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Compte rendu in extenso des débats
Mercredi 15 mars 2006 - Strasbourg Edition JO

11. Fusions dans le marché intérieur (débat)
Procès-verbal
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle à présent les déclarations du Conseil et de la Commission sur les fusions dans le marché intérieur.

 
  
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  Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, il va sans dire que ce débat sera largement dominé par le discours du commissaire. J’imagine que les députés présents seront éminemment intéressés d’entendre ce que la Commission a à dire. Aussi m’en tiendrai-je à quelques remarques au nom du Conseil, car nous sommes convaincus qu’en appliquant les nouvelles dispositions et les règles communautaires en matière de concurrence, la Commission fait preuve d’une grande responsabilité en vue de réaliser les objectifs de la politique de concurrence conformément à la stratégie de Lisbonne.

Les études sectorielles que la Commission est d’ores et déjà en train de réaliser et qu’elle entend approfondir forment une base capitale à cette fin, et la définition des marchés est également un enjeu important à cet égard. Il convient de se rappeler que les aspects à moyen et à long terme doivent également être pris en considération dans toute décision relative à une fusion.

L’économie n’est pas statique, mais bien dynamique, aussi les entreprises sont-elles confrontées chaque jour au défi de s’armer pour l’avenir et de rester compétitives. Il y a plus de 23 millions d’entreprises dans toute l’UE; chaque jour, de nouvelles sociétés sont créées tandis que d’autres ferment leurs portes.

Après le débat de ce matin, il est bon de souligner une nouvelle fois que 99 % des entreprises sont des PME, et qu’elles représentent 80 % de l’emploi. La compétitivité a donc également un impact considérable sur le marché du travail, et elle présuppose une concurrence réelle. Il ne doit y avoir aucune distorsion de la concurrence dans le marché intérieur: c’est là l’une des bases essentielles du succès de l’économie européenne.

L’achèvement du marché intérieur et de l’Union économique et monétaire, l’élargissement et l’élimination des obstacles au commerce international et aux investissements déboucheront sur une réorganisation encore plus importante des entreprises, notamment sous la forme de concentrations. Une telle réorganisation est la bienvenue dans la mesure où elle répond aux besoins d’une concurrence dynamique et est susceptible de renforcer la compétitivité de l’industrie européenne en instaurant un environnement favorable à la croissance économique et en améliorant le niveau de vie dans la Communauté. C’est parfaitement conforme aux objectifs de Lisbonne dont nous avons débattu aujourd’hui.

Nous examinons ce dossier à la lumière des derniers cas de concentrations dans le domaine énergétique, en particulier. À cet égard, la population et les consommateurs attachent une importance particulière à l’évolution des prix, qui est influencée négativement par un manque de concurrence, et au maintien de l’emploi.

Les consommateurs conçoivent aisément que le seul moyen d’éviter des augmentations injustifiées des prix passe par une concurrence suffisante. Mais il est également vrai que l’emploi ne peut être préservé sur le long terme que si les entreprises sont compétitives. Sur ce point, il serait bon que nous instaurions une politique paneuropéenne de la concurrence dans le cadre des quatre libertés fondamentales.

Une autre mission importante de la politique de la concurrence est de garantir que les cas de réorganisation et de concentration ne puissent causer un dommage permanent à la concurrence. C’est pourquoi, comme vous le savez, le droit communautaire contient des dispositions concernant les concentrations qui risqueraient de perturber la concurrence, que ce soit sur l’ensemble ou sur une grande partie du marché commun.

Je le répète: nous sommes convaincus que la Commission prendra les mesures appropriées et procédera de façon responsable. L’État de droit et, partant, la prévisibilité des décisions sont également d’une importance cruciale pour permettre à l’Europe d’attirer les entreprises sur son territoire. À cet effet, les travaux sur une approche davantage axée sur l’économie devront être encore approfondis. Si, à l’issue d’une phase d’évaluation, il apparaît qu’il convient de compléter le cadre juridique des fusions à cet égard, le Conseil se penchera sur cette question également.

Il est évident que toutes les éventualités ne peuvent pas être incorporées dans les cadres législatifs et qu’au contraire, un certain degré d’abstraction s’impose. La présidence du Conseil suppose également que lorsqu’elle prendra ses décisions désormais imminentes, la Commission se penchera sur des enjeux tels que la définition des marchés et la détermination de l’efficacité avec le plus grand soin.

 
  
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  Neelie Kroes, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, l’Europe grandit et prospère en abattant les barrières entre les États membres et non en en érigeant. L’ouverture et la concurrence des marchés sont des moteurs clés de la croissance et de l’emploi en Europe. Les entreprises prospères sur le marché européen sont également bien placées pour faire face à la concurrence internationale.

La Commission jugera toujours préoccupantes les tentatives des gouvernements nationaux de trop intervenir, directement ou indirectement, dans la restructuration transfrontalière des entreprises en Europe. Le Traité prévoit comme principe que les libertés fondamentales qu’il définit - notamment la libre circulation des capitaux - et le droit à l’établissement au sein de l’Europe ne peuvent être entravés de manière injustifiée. Le principe de base de ces droits est la libre restructuration des entreprises, notamment via la cession d’entreprise.

Refuser cette possibilité aux entreprises par principe ou mal appliquer les dispositions de la législation communautaire sectorielle garantissant la concurrence sur les marchés notamment de l’énergie, des télécommunications et des services financiers restreindrait fortement leur aptitude à s’adapter aux défis posés par l’intégration des marchés au sein de l’Union, aux progrès technologiques rapides dont nombre de secteurs font l’expérience et, d’une manière générale, à l’évolution du monde des affaires dans l’Europe d’aujourd’hui.

