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Compte rendu in extenso des débats
Lundi 12 décembre 2005 - Strasbourg Edition JO

13. Demande de défense de l’immunité et des privilèges de Bruno Gollnisch
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle le rapport (A6-0376/2005) de Mme Wallis, au nom de la commission des affaires juridiques, sur la demande de défense de l’immunité et des privilèges de Bruno Gollnisch (2005/2072(IMM)).

 
  
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  Diana Wallis (ALDE), rapporteur. - (EN) Monsieur le Président, je mets à profit ce temps qui m’est octroyé en tant que rapporteur pour rendre compte à cette Assemblée de la décision de la commission des affaires juridiques. Je ne cache pas qu’il s’agissait d’une question délicate pour la commission. Elle l’était parce que notre collègue, M. Gollnisch, est venu nous demander de lui accorder, en qualité de représentants du Parlement, le bénéfice de cette immunité parlementaire. Je tiens à le remercier de sa courtoisie, et de s’être montré coopératif lors des questions que la commission lui a posées.

M. Gollnisch s’est retrouvé poursuivi par la loi française - la loi de son propre État membre - pour des propos qu’il avait tenus lors d’une conférence de presse et qui, prétendait-on, représentaient une forme de négation de l’Holocauste.

La commission a examiné cette question au cours de plusieurs réunions et a finalement décidé à une majorité large et convaincante qu’il ne serait pas approprié, dans ce cas précis, d’accorder le bénéfice de l’immunité que confère cette Assemblée. La commission a estimé que les circonstances dans lesquelles il avait prononcé les propos dénoncés par le procureur français ne permettaient pas d’affirmer avec justesse et honnêteté qu’il ne faisait qu’exercer son mandat, ou ses fonctions, de député de cette Assemblée. Dès lors, il n’incombait pas à la commission de poursuivre son enquête, et la commission a pris sa décision sur cette base. Nous nous refusons par conséquent à accorder à M. Gollnisch le bénéfice de l’immunité parlementaire de cette Assemblée, et telle est la recommandation de la commission à la présidence et au Parlement.

 
  
  

PRÉSIDENCE DE M. DOS SANTOS
Vice-président

 
  
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  Roselyne Bachelot-Narquin, au nom du groupe PPE-DE. - Le maintien ou non de l’immunité de M. Bruno Gollnisch est un sujet délicat. J’ai décidé de ne pas fuir mes responsabilités pour dire à Bruno Gollnisch, publiquement et en toute franchise, pourquoi je ne défendrai pas son immunité.

La tentation est grande de se prononcer sur le fond des propos prêtés au député du Front national. La tentation est grande de ne vouloir que se souvenir du martyre du peuple juif, en écartant le seul débat à retenir, celui des conditions d’application d’une immunité parlementaire. La tentation est grande de refuser le maintien, en ne voyant en M. Gollnisch que le représentant d’une idéologie contre laquelle l’idée européenne a bâti son projet et que la presque totalité de cette Assemblée rejette.

Inversement, la tentation serait grande de demander ce maintien dans un réflexe corporatiste pour s’assurer qu’un propos ne puisse être retenu contre l’un d’entre nous. J’invite à ne pas céder à ces tentations et à ne pas transformer un débat technique en débat d’historiens. Notre Assemblée n’est pas un tribunal.

Le rapport de Diana Wallis est équilibré. Elle nous rappelle que l’immunité n’est pas faite pour protéger les parlementaires européens, mais l’intégrité du Parlement européen à travers ses représentants et leur permettre l’indépendance dans l’accomplissement de leurs tâches.

À n’en pas douter, à Lyon, au cœur de l’université où il enseigne, loin de sa circonscription électorale du Nord-Est de la France, Bruno Gollnisch ne s’exprimait pas en tant que député européen. Bruno Gollnisch vit dangereusement, constamment sur le fil du rasoir. Ce mode de vie politique est en réalité propre à l’extrême-droite française et allemande. M. Gollnisch est bien trop cultivé et bien trop intelligent pour ne pas savoir que la loi française risquait de condamner ses propos. S’il doit rentrer dans une épreuve judiciaire pour demeurer fidèle à ce qu’il croit juste, il convient qu’il n’y entraîne pas notre institution parlementaire en l’engageant dans un débat où elle n’a pas sa place.

La demande de maintien de l’immunité, formulée avec votre consentement, Monsieur Gollnisch, est à mi-chemin entre un appel au secours sans fondement juridique, puisque cette procédure ne menace nullement l’exercice de votre mandat, et une tentative, incompréhensible à mes yeux, de fuir vos responsabilités, comme si vous étiez finalement pris de panique à l’idée de ce que vous avez déclenché sciemment et que vous ne maîtrisez manifestement plus.

