2. Modification de l’ordre du jour (événements en Palestine)
Le Président. - Mesdames et Messieurs, bonjour. Avant de passer aux points de l’ordre du jour, je dois vous communiquer une information que vous connaissez déjà. Nous n’aurons pas l’occasion d’écouter le président Mahmoud Abbas aujourd’hui.
Quelques heures à peine après son arrivée à Strasbourg hier, le président Mahmoud Abbas, notre invité d’aujourd’hui, a été contraint de retourner à Ramallah, ceci, vous vous en doutez, à cause des événements terribles et malheureux survenus à Jéricho, qui ont engendré une situation violente et dangereuse.
Je lui ai fait savoir hier soir que le Parlement comprenait parfaitement que la crise survenue en Palestine ne lui laissait d’autre choix que de retourner dans son pays pour reprendre la situation en main.
Le destin et la fatalité ont donné lieu à une situation hautement symbolique. Il y a un peu de la tragédie grecque dans son départ précipité de Strasbourg avant même d’avoir rencontré le Parlement.
M. Abbas représente la majorité des Palestiniens qui continuent à croire à une solution négociée au conflit avec Israël, en dépit de toute la souffrance et de toutes les désillusions qu’ils ont déjà eu à endurer. Il représente ces personnes qui, envers et contre tout, veulent encore croire à une solution pacifique.
Voilà un homme qui se bat depuis les années 1970 pour obtenir la paix par la voie de la négociation, et sa présence parmi nous aujourd’hui aurait été l’occasion rêvée de marquer notre soutien à son approche; voilà une autre occasion manquée, en conséquence d’une opération militaire inutile et illégale et de la violence qu’elle a entraînée dans son sillage.
Le monde entier se demande aujourd’hui pourquoi et comment une telle opération militaire peut contribuer à renforcer la sécurité d’Israël, pourquoi et comment les images humiliantes que nous avons vues à la télévision ou la destruction de cette prison par des bulldozers peuvent contribuer à la sécurité d’Israël. Ce sont nous, les Européens, qui devrons payer une nouvelle prison, comme toutes ces autres choses qui ont été détruites au cours de ces confrontations tragiques.
La violence que cette action militaire a déchaînée est extrêmement préoccupante. Comme vous le savez, les journaux de ce matin confirment que trois Occidentaux ont été pris en otage, dont deux citoyens européens, deux citoyens français. Des rumeurs courent quant à d’autres enlèvements, mais nous en attendons encore la confirmation.
Hier soir, avant que M. Abbas ne parte pour l’aéroport, je suis allé le voir à son hôtel et il m’a raconté les efforts qu’il avait déployés tout au long de la journée pour essayer d’arrêter cette opération militaire et d’endiguer la spirale de la violence avant qu’elle ne devienne incontrôlable.
Le président de l’Autorité nationale palestinienne m’a demandé de vous expliquer les raisons qui l’ont poussé à retourner dans son pays, pour essayer de contrôler la situation et d’empêcher d’autres enlèvements de citoyens occidentaux, source de grande préoccupation. L’équipe communautaire qui contrôlait la frontière entre Gaza et l’Égypte a elle aussi rencontré des problèmes de sécurité.
Je dois en outre vous informer que le président Abbas a promis de revenir à Strasbourg et de s’adresser au Parlement européen dès qu’il le pourra, sans doute lors de la prochaine période de session du mois d’avril. S’il y parvient, nous aurons alors l’occasion d’apprendre de sa bouche comment il entend gérer la crise profonde qui secoue son pays.
Je lui ai demandé s’il souhaitait que le discours qu’il était censé prononcer aujourd’hui soit distribué par écrit aux membres du Parlement. M. Abbas a toutefois estimé que ce discours n’était aujourd’hui plus de circonstance, qu’il valait mieux voir comment la situation actuelle va évoluer et qu’il préférait venir nous voir dès que cette situation le lui permettrait.
Je pense que le moment est venu pour les chefs des groupes politiques de s’exprimer s’ils le souhaitent. Certains ont déjà demandé la parole. Ceux qui souhaitent s’exprimer peuvent donc le faire dans les trois courtes minutes qui leur sont imparties.
Hans-Gert Poettering, au nom du groupe PPE-DE. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président de la Commission, Mesdames et Messieurs, nous sommes tous très préoccupés par les événements survenus au Moyen-Orient, et notre groupe regrette profondément que le président de l’Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, ne puisse s’adresser aujourd’hui au Parlement européen.
C’est sur votre proposition, Monsieur le Président, que les présidents de groupes avaient décidé d’inviter ici M. Abbas, que nous considérons comme un homme mû par la maîtrise de soi, la conciliation et la paix. Nous regrettons dès lors profondément qu’il ne puisse s’exprimer ici aujourd’hui. Monsieur le Président, vous nous avez exposé les circonstances de cet empêchement.
Nous sommes en fait relativement impuissants face à ce genre de situations. Je tiens à mettre en garde contre les conclusions hâtives: nous devons nous montrer circonspects et ne surtout pas exacerber la spirale de la violence. Il n’en reste pas moins que nous devons exiger une enquête sur l’assaut de la prison de Jéricho. Nous devons savoir pourquoi cet assaut a eu lieu et la réponse, pour autant qu’il y en ait une, a intérêt à être convaincante.
Je profite de ma mise en garde contre les conclusions hâtives pour nous rappeler les principes établis. Nous défendons un État d’Israël aux frontières sécurisées, mais nous voulons également un État palestinien aux frontières sécurisées. Les Israéliens jouissent du même statut que les Palestiniens, et les Palestiniens jouissent du même statut que les Israéliens. Je reste convaincu, malgré les images que nous avons vues à la télévision, que la majorité des gens, tant en Israël qu’en Palestine, ne demandent qu’à vivre en paix. Nous voulons encourager tout le monde à suivre cette voie et à parvenir à un accord. Nous demandons à toutes les parties de mettre un terme à la violence et de libérer les otages, qu’ils soient européens ou non, parce que la dignité humaine est un droit pour chacun d’entre nous.
J’espère que l’Union européenne sera en mesure de contribuer à la pacification de la région, dans une déclaration objective, juste et impartiale. Notre groupe soutient toute action susceptible d’apporter la paix au Moyen-Orient. Comme vous l’avez déjà dit, Monsieur le Président, nous espérons de tout cœur que le président de l’Autorité palestinienne, M. Abbas, viendra bientôt prononcer son discours devant le Parlement européen. C’est là notre souhait sincère.
(Applaudissements)
Martin Schulz, au nom du groupe PSE. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais me faire l’écho de ce qu’a dit M. Poettering, et plus particulièrement de ce que vous avez dit, Monsieur le Président. Nous déplorons tous les événements de ces dernières heures. Nous regrettons tout particulièrement que Mahmoud Abbas ne puisse s’adresser à nous. Nous ne le regrettons pas pour nous, mais pour le fait même de sa présence: le fait qu’il était déjà ici, qu’il ait réussi à venir jusqu’à ce Parlement, qu’il ait pu accepter notre invitation, était un signe encourageant. Ce qui était particulièrement encourageant aussi, c’était le fait que nous soyons en mesure d’accueillir ici le président palestinien élu. Par cet accueil, nous aurions créé une situation par laquelle, comme l’a précisé M. Poettering, nous aurions œuvré ensemble, pas à pas, à la création d’un État palestinien, en donnant à M. Abbas ce qui lui revient de plein droit, à savoir le direction future d’un État et la représentation de son pays dans la région, en qualité de partenaire homologue jouissant de la pleine souveraineté. Tel doit être notre objectif. Et chaque petite contribution pacifique faite en ce sens doit être considérée comme du travail bien fait.
Il aurait été bon que M. Abbas puisse profiter de cette situation, mais les événements en ont voulu autrement et ont reporté cette opportunité. Nous choisissons délibérément le terme «reporter», parce que nous espérons pouvoir accueillir M. Abbas ici dès que possible.
Pour en revenir aux événements récemment survenus à Jéricho et dont j’ai discuté hier soir et ce matin avec les députés qui se trouvaient dans la région il y a quelques semaines en leur qualité d’observateurs électoraux, mon groupe pose la question qui revient toujours en politique internationale dans ce genre de circonstances: à qui profite le crime? Qui donc retire un avantage de ce qui s’est passé? Nous ne pouvons bien sûr faire que des spéculations, et les spéculations ne sont pas une réponse.
J’ai cependant trois questions. La première, c’est: quelqu’un retire-t-il réellement un avantage de l’assaut de cette prison? Les réponses que nous obtenons pour le moment des médias israéliens ne sont pas satisfaisantes. Je ne pense pas que l’on puisse raisonnablement supposer qu’un État dont les services sont capables de mener des assassinats ciblés ait besoin d’attaquer une prison lorsqu’il est question de l’éventuelle libération des prisonniers qui y sont détenus. Il y a certainement moyen d’empêcher cela sans pour autant assaillir la prison.
Ma deuxième question est la suivante: pourquoi cette action a-t-elle été menée, alors que des observateurs internationaux surveillaient cette prison dans le cadre d’un accord international? Pourquoi cet engagement international n’a-t-il pas été respecté? Pourquoi n’a-t-il pas été utilisé?
Enfin, j’espère que cette action n’a pas été motivée par des mobiles politiques internes en Israël. Il serait absolument catastrophique que les événements politiques intérieurs attendus pour le mois de mars en soient la véritable raison. Ce serait extrêmement regrettable, dans la mesure où personne n’y trouve son compte. Peut-être cela apporterait-il un succès domestique à court terme, mais cela porterait atteinte à toute la région sur le long terme.
(Applaudissements)
Graham Watson, au nom du groupe ALDE. - (EN) Monsieur le Président, au nom du groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, je regrette également que M. Abbas ait dû rentrer chez lui dans de telles circonstances et je tiens à vous remercier, au nom de mon groupe, pour la déclaration que vous avez faite hier soir sur ce point.
Nous pensons certes qu’il faut procéder avec la plus grande prudence lorsque les plaques tectoniques des trois plus grandes religions monothéistes du monde - le christianisme, le judaïsme et l’islam - se touchent et provoquent des étincelles. Cette Assemblée ne devrait pas sous-estimer le risque d’un plus grand embrasement au Moyen-Orient. Les événements tragiques du 11 septembre, et la réponse tout aussi tragique, ont sérieusement affaibli les chances d’instaurer la paix dans notre monde. Tout comme la diplomatie de l’Union européenne avec l’Iran est minée par le fait que George Bush fasse peu de cas du traité de non-prolifération dans ses négociations avec l’Inde, notre diplomatie avec le Moyen-Orient est compromise par ce qu’a fait Israël hier. J’espère que l’Union européenne, par le biais du Conseil et de la Commission, protestera haut et fort contre ces actes auprès du gouvernement israélien.
Il faut poser des questions quant à l’éventuelle conspiration entre les gardiens britanniques et américains de la prison, qui sont partis peu de temps avant l’arrivée des Israéliens, et j’espère que le Conseil présentera un rapport à cette Assemblée lorsque nous connaîtrons tous les détails de la situation.
Rien ne peut justifier le raid contre la prison, ni la prise d’otages qui a suivi. J’espère que nous serons en mesure d’agir rapidement afin de restaurer le calme et la confiance et que nous aurons l’honneur de revoir M. Abbas dans cette Assemblée dans des circonstances nettement plus sereines, afin de pouvoir discuter sérieusement avec toutes les parties de la manière dont nous pouvons établir une paix sûre et durable dans cette région agitée.
(Applaudissements)
Daniel Marc Cohn-Bendit, au nom du groupe des Verts/ALE. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le fait que Mahmoud Abbas n’ait pu s’exprimer ici, s’il n’est pas tragique, est cependant difficilement tolérable d’un point de vue politique, car cela aurait pu être un forum permettant de présenter une perspective de la situation actuelle au Moyen-Orient.
Les politiques unilatérales telles que celles qui sont actuellement menées dans cette région conduisent à la catastrophe, et j’entends par là les politiques unilatérales des deux côtés. Le mépris mutuel unilatéral mène à la déshumanisation des actes. Nous le constatons concrètement dans cette région. L’Union européenne, le Conseil, la Commission et M. Solana doivent en principe insister sur un point: il ne peut plus y avoir de politiques unilatérales. Israël ne peut d’une part décider seule de la forme que devrait prendre l’État palestinien. Ce n’est pas acceptable et la communauté internationale ne peut le tolérer. Les Palestiniens et leur gouvernement dirigé par le Hamas ne peuvent d’autre part décider seuls du moment et de la manière d’user ou non de la force à l’encontre d’Israël. L’Europe et le monde entier ne peuvent tout simplement pas fermer les yeux sur cette situation.
Si les deux parties estiment que leur position légitime leur donne un droit universel d’agir, de ne pas s’adresser la parole et de se mépriser mutuellement, alors la communauté internationale doit y mettre un terme. Cela signifie également que le moment et la façon dont Israël entreprend une action dans les zones palestiniennes ne peuvent relever de la seule autorité israélienne, même en cas de problèmes de sécurité. Monsieur Schulz, les choses sont parfaitement claires: il y a des élections nationales. M. Olmert et le Kadima ont déclaré qu’ils rendraient les territoires occupés. Par cette promesse, ils ont marqué des points à gauche. Et voilà qu’à présent ils veulent marquer des points à droite, ce qui les a poussés à mener cette action. Ne nous faisons pas d’illusions: il s’agit là d’une pure manœuvre électorale. Le pire dans cette affaire, c’est que l’avenir de cette région est sacrifié au nom d’une élection.
Je dirais donc à toutes les personnes ici présentes: ne soyons pas dupes. L’action israélienne était scandaleuse. La prison de Jéricho n’était plus une prison. Cela aussi, c’est la vérité. L’on pouvait y tenir une conférence de presse avec 500 journalistes. J’aimerais bien voir une prison, n’importe où dans le monde - et j’ai pourtant été incarcéré plusieurs fois - où l’on pourrait tenir une conférence de presse avec 500 journalistes. Ces deux actions ont été unilatérales et inacceptables, et nous devons simplement le reconnaître. Quand on veut libérer quelqu’un de prison, ce qui est tout à fait possible, il y a moyen de le faire dans le respect de l’État de droit. C’est ce que les Palestiniens et le Hamas auraient dû faire. Israël n’a cependant pas le droit d’attaquer une institution simplement parce qu’il y a un problème. Nous devons donc être honnêtes: nous devons lutter contre les actions unilatérales et arbitraires des deux camps.
(Applaudissements)
Francis Wurtz, au nom du groupe GUE/NGL. - Monsieur le Président, la rapidité avec laquelle le président Mahmoud Abbas avait accepté votre invitation montre l’importance qu’il attachait à sa visite au Parlement européen et cela illustre d’autant plus la gravité de la décision qu’il a dû prendre de regagner son pays précipitamment. Il a estimé, en effet, que la situation créée par cette escalade, nouvelle et, qui plus est, délibérément humiliante - vous y avez fait allusion avec raison -, de la violence israélienne et par ses inévitables conséquences, par ailleurs tout à fait inacceptables, inévitables et prévisibles néanmoins, comme ces enlèvements, pouvait être extrêmement grave pour son pays.