L’industrie européenne se montre à la hauteur de ces défis, grâce notamment à l’apparition de plus en plus d’entreprises européennes transfrontalières. S’il convient d’évaluer les effets des fusions au cas par cas sur la base des règles en matière de concurrence, les fusions entre des entreprises basées dans différents États membres devraient accroître la concurrence dans l’État membre concerné, contribuant de la sorte à procurer aux consommateurs européens des avantages concrets, à savoir des prix moins élevés et un plus grand choix. Prenez par exemple le secteur de l’énergie. Le livre vert publié par la Commission la semaine dernière est très clair. On ne pourra garantir une énergie durable, compétitive et sûre sans des marchés énergétiques ouverts et compétitifs, fondés sur la concurrence entre les entreprises qui cherchent à devenir des concurrents européens plutôt que des acteurs nationaux dominants. L’ouverture des marchés renforcera l’Europe et lui permettra de s’attaquer à ses problèmes. Parallèlement, la restructuration transfrontalière des entreprises européennes renforce leur compétitivité en les dotant du nécessaire pour prospérer sur les marchés internationaux.

Toute ingérence des gouvernements nationaux en la matière non justifiée par un intérêt légitime inscrit dans le Traité, le droit dérivé et la jurisprudence risque de nuire gravement aux chances de l’Europe de bénéficier des perspectives offertes par l’intégration et la mondialisation du marché.

Comme vous le savez, la Commission dispose de deux principaux instruments juridiques - les règles du marché unique du traité CE et l’article 21 du règlement communautaire sur les fusions - pour contrer l’ingérence injustifiée des autorités nationales en matière de restructuration des entreprises. Elle a pour tâche d’appliquer ces règles le cas échéant.

En sa qualité de gardienne du traité CE et d’institution responsable du contrôle des fusions au niveau européen au regard de la concurrence, la Commission est déterminée à veiller à ce que les entreprises puissent effectivement tirer profit des avantages du marché intérieur communautaire. C’est pourquoi l’application de ces dispositions est et restera l’une de ses grandes priorités.

 
  
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  Klaus-Heiner Lehne, au nom du groupe PPE-DE. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le marché intérieur est actuellement mis à l’épreuve. Dans le domaine de l’énergie, on pourrait même dire qu’il est menacé. La promotion de champions nationaux donne naissance à des monopoles nationaux, ce qui signifie qu’il n’y a pas de concurrence, mais aussi qu’il n’y a pas de concurrence sur le marché intérieur européen. Un tel scénario est dommageable pour les consommateurs.

Les entreprises énergétiques européennes sont en outre confrontées au problème suivant: si elles ne sont pas compétitives en Europe, elles ne le seront plus non plus sur la scène internationale à l’avenir. Ce qui, évidemment, détériore la situation de l’Europe. Soit dit en passant, cela détériore également la situation pour toutes les autres entreprises, puisqu’elles sont contraintes de payer le prix fort pour leur énergie et sont dès lors défavorisées en termes de compétitivité internationale.

Bien que je soutienne explicitement les efforts de la Commission et, notamment, de la commissaire sur ce dossier, je pense que les options de la Commission sont simplement limitées. Elle tente de présenter des instruments de droit de la concurrence, mais la fameuse règle des deux tiers du droit des fusions s’applique presque toujours dans le domaine de l’énergie, en particulier - et, dès lors, la marge de manœuvre de la Commission est infime.

Je crois savoir que la commissaire Kroes envisage de changer cela, mais pour ce faire, elle aurait besoin de l’unanimité au sein du Conseil, et je ne crois pas qu’une telle unanimité soit possible dans la situation actuelle. C’est pourquoi il est vital que le Conseil se penche également sur ce problème. On peut espérer que les gouvernements respectent non seulement l’esprit mais aussi la lettre des Traités et du droit européen. En fin de compte, nous souhaitons voir créer un marché intérieur, notamment dans le domaine de l’énergie. C’est la raison pour laquelle j’espère que le Conseil sera associé à ce débat.

Je voudrais faire une remarque sur le droit des acquisitions: ces derniers jours, les journaux ont prétendu que le droit européen en matière d’acquisitions encourageait cette évolution. Cela me paraît déplacé. On peut certes s’attendre à ce que les États membres transposent le droit des acquisitions, mais c’est une question de relations entre les entreprises qui n’a rien à voir avec l’exercice de la moindre influence politique. L’exercice de l’influence politique n’est pas couvert par les décisions prises dans le cadre du droit des acquisitions à l’échelon européen, il convient de l’éviter et de le prévenir. Il est essentiel que cette question soit débattue ouvertement au Conseil et qu’un appel soit lancé à l’adresse de tous les responsables au sein du Conseil.

 
  
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  Ieke van den Burg, au nom du groupe PSE. - (EN) Monsieur le Président, imaginez que le week-end prochain, le président Barroso convoque une conférence de presse pour annoncer la fusion d’Euronet, de la Deutsche Börse et du London Stock Exchange. Serait-ce un rêve ou un cauchemar? J’aurais tendance à dire ni l’un ni l’autre, mais je me rends tout simplement compte que cette fusion est relativement improbable.

Quoi qu’il en soit, le message de mon groupe est qu’il ne faut pas que le président Barroso, la commissaire et leurs collègues soient pris au dépourvu dans la situation où nous nous trouvons, avec les fusions, les acquisitions et l’évolution des marchés financiers, de l’énergie et d’autres secteurs; secteurs qui sont tous très importants pour l’économie européenne.

En tant que sociaux démocrates, nous sommes toujours d’avis que l’État doit jouer un rôle de médiateur dans l’économie, d’organe de contrôle et de défenseur de l’intérêt public. Je ne dis pas que nous, les responsables politiques, devons assumer le premier rôle et jouer aux vedettes lors des conférences de presse, mais nous devons exercer un rôle dans la diplomatie silencieuse et dans l’instauration des conditions nécessaires à un dialogue avec les entreprises. Nous ne devons pas seulement nous fonder sur ce qui s’est passé, mais également anticiper ce qui va arriver.

C’est pourquoi je n’aime pas votre approche, Madame la Commissaire, qui n’est autre que négative et tente d’empêcher les autorités d’intervenir dans l’évolution des entreprises. J’estime qu’il faut adopter une approche dynamique et je mentionnerai trois points dont nous devrions débattre en profondeur en Europe.

Le premier est la politique industrielle. J’ai été extrêmement ravie de certaines des remarques du commissaire Verheugen ce matin, qui avaient davantage trait à la politique industrielle.

