus grande erreur politique serait que les libertés fondamentales soient elles aussi victimes du terrorisme, en étant sacrifiées, voire même balayées. L’équilibre entre l’action préventive et la répression d’un côté, et la préservation des droits fondamentaux et des libertés de l’autre, est par conséquent au centre de l’attention de tous les rapports.
Je me permets à présent de faire quelques brèves observations à propos des rapports présentés. Mme Díez González a assurément raison de souligner l’importance de la disponibilité d’un plan d’action nous permettant notamment de superviser les actions des États membres en matière de mise en œuvre des mesures adoptées. Il serait vraiment paradoxal qu’après avoir identifié une stratégie, il n’existe pas de mécanisme de supervision de la mise en œuvre des mesures définies dans la stratégie elle-même. Le plan d’action et sa mise en œuvre constitueront par conséquent une priorité pour la Commission. Comme beaucoup d’entre vous le savent déjà, l’un des principaux éléments du plan d’action approuvé vendredi à Luxembourg a précisément été la création d’un instrument d’observation permanente.
La Commission propose de publier périodiquement un rapport - tous les six mois, me semble-t-il. Celui-ci sera bien sûr rendu public et concernera les méthodes et la qualité de la mise en œuvre de la totalité des mesures par les États membres. Par exemple, en ce qui concerne certains points soulignés dans le rapport de Mme Díez González, nous travaillons actuellement à une communication relative aux explosifs, aux détonateurs et aux armes à feu, ainsi qu’à une deuxième communication concernant la radicalisation et le recrutement des terroristes. Outre ces mesures, nous avancerons avec clarté et promptitude un certain nombre de propositions concernant la question du financement du terrorisme - je reviendrai sur cette question - en nous référant en particulier à certaines organisations qui aident et soutiennent le terrorisme. Nous travaillerons évidemment à la mise en œuvre du système ARGUS, avec lequel beaucoup d’entre vous deviendront familiers. Je suis certain que ce système nous permettra de créer un réseau regroupant tous les systèmes de réaction rapide existants dans le cadre de la Commission. L’objectif consiste à créer un réseau européen qui permettra l’échange immédiat d’informations - je dirais en temps réel - entre tous les États membres en cas d’attaque terroriste.
Le rapport de M. Mayor Oreja souligne tout à fait à propos l’importance d’une intensification des échanges d’informations, de la coopération avec les pays tiers, du dialogue avec la société civile - qui est un aspect fondamental -, ainsi que de l’assistance et du soutien apportés aux victimes du terrorisme, qui est un autre aspect sur lequel la Commission travaillera intensivement. J’estime que cette période de travaux, que le Parlement a entamée aujourd’hui par la présentation de ces rapports, devra prendre de plus en plus en considération les victimes du terrorisme, ainsi que, bien entendu, les auteurs des actes terroristes.
Je crois que la clé du succès de cette stratégie réside dans le principe de la participation: chacun des acteurs, tant privés que publics, de la société doit être en mesure de participer au débat démocratique sur le terrorisme. Je crois que la mise à la disposition du public d’informations appropriées, qui ne soient ni inquiétantes ni exagérées, mais au contraire bien claires, peut être une réponse rassurante. Si nous disons aux citoyens qu’il existe des mesures pratiques et que nous travaillons ensemble à les affiner, je pense que les citoyens pourront se sentir rassurés par le fait que les grandes institutions de l’Europe travaillent, et continueront de travailler, dans un esprit proactif.
Pour ce qui est de la protection des infrastructures vitales, j’ai vivement salué le rapport de M. Lambrinidis. Il ne fait aucun doute que l’une des principales menaces terroristes concerne les infrastructures, et c’est précisément dans ce secteur que la coopération est essentielle entre les institutions publiques, chaque niveau de l’administration et le secteur privé. La Commission a l’intention de présenter au Parlement, avant la fin de cette année, une proposition de programme européen pour la protection des infrastructures vitales. L’un des éléments de ce programme concerne la possibilité de donner accès, en temps utile, à des informations immédiates - une sorte de système d’alerte précoce, en somme - en cas de danger d’attaque terroriste.
Je peux vous dire qu’un important séminaire a lieu à Bruxelles sur cette question à l’heure où je vous parle, auquel assistent 150 représentants des 25 États membres. Cette réunion apporte une réponse positive: il existe un large consensus quant aux principes de ce futur programme. Nous organiserons un deuxième séminaire public européen au mois de septembre afin de pouvoir ensuite présenter un programme tangible avant la fin de l’année. Dans ce contexte, nous aurons à notre disposition une somme de 1,5 million d’euros pour réaliser des études relatives aux meilleures pratiques en matière d’échange, entre États membres, d’informations portant sur les normes de sécurité pour les infrastructures vitales. Chaque État membre doit évidemment investir dans les structures déjà existantes sur son propre territoire.
Pour ce qui est du financement du terrorisme, qui est le sujet abordé dans le rapport de M. Borghezio, je suis d’accord avec les principaux points présentés dans le rapport. En ce qui concerne le secteur non lucratif, la Commission travaille actuellement à la création d’une sorte de code de conduite européen en vue de s’attaquer à la vulnérabilité du secteur, qui, dans certaines de ses instances - comme cela a été découvert - a apporté, directement ou indirectement, une aide à des organisations terroristes. Pour ce faire, cependant, nous appelons à une coopération à grande échelle de la part du secteur associatif lui-même, ainsi que de la société civile, qui est aussi encline que nous à éradiquer tous ceux qui portent assistance, de quelque manière que ce soit, aux activités terroristes. De plus, nous envisageons bien entendu un meilleur échange d’informations entre les autorités nationales en ce qui concerne le financement du terrorisme. Nous sommes en train de procéder à une évaluation de cette question, et la Commission est en train de préparer une communication à cet égard.
Il y a aussi une autre question, extrêmement sensible, celle de la traçabilité des transactions financières. Il est évident qu’en l’absence des instruments nécessaires pour investiguer les chemins que parcourent les transactions financières, nous sommes privés d’un outil efficace de répression des financements terroristes. S’agissant de cette question, nous avons donc pour objectif de proposer au Parlement et au Conseil, avant cet été, un projet de règlement relatif aux informations et aux instruments qui seront utilisés pour remonter à la source des transactions financières.
Viennent ensuite les trois rapports de M. Duquesne, qui ont trait à un sujet qui me tient particulièrement à cœur: le lien entre l’action contre le terrorisme et la protection des données à caractère personnel. Je pense que les amendements déposés en vue de compléter et d’améliorer la proposition suédoise doivent être votés. Ce sont des amendements qui tiennent compte de l’importante conférence tenue voici quelques jours en Pologne et qui a souligné l’importance du droit de chacun à la protection de ses données individuelles, même si nous devons faire face au terrorisme. Cela implique l’établissement d’un équilibre: personne ne peut envisager d’abandonner la prévention du terrorisme et ni le combat contre celui-ci, mais les droits fondamentaux des individus doivent être préservés.
J’approuve les idées de M. Duquesne sur le rôle d’Europol et d’Eurojust. Il est important d’autoriser ces organismes à accéder à un large éventail d’informations, de sorte qu’ils puissent procéder efficacement aux échanges et aussi aux travaux de coordination, qui relèvent d’Europol, comme il ressort clairement de la nouvelle mission assignée à l’organisation et communiquée il y a quelques jours à son nouveau directeur.
Le principe du respect des droits fondamentaux est un sujet abordé par M. Alvaro, et c’est un sujet à propos duquel je me suis moi-même exprimé à de nombreuses reprises. Le principe de la protection des données à caractère personnel doit répondre à des besoins réels. Les données à caractère personnel ne peuvent pas être préservées si leur préservation ne correspond pas à des objectifs établis et pour un laps de temps bien défini, de même qu’on ne peut pas non plus accorder l’autorisation d’accès à ces données à qui que ce soit, excepté aux autorités de police et d’enquête compétentes qui sont habilitées à y accéder en vertu de la loi. Nous sommes en train d’élaborer une disposition sur ce point, fondée sur une base juridique qui, à mon sens, est plus appropriée que la base existante, et que j’ai exposée dans les grandes lignes vendredi devant le Conseil de ministres de la justice et des affaires intérieures. Je compte présenter le texte lui-même avant la fin de cet été.
Le dernier sujet que je tiens à aborder rapidement est le bioterrorisme. Le rapporteur est bien conscient que la Commission a certains pouvoirs, mais ne les a pas tous. Elle peut se charger de la sécurité alimentaire, du commerce des produits médicaux, de la coordination entre les États membres, de la protection civile et du financement de la recherche. Ce n’est pas rien. Il est toutefois de la responsabilité des États membres d’adopter des mesures pratiques en vue d’actions préventives efficaces et d’éventuelles réactions en cas d’attaque terroriste. Vous savez bien qu’à la suite de l’attaque bioterroriste de 2005 utilisant des traces d’anthrax, un comité à haut niveau chargé de la protection de la santé publique a été mis en place et doté d’un programme efficace de coopération pour la prévention et la réaction rapide. La coopération en cours fonctionne bien et nous pouvons vous dire qu’il existe un système capable d’assurer une alerte rapide en cas d’attaque biologique, chimique ou radiologique, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. De nombreuses initiatives prises par la Commission vont améliorer le niveau de préparation et de prévention: nous mettons au point des exercices de simulation dans l’éventualité d’attaques bioterroristes, dont deux seront organisés cette année afin de procéder à une évaluation pratique des normes en matière de prévention et de réaction rapide.
De plus, nous sommes en train d’élaborer des lignes directrices, destinées à la gestion des diagnostics médicaux en cas de dispersion d’agents de contamination par des bioterroristes; nous mettons aussi au point des formations préparatoires, en collaboration avec Europol, et nous soutenons les plans nationaux d’urgence qui visent à mettre à la disposition une quantité adéquate de vaccins et de matériel de secours. Comme vous le savez, M.Kyprianou a inauguré, il y a tout juste une semaine, un important Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Nous allons continuer d’encourager les États membres sur ces questions.
Il y a deux propositions finales et pratiques que je souhaite souligner. Premièrement, l’élaboration d’un nouveau programme européen consacré à la santé et à la protection des consommateurs, grâce auquel nous entendons augmenter le niveau des financements alloués à la prévention et à la réaction rapide en cas de situations d’urgence concernant la santé publique. Nous avons également proposé le remboursement, au titre du Fonds de solidarité, des frais en cas de situation d’urgence concernant la santé publique, à hauteur d’un milliard d’euros au maximum. Deuxièmement - et ce sera ma dernière remarque -, je mentionnerai une initiative importante que nous avons qualifiée de «programme-cadre». Il s’agit d’un programme planifié et approuvé en vue du prochain budget communautaire et axé sur la préparation à une telle situation et sur la prévention en matière de sécurité. Bien évidemment, ce plan inclura des financements devant être alloués en cas d’attaques bioterroristes potentielles.
(Applaudissements)
Jaime Mayor Oreja (PPE-DE), rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - (ES) Monsieur le Président, dans cette brève allocution, je tiens à souligner l’importance de l’échange d’informations pour lutter contre le type de terrorisme dont nous discutons.
C’est la raison pour laquelle le rapport de M. Duquesne est aussi approprié, car il met l’accent sur cette question extrêmement importante. Nous devons avoir le courage d’appeler par son nom l’organisation que nous combattons et il est tout à fait clair que nous avons affaire à une série de groupes fondamentalistes qui ne représentent pas l’Islam, mais prétendent agir au nom de l’Islam.
C’est la raison pour laquelle je crois que les informations sont si importantes, car il s’agit d’un phénomène émergent dont nous n’avons pratiquement aucune connaissance et, dans le cas de ce type de phénomène, les informations sont essentielles. Nous ne savons certainement pas de quelle manière les terroristes agissent et, avant tout, nous ne comprenons pas leur notion du temps. Ils ne ressemblent pas à d’autres organisations qui ont le même sens du temps que nous. C’est pourquoi il est si important que nous soyons capables de travailler en vue de comprendre les soutiens sociaux apportés à ces organisations, en sachant que leurs membres sont prêts à mourir, à sacrifier leur vie dans ces attaques, ce qui n’est pas le cas pour d’autres types d’organisations.
C’est la raison pour laquelle il importe que nous soyons en mesure de mettre l’accent sur l’échange d’informations provenant des forces de police nationales, et non uniquement d’Europol. Le projet européen doit posséder les capacités suffisantes pour promouvoir l’échange d’informations entre les différentes forces de polices nationales, car ce sont surtout ces organismes qui s’occupent de ce phénomène.
Le Conseil, la Commission ainsi que ce Parlement doivent par conséquent créer davantage de forums d’échange d’informations entre les forces de police travaillant sur cette question sensible et difficile.
István Szent-Iványi (ALDE), rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. -(HU)L’un des plus grands défis, et des plus complexes, auxquels les démocraties libérales sont confrontées est le terrorisme international. Le terrorisme prend avant tout pour cible notre sécurité, mais il compromet également, et de manière fondamentale, notre liberté. Nous devons trouver des moyens de nous défendre contre le terrorisme et de protéger notre sécurité, tout en faisant en sorte que nos droits civiques et fondamentaux ainsi que notre liberté n’en soient pas les victimes. Le rapport de M. Duquesne aborde ce dilemme, et je l’en félicite, car il sait bien que, d’un côté, un échange rapide et efficace d’informations est la clé du problème dans son ensemble, alors qu’en même temps, c’est précisément à propos de cet échange d’informations que des inquiétudes surgissent quant à la protection des données à caractère personnel. À cet égard, M. Duquesne avance une très bonne suggestion - que je soutiens -, à savoir celle de mettre en place un organisme chargé de superviser les évolutions qui se présentent tout au long du processus. Mais avant que nous n’ayons mis ces nouvelles mesures en place, nous devons considérer les dispositions législatives prises dans ces pays et garantissant la plus forte protection possible des données à caractère personnel concernant leurs citoyens, comme constituant notre norme de référence.
Pour la deuxième fois, nous proposons que les pays qui ne sont pas encore membres, mais sont candidats à l’adhésion, soient associés à cet échange d’informations - envisageons du moins leur inclusion comme une option -, en d’autres termes, les pays qui seront bientôt membres de la famille européenne et les pays limitrophes concernés par cette question. Enfin, nous recommandons aux États membres de l’Union européenne, et les prions même instamment, de ratifier dès que possible les différents accords et traités internationaux relatifs à la lutte contre le terrorisme. De nombreux États membres n’ont malheureusement pas encore ratifié nombre de ces accords internationaux et nous n’avons pas, par conséquent, de moyens unifiés à notre disposition pour combattre efficacement le terrorisme.
Antonio López-Istúriz White (PPE-DE), rapporteur pour avis de la commission des affaires juridiques. - (ES) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, à l’heure qu’il est, combattre le terrorisme, le prévenir et le faire disparaître de la face de la terre doit être l’unique objectif prioritaire des politiques de cette Union européenne.
Nous ne devons pas oublier que le 11 mars, l’Espagne et l’Europe ont été cruellement et lâchement attaquées parce qu’elles représentaient un modèle des libertés que nous, au sein de cette Assemblée, essayons constamment de préserver. Ce jour-là, le 11 mars, l’histoire de l’Espagne, l’histoire de l’Europe et, partant, l’histoire de l’Union européenne ont changé. À compter de ce moment, il est devenu nécessaire de reconnaître que le terrorisme n’est pas une réalité uniforme, homogène ou monolithique.