Je pense que l’Union européenne est interpellée à plusieurs titres par cette affaire. D’abord parce qu’un pays membre, la Grande-Bretagne, avait conclu avec les États-Unis et l’Autorité palestinienne un accord, aux termes duquel ce sont ces deux pays occidentaux qui assuraient la surveillance de cette prison. C’est cet accord-là qu’Israël a violé de façon flagrante, et ce, alors que pendant quatre ans il ne s’est produit aucun problème. Aucun prisonnier ne s’est échappé et aucun d’entre eux n’a tenté de le faire. Et si néanmoins, Daniel Cohn-Bendit, Israël estimait qu’il y avait un problème, le président Abbas avait proposé au gouvernement israélien de transférer les prisonniers à la Moukata, sous bonne surveillance, y compris internationale. Donc, il n’y avait aucune excuse, aucun fondement à la décision d’Israël. Pouvons-nous accepter cela?
Deuxième raison pour laquelle l’Union européenne est interpellée: c’est je pense, excusez-moi pour ma franchise, l’attitude systématiquement complaisante de l’Union européenne vis-à-vis du gouvernement d’Ariel Sharon, hier, et de celui de son successeur, aujourd’hui. Comment peut-on comprendre autrement qu’un aspirant Premier ministre ose prendre le risque fou d’enflammer la situation, déjà explosive, en Palestine et dans la région, uniquement - je suis d’accord ici avec mes collègues - pour donner un gage à la frange la plus extrémiste de son électorat. C’est quelque chose d’inimaginable! S’il se permet ça, c’est parce qu’il sait que, d’une part, les dirigeants américains donnent de toute façon carte blanche à Israël, quoi qu’il fasse, et que, d’autre part, les responsables européens ont habitué ce pouvoir à une impunité de fait. Il faut, aujourd’hui, nous poser la question suivante: au vu du résultat de cette politique, allons-nous continuer à accepter sans réagir que cette nouvelle torpille contre la paix affaiblisse de plus en plus ceux des Palestiniens les plus attachés aux solutions pacifiques et, en premier lieu, le président Mahmoud Abbas?
Ce sont les questions qu’il faut, je crois, se poser. Pour ma part, Monsieur le Président, je ferai trois propositions précises demain matin à la Conférence des présidents pour une réaction immédiate de notre Parlement, et ce, pour exprimer de façon visible et solennelle notre attachement au droit et à une paix juste au Proche-Orient.
(Applaudissements)
Irena Belohorská (NI). - (SK) Mesdames et Messieurs, nous voici confrontés à une nouvelle preuve de l’intolérance qui divise deux États que nous respectons, mais qui n’arrivent pas à se respecter mutuellement. L’attaque d’une prison et de prisonniers politiques n’a jamais été tolérée nulle part, ni à aucun moment de l’histoire. Même les prisonniers politiques ont le droit d’être en prison sans être exposés à la menace de jugements extrajudiciaires. L’assaut d’aujourd’hui me fait un peu penser à ce genre de jugements. Cet événement va bien évidemment provoquer d’autres réactions et d’autres tensions de part et d’autre, ce qui pourrait nous entraîner dans une sorte d’histoire sans fin. Je me réjouissais vraiment du discours que le président palestinien devait prononcer aujourd’hui dans cette Assemblée, lors de la conférence de presse et de notre déjeuner commun, et j’espérais connaître le point de vue que la Palestine entend adopter à la table des négociations dans l’espoir de garantir la paix aux citoyens de cette partie du monde. J’espérais, et j’attendais peut-être, que le Parlement européen assume le rôle de médiateur. Mon souhait le plus sincère est que nous puissions leur offrir cette aide, car les deux côtés ont maintenant enfin besoin de la paix.
Elmar Brok (PPE-DE), président de la commission des affaires étrangères. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous traversons l’un de ces moments de grande incertitude, où l’on ignore ce qui va se passer ensuite, et où l’on craint certains développements négatifs, après avoir espéré pendant de nombreuses années - à la suite du lancement du processus d’Oslo - l’atteinte d’un accord dans ce domaine clé de la politique mondiale. Le président Abbas, qui a été élu directement par ses concitoyens palestiniens et jouit donc de la légitimité requise, semblait adopter une position de médiation, un rôle de négociateur entre ceux qui prônent le rejet de la violence et la reconnaissance du droit d’existence d’Israël, et le Hamas qui n’a pas encore reconnu ce droit mais qui a remporté une élection, de sorte qu’il puisse y être amené. Je crains qu’il ne soit devenu évident que ce rôle a aujourd’hui été abandonné, et nous ne savons pas qui d’autre pourrait l’assumer.
L’action menée à Jéricho a été un événement émotionnel significatif, source de problèmes du côté palestinien. Je suis cependant bien plus inquiet que le retrait des observateurs internationaux des États-Unis et du Royaume-Uni n’entraîne la perte de la crédibilité du Quartet en tant qu’influence stabilisante et que garant de la stabilité. Je crains que tout cela n’aille bien plus loin encore.
Par ailleurs, les actions du Fatah à Gaza ont démontré que ceux qui étaient partisans de l’abandon de la violence sous M. Abbas assument un nouveau rôle, maintenant qu’ils ont perdu les élections et leurs sources de profit. Et le Hamas de son côté n’en est pas encore arrivé là. Ceux qui étaient en faveur du rejet de la violence s’éloignent aujourd’hui de cette position, tandis que les autres n’en ont même pas encore accepté l’idée. Telle est, me semble-t-il, la situation actuelle. Le président Abbas et le Quartet ont perdu leur crédibilité en essayant de redresser la situation. C’est l’impression que j’ai en ce moment. Dans notre propre intérêt, j’espère que la suite des événements me donnera tort.
(Applaudissements)
Véronique De Keyser (PSE), présidente de la mission d’observation de l’UE dans les territoires palestiniens. - Monsieur le Président, j’ai eu l’occasion, avec mon collègue McMillan-Scott, de voir durant trois quarts d’heure, hier soir, le Président Abbas, et je voudrais vous exprimer, sincèrement, le choc que nous avons ressenti aux derniers événements et la colère qu’ils suscitent en nous.
Vous avez dit, Monsieur le Président, que c’était le destin ou le hasard: cela n’a rien à voir ni avec le destin ni avec le hasard. Le fait que la prison de Jéricho ait été assaillie, alors même que le Président palestinien est aujourd’hui en Europe pour plaider sa cause, emmenant avec lui Saeb Erakat, l’homme fort de Jéricho, ne doit rien au hasard. La mise en scène, aujourd’hui, de prisonniers, à moitié nus, avec un bandeau sur les yeux, les bras attachés, ne doit rien au hasard dans un pays qui, on le sait, est écorché. Un rien peut déchaîner la violence et l’affaire des caricatures n’est pas si loin.
Nous sommes donc aujourd’hui confrontés à un événement extrêmement grave qui, comme M. Brok vient de le dire, cherche à miner l’homme qui est le garant de la stabilité avec Israël, mais qui est aussi le garant de la résistance au Hamas, pour entraîner celui-ci sur la voie de la pacification. C’est cela qu’on a essayé d’atteindre aujourd’hui.
Je ne sais pas à qui profitera le crime, mais je sais, en tout cas, que nous, ici, au Parlement européen, nous ne devons pas être dupes ni partager la responsabilité de ce crime: nous devons le dénoncer.
C’est vrai que la situation est difficile, c’est vrai que des négociations étaient en cours au sujet du prisonnier Saadate, c’est vrai que ce prisonnier-là avait été impliqué dans le meurtre d’un ministre israélien, meurtre qui lui-même faisait suite à l’assassinat d’un responsable du FPLP. Allons-nous relancer ce cycle de la violence? Nous devons dire non, nous devons garder la tête froide, mais nous devons dénoncer avec fermeté ce qui s’est passé hier. C’est vraiment, très, très grave, Monsieur le Président.
(Applaudissements)
Edward McMillan-Scott (PPE-DE), président de la délégation du Parlement européen pour l’observation des élections en Palestine. - (EN) Monsieur le Président, comme vous l’avez dit, j’ai présidé la délégation de ce Parlement pour les élections présidentielles en janvier 2005, lorsque le président Mahmoud Abbas a été élu par le peuple palestinien au cours d’élections libres et équitables, et en janvier 2006, lorsque les élections parlementaires se sont déroulées dans des circonstances très controversées, et pourtant libres et équitables.
Nous avons là un homme - Mahmoud Abbas - dont vous avez décrit les antécédents depuis les années 1970, son engagement en faveur de la paix et sa présence ici aujourd’hui, dans une Assemblée de 25 nations, directement élue, représentant les valeurs mêmes que nous voulons encourager dans d’autres régions du monde, et en particulier au Moyen-Orient: les droits de l’homme, la démocratie, l’État de droit, la liberté de la presse, etc. Il s’agit de valeurs que le président Mahmoud Abbas était, selon moi, prêt à accepter et dont il a parlé lors de son discours d’investiture en janvier 2005.
En tant de Britannique, ayant un profond engagement envers le processus de paix et de démocratie dans le monde arabe, je trouve qu’il est paradoxal, ironique et tragique que les deux pays qui parlent tant de démocratie dans le monde arabe - les États-Unis et le Royaume-Uni - soient précisément ceux qui se sont détournés de cette prison, qui ont abandonné leurs responsabilités internationales, au lieu de renforcer la sécurité de la prison. Nous savions qu’il y avait un problème, ils le savaient aussi. Il était de leur devoir de s’y atteler. Ils ne l’ont pas fait, ils sont partis.
Monsieur le Président, j’espère que, lorsque l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, que vous présidez, se réunira à Bruxelles dans quelques jours, la Commission et le Conseil feront une déclaration sur ce qui s’est réellement passé, pourquoi cela s’est passé, quand cela s’est passé et qui a donné les ordres. Il s’agit d’une affaire à laquelle il faut réagir ici, une affaire à laquelle la communauté internationale devrait peut-être réagir, mais à commencer par ce Parlement.
(Applaudissements)
Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Mahmoud Abbas était censé donner un discours aujourd’hui devant votre Assemblée, mais celui-ci a dû être annulé, pour les raisons que vous connaissez. Il est dès lors normal que les chefs de groupe et les autres députés importants souhaitent s’exprimer.
Je tiens cependant à profiter de cette occasion pour exprimer brièvement la profonde inquiétude du Conseil face à la perpétuelle escalade de la violence au Moyen-Orient. La ministre autrichienne des affaires étrangères et présidente du Conseil, Mme Plassnik, a condamné les violentes attaques menées par des Palestiniens radicaux sur des institutions européennes. Elle a également exprimé son soutien aux appels du Conseil de Sécurité et du secrétaire général des Nations unies à ce propos.
La première priorité est de rétablir l’ordre et la paix et de protéger les vies humaines. Nous devons rappeler à tous les responsables qu’ils ont le devoir de protéger la vie humaine et de libérer les otages encore détenus.
Comme l’a très justement dit M. Poettering, l’heure n’est pas aux conclusions hâtives. Le Conseil va lui aussi débattre des actions spécifiques qu’il y a lieu d’entreprendre. Je suis également d’accord avec M. Schulz quand il dit que toutes les institutions - le Parlement, le Conseil et la Commission - ont le devoir d’agir de manière responsable afin de faire en sorte que le processus de paix au Moyen-Orient ne se disloque pas irrémédiablement mais puisse au contraire continuer.
Nous demandons à Israël et à l’Autorité palestinienne de faire preuve de modération afin d’éviter que l’escalade ne continue. Dans ce contexte, je marque également mon accord avec M. Cohn-Bendit sur le fait que nous devons éviter et empêcher toute action unilatérale. Ce n’est pas avec des actions unilatérales que nous résoudrons les problèmes au Moyen-Orient. Ces dernières semaines et ces derniers mois, les ministres des affaires étrangères se sont souvent débattus avec le problème du Moyen-Orient. Ce fut encore le cas le week-end dernier à Salzbourg, lors de la réunion informelle des ministres des affaires étrangères, dont Mme Plassnik va nous parler aujourd’hui.
Les attaques des institutions, les prises d’otages et toutes les autres formes de violence ne vont pas seulement à l’encontre de nos propres valeurs; elles perturbent et vont à l’encontre des efforts de paix. Nous espérons pouvoir, ensemble, remettre le processus de paix sur les rails.
(Applaudissements)
José Manuel Barroso, président de la Commission. - (PT) Mesdames et Messieurs, je partage la déception générale de l’Assemblée due au fait que le président Mahmoud Abbas n’ait pas été en mesure de venir prononcer son discours ici. J’avais personnellement une réunion de prévue avec lui et suis désolé qu’elle n’ait pas eu lieu. Quoi qu’il en soit, la commissaire Ferrero Waldner a rencontré le président Abbas hier et lui a témoigné, au nom de la Commission, notre soutien dans sa quête d’une solution pacifique au conflit du Moyen-Orient.
Permettez-moi de dire très clairement que nous condamnons sans aucune équivoque toute forme de violence, de quelque côté qu’elle vienne, et que nous demandons à toutes les parties d’agir de manière responsable et de faire preuve de la plus grande modération. Nous partageons l’inquiétude exprimée par certains intervenants face à la situation extrêmement explosive dans la région.
Nous devons bien sûr souligner le fait que des Européens ont été pris en otages et que les intérêts de l’UE et de certains États membres dans ces territoires ont été attaqués.
Je tiens à faire remarquer que personne n’a autant aidé le peuple palestinien que l’Union européenne. L’UE a offert et offre toujours des moyens financiers aux Palestiniens, et nous demandons donc avec force et fermeté que la violence à l’encontre des intérêts communautaires ou à l’encontre de nos ressortissants soit évitée à tout prix. Nous demandons également à toutes les parties de faire preuve de modération afin d’éviter que la situation ne se dégrade encore. Nous travaillerons de concert afin de permettre aux peuples d’Israël et de Palestine de vivre en paix.
(Applaudissements)
Le Président. - Au terme des interventions, je tiens à souligner que la Conférence des présidents examinera les propositions des présidents des groupes politiques et que la séance plénière de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne se tiendra à Bruxelles dans dix jours, et marquera la fin de la présidence européenne de cette institution.
Je demande à tout un chacun de faire en sorte que cette réunion serve à ce que le dialogue dont tout le monde a parlé ce matin se tienne dans les meilleures conditions. Je voudrais demander à la Commission et au Conseil en particulier de faire en sorte que leur présence à cette Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne soit à la hauteur des circonstances. Lors des réunions précédentes en effet, ils n’ont peut-être pas été aussi présents que nous l’aurions souhaité ou que nous l’avions demandé.
J’espère que lors de cette Assemblée euro-méditerranéenne, la Commission et le Conseil pourront nous présenter des rapports, des mesures et des propositions qui contribuent au dialogue euro-méditerranéen et à l’aide que l’Europe peut apporter à la résolution des problèmes au Moyen-Orient, lesquels ne se sont certainement pas améliorés après les événements d’hier.