Le deuxième - qui a également été évoqué par Mme Lehne - concerne l’évolution des rachats et notre façon de les organiser. Nous avons besoin d’un débat sur ce point, pas uniquement sur la démocratie des actionnaires, que le Financial Times et The Economist préconisent, mais aussi sur d’autres aspects.

Le troisième concerne l’approche européenne par opposition à l’approche nationale.

 
  
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  Vittorio Prodi, au nom du groupe ALDE. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous sommes face à une situation capitale pour l’Europe: les États membres restent attachés à la perception d’une dimension nationale qu’ils perçoivent encore comme prédominante en toutes circonstances, mais nous oublions qu’un changement de dimension s’est produit et que nous devons progresser consciemment sur la voie d’une dimension continentale, conscients que nous avançons dans cette direction et sachant également de quelle façon gérer ce changement.

C’est pourquoi je ne comprends pas les problèmes qui ont été soulevés, par exemple au sujet des fusions bancaires en Pologne; en Italie, nous avons accepté une acquisition de la Banca Nazionale del Lavoro pour cette même raison. Je soupçonne un conflit d’intérêts derrière ces problèmes, car très souvent, ces sociétés sont détenues entièrement ou, à tout le moins, majoritairement par l’État.

Il s’agit d’un conflit d’intérêts entre l’intérêt politique immédiat et l’intérêt à long terme, non seulement des consommateurs, mais aussi de l’efficacité générale du système européen. C’est aussi ce qui s’est produit dans le cas d’Enel et de Suez, où un sérieux conflit d’intérêts s’est fait jour entre la nécessité de rationaliser nos sociétés pour leur permettre d’être compétitives sur la scène internationale et la nécessité d’éviter de les gêner sur le très court terme.

Je voudrais également que l’environnement concurrentiel soit organisé; c’est un point que nous avons discuté ce matin avec la commissaire Kroes, que je remercie de son empressement à agir en matière de concurrence énergétique. Il nous faut créer des réseaux de gaz et d’électricité à un échelon entièrement européen. Telle est notre mission, et j’en appelle à une action rapide afin de nous en acquitter.

 
  
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  Claude Turmes, au nom du groupe des Verts/ALE. - (EN) Monsieur le Président, je comprends tout à fait la colère de l’Italie et de l’Espagne face à ce que j’appellerais l’impérialisme énergétique franco-allemand en Europe. Ce sont les économies allemande et française qui en font les plus gros frais. L’Autriche bénéficie de prix de l’électricité et du gaz inférieurs de 20 % à ceux de l’Allemagne parce que les frais de son réseau sont moins élevés et que son marché est plus concurrentiel que celui de l’Allemagne.

La réponse aux événements de ces dernières semaines, Madame Kroes et Monsieur Barroso, ne consiste pas à créer des champions européens. Des champions européens de l’énergie soutireraient encore plus d’argent à ce secteur de taille et aux consommateurs, ainsi qu’à nous en tant que citoyens, pour le remettre aux actionnaires. La seule réponse consiste par conséquent à instaurer des marchés compétitifs, surveillés par des organes de contrôle puissants et indépendants et de puissantes autorités de la concurrence et à procéder à la scission complète des structures de participation.

 
  
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  Roberto Musacchio, au nom du groupe GUE/NGL. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous avons toujours déclaré que l’énergie et l’Europe avaient besoin non pas d’une approche «laissez-faire» mais plutôt de politiques pertinentes faisant l’objet d’un consensus. J’en veux pour preuve les événements actuels: l’Europe a les plus grandes difficultés à mettre au point une politique énergétique innovante qui soit à la hauteur des problèmes soulevés par le protocole de Kyoto et des exigences d’une évolution d’un genre nouveau et différent.

Le monde est le théâtre de guerres tragiques menées pour s’approprier les ressources pétrolières, et ces conflits arrivent à présent en Europe: il va sans dire que la solution ne réside pas dans le protectionnisme, mais plutôt dans une utilisation plus équitable de l’énergie disponible et la promotion des économies d’énergie et des énergies renouvelables. Je réitère notre ferme opposition aux sources d’énergie dangereuses telles que le nucléaire.

Il nous faut instaurer des modèles économiques et sociaux qui ne soient pas «énergivores», et renforcer la coopération avec les autres continents. Comme on peut le voir, cela n’a rien à voir avec une éventuelle entrée dans des guerres commerciales sans rapport avec notre avenir. Tout ramener à des marchandises et au commerce est une grave erreur. Ni laissez-faire ni protectionnisme, mais une politique énergétique différente et partagée, une politique de solidarité pour l’Europe et le monde - tel doit être notre rôle!

 
  
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  Adam Jerzy Bielan, au nom du groupe UEN. - (PL) Monsieur le Président, je voudrais parler de la fusion de deux groupes bancaires: UniCredito Italiano et HVB, un sujet qui a fait l’objet d’une vive controverse en Pologne.

En 1999, UniCredito a acquis une participation majoritaire dans Pekao S.A., l’une des plus grandes banques de Pologne. Une décision éminemment profitable, comme il devait s’avérer. Sept ans plus tard, les actions ont quadruplé de valeur. Lorsqu’ils ont acheté la banque polonaise, les Italiens ont toutefois dû accepter de ne jamais investir de capitaux dans une société concurrente de cette banque en Pologne. L’acquisition de HVB comme, du reste, d’une autre banque polonaise, BPH, est dès lors une violation patente de l’accord de privatisation. Les autorités polonaises sont dès lors tenues de bloquer cette fusion et de faire appliquer les termes de l’accord.

Il convient de souligner que dans ce différend, les autorités polonaises ne tentent nullement d’empêcher une instance étrangère de prendre le contrôle d’une société nationale, comme cela a été le cas récemment en France, en Espagne ou en Italie. Les accusations de protectionnisme lancées à l’encontre du gouvernement polonais sont dès lors parfaitement injustifiées en l’occurrence. Rappelons-nous également que si la Commission européenne contrôle les acquisitions à l’échelon communautaire, les obligations résultant des accords et le contrôle des banques relèvent de la compétence des gouvernements nationaux.

C’est pourquoi j’espère que la Commission européenne tiendra compte de ces arguments et que la Pologne cessera d’être la cible d’un déluge de menaces à ce sujet.