Au contraire, cette attaque a montré qu’il existe de nombreux types différents de terrorisme; les moyens de lutter contre ces différents types de terrorisme ne doivent donc pas être uniformes, mais plutôt spécifiques et adaptés à chacun de ces types. De ce point de vue, le terrorisme d’Al-Qaïda ne peut pas être combattu de la même façon que celui de l’ETA ou de l’IRA. Et, bien entendu, il ne peut être combattu si nous nions son existence, comme certains députés du Parlement européen veulent le faire, en supprimant toute mention d’Al-Qaïda de nos documents antiterroristes. Si j’ai retenu une leçon de l’histoire, c’est que si nous l’ignorons, nous sommes condamnés à la répéter.
Si nous voulons que cette lutte soit efficace, nos efforts doivent se fonder sur les mécanismes de prévention, et je suis entièrement d’accord avec M. le commissaire. Cette lutte ne doit pas être exclusivement basée sur des mécanismes de réaction; la meilleure façon de combattre le terrorisme consiste à le prévenir. Je suis tout à fait d’accord avec M. Mayor Oreja lorsqu’il dit que la prévention doit reposer sur l’échange rapide et bilatéral d’informations entre les services spécialisés des États membres, sur les moyens de faciliter la communication systématique des informations à Europol et à Eurojust, ainsi que sur la création de registres, tels que le registre des criminels européens, afin de faciliter les enquêtes.
Aucune difficulté ne doit faire obstacle à la protection efficace de la liberté et du droit à la vie. La défense de la vie et de la liberté doit toujours être notre priorité dans ce combat.
Angelika Niebler (PPE-DE), rapporteur pour avis de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, j’ai rédigé l’avis sur la rétention des données pour la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie, et je voudrais m’en tenir à ce sujet.
Avant de commencer, permettez-moi cependant de remercier pour leur travail le rapporteur et tous ceux qui ont été impliqués. Il va de soi que les démocraties de l’Union européenne doivent faire face à la menace de la criminalité et du terrorisme, s’engager dans la lutte pour les vaincre. La proposition de la Commission concernant la rétention des données stockées et traitées pourrait contribuer à la poursuite de cet objectif, mais pas dans sa forme actuelle. La proposition de décision-cadre a essuyé à juste titre le feu nourri des critiques transversales de cette Assemblée. Permettez-moi de souligner quelques points.
La proposition ne parvient pas à répondre à la question essentielle qui consiste à savoir dans quelle mesure la rétention des données est en fait nécessaire et opportune. Malheureusement, elle ne contient aucune preuve plausible que les mesures proposées contribueront en réalité à améliorer notre capacité collective à lutter contre la criminalité et le terrorisme. Toutefois, sans cette preuve, il est absolument impossible de justifier les effets profonds de ce type de stockage des données sur les personnes et les sociétés.
Je sais que la Commission travaille actuellement à sa propre proposition. Néanmoins, je demande à la Commission - et j’ai écrit personnellement à M. Frattini sur cette question - de se livrer à une évaluation indépendante de l’impact afin de savoir si les bénéfices des mesures qui sont envisagées justifient leur coût.
Permettez-moi également de dire quelques mots concernant le processus actuel. En ce qui concerne les dispositions procédurales, j’aurais souhaité voir une forme différente d’implication du Parlement dans cette question sensible. La protection des données, qui touche vraiment chaque personne et chaque entreprise, nécessite un processus législatif approprié. Conformément au traité CE, cela comprend la pleine participation du Parlement européen.
Toutes ces réflexions m’amènent à la conclusion qu’il faut revoir complètement la proposition de directive-cadre à la lumière des critiques qui ont été émises par le Parlement européen.
(Applaudissements)
PRÉSIDENCE DE M. ONESTA Vice-président
Manuel Medina Ortega (PSE), rapporteur pour avis de la commission des affaires juridiques. - (ES) Monsieur le Président, il s’agit d’un débat très important et je voudrais commencer par féliciter les rapporteurs pour leurs rapports, en particulier mes collègues M. Mayor Oreja et Mme Díez González. Le rapport de Mme Díez González, en particulier, est un rapport très ambitieux, qui vise à fournir aux citoyens un niveau de protection très élevé contre le terrorisme.
Je crois qu’une des réalisations de l’État moderne a été la protection des citoyens contre la criminalité en tout genre. Nous sommes actuellement confrontés à un genre de criminalité très spécialisée, le terrorisme, et cela nécessite une action non seulement de la part des institutions étatiques, mais aussi une coopération dans le domaine international.
En ce qui nous concerne, nous pensons que la coopération dans le cadre des institutions européennes est fondamentale. À cet égard, je voudrais souligner l’importance pour les citoyens européens de la ratification rapide de la Constitution européenne, puisqu’elle crée un cadre pour lutter contre le terrorisme, qui commence avec la reconnaissance du droit à la vie et à l’intégrité physique des personnes, qui est un droit fondamental, et poursuit avec la consécration d’un espace de liberté, de sécurité et de justice. Ces textes gagneraient à être lus - il semblerait que certains citoyens de l’Union ne les connaissent pas encore.
La clause de solidarité prévue à l’article I-43 de la Constitution européenne prévoit que «l’Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine.»
Cette clause prévoit en outre que «l’Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres, pour:
a) - prévenir la menace terroriste sur le territoire des États membres;
- protéger les institutions démocratiques et la population civile d’une éventuelle attaque terroriste;
- porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, en cas d’une attaque terroriste;
b) porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, en cas de catastrophe.»
De plus, la Constitution européenne prévoit un mécanisme de coopération entre les États membres.
Je conclus donc, Monsieur le Président, que, en ce moment, les citoyens d’Europe attendent de nous, les responsables politiques européens, que nous assurions la promotion du processus de ratification de la Constitution européenne de manière à ce que nous disposions bientôt des outils appropriés pour lutter contre ce fléau.
Agustín Díaz de Mera García Consuegra, au nom du groupe PPE-DE. - (ES) Monsieur le Président, je voudrais commencer par féliciter les six rapporteurs, qui se sont livrés à un travail très compliqué dans le domaine difficile de la lutte contre le terrorisme, pour produire une réflexion commune en vue de combattre le terrorisme sur la base de la légalité, du respect des droits de l’homme et de la protection des données. Je voudrais féliciter nommément Mme Rosa Díez, M. Jaime Mayor, M. Stavros Lambrinidis, M. Antoine Duquesne, M. Mario Borghezio et M. Alexander Nuno Alvaro.
Mon intervention se rapporte à un engagement documenté, un engagement modeste mais fermement documenté, dans la lutte contre le terrorisme, le soutien et la protection de ses victimes. Monsieur le Président, les victimes doivent être écoutées, elles doivent être respectées et elles doivent être protégées. De même, il faut prévoir les ressources nécessaires pour tout cela.
On ne peut pas faire de concessions au terrorisme. Les crimes terroristes ne peuvent jamais être justifiés et ils doivent être poursuivis partout dans le monde.
Néanmoins, Monsieur le Président, inspiré par mon engagement envers les victimes, j’ai présenté un amendement au rapport de M. Borghezio: l’amendement 4, qui se rapporte aux formes de financement du terrorisme.
Dans mon pays, il existe ce que nous appelons «l’impôt révolutionnaire», qui est exigé par l’organisation terroriste ETA. C’est la pire forme d’extorsion dans l’Union européenne; c’est une forme d’extorsion qui consiste à écrire aux entrepreneurs basques et à leur demander de financer ses activités criminelles. On estime que ce financement rapporte entre douze et quinze millions d’euros par an. Si ce financement était coupé et rendu impossible, le groupe terroriste ne pourrait survivre.
Il existe trois types de réactions face à ce phénomène: il y a ceux qui versent l’impôt, ceux qui quittent le pays et ceux qui ne versent pas l’impôt, mais qui paient ensuite un prix très lourd pour leur refus. La cour suprême nationale dispose de la législation et des procédures pour traiter ces crimes. C’est pourquoi, ce matin, je demande en particulier à Mme Roure de prendre ce que je dis en considération, car le soutien du deuxième groupe le plus nombreux de l’Assemblée et des autres groupes est très important. Je vous demande affectueusement d’accepter et de soutenir cet amendement, de soutenir un amendement en utilisant d’autres termes plus acceptables, comme, par exemple, «forme d’extorsion que l’organisation terroriste ETA nomme impôt révolutionnaire», puisque je parle de solidarité envers les entrepreneurs basques et espagnols qui souffrent de ce type d’extorsion.
Enfin, Monsieur le Président, et je conclurai ici, je voudrais m’adresser à M. Gijs de Vries: la menace subsiste. Et M. de Vries, qui sait que la menace subsiste, doit avoir suffisamment de ressources non seulement pour produire des rapports stratégiques, mais aussi pour diriger un service qui peut lutter efficacement contre le terrorisme.
(Applaudissements à droite)
Martine Roure, au nom du groupe PSE. -Monsieur le Président, je souhaite tout d’abord saluer les rapporteurs et tous les membres de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, qui se sont particulièrement investis dans ce travail et dans ce débat.
Nous devons afficher notre détermination en trouvant une réponse commune à la lutte contre le terrorisme, car les organisations terroristes s’affranchissent des frontières pour effectuer leurs crimes. C’est pourquoi pour nous, la seule réponse efficace au terrorisme c’est une réponse européenne.
Le plan d’action de l’Union européenne contre le terrorisme doit être le premier outil politique de l’Union dans ce domaine. Nous devons donc être ambitieux en apportant des réponses concrètes aux problèmes qui sous-tendent le terrorisme et les intégrismes. Toutefois, nous ne pouvons pas uniquement nous limiter à une politique sécuritaire, car le terrorisme c’est la négation des libertés.
C’est pourquoi nous devons avant tout lui opposer la protection et la promotion active des droits fondamentaux. Cette priorité du programme de La Haye doit également trouver une place centrale dans notre politique. Nous devons promouvoir les valeurs de la démocratie et de la solidarité, afin de lutter contre les causes du terrorisme. Nous devons combattre les situations d’extrême pauvreté et d’exclusion sociale, qui trop souvent créent des conditions favorables au discours extrémiste. Dans l’Union, nous devons lutter contre les discriminations, le racisme, la xénophobie. Mais de la même façon, il serait inacceptable que la lutte contre le terrorisme favorise de nouvelles formes de discrimination.
Nous devons également trouver un moyen de coordonner les politiques de lutte contre le terrorisme interne et externe de l’Union européenne. Il est nécessaire de favoriser le dialogue avec les pays tiers qui doit avant tout permettre le codéveloppement. Aucune personne ne doit être poussée à des mesures désespérées par une situation précaire.
Ajoutons que la sécurisation des transports doit certes jouer un rôle important dans la lutte contre le terrorisme, mais elle doit être obtenue dans le respect de la vie privée des citoyens et de la protection des données personnelles. Nous devons à ce titre poursuivre notre travail avec l’adoption de mesures législatives et opérationnelles et le mandat d’arrêt européen est un premier outil.
La troisième directive sur le blanchiment d’argent, y compris le financement du terrorisme, nous apportera également les moyens de lutter contre les réseaux qui approvisionnent le terrorisme. Nous demandons donc un renforcement d’Europol et d’Eurojust afin qu’ils puissent véritablement coordonner la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée en Europe.
Ajoutons néanmoins que nous devons apporter des garanties aux citoyens concernant la protection de leur vie privée. Cela ne sera possible que si la rétention des données est prévue comme instrument dans le premier pilier, afin d’assurer la protection des données personnelles. Malheureusement, ce processus est ralenti par le manque de volonté politique des États membres d’assurer aux décisions européennes une réelle efficacité.
En conclusion, je dirais que la haine, la violence et la peur ont toujours noyé la raison. Nous vivons l’heure des intégrismes accompagnés du fanatisme et du terrorisme. Le monde semble enflammé politiquement et économiquement et nous devons absolument dans l’Union redonner confiance dans la démocratie et lutter contre toutes les injustices, qui sont le terreau de la violence.
Ignasi Guardans Cambó, au nom du groupe ALDE. - (ES) Monsieur le Président, je ne sais pas si je parle au nom du groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe ou en mon nom propre - je crois que je parle plutôt en mon nom propre.
Quoi qu’il en soit, il est clair qu’il s’agit d’un débat important. Plusieurs rapports sont présentés aujourd’hui à l’Assemblée, dont chacun a suivi son propre itinéraire en commission, et ils fournissent ensemble une image très claire de l’importance que ce Parlement attribue à ce débat.
Les auteurs de ces rapports méritent nos félicitations et nous devrions être contents aussi qu’ils aient accepté de nombreux amendements qui ont amélioré les rapports, parfois de manière très significative, et clarifié certaines affirmations contenues dans les textes d’origine. Quoi qu’il en soit, notre Parlement manifestera aujourd’hui très clairement son engagement en faveur d’une lutte extrêmement vigoureuse contre le terrorisme en termes de police et d’efficacité judiciaire, mais, en même temps, extrêmement respectueuse des droits de l’homme, de la protection des données et des garanties sans lesquelles cette lutte contre le terrorisme n’a pas de sens, une lutte qui tienne compte des victimes du terrorisme, sur la base du respect - elle ne remet bien sûr pas les décisions politiques entre leurs mains, cela ne serait pas approprié, mais il est logique qu’elles puissent faire entendre leur voix et qu’elles soient directement entendues, une lutte qui, sans justifier le terrorisme ni ceux qui se sacrifient ou qui sont capables de tuer sans discrimination, sans le justifier en aucune circonstance, soit une politique antiterroriste qui s’occupe des raisons possibles pour lesquelles quelqu’un peut devenir un terroriste.
Nous ne pouvons pas considérer le terrorisme comme s’il débarquait de Mars. Il existe des situations qui produisent des personnes prêtes à tuer. Cela ne les excuse pas, mais cela nous oblige, en tant que responsables politiques, à examiner le pourquoi et les situations spécifiques qui se trouvent derrière ce comportement.
C’est pourquoi l’équilibre entre cette lutte vigoureuse, cet examen de la réalité telle qu’elle est, et le respect des droits de l’homme est en réalité un vrai équilibre qui pourrait donner des résultats significatifs s’il se traduisait en action politique.
Certains amendements subsistent, comme certains amendements que j’ai déposés au nom de mon groupe - dans ce cas, c’était au nom de mon groupe. Je voudrais en souligner deux.
Premièrement, nous parlons d’un terrorisme aux sources multiples. Donc, si nous mentionnions l’Islam, même si nous disions simplement «nous pensons que l’Islam est fondamentalement bon, mais les terroristes islamiques nous inquiètent», cela reviendrait à mélanger le terrorisme et l’Islam. Nous proposons par conséquent de supprimer toute référence à l’Islam dans ce document, car sans cela nous pourrions produire une liste de terroristes potentiels. Nous ne l’avons pas fait et il serait très dangereux de le faire parce que nous oublierions toujours quelqu’un. Ne mélangeons donc pas terrorisme et Islam, même si cela signifie seulement introduire une clause qui dit que «l’Islam est fondamentalement bon», ce qui est apparemment l’intention de ces rapports sauf si cet amendement est approuvé.
Deuxièmement, nous proposons de supprimer toute référence à la Cour pénale internationale. Nous pensons que cette cour ne fait que commencer son travail. Compliquer son fonctionnement par un débat sur ses pouvoirs dans le domaine antiterroriste ne ferait que menacer son fonctionnement. Laissons donc cette question hors du débat qui nous occupe aujourd’hui. Il existe d’autres manières pour l’aborder et, aujourd’hui, nous devrions nous limiter à ce qui est déjà opérationnel.