Hans-Peter Martin (NI). - (DE) Monsieur le Président, je fais référence à l’article 142 ainsi qu’aux articles 132 et 137 du règlement. La démocratie ne peut fonctionner que si les représentants du peuple n’agissent pas personnellement dans le mépris total des souhaits de l’électorat et des promesses qu’ils ont faites. Alors que nous demandons - comme cela s’avère parfois nécessaire - des sacrifices, que les budgets publics deviennent serrés, je voudrais vous demander une fois de plus de commencer vos séances à l’heure; aujourd’hui, nous avons une fois de plus commencé avec cinq minutes de retard. Votre comportement personnel face à ces retards cumulés a déjà coûté des centaines de milliers d’euros aux contribuables. Je demande aux députés dont le principal serment électoral était qu’ils utiliseraient les fonds avec honnêteté - sur la base des principaux quotidiens d’aujourd’hui, l’International Herald Tribune et le New York Times - d’enfin tenir cette promesse.
(Le président interrompt l’orateur)
J’ai du mal à croire que vous essayiez à présent de m’empêcher de parler.
Le Président. - Monsieur Martin, en quoi consiste votre motion de procédure?
Hans-Peter Martin (NI). - (DE) Monsieur le Président, j’ai fait la remarque et exprimé le souhait que vous arriviez ici à temps. Votre prédécesseur, M. Cox, a fait épargner des centaines de milliers d’euros aux contribuables en arrivant à l’heure. Il en va de même pour les commissions. Nous gâchons ainsi 12 millions d’euros par an. Nous ne pouvons plus dans ce cas prétendre que nous n’avons pas assez d’argent pour des projets sociaux importants.
Le Président. - Monsieur Martin, ce n’est pas une motion de procédure. Je vous rappelle que le temps que vous nous faites perdre maintenant coûte aussi de l’argent aux contribuables.
Robert Atkins (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je prends la parole pour une motion de procédure. Je ne serai pas long, mais je me dois de soulever cette motion, car le sujet est grave. Conformément à l’article 191, paragraphe 8, du règlement concernant la commission des pétitions, dont je suis membre, un pétitionnaire peut demander à conserver l’anonymat. Toutefois, dans une récente affaire examinée par la commission des pétitions, l’anonymat de Mme X, ancienne membre de Lloyd’s, n’a pas été respecté et, de ce fait, Mme X fait actuellement l’objet de poursuites menées avec toute la rigueur de la loi par le gouvernement britannique.
Cela ne se serait pas produit si son anonymat avait été respecté. Il est dès lors essentiel que ce Parlement protège sa position, garantisse les droits des pétitionnaires et s’oppose au gouvernement britannique. Le président de la commission vous a écrit d’urgence, mais vous n’avez pas encore eu la courtoisie de lui répondre. Quand le ferez-vous, Monsieur le Président? Protégerez-vous les droits et privilèges de ce Parlement et de ses pétitionnaires?
Le Président. - Monsieur Atkins, vous avez le droit de demander ce que vous voulez, mais pas sous la forme d’une motion de procédure. La procédure que vous avez suivie n’est pas non plus appropriée. Je demande à chacun d’entre vous d’utiliser les procédures adéquates précisées dans le règlement quand vous avez quelque chose à dire.
Ce n’est pas une motion de procédure relative à la séance d’aujourd’hui. Je me renseignerai toutefois sur la lettre que vous dites m’avoir adressée et sur la réponse qui, j’imagine, doit être en cours de préparation.
Je vous prie de ne pas vous servir de procédures de motions de procédure, qui ont exclusivement trait au travail de la séance en cours, pour soulever d’autres questions qui, aussi importantes soient-elles, ne peuvent servir aux demandes que vous introduisez.
3. Préparation du Conseil européen / Stratégie de Lisbonne (débat)
Le Président. - L’ordre du jour appelle le débat sur les déclarations du Conseil et de la Commission sur la préparation du Conseil européen et la stratégie de Lisbonne.
Comme nous avons modifié notre ordre du jour à la suite de l’annulation de la séance solennelle, la durée de ce débat sera prolongée jusqu’à midi environ. Le vote aura lieu à l’issue du débat.
Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, à une semaine du Conseil européen de printemps, le débat d’aujourd’hui nous offre une excellente occasion de nous réunir pour discuter des priorités majeures auxquelles ce sommet sera consacré. Comme vous le savez, la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne sera le sujet central du sommet. Il va sans dire que le meilleur moyen d’assurer le succès d’un tel projet est de le préparer minutieusement. Les formations du Conseil responsables des divers sujets ont donc examiné les priorités du Conseil européen selon leurs points de vue respectifs et présenté leurs contributions. Les conclusions du projet seront ensuite examinées au cours de la procédure définie.
Le 23 mars, jour de l’ouverture du Conseil européen, se tiendra aussi, comme à l’habitude, le sommet social tripartite qui a pour but d’assurer la coopération entre le Conseil, la Commission et les partenaires sociaux, notamment en ce qui concerne l’emploi, la politique économique et la protection sociale.
À ce propos, nous saluons particulièrement les initiatives des institutions européennes visant à renforcer les sentiments de responsabilité et d’appartenance au niveau communautaire, ainsi que les précieuses contributions apportées, notamment par la deuxième réunion interparlementaire entre le Parlement européen et les parlements nationaux. À cet égard, nous comptons également beaucoup sur la population.
Il incombe aux gouvernements des États membres de mieux expliquer à leurs citoyens qu’il est urgent de mettre en œuvre ce partenariat pour la croissance et l’emploi. À ce propos, il est important que les autorités régionales et locales - conformément à la constitution de leur pays - ainsi que la société civile soient impliquées dans l’élaboration et l’exécution des programmes nationaux de réforme.
Dans cet esprit constructif, nous voulons aussi inclure dans le débat d’aujourd’hui une discussion ouverte sur les différentes possibilités de résolution des problèmes économiques et sociaux communs à toute l’Union européenne et sur le rôle important qui est le vôtre en tant que représentants des citoyens.
Vous n’ignorez pas qu’en mars 2005, le Conseil européen a convenu d’une révision approfondie de la stratégie de Lisbonne et d’un renforcement de la procédure. Le nouveau cycle de gouvernance repose sur le partenariat et la responsabilité. Lors de leur sommet de Hampton Court, les chefs d’État ou de gouvernement ont donné un plus grand élan politique à la stratégie de Lisbonne nouvellement relancée, en se concentrant sur la question de savoir comment les valeurs européennes peuvent favoriser la modernisation de l’économie et de la société dans un monde globalisé.
Le fait que le Conseil européen soit parvenu à un accord politique sur les perspectives financières 2007-2013 lors de sa réunion de décembre dernier est également important. En soi, cela signifie clairement que l’Union européenne est capable de trouver des solutions, même si nous sommes bien entendu conscients qu’un dialogue intensif et difficile avec vous est en cours, un dialogue que nous voulons poursuivre de manière constructive afin de mettre en œuvre cet accord entre les gouvernements, avec votre coopération.
L’Europe est confrontée à de nouveaux défis, parmi lesquels la pression croissante de la concurrence extérieure, tant économique que technologique, le vieillissement de la population, la hausse des prix de l’énergie et la nécessité d’assurer la sécurité énergétique.
Depuis la fin de 2005, des signes de reprise économique, lente mais sûre, apparaissent. On prévoit qu’au cours de la période 2005-2007, six millions de nouveaux emplois seront créés dans l’Union européenne, ce qui réduirait le chômage de près d’un point de pourcentage en 2007. Toutefois, poursuivre les efforts visant à réduire le chômage, qui touche actuellement près de 19,5 millions de personnes, et accroître la productivité et le potentiel de croissance restent, pour l’Union européenne, les plus grands défis à relever.
Il faut absolument profiter de cette reprise économique, même légère, pour faire avancer de façon décisive les réformes structurelles dans le respect des programmes nationaux de réforme et poursuivre la consolidation budgétaire conformément au nouveau pacte de stabilité et de croissance. Fixer des objectifs concrets assortis de calendriers précis accélérera la mise en œuvre des réformes prévues et permettra d’obtenir les meilleurs résultats en termes de croissance et d’emplois.
Sur la base de ses décisions prises au printemps 2005, le Conseil européen a adopté des lignes directrices stratégiques intégrées, sur lesquelles les États membres se sont basés pour élaborer des programmes nationaux de réforme correspondant à leurs besoins nationaux spécifiques. La Commission a présenté un «programme communautaire de Lisbonne» proposant des mesures à prendre à l’échelon de la Communauté. Le rapport annuel d’avancement de la Commission apporte également une importante contribution au processus de la stratégie de Lisbonne renouvelée pour la croissance et l’emploi.
Tous les États membres ont élaboré leurs programmes nationaux de réforme rapidement et avec soin. Ces programmes sont adaptés aux besoins et au contexte spécifiques à chaque État membre et servent à appliquer les réformes. Les programmes nationaux de réforme représentent une première avancée décisive vers une plus grande responsabilité individuelle et une plus grande conscience des priorités de la réforme. Somme toute, ces programmes nationaux de réforme constituent une bonne base pour les futurs travaux inscrits à l’agenda de la réforme.
Toutefois - et je voudrais remercier tout particulièrement à ce propos le président de la Commission, M. Barroso, pour son travail institutionnel qui revêt une grande importance dans le cadre des préparatifs du sommet, et surtout pour la rapidité et la rigueur avec lesquelles ses services ont travaillé - la Commission pense que certains programmes devraient inclure des objectifs et des calendriers plus précis et davantage de détails concernant les aspects budgétaires des réformes proposées ainsi que prendre en compte de manière plus détaillée les questions de la concurrence et de l’élimination des obstacles à l’accès au marché.
Les instruments nécessaires sont en place. La priorité majeure des États membres pour 2006 sera donc la mise en œuvre complète et en temps utile de nos objectifs. Pour ce faire, il est vital que les États membres intensifient les mesures qu’ils ont déjà proposées.
La Commission n’a pas proposé d’actualiser les lignes directrices pour la croissance et l’emploi, ce qui veut dire qu’elles resteront pleinement applicables. Vu les changements majeurs survenus l’an dernier, l’accent doit maintenant être mis sur le renforcement des actions et sur leur continuité.
Conformément à la nouvelle gouvernance de la stratégie, les États membres ont fait de réels efforts pour inciter les parlements nationaux, les représentants des autorités locales et régionales, les partenaires sociaux et les autres représentants de la société civile à s’impliquer dans l’élaboration de leurs programmes nationaux.
Il nous faut maintenant encourager les citoyens européens à s’impliquer plus activement dans le processus, pour les convaincre que des réformes appliquées adéquatement et en temps utile contribueront à l’augmentation de la prospérité et à une meilleure répartition de celle-ci.
Pour ce faire, nous avons réellement besoin de l’assistance de votre Assemblée. Le Parlement européen peut nous aider à donner à toutes les parties intéressées un sens accru de responsabilité et d’appartenance à l’égard de la stratégie de Lisbonne et à nous assurer de leur future participation. À cet effet, les débats tels que celui d’aujourd’hui sont une occasion particulièrement appropriée.
À cet égard, je voudrais également souligner que la présidence autrichienne attache une très grande importance au compromis sur la directive sur les services obtenu en première lecture ici au Parlement. C’est un résultat très bien équilibré qui pourra servir de base solide aux futurs travaux. Le nombre des amendements proposés montre à lui seul que cette question suscite énormément de controverses. À la lumière de ce résultat et des discussions qui ont eu lieu au Conseil à ce jour, la présidence tient beaucoup à ce que le Conseil européen appelle dès maintenant la Commission à présenter le plus vite possible sa proposition amendée, et espère que les institutions seront en mesure de conduire le processus législatif à une conclusion rapide.
La présidence souhaite que le Conseil européen prenne, dans le cadre des lignes directrices intégrées adoptées l’an dernier, des mesures prioritaires spécifiques à appliquer d’ici fin 2007. Le sommet de printemps, en tant qu’élément de la stratégie de Lisbonne révisée, sera donc consacré aux questions prioritaires des programmes nationaux de réforme et du rapport de la Commission européenne, à savoir la recherche, le développement et l’innovation, la politique en faveur des petites et moyennes entreprises, l’emploi et l’énergie. Bien sûr, nous devons également continuer à prendre des mesures générales dans le contexte des trois volets de la stratégie de Lisbonne - économique, social et environnemental. Pour pouvoir entamer une phase aboutissant à de réels effets et à des résultats visibles, nous devons viser une combinaison adéquate d’initiatives volontaires vérifiables prises par les 25 États membres et de recommandations de la Commission. Le niveau auquel nous allons fixer nos ambitions est actuellement en cours de discussion dans le cadre de la préparation du Conseil.
La recherche et l’innovation, moteurs de la production et de l’utilisation des connaissances, sont deux des piliers de la stratégie de Lisbonne. Il y a quatre ans, nous nous sommes fixé une cible de 3 % d’investissement dans la recherche en Europe d’ici 2010, une proportion significative de ce financement, à savoir les deux tiers, devant venir du secteur privé. Il serait bon que les ressources mises à disposition par l’Union européenne soient augmentées en fonction des efforts nationaux. À cette fin, nous devons aussi renforcer la coopération entre les universités, le monde de la recherche et l’industrie pour favoriser l’augmentation du financement de la recherche.
Cependant, comme nous le savons tous, nous ne sommes pas allés très loin dans ce domaine si important pour notre avenir: les dépenses de recherche dans l’UE stagnent actuellement à environ 1,9 % seulement.
Nos efforts communs avec la Commission européenne nous ont permis de donner une certaine impulsion et de sensibiliser les États membres à l’importance de fixer des objectifs spécifiques et de s’engager volontairement à augmenter les dépenses de recherche. À cet égard, tous les États membres ont déjà relevé le niveau de leurs ambitions et fixé leurs cibles nationales en conséquence.
De plus, dans notre société de l’information en évolution rapide, les stratégies de communication modernes jouent un rôle vital dans la promotion de l’innovation. S’agissant de l’enseignement supérieur, nous voudrions appeler les États membres à faciliter, d’ici 2007, l’accès des universités à des parrainages privés supplémentaires et à lever les barrières à la coopération entre les institutions universitaires et l’industrie, conformément à leurs conventions nationales.
Deuxièmement, des efforts supplémentaires doivent être consentis pour élargir les conditions-cadres relatives aux entreprises, au potentiel commercial et, en particulier, à la situation des petites et moyennes entreprises. Cette question centrale sera également à l’ordre du jour du Conseil européen. Les petites et moyennes entreprises ont une importance majeure dans l’économie européenne et l’on peut dire à juste titre qu’elles en sont le moteur. L’Union européenne compte environ 23 millions de petites et moyennes entreprises qui emploient près de 75 millions de personnes. Prendre des mesures pour renforcer et promouvoir les petites et moyennes entreprises, qui sont l’armature de l’économie européenne, peut donc apporter une contribution significative à la croissance et à l’emploi. Nous voulons aussi alléger les formalités administratives incombant aux PME et réduire les délais et les coûts qu’implique la création de nouvelles entreprises.
(Le président interrompt l’orateur)
Le Président. - Monsieur Winkler, veuillez m’excuser, normalement la durée pendant laquelle le Conseil et la Commission peuvent s’exprimer n’est pas limitée, mais ce matin nous avons des problèmes d’emploi du temps à cause de la longueur du dernier débat. Puis-je me permettre de vous demander, si possible, de limiter la durée de votre intervention de sorte que les députés puissent intervenir. Je vous remercie d’avance.
Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, si j’ai parlé trop longtemps, veuillez m’en excuser. Je vais abréger mes commentaires et conclure. Il est urgent d’agir dans de nombreux domaines. Mes remarques seraient incomplètes si je ne mentionnais pas le marché du travail, et surtout la promotion de l’intégration des jeunes dans le marché du travail. Le Conseil européen lui-même a l’intention de porter une attention spéciale à la lutte contre le chômage des jeunes. L’un de nos objectifs est de réduire d’ici 2010 le nombre de jeunes qui abandonnent l’école et de veiller à ce que davantage de jeunes achèvent leurs études secondaires. Combattre le chômage de longue durée doit également être l’une de nos principales préoccupations.
Enfin, la question de l’énergie jouera aussi un rôle particulièrement important, non seulement à cause de l’importance du secteur pour la création d’emplois et pour la croissance, mais également, bien sûr, à cause des récents événements. J’espère qu’à cet égard, comme pour tous les autres sujets que j’ai mentionnés, le Conseil européen donnera un vigoureux élan propre à influencer de manière décisive les futures activités de toutes les institutions de l’Union européenne.
Le Président. - Non, Monsieur le Président. Le temps de parole du président en exercice du Conseil et de la Commission n’est pas limité, mais aujourd’hui nous devons tous partager le temps disponible, une ressource rare et non renouvelable.
José Manuel Barroso, président de la Commission. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil européen de la semaine prochaine intervient à un moment important. Nous observons actuellement les premiers indices encourageants d’un renforcement de la confiance des consommateurs en Europe: les investissements reprennent, les chiffres de la croissance s’améliorent progressivement. Ce sont là de bonnes nouvelles. Profitons de ce contexte économique favorable pour faire un nouveau bond en avant vers notre objectif de croissance et d’emploi. Passons à la vitesse supérieure.
L’an dernier, nous avons proposé une révision en profondeur de la manière de piloter la politique économique en Europe. Nous sommes convenus de travailler ensemble au sein d’un partenariat. Nous nous sommes réparti les responsabilités. Nous avons recentré notre stratégie et nos préoccupations sur l’essentiel. Votre Assemblée a accordé un soutien massif à cette nouvelle approche, et je souhaite féliciter le Parlement pour le rôle qu’il joue à cet égard.
Dans son rapport au Conseil de printemps, la Commission propose plusieurs actions prioritaires en faveur de la croissance et de l’emploi. Je ne souhaite pas entrer dans le détail de toutes les mesures spécifiques que nous proposons de prendre, mais dégagerai quelques thèmes qui me paraissent aujourd’hui particulièrement importants.
Je me réjouis aujourd’hui que vingt-cinq programmes nationaux de réformes aient été adoptés. Ils exposent comment chacun des États membres entend traduire, dans la réalité de ses spécificités nationales, les lignes directrices convenues ensemble pour la croissance et pour l’emploi. Certes, les plans nationaux de réformes n’ont pas tous le même niveau d’ambitions, certes, ils n’ont pas tous la même qualité: ils constituent néanmoins une bonne base de travail.
Comprenons-le bien. Il ne s’agit là que d’une première étape, et chacun sait que les rapports ne créent pas des emplois. Il s’agit maintenant de voir la volonté politique, la détermination dans l’application, précisément, de ces intentions.
C’est pourquoi, cette année, il est temps de traduire les paroles en actes. Au cours des prochains mois, la Commission travaillera en étroite coopération avec les États membres en vue d’aider à la mise en œuvre de leurs programmes nationaux et d’en assurer le suivi. Je suis très reconnaissant au Parlement du rôle qu’il assume à cet égard. Les sessions parlementaires communes entre le Parlement européen et les représentants des parlements nationaux consacrées à la stratégie de Lisbonne ont contribué notablement à sensibiliser les parlementaires nationaux aux enjeux et les ont encouragés à être parties prenantes du processus.
Il est toutefois vrai, Mesdames et Messieurs les députés, qu’il y a encore un travail à faire, en termes d’appropriation nationale de cette nouvelle stratégie pour la croissance et pour l’emploi. Dans le cadre du partenariat, les États membres tirent des enseignements de l’expérience des autres. Chacun a quelque chose à offrir, chacun a quelque chose à apprendre, mais je n’insisterai jamais assez sur le fait qu’il nous faut une action qui ne se situe pas uniquement au niveau de la Commission, du Conseil, du Parlement européen mais qu’il faut, aussi, engager positivement les parlements nationaux, les partenaires sociaux, les partis nationaux - et pas seulement les partis européens - et l’opinion publique européenne. C’est une condition pour le succès de notre stratégie renouvelée pour la croissance et pour l’emploi.
Autre question importante: la libre circulation des travailleurs. J’ai noté que le Parlement, dans la résolution qu’il a proposée pour clôturer ce débat, demandait, je cite, «aux États membres de parvenir au plus vite à établir une totale liberté de circulation des citoyens et des travailleurs dans l’Union européenne, tout en menant une action déterminée pour promouvoir la qualité du travail sous tous ses aspects». Je fais entièrement mienne cette proposition du Parlement européen. Les faits vous donnent d’ailleurs raison. Une analyse récente de la Commission montre clairement que le flux des travailleurs des États membres d’Europe centrale et orientale vers les quinze anciens États membres a eu, pour l’essentiel, des effets positifs. Ce n’est là qu’une des raisons pour lesquelles la Commission salue l’annonce faite récemment - après la publication de notre communication - par la Finlande, le Portugal, l’Espagne, d’abord, et par les Pays-Bas maintenant, qu’ils se joignaient à l’Irlande, au Royaume-Uni et à la Suède pour lever les restrictions à la libre circulation des travailleurs en Europe. Je suis impatient de voir d’autres pays se joindre à eux.
(Applaudissements)
Dans une économie mondialisée, aucun État membre ne peut se permettre de faire cavalier seul. Le moment est mal choisi pour faire preuve de nationalisme économique. Ce n’est pas avec des rhétoriques nationalistes que nous pourrons construire l’Europe de demain.
(Applaudissements)
Défendre ses champions nationaux dans le court terme conduit, généralement, à plus longue échéance, à les reléguer en deuxième division. Les entreprises plus performantes, qui ont dû affronter toute la rigueur de la concurrence, laisseront les champions nationaux derrière elles lorsqu’elles se présenteront sur les marchés internationaux. Soyons clairs, Mesdames et Messieurs les députés, ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de champions nationaux, c’est de champions mondiaux basés en Europe en tirant le maximum de profit de notre marché intérieur.
(Applaudissements)
Qu’il n’y ait pas de malentendu, cependant. La Commission exercera ses prérogatives si des entreprises abusent de leur position dominante sur le marché. Elle est légalement tenue de veiller à l’application des règles de la concurrence et de protéger le consommateur. Elle assume pleinement ce devoir.
(EN) Le défi de la mondialisation requiert que le marché intérieur soit renforcé. La libre prestation des services est un élément essentiel du marché intérieur, et nous avons déjà déclaré que le secteur des services et les petites et moyennes entreprises sont les principales forces motrices de l’emploi en Europe aujourd’hui.
Je voudrais vous remercier pour le résultat de la première lecture au Parlement de la directive sur les services. Vous avez présenté des amendements qui faisaient en général l’objet d’un vaste consensus et qui peuvent à présent nous faire aller de l’avant. La Commission réagira positivement à votre consensus.
Au début du mois prochain, nous présenterons une proposition amendée, qui se fondera en grande partie sur cette première lecture et sur les discussions au Conseil. Nous savons que la présidence autrichienne travaillera à la position commune du Conseil peu de temps après. J’espère que cette législation pourra alors être rapidement adoptée, car nous devons progresser dans ce domaine si nous sommes sérieux lorsque nous parlons de croissance et d’emploi.
(Applaudissements)
Les défis énergétiques du XXIe siècle requièrent une réponse forte et efficace. Après une longue période de stabilité relative, nous ne pouvons plus tenir pour acquis la sécurité, à un prix abordable, des approvisionnements énergétique. La dépendance accrue à l’égard des importations, l’augmentation des prix de l’énergie et le changement climatique sont des défis auxquels sont confrontés tous les États membres de l’Union européenne. Seule une réponse européenne, fondée sur la durabilité, la compétitivité et la sécurité, peut faire face à l’ampleur de ces défis.
Dans le livre vert de la Commission, nous avons insisté sur six actions clés. Nous devons créer un véritable marché unique de l’électricité et du gaz en Europe. Nous devons parvenir à une meilleure intégration, laquelle s’accompagne d’une plus grande solidarité entre les États membres en temps de crise. Nous devons accélérer la transition vers une économie produisant peu de carbone, en utilisant à la fois de nouvelles énergies et les énergies existantes pour assurer la durabilité. Nous devons changer l’offre, mais également la demande d’énergie. Les possibilités d’utiliser de manière plus efficace l’énergie dans l’intérêt de l’environnement, des consommateurs et de notre sécurité sont énormes.
L’Europe est à l’avant-garde du développement de technologies produisant peu de carbone, et elle doit le rester. L’innovation doit être renforcée à l’échelle européenne concernant les énergies renouvelables et tout ce qui concerne les technologies respectueuses de l’environnement. Enfin, et surtout, nous devons encourager une approche plus cohérente et intégrée dans nos rapports avec les pays tiers et dans les forums internationaux.
J’entends parfois certains dire que la politique énergétique européenne n’est pas réalisable parce qu’elle touche des domaines où les États membres ont des intérêts stratégiques nationaux. Il est inutile que je vous rappelle qu’à l’origine même de la Communauté européenne, il y avait en fait une politique européenne commune concernant le charbon et l’acier, deux secteurs qui étaient considérés comme les plus sensibles en termes d’intérêts stratégiques nationaux des États membres à l’époque. C’est précisément parce que l’énergie est stratégique que nous avons besoin d’une stratégie européenne et non de 25 stratégies nationales. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons besoin de cette stratégie.
(Applaudissements)
Le livre vert invite tout le monde à participer à cet important débat. J’estime que la réaction positive à notre livre vert et le soutien très engagé de la présidence autrichienne sont des éléments très encourageants et j’espère que le Parlement européen soutiendra pleinement cette nouvelle stratégie de l’Union européenne.
Je voudrais également insister sur la nécessité d’envisager la cohésion sociale comme un élément de la stratégie pour la croissance et l’emploi. La Commission sait parfaitement qu’il faut garantir des emplois de bonne qualité et éviter des conditions de travail précaires. Je pense que la mondialisation offre de grandes possibilités, mais nous ne pouvons ni ne devons ignorer la pression qu’exerce la concurrence internationale féroce sur les entreprises et les travailleurs. C’est la raison pour laquelle la Commission a proposé la création d’un fonds européen d’ajustement à la mondialisation. Ce fond servira d’amortisseur au puissant moteur de la mondialisation. Il complétera les efforts des États membres visant à aider les travailleurs affectés à se remettre en selle. L’important est que les travailleurs se recyclent et se réinsèrent durablement sur le marché du travail. Nous devons associer les partenaires sociaux à nos discussions sur l’emploi et le marché du travail.
L’avenir économique de l’Europe dépend du niveau d’éducation et de formation des travailleurs, qu’il soit le plus élevé possible, avec un large éventail de compétences et l’adaptabilité nécessaire à une économie de la connaissance. C’est la raison pour laquelle nous devons accroître sensiblement les investissements dans l’enseignement supérieur. La Commission propose un objectif de 2 % du PIB pour 2010.
Parallèlement, nous devons augmenter les dépenses dans la recherche et le développement à 3 % du PIB pour 2010. Cela requiert des objectifs nationaux plus ambitieux et des mesures plus ambitieuses pour les atteindre. Nous disposons de plusieurs universités et centres de recherche excellents qui tireront réellement profit de l’augmentation du financement. Nos systèmes sont cependant fragmentés. Un fossé sépare l’enseignement supérieur et la recherche, d’une part, et les entreprises et l’économie, de l’autre. Ils ne semblent pas être liés.
La fuite des cerveaux hors d’Europe est bien trop importante. C’est ce qui a motivé la Commission, à la recherche de l’excellence, à proposer la création d’un Institut de technologie européen (ITE). Ce dernier compléterait d’autres mesures; il utiliserait les ressources mises à sa disposition par ses partenaires, et de manière plus efficace, au profit de ces derniers et de l’ensemble de l’économie européenne. Il s’agit d’un projet ambitieux. Je demanderai aux chefs d’État ou de gouvernement de soutenir cette idée et je demande au Parlement de l’appuyer. Airbus et Galileo nous ont montré l’importance que revêtent des porte-étendards européens couronnés de succès. L’ITE serait le prochain; il symbolise un objectif européen, mais il n’est pas seulement un symbole: il constitue une valeur ajoutée à nos efforts collectifs en termes de recherche, d’éducation et d’innovation.
Je suis également conscient de la nécessité d’en faire davantage dans ce domaine et j’estime qu’il peut s’agir d’un engagement clair, maintenant, en faveur de ce triangle de la connaissance. Bref, un plus grand engagement à l’égard de l’Europe renforcera la prospérité et les libertés de nos citoyens.
Je vous remercie du fond du cœur pour votre soutien, que vous avez si bien exprimé dans votre proposition de résolution. La semaine prochaine, le Conseil européen devra faire preuve d’un engagement similaire envers la croissance et l’emploi. Le moment est venu d’agir. Le temps n’est plus aux belles paroles, mais aux actes.
(Applaudissements)
Hans-Gert Poettering, au nom du groupe PPE-DE. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président de la Commission, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Mesdames et Messieurs, Lisbonne est synonyme de croissance, d’emploi, donc fondamentalement de compétitivité de l’économie de l’Union européenne, et je me félicite de l’engagement personnel du président de la Commission et du fait qu’il concentre les efforts de sa Commission sur ce domaine.
Je voudrais le remercier d’avoir dit qu’un retour au nationalisme économique ou - puisque certains veulent y voir une note positive - au patriotisme économique, signifierait la ruine de l’économie européenne et aboutirait à ce qu’elle ne soit plus compétitive du tout au plan international dans le monde globalisé.
(Applaudissements)
Je vous suis donc reconnaissant pour votre attitude combative et j’espère que vous direz la même chose au Conseil lors de la réunion des chefs d’État ou de gouvernement. Monsieur Winkler, nous avons la plus grande estime pour votre personne et nous apprécions le fait que vous soyez ici, mais quand le président de la Commission est ici il serait bon que la présidence du Conseil soit représentée à un niveau aussi haut, par un ministre. Nous devons nous en souvenir. Je voudrais que les choses soient claires: j’ai le plus grand respect pour vous personnellement, mais, dans ce type de débat, les institutions doivent être représentées de manière similaire. Je le dis tout à fait indépendamment de toute affiliation politique ou de parti. Il s’agit des institutions de l’Union européenne.
