Index 
 Précédent 
 Suivant 
 Texte intégral 
Compte rendu in extenso des débats
Jeudi 7 juillet 2005 - Strasbourg Edition JO

29. Traite des enfants au Guatémala
MPphoto
 
 

  Le Président. - L’ordre du jour appelle le débat sur six propositions de résolution concernant la traite des enfants au Guatemala(1).

 
  
MPphoto
 
 

  Raül Romeva i Rueda (Verts/ALE), auteur. - (ES) Monsieur le Président, à l’occasion de la visite que nous avons faite au Guatemala il y a quelques mois, nous avons pu constater à quel point il s’agissait d’une période sensible pour le Guatemala et, en particulier, pour les accords de paix. De nombreuses personnes rencontrées ont exprimé leur inquiétude par rapport à ce qu’elles considéraient comme une substitution du programme de paix, lequel devait encore être conclu, par un nouveau programme de libéralisation économique et commerciale.

Sous cet angle, la vulnérabilité de plusieurs catégories de personnes est manifeste et préoccupante. Parmi les catégories les plus touchées par la situation actuelle, je voudrais citer en priorité les groupes indigènes, les mouvements sociaux et les militants pour les droits de l’homme ainsi que, comme vous pouvez le lire dans la résolution que nous examinons aujourd’hui et sur laquelle nous voterons, les femmes et les enfants, principalement les plus pauvres.

Premier exemple: selon l’unité de protection des défenseurs des droits de l’homme qui dépend du Mouvement national pour les droits de l’homme, 76 agressions à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme ont été enregistrées entre janvier et mai, un chiffre qui inclut les agressions et les assassinats de même que les violations de locaux.

Durant notre visite, plusieurs groupes menacés et maltraités nous ont fait part de leurs expériences et ils se sont plaints de l’impunité dont jouissaient, selon eux, les auteurs de ces délits, car les autorités ne menaient pas les enquêtes qui s’imposent.

Deuxième exemple: les données relatives à la violence structurelle et directe endurée par les femmes guatémaltèques sont alarmantes, mais les réponses judiciaires et législatives semblent insuffisantes. Les adoptions illégales et les cas de grossesse forcée et d’enlèvements d’enfants sont entre autres un symptôme de la faiblesse de l’État de droit au Guatemala, en particulier en ce qui concerne les femmes pauvres et les communautés indigènes.

C’est pour toutes ces raisons que, dans le cadre de la future stratégie de l’Union européenne pour le Guatemala 2007-2013, il convient d’exhorter la Commission à traité en priorité les problèmes suivants: la cohésion sociale, le droit à l’alimentation, le développement rural ainsi que la réforme du système de propriété et d’exploitation de la terre.

D’autre part, il faut que les catégories de personnes touchées puissent autant que possible participer à l’élaboration de la stratégie. Ce n’est que si nous associons les différents acteurs au processus que nous parviendrons à garantir que la mise en œuvre de la stratégie bénéficiera du soutien local nécessaire à la réalisation de ses objectifs.

 
  
MPphoto
 
 

  Elizabeth Lynne (ALDE), auteur. - (EN) Monsieur le Président, le Guatemala est emprisonné dans une culture de la violence que le gouvernement semble incapable de renverser. La terreur règne, surtout dans les familles habitant les quartiers pauvres, qui souffrent des taux d’homicide les plus élevés. La traite de femmes et d’enfants y est monnaie courante.

«No protection, no justice» («Pas de protection, pas de justice»). Tel est le titre d’un rapport d’Amnesty publié le mois dernier, qui évalue à presque 1 200 le nombre de femmes et de filles sauvagement assassinées entre 2001 et 2004. Nombre d’entre elles avaient été violées. Moins d’un meurtre sur dix a fait l’objet d’une enquête. Une étude longue de 9 mois ayant débuté en 2003 a découvert que 688 filles avaient été emmenées dans différentes villes guatémaltèques. Ces filles ne provenaient pas toutes du Guatemala, mais aussi d’autres pays d’Amérique latine.