 
  
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  Antonio Tajani (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l’unification des marchés est un objectif fondamental de l’Union, mais c’est bien plus encore: le marché est l’un des piliers sur lesquels s’est appuyé - et continue de s’appuyer - tout le processus d’intégration européenne.

Un vrai marché requiert premièrement que les capitaux puissent circuler librement et être investis là où ils rapportent le plus. Deuxièmement, il nécessite que les entreprises aient une dimension transfrontalière et soient à même de s’installer partout où les intérêts de leur compétitivité l’exigent, par le biais de fusions et d’acquisitions, qui peuvent même être hostiles. Le marché ne tolère pas l’abus d’une position dominante qui entrave la libre concurrence. Un marché ouvert et parfaitement opérationnel est essentiel pour la compétitivité européenne sur les marchés internationaux.

Le protectionnisme a l’effet inverse, comme nous avons pu le voir ces derniers mois, avec des États qui s’opposent aux OPA, aux fusions ou aux acquisitions transfrontalières afin de protéger des intérêts nationaux stratégiques. Le protectionnisme sert réellement à défendre les sociétés faibles et inefficaces ou à créer artificiellement des champions nationaux. Les dommages causés sont importants pour les clients, qui sont incapables d’obtenir des produits et services au meilleur prix, et ils sont un problème sérieux pour une société contrainte de supporter les coûts d’entreprises non concurrentielles. En outre, le protectionnisme est par nature incapable de garantir aux travailleurs des perspectives d’emploi sûres et durables. Le protectionnisme revient à passer la marche arrière pour l’Europe.

Pour fonctionner correctement, le marché doit être efficace et éviter les distorsions. Tous doivent respecter les règles: nous ne pouvons accepter de subir la concurrence déloyale des États et des sociétés qui, d’un côté, se protègent et, de l’autre, exploitent la franche ouverture dont font preuve les autres.

C’est pourquoi nous invitons la Commission européenne à prendre des mesures strictes afin de garantir la libre circulation des capitaux et la libre concurrence. Nous sommes dès lors heureux d’entendre les commentaires que Mme Kroes a faits devant le Parlement. Avoir le courage de prendre cette décision implique que l’on soit un Européen dévoué: la compétitivité, la croissance et le bien-être des citoyens, sur la base d’un marché intégré, sont essentiels pour préparer l’introduction de la Constitution européenne.

 
  
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  Pervenche Berès (PSE). - Monsieur le Président, Madame la Commissaire, vous souhaitez un bon fonctionnement du marché. Dans ce cas, il faut que vous renonciez à ce libéralisme frénétique que vous nous proposez et qui, manifestement, ne remplit pas ses objectifs. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une stratégie des fusions qui fonctionne certes, mais qui s’appuie aussi sur une stratégie de politique industrielle bien régulée, qui s’appuie aussi sur des stratégies d’entreprise respectueuses d’objectifs en termes d’environnement et de normes sociales.

Je crois que le Président du Conseil a eu raison de dire qu’il fallait aussi intégrer des objectifs à moyen et à long terme, qu’un libéralisme sans retenue ne peut pas remplir. De plus, si l’on veut que la directive OPA fonctionne bien, elle renvoie beaucoup aux États membres. Eh bien, nous devrons aussi, peut-être, envisager sa révision - c’est inscrit dans le texte -, de façon telle que le pouvoir des actionnaires ne soit pas ce pouvoir aveugle qui, sans tenir compte d’aucun intérêt, ni de l’État dans lequel il intervient, ni de la stratégie industrielle à l’œuvre, ni de l’intérêt des salariés, peut, ici ou là, défaire des entreprises qui, au cours des années, ont accumulé un savoir-faire et une stratégie d’entreprise qui peuvent aussi être mis au service d’une politique industrielle européenne.

(Applaudissements à gauche)

 
  
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  Umberto Pirilli (UEN). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous sommes face à deux fusions éventuelles. La première, entre Gaz de France et Suez, est indésirable, car elle crée un monopole énergétique dans le secteur belge du gaz et de l’électricité et ferme le marché français à la concurrence. La seconde, par contre, entre Enel et Suez, pourrait donner lieu à une diversification du marché franco-belge de l’énergie.

Le principe de réciprocité dans les relations entre les pays européens dans le secteur énergétique semble essentiel à un marché européen de l’énergie profitable pour le consommateur et à une politique européenne commune dans le secteur énergétique.

En Italie, la voie a été largement dégagée pour les entreprises énergétiques étrangères grâce à des politiques de privatisation et de libéralisation. Cela s’est également produit dans d’autres pays européens. La violation du principe de réciprocité commise ici par la France ne peut être justifiée par un besoin de garantir un secteur énergétique autonome au moyen de champions nationaux, elle est plutôt l’expression d’une politique excessivement nationaliste. La France a déjà ses champions nationaux de l’énergie: elle n’a nul besoin d’en créer de nouveaux.

La fusion entre Gaz de France et Suez, qui contrôle l’entreprise belge Electrabel, risque sérieusement d’encourager les tendances protectionnistes, non seulement dans le secteur de l’énergie, mais aussi dans d’autres secteurs industriels, financiers et tertiaires.

Dans d’autres cas, la Commission européenne a appliqué strictement ses instruments anti-trust pour éviter le développement de positions dominantes et les représailles de la concurrence internationale. Cela s’est produit récemment dans les affaires ABN-AMRO/Banca Antonveneta et BBVA/Banca Nazionale del Lavoro, qui semble désormais pencher en faveur de BNP Paribas, une banque française.

Il faut espérer que la Commission mettra la même sévérité à assurer la libre circulation des capitaux, parce que même dans ces circonstances le principe doit valoir pour tous - nous ne pouvons en effet tolérer que certains pays d’Europe soient plus égaux que d’autres.

 
  
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  Cristóbal Montoro Romero (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, nous tenons le débat de cet après-midi dans le contexte d’événements extrêmement sérieux survenus dans les marchés de l’énergie, essentiellement le gaz et l’électricité. On voit les gouvernements lancer - comme en Espagne - ou bloquer - comme en France - des OPA. Tout cela est erroné, et contraire à l’esprit de l’Union européenne.