Je n’ai pas de haine à votre égard, pas plus que je n’ai envie de vous accompagner comme parlementaire dans cette épreuve que vous avez provoquée en toute connaissance de cause. À vous d’assumer, seul. Il n’est peut-être pas trop tard pour vous, pour changer, pour faire la paix avec la France, l’Europe, et notre douloureuse histoire. Je vous souhaite d’y arriver. Le Parlement européen ne peut accomplir cela à votre place...

(Le Président retire la parole à l’orateur)

 
  
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  Maria Berger, au nom du groupe PSE. - (DE) Monsieur le Président, permettez-moi de commencer par adresser mes remerciements les plus vifs à notre rapporteur, Mme Wallis. Différents membres de la commission des affaires juridiques traitent des cas de levée d’immunité, mais je crois que ce cas était un cas particulièrement difficile et délicat, qui exigeait un examen très attentif de la part de la commission, et je ne crois pas, si j’interprète correctement les signes, que ce fut chose particulièrement facile pour elle à titre personnel.

Le groupe socialiste au Parlement européen a soutenu les conclusions du rapporteur. Nous estimons également que l’immunité conférée par l’appartenance à cette Assemblée ne devait pas s’appliquer dans ce cas. Je tiens à formuler une observation personnelle. Ce qui était autrefois le camp de concentration de Mauthausen est situé près de chez moi, dans ma région, qui est aussi ma circonscription électorale. Si vous avez encore des doutes quant à l’existence réelle de ces camps de concentration, je suis plus que disposée à vous inviter à vous joindre à moi pour le visiter. Vous trouverez dans la région des gens qui y ont survécu; ma région est aussi celle de personnes qui ont aidé les rares détenus qui ont réussi à s’échapper du camp; et une femme qui l’a fait est aujourd’hui honorée ici. Je voudrais que ces remarques servent à honorer sa mémoire.

 
  
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  Lydia Schenardi (NI). - Monsieur le Président, chers collègues, le rapport de Mme Wallis concernant la demande de défense de l’immunité de M. Bruno Gollnisch constitue, tant dans la forme que sur le fond, un véritable scandale. Scandale car, jamais auparavant, les règles de droit et la jurisprudence constante de notre règlement et de la commission des affaires juridiques n’ont été à ce point détournées et violées. Scandale car le dossier présenté devant la commission des affaires juridiques a fait l’objet d’une politisation et de pressions politiques inouïes de la part des adversaires politiques de Bruno Gollnisch. Il a fallu pas moins de quatre projets de rapport, tous différents à chaque fois dans leurs conclusions et motivations, pour aboutir à celui qui nous est présenté aujourd’hui en plénière et qui n’est d’ailleurs pas celui sur lequel les membres de la commission des affaires juridiques avaient voté, car les motivations de la décision proposée par Mme Wallis ont été modifiées depuis lors.

L’argument avancé par le rapport à l’appui de la décision de ne pas défendre l’immunité et les privilèges de Bruno Gollnisch est qu’il n’usait pas de sa liberté d’expression dans l’exercice de ses fonctions lorsqu’il s’est exprimé lors d’une conférence de presse tenue dans ses locaux politiques de Lyon le 11 octobre 2004: quelle hypocrisie et quel mensonge! L’invitation écrite à la conférence de presse de Bruno Gollnisch mentionnait, à côté de son nom, son titre de député européen. La plupart des comptes rendus de presse ont fait état de sa qualité de député européen. Par ailleurs, les sujets abordés successivement par Bruno Gollnisch avaient trait à l’Europe, qu’il s’agisse de la question de l’adhésion de la Turquie à l’Europe, du processus de ratification du traité constitutionnel européen, ou encore du rapport dit rapport Rousso relatif notamment aux opinions politiques de certains universitaires traitant de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en Europe.

La jurisprudence constante de la commission des affaires juridiques en matière d’opinions émises par des membres du Parlement européen tend, dans ce cas, à la protection systématique de l’immunité. Des précédents bien plus graves, avec poursuites pour diffamation, calomnie, rébellion contre la police ou encore outrage à magistrat, ont vu l’immunité d’un parlementaire européen préservée. Mais cela n’a pas été le cas pour notre collègue Bruno Gollnisch, portant ainsi atteinte à l’indépendance et à la liberté d’expression de tous les députés. En effet, que l’on ne s’y méprenne pas: si ce rapport devait être adopté en plénière, c’est le droit d’expression de tous les parlementaires européens qui serait restreint et soumis à l’arbitraire; une nouvelle interprétation de la levée de l’immunité pour des opinions émises par le député dans l’exercice de ses fonctions serait adoptée; la démocratie et les valeurs fondamentales de l’Europe - ô combien précieuses - en perdraient leur superbe.

