17. Prostitution forcée dans le cadre des événements sportifs mondiaux - Mesures engagées par l’UE contre la traite des êtres humains et lancement d’une journée contre la traite (débat)
Le Président. - L’ordre du jour appelle en discussion commune:
- la question orale à la Commission sur la prostitution forcée dans le cadre des événements sportifs mondiaux, posée par Mme Záborská, au nom de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (O-0006/2006 - B6-0008/2006),
- la question orale à la Commission sur les mesures engagées par l’UE contre la traite des êtres humains et le lancement d’une journée contre la traite, posée par Mmes Riis-Jørgensen et Lynne, au nom du groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (O-0011/2006 - B6-0011/2006),
- la question orale à la Commission sur les mesures engagées par l’UE contre la traite des êtres humains et le lancement d’une journée contre la traite, posée par Mme Breyer, au nom du groupe des Verts/Alliance libre européenne (O-0017/2006 - B6-0014/2006),
- la question orale à la Commission sur les mesures engagées par l’UE contre la traite des êtres humains et le lancement d’une journée contre la traite, posée par Mme Gröner, au nom du groupe socialiste au Parlement européen (O-0019/2006 - B6-0015/2006), et
- la question orale à la Commission sur les mesures engagées par l’UE contre la traite des êtres humains et le lancement d’une journée contre la traite, posée par Mmes Svensson, Kaufmann, Liotard, Uca, Figueiredo et Flasarová, au nom du groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (O-0021/2006 - B6-0016/2006).
Anna Záborská (PPE-DE), auteur. - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, je m’exprime aujourd’hui en ma qualité de présidente de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres de ce Parlement. Je m’exprime également en tant que femme solidaire des femmes contraintes à la prostitution forcée.
Il est inadmissible qu’une femme soit contrainte à la prostitution, il est inadmissible qu’elle vende son corps. En effet, jamais, Mesdames et Messieurs, l’actualité n’a été aussi triste. Dans la capitale allemande, aux abords du Stade olympique, un mégabordel de trois mille mètres carrés vient d’ouvrir ses portes pour accueillir en même temps 650 clients. Plus de 40 000 jeunes filles pauvres seront «importées» de l’Est pour satisfaire l’après-match des spectateurs de la coupe du monde de football.
La lutte contre la traite des femmes et la lutte contre la prostitution forcée sont une priorité pour les femmes politiques également, et certainement aussi lorsqu’on s’appelle Angela Merkel. Invitons-la à joindre sa voix à la nôtre!
Élus politiques de tous bords, nous disposons d’outils privilégiés. Refusons cette décadence, faisons-nous entendre, ici, au Parlement européen, mais également dans nos États membres, au Conseil de l’Europe et dans tous les forums où nous pouvons faire entendre notre voix. Faisons-nous entendre, haut et fort. Ce n’est pas la première fois que les différents organismes des Nations unies, le Conseil de l’Europe et les institutions de l’Union européenne utilisent le sport comme véhicule pour transmettre un message de civisme et de progrès.
Les responsables veulent nous faire croire qu’il s’agit d’une coïncidence malheureuse. Mais l’avocat du groupe qui a construit ce «palais du plaisir» a déclaré que «le football et le sexe vont de pair». Comment se fait-il que, dans les plus hautes instances du football, ceci ne semble scandaliser personne?
Inciter des jeunes à la bestialité organisée contre des jeunes femmes semblerait ne choquer personne, l’absence de prévention et de protection des victimes contre cette déchéance organisée ne scandalise pas. Joseph Blatter, président de la FIFA, a écrit à la commission des droits de la femme que son organisation n’était pas responsable de ce qui se passait hors des stades. L’UEFA, mais également les héros des équipes nationales ne disent mot.
L’UEFA s’est donné comme but de promouvoir le football en Europe, dans un esprit de paix, sans aucune forme de discrimination. Le monde du foot est un monde d’hommes: la réalité dans les stades le démontre. Ce sont les hommes qui demandent l’acte prostitutionnel et qui abusent des femmes. C’est pourquoi je m’adresse aux hommes aussi, à mes collègues hommes politiques, et à tous les hommes influents.
Pour conclure, Mesdames, Messieurs, je signale que nous pouvons déjà compter sur le soutien public des hommes pour combattre la traite des femmes et la prostitution forcée.
Je remercie notre collègue Christopher Heaton-Harris, lui-même arbitre de profession, d’avoir fait de l’intergroupe Sport un porte-parole contre la traite des femmes et la prostitution forcée. Je remercie notre collègue Simon Coveney, qui préside ici l’action «des hommes d’affaires contre la traite des êtres humains» et la campagne «Stop the Trafficking».
Enfin, je vous invite tous à appuyer le travail impressionnant du Conseil de l’Europe, qui a lancé à Varsovie, le 16 mai 2005, la première «convention sur la lutte contre la traite des être humains»: à ce jour, onze de nos États membres seulement l’ont signée. Aucun ne l’a encore ratifiée.
Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, tous les instruments juridiques et toutes les mesures politiques possibles doivent être appliqués pour interdire qu’une femme soit une marchandise qui sert de travailleur du sexe, et ce, pas seulement à Berlin, mais partout dans le monde.
PRÉSIDENCE DE MME ROTH-BEHRENDT Vice-présidente
Elizabeth Lynne (ALDE), auteur. - (EN) Monsieur le Président, le fléau de la traite des êtres humains constitue un exemple évident de domaine dans lequel l’Union peut et doit agir. C’est pourquoi Karin Riis-Jørgensen et moi avons posé notre question orale. Nous voulons des réponses aujourd’hui dans la mesure du possible.
Ce commerce abject n’a pas la publicité qu’il mérite. Dans de nombreux cas, les victimes font figure de criminels: nous devons y remédier. Je me réjouis de l’attention accordée dernièrement à ce problème au niveau communautaire. Le rapport d’initiative du Parlement est imminent et le Conseil a adopté un programme d’action en décembre. Citons également la convention du Conseil de l’Europe. Pourtant, les progrès restent maigres. Les paroles des États membres sont inutiles, sauf s’ils entreprennent des démarches urgentes et concrètes.
Ces femmes - et il est principalement question de femmes et de filles - ne disposent actuellement d’aucune protection garantie. Traitées en immigrants illégaux et expulsées, elles reviennent bien souvent dans le circuit. Certaines actions sont possibles: elles figurent notamment dans la convention européenne contre la traite des êtres humains. Nous avons besoin de refuges afin d’assurer la protection des femmes et des filles. Nous avons au minimum besoin de la période de suspension de 30 jours réclamée par la convention européenne, pour que ces femmes puissent décider si elles participent ou non aux poursuites contre les trafiquants.