Des organisations criminelles ont recruté les filles, toutes les victimes avaient entre 14 et 18 ans. On leur a fait croire, lors de leur recrutement, qu’elles travailleraient en tant que serveuses au Guatemala et n’ont découvert qu’ultérieurement la véritable nature de leur travail. Elles sont fréquemment battues ou enfermées plusieurs jours dans une pièce, sans nourriture, pour désobéissance. Elles ne s’enfuient pas, car elles vivent dans la peur. Le gouvernement doit poursuivre les criminels impliqués dans ce trafic.

D’autres pratiques illégales ont vu le jour, notamment l’enlèvement de bébés, la rémunération des femmes pour la location de leur utérus et l’achat de bébés à des mères très pauvres. Le Guatemala doit adopter une législation spécifique sur les adoptions et appliquer la convention de La Haye sur les adoptions internationales. Le gouvernement doit prendre des mesures dans tous ces domaines, faute de quoi la communauté internationale, dont nous faisons partie, est parfaitement en droit de le condamner.

 
  
MPphoto
 
 

  Lidia Joanna Geringer de Oedenberg (PSE), auteur. - (PL) Monsieur le Président, les actuelles violations des droits de l’homme et la traite illégale des enfants au Guatemala sont intolérables pour la communauté internationale. Bien que la guerre civile se soit achevée il y a sept ans, un climat de violence et d’intimidation continue à régner dans le pays et on constate de plus en plus souvent que les victimes d’un tel climat sont les enfants et les jeunes.

Le principal problème - et c’est un problème qui exige une réponse de la part de la communauté internationale - concerne l’impunité des bandes organisées de criminels. Ceux-ci échappent à toute peine, soit parce que les autorités guatémaltèques n’ont pas la motivation nécessaire, soit parce qu’elles sont tout simplement incapables de remporter ce combat.

Au cours de ces dix dernières années, la traite illégale des enfants est devenue plus lucrative que le trafic de drogue. Par conséquent, le Guatemala est devenu un pays de transit pour la traite illégale et de grande ampleur d’enfants mineurs à destination du Mexique, des États-Unis et du Canada. Ce problème est extrêmement complexe. Dans la majorité des cas, les enfants concernés sont destinés à l’adoption illégale et il convient de souligner qu’il y a plus d’enfants adoptés à l’étranger en provenance du Guatemala que de n’importe quel autre pays du monde, à l’exception de la Russie et de la Chine. Une telle situation aggrave les problèmes sociaux tels que la prostitution enfantine, le travail forcé des enfants et la violence contre les femmes.

La traite illégale des enfants et d’organes provenant d’enfants se répand de plus en plus au Guatemala, principalement à la suite d’une absence de réglementation nationale en matière de droits de l’homme et de l’extrême pauvreté qui touche les deux tiers de la population. Les statistiques nous montrent que la moitié des habitants du Guatemala survivent avec moins de deux dollars par jour.

La pauvreté qui touche le pays ainsi que l’absence de politique de planning familial et la désintégration du système scolaire ont pour conséquence qu’un tiers des enfants âgés de moins de 15 ans n’ont pas accès à l’enseignement.

Dans le cadre de sa mission de promotion du respect des droits humains fondamentaux et de condamnation de toutes formes de violence et d’exploitation à l’encontre des mineurs, l’Union européenne a une obligation morale d’intervenir dans les affaires intérieures des pays qui violent les droits de leurs citoyens les plus jeunes et les plus vulnérables. Je propose par conséquent le lancement d’une campagne mondiale qui s’appuie sur les programmes de l’Unicef, pour promouvoir les droits des enfants et des jeunes dans l’ensemble de l’Amérique latine.

Les attaques terroristes qui ont eu lieu aujourd’hui à Londres ont mis en évidence la fragilité de notre sentiment de sécurité, même en Europe où nous vivons en paix. C’est la raison pour laquelle nous devons déployer encore davantage d’efforts concertés en vue de contrer toutes formes de violence partout dans le monde.

