Le Président. - L’ordre du jour appelle la déclaration de la Commission sur le paquet «Élargissement II».
Olli Rehn, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, il y a quelques semaines, j’ai eu le plaisir de vous exposer les conclusions des recherches de la Commission concernant la Bulgarie et la Roumanie. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous présenter l’avis de la Commission sur la stratégie de l’élargissement dans son ensemble, sur les pays qui sont candidats à l’adhésion, à savoir la Turquie et la Croatie, ainsi que sur les pays des Balkans occidentaux, qui sont des candidats potentiels.
L’élargissement constitue l’un des instruments de principe les plus puissants dont dispose l’UE; cet instrument illustre le «pouvoir de persuasion» de l’Union européenne, le pouvoir de transformation, qui a contribué à transformer certains pays en démocraties stables et en sociétés plus prospères ainsi qu’à améliorer le développement économique et à accroître la protection sociale dans ces pays. L’Europe et ses citoyens ont toujours un intérêt fondamental à ce que ce processus d’adhésion soigneusement administré se poursuive.
La consolidation constitue le maître mot de la stratégie de la Commission Barroso en matière d’élargissement. Nous devons faire preuve de prudence en acceptant de nouveaux engagements, mais parallèlement nous devons demeurer fidèles aux engagements déjà contractés à partir du moment où les pays remplissent les conditions strictes fixées à l’adhésion. La conditionnalité représente le mot clé de notre pouvoir de transformation, mais cela doit se passer dans les deux sens: la conditionnalité ne fonctionne que si les pays ont foi en l’engagement pris par l’UE de garantir à terme leur adhésion.
D’autre part, nous devons améliorer la manière dont nous communiquons les objectifs et les défis du processus d’adhésion ainsi que la manière dont nous travaillons avec ces pays. Notre politique d’élargissement ne sera durable que si elle obtient un vaste soutien populaire - cela est plus que jamais vrai. Il incombe également aux États membres de défendre les politiques qui ont été acceptées à l’unanimité et de plaider en leur faveur.
Il ne fait aucun doute que la Commission fait sa part de travail et je suis parfaitement conscient des efforts considérables déployés par le Parlement européen et par de nombreux députés européens dans leur pays respectif.
En ce qui concerne la Turquie et la Croatie, nous avons commencé il y a environ trois semaines à examiner les différents chapitres en vue des négociations d’adhésion. Les rapports sur les progrès accomplis analysent la situation de chacun des pays et les partenariats d’adhésion fixent des objectifs à la fois à court et à moyen termes destinés à résoudre les problèmes qui ont été identifiés.
Je dois bien avouer que la situation est mitigée. En Turquie, des réformes courageuses et importantes destinées à améliorer le respect de l’état de droit et des droits de l’homme sont désormais entrées en vigueur, mais leur application reste inégale. Le rapport souligne que la Turquie doit encore faire de sérieux efforts en matière de liberté d’expression, de droits des femmes, de liberté de religion, de droits syndicaux, de droits culturels ainsi qu’en matière de lutte contre la torture et les mauvais traitements, à propos desquels une politique de tolérance zéro doit être appliquée concrètement. Le partenariat d’adhésion concernant la Turquie considère qu’une des priorités à court terme doit consister à résoudre ces problèmes.
Un point positif maintenant: la Commission reconnaît que la Turquie a désormais une économie de marché opérationnelle, mais les mesures de stabilisation et de réforme doivent se poursuivre avec fermeté.
La Croatie transpose correctement la législation communautaire, mais elle a encore d’importants efforts à déployer en vue de réformer son système judiciaire, lutter contre la corruption, améliorer la situation des minorités et faciliter le retour des réfugiés de même qu’en vue de consolider les structures administratives permettant l’application de l’acquis communautaire. Il va de soi que la Croatie doit aussi continuer à coopérer pleinement avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie afin de traduire en justice le dernier fugitif; nous contrôlerons très attentivement le respect de cet engagement.
En ce qui concerne la demande d’adhésion à l’UE formulée par l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Commission a rendu un avis qui repose sur une évaluation objective et juste. Quelques années après avoir été au bord de la guerre civile, ce pays est parvenu à assurer une remarquable stabilité politique ainsi qu’un formidable processus de démocratisation, en particulier grâce à la mise en œuvre de l’accord-cadre d’Ohrid. L’ancienne République yougoslave de Macédoine est actuellement le seul État multiethnique des Balkans occidentaux à fonctionner correctement, ce qui illustre bien la viabilité d’un modèle multiethnique. Ces raisons permettent à la Commission de recommander l’octroi du statut de pays candidat à l’ancienne République yougoslave de Macédoine malgré le fait que le pays ne soit pas encore prêt pour entamer des négociations d’adhésion. Le statut de pays candidat constituera néanmoins un important signal politique pour l’ensemble de la région. La Commission ne veut pas agir avec précipitation tant que le pays ne sera pas prêt. Nous évaluerons régulièrement la situation et nous ne recommanderons l’ouverture des négociations que lorsque le pays aura atteint un niveau de conformité aux critères de Copenhague suffisant.
En ce qui concerne l’Albanie, la Serbie-et-Monténégro et la Bosnie-et-Herzégovine, le temps est venu d’ancrer plus fermement nos relations par le biais d’une négociation d’un accord de stabilisation et d’association avec chacun de ces pays. Pour l’Albanie, cela devrait être assez rapidement possible. Pour les deux autres pays, nous devrions pouvoir le faire vers la fin de l’année 2006 pour autant qu’ils accomplissent de sérieux progrès en matière de réformes. Un accord de stabilisation et d’association constitue la première étape vers l’adhésion à l’Union européenne - une étape qu’il convient de mettre en œuvre rigoureusement avant de pouvoir envisager les étapes futures.
À la suite du rapport objectif et des recommandations objectives présentés par l’envoyé spécial des Nations unies au Kosovo, M. Eide, les discussions sur le futur statut du Kosovo sont sur le point de commencer. La Commission soutient pleinement les efforts déployés par l’envoyé spécial des Nations unies chargé du futur statut du Kosovo, le président Ahtisaari, en vue de préparer un accord équilibré et durable au Kosovo; nous travaillerons bien sûr étroitement avec lui.
Notre objectif commun consiste à accorder un statut comprenant certaines normes. Un accord durable qui faciliterait la stabilité dans l’ensemble de la région ne pourra être obtenu que si nous garantissons les droits des minorités ainsi que la protection des sites historiques et culturels. À cet égard, je compte présenter prochainement avec M. Solana un document conjoint sur la politique menée par l’UE au Kosovo. Ce processus visant à définir un statut pour le Kosovo sera facilité si nous disposons des ressources financières appropriées. C’est pourquoi la Commission demande au Parlement son étroite collaboration à ce propos. Je compte sur votre soutien à cet égard, car c’est un point très important pour la sécurité et la stabilité de l’Europe.