Nous entendons les arguments politiques d’éminents politiciens de pays européens importants qui n’hésitent aucunement à contester les principes fondamentaux de l’Union européenne: la libre circulation des capitaux et la libre concurrence sur les marchés. Ces arguments sont notamment ceux prononcés ces derniers jours par des ministres qui semblent parler de planification: la forme de planification économique la plus archaïque et la plus ratée qui soit. Ils sont ravis de parler de protectionnisme, de patriotisme économique, de nationalisme. Bref, ils utilisent les pires arguments populistes.

Au vu de cela, nous devons nous engager pleinement en faveur de la construction européenne, ce qui implique la libre intégration des marchés, en reconnaissant qu’il y a des asymétries dans ces marchés. Bien sûr qu’il y a des asymétries! On a rarement vu des cas d’intégration économique dépourvus d’asymétrie. Mais malgré cela, nous sommes là, nous sommes parvenus jusqu’ici, et ces positions politiques ne font qu’ajouter des nouveaux problèmes et difficultés à ceux que nous avons déjà dû résoudre.

Nous parlons de secteurs stratégiques, mais les communications, les transports et la finance ne sont pas moins stratégiques. Face à ces tentations nationalistes, nous voudrions inviter la Commission à faire de l’objectif et de l’idéal de l’intégration européenne sa priorité et, face à cette attitude populiste et isolationniste, à se consacrer à l’objectif consistant à créer un marché unique. En bref, nous invitons la Commission à faire son devoir de gardienne des Traités et à promouvoir d’authentiques politiques de développement et de l’emploi pour tous les citoyens européens.

(Applaudissements à droite)

 
  
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  Pier Luigi Bersani (PSE). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le processus de concentration industrielle et financière peut renforcer l’Union européenne sur la scène mondiale.

Dans certains cas et pour certaines phases, ce processus peut être utilement mis en œuvre par des moyens nationaux, mais trop souvent, ceux-ci sont sur la défensive et risquent de provoquer une dangereuse spirale de protectionnisme qu’il faut absolument stopper. Nous devons faire avancer le cadre juridique et promouvoir une plus grande convergence des législations nationales régissant les fusions et les acquisitions, sans quoi la course aux clauses de réciprocité ensevelira tous ces pays sous un surcroît de législation fermée et protectrice.

Enfin, nous aurons inévitablement des structures oligopolistiques dans certains secteurs, par exemple dans le secteur énergétique. Ces structures ne doivent pas être collusoires ou défavorables aux consommateurs, pas plus que le contrôle public de certaines sociétés ne doit faciliter l’abus de marché. En conclusion, il faut que l’autorité réglementaire soit renforcée et intégrée, que la législation anti-trust soit renforcée et, dans l’immédiat, la Commission doit faire preuve d’une attitude plus active et efficace.

 
  
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  Ivo Belet (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, vous savez que les yeux de très nombreux Belges sont posés sur vous en ce moment. Beaucoup s’attendent à ce que vous signifiiez aux groupes français Suez et Gaz de France qui ont récemment fusionné, et ce en des termes clairs, que leur position sur un marché aussi petit que le marché belge est un monopole intenable. Je sais que vos services n’ont pas été informés officiellement de la fusion, mais nous ne pensons pas que pour autant, vous ne puissiez à ce stade envoyer un message clair affirmant que les situations de ce genre contreviennent au droit européen, parce que le nouveau groupe issu de la fusion fournira pas moins de 90 % du gaz distribué en Belgique. J’espère que vous pourrez nous confirmer qu’une société jouissant d’une telle concentration du marché se verra contrainte de céder une part substantielle de ses activités.

Madame la Commissaire Kroes, vous êtes la seule garantie qu’ont les usagers - et je veux parler des particuliers comme des entreprises - qu’ils ne devront pas payer à l’avenir un prix inadmissible pour leur gaz et leur électricité. Vous avez également le pouvoir de restaurer la confiance de la population à l’égard de l’Europe, à tout le moins dans une certaine mesure. Pour ce faire, vous pouvez signifier à ces mastodontes industriels qu’ils tirent profit de la libéralisation, que ce qu’ils font est illégal et contraire aux règles en matière de concurrence.

Vous avez également déclaré que bientôt, vous présenterez de nouvelles propositions afin de mettre un terme à la concentration du pouvoir dans la distribution de l’énergie. Je voudrais savoir si vous pouvez confirmer entendre par là que les principaux producteurs devront renoncer à leur capacité de blocage dans les sociétés de distribution.

Je voudrais terminer, Madame la Commissaire, en disant que vous pouvez entrer dans l’histoire en faisant sentir votre poigne et en expliquant clairement que les autorités européennes ne craignent pas ces monstres nés des fusions. Vous avez la réputation d’être une dure à cuire, et nous apprécierions que, dans les semaines à venir, vous nous donniez des raisons de croire que cette réputation est méritée.

 
  
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  Antolín Sánchez Presedo (PSE). - (ES) Monsieur le Président, je partage l’opinion de la commissaire, selon qui cela n’a aucun sens de parler de champions nationaux et de géants continentaux et l’approche adoptée dans le droit de la concurrence consiste à décider au cas par cas.

La politique de la concurrence est essentielle, mais elle ne résout pas tout dans le domaine de l’énergie, pas plus que la politique du marché intérieur. Parler d’énergie, c’est parler de sécurité et d’intérêts généraux. L’énergie est vitale et elle relève essentiellement des compétences actuelles des États membres.

Il existe actuellement 25 marchés énergétiques avec de profondes disparités, des asymétries réglementaires et des opérateurs qui travaillent selon différentes options stratégiques et des engagements de politique étrangère.

Nous avons besoin d’un système homogénéisé aux conditions de jeu harmonisées. Les grands opérateurs ne peuvent imposer ou prédéterminer ces conditions. Un marché européen de l’énergie, avec des services énergétiques européens, ne se créera pas seul, mais il résultera de la méthode européenne, de l’engagement et de l’action communs. À cette fin, l’Europe a besoin d’un programme et d’un leadership.