Le Parlement européen accorde une grande priorité à la stratégie de Lisbonne, qui est un processus continu qui ne se limite pas à 2010. C’est pourquoi nous avons placé le groupe de pilotage sous la présidence de M. Daul. Je suis heureux que les trois groupes les plus importants - oui, et il se peut qu’un jour peut-être les autres s’y rallient aussi, Monsieur Wurtz - mettent le processus de Lisbonne au centre de leurs activités, comme le fait, bien entendu, le groupe des Verts/Alliance libre européenne, même s’ils ne sont pas ici, et peut-être certains autres aussi...
(Protestations)
.... c’est vrai, les personnalités les plus importantes sont absentes, et vous devriez être contents que je leur accorde autant d’attention. Le marché unique et la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux sont les conditions préalables à la compétitivité de l’Union européenne sur les marchés globaux.
En ce qui concerne la directive sur les services, j’appelle les chefs d’État ou de gouvernement et les gouvernements à prendre exemple sur les efforts du Parlement. Aux gouvernements, je dis ceci: quiconque veut, à ce stade, parvenir à quelque chose de différent anéantira ce compromis sur la directive sur les services. J’appelle donc les gouvernements à suivre l’exemple du Parlement européen.
Je salue également le fait - ce ne sont pas mes affaires, mais je m’en réjouis en tant que président du groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens - que l’un des leaders des Verts soit maintenant parmi nous. Ensemble, nous façonnerons l’Europe, Monsieur Cohn-Bendit.
L’Union européenne a besoin d’esprit d’entreprise. Les entreprises ne sont pas un concept abstrait, et s’impliquer signifie faire de la liberté une réalité. L’esprit d’entreprise est synonyme de création d’emplois. Nous avons besoin d’une perspective positive à cet égard.
Monsieur Barroso, nous saluons votre proposition de création d’un institut européen de technologie. Cette idée doit impliquer, non la création d’une nouvelle haute autorité universitaire, mais d’un réseau entre les divers instituts européens de technologie existant déjà, de manière à ajouter de la valeur et à faire de l’Europe l’un des leaders mondiaux de l’innovation et de la recherche. Vous avez mentionné Galileo et Airbus. Nous avons besoin de nouveaux projets et, à ce titre, nous soutenons vos considérations.
Une dernière remarque, comme je ne dispose pas de 15 minutes comme le Conseil et la Commission: à un certain moment, Monsieur le Président, il nous faudra réfléchir à la question de savoir comment nous pouvons aboutir à un meilleur équilibre. Je recommanderais que cette Assemblée travaille en étroite collaboration avec les parlements nationaux sur cette question, car nous avons pour tâche conjointe, tant au plan national qu’européen, de rendre l’Europe compétitive et de veiller à son bon développement économique et général.
(Applaudissements)
Christopher Beazley (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais présenter une motion de procédure conformément à l’article 166, paragraphe 1, et à l’article 121, paragraphe 2, du règlement. Je regrette d’interrompre le débat, mais avant que ce dernier ne commence, M. Atkins a présenté une motion de procédure que vous avez rejetée parce qu’elle ne concernait pas les travaux du jour. Il se référait en réalité à une question très importante relevant de l’article 166 du règlement. Lorsque le règlement du Parlement n’est pas observé, il est tout à fait juste qu’un député attire votre attention sur ce point.
M. Atkins a déclaré que le gouvernement britannique agit probablement ultra vires, et en contravention à la législation communautaire, concernant un manquement au devoir de confidentialité. La commission compétente vous a écrit. Vous serait-il possible de répondre à M. Atkins avant le vote?
Je voudrais à nouveau vous rappeler que je me réfère à l’article 166, paragraphe 1, et à l’article 121, paragraphe 2, du règlement.
Je m’excuse pour cette interruption.
Le Président. - Je regrette également cette interruption.
Mesdames et Messieurs, désormais la présidence examinera avec plus de rigueur les demandes de motions de procédure, parce que vous ne cessez d’utiliser cette procédure à des fins pour lesquelles elle n’a pas été prévue.
Martin Schulz, au nom du groupe PSE. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, quand la stratégie de Lisbonne a été lancée, c’était la première tentative sérieuse et, à mon avis, une tentative très bien conçue, de réaction européenne aux défis de la mondialisation. La constatation qui a donné naissance à cette stratégie, c’est que nous ne pourrions survivre à la concurrence intercontinentale ni continuer à long terme à rivaliser avec nos concurrents des autres continents si nous ne devenions pas la société fondée sur la connaissance et l’économie nationale la plus forte du monde - mais au niveau européen.
C’était la bonne voie à suivre, mais que s’est-il passé depuis? Ceux qui ont pris cette décision n’arrivent pas à décider s’ils veulent la prendre au niveau européen ou au niveau national. Ils sont tiraillés entre le message selon lequel «nous ne pouvons survivre à cette concurrence qu’en tant qu’Europe unie», ce qui est exact, et le message émanant de leurs pays respectifs disant qu’«en fait, nous sommes en principe suffisamment forts, en tant que gouvernement, pour le faire nous-mêmes», un message évidemment bien plus populaire auprès des électeurs. Le résultat, c’est que l’on n’a pas suffisamment investi dans la stratégie de Lisbonne, ni au niveau européen ni au niveau national. Telle est la situation au bout de six ans!
(Applaudissements)
Monsieur le Président de la Commission, je vous suis reconnaissant de ce que vous avez dit, mais je regrette également que vous soyez resté muet sur un autre aspect. Il y a un abîme entre ce que vous avez décrit une fois encore comme un engagement indispensable, y compris financièrement, et ce qui se passe en pratique. Votre Commission et vous-même avez décrit ce qui est nécessaire en termes de financement pour l’UE pour les sept prochaines années, et le Conseil a adopté une base financière. Le problème, c’est l’écart de 40,82 % entre ce que vous avez demandé et ce que le Conseil a décidé!
Le Conseil vous a accordé 40,82 % de moins que ce que vous aviez demandé pour les perspectives financières. Ce sont des messages différents, Monsieur le Président, des briques de formes différentes. Vous ne pouvez pas construire une belle maison avec des briques disparates. Vous ne pouvez même pas construire un cabanon. Vous ne pouvez même pas construire une cabane à skis à Arlberg am Lech - ou plutôt Lech am Arlberg - pour y chanter des chants de marins le soir. Bienvenue au bas des pistes, Monsieur le Président! La course de descente est terminée.
(Rires)
La troïka sur les perspectives financières, dont nous allons faire l’expérience dans les prochains jours, et le sommet qui suivra attirent encore une fois l’attention sur cette divergence. La troïka est dirigée par des grippe-sous qui raclent les fonds de tiroir jusqu’au moindre centime d’euro pour que l’argent ne puisse être donné à l’Europe.
(Applaudissements)
Trois jours après, les chefs d’État ou de gouvernement se réuniront et, une fois encore, ils clameront haut et fort l’importance du sommet de Lisbonne et des objectifs de Lisbonne. C’est précisément ce qui entrave l’Europe: il n’y a pas d’approche cohérente, logique, de la stratégie de Lisbonne!
Au Parlement européen, nous avons essayé de combiner la flexibilité dont l’Europe a besoin avec la cohésion sociale dont elle ne peut se passer, parce que ces deux aspects vont de pair. Si nous voulons que la population soit avec nous - oui, Monsieur Winkler, en cela vous avez parfaitement raison -, si nous voulons que les citoyens soient avec nous, nous devons présenter la mondialisation comme une opportunité, mais également réduire le risque qu’elle ne soit utilisée pour supprimer les acquis sociaux. Avec la directive sur les services, nous avons essayé de dire oui à la flexibilité là où c’est nécessaire et possible, mais seulement si nous maintenons la cohésion sociale. Par conséquent, je présume que la Commission et le Conseil se baseront sur la décision du Parlement européen pour continuer les consultations sur la directive sur les services. Je ne peux que mettre en garde contre tout écart par rapport à cette décision. Vous l’avez promis, Monsieur Winkler, et vous avez dit aujourd’hui que vous tiendriez cette promesse. Nous veillerons à ce que vous la teniez, soyez-en certain!
Il est vrai que le sujet de l’avenir de la stratégie de Lisbonne a fait couler assez d’encre. Ce qu’il nous faut, ce sont des investissements dans la recherche et dans les compétences, pour que nos meilleurs éléments ne fuient pas vers d’autres continents. Nous devons investir dans l’apprentissage tout au long de la vie parce que, si de bonnes qualifications sont une condition préalable à l’accès au marché du travail, alors l’apprentissage tout au long de la vie est un droit fondamental qui garantit que chacun peut y accéder.
Hier, le président de la République fédérale d’Allemagne a expliqué ce que souhaitent les jeunes d’Europe en prenant l’exemple du régime Erasmus. Toutefois, Erasmus est l’une des lignes des perspectives financières que le Conseil a diminué le plus. Alors je le répète: il n’y a aucune cohérence dans la stratégie de Lisbonne.
(Applaudissements)
Graham Watson, au nom du groupe ALDE. - (EN) Monsieur le Président, aujourd’hui plus que jamais, un fossé sépare ceux qui cherchent à aller de l’avant et ceux qui cherchent à revenir en arrière, ceux qui défendent le marché unique et l’agenda de Lisbonne comme les meilleurs instruments pour garantir une efficacité, une compétitivité et une croissance à long terme et ceux qui rejettent le libre-échange au profit d’un patriotisme économique semblable - comme l’a dit Giulio Tremonti - à celui qui a immédiatement suivi la guerre 14-18.
Ironie du sort, ce prétendu patriotisme - un nationalisme économique à peine déguisé - sera aussi peu profitable aux citoyens français, espagnols ou polonais qu’au reste de l’Europe, car le moteur de l’économie mondiale, c’est la concurrence loyale, c’est elle qui augmente la qualité et fait baisser les prix, et c’est elle que le protectionnisme mine. Si une entreprise trouve une logique commerciale dans la fusion avec une autre société, qui sommes-nous pour lui mettre des bâtons dans les roues? La grande réussite de l’euro, comme l’a souligné le président de la Commission, est que les fusions et les acquisitions se déroulent plus rapidement. L’industrie européenne se prépare aux défis que pose la concurrence dans une économie mondiale.
Ces questions doivent être abordées au Conseil européen de printemps. Elles doivent l’être aussi par la Commission, car cette dernière va être mise à l’épreuve, en tant que défenseur et gardienne des Traités, dans ces circonstances. Face à un assaut sans précédent contre le marché intérieur, la Commission doit s’en tenir aux Traités et aux libertés fondamentales, et ne pas mâcher ses mots lorsque c’est nécessaire - comme vous l’avez fait, Monsieur le Président Barroso, et comme l’ont fait également les commissaires McCreevy and Kroes - et agir pour défendre l’Union. Toutefois, la Commission n’est pas la seule à devoir défendre le marché unique; le Conseil a un rôle à jouer, comme nous le soulignons dans la proposition que nous débattons aujourd’hui. Cela implique que le Conseil de printemps accélère la transposition et la mise en œuvre des directives de l’Union pour créer un marché unique avec une libre circulation des marchandises, des services et des capitaux. Nous voulons que le Conseil européen aborde sérieusement la libre circulation des services, la libre circulation des travailleurs et la libre circulation des capitaux. Étant donné qu’ils discutent du financement futur de l’Union, laissons les chefs d’État ou de gouvernement trouver les fonds nécessaires à la formation de notre main-d’œuvre, aux réseaux transeuropéens et à la recherche et au développement par le biais de l’Institut européen de technologie, qui garantira le futur dynamisme économique.
Le temps est venu que nos chefs d’État ou de gouvernement formalisent les réunions du Conseil qui se déroulent en mars et en octobre. Elles ne doivent pas être présentées simplement comme des sommets de politique économique; les demandes en matière de sécurité énergétique, de paix au Moyen-Orient et de lutte contre la criminalité transnationale organisée sont tout aussi urgentes et devraient figurer à l’ordre du jour de la réunion qui se tiendra la semaine prochaine. La politique de défense en plein essor de l’Union, qui est actuellement élaborée à huis clos, devrait également faire l’objet d’un débat public. La présidence autrichienne a ouvert une récente réunion du Conseil «Environnement» au public; pourquoi ne pas généraliser cette pratique d’ouverture au Conseil?
Mon groupe se réjouit que la Commission ait proposé de présenter un document de réflexion afin que nous puissions discuter de la politique de défense ici, dans ce Parlement, et associer nos concitoyens à la discussion relative à l’avenir que peut avoir notre continent.
Monsieur le Président en exercice du Conseil, il y a un siècle, votre pays avait un ministre des affaires étrangères qui avait étudié à Strasbourg, restauré l’ancien régime et dominé la politique continentale pendant 30 ans. Si Mme Plassnik peut égaler les résultats de Metternich, l’Europe prospérera; si elle échoue, elle pourra toujours suivre son exemple et s’enfuir en Grande-Bretagne.
Rebecca Harms, au nom du groupe des Verts/ALE. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur Winkler, Monsieur Barroso, au fil du temps, mon groupe s’est rendu compte que la stratégie Lisbonne n’a plus rien à voir avec la stratégie qui avait été définie au début de ce très intéressant processus. Le discours de M. Winkler l’a fait ressortir clairement. Elle est devenue maintenant une stratégie unilatérale pour la croissance et l’emploi. L’idée que l’objectif de durabilité et d’équité sociale, tel que défini à Göteborg, doit également faire partie de cette stratégie a été complètement négligée. Je crains, vu les discussions auxquelles j’ai assisté dans le cadre de la structure de coordination pour Lisbonne et à la lumière de la proposition de résolution que nous avons rédigée et sur laquelle nous allons voter aujourd’hui, qu’il y ait un risque que le Parlement ne soit plus prêt à suivre cette stratégie ambitieuse consistant à lier concrètement la durabilité et la croissance.
Si je dis cela, c’est qu’il n’y a absolument aucune volonté de discuter des instruments cruciaux qui garantirait son succès. Dans cette structure de coordination, nous avons essayé de discuter de politique fiscale. Si nous ne sommes pas prêts à envisager une taxation uniforme des sociétés dans l’UE, comment allons-nous résoudre le problème de la concurrence négative de la localisation? Si nous ne sommes pas prêts à parler de taxes écologiques, comment l’État pourra-t-il promouvoir la durabilité de manière contrôlée? Certains députés de ce Parlement refusent totalement de prononcer le mot «taxe», de crainte d’effrayer leurs électeurs. Ils font des promesses à la population, mais sans s’assurer de la mise en place des instruments qui nous permettraient de tenir réellement ces promesses ambitieuses.
Permettez-moi de citer à ce sujet un exemple important: la politique énergétique. Au commissaire Verheugen, à M. Barroso, je dis ceci: si vous n’êtes pas prêts à intégrer une politique de transports à vos stratégies de politique énergétique, si vous n’êtes pas prêts à placer la conservation des ressources et l’efficacité au cœur de vos stratégies et si vous continuez à vous concentrer sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, alors vous êtes voués à l’échec. Vous ne réduirez pas la dépendance à l’égard des matières premières et vous ne serez pas en mesure de garantir des prix équitables sur le marché de l’énergie. Il suffit de se tourner vers les pays où une part importante de l’énergie provient de l’énergie nucléaire. L’électricité en France et en Allemagne est-elle bon marché? Non, elle est chère.