Cet automne, chaque pays des Balkans occidentaux fait un pas en avant sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne. Nous envoyons donc un message clair selon lequel l’UE restera fidèle à ses engagements de permettre une adhésion à moyen ou à court terme à l’UE dès que chaque pays aura satisfait aux conditions strictes que nous exigeons. Il s’agit en fait de deux aspects d’un même problème: la perspective d’une adhésion à l’UE se rapproche petit à petit à mesure que ces pays accomplissent de réels progrès dans le respect des conditions et des critères fixés par l’UE.
La Commission demeure fidèle à ses engagements d’offrir aux pays des Balkans occidentaux la perspective d’une adhésion à l’UE. Je suis convaincu que je pourrai compter sur votre soutien dans le cadre de cette entreprise capitale.
Elmar Brok, au nom du groupe PPE-DE. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, je tiens à remercier la Commission pour sa minutie et pour l’énergie avec laquelle elle s’est efforcée de faire avancer le processus. Je souhaiterais également remercier les nombreux pays qui se sont appliqués à respecter les critères. Toutefois, soyons clairs: les conditions doivent être remplies, et pas simplement reportées à une date ultérieure. Parmi ces conditions figure la capacité de l’UE à absorber de nouveaux membres, même si nous attendons toujours une explication sur la façon de mettre ce concept en pratique. À la suite du débat organisé le 3 octobre dernier, j’espère que la Commission présentera bientôt une proposition à ce sujet.
À l’instar du commissaire, je pense que l’élargissement est l’une des stratégies de politique étrangère les plus réussies de l’Union européenne, car il a apporté une stabilité à l’Europe et a contribué à l’expansion de la démocratie et de l’État de droit sur le territoire communautaire. La perspective d’adhésion à l’UE constitue un instrument important permettant aux pays de mener des réformes internes qui, autrement, auraient été irréalisables dans la majorité des cas, très probablement pour des raisons de politique intérieure.
Toutefois, au vu du tout récent élargissement de l’Union à dix nouveaux pays et de la probabilité de deux nouvelles adhésions dans un avenir proche, nous devons - me semble-t-il - insister sur la nécessité d’une période de consolidation, tout comme celle-ci est nécessaire pour toute entreprise sortant d’une période de croissance. Nous devons nous demander si nous voulons restaurer l’équilibre entre approfondissement et élargissement, si nous voulons réaffirmer notre intention de garantir à l’Union élargie la capacité d’agir et de se concentrer une fois encore sur la question de l’unité politique, ou si nous voulons que l’UE se réduise à une zone de libre-échange.
Ce rapport a beau être qualifié de rapport stratégique, il ne parvient pas, selon moi, à éclaircir certaines questions, notamment quant à la forme que devrait revêtir une stratégie globale, ainsi qu’à la structure interne et aux frontières extérieures qui devraient être celles de notre UE à l’avenir. Il va sans dire qu’un tel rapport ne peut fournir de réponses détaillées à cette dernière question, étant donné qu’elle se rapporte à un processus en cours. Toutefois, je pense qu’il est grand temps de savoir où nous en sommes dans ces domaines afin de pouvoir progresser et d’éviter de passer tout notre temps à traiter de cas isolés - ce qui engendre des automatismes dangereux pour l’Union européenne. Par ailleurs, il serait également bon de se demander s’il ne conviendrait pas de trouver une solution alternative à l’adhésion complète et à la politique de voisinage, du moins à court terme. Une telle option offrirait aux pays la perspective d’une adhésion à l’UE et les inciterait ainsi à concentrer leurs efforts de développement, mais éliminerait simultanément tout impact négatif sur la capacité de développement de l’UE. Elle pourrait ressembler à l’Espace économique européen des décennies précédentes. Je déplore que la Commission n’ait pas proposé de telles initiatives et qu’elle soit au contraire trop absorbée par les détails et n’ose pas être plus ambitieuse.
Jan Marinus Wiersma, au nom du groupe PSE. - (NL) Monsieur le Président, l’intégration réussie des Balkans occidentaux au sein de l’Europe revêt une grande importance pour cette région et pour l’Europe dans son ensemble. Il s’agit en réalité de l’une des priorités politiques de mon groupe, le groupe socialiste au Parlement européen. Par conséquent, nous avons rédigé notre position sur l’avenir européen des Balkans occidentaux, qui a été incluse dans un document stratégique plus général aujourd’hui publié. Nous continuerons avant tout à soutenir pleinement l’agenda de Thessalonique. Nous devons parvenir à une paix, une stabilité et une prospérité durables dans les Balkans par le biais d’un processus d’intégration au sein de l’Union européenne et, bien évidemment, dans la perspective d’une adhésion à terme.
Dans le cadre de ce processus, nous devons en priorité nous attacher notamment à résoudre les problèmes qui sont endémiques dans toute cette région. Il est vrai que le succès de l’intégration dans l’Union européenne dépend de la consolidation de la démocratie et de l’État de droit, du développement économique, de la politique d’immigration, de la coopération avec le Tribunal de La Haye et de la lutte contre la corruption et la criminalité. Toutefois, toutes ces conditions sont également étroitement liées à la sécurité et à la stabilité régionales dans cette partie du globe, qui demeure fragile. Par conséquent, ces problèmes n’affectent pas seulement la relation bilatérale entre les pays des Balkans et l’Union européenne. Les plus grands bénéficiaires de ce processus seront ces pays eux-mêmes.
Il en découle que la coopération mutuelle entre les États des Balkans occidentaux représente une composante essentielle de notre stratégie. L’UE doit créer un cadre solide, mais il incombe en fin de compte à cette région elle-même de fournir la dynamique nécessaire à la résolution de ces problèmes. Il en va de même pour les obstacles qui subsistent. Les politiques régionaux devront assumer leur responsabilité lorsqu’il s’agira d’adopter des décisions sur la structure de l’État de Bosnie-et-Herzégovine, sur la relation entre la Serbie et un Monténégro probablement indépendant, ainsi que sur le statut du Kosovo.
Cependant, nous devons également reconnaître les événements positifs, quoiqu’avec une bonne dose d’optimisme prudent. La Bosnie a fait une avancée capitale dans la réforme de son apparatchik policier; il s’agissait d’une importante concession de la part des Serbes de ce pays. Le fait que la Commission veuille accorder à la Macédoine (ARYM) le statut de pays candidat dénote les progrès réguliers réalisés par cet État.