Au Royaume-Uni, il n’existe qu’un seul refuge de 25 places. Selon les estimations, plus de 1 000 personnes sont, chaque année, introduites illégalement au Royaume-Uni en vue de leur exploitation sexuelle. L’absence de prise en charge réelle de ce problème est inacceptable. Londres et d’autres pays doivent ratifier la convention du Conseil de l’Europe.
Enfin, à quelques semaines de la coupe du monde en Allemagne, nous devons redoubler d’effort pour sensibiliser la population. Selon les estimations, des milliers de femmes et d’enfants seront introduits en fraude durant cette période et seront contraints de se prostituer. Cette question orale et ce débat ne traitent pas de la prostitution pratiquée par des prostituées sachant ce qu’elles font. Nous parlons d’un esclavagisme des temps modernes, dans lequel les femmes et les enfants n’ont pas le choix de se prostituer ou non. Voilà le thème du débat d’aujourd’hui, ne confondons pas les problèmes. C’est pourquoi je participe à la campagne de rejet de la prostitution forcée et j’espère que l’ensemble des supporteurs, joueurs de football et fédérations sportives, de même que toutes les autres organisations, soutiendront la campagne d’éradication de cet odieux commerce.
Hiltrud Breyer (Verts/ALE), auteur. - (DE) Madame la Présidente, j’espère que cette résolution finira au fond des filets et qu’elle permettra, une fois pour toute, de lever le tabou sur ce problème et d’y sensibiliser le public. Personne ne veut parler de la prostitution forcée: ni les personnes impliquées, ni, malheureusement, les victimes. Nous devons également nous intéresser de près au lien entre la migration et la création d’emplois.
La Fédération allemande de football voulait maintenir le tabou sur ce sujet et nous avons réussi à percer sa défense. Comme cela a déjà été dit, nous devons réellement être fermes et sortir le carton rouge contre la traite des êtres humains et la prostitution forcée. Nous devons dire haut et fort que le fair-play dans le sport, c’est aussi le refus de la prostitution forcée. Elle ne peut être tolérée en aucun cas. Cependant, je dois dire au commissaire Frattini que nous devons naturellement attraper les criminels, les trafiquants d’êtres humains mais que, pour ce faire, il nous faut également des solutions qui ne criminalisent pas uniquement les femmes impliquées, ce qui est le cas actuellement. J’espère que vous aborderez ce point dans votre intervention.
J’espère que nous ne nous contenterons pas d’exiger des visas, car ce sont les femmes qui en feraient alors les frais alors qu’elles ont plutôt besoin de prévention, de soins et d’aide. Nous devons garantir un droit de séjour aux femmes qui ne souhaitent pas témoigner, comme le prévoit déjà la loi italienne sur l’immigration. Nous devons aller plus loin si nous voulons que les femmes parviennent à échapper à la prostitution forcée.
Lissy Gröner (PSE), auteur. - (DE) Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, chers collègues, la Coupe du monde de football se tiendra en Allemagne sous le slogan «Le rendez-vous de l’amitié». La communauté sportive se prépare, mais les gangs organisés de trafiquants en font autant: ils se préparent à transporter des milliers de femmes en Allemagne et à les y exploiter. Ces femmes seront attirées en Allemagne par de fausses promesses et forcées à se prostituer. La pauvreté est l’une des principales causes de cette situation et c’est par là que nous devons commencer, mais accueillir les gens en Allemagne signifie également protéger les femmes dans le besoin plutôt que de fermer les yeux sur leur détresse.
Plus de 800 000 femmes dans le monde sont victimes de la traite des êtres humains et 100 000 d’entre elles proviennent de l’UE. Même si personne ne sait combien il y en aura en Allemagne cet été, nous devons sortir le carton rouge contre les trafiquants d’êtres humains. J’attends de vous, M. Frattini, que vous vous appuyiez sur les propositions avancées par la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres dans le rapport Prets et dans le programme d’action de lutte contre la traite des femmes afin d’élaborer une action concrète.
Si nous voulons soutenir la campagne des organisations féministes visant à la mise en place de lignes d’assistance téléphonique multilingue, nous aurons besoin de moyens financiers. Il nous faut mettre en place des systèmes de protection des victimes. Nous avons déjà fait référence au manque d’enthousiasme dont les États membres ont fait preuve pour la transposition de la directive de 2002 relative à l’asile, et nous devons leur mettre la pression. La Belgique a déclaré qu’un droit de séjour serait accordé aux femmes prêtes à témoigner et souhaitant sortir de la prostitution et qu’elles y seraient aidées. C’est assez remarquable.
Pour lutter efficacement contre le commerce actuel des femmes, il faudra impliquer davantage Europol. Naturellement, les associations sportives peuvent, elles aussi, faire quelque chose, c’est pourquoi nous comptons sur leur collaboration pour appeler les amateurs de football à garder l’œil ouvert et à faire leur part d’effort. Demander des visas spéciaux pour les femmes est une solution précipitée et je n’y suis pas favorable, c’est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir réfléchir encore un peu à ce que vous proposez de faire.
Eva-Britt Svensson (GUE/NGL), auteur. - (SV) Madame la Présidente, des millions de personnes de par le monde se réjouissent déjà à l’idée de la Coupe du monde de football, mais combien de femmes devront-elles être sacrifiées pour que les hommes puissent non seulement regarder du football mais aussi acheter facilement des services sexuels? Pour que suffisamment de services sexuels soient offerts, des dizaines de milliers de femmes, dont beaucoup n’ont pas le choix, devront s’ajouter au nombre déjà élevé de prostituées en Allemagne. Cette traite d’êtres humains est honteuse et profondément inhumaine. Elle est le signe d’une oppression des femmes et elle montre également le peu d’estime accordée à tous ces hommes qui viendront assister aux matches.
Pour mettre fin à la violence à l’encontre des femmes et des enfants, nous devrions tenir pour responsables de l’esclavage sexuel et de la prostitution, non pas les victimes, mais bien ceux qui s’arrogent le droit d’acheter et de vendre le corps des femmes. Que l’on parle d’une «prostitution forcée» peut laisser penser qu’il existe une forme de prostitution que l’on pourrait qualifier de «volontaire». Or, il n’y a pas de prostitution volontaire. Les femmes ne choisissent pas de se prostituer, elles y sont forcées pour une raison ou pour une autre. Elles peuvent être les victimes du crime organisé, mais la pauvreté et le chômage sont d’autres causes possibles. Cependant, la prostitution est souvent liée au fait que les femmes ont été, par le passé, abusées physiquement, psychologiquement et sexuellement.