En ce qui concerne le marché, Monsieur Barroso, je vous demande une chose: faites confiance aux propositions présentées par Mme Kroes la semaine dernière. À l’heure actuelle, le marché ne peut pas s’appliquer à l’énergie. Il faut que la production et la distribution de l’énergie, la génération et le réseau, soient séparés. Comme Mme Kroes l’a dit très justement, notre seule chance politique de contrer les géants de l’énergie, c’est de faire en sorte que le marché s’impose à eux.
(Applaudissements)
Francis Wurtz, au nom du groupe GUE/NGL. - Monsieur le Président, Monsieur le Président de la Commission, Monsieur le représentant du Conseil, la Commission a, en règle générale, le chic pour trouver des patronymes évocateurs pour ses programmes: Erasmus, Socrates... Eh bien, elle aurait pu appeler sa stratégie de Lisbonne «Janus», du nom de la célèbre divinité romaine, habituellement représentée avec deux visages, l’un tourné vers l’avenir, l’autre vers le passé. Exactement comme l’Agenda de Lisbonne!
L’un de ces visages de la stratégie de Lisbonne pour la décennie 2000-2010 est avenant. Il évoque, je cite le texte des conclusions du Conseil européen de printemps 2005, «la nécessité d’investir dans le capital humain, qui est l’atout le plus important de l’Europe»; il annonce davantage d’emplois, même le plein emploi, ainsi que des emplois de meilleure qualité; il souligne l’importance de la recherche, de l’éducation, de l’innovation, ainsi que d’un tissu industriel solide sur l’ensemble du territoire de l’Union; il met même en avant l’objectif visant, je cite, «à mettre fin à la perte de diversité biologique d’ici à 2010».
Ce visage-là du Janus européen est tourné vers l’avenir. Il semble annoncer une telle ère de progrès social, économique et écologique qu’on a du mal à comprendre, à première vue, que la Commission considère, je la cite, «qu’il reste beaucoup à faire pour convaincre les citoyens que les réformes contribueront à l’avènement d’une prospérité accrue et partagée et pour les y associer».
Pourquoi diantre? C’est qu’il y a l’autre visage de la stratégie de Lisbonne, tourné, lui, vers les lancinantes obsessions libérales des dirigeants de l’Union. Je cite la dernière communication de la Commission: nécessité d’améliorer l’attractivité de l’Europe aux yeux des milieux d’affaires; réforme des retraites, du secteur de la santé, du marché du travail; assainissement budgétaire; majorer l’âge effectif du départ à la retraite; accroître la productivité du travail; veiller à l’existence d’une véritable concurrence dans le domaine des services; assurer la promotion d’une concurrence accrue sur les marchés de l’électricité et du gaz, etc.
La Commission attend même des syndicats qu’ils jouent, je la cite, «un rôle de démultiplicateur de cette stratégie libérale». Elle attend du Parlement qu’il se joigne à cet effort de communication.
Eh bien, ne comptez pas sur nous pour expliquer aux salariés allemands de la fonction publique qui se mobilisent contre l’allongement du temps de travail et la baisse des rémunérations, aux salariés italiens qui exigent la remise à plat de la loi 30, cette machine à fabriquer de la précarité, aux jeunes Français qui s’élèvent contre le projet d’un contrat de travail de deux ans permettant au patronat de licencier comme bon lui semble, aux femmes salariées britanniques qui s’opposent au projet de porter l’âge du départ à la retraite de 60 à 65 ans, aux salariés des nouveaux pays membres d’Europe centrale qui ne veulent pas que leurs pays soient considérés comme une zone low cost et revendiquent leurs droits au progrès social, ou encore à tous ceux qui s’opposent à la stratégie de compression des dépenses publiques et sociales menée sous l’égide du Pacte de stabilité, ne comptez pas sur nous, dis-je, pour leur expliquer qu’ils se trompent puisque la stratégie de Lisbonne prépare, contrairement aux apparences, leur bonheur!
En vérité, les deux volets de Lisbonne sont incompatibles. Il faut mettre en échec le second, pour faire vivre le premier. Tel est notre choix.
Jens-Peter Bonde, au nom du groupe IND/DEM. - (DA) Monsieur le Président, après les rejets français et néerlandais de la Constitution, le sommet européen a décidé de marquer une pause afin de réfléchir à l’avenir de l’Europe. Il semble à présent qu’il ne s’agissait pas d’un temps de réflexion, mais plutôt d’un changement concernant qui va ratifier cette Constitution et quand. Depuis les deux votes contre la Constitution, celle-ci a été approuvée au Luxembourg, à Chypre, à Malte, en Lettonie et, plus récemment, en Belgique. Le processus est en cours en Estonie et la Finlande approuvera la Constitution avant de prendre la présidence le 1er juillet. Une délégation de parlementaires de la commission des affaires constitutionnelles s’est rendue à Helsinki il y a peu. Seul un petit parti, représentant les véritables Finlandais, respectera le «non» français et néerlandais. La Constitution propose que les ratifications puissent se poursuivre jusqu’à ce que 80 % des pays l’aient approuvée, un sommet spécial devant alors être organisé. Les dispositions de la Constitution ne peuvent cependant constituer une raison de modifier le traité de Nice, où l’unanimité est la règle. La Constitution est par conséquent formellement morte à la suite du «non» français et néerlandais. Au Pays-Bas, le gouvernement a déclaré qu’il ne ratifierait pas le texte rejeté et, en France, les principaux hommes politiques se sont exprimés dans le même sens. Il est par conséquent illégal de poursuivre les ratifications sans qu’une nouvelle décision soit prise, à moins que la France et les Pays-Bas ne jouent un double jeu et ne tiennent certains propos chez eux et d’autres à Bruxelles.
Je voudrais demander à la présidence si la France et les Pays-Bas ont formellement accepté que les ratifications se poursuivent sans modification du texte rejeté. Ne serait-il pas préférable d’utiliser le temps de réflexion pour étudier de nouvelles idées et préparer ainsi un texte que les citoyens pourraient approuver lors de référendums organisés le même jour dans tous les pays, un texte dont les intitulés principaux pourraient être transparence, démocratie et proximité des citoyens?
Brian Crowley, au nom du groupe UEN. - (EN) Monsieur le Président, je voudrais remercier le président en exercice du Conseil, M. Winkler, ainsi que le président Barroso pour les propos qu’ils ont tenus ici aujourd’hui.
Après m’être penché sur la question et en avoir discuté pendant des années, l’une des choses qui me frappent se présente sous forme de question: qu’attendons-nous vraiment de la stratégie de Lisbonne? Les principaux éléments et objectifs sont aujourd’hui tout aussi valides que lors de leur adoption: faire de l’Europe l’économie la plus dynamique et la plus innovante du monde en 2010. Malheureusement, les propos que nous avons entendus aujourd’hui reviennent à presque tout axer sur ce que devrait faire la stratégie de Lisbonne. Nous sommes peut-être trop ambitieux ou trop larges quant aux domaines que nous voudrions voir inclus.
L’une des questions les plus importantes - que tous les orateurs ont mentionnée aujourd’hui dans cette Assemblée - a été l’investissement dans le capital humain: la question de la formation, de l’éducation et de la manière dont elle augmente la recherche, et de l’innovation et du développement futurs. Examinons vraiment ce qui se passe au sein de l’Union européenne à l’heure actuelle. Examinons la situation démographique: nous avons une population vieillissante et un taux de natalité en chute dans la plupart des États membres, mais pas de stratégie pour y répondre. Nous avons besoin de stratégies qui pensent à l’aspect positif d’une population vieillissante, à l’expérience qu’elle a, mais également de stratégies réalistes lorsqu’elles constatent que les citoyens se voient refuser des occasions d’accéder au nouveau marché du travail. Nous devons leur donner les compétences et la formation dont ils ont besoin pour travailler dans ce que l’on appelle l’économie numérique.
En dépit de tous les propos mielleux que nous pouvons déverser ici, ce n’est pas l’Union européenne qui est plus à même de produire ces stratégies - la mieux placée pour offrir ces compétences aux jeunes travailleurs, aux étudiants ou aux personnes âgées qui veulent se recycler ou acquérir de nouvelles compétences -, mais plutôt chacun des États membres. C’est pourquoi nous avons demandé des plans nationaux avec des objectifs clairs qui garantiront le retour des investissements.
Lorsque nous parlons de stratégie européenne pour l’emploi, de cohésion sociale et de partenariat social, il est vital d’inclure les citoyens. Il est également essentiel que les citoyens se réveillent et voient la réalité de la délocalisation industrielle - qui a fait l’objet d’un débat hier - et le manque d’investissements dans la recherche et le développement. Voyez les 20 principales sociétés biotechnologiques mondiales: 19 sont américaines et une, suisse - aucune ne se trouve sur le territoire de l’Union.
Si nous voulons être réalistes lorsque nous parlons de devenir les plus dynamiques, nous devons prendre des décisions fermes qui reflètent cette position.
(Applaudissements)
Leopold Józef Rutowicz (NI). - (PL) Monsieur le Président, le rapport du groupe de haut niveau présidé par Wim Kok nous donne une description réaliste de l’état de l’économie européenne, qui est menacée de marginalisation par rapport aux marchés asiatiques et américains. Le marché mondial est bienveillant envers les entités économiques performantes, concurrentielles et offrant des produits et des services bon marché et de bonne qualité. La participation directe des États membres et des parlements aux programmes de mise en œuvre peut être considérée comme une des réussites des activités visant à réaliser la stratégie de Lisbonne. L’action relative au programme de sécurité énergétique peut également créer des conditions plus favorables, plus stables pour le développement économique. Le fait qu’un groupe important de personnes prenne part à la mise en œuvre de la stratégie peut également susciter un certain optimisme. Le problème se situe au niveau de l’efficacité des actions et de la résistance montrée à leur égard. Ces actions comprennent la création d’un marché intérieur, d’un marché du travail, des conditions propices à la restructuration et à la création d’entreprises et à la croissance de l’innovation, tout en supprimant simultanément le chômage et en augmentant les salaires. Nous devons parvenir à un consensus entre les groupes politiques, les syndicats et les employeurs. Il existe des obstacles particulièrement significatifs au processus de restructuration, d’organisation du marché agricole et de limitation des coûts de production agricole. Le manque de viabilité dans certains secteurs de production signifie qu’un grand nombre de holdings font face à des liquidations et que le chômage et les terres en friche sont en augmentation. C’est la raison pour laquelle il est vital de prendre rapidement des mesures en vue de mettre en place un système de production agricole avec un marché garanti, comme les biocarburants et la biomasse. Nous devons mettre en place un programme pluriannuel en vue d’adapter l’agriculture aux nouvelles conditions du marché. Le processus d’abolition du protectionnisme, qui, au lieu de créer de la valeur ajoutée, la diminue et qui augmente les coûts sociaux, est confronté à des obstacles de taille. Pour terminer, je voudrais citer les paroles optimistes du président allemand: «Nous devrions faire des défis des chances de réussite». Je pense que nous pouvons y parvenir.
Othmar Karas (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président de la Commission, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Mesdames et Messieurs, je souhaite le meilleur à toutes les institutions pour les actions qu’elles doivent adopter au cours des prochaines semaines ou lors du sommet, qui doivent être des points de départ pour l’avenir de l’Europe. Le leitmotiv de toutes les séances des semaines à venir doit être, comme M. Barroso l’a dit, «Des faits, pas des mots».
Nous préconisons des actions montrant clairement que nous rejetons le particularisme, le protectionnisme et la mentalité selon laquelle «charité bien ordonnée commence par soi-même». Nous invitons les États membres à prendre des actions européennes courageuses, concrètes et vérifiables en faveur de la croissance, de l’emploi et de la politique énergétique. Nous demandons enfin aux États membres de s’aligner sur la directive sur les services et les perspectives financières et de ne pas rester immobiles plus longtemps.
Que voulons-nous? Premièrement, nous voulons des actions décisives, afin que l’Union européenne puisse continuer à évoluer vers une union politique avec davantage de courage, de crédibilité et de détermination. L’union politique est notre objectif premier.
Deuxièmement, nous devons créer un marché intérieur fonctionnel et faire le nécessaire afin qu’il devienne, à terme, un marché domestique. Quand pourrons-nous parler en termes de marché domestique pour tous? Alors que nous consacrons le moins de temps possible à la mise en œuvre des quatre libertés pour tous les citoyens d’une UE sans frontières. La liberté et la responsabilité à la place des chaînes, du protectionnisme, du nationalisme et du cloisonnement des règles transitoires - tel est notre objectif et cela apportera une valeur ajoutée commune aux citoyens de l’Europe.
(Applaudissements)
Troisièmement, tout qui nationalise au lieu d’européaniser jette du sable dans les yeux des citoyens. Où sont les initiatives et les projets visant à mettre en œuvre le plan D et à impliquer les citoyens dans le projet européen? Quatrièmement, je préconise également la codécision avec le Parlement européen pour toutes les questions relatives au marché intérieur, les questions relatives à la croissance et à l’emploi et pour les perspectives financières. Il est évident que la règle de l’unanimité au sein du Conseil bloque le progrès, empêche ou entrave les solutions européennes et renforce le particularisme. Ce n’est pas ce que nous souhaitons.
Cinquièmement, nous avons besoin de projets européens spécifiques et pas seulement de plans d’action nationaux: la création d’un cadre européen pour la recherche, la création d’une infrastructure européenne, la création d’un marché européen de l’énergie, la création d’un espace aérien européen, la création d’une offensive européenne d’établissement et d’innovation, l’extension du programme européen d’éducation. Pour tout cela, nous voulons voir des projets et des actions, pas uniquement des déclarations. Sixièmement, nous n’avons pas de politique économique commune, ce qui signifie que nous devons coordonner beaucoup plus étroitement les différentes politiques économiques. L’UE est une chance. Le particularisme et le protectionnisme constituent un danger dont nous seuls sommes responsables.
(Applaudissements)
PRÉSIDENCE DE M. McMILLAN-SCOTT Vice-président
Robert Goebbels (PSE). - Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Président de la Commission, une stratégie sans moyens, c’est comme Napoléon sans armée: impuissante et finalement inutile. C’est la menace qui plane sur la stratégie de Lisbonne. Des perspectives financières chétives, des budgets nationaux en déséquilibre, un budget communautaire qui représente moins d’un tiers du seul déficit du budget américain: l’Union en est-elle donc réduite à des gesticulations?
Le projet de résolution que j’ai établi avec mon excellent collègue Klaus-Heiner Lehne indique quelques pistes intéressantes, même si notre Parlement se refuse parfois à regarder la vérité en face. Ainsi, la majorité a écarté le fait qu’une bonne partie du surplus de croissance des États-Unis ces dernières années était le résultat de l’intégration de plus de dix millions d’immigrés légaux. Il nous faut une politique d’immigration européenne plus généreuse. Une telle politique se ferait-elle aux dépens des pays en développement? Selon les Nations unies, les transferts monétaires des immigrants à leurs familles représentent plus du double de l’aide internationale au développement. Le développement économique spectaculaire de l’Inde, de la Chine, de Taiwan, de Hong Kong doit beaucoup à la création d’entreprises par d’anciens émigrés rentrés au pays.