Enfin, nous soutenons la Commission dans ses trois C pour l’élargissement, à savoir la consolidation, la conditionnalité et la communication, mais j’espère revenir prochainement sur le dernier point - et obtenir un large soutien - dans nos pays respectifs également, car la poursuite de l’élargissement est indispensable à son succès.
István Szent-Iványi, au nom du groupe ALDE. - (HU) Monsieur le Président, le paquet «Élargissement» a pour principal résultat d’offrir aux Balkans occidentaux des perspectives d’avenir claires. La section qui recommande d’attribuer le statut de pays candidat à l’ancienne république yougoslave de Macédoine est particulièrement positive. Ce faisant, elle reconnaît l’évolution que ce pays a connue ainsi que les efforts qu’il a déployés au cours des dernières années. Parallèlement, il est bon qu’aucune date n’ait été fixée pour le début des négociations d’adhésion, étant donné que ni la Macédoine ni l’Union européenne ne sont actuellement prêtes à les engager. Espérons qu’elles le seront d’ici quelques années.
L’Union européenne attend deux choses des pays des Balkans occidentaux: qu’ils closent le chapitre tragique de leur histoire récente, et qu’ils livrent les criminels de guerre - tant Ante Gotovina que Mladic et Karadzic - au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie de La Haye. Elle exige également que ces États fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour restaurer la paix ethnique, c’est-à-dire qu’ils renforcent les droits des minorités, et ce de manière générale, tant en Voïvodine qu’au Kosovo. En outre, nous attendons d’eux qu’ils intensifient leurs efforts en vue de remplir les conditions d’adhésion, d’explorer le potentiel de la coopération régionale et d’ouvrir leurs frontières.
La capacité d’intégration des Balkans occidentaux se mesure véritablement en fonction de leur capacité de coopération mutuelle. J’espère qu’ils en seront capables et qu’ils le prouveront en achevant les préparatifs en vue de l’intégration européenne.
Joost Lagendijk, au nom du groupe des Verts/ALE. - (NL) Monsieur le Président, je suis persuadé que de nombreux historiens rédigeront des thèses de doctorat sur ce qui s’est exactement passé en Europe au printemps 2005 concernant l’attitude, le climat et l’atmosphère liés à l’élargissement. Était-ce dû au fait que nous n’avions pas encore digéré l’élargissement de 2004? S’agissait-il des deux «non» à la Constitution au cours des référendums? Je n’en sais rien, et la raison n’apparaîtra clairement que plus tard. Cependant, il est indéniable que l’élargissement de l’Union est sous le feu des critiques. Un grand nombre de personnes ont l’impression que la majorité des citoyens de l’UE s’y opposent, et bien des politiques sont absolument ravis de pouvoir se cacher derrière ces citoyens sceptiques.
Par conséquent, je suis heureux que la Commission ait non seulement adopté une position ferme, mais encore qu’elle plaide de manière motivée - ce que j’approuve - en faveur de l’élargissement de l’UE, auquel nous avons assisté à ce jour, comme l’une des plus grandes réussites de l’Union. Nous ferions donc preuve d’un manque de perspicacité extrême si nous ne respections pas les promesses faites à la Roumanie et à la Bulgarie, à la Turquie et à la Croatie, ou aux pays des Balkans occidentaux.
Néanmoins, j’apprécie également que la Commission ait tiré certaines conclusions pertinentes du processus qui s’est déroulé jusqu’à présent. Elle a notamment jugé plus important de mettre en œuvre l’élargissement que de faire des promesses. Elle a également estimé - et je me fais ici l’écho des paroles de M. Brok - que l’Union européenne doit également être capable d’intégrer de nouveaux pays et qu’une évaluation par État doit se baser sur des faits, et non sur des automatismes. Enfin, elle a constaté que les futurs cycles d’élargissement n’aboutiraient que si les dirigeants assument leurs responsabilités politiques et sont prêts à défendre l’élargissement face au scepticisme éventuel d’une partie de la population.
Si la Commission continue à adopter une attitude favorable vis-à-vis de ce genre d’élargissement - c’est-à-dire un élargissement basé sur des faits, et non sur des promesses ou des automatismes; sur une vision et une analyse politiques, et non sur des sondages d’opinion -, elle pourra également compter sur le soutien inconditionnel de mon groupe.
Cristiana Muscardini, au nom du groupe UEN. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, la deuxième phase de l’élargissement marque une étape supplémentaire vers la totale réunification de l’Europe. La date du 1er mai 2004 est entrée dans les annales de notre continent, non seulement en raison du poids politique supplémentaire que nous avons acquis en cette occasion, mais encore de l’enrichissement culturel que nous en avons tiré.
Il importe de continuer sur cette voie, mais pas avant d’avoir consolidé l’Union actuelle, et sans perdre de vue les conditions fondamentales requises des autres pays désireux d’entrer dans l’Union: le respect de l’acquis communautaire et des principes de base de l’UE. Il ne s’agit pas d’une simple formalité. Ce point devient essentiel lorsque la législation des pays candidats viole ces principes.
Comme je l’ai souligné dans ma question écrite du 26 octobre 2005, les citoyens italiens font toujours l’objet de discriminations en termes d’accès au marché de l’immobilier croate - un accès qui est garanti à d’autres États membres. Monsieur le Commissaire, estimez-vous acceptable qu’un pays désireux d’adhérer à l’Union soumette les ressortissants d’un État membre à certaines conditions préalables, ce qui est en totale contradiction avec les principes communautaires? La Commission est-elle disposée à inclure dans les négociations la reconnaissance du libre accès des ressortissants italiens au marché de l’immobilier croate?
Outre son effet juridique néfaste, la discrimination a un impact humain et civil incalculable. Les institutions qui la pratiquent ne peuvent être jugées crédibles ou fiables. Le principe d’égalité devant la loi permet de distinguer les pays civilisés et démocratiques de ceux qui ne peuvent être considérés comme tels s’ils n’intègrent pas ce principe dans leur système juridique.
Nous ne sommes pas contre l’adhésion de la Croatie, uniquement à condition qu’elle respecte les règles en matière de propriété immobilière appliquées dans tout l’Occident et qu’elle règle définitivement le litige de longue date relatif aux exilés de Vénétie julienne et de Dalmatie qui attendent toujours que justice soit faite.