 
  
MPphoto
 
 

  Erik Meijer (GUE/NGL), auteur. - (NL) Monsieur le Président, à l’occasion du débat précédent, nous avions conclu que le Zimbabwe était devenu l’enfer, mais on peut tenir les mêmes propos pour le Guatemala, à la différence que ce pays est en proie à la misère depuis plus longtemps. Depuis le coup d’État de 1954, qui a chassé du pouvoir un gouvernement qui avait l’intention de libérer le pays de la pauvreté et du sous-développement, les choses vont mal pour le Guatemala, un pays constamment gouverné par des personnes qui ne se préoccupent guère des groupes sociaux les plus faibles ou des droits de l’homme et qui utilisent traditionnellement la violence et d’autres formes d’intimidation contre toute personne qui cherche à améliorer la situation.

Le retard accumulé au cours de ces 50 dernières années est illustré par l’absence de toute législation pénalisant la traite des enfants, la falsification de documents officiels, les nombreux homicides qui restent impunis, l’obstruction des activités menées par les défenseurs des droits de l’homme, la pauvreté dans laquelle vivent 56 % de la population et par le quasi-refus de permettre aux peuples indigènes de participer à la prise de décision politique. Il n’y a pas qu’au Zimbabwe que l’Union européenne se doit de contribuer à apporter des changements radicaux; cela s’applique au moins tout autant au Guatemala. Mon groupe soutient par conséquent fermement la résolution proposée.

 
  
MPphoto
 
 

  Fernando Fernández Martín (PPE-DE), auteur. - (ES) Monsieur le Président, à l’occasion de la récente visite d’une délégation du Parlement au Guatemala, notre attention avait été attirée sur un problème particulier, et les cinq députés - tous issus de groupes politiques différents - qui composaient cette délégation étaient d’accord sur un point: l’adoption d’enfants au Guatemala par des familles étrangères engendre un problème majeur, représente une violation flagrante des droits de l’enfant et, enfin, fait l’objet d’un commerce extrêmement lucratif.

Selon les chiffres officiels obtenus, en 2004, 3 824 enfants guatémaltèques ont fait l’objet d’adoptions internationales et ce chiffre, pour un pays qui compte à peine plus de 12 millions d’habitants, prouve qu’il y a un problème. L’adoption d’un enfant coûte entre 25 000 et 30 000 dollars, et 2 à 3 % seulement de cette somme vont à la mère biologique, c’est-à-dire moins de 400 euros.

Autrement dit, la somme totale générée par ce phénomène de donations en masse représente la deuxième plus importante exportation du pays. Les enfants concernés sont généralement nés de mères célibataires; la plupart de ces enfants sont des filles âgées de 13 et 14 ans, principalement des indigènes, souvent victimes de la drogue et/ou de la prostitution.

Plusieurs gouvernements guatémaltèques ont essayé ces dernières années d’approuver une loi visant à appliquer la convention de La Haye sur les adoptions, mais sans succès. Le congrès guatémaltèque, incontestablement soumis à des pressions extérieures, n’a pas été en mesure d’approuver cette loi.

Le gouvernement guatémaltèque espère désormais qu’une loi visant à mettre fin à cette situation sera adoptée dans les prochaines semaines. Mon groupe compte par conséquent adresser un message très clair aux autorités guatémaltèques, leur signalant qu’elles bénéficieront de tout notre soutien en vue d’amener le congrès à enfin adopter une loi visant à régler cette situation véritablement intolérable.

 
  
MPphoto
 
 

  Urszula Krupa, au nom du groupe IND/DEM. - (PL) Monsieur le Président, l’intitulé du débat d’aujourd’hui témoigne d’une tragédie moderne de très grande ampleur. Chaque année, plus de 1,2 million d’enfants font l’objet d’un trafic, et l’adoption internationale génère des bénéfices annuels de 20 millions de dollars. Les enfants de pays pauvres vivent dans le dénuement, sont chassés dans les rues, exploités sexuellement ou assassinés pour permettre la récupération d’organes transplantables. Les pays en développement sont devenus un lieu de débauche pour de nombreux pays développés.

Outre le trafic de drogue et d’armes, la traite des enfants représente le meilleur moyen de gagner de l’argent au Guatemala. Les bandes impliquées dans cette traite font de la publicité sur l’internet, sachant très bien qu’ils peuvent le faire impunément puisque rien dans la législation guatémaltèque ne stipule que de telles pratiques clandestines sont délictueuses.