 
  
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  Adeline Hazan (PSE). - Monsieur le Président, chers collègues, je me félicite que nous puissions enfin nous prononcer sur l’immunité de M. Gollnisch, car cette succession de reports de notre vote n’a que trop duré. Nous avons disposé de suffisamment de temps pour évaluer les faits. Je ne rappellerai pas ici ces faits précisément, mais je veux insister sur l’idée qu’il est tout à fait juste de soutenir le rapport de Mme Wallis, qui propose de lever l’immunité de M. Gollnisch pour plusieurs raisons.

La première, et non des moindres, c’est que M. Gollnisch n’a pas prononcé les propos incriminés en tant que député européen. Or, l’immunité dont bénéficie tout député européen vise à protéger la liberté d’expression dans l’exercice de ses fonctions, ce qui n’est pas le cas ici. L’immunité n’est pas l’irresponsabilité, tout comme la liberté d’expression ne saurait justifier l’intolérable.

La seconde raison c’est qu’en l’espèce, les valeurs de l’Union européenne que nous, députés européens, sommes censés défendre, ont ici été bafouées. Loin de ces valeurs humanistes, très loin, M. Gollnisch, bon élève de Jean-Marie Le Pen, a tenté d’égaler son maître dans la provocation par les propos qu’il a tenus lors de cette conférence. Nous devons donc les condamner vivement.

Enfin, troisième et dernière raison, c’est que dans l’argumentation présentée par M. Gollnisch, on ne peut aucunement relever de fumus persecutionis. Faute de pouvoir assumer ses propos, M. Gollnisch se dit victime de poursuites politiciennes qui permettraient de l’écarter de la scène politique. C’est un petit peu court au regard des paroles extrêmement choquantes qu’il a formulées avec la pleine conscience - j’en suis sûr - des coups portés à notre démocratie.

 
  
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  Bruno Gollnisch (NI). - Monsieur le Président, l’article 7 dit que je ne peux pas intervenir dans le débat. Je n’ai pas l’intention d’intervenir dans le débat, mais l’article 7 me permet toutefois de rectifier un fait inexact. L’article7, paragraphe 8, troisième alinéa me permet d’intervenir sur le fondement de l’article 145. Et l’article 145 me donne trois minutes pour fait personnel.

Si vous le permettez, Monsieur le Président, et sans intervenir dans le débat qui est de toute façon couru d’avance, je voudrais intervenir trois minutes sur la base de l’article 145, comme le prévoit l’article 7, afin de m’expliquer sur une mise en cause personnelle. Par conséquent, je n’interviens pas sur le fond du débat mais simplement sur des faits qui m’ont été prêtés par certains des intervenants. Mme Bachelot a cru pouvoir dire, et c’est une opinion répandue, que je m’étais exprimé au cœur de l’université. C’est tout à fait faux. Les propos qui me sont reprochés ont été tenus lors d’une conférence de presse organisée dans le cadre de ma permanence politique, au cours de laquelle je répondais aux questions de journalistes, comme l’a dit un autre orateur, Mme Schenardi, ce qui n’est pas sérieusement contesté. Si je n’ai pas le droit de faire ces réponses, les journalistes ne devraient donc pas avoir le droit de poser des questions sur l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Cela me paraît assez clair et je n’ai pas prononcé ces propos en tant qu’universitaire même si les autorités académiques, sur ordre du gouvernement, ont tenté de porter atteinte à ma présomption d’innocence et ont été de ce fait condamnées par le Conseil d’État, notre juridiction suprême.

Deuxièmement, Mme Berger a laissé entendre que j’avais nié l’existence des camps de concentration et en particulier celui de Mauthausen. Mme Berger, je n’ai jamais nié l’existence des camps de concentration et certainement pas celui de Mauthausen. L’existence des chambres à gaz à Mauthausen a été niée par M. Lanzmann, le réalisateur du film «Shoah», et pas par moi qui, au contraire, ai affirmé haut et fort leur existence. Je crois que ces deux précisions étaient, Monsieur le Président, extrêmement importantes. Quand aux palinodies et aux atermoiements éventuels de la Commission, je n’ai joué à titre personnel aucun rôle dans cette affaire. Je précise, comme l’a dit mon collègue, que le Président de la République française, M. Chirac, vient d’affirmer qu’il ne saurait y avoir de vérité officielle en histoire. Je me demande comment on peut me reprocher des propos qui viennent d’être repris par le chef de l’État, chef du pouvoir judiciaire, et justifier mes poursuites sur le fondement d’une loi communiste, la loi Gayssot, qui avait été qualifiée par M. Toubon de loi stalinienne lors de son adoption. Il sera intéressant de voir comment M. Toubon va se prononcer au sujet de mon immunité. Voilà simplement ce que j’avais à dire à cette Assemblée.

 
  
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  Le Président. - Le débat est clos.

Le vote aura lieu demain à midi.

 
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