Camiel Eurlings (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, je me fais l’écho de bon nombre de personnes en disant que l’élargissement a été l’une des plus brillantes réussites de l’Europe, tant pour les nouveaux membres que pour les anciens. Toutefois, force est de constater qu’un déséquilibre s’est plus ou moins créé entre l’approfondissement et l’élargissement. Le processus d’approfondissement aurait dû être terminé à Nice, mais il n’a pas eu lieu, tandis que l’élargissement s’est produit à une date ultérieure. Nous devons nous inquiéter du fait que ce processus n’ait pas encore été mis en œuvre. Par ailleurs, je souhaiterais signaler à mon collègue néerlandais, M. Wiersma, que 80 % de mon parti était favorable à la Constitution, et que si son parti votait de manière similaire la prochaine fois, nous devrions parvenir à un bon résultat aux Pays-Bas.
Dans le même temps, avant de déclencher le processus d’élargissement, il est impératif que nous regagnions une certaine crédibilité. Pour ce faire, nous devons respecter les critères liés à l’élargissement de manière encore plus scrupuleuse qu’auparavant. Lorsque certaines conditions sont requises, que ce soit dans le domaine de l’élargissement ou des finances, il importe de les remplir. Dans le cas contraire, notre crédibilité en pâtira. L’une de ces conditions concerne la capacité d’absorption. Nous devrons obtenir un soutien suffisant, tant au niveau institutionnel qu’en termes de base d’appui, afin de permettre la poursuite de l’élargissement.
J’aborderai à présent la question des critères propres aux pays eux-mêmes. Sur ce plan également, nous devons montrer que nous prenons ces critères au sérieux. Concernant la Roumanie et la Bulgarie, j’espère sincèrement qu’elles pourront rejoindre l’Union en 2007, mais cela dépendra des progrès qu’elles réaliseront au cours des six prochains mois. Quant à la Turquie, si nous voulons garantir le bon déroulement du processus, nous devons insister sur la nécessité d’une révision des lois relatives à l’expression individuelle et à la liberté d’expression, ainsi que de la résolution de la question chypriote - en prenant en considération les versions des deux parties. Par ailleurs, dans le domaine de la liberté de culte notamment, il doit être clairement établi que nous ne pouvons pas attendre quelques années supplémentaires - jusqu’aux prochaines élections en Turquie - pour entreprendre de véritables actions à ce niveau.
La Commission a aujourd’hui annoncé sans équivoque la possibilité d’agir à court terme, et elle bénéficie de notre soutien à cet égard. Par ailleurs, je suis d’avis qu’il convient d’agir prudemment concernant l’adhésion de nouveaux pays candidats en cette période. Parallèlement, nous devons mettre de l’ordre au sein de notre propre Assemblée et, surtout, montrer que nous sommes réellement très attachés au respect des procédures. Monsieur le Commissaire, tous les Européens doivent adopter une attitude ferme vis-à-vis des populistes qui alarment les citoyens concernant l’élargissement, mais ce serait une erreur de les confondre avec les personnes qui aspirent réellement à l’établissement d’un juste équilibre entre approfondissement et élargissement.
Hannes Swoboda (PSE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, je souhaiterais signaler à M. Eurlings que le problème peut aussi bien être en partie que beaucoup trop de politiques mettent l’accent sur les difficultés et les problèmes créés par l’élargissement et que bien trop rares sont ceux qui mettent en exergue les avantages liés à ce processus.
Toutefois, je dois lui concéder qu’il est indispensable de planifier les prochains élargissements avec soin et de manière aussi avisée que possible. Je souhaiterais émettre quelques remarques sur trois États des Balkans, à commencer par la Croatie. En tant que rapporteur sur ce pays, je me félicite de l’ouverture des négociations avec celui-ci. De nombreux problèmes restent en suspens et le commissaire en a mentionné quelques-uns. Je voudrais en particulier ajouter à cette liste le respect du droit, car ce point demeure source de véritables difficultés dans certaines régions de Croatie, où la juridiction et l’administration ne sont pas réellement à la hauteur des aux normes actuelles. Tant que je parle d’actualité, je souhaiterais également rappeler à la Croatie que le temps n’est pas aux discussions sur la date de l’adhésion, puisque aucun d’entre nous ne la connaît. Il convient au contraire de débattre de l’adoption des mesures nécessaires pour veiller à ce que cela soit possible pour la date souhaitée.
Pour ce qui est de la Macédoine, je suis bien conscient que certains citoyens de ce pays sont à juste titre déçus que les négociations n’aient pas encore commencé. Pourtant, ils devraient y voir un encouragement à adopter les mesures qui doivent être prises avant de pouvoir lancer ces négociations et fixer une date pour l’ouverture des négociations. Selon moi, le compromis atteint par les divers groupes ethniques en Macédoine peut à juste titre être considéré comme un succès, notamment en ce qui concerne l’application de l’accord d’Ohrid.
Quant au Kosovo, j’estime que la position adoptée par le commissaire dans son rapport est absolument essentielle, et je l’encourage à la maintenir. De toute évidence, ce rapport est empreint de sympathie pour le pays mais il critique dans le même temps la situation intolérable qui continue à sévir au Kosovo, d’un point de vue tant économique que politique, ainsi qu’en ce qui concerne les minorités. Il est à compter parmi les quelques rapports véritablement critiques et objectifs de la Commission.
La question du statut et des normes revient sans cesse sur le tapis. De mon point de vue, nous ne pouvons pas accorder l’indépendance à l’un ou l’autre pays ni lui proposer une relation plus étroite avec l’Union à moins qu’il se conforme aux normes européennes. Je suis tout à fait d’accord que nous prêtions assistance au Kosovo, mais je suis également tout à fait partisan que cet État respecte les normes européennes. Cela vaut également pour la majorité du pays, aux côtés de laquelle nous avons lutté avec tant d’acharnement au cours de ces dernières années.
Sarah Ludford (ALDE). - (EN) Monsieur le Président, le commissaire Rehn a raison de déclarer qu’un processus d’élargissement soigneusement administré constitue l’un des meilleurs et plus puissants instruments de principe dont dispose l’UE. Nous devons rendre nos citoyens plus enthousiastes. Je dirai avec un peu de frivolité que si nous pouvions montrer de ravissants jeunes hommes tels que le plombier polonais qui figure sur les affiches, nous parviendrions à mieux «vendre» l’élargissement, mais ne soyons pas sexiste!
Nous devons également offrir aux citoyens des pays candidats une récompense tangible pour les gros efforts qu’ils doivent consentir en vue de l’adhésion à l’UE. Le régime de visa imposé par l’UE dans les Balkans occidentaux constitue cependant un gigantesque obstacle à la communication par le biais des voyages. Il étouffe les secteurs mêmes de la société que l’UE devrait encourager de son mieux.