Il faut clarifier les rapports entre la légalisation de la prostitution et l’augmentation de la traite à des fins d’esclavage sexuel. Par exemple, le fait que la prostitution soit légale en Allemagne aura-t-il une influence sur le nombre de victimes de la traite sexuelle en marge de la Coupe du monde? Il faudrait évaluer et comparer une législation autorisant la prostitution avec, par exemple, la législation suédoise, qui criminalise le client. La législation suédoise a montré que quand la demande diminue, le nombre de victimes de la traite et de la prostitution diminue également. La responsabilité est placée là où il convient: sur le client. C’est à lui d’être responsable de sa sexualité, sans acheter le corps des femmes.
Si nous tolérons que des hommes s’arrogent le droit d’acheter le corps des femmes, nous sommes, par conséquent, contraints de tolérer qu’environ quatre millions de femmes et d’enfants soient déplacés dans et entre les pays afin d’être exploités sexuellement.
Condamner l’exploitation sexuelle et la prostitution ne veut pas dire blâmer les femmes qui travaillent comme prostituées. Absolument pas. Nous voulons que toutes les femmes aient le droit de contrôler leur propre sexualité, sans discrimination et sans oppression. Les femmes ne sont pas des marchandises, elles ne sont pas à vendre.
(Applaudissements sur certains bancs)
Franco Frattini, vice-président de la Commission. - (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Députés, les questions posées par Mme Záborská et par les autres orateurs demandent une réponse détaillée de ma part: il est juste et approprié que je leur apporte une réponse concrète. Seize points ont été abordés dans les différentes questions et certaines demandes très précises ont été formulées, auxquelles je vais tenter de répondre.
D’une manière générale, je ne conçois pas que l’on puisse tirer profit d’un événement sportif, qui devrait être l’occasion de promouvoir des valeurs positives, pour tolérer ou encourager la prostitution forcée. À cet égard, j’ai entendu une citation affligeante, selon laquelle le football et le sexe iraient de pair, comme si la prostitution forcée était la conséquence inévitable d’un grand événement sportif. Au contraire, cela va à l’encontre des valeurs les plus saines du sport.
Par conséquent, il semble nécessaire de commencer par la législation, et précisément par la législation européenne pertinente adoptée dans ce contexte, qui prévoit des poursuites judiciaires contre ceux qui ont contribué à forcer des personnes - surtout des femmes et des enfants mais aussi, il faut le dire, des hommes - à se prostituer.
Comme vous le savez, il existe une décision-cadre européenne, alors qu’en ce qui concerne l’Allemagne, il y a actuellement une loi nationale en vigueur depuis 2005, autrement dit, une loi complètement applicable. Avant la fin du mois d’avril, nous présenterons également au Conseil et au Parlement un rapport sur l’application de la décision-cadre sur la traite des êtres humains et sur les mesures pénales afin de s’assurer que tous les États membres aient adoptés des législations nationales de transposition de cette décision-cadre avant la tenue de la Coupe du monde de football.
Parmi les principales règles, il y en a une qui impose aux États membres de poursuivre les responsables dans leur pays d’origine et non dans celui où ils ont commis leurs méfaits. La décision-cadre prévoit cela afin d’assurer que les procès soient réellement entrepris et que des sanctions pénales soient prises.
Après la présentation du rapport, d’ici la fin avril, le Conseil - ainsi que le Parlement, s’il le juge utile - sera en mesure d’aborder complètement le sujet des mesures pouvant être adoptées ultérieurement au niveau européen ou, plutôt, au niveau de la législation européenne. Il me semble que, par rapport à ces mesures, nous devrions examiner - même sans donner de réponse définitive dans l’immédiat - s’il nous faut sanctionner ceux qui, en tant que clients, profitent des services de personnes tout en sachant que celles-ci sont victimes de la contrainte, et même, dans certains cas, d’un vrai trafic qui les a conduites à l’esclavage.
Bien sûr, la question de la légalité de la prostitution est abordée de différentes manières selon les États membres. Néanmoins, il me semble que si le client est conscient que la personne à laquelle il parle est victime d’un trafic, d’une contrainte ou d’une coercition, il devrait réfléchir à deux fois à ce qu’il est en train de faire, y compris en ce qui concerne une éventuelle sanction pénale.
Le rôle d’Europol et d’Eurojust dans ce domaine doit être nettement développé. Parmi les questions prioritaires que j’ai soulevées lors de ma rencontre avec le président d’Eurojust et le directeur d’Europol, il y avait précisément celle de renforcer les compétences d’Europol et d’Eurojust en ce qui concerne l’application du programme d’action de lutte contre la traite des êtres humains que nous avons présenté, comme le Parlement s’en souvient, à la fin de l’année dernière. Europol peut jouer un rôle très important dans la coordination des mesures européennes de lutte contre ces crimes répugnants. Nous avons déjà combattu efficacement la pédophilie, en démantelant, grâce à l’action d’Europol, un réseau pédophile dans treize pays européens. C’est un autre domaine qu’il nous faut poursuivre.
Il y a ensuite la problématique spécifique de la Coupe du monde en Allemagne. J’avais promis au Parlement, quand ce sujet a été abordé pour la première fois, d’impliquer officiellement le ministre fédéral allemand de l’intérieur. Je l’ai évidemment fait et le ministre Schäuble, que j’ai approché, m’a répondu il y a quelques jours en m’assurant formellement que non seulement la loi fédérale en vigueur serait rigoureusement appliquée mais qu’elle serait, en outre, accompagnée d’initiatives préventives sur le terrain, dans toutes les villes allemandes chargées d’organiser les rencontres de football.
Je peux dès lors affirmer que le gouvernement fédéral allemand, par le biais de son ministre de l’intérieur, non seulement nous assure de sa pleine coopération, mais demande également que le Conseil des ministres de l’intérieur, qui doit se réunir en avril, examine cette question afin de développer une stratégie opérationnelle. Il s’agira, dans ce cas, d’une stratégie non législative mais véritablement opérationnelle en termes de prévention sur le terrain afin d’éviter que l’événement sportif ne soit mis à profit pour transférer un grand nombre de victimes de cet odieux trafic.