Les socialistes sont partisans d’une politique énergétique européenne, comme prévu, pour la première fois, dans la Constitution européenne. Plutôt que des reproches condamnant le patriotisme, ce qu’il nous faut c’est une action intelligente en faveur de l’européanisme.

 
  
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  Iles Braghetto (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, ces dernières semaines, la délégation UDC-SVP italienne a posé une question écrite à la Commission afin de souligner les contradictions d’une politique énergétique européenne apparemment en crise.

La décision du gouvernement français de créer un nouveau géant de l’énergie en enfreignant les principes du marché européen aura des conséquences négatives. La fusion entre les sociétés Suez et Gaz de France risque de dresser les États membres les uns contre les autres au moment même où l’Europe s’apprête à se lancer dans une libéralisation à 100 % du marché de l’énergie. Cette initiative politique fait un pied de nez à tous les projets de transparence et de libre concurrence et substitue le droit aux luttes financières qui devraient faire partie intégrante du marché unique.

En outre, l’adoption par la France de la directive sur les OPA, que l’Assemblée nationale, après un long silence, réexaminera demain, a de quoi inquiéter. Un tel projet de loi pourrait faire obstacle aux transactions de capital éventuelles de Suez en accordant trop de pouvoirs aux sociétés qui font l’objet d’une OPA. Confrontés à une telle anomalie, nous n’avions d’autre choix que de prendre nos responsabilités et de soulever le problème en nous demandant quel genre de politique énergétique notre Europe entend poursuivre.

Nous voudrions exprimer clairement devant cette Assemblée, Monsieur le Président, notre crainte d’une dérive dangereuse vers une Europe de nations opposées aux idéaux et à l’esprit des Traités et à l’esprit et aux valeurs que nous ont transmis Alcide De Gasperi, Konrad Adenauer, Robert Schumann et Jean Monnet.

Une Europe qui s’est dotée d’une devise unique, qui tente d’harmoniser ses lois, ses normes, ses règlements et ses institutions, qui a créé une banque centrale et établi l’espace Schengen, ne peut se réduire à un jeu dans lequel les intérêts nationaux prévalent sur les intérêts communautaires et où la politique se substitue rapidement au marché.

La perspective d’un contexte industriel paneuropéen, relancée par le président Barroso avec l’adoption du livre vert sur l’énergie, nous rend enfin espoir. Les principaux objectifs de la Commission au cours des prochains mois doivent être de créer des marchés ouverts profitables pour le consommateur et de se concentrer sur des politiques européennes globales nous prémunissant des protectionnismes nationaux.

 
  
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  Manuel Medina Ortega (PSE). - (ES) Monsieur le Président, lorsque j’entends les membres de ce Parlement traiter le principe de la libre circulation des capitaux comme un élément sacro-saint, en omettant les objectifs sociaux définis dans le Traité, tels que l’emploi, la promotion d’une économie équilibrée ou le maintien de la solidarité et de la cohérence, j’ai l’impression que certains membres de ce Parlement n’ont pas lu les Traités de l’Union européenne.

Concernant les OPA, en général, nous devons tenir compte, par exemple, des intérêts des travailleurs, qui sont reconnus dans la directive sur les OPA et, deuxièmement, nous devons tenir compte des obligations de service public.

Comme M. Turmes l’a dit tout à l’heure, les grandes multinationales exigent aujourd’hui de leurs clients des montants plus importants dans certains pays que dans d’autres où cette libre circulation n’existe pas. Ceux d’entre nous qui viennent de régions insulaires périphériques se demandent qui va payer les coûts supplémentaires qui seront créés pour les régions en déficit.

Enfin, je voudrais souligner qu’il n’est pas vrai que la directive sur les OPA ne prévoit pas les interventions politiques: l’article 4, paragraphe 5, prévoit l’adoption de mesures exceptionnelles en fonction des circonstances nationales. Les législateurs de l’Union européenne devront en tenir compte.

 
  
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  José Manuel García-Margallo y Marfil (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, je vais faire référence à mon compatriote M. Sánchez Presedo et parler des OPA - au pluriel - lancées sur la société Endesa.

Qu’a fait le gouvernement socialiste espagnol en l’occurrence? Premièrement, il a systématiquement occupé tous les organes réglementaires et le tribunal de la concurrence. Pour la première fois dans l’histoire de la démocratie espagnole, tous trois sont présidés par des personnes aux affinités politiques bien connues.

Deuxièmement, il a ouvertement soutenu une OPA donnée pour Endesa, à tel point que le Conseil de ministres l’a approuvée contrairement à l’avis du tribunal de la concurrence.

Troisièmement, il a dressé un mur − répété aujourd’hui par le ministre de l’économie et le ministre de l’industrie − pour éviter toute OPA d’une autre entreprise communautaire.

Répondant au «ils ne passeront pas» lancé par le Premier ministre, le ministre de l’industrie a déployé toutes ses «armes de destruction massive» au point de changer les règles du jeu en milieu de partie − soit dit en passant, elles ont dû être rectifiées au stade intermédiaire entre le Cabinet et le Bulletin officiel de l’État −, faisant de l’Espagne une espèce de république bananière où la sécurité juridique est foulée aux pieds.

Si nous voulons parler de patriotisme économique, ce dont l’Espagne a besoin pour continuer de croître et de créer de l’emploi, c’est d’un renforcement de la concurrence, et non d’un renforcement du protectionnisme, d’un renforcement du libéralisme et non d’une ingérence ou d’un ergotage politiques, d’un accroissement de la sécurité énergétique, ce qui implique l’intégration dans l’Europe, plutôt que d’une volonté de rester une île en matière d’énergie.

Je demanderais à la Commission, premièrement, de dissiper les doutes politiques entourant ces opérations. Dès que l’OPA a été lancée, j’ai demandé à la commissaire de chercher une solution à ce problème, car je l’ai avertie des risques politiques impliqués dans cette offre. Elle n’a pas voulu le faire, et c’est ce qui nous amène ici aujourd’hui.

Deuxièmement, je demanderais que soit garantie l’application des règles de concurrence telles qu’elles sont définies. Troisièmement, comme elle l’a dit, je plaiderais en faveur de l’intégration dans un marché commun, seul moyen d’assurer la suffisance énergétique et une énergie bon marché, ainsi que dans un marché intérieur, ce à quoi nous aspirons. C’est là un patriotisme espagnol et un patriotisme européen.