Lors d’une conférence organisée au mois de mai de cette année, le commissaire Rehn avait déclaré qu’il était optimiste quant à la perspective d’accomplir des progrès en vue d’alléger le fardeau que constituent les visas. J’espère que cette échéance se rapproche. Je suis consciente qu’une libéralisation totale des visas irait beaucoup trop loin, mais une facilitation de l’octroi d’un visa pour certains groupes, à l’instar des mesures qui font actuellement l’objet de discussions ou de négociations avec la Russie, l’Ukraine et la Chine, serait sans aucun doute un excellent moyen de prouver le désir de l’UE de s’élargir. À court terme, une telle mesure remonterait le moral et élargirait les perspectives et les horizons des citoyens des Balkans occidentaux. Le fait que 70 % des étudiants universitaires de Serbie n’ont jamais quitté leur pays est certainement un élément qui alimente la culture politique d’introversion de ce pays.
La sécurité intérieure de l’UE est un facteur important, mais elle ne peut être écrasante au point de compromettre la sécurité régionale au sens large. Ne laissons pas les criminels, qui sont minoritaires, exercer du chantage sur les autres!
Gisela Kallenbach (Verts/ALE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, je voudrais vous féliciter pour les conclusions que vous avez tirées des rapports de progrès concernant les États des Balkans occidentaux. Elles reflètent la position même du Parlement, ce qui signifie que vous aidez l’Europe à démontrer sa fiabilité et sa continuité en restant fidèle à ses décisions précédentes. Je pense que c’est d’autant plus important à une époque comme celle-ci, où les débats se concentrent malheureusement bien trop souvent sur la crise européenne et sur les limites de la capacité de l’Union à absorber de nouveaux membres. L’Europe a essuyé un échec lorsqu’elle a tenté de résoudre la crise qui a surgi dans l’ex-Yougoslavie au début des années 1990. Par conséquent, nous avons aujourd’hui tout à gagner à fournir à cette région une feuille de route vers une adhésion future à l’UE.
Permettez-moi également d’énoncer quelques recommandations spécifiques. Nous devons tirer des enseignements des cycles d’élargissement précédents, et nous devons soutenir le renforcement de la société civile par le biais de programmes en faveur de l’éducation et de la démocratisation. Les citoyens doivent être mieux préparés à l’adhésion et doivent être impliqués dans le processus dès le début. Il convient de saluer l’attention particulière qui a été accordée à la protection et à l’intégration des minorités. Cependant, si nous voulons conserver de tels bienfaits à long terme, nous avons besoin de nouveaux instruments permettant à l’UE de continuer à exercer une influence et à disposer de mécanismes de contrôle à tout moment après l’adhésion. Une fois les accords d’association signés, les instruments qui ont déjà fait leurs preuves en termes d’efficacité et de résultats obtenus doivent être mis en œuvre immédiatement, afin de permettre aux politiques locaux de jouer un rôle véritable. À cet égard, je souhaiterais notamment attirer votre attention sur la décision du Parlement selon laquelle tous les gouvernements de la région devraient élaborer des plans de développement nationaux.
Georgios Papastamkos (PPE-DE). - (EL) Monsieur le Président, concernant la relation dialectique entre la consolidation, l’approfondissement et l’élargissement, je rejoins les propos de M. Brok.
Permettez-moi de me concentrer sur le rôle créatif de la Grèce, en tant que facteur de stabilité politique et économique dans la région, un rôle qui - j’en suis persuadé - est visible et connu.
Premièrement, nous avons réellement soutenu l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne. Nous sommes les premiers à avoir ratifié les actes d’adhésion de ces deux pays.
Deuxièmement, nous avons applaudi l’orientation européenne de la Turquie, dans la perspective que ce pays se conforme au droit international et à l’acquis communautaire. Toutefois, la Turquie occupe toujours le territoire de la république de Chypre. Par ailleurs, le casus belli, les violations de l’espace aérien grec, la campagne contre la liberté de culte, ainsi que les menaces émises à l’encontre du patriarcat œcuménique, n’ont pas cessé.
Troisièmement, l’Albanie doit en grande partie sa subsistance économique à la devise importée par ses citoyens travaillant en Grèce. Proportionnellement à la taille de sa population, celle-ci occupe la première place au rang des pays de l’Union accueillant des émigrants.
Quatrièmement, nous sommes favorables à l’orientation européenne de l’ex-république yougoslave de Macédoine.
À Skopje, le commissaire a récemment mis l’accent sur le fait que la Grèce était le principal investisseur dans ce pays. Cela est vrai, et j’étais heureux de l’entendre dire. En revanche, Monsieur Swoboda, nous sommes la cible d’une intransigeance concernant la question du nom du pays, une propagande qui fait peu de cas de l’histoire et des agressions historiques et culturelles.
Il est logique de se demander pourquoi nous soutenons les perspectives européennes des pays situés dans notre région. La raison en est que nous recherchons l’expansion et la consolidation de la paix, de la stabilité et de la prospérité dans l’ensemble de la région.
Mesdames et Messieurs, il incombe aux pays concernés d’adopter et d’appliquer pleinement les principes, les valeurs et les règles de l’Union. Cependant, celle-ci, ainsi que toutes ses agences politiques et institutionnelles et ses États membres, est en droit de contrôler le déroulement de l’intégration de ces États.
Il s’agit d’un défi commun.
Borut Pahor (PSE). - (SL) Dans l’ensemble, j’approuve le rapport de la Commission, étant donné que je suis favorable à la poursuite de l’élargissement de l’Union européenne. Cependant, je constate qu’il n’est fait nulle part mention de l’existence obligatoire d’un rapport proportionnel entre l’étendue de l’élargissement et la capacité d’absorption de l’Union.
La conclusion du rapport souligne à plusieurs reprises que chaque pays désireux d’intégrer l’UE est tenu de respecter toutes les conditions requises. Cette exigence me semble à la fois légitime et juste, car elle place tous les pays concernés sur un pied d’égalité.
Toutefois, à l’instar d’un grand nombre de mes collègues, je suis convaincu que l’Union européenne elle-même doit remplir les conditions liées à la poursuite de l’élargissement. Personnellement, je n’ai pas l’impression qu’une Union élargie soit capable de fonctionner correctement si elle n’adopte pas le Traité constitutionnel au préalable ou si, d’une quelconque autre manière, elle n’introduit pas les amendements nécessaires aux Traités actuels.
Pour éviter tout malentendu, je dirais que je suis réellement favorable à la poursuite de l’élargissement de l’Union, mais que, parallèlement, il me semble également indispensable que, dans des rapports de ce type relatifs à l’élargissement, la Commission européenne insiste particulièrement sur l’importance d’une consolidation continue de l’Union.