Enfin, je voudrais dire à M. Gijs de Vries, qui nous honore de sa présence aujourd’hui, qu’il importe de transformer tout cela en action politique et en mesures concrètes.
Johannes Voggenhuber, au nom du groupe des Verts/ALE. - (DE) Monsieur le Président, avec sept rapports aujourd’hui, notre Parlement tente d’aboutir à une position commune sur le terrorisme et d’organiser la lutte contre ce terrorisme.
C’est une tâche monumentale que nous entreprenons. Permettez-moi de préciser ce qu’elle entraîne. Cette tâche consiste à gagner une lutte contre des adversaires qui font fi de toutes les qualités humaines, qui enfreignent toutes les règles et toutes les lois, qui ne tiennent aucun compte des frontières nationales et morales, qui ne connaissent aucune limite et poursuivent de manière fanatique le but criminel qui vise à abolir la liberté humaine. Notre objectif est de remporter cette guerre sans sacrifier notre propre décence, sans mettre de côté notre humanité, sans trahir nos propres lois ou menacer la liberté personnelle sur notre propre territoire.
Voilà quelle est la tâche et elle est incroyablement difficile. Même pour la guerre, des règles communes ont été mises au point au fil des siècles, mais ici nous nous trouvons face à des adversaires tapis dans l’ombre, imperceptibles et qui ne connaissent aucune frontière. Cela nécessite une volonté ferme et une approche commune, mais cela nécessite aussi de nous que nous réalisions que nous ne devons pas laisser disparaître notre sensibilité à l’égard des besoins et des droits de notre propre population dès que nous entendons le mot «terrorisme» ou qu’il faille donner carte blanche à l’utilisation de tout instrument dans la guerre au terrorisme. M. Alvaro, un des rapporteurs, a soulevé ce point. Je crois qu’il est particulièrement important de souligner que les droits fondamentaux, la démocratie et l’État de droit ne semblent pas dûment protégés par les dispositions de ce projet.
Un autre aspect nous confronte toutefois à une situation tout à fait nouvelle. Tout le rapport González repose sur l’hypothèse que la Constitution européenne entrera en vigueur. Il repose sur les fondements de la Charte des droits fondamentaux, la codécision parlementaire, des procédures législatives ouvertes, la clause de solidarité, le droit à décider de révéler et d’utiliser les données à caractère personnel, le contrôle parlementaire, l’examen judiciaire et la dissolution de la structure par pilier en faveur d’une Europe unifiée. Il ne s’agit pas de prendre ses rêves pour des réalités ni d’un rêve appelé à s’effondrer devant nos yeux. Non, il s’agit d’une condition préalable absolue, impérative et indispensable pour ce paquet de mesures et sa légitimité, ainsi que pour la défense des droits fondamentaux.
Sans cette condition préalable, sans la Constitution européenne, nous ne sommes pas en position d’approuver ce train de mesures, parce qu’il n’y a pas de garantie que l’équilibre entre la justice, la sécurité et la liberté sera préservé. Ajoutez à cela le fait que, sur la question de convertir Europol en agence et de transférer le coordinateur de la lutte antiterroriste vers le personnel de la Commission, il n’y a rien d’autre sur la table que notre demande - pas d’accord, pas d’explication - et il devient clair que nous courons le risque de fausser l’équilibre et de mettre en danger les libertés de nos citoyens.
Giusto Catania, au nom du groupe GUE/NGL. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, la première phrase du document stratégique sur la défense nationale approuvé par les États-Unis d’Amérique en mars 2005 dit: l’Amérique et le monde livrent une guerre. C’est le présupposé idéologique qui a produit ces dernières années la théorie de la guerre préventive, la violation de libertés individuelles, la fin de la protection des données à caractère personnel et l’obsession à l’égard de la sécurité.
Le terrorisme est un crime extrêmement grave, qui doit être condamné et combattu. Néanmoins, il ne peut être combattu à l’aide d’instruments militaires et j’estime donc que l’Europe doit prendre ses distances par rapport à cette approche. Nous devons analyser attentivement la spirale guerre-terrorisme, car la réponse militaire a renforcé le terrorisme et nous ne pouvons pas éluder cette question. En Afghanistan, l’occupation militaire a produit une croissance exponentielle de la production d’opium, qui finance le réseau Al-Qaïda. En Irak, la guerre a dopé les groupes terroristes, qui ne sont pas tous motivés par la religion, et c’est la raison pour laquelle nous devons éliminer l’obsession anti-islamique de certains rapports soumis à notre Assemblée.
Cette obsession révèle aussi une subordination culturelle aux États-Unis. Le président Bush a demandé en fait aux régimes islamiques de limiter, de contrôler et d’enregistrer tous les dons que les musulmans effectuent aux organisations caritatives. Nous ne pouvons toutefois pas considérer les organisations non lucratives comme la principale source de financement du terrorisme, comme certains rapporteurs l’ont fait dans cette Assemblée. Nous devons éviter les équations trop simplistes du genre terrorisme égale immigration, ou terrorisme égale islam.
Il faut combattre et vaincre le terrorisme: le but est noble, mais les méthodes sont trop souvent inadaptées et parfois criminelles. Le terrorisme est un crime contre l’humanité mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’indiquer la Cour pénale internationale comme le lieu où juger ces crimes, en partie parce qu’en même temps, il est inacceptable que les massacres de populations civiles au cours d’actions militaires ne soient jugés par personne.
Trop souvent, la souveraineté exonère le prince de sa responsabilité pénale. Un juriste renommé a dit un jour que l’histoire juridique montre que l’État occidental tente d’instiller la notion de son innocence par rapport aux actes criminels. Je crois que, pour combattre le terrorisme, nous devons revoir le vieil adage juridique selon lequel le roi ne se trompe jamais.
James Hugh Allister (NI). - (EN) Monsieur le Président, dans ce débat sur le terrorisme, je suis heureux que dimanche dernier, au matin, à Belfast, un membre de l’IRA, Terry Davison, ait été inculpé du meurtre de Robert McCartney et qu’un autre membre de l’IRA, Jim McCormick, ait été inculpé de tentative de meurtre sur un ami de M. McCartney, Brendan Devine.
Je voudrais féliciter la police d’Irlande du Nord d’avoir vaincu la campagne d’intimidation permanente orchestrée par l’IRA et d’avoir entamer le processus qui permettra de garantir la justice dans cette célèbre affaire. Je suis sûr que de nombreuses autres inculpations suivront car c’est la seule manière de s’attaquer au processus du terrorisme.
La mission des démocraties doit consister à vaincre le terrorisme, pas seulement à le limiter ou à le maîtriser. Les terroristes misent sur la conciliation «douce» et en exigent alors toujours plus. Nous sommes passés par là en Irlande du Nord: notre gouvernement a été assez sot pour tolérer des zones interdites à leurs propres forces de sécurité, un niveau acceptable de violence, un statut politique pour les prisonniers, des négociations secrètes, des accords parallèles, la restructuration et le changement de dénomination de la police, la minimalisation de l’importance de la criminalité organisée paramilitaire et l’ignominie suprême de la libération anticipée de terroristes dans le cadre de l’accord de Belfast, mal conçu dès le départ. Rien n’a fonctionné, car le dernier rapport du Comité international de suivi montre que l’IRA est encore opérationnelle et active et qu’elle continue à recruter, à entraîner et à menacer, travaillant de mèche avec son associé, le Sinn Féin, dont les membres brillent, comme toujours, par leur absence lorsque nous débattons du terrorisme dans cette Assemblée.
J’implore le reste de l’Europe d’en tirer les leçons et ce, plus rapidement que le gouvernement britannique ne l’a fait: le terrorisme ne peut être ni maîtrisé ni expurgé, il doit être résolument vaincu et éradiqué, y compris toutes ses formes de criminalité.
Frederika Brepoels (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais tout d’abord remercier les six rapporteurs pour leurs rapports. En tant que rapporteur fictif pour mon groupe, j’ai essayé d’apporter une contribution positive au rapport Borghezio pour aider à combattre le financement du terrorisme. Toutes les interventions révèlent à l’évidence un accord général quant au besoin d’une action coordonnée pour lutter contre la criminalité internationale organisée et ses moyens de financement. L’opinion publique s’attend à une réponse forte de l’Europe. Après tout, l’avantage de la coopération européenne à cet égard est incontestable. Il n’est pas facile de traquer et de combattre le financement et/ou les attaques des réseaux terroristes car ce sont souvent de petits montants qui sont impliqués.
Mis à part les abus à travers le secteur financier normal, les organisations caritatives sont la principale cible des terroristes internationaux. Les statistiques récentes de la police belge montrent ainsi que de plus en plus d’organisations sans but lucratif sont utilisées à des fins criminelles. Après les attentats du 11 septembre 2001, tout le monde a reçu soudainement un appel au réveil et pas moins de 86 dossiers ont été ouverts dans mon pays. Les organisations concernées déclarent toutes se livrer à un travail caritatif, mais leur seule raison d’être est cependant la collecte et l’acheminement de fonds au profit d’organisations terroristes. Ces statistiques, mais aussi le résultat de l’enquête dans le cadre du meurtre de Theo van Gogh aux Pays-Bas, par exemple, montrent que nous devons adopter d’urgence des politiques préventives reposant sur l’échange d’informations, une meilleure traçabilité des opérations financières et une plus grande transparence des entités juridiques. C’est pourquoi nous soutenons les recommandations spécifiques de ce rapport, y compris la création de cadres communs pour les enquêtes transnationales, le développement d’un réseau pour l’échange structuré d’informations, l’amélioration de la coopération avec SUSTRANS et la rédaction de normes minimales pour la vérification de l’identité des clients.
Enfin, nous voulons également fournir aux organisations caritatives les fonds nécessaires pour garantir une protection plus efficace contre l’abus par les organisations terroristes. Nous espérons donc que ce rapport pourra fournir l’impulsion initiale à la lutte contre le financement du terrorisme dans l’Union européenne d’une manière structurelle et durable.
Wolfgang Kreissl-Dörfler (PSE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous sommes d’accord quant à la nécessité de prendre des mesures résolues contre le terrorisme international et la criminalité organisée. Aujourd’hui, toutefois, je voudrais réitérer que nous devons adopter les bonnes mesures.
Selon mon groupe et moi-même, la proposition relative à la rétention des données traitées et stockées n’est pas l’outil adéquat pour atteindre notre objectif. Nous l’avons clairement fait savoir par notre vote en commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures. Permettez-moi également de féliciter mon honorable collègue, M. Alvaro, pour son rapport.
La protection des données à caractère personnel des individus n’est pas garantie par la proposition du Conseil. Elle imposerait des coûts énormes à l’industrie européenne des télécommunications et les avantages du stockage ne justifient pas suffisamment les efforts nécessaires. Il existe trop de possibilités de contournement contre lesquelles la proposition du Conseil n’offre aucune sauvegarde. Qu’en est-il des contrats forfaitaires et de l’utilisation de portables étrangers, du Brésil ou d’Asie, par exemple?
Même le BDK, le syndicat représentant la police criminelle allemande, a souligné que c’était la qualité des données qui était essentielle, et pas nécessairement la quantité ou la période de rétention. Ce que nous avons là, c’est une réaction réflexe, qui crée simplement l’illusion d’une plus grande sécurité. Nous ne pouvons certainement pas tenter sérieusement de stocker des données sur plus de quatre millions de personnes générées par l’utilisation de l’internet, d’appels téléphoniques et de messages textes. En cas de doute, il nous suffit de regarder de l’autre côté de l’océan et d’observer le pays qui dépasse très souvent les limites de la raison dans ses mesures antiterroristes.
Le congrès des États-Unis a rejeté un projet similaire relatif à la rétention des données traitées et stockées en raison du fait que - croyez-le ou non - les mesures proposées allaient trop loin. Au lieu de cela, un accord a été trouvé sur un mécanisme de «gel rapide», qui constitue peut-être une solution adéquate. Pourquoi cela ne serait pas possible en Europe? Le parlement allemand a rejeté la proposition du Conseil. La Finlande s’est également prononcée contre la rétention des données. Ce qui m’agace vraiment et qui me met dans tous mes états, c’est la nouvelle selon laquelle les ministres européens de la justice ont l’intention d’aller à l’encontre de la recommandation de notre commission et de mettre quoi qu’il advienne en application les projets du Conseil relatifs à la rétention des données, sans codécision parlementaire.
À la lumière des référendums en France et aux Pays-Bas, il est incroyable que l’on tente d’écarter le Parlement du processus décisionnel. Une telle manœuvre est franchement dangereuse. Nous ne parlons pas ici d’une mesure unique de lutte contre le terrorisme, mais de protection du public et des droits de chaque personne dans l’Union européenne. Le fait que le Conseil déclare dans ce contexte qu’il prendra une décision unilatérale, comme il l’a toujours fait, ne fera pas avancer l’Union européenne.
Le fait est qu’une large part ce qui est allé de travers dans l’Union européenne et a ébranlé la croyance en l’Union de nombreuses personnes est dû aux politiques, souvent inspirées par des intérêts propres, suivies par les ministres des gouvernements nationaux.
Sarah Ludford (ALDE). - (EN) Monsieur le Président, permettez-moi de commencer par commenter l’action de l’UE en matière de justice et d’affaires intérieures. La critique à l’égard du programme de La Haye, selon laquelle il met indûment l’accent sur des considérations de sécurité aux dépens du respect des droits fondamentaux, est justifiée. Il ne s’agit pas de l’observation d’un agitateur de gauche mais d’une évaluation mesurée de la Chambre haute du parlement britannique, la respectable Chambre des Lords.
Bien sûr, les menaces vis-à-vis de notre sécurité sont des menaces vis-à-vis de notre liberté mais l’inverse est vrai également. Lorsque nos libertés civiles sont indûment violées, nous sommes moins sûrs en tant qu’individus. Je soutiens totalement le travail réalisé au cours des quatre dernières années pour veiller à ce que nos services répressifs soient débarrassés de leurs habitudes insulaires et bureaucratiques et que nos systèmes juridique et judiciaire puissent interagir de sorte que les personnes soupçonnées d’être des terroristes ne puissent plus se faufiler entre les mailles du filet. Toutefois, selon les termes des contrôleurs européens de protection des données, réunis il y a quelques semaines: «Le terrorisme est utilisé comme justification pour de nouvelles initiatives, dont bon nombre abordent un éventail d’infractions, dont certaines sont nettement moins graves.» Ils attendent impatiemment, tout comme moi, l’application de la suggestion qu’a émise le commissaire Frattini lors d’une réunion des autorités communes de contrôle, à savoir que la Commission envisage une évaluation a priori de la proportionnalité de toute mesure devant être introduite à l’avenir, en examinant l’impact de la proposition sur les droits fondamentaux, y compris la question de la protection des données à caractère personnel.
Concernant l’échange d’informations, la principale norme adoptée dans le programme de La Haye est le principe de disponibilité. Cela est tout à fait raisonnable tant que cela signifie mettre un terme aux inexcusables guerres de territoire et jalousies entre services, phénomènes qui entravent la coopération. Mais il est évident qu’il ne faut pas l’interpréter comme un abandon du strict contrôle de la rétention, du transfert et de l’accès aux données à caractère personnel.