À ce sujet, je voudrais faire deux remarques concernant les mesures concrètes que j’ai l’intention de présenter, en ma qualité de représentant de la Commission, au sommet du Conseil des ministres de l’intérieur en avril. En ce qui concerne la question des visas, je voudrais tout d’abord préciser à Mme Gröner, en particulier, mais aussi à tous ceux qui m’ont écrit après le séminaire du 8 mars, que je n’ai jamais eu l’intention, la volonté ou l’idée d’introduire des visas pour les femmes. Les visas ne sont pas introduits par catégories de personnes, ils sont réglementés par pays et par nationalité. J’avais annoncé mon intention de vérifier si certains pays tiers significativement exposés n’étaient pas exemptés de l’obligation de visa et, de là, s’il pourrait être opportun d’étendre temporairement l’obligation de visa pour un pays d’où pourrait provenir un éventuel trafic, pas pour les femmes, évidemment. Je m’excuse si je me suis mal fait comprendre lors du séminaire du 8 mars.
J’ai examiné cette question de manière approfondie et je peux également vous en donner la réponse: d’après les données de la police, tous les pays tiers d’où proviennent les flux de victimes de la traite sont soumis à l’obligation de visa. Il ne sera, par conséquent, pas nécessaire de changer le système actuel des visas simplement parce que tous les pays tiers qui, d’après les statistiques, présentent des risques sont déjà soumis à l’obligation de visa. En aucun cas il n’a été question d’introduire un visa pour les femmes, mais seulement de prévoir un contrôle plus poussé pour certains pays. Ce n’est pas un problème, mais il est évident - et je soumettrai une proposition au Conseil dans ce sens - que les consulats devront contrôler de manière plus poussée la finalité réelle des voyages de groupes de visiteurs, puisqu’il est évident que les trafiquants qui exploitent les femmes à des fins sexuelles déclareront, ou forceront les femmes à déclarer, de fausses raisons.
Il incombe dès lors aux gardes-frontières et aux consulats d’effectuer les contrôles - ce qui requiert une coopération entre tous les États membres de l’Union européenne - et ces contrôles devront être renforcés afin de s’assurer de la véracité des objectifs déclarés. Comme vous le savez, les gens déclarent souvent qu’ils visitent un pays pour des raisons purement touristiques, mais ce n’est pas vrai. Des contrôles en profondeur sont nécessaires.
De plus, il est évident que, comme certains d’entre vous l’ont suggéré, des mesures d’aide concrète aux victimes sont indispensables. Personnellement, je suis favorable à l’idée de promouvoir des lignes téléphoniques spéciales, c’est-à-dire des lignes téléphoniques qui, à travers un service d’interprétation simultanée, puissent offrir une assistance immédiate dans le plus grand nombre possible de langues étrangères.
Évidemment, cela ne se limite pas à la période de la Coupe du monde de football: de telles mesures ne peuvent s’arrêter en juillet 2006. Ces mesures d’aide immédiate et opérationnelle peuvent réellement être considérées comme faisant partie de l’action européenne, grâce aux projets et au financement que l’Europe peut allouer à des propositions concrètes de ce genre.
Une autre mesure qui me semble nécessaire est de mener une étude comparative sur les législations de tous les États membres en matière de prostitution et sur le rapport entre la prostitution - quand elle est légale - et la traite des êtres humains à des fins sexuelles. Il y a évidemment un lien entre l’augmentation de la demande et, dirons-nous, la motivation des trafiquants pour exercer cette ignoble activité. Il existe une étude, soutenue par ce Parlement, qui porte précisément sur la criminalité transfrontalière. En partant de cette étude, j’ai l’intention de proposer la réalisation d’une étude comparative afin d’obtenir une vision plus claire des liens entre l’augmentation de la demande et l’augmentation de la traite.
Naturellement, dans le cadre des programmes Daphné, l’Union européenne pourra cofinancer des initiatives dans ce domaine pour sensibiliser le public à la nécessité de réduire la demande en prostitution. En fait, réduire la demande en prostitution limite ou contribue à limiter la traite des humains à des fins sexuelles.
Une autre proposition pouvant être formulée concerne l’établissement d’un contact plus étroit avec les autorités locales et régionales et les conseils municipaux. Il est évident que de tels phénomènes sont présents dans toute l’Europe et, comme vous le savez, il existe un réseau européen de prévention de la criminalité. Nous verrons si ce réseau européen ou d’autres systèmes pourront permettre aux autorités locales d’être plus impliqués dans l’activité de prévention, d’un coté, et d’assistance aux victimes de la traite, de l’autre.
En ce qui concerne l’assistance aux victimes, il y a également l’application des règles qui viennent d’être citées, lesquelles placent dans une certaine catégorie les victimes féminines et celles qui, d’une manière plus générale, sont victimes de la traite des êtres humains ou de la prostitution forcée. Dans cette législation européenne, il y a surtout la directive européenne de 2004 qui garantit l’octroi d’un permis de séjour, comme quelqu’un l’a demandé il y a peu, et, vous le savez, les États membres ont jusqu’au 6 août pour transposer cette directive. Heureusement, certains États membres l’ont déjà fait mais, afin d’encourager un peu ceux qui ne l’auraient pas fait d’ici le printemps - autrement dit, bien avant le mois d’août - je convoquerai une réunion technique avec les représentants de tous les États membres afin de comprendre les problèmes qui les ont empêchés, jusque-là, de transposer cette directive dans leur législation nationale et afin de leur demander formellement, avant l’expiration du délai, de garantir, avant le mois d’août, à toutes les victimes de l’exploitation sexuelle et de la traite des êtres humains le traitement préférentiel stipulé par la législation européenne.
Il reste une autre question importante, à savoir celle de la nécessité de disposer de réelles données statistiques sur le phénomène. Comme je l’ai déjà dit, nous avons l’intention de lancer dans quelques semaines un débat, accompagné par une publication appropriée, et nous présenterons une communication européenne sur une typologie des données statistiques européennes relatives à la criminalité, avec une référence particulière à cette forme de criminalité, pour que nous puissions enfin être certains d’avoir des données statistiques fiables sur le phénomène, ses victimes, les plaintes formulées et les sanctions imposées.
Évidemment, il ne s’agit pas d’une initiative prévue spécialement pour la Coupe du monde en Allemagne. C’est une initiative nécessaire à moyen terme. Madame la Présidente, je m’apprête à conclure et je m’excuse pour la longueur de mon intervention, mais il y avait seize points différents et je n’aimerais pas que l’un des orateurs puisse dire plus tard que je n’y ai pas répondu.