En dernier lieu, puisque le commissaire nous honore de sa présence aujourd’hui, je souhaiterais lui poser une question sur le Kosovo, auquel il a prêté une attention spéciale. Le président slovène, M. Drnovšek, a récemment soumis une initiative - très utile de mon point de vue - visant à l’indépendance du Kosovo et subordonnant celle-ci au respect d’un certain nombre de conditions matérielles. Le commissaire a-t-il connaissance de cette initiative et souhaite-t-il émettre l’une ou l’autre remarque à ce sujet?
Zbigniew Zaleski (PPE-DE). - (PL) Monsieur le Président, l’élargissement de l’UE représente un défi comportant des risques, mais il mérite les efforts que nous déployons. L’Union a décidé de s’élargir à deux nouveaux pays, la Croatie et la Turquie. Cette décision a fait l’objet de diverses objections, principalement concernant ce dernier pays, et les citoyens européens, davantage que la Commission ou le Parlement, n’accepteront pas avant longtemps l’idée de son adhésion.
L’UE a adopté des mesures spéciales, appelées instruments de préadhésion, destinées à soutenir les transformations qui doivent en principe avoir lieu en Croatie. Le groupe de travail a proposé la création d’un instrument distinct pour la promotion des droits de l’homme, mais je suis au regret de vous dire que cet amendement a été rejeté. C’est dommage, étant donné qu’une société et un État démocratiques ne peuvent se construire que sur des bases appropriées. Souvent, ces bases ne sont ni un gouvernement ni un parlement ni un président élu, mais une nation de citoyens libres et responsables qui chérissent leur pays. Il se peut qu’une nation ait besoin d’une plus grande aide pour se forger des opinions subjectives de ce genre que pour développer son économie ou son administration.
En deuxième lieu, je souhaiterais attirer l’attention de la Commission sur le rôle du Parlement dans la formulation d’une stratégie d’aide à la préadhésion, ainsi que dans le contrôle de l’application de cette stratégie et du développement de processus internes de nature sociale, politique et religieuse. Sans vouloir remettre en cause les compétences de la Commission, je tiens à établir clairement que le Parlement ne doit pas être uniquement responsable des instruments et de la politique dans son ensemble. Il doit à tout le moins être traité en partenaire égal doté du pouvoir de codécision et, au besoin, remplir la fonction d’arbitre objectif et fiable. Lorsque l’UE ne comptait que 15 membres, on pouvait soutenir qu’il était suffisant que la Commission respecte les instructions du Conseil, le Parlement n’ayant qu’un petit rôle. Cependant, vu que l’Union se compose à présent de 25 membres, et que 27 acteurs occuperont prochainement la scène européenne, de nouveaux élargissements se révèleront stériles en l’absence d’une très forte implication des représentants élus de cette Assemblée.
En résumé, je voudrais insister sur le fait que la Commission et le Conseil devraient et doivent prendre en considération les suggestions, idées, visions et critiques présentées par ce Parlement, et ce pour le bien des citoyens des États membres. Les frontières définitives de l’Union n’ont pas encore été définies, et nous devons tendre ensemble vers ce but.
Panagiotis Beglitis (PSE). - (EL) Monsieur le Président, la stratégie de l’élargissement et de l’intégration dans les institutions européennes constitue la seule proposition crédible et efficace de l’Union, le seul argument de taille susceptible de mobiliser les processus de changement et de réforme.
Aujourd’hui, les relations entre l’Union européenne et les pays candidats laissent entrevoir une méfiance mutuelle qui a un impact négatif sur l’opinion publique en Europe. Nous ne pouvons pas exiger des changements et des réformes si nous ne définissons pas précisément l’objectif de la future intégration. D’un autre côté, nous ne pouvons pas garantir celle-ci en l’absence de signes de progrès constant dans l’application des réformes. Ceci vaut pour la Turquie.
Pour ce qui est de ce pays, nous constatons actuellement un sérieux ralentissement du rythme des réformes dû à un grave manque de volonté politique pour respecter des engagements spécifiques. Comment l’Union européenne envisage-t-elle de réagir si la Turquie continue à agir de la sorte, envers les droits de l’homme et des minorités, et envers Chypre? De telles situations alimentent la méfiance et la crise de confiance parmi les citoyens européens.
Par ses propositions visant à un renforcement de la stratégie européenne pour les Balkans, la Commission s’engage véritablement dans la bonne voie et confirme ainsi de nouveau la stratégie adoptée par le Conseil européen de Thessalonique en 2003. Soutenir les perspectives européennes des Balkans occidentaux, en vue de leur future intégration dans les institutions européennes, équivaut à investir dans la sécurité de l’Union européenne elle-même. Les négociations relatives à la conclusion d’accords de stabilité et d’association avec l’Albanie, la Serbie, le Monténégro et la Bosnie-et-Herzégovine doivent se dérouler sans entraves.
Pareillement, je proposerais au commissaire d’admettre la nécessité d’un calendrier plus clair concernant l’achèvement de ces négociations, ce qui constituerait un profond stimulant pour ces pays. La sécession potentielle du Monténégro ne doit pas nuire aux négociations avec la Serbie. Celle-ci a un rôle décisif à jouer dans la stabilité des Balkans. L’Union européenne et la Commission doivent jouer un rôle clé dans les pourparlers sur le statut final du Kosovo, conformément aux principes du droit international. La Commission européenne doit néanmoins accorder une importance particulière aux droits des minorités serbes au Kosovo.
En conclusion, je souhaiterais assurer la Commission de mon soutien inconditionnel à sa proposition pour l’attribution du statut de pays candidat à l’ex-république yougoslave de Macédoine. Quant à la question non résolue du nom, je signalerais qu’il faut être deux pour danser et, malheureusement, le régime de Skopje ne parvient pas à se dépêtrer de son passé.
Doris Pack (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, fondamentalement, les propositions de la Commission sont les bienvenues, et sa stratégie pour l’élargissement aux Balkans occidentaux convient parfaitement. Par ailleurs, le fait que la Commission ait confirmé officiellement la perspective d’une adhésion à moyen terme des pays de cette région est également source de joie. Cette adhésion revêt une importance capitale pour le développement futur des Balkans, car elle seule assurera une paix durable à cette partie de l’Europe au passé si difficile.
Toutefois, le parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens insiste auprès de la Commission pour que, parallèlement, elle procède à une évaluation individuelle et méthodique de l’aptitude de chaque pays candidat des Balkans à entrer dans l’UE, et ce avant de fixer des dates définitives pour l’ouverture des négociations d’adhésion et avant l’établissement des calendriers pour l’adhésion. La Commission doit veiller à ne pas reproduire ici l’erreur qu’elle a commise avec la Roumanie et la Bulgarie, et plus particulièrement avec la Turquie, en citant une date prématurément, avant que les critères aient été pleinement remplis. Une telle décision aurait pour effet de renforcer davantage l’opposition de l’opinion publique à l’adhésion d’autres pays et, simultanément, de faire peser des exigences excessives sur les États des Balkans quant à leur capacité de réforme. Nous ne pouvons absolument pas nous permettre ce genre de choses dans cette région extrêmement instable, dont une partie était ravagée encore récemment par la guerre civile.