Je m’inquiète de l’éventuel profilage de personnes comme terroristes potentiels sur la base de leur race, de leur religion ou de leurs opinions politiques. Les responsables de la protection des données sont formels quant au fait que le traitement de telles données doit normalement être interdit.
L’autre domaine suscitant de grandes inquiétudes est le respect des droits des suspects terroristes. Les directives du Conseil de l’Europe sur la détention de suspects sans procès équitable ont certainement pas été violées au Royaume-Uni, et probablement aussi dans d’autres pays de l’UE. Il y a eu un glissement vers l’invocation de preuves obtenues par la torture et l’extradition vers certains pays en violation de l’interdiction de refoulement.
Les États membres procèdent à un examen mutuel des mesures de sécurité et de lutte contre le terrorisme qu’ils appliquent mais ils n’ont toujours pas réussi à faire en sorte que tous les États membres mettent en œuvre la décision-cadre sur le terrorisme de 2002 - la même loi qui contraint à ériger le terrorisme en infraction pénale. S’il est vrai que les États membres n’appliquent pas leur propre législation, je trouve qu’il est réellement inacceptable que nous continuions à violer les libertés personnelles.
Kathalijne Maria Buitenweg (Verts/ALE). - (NL) Monsieur le Président, nous sommes face à un difficile dilemme, ce que nous pourrions qualifier de situation de l’œuf et de la poule. Aurions-nous dû arranger la démocratie et mettre des contrôles démocratiques et judiciaires en place, ou une procédure décisionnelle efficace aurait-elle dû être mises en place d’abord afin d’obtenir un soutien massif du public pour une démocratie européenne? La réponse est, bien entendu, que nous avons besoin des deux. Comme M. Oreja l’a déjà dit, le terrorisme et la lutte contre celui-ci constituent d’excellents exemples de questions transnationales, et c’est pourquoi nous devrions travailler ensemble plus efficacement. Cela est toutefois plus facile à dire qu’à faire, car les 25 pays disposent chacun d’un droit de veto. Les décisions sont retirées, donnant lieu à des compromis confus ou, tout simplement, à aucune mesure. Selon moi, les pays devraient maintenant sauter au-dessus de leur ombre.
Simultanément, nous devrions également reconnaître que le Conseil doit prendre des décisions sur des questions très sensibles, qui ont une incidence sur les droits civils. C’est une autre raison pour laquelle la procédure menant à celles-ci est enveloppée d’un tel secret. Je pense que le Conseil devrait commencer à tenir des réunions, et à voter, en public. Aucune modification du Traité ne serait nécessaire pour cela. Il s’agit juste d’ouvrir les portes. J’espère que le Parlement prendra des mesures conjointes afin d’entamer une consultation avec le Conseil sur cette question.
Beaucoup a été dit sur le fait que le terrorisme est une attaque contre nos libertés fondamentales et que nous ne devrions donc pas commettre l’erreur de saper ces mêmes droits civils. Le droit à la vie privée est un autre exemple souvent cité. Le droit à la vie privée n’est, bien entendu, pas sacré en soi, mais chaque violation de celui-ci doit toujours être proportionnée, nécessaire, efficace et vérifiable. En effet, la proposition visant à stocker les données des communications est dès lors tout à fait disproportionnée. Si le Conseil l’adopte, le Parlement devrait entamer un recours devant la Cour de justice. En outre, la tentative par le Conseil de contourner le contrôle démocratique en prenant cette décision dans le cadre du troisième pilier, au lieu du premier, nous met mal à l’aise. Car, une fois encore, si nous voulons protéger la démocratie du terrorisme, commençons par la respecter.
Κyriacos Τriantaphyllides (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, je voudrais remercier tous les rapporteurs pour leurs six rapports, mais lorsque nous parlons de terrorisme, nous devons veiller à avoir une position claire sur la signification de ce terme.
Les difficultés rencontrées par la communauté internationale elle-même et les Nations unies dans leurs efforts visant à parvenir à une interprétation entièrement objective du terrorisme constituent une bonne indication des dangers qui nous guettent lorsque nous utilisons des définitions hasardeuses.
Le terrorisme est un crime que nous condamnons sans réserve, à condition que personne n’abuse de ce terme afin de poursuivre des mouvements de libération et le radicalisme. Malheureusement, le degré d’excès dans les mesures adoptées dans le cadre du plan d’action permet aux forces conservatrices de justifier la prise de mesures qui font tout sauf défendre un climat de sécurité. Simultanément, nous devons faire preuve d’une grande prudence s’agissant du cadre juridique dans lequel nous tentons d’inscrire le terrorisme, afin de garantir qu’il ne constituera pas la base d’une intervention militaire, qui serait contraire aux principes du droit international et de la Charte fondatrice des Nations unies.
La pléthore de mesures prises par l’Union européenne dans sa lutte contre le terrorisme se fonde principalement sur la nécessité d’assurer un climat de sécurité. Il s’agit de la priorité essentielle qui a été définie. La prise de mesures qui sauvegarderont la cohabitation paisible des citoyens de l’Union européenne ainsi qu’un sentiment de sécurité parmi ceux-ci ne revêt pas une importance secondaire. En aucun cas, toutefois, ces éléments ne peuvent être sauvegardés sur la base des intérêts de grandes entreprises, pour mettre un frein aux consciences des citoyens et pour renforcer le climat de crainte et d’insécurité résultant des contrôles excessifs ainsi que des tentatives visant à réduire ce climat, par exemple, dans le domaine des droits de l’homme.
Le plan d’action répond principalement à une interprétation donnée du terrorisme et ne vise pas à résoudre ses causes plus profondes. Il correspond essentiellement à des tendances hégémoniques existantes et ne traite pas, comme cela devrait être le cas selon nous, des causes sous-jacentes, qui sont la faim, la pauvreté, l’injustice sociale, le non-respect de la dignité civile et nationale, la discrimination, le racisme, la violation des droits de l’homme en général ainsi que le terrorisme d’État. Par conséquent, les efforts visant à renforcer ce plan dans ce sens, vers les objectifs qu’il sert, nous inquiètent. Nous estimons donc qu’il ne s’agit pas, en l’état, d’une solution permettant la création d’un véritable espace de liberté et de sécurité.
Georgios Karatzaferis (IND/DEM). - (EL) Monsieur le Président, j’ai moi-même été victime du terrorisme. Dans la station de télévision que je dirige à Athènes, j’ai été la cible de deux attaques à la bombe. La station a été entièrement brûlée et c’est une chose terrible de voir des personnes entourées par les flammes, essayant de sauver leur vie. J’ai également été attaqué à mon domicile. Je circule dans une voiture blindée avec un service de sécurité. Je dors avec un Uzi sous mon oreiller. C’est terrifiant de savoir que vous pouvez être attaqué à tout moment.
Nous devons cependant admettre que le terrorisme a déjà remporté ses premières victoires contre la démocratie. Quelles sont-elles? Les caméras vidéo, les téléphones sur écoute, les réductions des droits de l’homme et les passeports biométriques qui entrent dans nos vies. Il s’agit de victoires du terrorisme dans la mesure où nous rognons sur la démocratie.
Les gens utilisent le terrorisme afin d’imposer un contrôle mondial. Ils l’aliment. Lorsque nous disons que les terroristes sont généralement des islamistes fondamentalistes et que, par la suite, des personnes vont uriner et cracher sur le coran, n’aliment-ils pas le fondamentalisme islamique? Nous devons donc aborder le problème par l’autre bout. Ce n’est pas une bonne chose d’examiner la question du terrorisme depuis les sièges du Parlement européen. Nous devons envisager le terrorisme depuis l’intérieur des grottes afghanes et du même point de vue qu’une personne qui y vit, afin qu’à un certain stade, nous puissions avoir un code de communication et résoudre la question. Pourquoi un prince millionnaire ne vit-il pas dans les casinos de Londres, pourquoi ne vit-il pas aux Bahamas entouré, par exemple, de belles femmes, au lieu d’aller vivre jusqu’à la fin de ses jours dans une grotte? Nous devons voir les choses telles qu’elles sont. Est-ce du fanatisme? C’est la réponse facile. Mais par quoi ce fanatisme est-il alimenté? Nous sommes-nous toujours montrés si honnêtes par le passé? N’avons-nous pas infligé l’esclavage à ces régions de la planète pendant des années? Notre allié dans la chasse aux terroristes ne s’est-il pas rendu coupable du pire nettoyage ethnique au cours des siècles où il a anéanti une race entière, celle des indiens d’Amérique? N’a-t-il pas fondé ses progrès sur la torture et l’esclavage des Noirs?
Peut-être ne sommes-nous pas nous non plus si corrects que cela? Quelle est notre position aujourd’hui? N’avons-nous pas une position partiale sur le Moyen-Orient? Qu’allons-nous récolter? Aujourd’hui, nous disons que Kadhafi, qui a fait exploser un avion de la Pan American et tué des dizaines de personnes, est notre ami parce qu’il a changé de politique; simultanément, toutefois, nous pourchassons Castro, qui n’a abattu aucun avion. Nous déclarons que le dictateur en place au Pakistan est bon, car il est notre ami, mais nous qualifions un autre dictateur de mauvais et nous lui faisons la guerre. Nous devons donc examiner dans quelle mesure nous faisons preuve d’honnêteté concernant le terrorisme. Nous devons étudier les événements. Nous devons tendre l’oreille, car tant que nous continuerons de prendre des aspirines, nous continuerons d’avoir la migraine. Nous devons nous intéresser à la cause de la migraine. Nous devons donc ouvrir les yeux et mettre fin à cette politique inégale. Nous devons adresser davantage d’encouragements, laisser davantage d’opportunités à ces nations afin de réduire le fondamentalisme, afin de réduire le terrorisme. C’est ça, la solution.
Frank Vanhecke (NI). - (NL) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais dire trois choses sur des questions essentielles dans le court laps de temps qui m’est imparti.
Premièrement, il est effectivement scandaleux qu’à ce jour, il soit toujours aussi difficile et complexe de parvenir à une véritable coopération et à l’échange des informations en matière de lutte contre le terrorisme, non seulement entre un État membre et un autre, mais également entre les États membres et les autres pays libres occidentaux. Bien qu’eurosceptique bien informé, je pense que, dans ce domaine au moins, nous ne coopérerons jamais assez. Il en va de la sécurité de nos citoyens.
Nous savons désormais que les attentats du 11 septembre étaient, au moins en partie, planifiés depuis Hambourg. Nous savons qu’à la suite des attaques de Madrid, des cellules terroristes ont été découvertes partout en Europe. Il est évident que le terrorisme traverse les frontières nationales; la lutte contre celui-ci doit donc en faire de même.
Deuxièmement, ce n’est pas le moment de céder à la panique; nous devons appeler un chat un chat. Le terrorisme en Europe est devenu presque exclusivement islamique. Des experts américains nous mettent en garde aujourd’hui contre le retour d’Irak, et d’autres points chauds, de militants islamiques qui s’y sont radicalisés et y ont appris des techniques terroristes. L’Islam intolérant est en marche en Europe et constitue largement un terreau pour le terrorisme. Tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais presque tous les terroristes sont musulmans.
Troisièmement, je voudrais également attirer votre attention sur le fait que depuis de nombreuses années maintenant, l’aide européenne aux Palestiniens est utilisée non seulement pour permettre à Mme Arafat de mener une vie de luxe à Paris, mais également pour financer le terrorisme en Israël. Nous ne pouvons pas combattre le terrorisme en Europe tout en l’alimentant en Israël. Si l’utilisation des fonds en Palestine ne devient pas plus claire et transparente, leur versement devrait être suspendu.
Panayiotis Demetriou (PPE-DE). - (EL) Monsieur le Président, nous avons entendu aujourd’hui beaucoup d’avis et de propositions utiles de la part des rapporteurs et je voudrais les féliciter, ainsi que le vice-président Frattini pour les programmes qu’il nous a présentés en matière de lutte contre le terrorisme.
Le terrorisme est un terme abstrait, mais il a une assise politique spécifique. Les terroristes sont des personnes en chair et en os, mais qui, simultanément, sont invisibles et passent inaperçus. Par conséquent, la stratégie globale contre le terrorisme ne réussira que lorsque nous aurons éradiqué tous - je dis bien tous - les terroristes, ou lorsque le soutien politique sur lequel se fonde le terrorisme aura disparu. Le premier objectif est impossible. Il est envisageable d’atteindre le second.
En tant que tactique de guerre ou tactique politique, le terrorisme est le plus abominable des phénomènes. Des actions terroristes inhumaines ne peuvent être légitimées ou justifiées d’aucune manière ou pour aucune raison. Toutefois, ceux qui utilisent des méthodes terroristes barbares invoquent certaines causes religieuses et/ou occasionnellement sociales particulières et ils disposent du soutien moral et politique de quelques sociétés. C’est vers ces dernières que nous devons nous tourner. L’Union européenne est en mesure de pénétrer ces sociétés et d’agir comme catalyseur. Dans le cas des arabes ainsi que dans d’autres, l’Europe n’est pas perçue comme le mal absolu ou l’ennemi du peuple. C’est précisément sur ce point que nous devons nous répartir les rôles entre l’Union européenne, les États-Unis, la Russie et d’autres pays impliqués.
Parallèlement aux bavardages de l’Union européenne condamnant ces actions ainsi qu’à l’escalade des mesures législatives et autres contre le terrorisme, nous devons élaborer notre propre stratégie de communication avec les éléments modérés de ces sociétés. Je suis convaincu que, grâce à cette stratégie, l’Union européenne sera en mesure de couper l’herbe sous les pieds des terroristes. C’est la seule façon de faire disparaître le terrorisme, plutôt que de le faire diminuer, et c’est dans cette direction que l’Union européenne, le Conseil, le Parlement européen et la Commission doivent aller de concert.
Edith Mastenbroek (PSE). - (NL) Monsieur le Président, je voudrais remercier tous les rapporteurs pour leur travail sur ces rapports dont nous parlons aujourd’hui et qui soulignent sans cesse le fait que la défense et la promotion des droits de l’homme constituent la meilleure et plus importante stratégie afin de prévenir et de lutter contre la terreur. Le commissaire Frattini a déclaré que le antiterrorisme devrait en fait entraîner un renforcement des droits de l’homme, ce que je ne peux que partager. La défense et la promotion de valeurs aussi essentielles que la démocratie, la liberté, le pluralisme et la dignité humaine sont cruciales dans la lutte contre le terrorisme. Il est indiscutable que pour faire de cela une réalité, nous devrons fondamentalement reconsidérer de larges pans de nos politiques, particulièrement de notre politique extérieure.
La radicalisation et la polarisation qui si souvent mènent au terrorisme et en résultent à la fois représentent au minimum une aussi grande menace pour l’Union européenne que le terrorisme lui-même. En tant que responsables politiques, nous devons en être tout à fait conscients et essayer de conserver notre sang-froid à tout moment. Au lieu de susciter inutilement la peur, nous devons faire preuve de réalisme et éviter de céder à l’hystérie qui ne fait qu’alimenter les tensions sur lesquelles se fonde le terrorisme.
Quoi qu’il en soit, nous ne devons pas tomber dans le piège qui consiste à adopter les étranges arguments auxquels les terroristes ont recours pour justifier leurs actions. Nous devons prendre des mesures qui augmentent véritablement la liberté de tous les citoyens et rester à l’écart de celles qui donnent uniquement l’impression de renforcer la sécurité. À cet égard, deux des mesures discutées ici méritent notre attention, selon moi.