Nous allons promouvoir un programme afin de sensibiliser le public européen à ce phénomène. Je suis personnellement favorable à l’idée d’une journée européenne contre la traite des êtres humains et la prostitution forcée et j’ai l’intention d’organiser dans quelques semaines un séminaire technique - qui sera bien sûr ouvert à tous - pour l’échange de meilleures pratiques en vue de prévenir ce phénomène. Merci.
La Présidente. - Je vous remercie, Monsieur le Commissaire. Votre engagement évident ne m’a pas permis de vous interrompre lorsque vous avez dépassé les dix minutes qui vous étaient allouées. Je n’aurais pas eu le cœur de vous couper la parole. Toutefois, le temps nous manque et nous devons rapidement passer à autre chose.
Nicole Fontaine, au nom du groupe PPE-DE. - Madame la Présidente, chers collègues, le monde civilisé a mis des millénaires pour éradiquer le commerce des esclaves, les conditions inhumaines du travail, la soumission de la femme, sans parler de la peine de mort, encore que ces combats ne soient toujours pas achevés.
Le siècle qui vient de s’ouvrir doit être celui où l’on bannira de nos sociétés cette nouvelle forme d’esclavage qu’est la prostitution forcée et qui fait chaque année des milliers de victimes, femmes et enfants. C’est le message des questions orales que notre commission des droits de la femme a déposées aujourd’hui.
Le Parlement européen - j’ai plaisir à le rappeler - est en effet identifié dans toute l’Europe et bien au-delà comme un défenseur inlassable des valeurs universelles de la personne et de la dignité humaine. En adoptant, le 16 janvier dernier, le rapport de Christa Prets à une écrasante majorité, nous avons déjà adressé un signal très fort que vous avez bien voulu entendre, Monsieur le commissaire Frattini, et vos propos, à l’instant, l’ont confirmé si besoin était.
Aujourd’hui, nos questions orales s’inscrivent dans le prolongement de notre vote de janvier ainsi que dans notre action du 8 mars, et marquent à nouveau notre indignation. Nous sommes scandalisés que la toute prochaine coupe du monde de football se prépare en tolérant, non seulement la construction, mais aussi la promotion commerciale d’un lieu que certains osent même vanter comme étant le plus grand bordel du monde. Il est intolérable, et vous l’avez bien dit, Monsieur Frattini, que les compétitions sportives internationales soient ainsi devenues des cheminées d’appel de la prostitution forcée et organisée.
Monsieur le Commissaire, nos protestations, si fortes soient-elles, ne sont pas suffisantes, et vous l’avez compris. Nous vous remercions d’avoir répondu, en très large part, aux questions que nous vous avons posées. Dans la perspective très rapprochée de la coupe du monde en Allemagne, il y a urgence. Toutes les initiatives que vous venez d’évoquer sont excellentes, mais j’attire votre attention sur le fait qu’elles doivent être opérationnelles à temps. C’est la raison pour laquelle il faut un suivi attentif. Le Parlement européen, pour sa part, y contribuera de toutes ses forces.
Christa Prets, au nom du groupe PSE. - (DE) Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, je suis ravie de voir que de nombreuses propositions qui figuraient dans mon rapport ont été adoptées. Il importe que le grand public prenne conscience de ce problème et, pour cela, des chiffres et des statistiques seront plus que nécessaires. Ceux-ci devront être obtenus au moyen de règles communes, non seulement au sein de l’Union européenne, mais aussi dans les pays tiers puisque nous savons que certains visiteurs viendront de là. Nous devrions donc également les impliquer.
Même si je salue l’intention du commissaire de faire réaliser une étude concernant les effets de la prostitution sur la traite des êtres humains, celle-ci devrait prendre en considération non seulement la prostitution légale, mais également sa forme illégale. Il faut aussi examiner la situation dans les pays où la prostitution est interdite. Et qu’en est-il de la mobilité des clients des prostituées? Toute étude doit également en tenir compte.
Vous avez déjà expliqué ce que vous aviez l’intention de faire en imposant une obligation de visa pour la Coupe du monde. Je suppose - et j’espère - que vous souhaitez resserrer les contrôles sur l’octroi des visas plutôt que d’introduire un visa temporaire, car la question se poserait alors de savoir quand il devrait débuter et quand il devrait expirer. Nous profitons de la Coupe du monde parce qu’elle nous permettra d’atteindre un large public et d’attirer son attention sur ce problème. Mais la prostitution forcée existe également en marge de congrès, d’expositions et même ici, à Strasbourg, pendant que ce Parlement est en session. C’est ce qui rend l’introduction d’un visa temporaire si problématique.
Je vous demanderai de déterminer quelles seront vos priorités lors du Conseil de Bruxelles en avril. L’Autriche devra se préparer à affronter le même problème quand elle accueillera le Championnat d’Europe en 2008. C’est pourquoi de bonnes suggestions sont vitales, nous en avons tous besoin.
Vous avez souligné l’importance d’Europol. En clair, cela signifie que ses effectifs, mais également ses compétences, doivent être renforcés, sans quoi tout cela ne sera pas faisable. Il y a encore beaucoup à dire à ce sujet, mais peut-être les autres députés se chargeront-ils de le faire.
Maria Carlshamre, au nom du groupe ALDE. - (EN) Madame la Présidente, nous sommes à la croisée des chemins dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains. La semaine dernière, le 8 mars, et une nouvelle fois aujourd’hui, le commissaire Frattini a annoncé qu’une étude approfondie sur la manière dont la législation relative à la prostitution affecte la situation de la traite des êtres humains dans les différents États membres débuterait cette année. C’est naturellement une bonne nouvelle.
En septembre de l’année dernière, la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres a présenté une étude similaire sur la question, réalisée à une échelle plus réduite. C’était la première du genre. Cette étude indiquait clairement que la criminalisation de la demande du trafic possédait un impact considérable et diminuait sensiblement le nombre de filles et de jeunes femmes victimes de la traite. La légalisation a pour sa part l’effet contraire. Elle accroît le nombre de victimes du trafic.
En outre, les chiffres démontrent clairement que la légalisation de la prostitution ne développe pas uniquement la partie légale de cette activité, mais aussi son volet illégal. Grâce à l’étude imminente de la Commission, nous renforcerons la base factuelle des mesures contre la traite des êtres humains, par la criminalisation de la demande en particulier. Il ne s’agit plus d’une simple question de divergences d’opinion, il s’agit d’une question de faits. Je salue chaleureusement le travail réalisé par le commissaire Frattini dans ce cadre. Voulons-nous réellement lutter contre la traite des êtres humains? Une solution existe. Sommes-nous suffisamment courageux?