L’Europe de la recherche reste à construire. Ce sont surtout les entreprises moyennes qui n’investissent pas assez. Une des causes de ce phénomène est l’accès trop bureaucratique aux fonds européens. Une autre est le manque de coopération entre entreprises et universités. Ces dernières devraient pouvoir se procurer davantage de moyens en valorisant leurs activités de recherche par des brevets, des licences et en investissant dans des «jeunes pousses».
En matière énergétique, l’Europe doit s’allier aux autres grands consommateurs, les États-Unis, le Japon, la Chine et l’Inde, pour contrebalancer les cartels et les oligopoles qui dominent les secteurs du pétrole et du gaz. Face à un marché dominé par une poignée de pays producteurs, il est vain de chercher son salut dans la seule libéralisation du marché européen, surtout quand cette libéralisation aboutit à la constitution de quelques soi-disant champions européens qui finiront par se partager le marché. La libéralisation du marché énergétique américain fut loin d’être une réussite.
L’évolution démographique à laquelle est confrontée l’Europe ne constitue pas un défi pour le financement de la sécurité sociale uniquement. Le gain de dix, vingt ans d’espérance de vie pour des populations généralement bien formées et en bonne santé est également une grande chance. Il faut élaborer des stratégies concernant le vieillissement actif, la retraite à la carte, l’intégration des seniors dans la vie sociétale. L’Europe doit renoncer à son discours pessimiste sur l’avenir et saisir au contraire toutes les occasions nouvelles pour bâtir cette société dynamique et inclusive, à laquelle vise la stratégie de Lisbonne.
PRÉSIDENCE DE M. ONYSZKIEWICZ Vice-président
Alexander Lambsdorff (ALDE). - (DE) Monsieur le Président, un an après la révision à mi-parcours de l’agenda de Lisbonne, il est temps de se demander une fois encore où en est l’Europe. Malheureusement, la réponse à cette question est peu réjouissante. Après le choc politique provoqué par le «non» à la Constitution, nous sommes à présent menacés par la paralysie économique et Lisbonne risque de devenir, comme la femme-tronc, une attraction de foire, car, malgré le consensus voulant que la mise en œuvre de la stratégie soit la responsabilité des États membres, ce sont ces derniers que l’on voit commettre des coups bas protectionnistes au nom du patriotisme économique, et cette attitude est à l’origine d’inquiétudes considérables.
Ceux qui s’imaginent que nous pourrons aller plus loin dans le processus de Lisbonne ou devenir plus compétitifs avec un marché intérieur moins développé ont perdu tout contact avec la réalité ou sont malhonnêtes. La réussite économique de l’Europe ces 50 dernières années était basée sur les quatre libertés du marché intérieur, dont trois sont aujourd’hui grandement menacées. Tout a commencé il y a deux ans lorsque, entre autres, l’Allemagne et l’Autriche ont imposé des restrictions à la mobilité de la main-d’œuvre issue des États membres d’Europe de l’Est. Il apparaît à présent que les pays qui n’ont pas entravé la mobilité de la main-d’œuvre, comme la Grande-Bretagne, peuvent témoigner qu’ils ont eu raison d’agir de la sorte.
Considérons maintenant la libre circulation des capitaux. L’Italie interdit l’acquisition de participations dans les banques italiennes, la Pologne s’oppose à la fusion de UniCredit et HBV, les Français et les Espagnols refusent le rachat de leurs fournisseurs d’énergie nationaux, ce qui est particulièrement ironique étant donné que c’est dans le secteur de l’énergie qu’une approche européenne est réclamée. Est-il possible de croire que nous pouvons avoir une politique énergétique commune sans marché intérieur de l’énergie? Nous devons saluer le discours sans équivoque de la Commission à cet égard et il est à espérer que le Conseil suivra ses recommandations.
La troisième liberté - celle de la prestation de services - est également menacée. L’Allemagne, la Belgique et la France ont vidé la directive sur les services d’une bonne partie de sa substance, ce qui signifie ni plus ni moins que la division du travail dans ce domaine n’est pas encore pour demain. Appliqué à la libre circulation des biens, cela signifierait, par exemple, que Renault ne pourrait exporter ses véhicules en Allemagne que si, une fois sur place, ceux-ci ne coûtaient ni plus ni moins que ceux de Volkswagen. Et que penser de Škoda? Les travailleurs de Mladá Boleslav gagnent moins que leurs homologues qui assemblent des Audi ou des Citroën. S’agit-il également de dumping social? La conséquence logique des objections des syndicats à la directive sur les services serait qu’ils demandent l’instauration de droits de douanes punitifs sur les produits industriels provenant des États membres où les salaires sont plus bas. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils le fassent. Je pourrais ajouter qu’en toute logique, exiger des nouveaux États membres qu’ils augmentent leurs impôts sur les sociétés revient précisément au même.
Lisbonne n’est pas plus une fin en soi que le marché intérieur. L’Europe continentale a besoin, en son cœur, d’une nouvelle croissance, de davantage de croissance si l’on veut donner aux millions de chômeurs un nouvel espoir pour le futur. Nous nous devons, politiquement, socialement et, finalement, moralement, de le leur donner. Hypothéquer le marché intérieur est une honte vis-à-vis des chômeurs d’Europe, envers qui nous avons des obligations, car c’est pour eux et pour les membres les plus faibles de notre société que nous devons faire de Lisbonne une réussite. C’est également vrai pour les personnes âgées. La résolution de cette Assemblée insiste sur l’importance du changement démographique et tant les personnes âgées d’aujourd’hui que celles de demain méritent notre attention. La croissance est nécessaire pour stabiliser nos systèmes de sécurité sociale. La redistribution seule ne suffira pas. Je voudrais ajouter que je pense que nous devrions tenir ce débat à Bruxelles plutôt qu’à Strasbourg.
Pierre Jonckheer (Verts/ALE). - Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur Barroso, Monsieur Verheugen, je suis écologiste mais je ne vais pas vous parler d’énergie. J’ai des collègues, que vous connaissez, très compétents sur le sujet.
Je voudrais vous parler du rôle de la Commission dans la stratégie de Lisbonne. Vous avez insisté, à de nombreuses reprises et à juste titre, sur le fait que, pour que cette stratégie réussisse, il faut une large adhésion populaire et il faut que les parlements nationaux et tous les acteurs soient correctement impliqués. Je crois qu’il convient, à cette fin, que la Commission envoie deux messages clairs.
Le premier message consiste à dire que la stratégie de Lisbonne n’est pas synonyme de concurrence échevelée entre les États membres. Nous défendons au contraire un modèle de coopération et de solidarité entre les États membres.
Le deuxième message consiste à dire que, dans une Union européenne de vingt-cinq États membres, il ne peut pas y avoir des citoyens ou des travailleurs de première et de deuxième catégories.
Je vous donne à présent trois exemples concrets, sur lesquels j’attendrais de votre part un message plus offensif. Premier exemple, la libre circulation des travailleurs. Vous y avez fait allusion, vous avez publié un rapport - qui est très bien - et vous vous félicitez de ce que certains États nationaux s’alignent sur la Commission. J’attendrais du président de la Commission et du collège que, dans l’intérêt de l’Union européenne, ils disent aux États qui ne veulent pas la suivre ou qui sont réticents: Messieurs, vous faites fausse route.
Deuxième exemple, concernant la directive sur les services, le Parlement a rejeté le principe du pays d’origine, le PPO. Quel était le problème avec ce principe? C’est qu’on ne voulait pas organiser le marché unique sur une mise en concurrence des règles nationales sans harmonisation suffisante. Vous devriez maintenant, pour rassurer les travailleurs, dire clairement ceci: le Portugais, l’Allemand et le Slovaque qui travaillent sur un chantier en Pologne doivent avoir le même salaire, et inversement. Autrement dit, la directive sur le détachement des travailleurs doit être renforcée et vous avez les prérogatives pour le faire.
Troisième exemple, concernant la question de l’évolution de la fiscalité en Europe, la Commission a progressé sur le dossier de l’harmonisation de la base imposable dans le cadre de la fiscalité des entreprises. Vous devez, en 2007-2008, déposer un rapport sur le budget et les ressources futurs de l’Union européenne. Ayez la volonté politique et le courage de dire ceci: il n’est pas acceptable - d’autres collègues en ont parlé - que le budget soit réduit au point de devoir ramener à deux tiers le budget prévu pour les jeunes étudiants ou les jeunes travailleurs.
En d’autres termes, Monsieur Barroso, j’attends, pour la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne, que vous ne vous réfugiez pas seulement derrières les États membres, même s’ils ont un rôle important à jouer, mais que vous dépassiez votre rôle d’honest broker, d’intermédiaire impartial, et que vous trouviez réellement, parce que vous avez le monopole de l’initiative législative, la force de défendre l’intérêt européen qui est menacé par la montée des replis nationaux.
Ilda Figueiredo (GUE/NGL). - (PT) Le moment est venu d’écouter les protestations et la lutte contre les mesures néolibérales contenues dans la stratégie de Lisbonne récemment révisée, dont les conséquences sont à l’opposé de ce qui avait été promis en 2000 au sommet de Lisbonne.
Avec l’intensification de la libéralisation des marchés, de la privatisation des services publics et de la promotion de la flexibilité du marché du travail, ou de la flexisécurité comme l’appelle maintenant la Commission, nous avons constaté une baisse de la croissance économique, une hausse du chômage, une augmentation de la précarité de l’emploi, davantage de pauvreté et de plus grandes inégalités dans la répartition des richesses, au nom de la compétitivité et de la libre concurrence.
Il apparaît désormais plus clairement que les deux piliers de base des politiques néolibérales sont le pacte de stabilité et de croissance et ce que l’on appelle la stratégie de Lisbonne, sans parler des réductions considérables des fonds communautaires qui n’ont servi à faire de la cohésion économique et sociale rien de plus qu’un mirage.
C’est pourquoi, comme nous le suggérons dans la résolution que nous avons présentée, il est vital que la stratégie de Lisbonne soit remplacée par une stratégie européenne de solidarité et de développement durable, qui encouragera l’investissement dans la recherche et l’innovation en vue d’un développement équilibré et durable, dans la qualité du travail sous tous ses aspects, dans l’amélioration des qualifications, dans les infrastructures de base de soutien à l’industrie, dans les services publics, dans la protection de l’environnement et la technologie environnementale, particulièrement dans l’énergie et les transports, dans l’amélioration des législations en matière de travail, d’affaires sociales, d’environnement et de sécurité, afin de parvenir à une harmonisation aux plus hauts niveaux, ainsi que dans l’économie sociale.
Un nouvel agenda de politique sociale est également nécessaire en vue de développer une société…
(Le président retire la parole à l’oratrice)
John Whittaker (IND/DEM). - (EN) Monsieur le Président, M. Barroso veut que l’Union européenne s’engage auprès de la société civile et M. Winkler veut motiver les citoyens européens. Toutefois, ce qui est le plus susceptible de faire bâiller ou soupirer les observateurs de l’Union européenne, ou de leur faire dire «Oh non, pas encore!», c’est que nous parlions de l’agenda de Lisbonne. Ne pouvons-nous pas accepter le fait que la stratégie de Lisbonne a sombré, tout comme le pacte de stabilité, ce qui est plus regrettable, car il est à la base de l’euro? Si la stratégie de Lisbonne a sombré, pourquoi devons-nous toujours la relancer?
Nous voulons une croissance économique et des emplois; nous voulons tous que les économies européennes prospèrent. Il faut toutefois reconnaître que nous n’avons pas la bonne formule. Au lieu d’être la force motrice des réformes nécessaires, l’Union européenne, par ses règlements interminables et son ingérence, freine les économies d’Europe. Les améliorations qui se sont produites récemment dans certaines économies européennes ont été obtenues en dépit de l’Union européenne. Elles résultent davantage d’un développement mondial.
Les économies européennes n’ont pas besoin d’une stratégie de Lisbonne, elles ont besoin qu’on les laisse en paix afin de laisser les marchés fonctionner et les entrepreneurs créer des emplois. Ne voyons-nous pas qu’en continuant à parler de la stratégie de Lisbonne, l’Union européenne ne fait que mettre en exergue sa propre impuissance? Je recommande donc une période de silence, d’arrêter de parler d’un agenda qui, année après année, a été universellement reconnu comme un échec.
Guntars Krasts (UEN). - (LV) Monsieur le Président, à la suite de la révision du processus de Lisbonne l’année dernière, nous avions espéré que la stratégie avait acquis une vigueur nouvelle. Les événements de ces six derniers mois ont cependant montré que la véritable action à entreprendre en vue d’atteindre les objectifs de la stratégie se fait toujours attendre.
En évaluant les programmes de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne des États membres, la Commission européenne parle de duplication des efforts déployés en vue d’atteindre les objectifs de Lisbonne. Je pense qu’actuellement, une avancée majeure serait de parvenir à réduire au moins de moitié les efforts déployés en vue d’éviter le travail lié à la stratégie de Lisbonne. L’exemple flagrant le plus récent est la directive sur les services, qui était destinée à apporter un souffle vital à la libéralisation du marché intérieur et à l’accroissement de la compétitivité, et qui a également été une des pierres angulaires de la stratégie de Lisbonne. Le texte de compromis du Parlement européen ne contribuera que peu à stimuler le marché commun, du moins pas tant que la stratégie de Lisbonne est en vigueur. De la même manière, dans d’autres sphères, de plus en plus de changements et de réformes doivent faire face à une résistance sociale et politique. Une énergie énorme est dépensée afin de maintenir la situation actuelle et de restreindre les changements et les réformes, mais les réformes du marché intérieur de l’Union européenne et l’intensification de son intégration sont en fait les principales mesures susceptibles de créer un environnement propice à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.
Peu de choses ont jusqu’à présent été réalisées en vue d’apporter un soutien financier coordonné aux activités requises par Lisbonne. Au cours du débat passionné sur le cadre financier, les représentants des gouvernements des États membres n’ont pas réfléchi de manière stratégique et le cadre financier n’a que très peu de rapport avec les activités requises par Lisbonne. De la même manière, peu de choses ont été faites en vue de coordonner l’utilisation des Fonds structurels avec les priorités de Lisbonne. L’utilisation des Fonds structurels et une coordination plus étroite de la stratégie de Lisbonne doivent avoir lieu à l’échelle de l’UE comme des États membres, en harmonisant les plans de développement nationaux et les programmes de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.
À la base de toute stratégie se trouve la capacité à subordonner les intérêts à court terme aux actions à long terme. C’est pour cette raison que la réalisation de la stratégie de Lisbonne dépendra également de quand et comment les États membres et l’Union européenne dans son ensemble parviendront à convaincre les citoyens de l’UE que si l’on ne concrétise pas la stratégie de Lisbonne à long terme, les objectifs de croissance et d’emploi ne pourront pas être atteints.
Philip Claeys (NI). - (NL) Monsieur le Président, l’objectif de la stratégie de Lisbonne est de faire de l’Europe l’économie la plus forte du monde et je pense qu’il y a au sein de cette Assemblée un large consensus quant à cet objectif. J’émets cependant des doutes quant à la manière dont nous tentons de l’atteindre. Je ne peux m’empêcher d’arriver à la conclusion que l’Europe est aujourd’hui encore beaucoup trop préoccupée par les subventions, au détriment des investissements et de l’innovation.