Tout d’abord, l’idée de poursuivre le terrorisme devant la Cour pénale internationale. Je me demande quel problème spécifique cela réglerait-il. Devons-nous vraiment traiter les terroristes à l’instar d’ex-dictateurs comme Milosevic? Voilà ce que j’en pense; l’homme qui a assassiné Theo van Gogh, un célèbre réalisateur, chroniqueur et façonneur d’opinion souvent évoqué et originaire de mon pays, les Pays-Bas, adorerait pouvoir utiliser la plateforme qu’une telle solution lui offrirait. Je suis donc résolument opposée à cette idée.
Vient ensuite le stockage des données relatives au trafic des communications, parfait exemple s’il en est de mesure menant uniquement à une fausse sécurité. Je ne vais pas m’étendre davantage sur la question étant donné que beaucoup a déjà été dit sur le sujet. Cette mesure est disproportionnée, elle limite notre liberté et je pense que c’est justement cette liberté que nous devons promouvoir au sein de l’Union européenne. Il existe des risques; vous pouvez introduire n’importe quel type de restrictions concernant l’accessibilité des informations de ce type, mais admettons-le, tout ce qui est disponible sur l’internet est accessible dans le monde entier, quelles que soient les protections, et les risques encourus sont probablement plus importants que les avantages. Je ne pense pas que nous devrions poursuivre dans cette voie. Au lieu de cela, étant donné que l’internet devient effectivement le meilleur moyen de communication pour les personnes qui veulent en savoir plus sur des terroristes et les recruter pour d’autres, nous devrions former nos services de sécurité à l’utilisation de l’internet, à y lire et à y discuter, en d’autres termes, à contrôler activement ce qui s’y passe. Voilà qui ferait une véritable différence.
Découvrir quels sites internet une personne a consultés après que celle-ci a commis un attentat à la bombe ne me semble pas la meilleure stratégie. Nous devons avant tout empêcher que ces attaques soient perpétrées. Je pense qu’une telle mesure - dont la base juridique a été discutée ici à plusieurs reprises, ainsi que la manière dont cette décision a été prise, qui constitue une violation flagrante de la démocratie - sape la confiance en la démocratie européenne, ce qui entraîne des risques qui se sont récemment fait sentir de manière douloureuse.
Sophia in 't Veld (ALDE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais commencer par exprimer mon regret face au «non» de la France et des Pays-Bas à la Constitution, car l’UE devra à présent lutter contre le terrorisme avec une main attachée dans le dos.
Les citoyens ont donné un signal très clair dans le débat sur les référendums. Par conséquent, je demanderais au Conseil de travailler dans l’esprit de la Constitution, et cela implique le respect de trois principes fondamentaux. Le premier est le contrôle démocratique, ce qui signifie que le Conseil ne devrait pas ignorer et mettre sur la touche le Parlement européen mais devrait prendre note de ses recommandations, même s’il n’est pas obligé de le faire. Les deux autres aspects mentionnés par de nombreux collègues sont la proportionnalité et l’efficacité et, ici encore, le Conseil devrait réfléchir à deux fois à certaines mesures.
Son propre rapport sur la mise en œuvre du plan d’action contre le terrorisme montre que cette dernière présente de grandes lacunes. Avant d’adopter de nouvelles mesures, nous devrions examiner la mise en œuvre. Dans le cas de la révision par les pairs, par exemple, seuls dix des vingt-cinq pays ont jusqu’à présent soumis leur rapport de mise en œuvre. Comment pouvons-nous prendre de nouvelles mesures si nous ne savons même pas si les anciennes fonctionnent?
Je vais à présent aborder trois questions spécifiques. Tout d’abord, la rétention de données. Un grand nombre de choses ont déjà été dites et je voudrais une fois de plus demander au Conseil d’agir dans l’esprit de la Constitution et de ne pas ignorer le Parlement européen. Il ne devrait pas non plus ignorer les signaux lancés par de nombreux pays - l’exemple des États-Unis a déjà été mentionné. J’ajouterais toutefois à ces exemples le cas du parlement néerlandais, qui voulait adopter une mesure similaire de rétention de données. Toutefois, lorsqu’il a réalisé comment cela fonctionnerait - ou plutôt ne fonctionnerait pas - dans la pratique, il a reconsidéré sa décision car il a réalisé que la proposition de rétention de données n’était tout simplement pas réalisable. Le Conseil ne devrait pas l’ignorer. Il est regrettable que le Conseil ne soit pas présent en cette occasion.
Concernant les dossiers passagers, il y a également eu plusieurs incidents. La Commission nous avait promis une évaluation un an après la mise en œuvre de cette mesure. Je voudrais lui demander quand nous pouvons attendre cette évaluation.
Ensuite, nous voudrions en savoir davantage à propos du SITCEN, le Centre de situation conjoint. Que fait-il exactement? Quel type d’informations gère-t-il? Fera-t-il un rapport au Parlement européen?
Enfin, je demande au Parlement européen de montrer sa vraie nature. Nous avons beaucoup parlé aujourd’hui de la protection des données à caractère personnel et des droits fondamentaux. Je demande à ce Parlement d’adopter non seulement tous les rapports sur les mesures de lutte contre le terrorisme mais aussi le rapport Moraes sur la protection des minorités et les politiques de lutte contre les discriminations, car les droits fondamentaux sont pour tous les citoyens.
Hélène Flautre (Verts/ALE). - Monsieur le Président, je crois que, pour ce qui est du défi, qui consiste à lutter efficacement contre le terrorisme tout en respectant intégralement et les droits de l’homme et les libertés fondamentales, on a - comme cela vient d’être dit - à la fois les mains liées à cause du «non» français et, aussi, un problème et un handicap majeur: nous n’avons pas de définition internationale du terrorisme! Donc, nous n’avons pas de recours juridique possible, pas de sécurité juridique, pas de garantie et pas de protection. Je crois donc que l’Union européenne, pour elle-même et à l’échelle internationale, doit œuvrer pour que nous ayons réellement une définition reconnue.
M. Van Hecke propose une définition simple: terroriste égale musulman. M. Poutine en a une autre: terroriste égale Tchétchène. Les Chinois en ont d’autres. Je crois que, avec cet usage tout à fait extensif, abusif et arbitraire de la notion de terrorisme, nous sommes en train de perdre notre capacité d’agir efficacement dans la lutte contre ce terrorisme. Je crois donc que nous devons, en tant qu’Union européenne, faire un effort tout à fait important, et très rapidement - lors de la prochaine assemblée générale de l’ONU, par exemple - pour obtenir cette définition, indispensable, du terrorisme, laquelle permettra également une vraie coopération entre les États, à l’échelle européenne et à l’échelle internationale.
Sylvia-Yvonne Kaufmann (GUE/NGL). - (DE) Monsieur le Président, permettez-moi de rappeler à cette Assemblée les paroles sages de Benjamin Franklin, l’un des pères de la constitution américaine, qui a déclaré que «Ceux qui désirent abandonner la liberté pour obtenir la sécurité n’auront, et ne méritent, ni l’une ni l’autre».
Depuis les atrocités criminelles de Madrid, nous nous sommes rendu compte que l’Europe est désormais une cible directe du terrorisme international. Il est indubitable que ce fait doit être pris en considération dans l’élaboration des politiques publiques. Toute forme de terrorisme constitue un crime qui menace les fondations mêmes de notre démocratie et ces crimes doivent être combattus et entraîner des conséquences à la hauteur de leur gravité. Ils doivent, toutefois, être combattus avec des instruments appropriés et non au prix de la liberté. Il va sans dire que nos autorités nationales d’investigation doivent coopérer plus étroitement. Simultanément, nous ne devons pas créer une situation dans laquelle des données et des informations sont collectées, recoupées et échangées en faisant de moins en moins de distinctions jusqu’à l’avènement du citoyen transparent dans un avenir proche. Nous ne devons pas emprunter le chemin menant vers un État Big Brother comme celui imaginé par Orwell. Les droits fondamentaux des citoyens ne doivent pas être remis en question.
Nous avons besoin d’une politique ciblée intégrant une tolérance zéro pour le terrorisme sous toutes ses formes et clairement axée sur l’objectif d’éradication des différentes causes du terrorisme. Il s’agit là de la seule manière de finalement mettre un terme à ce qui l’alimente.
Carlos Coelho (PPE-DE). - (PT) Monsieur le Président, Monsieur Frattini, Mesdames et Messieurs, le terrorisme n’est pas un phénomène nouveau, mais les événements tragiques de ces dernières années ont démontré son pouvoir destructeur. La lutte contre le terrorisme constitue l’un des plus grands défis que nous devons relever en ce XXIe siècle.
Je salue tous les rapporteurs pour leurs efforts et leur travail sur ce dossier. Peu importent comment les actes terroristes ont lieu, où ils sont perpétrés, qui sont les responsables, les justifications avancées ou les causes qu’ils servent. Tous les actes, toutes les méthodes ou pratiques terroristes sont politiquement et moralement injustifiables et doivent être condamnés sans équivoque et combattus résolument.
Les événements tragiques du 11 mars à Madrid ont poussé l’Union à remettre en question l’efficacité de ses instruments et de ses politiques. Ils ont en outre illustré la nécessité urgente d’une approche nouvelle, dynamique, systématique et efficace. C’est dans ce contexte que le poste de coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme a été créé, et je voudrais souhaiter la bienvenue à M. De Vries, qui est avec nous aujourd’hui.
Je suis favorable à une stratégie claire dans la lutte contre le terrorisme, visant à parvenir à un équilibre entre sécurité collective et liberté individuelle. Cela implique, tout d’abord, le renforcement de la stratégie de prévention, du niveau de préparation et de la capacité de réaction de l’UE. Nous avons constaté une augmentation significative des sources de financement. Le système d’alerte relatif au commerce de marchandises et à la fourniture de services doit être amélioré afin de garantir un meilleur contrôle des mouvements suspects, sans perturber les dynamiques normales du marché.
De même, les institutions publiques et privées, surtout dans le secteur bancaire, doivent travailler ensemble plus étroitement. Troisièmement, les capacités dans le domaine de l’information doivent être accrues. Cela concerne notamment l’amélioration essentielle des échanges d’informations avec Europol, la prévention et la gestion des conséquences, ainsi que la protection des infrastructures vitales dans la lutte contre le terrorisme, ce qui implique l’élaboration de règles plus strictes en matière de sécurité et de faire preuve de solidarité avec tout État membre victime d’une attaque terroriste.
Enfin, j’en viens à la question extrêmement importante de la solidarité avec les victimes du terrorisme. Lorsque des innocents sont assassinés, enlevés ou torturés, ou victimes d’extorsions, de chantage ou de menaces, ils ne sont pas les seuls à souffrir; tous les membres de leurs familles, leurs amis et leurs communautés entières souffrent avec eux.
PRÉSIDENCE DE M. FRIEDRICH Vice-président
Genowefa Grabowska (PSE). - (PL) Monsieur le Président, le terrorisme est une maladie mortelle devenue une épidémie mondiale au début de ce siècle. Nous vivons désormais dans un monde avec deux extrêmes, et je ne parle pas uniquement de pauvreté et de richesse, mais également du bien et du mal. Le bien est représenté par la sécurité publique, et le mal par le terrorisme.
Nous avons appris à mener des recherches scientifiques sur le terrorisme, à identifier ses différentes formes ainsi qu’à examiner en détail ses causes. Nous nous sommes également habitués à faire référence au terrorisme d’État, au terrorisme individuel, au terrorisme mondial et au fondamentalisme. Néanmoins, la pure vérité est qu’il n’existe d’un seul type de terrorisme, c’est lorsqu’une personne commet un acte malveillant inconcevable à l’encontre d’autrui.
L’un des devoirs fondamentaux de l’Union européenne, défini par l’article 29 du traité de Maastricht, est de garantir aux citoyens un niveau élevé de sécurité. Nous devons nous demander si l’Union y parvient et si nos citoyens se sentent en sécurité. La réponse probable à cette seconde question est qu’ils ne se sentent pas toujours en sécurité, car nous sommes tous conscients de ce qui s’est produit le 11 mars à Madrid ainsi que de bien d’autres événements similaires.
Des criminels profitent des avantages de l’intégration européenne en se déplaçant librement dans l’UE, où il n’existe pas de frontière intérieure. Ils restent souvent impunis parce que l’UE comprend 25 systèmes juridiques et pénaux différents. Pour mettre un terme à cette situation, l’UE doit élaborer de nouveaux instruments, plus efficaces. Le paquet antiterroriste discuté aujourd’hui vise à nous permettre d’atteindre cet objectif. Je suis heureuse de constater qu’en plus des propositions antiterroristes, le paquet réclame une protection urgente des droits de l’homme. Toutes les réglementations et les mesures précédentes sont prises en considération, du groupe TREVI en 1975 au programme de La Haye, en passant par Vienne, Tampere et le plan d’action adopté au lendemain du 11 septembre 2001. Ces mesures ont permis l’introduction d’un mandat d’arrêt européen, la création d’Eurojust et la nomination d’un coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme.
Toutefois, si nous voulons obtenir des résultats, l’UE doit faire plus que simplement apporter des améliorations constantes et systématiques aux instruments qu’elle utilise dans la lutte contre le terrorisme. De nouvelles mesures impliquant une coopération plus étroite sont nécessaires afin de trouver une solution à ce qui est connu sous le nom de «mégaterrorisme», en d’autres termes, le terrorisme utilisant des armes de destruction massive. Nous devons être plus rapides que les terroristes et anticiper leurs actions, plutôt que d’attendre leurs attaques et gérer ensuite les impacts de celles-ci. Nous devons prendre des mesures plus rapides et plus efficaces et les terroristes doivent en être conscients et en ressentir les effets. Une coopération plus étroite au niveau international sera nécessaire, de même que la mise en œuvre des dispositions de l’article 43 de la Constitution européenne, à savoir la clause de solidarité si chère à nos yeux.
Enfin, je voudrais dire qu’en tant que Polonaise, je suis extrêmement fière que ce soit à la Pologne qu’a été confiée la tâche de protéger les frontières extérieures de l’UE. En remplissant celle-ci, nous pourrons apporter notre propre contribution à la lutte contre le terrorisme.
Anneli Jäätteenmäki (ALDE). - (FI) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, dans la lutte contre le terrorisme, il importe de combiner les forces au niveau national tout en améliorant la coopération entre les institutions de l’Union. Il ne suffit pas de réagir au terrorisme en faisant travailler en étroite collaboration les forces de police et les services de renseignement, bien qu’ils soient, bien entendu, extrêmement importants. La lutte contre le terrorisme est fondamentalement liée à des mesures contribuant déjà à réduire la vulnérabilité de notre société. Garantir la sécurité de l’activité industrielle ainsi qu’une coopération efficace et des échanges d’informations dans les services d’urgence en serait un exemple.
Les actes de terreur sont tragiques et, comme leur nom l’indique, ils sont conçus pour répandre la peur et la panique. C’est pourquoi les sociétés européennes doivent être consolidées de l’intérieur, en termes de structures et de culture d’action, et devenir des sociétés moins exposées au terrorisme. La transparence administrative et la sensibilisation des citoyens à leur environnement, y compris à ses risques, sont capitales. Nous devons également être en mesure d’agir correctement et efficacement en situations d’urgence. La vulnérabilité de nos infrastructures doit être réduite grâce à des mesures résolues, et les échanges d’informations au sein de l’administration concernant des risques évidents doivent être intensifiés.