Margrete Auken, au nom du groupe des Verts/ALE. - (DA) Madame la Présidente, personnellement, je n’aime pas beaucoup l’expression «prostitution forcée», car la prostitution est toujours plus ou moins forcée. Néanmoins, notre groupe soutient bien évidemment le projet de résolution. La traite des êtres humains est une traite d’esclaves. C’est discriminatoire et c’est un crime honteux et répugnant. Nous devons absolument aider davantage ces enfants et ces femmes victimes de la traite, extrêmement faibles et vulnérables.
En mon nom propre, je voudrais également saluer la tenue de ce débat approfondi sur la prostitution en général. Il nous faut casser le mythe de la prostituée heureuse. La majorité des prostituées vivent dans la misère et sont exposées aux risques, par exemple, d’agressions, de viols et de maladies sexuellement transmissibles. Dans aucun autre domaine de notre société nous ne tolérerions que la vie professionnelle d’une personne puisse lui causer autant de tort. Par ailleurs, qui, parmi ceux présents dans cette assemblée, serait heureux que sa fille devienne prostituée? Nous devons donc nous assurer que ce débat soit engagé.
Vittorio Agnoletto, au nom du groupe GUE/NGL. - (IT) Madame la Présidente, chers collègues, la Coupe du monde en Allemagne est l’occasion d’aborder la question de l’exploitation des êtres humains.
À mes yeux, il nous faut appuyer les initiatives avancées par la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres. Je soutiens l’idée de lancer une campagne d’information et d’éducation afin de lutter contre le phénomène de l’exploitation sexuelle.
Des initiatives doivent être prises au niveau européen, y compris par l’utilisation d’instruments internationaux tels que la Convention du Conseil de l’Europe. Mais il faut également établir une distinction claire entre le monde de la prostitution forcée et celles qui choisissent librement de travailler en tant que prostituées. En réalité, il existe des associations d’hommes et de femmes prostitués. Une de ces associations est venue ici, au Parlement, pour demander que leur profession soit reconnue, à commencer par l’adoption d’une charte des droits fondamentaux et une déclaration de principes.
Sur le plan politique, il faudrait donc établir si une femme qui n’est pas forcée à se prostituer doit avoir le droit de le faire ou pas. Reconnaître la prostitution volontaire et lui accorder le statut d’une profession signifie reconnaître toute une série de droits et d’obligations. Parmi les droits - pour en citer quelques-uns -, il y a celui de vivre en liberté et en sécurité, de pratiquer sa profession librement, sans être tenu en esclavage, ainsi que celui de se marier, puisque cela n’est pas permis dans certains pays.
(La présidente retire la parole à l’orateur)
Urszula Krupa, au nom du groupe IND/DEM. - (PL) Madame la Présidente, la discussion d’aujourd’hui sur la traite des êtres humains et la prostitution forcée dans le cadre des événements sportifs mondiaux illustre la tragédie de milliers de femmes exploitées qui font l’objet d’un commerce dans l’industrie du sexe. Elle illustre également l’absurdité d’une conception libérale de la liberté selon laquelle chacun serait libre de faire ce qui lui plaît. Ce genre de liberté conduit directement au meurtre, à la propagation de maladies, à la toxicomanie, à la prostitution, à la pornographie ainsi qu’à d’autres maux.
Une vraie liberté n’a de sens que si elle est mise au service de la vérité et de l’amour. Cela signifie que la violence, la manipulation et la dissimulation doivent être perçues comme destructrices et inacceptables et que la prostitution doit être considérée comme une exploitation de l’individu. L’utilisation du «carton rouge» pour lutter contre la prostitution forcée et s’occuper de cette forme moderne d’esclavage me semble être une approche plutôt inefficace et décousue dans le contexte d’une propagande libérale. Des limites juridiques sont nécessaires.
Jan Tadeusz Masiel (NI). - (PL) Madame la Présidente, j’étais en Belgique en 1999 et j’ai été témoin du traitement réservé à une femme polonaise qui avait été violée par un Albanais. Cette femme a reçu l’ordre de quitter le territoire après avoir porté plainte auprès de la police. Personne ne sait ce qu’il est advenu du violeur. Il se peut qu’il s’en soit tiré à bon compte, car c’était un pauvre candidat à l’asile politique. La malheureuse victime du viol n’a toutefois reçu aucune sorte de réparation ou de soutien psychologique, alors que cela aurait pu être mis à sa disposition. Il était impossible d’aider la victime puisqu’elle avait reçu l’ordre de quitter le pays dans les trois jours.
Par conséquent, il importe d’accorder aux victimes de violences, de viols ou de la prostitution forcée un statut spécial qui leur permettrait de séjourner temporairement dans le pays concerné et de bénéficier d’une aide financière.
Edit Bauer (PPE-DE). - (SK) Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, la traite des êtres humains est sans aucun doute une violation fondamentale des droits de l’homme et l’un des phénomènes les plus déplorables du monde actuel. Cette forme moderne d’esclavage à laquelle nous assistons ne devrait pas exister dans une société civilisée. Le trafic est de grande ampleur et fait des centaines de milliers de victimes en Europe. On estime que les femmes et jeunes filles abusées sexuellement représentent 85% de toutes les victimes.
Dans ce contexte, je voudrais commenter deux problèmes. La Convention européenne relative à la lutte contre la traite des êtres humains sert d’instrument juridique, mais le site internet du Conseil de l’Europe indique que treize pays européens, des États membres de l’UE, n’ont pas signé cette Convention et qu’aucun pays ne l’a, pour le moment, ratifiée. Même la Communauté européenne n’a pas signé ce document. Comment M. Frattini, le commissaire responsable, va-t-il régler ce problème? Deuxièmement, je me demande comment nous pourrions lutter efficacement contre la traite des êtres humains en ignorant la demande, sauf dans certains cas, et en continuant à tolérer ces services. D’après certaines analyses, les Européens dépensent des milliards d’euros pour de tels services et, par conséquent, la demande devient le moteur de ce commerce prospère.
J’attends impatiemment la stratégie ainsi que la communication sur des programmes d’action pour lutter contre la traite des êtres humains que l’on nous a promis et qui, à mon avis, offriront un cadre qui nous permettra de continuer notre discussion sur ce grave problème et d’exprimer nos opinions.
Martine Roure (PSE). - Madame la Présidente, dans de nombreux pays, des milliers de femmes sont exploitées, forcées à la prostitution, et celles qui subissent cette prostitution forcée sont majoritairement jeunes et en situation précaire.