La barbarie de ces criminels est illustrée par le fait que des mères venant d’accoucher sont droguées et forcées de signer des documents confirmant leur volonté de renoncer à leurs droits parentaux. Malgré l’ampleur croissante de ce problème, ni le gouvernement guatémaltèque ni les autorités locales ne bougent. Au lieu de bénéficier d’amour et de soins, les enfants sont aujourd’hui soumis dès leur naissance à des agressions sans précédent et ils sont exposés à des menaces de mort, de travaux forcés et d’exploitation sexuelle. De telles pratiques sont favorisées par la corruption de politiciens, d’avocats, de fonctionnaires et même d’organisations humanitaires internationales.

Jean-Paul II avait déclaré jadis que les soins apportés aux enfants représentaient le premier test fondamental des relations humaines. Nos actions ne peuvent se réduire à intervenir et à adopter des résolutions, aussi louables soient-elles. Il convient d’insister en particulier sur le rôle que joue la famille moralement saine, celle qui donne à l’enfant amour et sécurité, c’est-à-dire des conditions essentielles à la croissance et au développement.

(Applaudissements)

 
  
MPphoto
 
 

  Louis Michel, membre de la Commission. - Monsieur le Président, chers collègues, la Commission est très consciente de la situation au Guatemala, tel que rapportée par différents envoyés spéciaux des Nations unies, ainsi que par la délégation du Parlement européen qui était en mission au Guatemala, au mois d’avril. La défense des droits de l’homme est une priorité-clé dans nos relations avec le Guatemala, dans le cadre de la mise en place des accords de paix de 1996.

En ce qui concerne l’adoption des enfants, la Commission appuie, depuis 2004, les démarches que l’Union européenne entreprend régulièrement auprès des autorités guatémaltèques. Ces démarches nous permettent d’exprimer notre préoccupation par rapport au déficit de mise en application de la convention de La Haye. À cet égard, les contacts entre l’Union européenne et l’UNICEF ont été également satisfaisants, en particulier à l’occasion de la récente visite au Guatemala du Secrétaire Général de la conférence de La Haye, M. van Loon. Cette visite a permis de créer un climat plus propice à la nécessaire mise en place de ladite convention. Dans le même temps, la Commission soutient une série de projets de coopération concernant la problématique du trafic d’enfants au Guatemala et la lutte contre la pornographie infantile et ce dans le cadre de la stratégie «pays» pour la période 2007 - 2013, dont la définition est en cours. Nous comptons compléter et intensifier ces efforts par le biais d’un axe de coopération entièrement ciblé sur la protection et la promotion intégrale des enfants et de la jeunesse, en particulier les jeunes et les familles à risque.

La Commission s’est également associée à diverses démarches de l’Union européenne, auprès notamment du ministre des affaires intérieures et du procureur général. Cela nous a permis d’exprimer notre préoccupation vis-à-vis de la situation des droits de l’homme, y compris les attaques contre les organisations de protection des droits de l’homme et la violence croissante contre les femmes. Sur le plan de la coopération, le budget général indicatif de l’Union européenne alloué au Guatemala dans le domaine des droits de l’homme et de la démocratisation pour la période 2002 - 2006, se chiffre à 18 millions d’euros. Cette aide inclut le support au bureau du procureur général des droits de l’homme dans les zones rurales et au pouvoir judiciaire. La Commission a également lancé un programme spécifique «genre», visant plus spécialement les femmes indigènes, doté d’un budget de 6 millions d’euros.

Enfin, la Commission a approuvé un budget de 1,2 millions d’euros pour soutenir l’installation du bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme au Guatemala, qui est prévu pour le mois de juillet 2005.

En ce qui concerne notre coopération future, la cohésion sociale, le développement rural et local, en ce compris la définition d’une stratégie intégrale d’aide alimentaire et enfin, la promotion des peuples indigènes restent des priorités absolues dans nos relations avec le Guatemala.

 
  
MPphoto
 
 

  Le Président. - Le débat est clos.

Le vote aura lieu aujourd’hui à 17h30.

 
  

(1) Cf. procès-verbal.

Avis juridique - Politique de confidentialité