Il est extrêmement important que des recherches soient menées dans l’UE de manière adéquate afin de soutenir la lutte contre le terrorisme. Nous devons garantir que les efforts de recherche de l’Union dans le domaine de la sécurité intérieure et extérieure soient suffisants coordonnés. De véritables mesures antiterroristes ne peuvent être efficaces que lorsqu’elles sont combinées aux meilleures expertises et recherches européennes dans les secteurs de la défense et des services d’urgence et autres recherches relatives à la sécurité.
Athanasios Pafilis (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, les décisions du Conseil et les rapports dont nous parlons aujourd’hui sont des tentatives, visant, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, tout d’abord, la création et la mise en œuvre d’un cadre institutionnel plus autocratique, mais aussi la mise sur pied et la consolidation de nouveaux mécanismes répressifs, de systèmes de contrôle, etc., dont le réel objectif est de lutter non pas contre le terrorisme dont vous parlez, mais contre le mouvement populaire émergent et contre la lutte des peuples contre le nouvel ordre impérialiste.
En deuxième lieu, en adoptant la guerre préventive contre le terrorisme, ces rapports visent à préparer les citoyens à accepter de nouvelles interventions et de nouvelles guerres. Cela signifie qu’aucun rapport ne dénonce - au contraire, elles y sont exonérées - les actions de terrorisme d’État des États-Unis et d’autres pays en Afghanistan et en Irak, le terrorisme israélien en Palestine, etc. En fait, nous vous posons la question suivante: le massacre de 100 000 civils à Fallouja en une semaine par la milice américaine constitue-t-il ou non un acte terroriste?
Enfin, la décision du Conseil de novembre dernier et le rapport Oreja présentent la position selon laquelle les mouvements radicaux ou les idéologies extrémistes constituent une source de terrorisme. Cela signifie que les mouvements sociaux et les droits du peuple peuvent être qualifiés de terrorisme. Nous remarquons que vous craignez les luttes populaires croissantes qui ont émergé...
(Le président retire la parole à l’orateur)
Ioannis Varvitsiotis (PPE-DE). - (EL) Monsieur le Président, notre engagement à tous à lutter contre toutes les formes de terrorisme est non négociable, constant et constitue également l’une des priorités du programme de La Haye.
Toutefois, pour prévenir et combattre efficacement le terrorisme, il doit exister une coopération systématique entre les États membres au niveau législatif, en matière d’échange d’informations ainsi que pour bloquer le financement et protéger les transports internationaux. Enfin, nous devons avoir une politique de prévention détaillée et continue et l’Union européenne doit maintenant agir de manière proactive et ne pas simplement se contenter de réagir aux incidents tragiques.
La première arme contre le terrorisme est l’information. Étant donné que le terrorisme est désormais un phénomène international et qu’il opère à l’échelon mondial, nous devons assurer une collecte et un échange d’informations au niveau international ainsi qu’une meilleure évaluation des menaces, en prenant toujours en considération la nécessité de respecter le droit à la vie privée et de protéger les libertés et les droits fondamentaux inhérents à notre civilisation.
Les rapporteurs de tous les rapporteurs, à travers différents points de vue, convergent vers des conclusions similaires que je partage entièrement. Je pense toutefois que l’existence de nombreux textes, non seulement ceux de ces huit rapports discutés aujourd’hui, mais également de tous les autres qui ont été adoptés au fil du temps, crée un risque de confusion et d’inefficacité. Je voudrais proposer au commissaire ici présent, M. Frattini, que les services compétents de la Commission procèdent à une codification de tous les textes pertinents. Je suis certain que cela permettrait également une simplification, une systématisation et une cohésion entre les textes. Autrement, il existe une confusion, ce qu’il convient d’éviter. La confusion ne crée pas les conditions préalables à une lutte adéquate contre le terrorisme.
Erika Mann (PSE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire Frattini, Mesdames et Messieurs, je voudrais vraiment me limiter à un point, qui concerne l’annonce faite à la fin de votre discours, Monsieur le Commissaire, selon laquelle vous projetez de réaliser deux simulations dans un avenir proche. Pourrais-je vous demander d’en informer le Parlement en temps utile, car il importe que nous y coopérions.
Avec mon collègue Jerzy Buzek, nous avons pris part à un exercice de simulation à Washington le 14 janvier. Il s’agissait de l’Exercise Atlantic Storm, consacré au bioterrorisme. Nous avons ensuite rediscuté de ce sujet dans le cadre du «Nouvel agenda de la défense» à Bruxelles le 25 avril. Nous avons identifié trois principaux points, dont nous devons simplement discuter plus longuement.
Le premier point concerne notre compréhension du fait que la coopération doit devenir bien plus intensive que celle à laquelle nous avons été habitués jusqu’à présent. Cela concerne à la fois la coopération entre les États membres et la coopération de l’Europe avec les États-Unis et les autres pays concernés qui devraient être impliqués. Cette coopération est extrêmement importante, mais à l’heure actuelle, elle est encore très sporadique dans certains cas. Elle n’est pas assurée de manière systématique et sa méthodologie ne nous donne pas vraiment satisfaction dans le système actuel. Elle n’est ni fiable, ni transparente, que ce soit de manière générale ou par rapport au Parlement, alors que la transparence est essentielle si nous voulons que les défauts du système soient identifiés et corrigés. C’est le premier point.
La deuxième insuffisance se situe dans le domaine de la prévention. En faisant spécifiquement référence au bioterrorisme, je voudrais vous demander dans quelle mesure nous avons vraiment progressé à ce jour en matière de prévention concernant les vaccins. Lors de la simulation à Washington, nous avons établi que la disponibilité des vaccins varie considérablement entre les États membres de l’UE. Cela constituera une source de conflits, Monsieur le Commissaire, en cas d’une attaque qui, espérons-le, n’arrivera pas. Je voudrais vous demander de réagir sur ce point.
Le dernier point que je voudrais mentionner porte sur un aspect totalement différent de la question. Au cours de nos discussions, nous devrions toujours prendre un soin tout particulier à faire la distinction entre les fondamentalistes islamiques et l’Islam en général. Cela contribuerait de manière significative à notre débat politique.
Alexander Stubb (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais commencer par une remarque personnelle à l’attention du commissaire Frattini. Je voudrais le remercier pour son travail, en tant que ministre des affaires étrangères italien, au sein de la CIG sur la Constitution pendant la seconde moitié de 2003, époque à laquelle j’étais fonctionnaire au sein de la délégation finlandaise. Il a réalisé un excellent travail, notamment en communautarisant la justice et les affaires intérieures, et c’est pourquoi j’espère que cette Constitution sera finalement adoptée.
Je voudrais aborder brièvement cinq points. Premièrement, il y a un équilibre précaire entre la sécurité et les libertés individuelles et nous devons être très prudents lorsque nous l’abordons dans le cadre du terrorisme. C’est la raison pour laquelle je rejette l’initiative sur la rétention de données et que je soutiens l’avis de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures.
Deuxièmement, la lutte contre le terrorisme est réellement un domaine où l’Union européenne offre une valeur ajoutée; il s’agit d’un domaine où les États membres ne peuvent et ne pourront pas agir seuls.
Troisièmement, il s’agit également d’un domaine où les citoyens nous demandent d’agir. Si nous examinons n’importe quel sondage Eurobaromètre, nous constatons qu’il s’agit d’un domaine dans lequel l’Union européenne peut fonctionner assez bien.
Quatrièmement, cela pourrait également être notre prochaine réussite, mais cela dépendra de notre capacité à la mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle je demande à la Commission de plaider avec insistance pour l’application tant de l’agenda de Tampere que de l’actuel agenda de La Haye, et de faire en sorte que les États membres mettent en œuvre les mesures permettant de combattre le terrorisme.
Cinquièmement, pour terminer, l’article 43 de la Constitution est un article essentiel. Il concerne la solidarité. Si un État membre est l’objet d’une attaque terroriste, tous les autres États membres doivent lui porter assistance. Cette clause de solidarité, bien qu’elle ne soit pas encore appliquée, a plutôt bien fonctionné face aux attaques de Madrid. Je demanderais réellement aux États membres et à la Commission de rester fidèles à ce principe.
Marek Maciej Siwiec (PSE). - (PL) Je voudrais adresser mes remarques au commissaire Frattini, qui a introduit ce débat de manière excellente. Son approche de la question est tout à fait correcte, mais elle présente une faille fatale. Je fais référence au fait que les préparations qu’il a mentionnées sont pour une guerre qui a déjà eu lieu. Ce dont nous avons besoin par-dessus tout dans la guerre contre le terrorisme, c’est d’imagination, et même de sacrées doses d’imagination, parce que les terroristes n’en manquent certainement pas. Je voudrais donner au commissaire quelques conseils pour faire preuve de plus d’imagination.
Je voudrais qu’il réponde aux questions suivantes. Si l’on se rend compte qu’un passager à bord d’un avion souffre d’une maladie infectieuse, la variole ou toute autre maladie, par exemple, où atterrirait l’avion? Existe-t-il des aéroports préparés à cela dans les États membres? Quelles sont les procédures en cas de découverte d’un agent pathogène qui ne peut pas être transmis entre êtres humains? Lorsque nous nous posons ces questions, ainsi que d’autres, nous devons garder à l’esprit qu’il s’agit d’un conflit du futur. Le bioterrorisme est une arme qui nous oblige à faire preuve d’imagination. Je compte sur l’UE pour jouer un rôle dans l’organisation de la consolidation des efforts des États et des nations.
Le deuxième et dernier point que je voudrais soulever est le fait que les députés de cette Assemblée ont condamné de manière véhémente le terrorisme au cours de notre débat d’aujourd’hui. Je me demande quel nom devrait être donné à une institution rendant techniquement possible pour une chaîne de télévision détenue par une organisation terroriste du Moyen-Orient de diffuser. Pouvons-nous dire que cette institution soutient le terrorisme ou pas?
Nous devons nous demander si les organismes financiers et médiatiques ne jouent pas en réalité un rôle en coulisse et ne créent pas les conditions permettant au terrorisme de se répandre, de s’étendre rapidement même. Et pendant ce temps, le Parlement se contente de condamner le terrorisme.
Timothy Kirkhope (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, le terrorisme nous menace tous. Le Royaume-Uni a dû faire face au terrorisme républicain irlandais du Sinn Féin/IRA pendant plus de trois décennies et comme ils le disent eux-mêmes, ils sont toujours là, vous savez.
Nous devons être inébranlables face au terrorisme. La faiblesse et l’ambiguïté ne font que renforcer ceux qui cherchent à miner la démocratie. Nous avons toutefois également besoin de clarté pour comprendre la menace à laquelle nous sommes confrontés et les meilleures mesures pour s’y attaquer. C’est pourquoi je me félicite des propositions visant à améliorer l’échange d’informations entre les autorités compétentes, prévues dans le rapport de M. Duquesne.
Comme nous l’avons vu, la coopération bilatérale entre États membres, sans être entravée par des contraintes institutionnelles inutilement lourdes, a été fructueuse. Des équipes communes d’enquête, sur lesquelles j’ai eu l’honneur d’être rapporteur au cours de la législature précédente, ont bien fonctionné dans ce domaine, comme l’a dit le rapport Díez González. De telles réactions flexibles, ciblées, mesurées et appropriées illustrent bien ce qui peut être atteint. Nous devons toutefois être conscients de la nature de la menace à laquelle nous sommes confrontés. L’IRA est différente de l’ETA, qui est elle-même différente d’Al-Qaïda, mais elles sont toutes des fléaux et doivent être combattues et éliminées. Le fait de ne pas être clair n’aide personne et je ne comprends tout simplement pas pourquoi certaines personnes dans cette Assemblée ne veulent pas utiliser le terme «organisations fondamentalistes islamistes» pour qualifier Al-Qaïda et les organisations du même acabit.
De même, nous nous réjouissons que le rapport Borghezio demande que l’on se penche sur la question de ces organisations caritatives qui ne sont rien de plus que des sociétés-écrans collectant des fonds pour le terrorisme. Il est déplorable que le Conseil n’ait pas jugé bon de désigner le Hezbollah comme une organisation terroriste.
Nous devons, par-dessus tout, travailler ensemble, échanger des informations, nous aider les uns les autres à affronter ces menaces actuelles, ces menaces indéniables à notre liberté et à notre démocratie.
(Applaudissements)
Nikolaos Sifunakis (PSE). - (EL) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, nous savons tous que le terrorisme est désormais une réalité que nous ne pouvons malheureusement pas éviter.
Phénomène marginal dans les années 70, qui se limitait dans la plupart des cas au territoire d’un État, avec des objectifs spécifiques, il s’est malheureusement transformé au cours de ces dernières années en attaques faisant de nombreux morts et utilisant des moyens technologiques de pointe.
La cause de cette évolution est la perpétuation de problèmes politiques et sociaux non résolus. La communauté internationale n’a pas été en mesure de prouver son intention ferme de mettre en œuvre des processus de cohabitation pacifique dans des régions spécifiques connaissant des conflits dus à des différences religieuses, politiques et ethniques.
Le terrorisme a connu un nouvel élan là où la communauté internationale organisée, ou une partie de celle-ci, s’est efforcée unilatéralement d’imposer des solutions par la violence, donnant lieu à la création de nouveaux conflits, plus violents. Nous savons tous que la violence non seulement ne met pas un terme à la violence, mais qu’elle l’attise.
Tant que la question palestinienne, par exemple, restera non résolue, le terrorisme se répandra, alimentant l’extrémisme qui est en fait la cause fondamentale du terrorisme.
Néanmoins, le terrorisme ne peut pas être combattu uniquement grâce à des mesures judiciaires et de police. Les systèmes de gestion de crise intégrés, le contrôle et le traitement informatique des informations suspectes, la lutte contre les sources de financement du terrorisme, les échanges efficaces d’informations ou l’approbation d’une définition commune du terrorisme sont des mécanismes de prévention et de répression. Ils ne s’attaquent pas aux racines du mal.
Le débat et le vote d’aujourd’hui au sein du Parlement européen sur les huit rapports visant à lutter contre le terrorisme sont importants. Toutefois, nous savons tous qu’ils ne suffisent pas. Nous ne pourrons pas, avec de telles mesures, faire disparaître le terrorisme. L’éradication finale de ce fléau doit être poursuivie au-delà des actions coordonnées de prévention et de répression par la Communauté. La solution réside dans la création de conditions de paix, d’égalité et de prospérité mondiales.
Charlotte Cederschiöld (PPE-DE). - (SV) Monsieur le Président, Messieurs Frattini et de Vries, je voudrais tout d’abord féliciter les rapporteurs pour les améliorations qu’ils ont apportées aux propositions antiterroristes du Conseil, qui sont en effet conçues pour rendre la lutte contre le terrorisme plus efficace de plusieurs manières excellentes. L’équilibre entre les libertés et les droits doit, cependant, être maintenu et notre système démocratique européen doit être renforcé.
Aujourd’hui, une voiture a presque davantage de droits qu’un être humain, car celle-ci peut voir la législation financière la concernant supprimée par le Parlement européen et la Cour de justice des Communautés européennes. Ces questions mettent en exergue la nécessité d’une nouvelle constitution qui nous permettra de mieux combattre la criminalité et le terrorisme.