Les plus fragiles sont encadrées par les proxénètes, qui les surveillent, leur font subir des sanctions physiques, financières, morales; souvent des menaces de mort sont formulées. On peut alors se demander pourquoi elles ne dénoncent par leurs proxénètes. Elles sont parfois tenues par l’amour, mais le plus souvent par la peur. Ces femmes, désemparées, assument ainsi ce cauchemar car elles n’ont plus aucun choix.
Il existe pour certains une phase presque aimable de la prostitution. Pourtant, nous voyons aujourd’hui de plus en plus souvent, sans vraiment les voir, ces esclaves d’un nouveau genre arpenter nos trottoirs. Si la fille ne travaille pas assez, elle subit une avalanche de sévices. Le proxénète exerce sur elle une pression constante pour l’inciter au rendement. Si la prostitution est légale, le proxénète la défend, la met en relation avec les tenanciers d’établissements et lui impose de se plier aux demandes du milieu auquel il appartient. Il utilise, pour parvenir à ses fins, la séduction, les menaces, les violences. La victime est contrainte de remettre ses gains directement ou par personne interposée.
Objets de violences, ces jeunes femmes doivent régler des dettes importantes pour couvrir le coût de leur voyage et de leurs documents d’identité. En séjour clandestin, le plus souvent privées de leur argent, elles n’ont plus aucune perspective d’amélioration de leur situation. Quand elles s’opposent à la pression des trafiquants, elles, leurs enfants, ou leurs familles sont menacés. Cette situation est sans issue et la nature du milieu dans lequel elles travaillent les font, souvent, sombrer dans la toxicomanie.
Personne ne peut se laver les mains d’une telle tragédie. Nous avons un devoir: celui de lutter contre cette infamie, comme d’autres ont lutté contre l’esclavagisme, contre le racisme, contre l’enfermement arbitraire. Ce débat nous concerne tous, dans tous les pays européens.
Milan Horáček (Verts/ALE). - (DE) Madame la Présidente, il faut absolument débattre des moyens pour lutter contre la traite des êtres humains et des femmes avant le coup d’envoi de la Coupe du monde de football en Allemagne. Nous parlons ici de milliers de prostituées supplémentaires, dont la plupart travailleront contre leur gré et sous la contrainte. Mes longues années d’expérience des ONG travaillant dans le domaine de la prostitution enfantine aux frontières entre la République tchèque, l’Allemagne et l’Autriche m’amènent à penser que, pour pouvoir combattre cette criminalité, il faut revoir les législations, accorder davantage de compétences aux différentes institutions et autorités et établir une coopération transfrontalière avec les pays d’Europe centrale et orientale. À plus long terme, cependant, il sera nécessaire de combattre la pauvreté et de monter des campagnes d’information afin de renvoyer, pour de bon, la prostitution forcée dans les vestiaires. Le lancement d’une journée contre la traite sensibilisera les gens à ce problème.
Johannes Blokland (IND/DEM). - (NL) Madame la Présidente, les questions posées sont louables pour la façon dont elles abordent le problème de la traite des êtres humains et de la prostitution. J’appuie particulièrement - et sans réserve - la demande d’une étude sur la relation entre ces problèmes et le déroulement de la Coupe du monde de football. J’ai trouvé la réponse du commissaire Frattini excellente. Je suis ravi que la Commission soit prête à mettre sur pied une étude comparative sur la façon dont les États membres traitent la prostitution en termes juridiques et pratiques et sur l’impact de cette politique.
Je voudrais demander au commissaire Frattini de prendre également en considération le degré de transparence et de contrôlabilité de la prostitution, le degré de prostitution forcée, les chances pour les prostituées de quitter la profession et la demande en prostitution. Je voudrais en savoir plus sur la manière la plus efficace de combattre les effets négatifs de la prostitution. Je voudrais conclure en disant que je suis ravi du ton de ce débat.
Christa Klaß (PPE-DE). - (DE) Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, chers collègues, une amie de ma fille de vingt ans m’a récemment annoncé, en sautant de joie, qu’elle avait obtenu un emploi d’hôtesse pendant la Coupe du monde. Quand je lui ai demandé comment cela s’était produit, elle - une jeune sportive - m’a répondu qu’elle avait obtenu ce travail après avoir posé sa candidature auprès de la Fédération allemande du sport.
Dans ce cas-ci, je suis persuadée qu’il s’agit d’une offre d’emploi sérieuse, mais imaginez que vous viviez dans la pauvreté et que votre fille vous annonce qu’elle aura la chance, cet été, de voyager en Allemagne où un super travail l’attend. Bien sûr, en tant que parents, vous vous félicitez de chaque opportunité offerte à votre enfant, mais qui pense réellement à mesurer les risques encourus ou à vérifier si l’offre est sérieuse? Ce n’est qu’une des nombreuses façons possibles dont ce genre de choses peut arriver.
Nous devons commencer par fournir des informations là où les gens se trouvent - le commissaire a mentionné les nombreuses études qui ont été menées - mais nous devons faire prendre conscience aux gens, parents ou enfants, des dangers que peuvent comporter une offre aussi douteuse. Nous savons que, lors de grands événements comme celui-ci, on assiste à une augmentation spectaculaire de la demande de services sexuels et, bien sûr, des activités criminelles telles que la traite des êtres humains et la prostitution forcée.
La majorité des femmes et des enfants travaillent dans une maison close ou avec un souteneur. Des milliers sont amenées ici d’Europe centrale et orientale, d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, attirées par de fausses informations et poussées par la misère de leur foyer et le besoin de nourrir leur famille. Elles viennent ici et sont brisées, exploitées, de la façon la plus brutale qui soit, jusqu’à en perdre leur dignité et le respect d’elles-mêmes.
En plus de fournir des informations sur le terrain, nous devons également agir dans les pays où se tiennent les événements, par exemple en montant une campagne publicitaire et une ligne d’assistance téléphonique multilingue accessible 24h/24. Toutes ces choses sont actuellement envisagées, c’est pourquoi nous soutenons ces actions. À l’approche de la Coupe du monde, nous devons sortir le carton rouge. Voyons comment nous pouvons le faire.