 
  
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  Andrzej Jan Szejna (PSE). - (PL) Monsieur le Président, le droit communautaire régit les fusions et les acquisitions sur le marché intérieur en créant une politique de la concurrence qui constitue non seulement l’une des principales politiques communautaires mais aussi l’une des plus anciennes. Elle est censée garantir l’élimination des obstacles au commerce intérieur au sein du marché unique et garantir qu’ils ne soient pas remplacés par d’autres actions des entreprises ou des gouvernements qui risqueraient de perturber la concurrence.

Malheureusement, de récents événements ont montré que, dans certains États membres, des actions protectionnistes et bornées sont mises en œuvre. Cela vaut pour la société allemande E.ON, qui tente d’acquérir l’entreprise espagnole Endesa, pour la fusion du géant français du gaz Gaz de France avec Suez, le groupe pétrolier et énergétique multinational basé en Italie, et pour le récent blocage, par le gouvernement polonais, de la fusion impliquant les banques Pekao S.A. et BPH, laquelle est née d’une fusion entre l’allemand HVB Group et l’italien UniCredito.

L’opposition du gouvernement polonais s’appuie sur une base juridique douteuse au regard du droit communautaire et montre la Pologne sous un jour négatif à l’égard des investisseurs étrangers. Malheureusement, cette affaire est également devenue une arme aux mains du gouvernement de droite dans la lutte qu’il mène contre l’indépendance de la Banque nationale polonaise, qui est aussi la Banque centrale.

 
  
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  Alexander Radwan (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, saviez-vous que le yoghourt est une question d’intérêt national? C’est en tout cas l’argument avancé par un grand État membre fondateur en réponse à la question de savoir si un rachat de Danone était acceptable, même si la société réalise essentiellement son chiffre d’affaires et ses bénéfices à l’étranger.

Le présent débat est ahurissant. Tous sont d’accord pour que les entreprises de leur pays fassent leur shopping librement à travers l’Europe et le monde - mais pas dans leur propre pays. Je n’ai entendu personne, en Espagne, se plaindre lorsque la société espagnole Telefónica a repris l’entreprise germano-britannique O2 ou quand Banco de Santander a acquis un grand prestataire britannique de services financiers. Je n’ai vu personne s’agiter en voyant la France chercher à racheter une banque italienne, ou Électricité de France acquérir des parts dans Energie Baden-Württemberg AG, ou UniCredito en Italie racheter Hypo-Vereinsbank, alors qu’ABN AMRO a eu des problèmes lorsqu’elle a voulu poser un acte similaire en Italie.

On assiste ici à une belle démonstration d’hypocrisie de la part des États membres et du Conseil. Ils ferment la porte derrière eux et cherchent à faire des affaires ailleurs, affaiblissant du même coup l’économie européenne. Nous sommes aux prises avec un malentendu si nous pensons que les objectifs de Lisbonne pourront être réalisés et que nous pourrons devenir plus forts grâce au protectionnisme national, alors que nous ne pouvons même pas faire face à la concurrence dans notre propre domaine. Nous avons besoin d’entreprises fortes, mais aussi d’entreprises qui se rendent dans d’autres pays et y introduisent davantage de concurrence.

La Commission doit relever des défis à deux niveaux. Elle doit examiner chaque cas soigneusement et répondre aux questions suivantes. La fusion profite-t-elle aux consommateurs? Renforce-t-elle la concurrence? Telle est la mission réelle de la Commission en matière d’évaluation, et la réponse est souvent «oui», parfois «non». La Commission doit se montrer ferme à l’égard du Conseil, car la certitude que les États membres et le Conseil pensent en termes d’approche européenne et de marché intérieur a souffert cruellement ces dernières années.

 
  
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  Elisa Ferreira (PSE). - (PT) L’initiative de la Commission de revoir le règlement sur les fusions est la bienvenue. La législation est devenue inefficace, comme en témoignent des décisions judiciaires déséquilibrées et économiquement intenables en ce qui concerne les marchés de l’énergie portugais et espagnol.

La récente résurgence de grands opérateurs en Europe exacerbe les problèmes réglementaires, en particulier dans les petits pays aux ressources plus fragiles. Des biens et des services essentiels qui devraient être offerts universellement au prix le plus bas possible sont aujourd’hui proposés par des entreprises privées à la tête de monopoles ou d’oligopoles. Lorsque les imperfections du marché deviennent la règle et non l’exception, les objectifs que la concurrence devrait pouvoir produire deviennent irréalisables, et c’est notamment dans ce domaine que le rôle de la réglementation est essentiel.

Madame la Commissaire, l’évaluation législative en cours répondra-t-elle à certaines de ces questions? Comment la Commission envisage-t-elle de réguler le pouvoir des oligopoles européens? L’Europe peut-elle vivre sans mener une réflexion approfondie sur la politique industrielle et les services d’intérêt économique général?

Je vous remercie à l’avance de répondre à ces questions.

 
  
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  Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce que j’ai dit au début. J’ai exprimé clairement mon soutien, au nom du Conseil, en faveur de la concurrence dans l’intérêt des consommateurs. Au début du débat, M. Lehne a demandé que le Conseil se penche sur cette question. M. Radwan a lancé un appel similaire au Conseil. Tout ce que je puis dire, c’est que si un effort est requis du Conseil et que nous avons la compétence et l’autorité, il va sans dire que nous prendrons des mesures, et nous le ferons dans le respect des dispositions concernées des Traités.

Je voudrais profiter de cette occasion, si vous me le permettez, pour faire un peu de publicité personnelle. Je voudrais attirer l’attention de l’Assemblée sur un événement organisé conjointement par les présidences autrichienne et finlandaise du Conseil, qui pourrait intéresser les députés présents. Dans le cadre de la désormais traditionnelle Journée européenne de la concurrence, l’Autriche et la Finlande, les deux présidences du Conseil successives en 2006, organisent à Vienne le 19 juin prochain une manifestation intitulée «Competition law and its surroundings - links and new trends» (Droit de la concurrence et son environnement - Liens et nouvelles tendances).