La question du stockage des données illustre parfaitement la manière dont le système des piliers est désormais obsolète. Nous avons besoin d’un nouveau traité grâce auquel nous puissions protéger le droit à la vie privée et nous opposer aux mesures et aux obligations disproportionnées. La protection des données est nécessaire dans toute la législation et pas, comme c’est le cas maintenant, dans une partie de la législation uniquement. Mme Niebler a expliqué de manière constructive les critiques du Parlement européen dans ce domaine, et je partage son opinion. Nous n’avons vu aucune preuve de la nécessité des mesures proposées dans le domaine de la rétention des données.
Le Conseil a agi de manière provocatrice et a décidé de mettre en application une législation rejetée par le Parlement européen. Une telle décision affaiblit notre démocratie. Ce n’est pas ce dont nous avons besoin aujourd’hui. Nous devons faire le contraire. Nous avons besoin d’une démocratie renforcée ainsi que d’actions plus vigoureuses par le Conseil, et j’espère que, à l’avenir, celui-ci écoutera bien plus le Parlement européen qu’il ne l’a fait jusqu’à présent.
Proinsias De Rossa (PSE). - (EN) Monsieur le Président, j’ai remarqué que ni M. Kirkhope ni M. Allister n’ont décrit l’IRA comme une organisation fondamentaliste catholique romaine et ils ont eu raison de ne pas le faire. Je pense que ce serait une grave erreur de commencer à cataloguer ici des organisations comme d’une religion ou d’une autre. Elles partagent toutes le désir d’atteindre des objectifs politiques par des efforts antidémocratiques. Telle est, selon moi, la définition de base du terrorisme: l’utilisation de la violence de manière antidémocratique pour atteindre un objectif politique.
Je rappellerais à M. Kirkhope et à d’autres que l’expérience, en Irlande du Nord et partout ailleurs, démontre qu’en saucissonnant la société en sections distinctes, nous renforçons en réalité l’aliénation et favorisons le recrutement auprès des organisations liées aux actes terroristes.
Nous devons réagir face au terrorisme par des mesures politiques, économiques et sociales. Nous devons évidemment défendre notre mode de vie démocratique lorsque la violence le met en péril, mais nous devons le faire sans nier ni limiter les droits de l’homme fondamentaux, non seulement vis-à-vis de la société dans son ensemble mais également vis-à-vis de ceux qui se sont aliénés d’une manière ou d’une autre de la société. Nous devons nous engager vis-à-vis de tous nos citoyens et chercher à les intégrer. Nous devons tenter de veiller à ce qu’ils atteignent les objectifs de vie qu’ils se sont fixés et à ce qu’ils ne s’aliènent pas.
Il est donc extrêmement important que les mesures que nous proposons ici aujourd’hui soient proportionnées et justifiées et qu’elles soient efficaces, non seulement pour s’attaquer au terrorisme mais aussi pour veiller à ce que le terrorisme ne puisse pas prospérer. Nous devons donc aller au-delà de la simple mise en place de mesures de sécurité.
Mon dernier commentaire concerne le bioterrorisme. Je voudrais demander à ceux qui cherchent à renforcer les craintes de bioterrorisme de reconnaître la réalité du terrorisme. Les armes de prédilection du terrorisme sont quelques dizaines de grammes de semtex dans un fourre-tout, une voiture, des fusils automatiques et des armes de poing - voyez l’expérience du terrorisme partout dans le monde - ce sont les armes utilisées. Ce n’est pas avec du gaz sarin que les terroristes peuvent provoquer les spectaculaires scènes de mort et de destruction dont ils ont besoin pour passer aux actualités de 20 heures.
Piia-Noora Kauppi (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais exprimer mon soutien au rapport de M. Alvaro. Voter le programme de rétention des données sous sa forme actuelle serait une folie.
La cybercriminalité est un véritable fléau, menaçant de compromettre la stabilité et la sécurité de nos systèmes d’information. Elle doit faire l’objet de contrôles significatifs. Toutefois, faire peser sur les sociétés de télécommunications et les fournisseurs de services internet le coût du stockage de toutes les données qu’ils traitent pendant un an est une réponse inappropriée, un coup dans l’eau.
Que ces transactions et communications soient enregistrées ou non, le vrai criminel, celui qui fait tout pour éviter d’être facilement détecté, saura comment brouiller les pistes. En tout cas, vu le volume de données qui devraient être stocké, en particulier les données internet, il est peu probable que l’analyse complète des données soit réalisée suffisamment rapidement pour être utile. Tout semble indiquer que, si les agences de sécurité américaines ont raté des pistes importantes conduisant aux attaques du 11 septembre, ce n’est pas à cause du manque de données mais plutôt à cause du manque de main-d’œuvre pour les transcrire, les traduire et les analyser. Certains ont prétendu que le coût de la rétention de données devrait être supporté par les gouvernements, pas par les entreprises. Dans les deux cas, c’est de l’argent gaspillé.
En dehors des conséquences financières négatives, le système violerait la vie privée des personnes, comme l’ont signalé de nombreux collègues. La Convention européenne des droits de l’homme nous donne des directives claires, appliquées par la Cour de justice européenne, sur le moment où ces données peuvent être stockées. Le programme général proposé ne donne aucun critère adéquat qui respecterait la Convention des droits de l’homme.
Je demande à mes collègues de suivre l’avis de M. Alvaro et de mettre fin rapidement et définitivement à cette proposition. Ailleurs, les propositions sur le terrorisme ont respecté la proportionnalité, mais ce n’était pas le cas dans le rapport de M. Alvaro.
Lasse Lehtinen (PSE). - (FI) Monsieur le Président, je souhaite attirer l’attention sur un détail souvent oublié lorsque l’on parle de bioterrorisme. Les terroristes financent leurs activités par des moyens traditionnels et des délits conventionnels. C’est pourquoi le travail de routine des forces de police est également important dans la lutte contre le terrorisme.
Le travail traditionnel des forces de police présente encore des dysfonctionnements au niveau européen. Europol n’est pas devenu une autorité opérant sur l’ensemble du territoire des États membres, ce que son nom implique pourtant. Il reste une agence dépourvue de ressources propres ou d’une autorité efficace. Les forces de police nationales disposent d’informations qu’elles ne communiquent pas aux autorités d’autres pays, ce qui ne génère toujours pas de véritable confiance entre les États membres.
L’échange d’informations et un degré accru de confiance favoriseraient également une meilleure transparence, qui a fait l’objet de demandes répétées au cours de ce débat. Le climat actuel ne peut favoriser un fonctionnement efficace d’Europol. Cependant, c’est nécessaire pour préserver d’autres formes de coopération européenne.
John Bowis (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais parler spécifiquement de la question orale de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, sur le bioterrorisme. Après les incidents à l’anthrax en Amérique, les attaques dans le métro japonais et les attaques chimiques à l’encontre des Kurdes, nous savons que nous sommes vulnérables si nous ne prenons pas de précautions contre un tel bioterrorisme.
En 2004, les États-Unis et l’Union européenne ont convenu de prendre des mesures communes constructives pour renforcer nos capacités dans ce domaine. Les Américains ont commencé avec le projet BioShield et nous voulons savoir ce que fait l’Union européenne.
En février, la Conférence mondiale sur la sécurité a déclaré que l’Europe n’était absolument pas préparée à des attaques terroristes. En 2001, l’Europe a commencé à prendre des mesures pour se tenir prête. Ces mesures visaient à établir un mécanisme d’échange d’informations, à développer un système au niveau de l’UE pour la détection, l’identification et le diagnostic d’agents chimiques, à créer un stock de médicaments et de vaccins, à établir une base de données de spécialistes en soins de santé et à fournir des conseils aux autorités sanitaires sur la manière de répondre et de collaborer avec les organismes internationaux. Pourtant, jusqu’à présent, cela n’a pas bien fonctionné car, en ce qui concerne la surveillance, nous avons mis en place un système d’alerte rapide pour détecter les agents chimiques dans l’air mais son utilité est limitée puisqu’il ne fonctionne que pour certaines substances et ne protégerait pas de la contamination de l’eau ou des vivres. Nous ne disposons pas de stock de vaccins à l’échelle européenne et, dans la plupart de nos pays, les lois en matière de quarantaine sont obsolètes.
L’Union européenne a également mis en place le Centre européen pour le contrôle et la prévention des maladies afin notamment de «défendre l’Europe contre le bioterrorisme». Il est crucial que ce centre soit amélioré et rendu effectif. Les nouvelles actuelles concernant les réductions budgétaires du centre sont inacceptables et j’espère que nous enverrons un message fort à la Commission et au Conseil.
Luís Queiró (PPE-DE). - (PT) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, ce débat montre que le Parlement est conscient de la menace sérieuse que représente le terrorisme et qu’il est déterminé à prendre des mesures énergiques pour le combattre. Je tiens donc à féliciter les rapporteurs.
Il existe une menace pesant sur notre société, sur notre mode de vie, sur notre liberté et nous ne parviendrons à combattre cette menace que grâce à une pleine coopération au niveau tant européen qu’international et à une politique cohérente plutôt qu’une simple liste d’initiatives, comme le commissaire et M. Oreja l’ont souligné à juste titre. D’un autre côté, ceux qui sont favorables à une stratégie en vertu de laquelle nous avançons ne pas être pris pour cible se leurrent et ce, pour deux raisons.
Tout d’abord, parce que cette attitude alimente l’essence même du terrorisme, à savoir qu’en instillant la peur, elle nous empêche de vivre notre vie et, ensuite, parce qu’elle ne représente qu’une manière de nous apporter une protection réalisable contre une menace violente et bien réelle. Pourtant, même si nous connaissons le danger et souhaitons agir, nous sommes également conscients qu’il reste beaucoup à faire. Tel est le cas du bioterrorisme, dont on vient de parler et qui représente aujourd’hui une menace que nous devons apprendre à gérer et contre laquelle il ne fait aucun doute que nous sommes encore insuffisamment préparés.
Ces armes sont peu coûteuses, de petite taille, faciles à se procurer et présentent une énorme capacité de destruction, indépendamment du fait que la simple utilisation simulée de telles armes suffit à provoquer une panique générale. L’Europe doit, par conséquent, répondre à différentes exigences, soit via les États membres soit au moyen de programmes communautaires spécifiques. Des stocks de médicaments et de vaccins doivent être constitués, les systèmes de détection et d’alerte rapide doivent être améliorés, les mécanismes de protection civile, notamment les plans d’urgence nationaux, doivent être intensifiés et de grandes quantités d’informations doivent être disponibles.
De plus, il s’agit là de préoccupations déjà exprimées par la Commission. N’oublions pas, cependant, que l’UE a pris des engagements et que l’heure est venue de transformer ces projets en actions concrètes et, dans le contexte de nos obligations internationales, plus particulièrement celles assumées par les États-Unis dans le domaine de la lutte contre le bioterrorisme, actuellement en cours de développement de l’autre côté de l’Atlantique sous la forme du projet Bioshield.
Je terminerai, Monsieur le Président, en disant que le terrorisme, et le bioterrorisme en particulier, se joue des frontières. La lutte contre le terrorisme doit donc, elle aussi, se jouer des frontières.
Geoffrey Van Orden (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, dans bon nombre de nos pays, les organisations terroristes continuent à recruter, à entraîner, à collecter des fonds, à rassembler des informations et, bien sûr, à réaliser des actes de terrorisme. À un autre niveau, il y a aussi ceux dont le but est d’infliger des destructions massives à nos démocraties. La lutte contre ces organisations est un combat de longue haleine et il est vrai que cela ne doit pas se faire au vu et au su de tous. Il est de notre devoir, en tant que responsables politiques, de veiller à ce que nos services de police, de sécurité et de renseignement soient dotés de tous les moyens possibles et du soutien nécessaire à la réalisation de leur difficile et parfois dangereuse mission, tout en offrant des garanties adéquates en ce qui concerne les libertés de nos citoyens respectueux des lois.
Il est également de notre devoir de condamner d’une seule voix le terrorisme. Trop souvent, nous sommes confrontés à d’aucuns cherchant à excuser ou à justifier le terrorisme, et qui détournent les arguments de lutte contre les discriminations et de défense des droits de l’homme et des libertés civiles pour apporter protection et donner légitimité aux terroristes dont ils soutiennent incidemment la cause.
Nos propres gouvernements envoient parfois des signaux contradictoires lorsqu’ils négocient et font des compromis avec les terroristes, et sacrifient parfois même la réputation de nos forces de sécurité et celle d’officiers individuels pour entrer dans les bonnes grâces d’organisations comme l’IRA provisoire au Royaume-Uni.
Ceux que l’on a baptisé les Tigres tamouls - le LTTE - continuent à collecter des fonds pour leurs activités au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens. Le Hezbollah, un groupe terroriste que l’on soupçonne d’avoir participé à 80% des attaques terroristes contre Israël, ne figure toujours pas sur la liste des organisations interdites de l’UE.
Il est vrai que nous devrions disposer de nouvelles mesures dans notre éventail de lutte contre le terroriste afin de nous attaquer à une menace en constante évolution et que ces mesures devraient faire partie d’une stratégie homogène. Toutefois, si nous ne sommes pas prêts à lutter contre le terrorisme au niveau politique et avec une véritable fermeté, les mesures pratiques n’aboutiront alors à rien.
Au Royaume-Uni, nous disposons de services de sécurité hautement professionnels et ayant de l’expérience mais leurs efforts sont minés par le fait que le gouvernement n’adopte pas les mesures les plus fondamentales. Dans un rapport du mois dernier sur le fonctionnement de la législation antiterroriste au Royaume-Uni, Lord Carlisle a déclaré qu’il n’y avait en effet aucune sécurité concernant les arrivants dans certains ports.
Nous devons tout d’abord faire en sorte que cela fonctionne dans nos propres pays. L’UE ne doit intervenir que lorsqu’il y a une véritable valeur ajoutée établie et pas pour étendre la compétence des institutions européennes dans d’autres domaines d’activité.
Herbert Reul (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le terrorisme constitue un danger extrêmement grave. C’est également la raison pour laquelle nous en débattons aujourd’hui, sur la base de pas moins de sept rapports traitant de la question. Ce problème ne peut être résolu que collectivement, de concert avec les différents gouvernements d’Europe.
Au cours de ce débat, il m’est souvent venu à l’esprit que l’un ou l’autre référendum, en France et aux Pays-Bas, auraient peut-être eu une autre issue si certains électeurs avaient eu davantage conscience des problèmes qui nous occupent, s’il avait été clairement exprimé que de tels problèmes ne peuvent absolument pas être résolus si l’Europe n’agit pas d’une seule voix.
Peut-être les sept différents rapports et les nombreux modèles sont-ils également un signe qu’il nous faut nous concentrer sur les aspects essentiels si nous voulons que les citoyens comprennent cette nécessité d’action conjointe et consentent à la poursuite de cette approche. Il ne s’agit pas de formuler, à l’infini, de nouvelles propositions et de nouveaux programmes - suscitant ainsi un espoir accru auprès des populations également -, mais plutôt de veiller à ce que les citoyens prennent bonne note du fait que nos actions de lutte contre le terrorisme portent leurs fruits, que le coordinateur de la lutte contre le terrorisme de l’UE n’est pas uniquement une autorité publique, mais qu’il travaille également, avec succès, en collaboration avec la Commission en vue d’une plus grande efficacité, qu’Europol et Eurojust deviennent des instruments effectifs et que le contrôle démocratique se met en place.