Katerina Batzeli (PSE). - (EL) Madame la Présidente, le phénomène de la traite des êtres humains et du déplacement des femmes a acquis une dimension mondiale et est encore en nette recrudescence lors de l’organisation d’événements sportifs. Évidemment, dans ce problème, il ne peut y avoir de distinction entre la prostitution forcée et «volontaire», car les deux formes ont la même racine: elles sont causées par une pauvreté profonde et par l’exclusion sociale, des phénomènes qui conduisent les femmes aux limites de l’exploitation. Mais d’un point de vue juridique, quand les victimes viennent devant les tribunaux, comment distinguer la prostitution forcée et comment imposer des sanctions à la personne qui se cache derrière tout ça?
Il faut que les événements sportifs restent, dans la conscience de chacun d’entre nous, un carrefour des valeurs et des cultures. Tout ce qui entache de telles réunions culturelles doit être supprimé. Je pense que les propositions que vous venez de mentionner, M. Frattini, ainsi que celles de Mme Prets, établissent un cadre sérieux au niveau européen et international.
Carlos Coelho (PPE-DE). - (PT) Madame la Présidente, M. Frattini, chers collègues, je voudrais remercier M. Frattini pour l’attention qu’il a accordée à la question de la traite des êtres humains. C’est l’une des manifestations les plus épouvantables de la criminalité internationale. Il s’agit d’une grave violation des droits de l’homme et des lois sur l’immigration et le travail et elle a un effet extrêmement préjudiciable sur la sécurité nationale et internationale.
Il y a une croissance alarmante de ce type de criminalité et, d’après les chiffres des Nations unies, c’est devenu la troisième activité la plus lucrative du crime organisé. C’est un phénomène transfrontalier qui inquiète vivement de très nombreux pays, qu’il s’agisse des pays d’origine, de transit ou de destination.
Il faut, dès lors, établir une stratégie généralisée et coordonnée qui devra passer par une intensification des efforts tant au niveau législatif qu’au niveau opérationnel. Au niveau législatif, un pas important a été franchi avec l’adoption, en 2002, de la décision-cadre prévoyant l’harmonisation des dispositions pénales des États membres et des sanctions applicables ainsi qu’en permettant aux juges d’un État membre d’émettre un mandat d’arrêt européen à l’encontre des criminels impliqués dans la traite des êtres humains.
Cette décision-cadre devait être transposée avant août 2004. Nous attendons toujours un rapport qui évaluerait les mesures adoptées par les États membres et déterminerait si elle a été mise en œuvre dans chacun d’entre eux.
Au niveau opérationnel, je crois que les principales priorités sont de renforcer Europol, qui est actuellement sous-utilisé, mais aussi de trouver une réponse rapide et globale en ce qui concerne l’aide aux victimes, pour qu’elles puissent bénéficier d’une assistance immédiate. Il faut également, comme l’a fait remarquer M. le commissaire, améliorer les échanges d’informations et de données statistiques.
Edite Estrela (PSE). - (PT) Madame la Présidente, Monsieur Frattini, chers collègues, la traite des êtres humains est un fléau que nous devons combattre par tous les moyens. Chaque année, plus de 700 000 femmes et enfants sont piégés par des réseaux de trafiquants. Rien qu’en Europe, 100 000 femmes sont victimes de la traite chaque année et sont soumises à des pratiques qui portent atteinte à leur intégrité physique et à leur santé mentale.
La traite des femmes et des enfants est la forme de criminalité qui progresse le plus rapidement, et on sait que ce problème s’aggrave encore lors des grands événements sportifs. La traite des femmes est liée à l’immigration clandestine. Des milliers de pauvres femmes sont attirées par la promesse d’un travail décent et bien payé et sont ensuite forcées à se prostituer.
Au vu de ce qui a déjà été dit, la Coupe du monde de football offre à la Commission l’occasion de créer un précédent précieux dans la lutte contre la traite et l’exploitation sexuelle des femmes, par le biais de programmes d’insertion sociale et de réintégration des femmes et d’une assistance juridique, médicale, psychologique et linguistique.
Manolis Mavrommatis (PPE-DE). - (EL) Madame la Présidente, l’exploitation des femmes et des enfants par la prostitution forcée en marge des grands événements sportifs est l’un des fléaux de notre époque. Alors même que l’égalité des genres, la liberté de pensé et les droits de l’homme sont au centre de nos préoccupations, je trouve insultant que l’ouverture des frontières dans l’Union européenne libre et démocratique donne l’occasion et l’asile au crime organisé, sous la forme de la prostitution forcée de femmes et d’enfants.
Les chiffres cités à l’occasion de la Coupe du monde en Allemagne dépassent l’entendement. Comment imaginer que quarante, cinquante ou cent mille femmes et enfants du monde entier puissent déferler dans ce pays européen pour les mêmes raisons et que ces femmes et enfants seront, en raison de leur pauvreté et à cause de l’incapacité de l’opinion publique mondiale à aborder le problème, sacrifiés sur l’autel du commerce sexuel en tant que prostitués.
Monsieur le Commissaire, il ne suffit pas de donner des conseils ou d’adopter une législation nationale pour combattre ce phénomène. Il ne suffit pas de miser sur la distribution gratuite de milliers ou de millions de préservatifs, comme nous l’avons vu lors de grands événements sportifs, pour prévenir les graves maladies qui menacent la santé du fait du commerce sexuel. Il est de notre devoir de ne pas légaliser tacitement l’humiliation des femmes et des enfants qui, avec la société, sont sacrifiés au nom de l’intérêt commercial par la prostitution forcée.
Je voudrais terminer, Monsieur le Commissaire, en mentionnant que vous avez proposé, lors de votre récente visite à Athènes, la date du 25 mars pour la journée internationale contre la traite. Je voudrais vous demander de la reporter d’un jour, étant donné que le 25 mars est un jour férié en Grèce, une des plus grandes fêtes de notre histoire. Nous respectons les femmes, mais nous respectons également les jours fériés. Je vous remercie d’avance.
PRÉSIDENCE DE M. ONYSZKIEWICZ Vice-président
Le Président. - J’ai reçu une proposition de résolution(1), déposée sur la base de l’article 108, paragraphe 5, du règlement.
Le débat est clos.
Le vote aura lieu mercredi à 11h30.
Déclaration écrite (article 142)
Godfrey Bloom (IND/DEM). - (EN) La traite des êtres humains, appelée autrefois esclavage et éradiquée par l’Empire britannique avec l’appui de sa marine, est maintenant une triste réalité de l’Empire bruxellois. Ce commerce détestable se trouve involontairement encouragé par un agenda politique à la solde de lesbiennes androphobes qui ne connaissent et ne savent rien du monde réel. Si vous en doutez, cliquez sur leur site internet et faites-vous votre propre opinion.