Comme l’a mentionné le commissaire lui-même, il ne fait aucun doute que des progrès significatifs ont été accomplis en termes de réformes. La Commission attribue à juste titre les progrès les plus importants à la Croatie et à la Macédoine, qui ont par conséquent reçu le statut de pays candidats ou le recevront prochainement, comme c’est le cas de la Macédoine. Cela devrait également stimuler les pays voisins qui sont à la traîne sur la voie de l’adhésion pour différentes raisons.
Chacun de ces États a son lot de difficultés à résoudre. L’Albanie doit se rétablir de décennies passées sous le régime communiste d’Enver Hoxha, période pendant laquelle le pays ressemblait à une prison de haute surveillance. La Bosnie-et-Herzégovine doit se dégager des années cauchemardesques de déportation, de meurtres et de guerre, et porter le poids de l’accord de Dayton, une monstruosité qui a mis fin à la guerre mais n’est pas parvenue à établir une plate-forme de bonne gouvernance et de coopération. La Serbie a mis du temps à se libérer de son dictateur et, à l’heure actuelle, nul ne sait combien de temps durera son union avec le Monténégro. Enfin, il importe de décider sans délai du statut du Kosovo, par le biais d’un accord entre Belgrade et Pristina arbitré par la communauté internationale. J’ai accueilli avec plaisir l’annonce du commissaire relative à la présentation par la Commission d’une initiative et d’une stratégie dans ce domaine.
Les Balkans occidentaux et notre stratégie d’élargissement pour cette région représentent un test décisif pour nos politiques européennes.
Guido Podestà (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je partage le point de vue exposé par le commissaire Rehn devant cette Assemblée concernant les pays de la région du processus de stabilisation et d’association. Plusieurs députés ont souligné que cette région, quoique toujours fragile, émet des signaux positifs en empruntant une voie qui a déjà été suivie au cours des précédentes étapes de l’élargissement.
Celui-ci s’est révélé être un processus positif dès le stade préparatoire. La simple perspective de l’ouverture des négociations a bien souvent accéléré la transition de régimes totalitaires vers des gouvernements démocratiques prospères et engagés dans les pays d’Europe de l’Est. Elle a également inspiré la mise en œuvre de réformes délicates et difficiles en Turquie.
Je me dois néanmoins de prêter attention aux paroles de M. Brok. Nous sommes confrontés à un élargissement à dix nouveaux membres déjà entrés dans l’Union, auxquels nous devons ajouter la Bulgarie et la Roumanie. Entre parenthèses, je pense que nous devrions féliciter ces deux pays pour les efforts qu’ils ont accomplis, tout comme l’a fait le commissaire lors de la présentation de son rapport le mois dernier.
En outre, il me semble opportun de songer également aux nouveaux pays candidats. J’ai remarqué que le discours de Mme Muscardini avait provoqué l’hilarité de certains députés. Pourtant, il serait préférable de lui accorder une attention particulière. Je pense que la Croatie devrait faire preuve de davantage de cohérence à l’égard des divers problèmes identifiés en matière de libre accès au marché de l’immobilier. Ce point devrait être examiné attentivement car, selon moi, la cohérence n’a pas de limite géographique.
Nous enjoignons les pays désireux d’adhérer à l’Union à faire preuve d’une telle cohérence, non seulement en coopérant totalement avec le Tribunal pénal international, comme l’a souligné le commissaire, mais encore en remplissant toutes les conditions préalables qui doivent être communes à tous les pays qui croient dans le marché libre et dans la liberté démocratique.
Bernd Posselt (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, trois nouveaux États membres - la Croatie, la Roumanie et la Bulgarie - rejoindront probablement l’UE avant la fin de la décennie.
La Croatie a déjà réalisé un travail préparatoire colossal, et il se pourrait que les négociations d’adhésion avec ce pays soient les plus rapides de l’histoire de l’élargissement, à la condition que les deux parties fassent preuve de bonne volonté. La Roumanie et la Bulgarie ont encore bien du travail pour combler leur retard dans les domaines de la justice et des minorités, ce dernier étant surtout une priorité en Roumanie. Au printemps, nous devrons fixer une date définitive pour l’adhésion, tâche pour laquelle nous adopterons une approche critique, mais objective et ouverte.
La Turquie ne fait pas partie de l’Europe et n’en fera jamais partie. Notre objectif est de proposer à ce pays un partenariat privilégié, mais il devrait malgré tout remplir les critères requis. Je souhaiterais inviter M. Rehn à nous exposer son point de vue concernant la loi sur les fondations religieuses, car nous avons la nette impression que les minorités, majoritairement chrétiennes, demeurent la cible de graves discriminations en Turquie.
Trois problèmes prioritaires se présentent à nous en Europe du Sud-Est: premièrement, la démocratisation de la Serbie; deuxièmement, la réforme de la constitution et des traités en Bosnie-et-Herzégovine; et, troisièmement, la question du statut du Kosovo et de sa future indépendance. Dans le même ordre d’idées, j’attire l’attention de M. Pahor sur le fait que je suis très favorable à l’initiative du président slovène, qui constitue - me semble-t-il - un pas dans la bonne direction.
Il va sans dire que tous ces problèmes ne trouveront de solution que dans un contexte européen élargi. Permettez-moi de poser une question au commissaire à ce propos: que représente l’Union européenne à nos yeux? S’agit-il exclusivement d’un groupe d’États-nations se servant de la perspective de l’élargissement comme d’un instrument de politique étrangère en vue de stabiliser des États-nations voisins? Ou aspirons-nous réellement à une Europe fédérale forte qui soit capable d’agir et de se faire respecter sur la scène mondiale?
J’estime que nous devrions choisir la dernière option. C’est pourquoi je tiens à souligner que j’ai toujours été partisan de l’élargissement et que je le suis encore aujourd’hui. Cependant, nous avons besoin d’une période de consolidation clairement définie ainsi que d’une idée précise de la future base institutionnelle de notre Union européenne et de ses futures frontières. Je souhaiterais attirer l’attention du commissaire sur le fait que ces deux derniers points revêtent une importance capitale à mes yeux, étant donné que nous avons éludé ce débat jusqu’à ce jour.