Cet événement portera essentiellement sur les tendances actuelles dans les fusions et le contrôle des fusions. Sous l’intitulé «Do mergers keep what they promise?» (Les fusions tiennent-elles leurs promesses?), la question de savoir dans quelle mesure le règlement sur les fusions a instauré une nouvelle approche sera débattue sur la base d’exemples de fusion et de la situation dans une économie de transition. Nous aurons le plaisir d’accueillir à cet événement la commissaire Kroes ainsi que Martin Bartenstein, le ministre fédéral autrichien des affaires économiques et du travail. J’imagine que cela devrait susciter quelque intérêt.

 
  
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  Neelie Kroes, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, je me félicite de l’initiative prise par la présidence autrichienne d’organiser, avec la collaboration de la prochaine présidence finlandaise, une journée très importante en juin: la Journée de la concurrence. Par rapport à d’autres questions, je suis impressionnée par le degré de priorité accordé aux PME. L’approche adoptée en la matière est vraiment un grand pas en avant. La présidence a non seulement respecté un calendrier, mais s’est en outre montrée très pragmatique dans sa recherche de solutions. Nous sommes conscients que ce ne sont pas seulement les députés du Parlement européen qui s’intéressent à la question, mais d’autres également, surtout les PME elles-mêmes.

Je suis très reconnaissante à tous les députés qui, dans leurs interventions, ont soutenu assez clairement la politique de la Commission. Je note également que tout le monde n’est pas d’accord sur la politique à suivre. Toutefois, j’espère sincèrement que nous sommes tous conscients que l’ouverture et la compétitivité des marchés sont des moteurs clés de la croissance et de l’emploi en Europe. Il a été évoqué à juste titre que c’est ce que nous avons promis d’apporter dans l’Agenda de Lisbonne: plus d’emplois, de meilleure qualité, et la croissance économique.

Comme nombre d’entre vous l’ont reconnu, le marché intérieur a un énorme potentiel. Nous devons permettre à nos entreprises et nos secteurs de l’exploiter pleinement. C’est ce qui a été décidé. Cela implique d’ailleurs la restructuration des entreprises. Il semble prometteur, et il ne s’agit pas uniquement de se concentrer sur le marché intérieur en lui-même, mais également sur sa position en dehors de l’Europe, car nous devons avoir conscience de la compétitivité internationale. Si nous affirmons sérieusement vouloir jouer ce jeu, nous devons prendre conscience de la nécessité de restructurer dans certaines circonstances.

S’il convient d’évaluer les effets des diverses fusions au cas par cas sur la base des règles en matière de concurrence - cela ne fait aucun doute -, les fusions entre des sociétés basées dans différents États membres sont susceptibles de renforcer la concurrence, ce qui apportera des avantages concrets aux consommateurs européens, à savoir des prix moins élevés et un plus grand choix. C’est pour cette raison que la Commission examinera très attentivement toute ingérence injustifiée des gouvernements nationaux en la matière.

Concernant la libre circulation des capitaux, évoquée à juste titre par plusieurs députés, la Commission fera respecter les règles du marché unique, conformément à vos attentes à son égard. Nous serons fermes envers les États membres qui n’appliquent pas correctement les dispositions de la législation communautaire sectorielle qui prévoient la concurrence dans les marchés tels que ceux de l’énergie, des télécommunications, des services financiers ou bancaire. Concernant les fusions, nous ferons respecter le règlement sur les fusions avec équité, objectivité et cohérence. Vous vous souviendrez que, selon ce règlement, la Commission dispose de compétences exclusives pour contrôler les effets des concentrations de dimension communautaire sur la concurrence.

Je prends soigneusement note des préoccupations exprimées dans cet hémicycle sur des cas de fusion spécifiques dans le secteur de l’énergie. Je ne dispose d’aucune information à ce stade et ne peux donc en débattre. Je le répète: nous contrôlons les fusions au regard de la concurrence uniquement, et c’est le principe sur lequel s’appuie la Cour pour examiner nos décisions. Comme vous le savez, l’article 21 du règlement sur les fusions nous permet également d’agir en cas d’ingérence non justifiée des autorités nationales dans la restructuration des entreprises. J’ajouterais que je n’hésiterai pas à recourir à cet article chaque fois que c’est nécessaire.

À la question de savoir si la règle des deux tiers en cas de fusion, évoquée par plusieurs députés, sera modifiée, la répartition des compétences en raison de cette règle risque de rendre l’approche à l’égard de fusions fortement semblables incohérente. C’est élémentaire. Je pense que cette règle est particulièrement inadaptée dans le secteur de l’énergie, pour lequel on élabore actuellement une politique communautaire de libéralisation - qui n’est pas encore prête, mais est en cours d’élaboration -, et dans lequel les différents acteurs doivent bénéficier de l’égalité de traitement sur tout le territoire de l’Union. Donc, pas de différence de traitement d’un État membre à l’autre.

Quoi qu’il en soit, la Commission n’est encore qu’au tout début de ses réflexions. La première étape consiste en une consultation avec les parties prenantes au sein des États membres sur la question de savoir s’il est recommandé de modifier la règle des deux tiers. Je suis consciente que nous avons besoin du soutien du Conseil et qu’il sera difficile à obtenir. C’est une solution à envisager et j’y suis favorable, mais ce n’est pas mon objectif. L’objectif est de garantir l’égalité de traitement et non d’opter pour une solution qui soit plus équitable que d’autres. Par conséquent, s’il est possible de faire aboutir cette politique, quelle que soit la direction prise, ce sera le jour J de ce chapitre de ma politique.

La Commission a le devoir de faire respecter les règles le cas échéant. En tant que gardienne des Traités, elle fera son travail avec équité, mais aussi avec fermeté, comme l’a souligné la présidence autrichienne à juste titre.

Je vous remercie encore une fois pour votre soutien; je vous en suis reconnaissante. Nous devons absolument faire notre travail dans les plus brefs délais, car l’atmosphère est effectivement relativement trépidante au pays des fusions.

 
  
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  Le Président. - Le débat est clos.

 
  
  

PRÉSIDENCE DE M. BORRELL FONTELLES
Président

 
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