Il est absolument impératif, comme il est indiqué dans l’un des rapports, que nous, députés du Parlement, prenions des mesures pour veiller à ce que les instruments mis en place par nos soins soient soumis à examen tout au long de leur cycle de vie. Ont-ils eu un impact? Quel impact ont-ils eu? Certaines mesures spécifiques sont-elles superflues? N’est-il, peut-être, pas plus important de privilégier les aspects essentiels?
Cela m’amène au dernier point qu’il est, à mes yeux, important de soulever. La manière dont la confiance peut être gaspillée et dont un objectif clé peut être médiocrement poursuivi est parfaitement reflétée par ce dont nous nous entretenons aujourd’hui, sous l’intitulé de rétention de données, dont on traite pour la énième fois. C’est un domaine où les actions entreprises sont une fin en soi et où les citoyens sont apaisés par des mesures qui, en fin de compte, ne servent en aucun cas à améliorer leur sécurité. Si tel est le cas, il sera impossible de persuader le grand public que l’Europe est importante et bénéfique et de lui faire accepter les résultats de notre travail. Je ne souhaiterais pas être tenu responsable de la perception publique de l’Union européenne. Pour la cinquième ou sixième fois, je souligne que la responsabilité en la matière incombe aux gouvernements nationaux, dont l’accès d’hyperactivité vise à apaiser les consciences sans véritablement rien obtenir en termes d’efficacité accrue.
Nicolas Schmit,président en exercice du Conseil. - Monsieur le Président, permettez-moi tout d’abord de remercier les sept rapporteurs pour le travail exemplaire qu’ils ont fourni et qui montre bien que la lutte contre le terrorisme doit englober une approche générale s’étendant à beaucoup de domaines. Je crois que ces sept rapports montrent aussi l’intérêt que votre Parlement porte à cette question de la lutte contre le terrorisme.
Nous restons profondément marqués par les événements du 11 septembre 2001 et par l’attentat du 11 mars 2004 à Madrid. Ces attentats lâches nous ont tous touchés, citoyens européens comme citoyens du monde. C’étaient des attaques contre la démocratie, contre les valeurs que nous défendons, et c’est pourquoi la lutte contre le terrorisme doit être une lutte sans merci, mais aussi une lutte pour la démocratie. On ne peut pas défendre la démocratie en la mettant en danger. Dans beaucoup de discours qui ont été prononcés ce matin, il y a ce souci de lutter plus efficacement et de s’engager clairement dans la lutte contre le terrorisme et les réseaux terroristes, mais aussi le souci que cette lutte ne remette pas en cause nos droits démocratiques et nos libertés civiles. Nous sommes toujours engagés dans cet acte d’équilibre: il nous faut préserver nos droits et nos libertés, tout en étant implacables envers tous ceux qui veulent mettre en danger ces droits et ces libertés.
Nous sommes loin de la vision orwellienne de l’État qui veut tout contrôler. Cependant, nous devons faire preuve de vigilance afin d’éviter toute dérive dans cette direction. Il ne faut néanmoins pas perdre de vue que le terrorisme utilise tous les moyens et toutes les nouvelles technologies, qu’il est devenu un phénomène global et globalisé, qu’il agit en réseau et se sert de l’Internet comme n’importe quelle entreprise globalisée. Pour faire face à cette menace, nous ne pouvons plus renoncer à lutter contre le phénomène en nous privant de certains moyens, tels que la rétention d’informations.
Mais dans ce contexte, il faut veiller à respecter la vie privée. C’est toujours une question de proportionnalité. Je suis d’accord avec l’idée qui a été évoquée concernant la protection de la vie privée. Toutefois, nous ne pouvons pas renoncer à certaines techniques si nous voulons rester efficaces dans cette lutte contre le terrorisme. À cet égard, l’Europe doit montrer l’exemple. Ailleurs, on remarque une tendance à prendre à la légère cette protection de la vie privée et des droits individuels. L’Europe doit montrer que lutte contre le terrorisme et respect des droits peuvent aller de pair, sans que l’efficacité de cette lutte soit sacrifiée ou négligée.
J’ai également entendu les critiques adressées à l’Union européenne concernant la coordination et l’échange d’informations. Depuis les événements survenus, surtout ceux de Madrid, la coordination s’est beaucoup améliorée, notamment grâce à M. de Vries, qui a été investi d’une mission spéciale visant à coordonner toutes les activités de l’Union européenne et de ses États membres dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Il faut rendre hommage à son travail et à son engagement à cet égard.
J’ai par ailleurs constaté que d’aucuns craignaient que l’Europe ne soit pas préparée à d’autres sortes de menaces encore plus effroyables que celles que nous avons déjà connues lors des deux attentats que j’ai mentionnés. Il s’agit du bioterrorisme. Cette menace-là dépasse notre imagination, notre entendement. Mais elle est possible. On ne peut pas l’écarter d’emblée. C’est pourquoi il faut se préparer à y faire face.
Je voudrais saisir l’occasion pour répondre à la question de M. Florenz, qui a précisément évoqué la question de la menace du bioterrorisme et celle de la menace du terrorisme nucléaire. Il est clair que ce type de terrorisme, qui englobe le terrorisme chimique, biologique, radiologique et nucléaire, constitue une menace pour la paix et la sécurité internationale. Nous savons que les réseaux terroristes manifestent un intérêt persistant pour ces substances et armes et que, s’ils arrivaient à se procurer de telles armes de destruction massive, ils seraient en mesure d’occasionner des dommages d’une ampleur inédite et de saper les bases démocratiques de nos sociétés.
C’est pourquoi cette menace du terrorisme biologique, nucléaire, chimique mérite que l’Union européenne y prête une attention accrue. Vous avez établi un parallélisme avec les législations américaines dans le domaine. Il est certain que l’Europe peut s’inspirer largement de ce qui est fait aux États-Unis, notamment en matière de formation d’équipes, de constitution de stocks de vaccins, de travaux de recherche et de développement sur les contre-mesures médicales, etc. Des initiatives similaires ont déjà été prises par les États membres. Pour leur part, les institutions de l’Union se sont également engagées dans ce type d’activités. C’est ainsi que l’Union dispose de systèmes d’alerte rapide pour tous les types d’attentats terroristes, pour lesquels un point d’accès central, appelé Argus, sera créé au sein de la Commission. En vertu de la directive modifiant la directive instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, les États membres ont aujourd’hui le droit de permettre temporairement la distribution de médicaments autorisés en réponse à un attentat entraînant la propagation d’agents pathogènes, de toxines, d’agents chimiques ou de radiations nucléaires. La formation anti-CBRN du personnel médical est en cours.
Dans le cadre de mécanismes de protection civile, des informations sur les capacités de protection civile et les stocks de sang sont échangées. D’autres travaux de recherche très étendus sont réalisés au titre du sixième programme de recherche et de développement pour mieux faire face à de telles actions éventuelles. La stratégie du Conseil contre la prolifération des armes de destruction massive vise à empêcher l’accès des terroristes à ce type d’armes, et il est regrettable que la conférence de New York n’ait pas réussi à s’entendre sur un texte commun, puisque l’un des volets de la conférence sur la non-prolifération portait sur la menace terroriste dans ces domaines.
Dans le cadre d’une autre consigne, découlant de la déclaration sur la lutte contre le terrorisme adoptée par le Conseil européen du 25 mars 2004, le Conseil et la Commission ont adopté le 2 décembre 2004 le programme de solidarité de l’Union européenne face aux conséquences des menaces et des attentats terroristes, qui portait révision du programme CBRN et l’étendait à tous les formes de terrorisme.
L’un des principes de base de la stratégie de l’Union européenne est que la protection contre les conséquences des attentats terroristes incombe principalement aux États membres. Toutefois la déclaration sur la solidarité contre le terrorisme, adoptée par le Conseil européen du 25 mars 2004, confirme que les institutions de l’Union européenne et les États membres ont la ferme intention de mobiliser tous les instruments à leur disposition pour porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques. À cet égard, je ne peux m’abstenir de faire référence à une disposition de la Constitution qui renforce le caractère de solidarité, notamment en cas d’attentats terroristes.
Le programme CBRN et son successeur, le programme de solidarité, sont des programmes pluridisciplinaires qui engagent des moyens politiques, techniques, économiques, diplomatiques, militaires et juridiques. C’est assez difficile, mais, bon...
Dans le cadre du programme de solidarité actuel, l’action de l’Union européenne contre le terrorisme CBRN s’articule autour de six objectifs stratégiques, que j’aimerais énoncer rapidement.
Analyse et évaluation de la menace: plusieurs analyses de ces menaces ont été entreprises par Europol et le Centre de situation conjoint de l’Union européenne, le SITCEN.
Prévention et réduction de la vulnérabilité: des mesures législatives ont été prises pour améliorer la conformité aux normes internationales en matière de biosûreté et de biosécurité.
Détection des attentats de type CBRN: la Commission a pris des mesures pour étendre et coordonner les systèmes communautaires de détection, de communication et d’information concernant les menaces chimiques et biologiques, la santé humaine, animale et végétale.
Enfin, préparation pour atténuer les conséquences d’éventuels attentats: la Commission évalue quelles sont les capacités, en matière de protection civile et en matière médicale et pharmaceutique, que les États membres pourraient mettre à leur disposition mutuelle. Elle élabore des règles sur le traitement des maladies liées à ces substances.
Pour sa part, le Conseil a établi une base de données des moyens militaires ainsi que des capacités présentant de l’intérêt pour la protection des populations civiles contre les effets des attentats terroristes, y compris de type CBRN. Dans le cadre de la réflexion sur la dimension PESD de la lutte contre le terrorisme, l’interopérabilité civil/militaire dans le domaine CBRN est en cours d’examen.
Le Conseil mène également des travaux relatifs à un régime intégré de gestion des crises. La coopération internationale occupe, évidemment, une place très importante à cet égard: elle vise globalement aux mêmes objectifs que le programme de solidarité, à savoir la mise en commun d’informations épidémiologiques concernant la propagation transfrontalière de maladies contagieuses et la coopération concernant les plans d’urgence, les techniques de détection des laboratoires, la non-prolifération, l’assistance mutuelle et la coordination des réactions. Les États-Unis participent à ces travaux. Un autre dialogue sera ouvert en temps utile. Cette coopération internationale, avec les Américains notamment, mais avec tous les autres partenaires aussi, nous paraît à cet égard extrêmement importante.
Je veux simplement conclure sur ceci, avant qu’il soit procédé aux votes et que mon collègue, le vice-président Frattini, ne prenne la parole: je crois que l’Union européenne est engagée dans un processus global de préparation à la lutte contre toutes les formes de terrorisme. La lutte contre le terrorisme - je l’ai dit au début et vos rapports l’ont bien montré - doit être une approche globale. Un thème doit à coup sûr nous tenir particulièrement à cœur: nous devons empêcher les groupes terroristes de recruter dans nos propres sociétés. En effet, c’est le recrutement dans nos propres sociétés, notamment parmi des jeunes déracinés et mal intégrés dans nos sociétés, qui constitue la plus grande menace terroriste. Ces jeunes-là sont en quelque sorte le terreau d’actes inimaginables et impensables. Or, ces actes traduisent une forme de désespoir. Par conséquent, le volet social, le volet de l’intégration et du traitement de ces groupes, de jeunes notamment, provenant de pays musulmans doivent être intégrés dans notre stratégie de lutte contre le terrorisme. C’est ainsi que nous pourrons gagner sur nos propres territoires, dans l’Union, cette bataille, qu’il faut absolument gagner.
Le Président. - J’ai maintenant le grand plaisir d’accueillir notre ancien collègue, M. Gijs de Vries, à qui je souhaite toute l’énergie dont il aura besoin pour accomplir son importante tâche. Bienvenue au Parlement européen, Monsieur de Vries.
Franco Frattini,Vice-président de la Commission. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je ne peux certainement pas répondre en quelques minutes à toutes les importantes interventions réalisées au cours d’un débat d’une durée approximative de trois heures.
Je souhaiterais seulement faire quelques brèves observations. Je pense qu’il existe un large consensus sur le fait que, dans la lutte contre le terrorisme, nous avons besoin de mesures au niveau européen, d’actions liées à une stratégie européenne détaillée et de mesures équilibrées, ciblant essentiellement la prévention, la coopération - également au niveau international - et le respect des droits fondamentaux des populations, dont, selon toute évidence et par-dessus tout, le droit à la vie privée, un point soulevé par de nombreux députés de cette Assemblée.
À mon avis, un autre principe doit être souligné, à savoir que personne ne peut être soupçonné de terrorisme sur la base de caractéristiques de nature ethnique ou d’une croyance religieuse, car ceci équivaudrait véritablement à une victoire du terrorisme, qui se fonde sur les conflits entre les religions et les civilisations. S’il est nécessaire, par conséquent, de comprendre les racines profondes du terrorisme, on ne peut néanmoins douter du fait que le terrorisme ne peut jamais se justifier. Nous devons connaître quelles sont ses racines afin de les éradiquer, mais jamais de les justifier. Il existe une très nette distinction entre ces deux concepts.
En outre, nous devons consacrer toute notre attention aux mesures décidées au niveau européen, c’est-à-dire, le plan d’action. Vous savez probablement que de nombreux États membres n’ont pas encore mis en œuvre un grand nombre des mesures énoncées dans le plan d’action. À l’heure actuelle, je ne peux citer que deux exemples positifs, ceux du Danemark et de la Hongrie, deux États membres qui ont, en revanche, mis en œuvre l’ensemble de ces mesures. Je pense qu’ils peuvent servir de modèles pour les autres États membres de l’Union européenne.
Il est également un principe sur lequel nous sommes tous d’accord, à savoir le principe de solidarité. Tout d’abord, la solidarité entre les États membres - et sur ce point, je rejoins tout à fait monsieur le président en exercice du Conseil, M. Schmit. Je pense que nous devons essentiellement introduire le principe inscrit dans le traité constitutionnel, qui prévoit une solidarité mutuelle entre les États membres lorsque l’un d’eux est attaqué par des terroristes. Ensuite, la solidarité envers les victimes du terrorisme, qui est un autre des axes d’action que l’Europe devra cibler.
Nous avons beaucoup parlé de bioterrorisme. En premier lieu, la Commission européenne peut encourager vivement la poursuite et le renforcement des actions entreprises. Elle déploie d’immenses efforts pour encourager les États membres à prendre toutes les mesures requises en vue d’un niveau adéquat de préparation dans l’éventualité d’un attentat bioterroriste et espère pouvoir compter sur le plein soutien de cette Assemblée pour convaincre l’ensemble des États membres à agir avec plus de vigueur, en consacrant davantage de ressources, car la menace d’un attentat bioterroriste ne peut pas et ne doit pas nous prendre au dépourvu. Nous informerons le Parlement de toutes les mesures que nous avons prises, notamment la simulation d’attentats terroristes et les actions de coopération internationale actuellement menées.
En conclusion, Monsieur le Président, je pense que l’arme la plus puissante contre le terrorise est l’action unie des institutions, de la Commission, du Parlement, du Conseil et de la société civile. Nous devons expliquer à nos concitoyens que seule une action unie des institutions et de la société apportera une réponse véritablement européenne au défi posé par les terroristes, un défi qui nous concerne toutes et tous.