Olli Rehn, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, permettez-moi en premier lieu de remercier les honorables députés pour le soutien global qu’ils ont apporté à un processus d’adhésion soigneusement administré visant à accroître la stabilité, la sécurité, la liberté et la démocratie en Europe. Je les remercie également pour leurs réactions et la pertinence de leurs questions.
Je voudrais aborder deux ou trois problèmes importants. Je regrouperai plusieurs remarques ou questions, car cela me permettra de donner une réponse plus concise.
M. Brok, M. Eurlings et d’autres orateurs ont demandé qu’un équilibre soit trouvé entre intégration et élargissement. Je partage totalement cet avis. La politique de la Commission vise à s’occuper à la fois d’intégration et d’élargissement; les deux représentent des objectifs politiques importants de l’Union européenne. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons souligné le besoin de prendre en considération la capacité propre de l’Union à absorber de nouveaux membres afin que tout élargissement futur renforce l’Union au lieu de l’affaiblir et renforce son processus décisionnel au lieu de l’atténuer, eu égard aux principaux défis que nous devons actuellement relever.
L’histoire récente nous montre que l’Union européenne a obtenu ses meilleurs résultats pendant les périodes d’intégration et d’élargissement, si pas de concert, au moins en parallèle. Depuis 1989, c’est-à-dire depuis la chute du mur de Berlin, nous avons accentué notre intégration politique grâce à la création du marché unique, de la monnaie unique ainsi que des dispositions de Schengen sur la libre circulation des citoyens. Nous avons également renforcé la politique étrangère et de sécurité commune. L’Union s’est en même temps agrandie: le nombre de pays membres, en passant de 12 à 25, a plus que doublé. Ce processus parallèle d’intégration et d’élargissement prouve sa faisabilité et démontre également qu’il profite aussi à l’Union européenne.
L’Union européenne devra, à court terme, poursuivre ses réformes constitutionnelles afin, selon moi, de rendre le processus décisionnel plus efficace et plus performant, d’accroître la démocratie et la transparence et de renforcer notre politique commune en matière de sécurité et de défense.
Par rapport à l’élargissement, nous devons garder à l’esprit les échéances fixées: il nous faut assez rapidement - dans les prochaines années - des solutions à la réforme constitutionnelle. Nous devons utiliser efficacement cette pause de réflexion; nous devons aussi tirer certaines conclusions des discussions et des réflexions menées et nous mettre à agir.
Nous ne pouvons attendre la fin des négociations avec la Turquie, car celles-ci pourraient prendre 10 à 15 ans. Nous ne pouvons attendre aussi longtemps pour résoudre nos défis internes. Dans l’intérêt de l’Europe, nous devons donc être capables de résoudre nos problèmes liés aux perspectives financières et à nos questions institutionnelles bien avant l’adhésion des pays des Balkans occidentaux ou de la Turquie à l’Union européenne.
Ma seconde remarque concerne le Kosovo. Je partage tout à fait l’avis exprimé par M. Swoboda selon lequel le meilleur service que peut actuellement rendre l’Union européenne en vue de garantir la réussite des négociations et la durabilité de l’accord consiste à soutenir les efforts déployés, mais en nous montrant critiques. L’état de droit et les droits des minorités figurent au centre des valeurs européennes. Le respect de ces valeurs est fondamental pour faire avancer les perspectives d’adhésion à l’UE pour le Kosovo ou les Balkans occidentaux.
Le rôle de la Commission consiste à faciliter la conclusion d’un accord équilibré et durable. Nous collaborons étroitement avec la communauté internationale et son envoyé chargé du futur statut du Kosovo, le président Ahtisaari, afin de garantir que, quel que soit le résultat précis des discussions, il sera compatible avec la perspective européenne du Kosovo et des Balkans occidentaux.
En troisième lieu, M. Wiersma, Mme Pack, M. Szent-Iványi et M. Lagendijk ont fait allusion à la coopération régionale dans les Balkans occidentaux et aux progrès accomplis par les différents pays. M. Wiersma a très justement déclaré que notre conditionnalité était opérationnelle. Prenez l’exemple de la Bosnie-et-Herzégovine: dans ce pays, la politique élaborée est, dans une très large mesure, la conséquence même des conditions imposées à la conclusion d’un accord de stabilisation et d’association avec ce pays. Il en va de même pour la Serbie-et-Monténégro: les progrès notables enregistrés dans le respect des exigences du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie résultent des conditions que nous avons imposées à l’ouverture de négociations sur l’accord de stabilisation et d’association. Nous devons trouver un juste équilibre entre la conditionnalité et les récompenses qu’obtiennent nos pays candidats pour les efforts consentis.
J’espère que nous enregistrerons l’année prochaine de nouveaux progrès à propos des Balkans occidentaux. La présidence autrichienne entend organiser une réunion à haut niveau durant son mandat afin d’établir un bilan et de décider les nouvelles mesures à prendre en ce qui concerne la manière d’améliorer la coopération politique, le développement économique ainsi que les problèmes qui touchent les citoyens, tels que la facilitation de l’octroi de visas. Nous parviendrons de la sorte à rendre la perspective d’une adhésion à l’UE la plus tangible et la plus concrète possible pour les citoyens et les pays de la région des Balkans occidentaux.
Je peux vous assurer que la Commission apportera son soutien plein et entier à la présidence autrichienne et je suis convaincu que le Parlement européen en fera de même. Je me réjouis à l’idée de collaborer avec vous. Je compte sur votre soutien en vue de garantir un processus d’adhésion à l’Union soigneusement administré.
Le Président. - Le débat est clos.
Déclaration écrite (article 142 du règlement)
Margie Sudre (PPE-DE) , par écrit. - Loin de prendre en compte le sentiment populaire exprimé lors des récents référendums en France et aux Pays-Bas, et non contents de l’ouverture déjà controversée de négociations d’adhésion avec la Turquie et la Croatie, la Commission et les États membres sont pris d’une véritable frénésie d’ouverture de l’Union européenne.
Sous une forte pression américaine, l’Union s’apprête à donner un coup d’accélérateur massif à son élargissement vers les Balkans: après le Kosovo et la Serbie, la contagion sera immédiate sur la Bosnie, et naturellement sur la Macédoine.
Il devrait pourtant être évident que rouvrir dans la précipitation toute la boîte de Pandore des Balkans à un moment où l’Union n’a ni Constitution, ni budget et où tous les gouvernements des grands pays continentaux sont affaiblis par de graves problèmes internes, relève de la folie pure.
La délégation française du groupe PPE-DE n’est pas opposée au principe d’une nouvelle vague d’élargissement à moyen terme, mais rejette catégoriquement la perspective d’un engagement aussi précipité de l’Union envers ces nouveaux partenaires.