Les divers États membre, mais également la Commission, en sont les responsables. Alors que la Commission avait proposé de doubler les dépenses consacrées à la science et au développement pour atteindre 10 milliards d’euros par an à compter de 2007, le Conseil a rejeté cette proposition, car elle aurait nécessité des réductions considérables des subventions agricoles, des subventions régionales et également des Fonds structurels.
Quand je pense aux Fonds structurels européens, je pense automatiquement au puits sans fond qu’est la Wallonie, par exemple, vers laquelle des millions d’euros sont détournés chaque année sans jamais aboutir au moindre changement structurel, à cause d’un parti socialiste omniprésent et corrompu. Ce fait est maintenant corroboré par divers éminents économistes et hommes politiques wallons.
À présent, Mme Danuta Hübner, commissaire européenne à la politique régionale, affirme que la Wallonie parvient à gérer efficacement les Fonds structurels et que les projets wallons sont le signe de ce que l’on peut appeler des changements structurels remarquables se produisant dans cette région. Eh bien, venant de quelqu’un qui est en partie responsable du suivi de la stratégie de Lisbonne, cela soulève certaines questions.
Klaus-Heiner Lehne (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais tout d’abord saisir cette occasion pour remercier très chaleureusement mon co-rapporteur, M. Goebbels, pour la bonne coopération au sein du groupe de pilotage, dans lequel nous sommes parvenus à produire, pour la séance plénière et pour la Conférence des présidents, un projet qui constitue la suite logique de ce que nous avons produit l’année passée lorsque la révision à mi-parcours était au centre de l’attention.
Comme elle l’a fait alors, l’Assemblée approuve la stratégie de la Commission. Nous avons, en particulier, une fois encore été clairs sur ce sujet: notre capacité à réaliser les autres objectifs principaux de la stratégie de Lisbonne de la manière dont nous le souhaitons dépend de la croissance et de l’emploi.
Cette Assemblée a également joué un rôle dans l’établissement de priorités, trois d’entre-elles figurant dans notre résolution, à savoir le changement démographique, la politique énergétique et l’innovation.
Mon seul grief concerne un point que beaucoup d’orateurs ont déjà mentionné. L’approche stratégique n’est pas notre principal problème, l’approche stratégique retenue est la bonne. Notre problème est ce qui se produit au bout du compte. Pour parler de manière pratique et directe, selon moi, l’aspect le plus négatif est ce qui se produit à chaque fois que le Conseil européen se mêle de ce problème: il décide d’une stratégie efficace et assez judicieuse et la présente lors d’une conférence de presse. S’ensuit alors une série d’articles sur le sujet. Le jour suivant, ou peut-être quelques jours plus tard, les ministres des finances se réunissent et retirent ce que le Conseil européen avait décidé. C’est un problème stratégique fondamental et je n’ai aucune idée de la manière dont nous allons le résoudre. Il contribue largement à nourrir la perception d’une partie des citoyens européens selon laquelle la politique européenne est malhonnête ainsi que leur désespoir face à l’Europe. Lors de ce sommet, il faudra expliquer clairement que nous ne pouvons pas faire deux poids, deux mesures. Au contraire, la politique telle qu’elle est concrètement mise en œuvre doit refléter les orientations stratégiques.
Le dernier problème que je souhaiterais aborder est celui de la manière dont l’impact des législations doit être évalué - un point également mentionné dans notre résolution. Nous voudrions souligner que nous attendons de l’évaluation d’impact qu’elle inclue un facteur indépendant, garantissant ainsi la neutralité du résultat. Cela s’inscrit dans le processus visant à mieux légiférer et cette requête est adressée à la Commission.
Harlem Désir (PSE). - Monsieur le Président, 2005 a été la première année de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne révisée. La stratégie est mieux connue, elle a été débattue dans les États membres, les programmes nationaux de réformes ont été adoptés. C’est un progrès, mais c’est à peu près le seul.
Pour le reste, le Président du Conseil a été bien hardi en affirmant tout à l’heure que la stratégie de Lisbonne était relancée. Dans les faits, elle est plutôt ensablée. Comme l’a dit Martín Schulz, elle est ensablée dans des perspectives financières lilliputiennes, dans une croissance anémiée au sein de la zone euro. Elle est ensablée par un manque d’investissements flagrant dans la recherche et l’innovation, dans les universités, dans la formation tout au long de la vie, qu’il s’agisse des investissements au niveau européen ou au niveau des États membres. De même, les réseaux transeuropéens peinent à s’achever, les énergies renouvelables, les biotechnologies sont encore un parent pauvre de nos efforts d’investissement et de recherche.
Passons à la vitesse supérieure, avez-vous dit, Monsieur Barroso: enclenchons la première, ce serait déjà bien, ai-je envie de vous répondre! Pour que la stratégie de Lisbonne soit un succès, il lui faudra des moyens, des perspectives financières cohérentes, avec des priorités définies, des investissements au niveau de chacun des États membres, un cadre macroéconomique qui soutienne réellement la croissance.
Mais il lui faudra aussi une appropriation par les citoyens, vous l’avez évoqué, Monsieur le Président. L’adhésion à la stratégie de croissance que l’Union européenne a définie est une condition de sa réussite. C’est pourquoi renoncer à la dimension sociale de cette stratégie, se laisser entraîner sur une pente de libéralisations tous azimuts, de précarisation, de fragilisation des droits sociaux et des services publics serait une double erreur. Ce serait affaiblir les bases de la compétitivité future de l’Union, se détourner de l’Europe de l’excellence, ce serait aussi détourner les citoyens de l’Union européenne et de ses politiques.
Le social n’est pas l’ennemi de la compétitivité! Les pays nordiques, nous l’avons souvent évoqué dans ce débat, ont su mener à bien des réformes parce qu’ils les ont négociées et qu’ils les ont assorties non seulement d’une nouvelle souplesse économique et d’importantes contreparties pour les travailleurs en matière sociale, en matière de formation tout au long de la vie, en matière de protection des droits, mais aussi d’un effort collectif d’investissement dans la recherche et dans l’innovation. Cela suppose toutefois le maintien d’un haut niveau de redistribution, de prélèvements, à la fois sur le plan fiscal et sur le plan social. De même, l’Allemagne a retrouvé tous ses atouts en matière d’exportation et elle a, comme d’autres pays, de l’Union européenne, fait la démonstration que, même avec des coûts salariaux élevés, même avec un système de protection sociale qui est l’un des plus performants d’Europe et des plus importants du monde, on peut garder sa place dans la compétition internationale.
Alors, cessons d’invoquer la compétition mondiale pour abaisser le modèle social européen. Invoquons-la pour investir davantage dans les atouts de l’Europe, dans le capital humain, dans la recherche, dans l’innovation.
La relance de la croissance passe essentiellement aujourd’hui par le renforcement de la demande intérieure, par la confiance des consommateurs, par la relance du pouvoir d’achat, ainsi que par un partage plus équitable des revenus et de la valeur ajoutée entre ce qui va aux actionnaires et ce qui va à la rémunération des salariés.
Pour conclure, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Président de la Commission, je voudrais dire qu’on jugera le Conseil européen sur deux points: d’une part, les leçons qu’il tirera du vote du Parlement sur la directive «services» - ne revenez pas à Bolkestein! - et, d’autre part, la liberté de circulation des travailleurs des nouveaux pays membres au sein de l’Union - il est temps de leur accorder cette liberté fondamentale!
(Applaudissements)
Paolo Costa (ALDE). - (IT) Monsieur le Président, Monsieur Barroso, Monsieur Winkler, Mesdames et Messieurs, je pense qu’il est positif que l’Union européenne use de son influence afin de garantir que le tout vaut plus que la somme de ses éléments, en encourageant la recherche et le développement en vue de libérer le potentiel des entreprises, de favoriser l’élargissement et le meilleur usage possible de la qualité de la main-d’œuvre, grâce à des mesures visant à sécuriser les apports en énergie. Tout ceci est toutefois subordonné à un principe de base: la valeur ajoutée de l’Europe ne peut émerger totalement que si elle est le fruit du travail d’une société et d’une économie européennes véritablement unies et si les résultats sont atteints grâce aux activités de base de l’Union européenne.
La mise en place du marché unique et d’une Communauté unie socialement et politiquement dans le développement de la richesse de ses identités culturelles est un facteur de grande importance: aucun marché unique, aucune société européenne n’est en mesure d’exprimer tout son potentiel sans l’intégration physique de l’Europe et sans infrastructures et services de transport permettant la mobilité et garantissant que chaque point «a» de l’Union donne accès à chaque point «b».
Cet objectif ne doit pas être considéré comme un objectif presque obsolète par rapport aux nouveaux défis se présentant à nous, c’est un principe fondamental: il ne peut y avoir de recherche sans possibilité de contacts en face-à-face, il ne peut y avoir de véritable potentiel pour les entreprise si les marchés ne sont pas intégrés. C’est une condition préalable fondamentale que nous avons solennellement promis de respecter en approuvant la résolution 884-2004 ici au Parlement il y a un an, nous engageant à achever le réseau transeuropéen de transports aussi vite que possible à l’horizon 2020.
Malheureusement, il n’y a aucune trace de cet objectif dans la déclaration de la Commission - contrairement à la proposition initiale - ni de ce qui s’est produit l’année dernière lorsqu’ils ont réfléchi de manière lucide et nous ont guidés dans cette direction, demandant également instamment aux États membres d’en faire de même. Si nous ajoutons également la proposition du Conseil visant à réduire de manière drastique le financement de ce secteur, empêchant pratiquement la réalisation de l’objectif ou, du moins, la reportant considérablement, nous nous trouvons dans un état d’alerte rouge.
Dans tous les cas, je considère l’intervention du Parlement comme une tentative de renforcer sa décision et comme une invitation envoyée à toutes les parties impliquées en vue de veiller à ce que le réseau transeuropéen de transports voit concrètement le jour.
Ce que je vous demande du fond du cœur aujourd’hui, c’est d’éviter une erreur politique désastreuse: une véritable erreur politique puisque, après la résolution 884, une énergie intellectuelle, politique et financière a été libérée en Europe, accompagnée d’attentes énormes entourant l’idée de poursuivre le projet du RTE. Il n’existe aucun endroit en Europe où l’on ne discute pas du RTE. Aujourd’hui, cependant, c’est un des éléments qui n’a pas été repris - et, par conséquent, qui n’est pas correctement soutenu - dans ce plan D censé combler le fossé entre les intérêts de l’Union européenne et de ses citoyens.
Si nous ne tenons pas nos promesses ou si nous ne répondons pas à ces attentes, les résultats auront une portée beaucoup plus grande et seront beaucoup plus sérieux que ceux que nous tentons d’atteindre en essayant de construire le projet européen. J’espère que cette idée ne sera pas adoptée et que nous pourrons éviter les effets désastreux qu’une éventuelle interruption du projet pourrait avoir sur les attentes de nombreux citoyens européens.
Bernat Joan i Marí (Verts/ALE). - (EN) Monsieur le Président, si nous voulons que l’Europe devienne l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde, nous devons investir davantage dans l’éducation et dans la recherche et le développement. Malheureusement, l’Europe voit aujourd’hui une grande partie de ses chercheurs émigrer vers les États-Unis. Dans l’Europe actuelle, le meilleur moyen qu’a un chercheur d’exceller consiste à rejoindre une grande université américaine. Nous devons soutenir la concurrence avec les États-Unis en améliorant nos politiques afin d’aider nos spécialistes à rester sur le territoire de l’Union européenne.
Nous devons lancer une zone de recherche européenne, dans le but d’analyser et de trouver des moyens d’améliorer la recherche et d’en faire un outil utile pour les besoins et objectifs de nos chercheurs. Je pense que nous devons relier la stratégie de Lisbonne et le processus de Bologne afin d’établir une bonne relation entre notre système universitaire et nos objectifs économiques et de politique d’aide sociale.
Si nous n’améliorons pas les instruments actuels d’éducation et de R&D au niveau des États membres de l’Union et au niveau des organismes supranationaux, ce que l’on appelle la stratégie de Lisbonne se révélera un gros échec.
Helmuth Markov (GUE/NGL). - (DE) Monsieur le Président, il va sans dire que les objectifs de la stratégie de Lisbonne - 20 millions de nouveaux emplois, une croissance annuelle moyenne du PIB de 3% et une augmentation similaire du budget de la recherche et du développement - sont les bons. Je dois néanmoins dire à M. Lehne que le problème ne se situe pas au niveau de la destination, mais bien au niveau de la stratégie proposée pour y parvenir.
Considérons la réalité d’aujourd’hui: notre croissance économique est de 1,5 % en moyenne et nous n’avons créé qu’environ un quart des nouveaux emplois espérés - des emplois très mal payés, de surcroît. Voilà le problème fondamental. C’est la voie que nous suivons depuis six ans et les orientations récemment adoptées, qui doivent à présent être mises en œuvre dans le cadre de plans nationaux, en sont le reflet.
Il suffit de considérer ceci: les bénéfices de la productivité explosent dans tous les États membres de l’Union européenne! Mais qu’en est-il des augmentations salariales? Les salaires restent au même niveau! Comment, dès lors, proposez-vous de stimuler la demande intérieure? Ce qui est entrepris reflète toujours l’idée que les prestations de sécurité sociale ont un certain effet négatif sur l’économie nationale, bien que ce ne soit pas le cas, puisqu’elles ont un effet positif sur celle-ci. Au final, des salaires élevés engendrent une croissance économique, mais la politique doit une fois encore être complètement repensée.
Nous n’avons pas besoin d’une déréglementation et d’une privatisation permanentes. Nous avons besoin de concurrence, mais ce pour quoi nous devons nous battre, ce sont des normes sociales et environnementales plus strictes. Nous devons comprendre que les biens que nous produisons doivent être fabriqués conformément aux normes internationales du travail. C’est cela dont nous avons besoin! Nous aurons alors une chance de vraiment mener la stratégie de Lisbonne à l’objectif souhaité et nous ne le ferons pas en réduisant constamment les prestations de sécurité sociale afin de donner davantage de liberté encore aux entreprises; ce n’est pas la bonne manière d’y parvenir.
(Applaudissements modérés)
Johannes Blokland (IND/DEM). - (NL) Monsieur le Président, chaque année, en mars, nous débattons en vue de préparer le sommet de printemps et, depuis 2001, nous discutons des raisons pour lesquelles le processus de Lisbonne ne parvient pas à atteindre les résultats escomptés. Dès 2004, le rapport Kok a donné une réponse sans équivoque à cette question: les États membres doivent assumer leurs responsabilités et s’atteler à réformer leur économie et leur État-providence, permettant ainsi une croissance et un emploi durables. Maintenant que la croissance économique est à nouveau attendue, les réformes nécessaires risquent d’être mises aux oubliettes, mais la croissance seule est insuffisante pour maintenir notre modèle social intact.
Le commissaire pourrait-il indiquer ce que la Commission a l’intention de faire pour écarter ce danger et mettre en œuvre les conclusions du rapport Kok? J’espère que la période de réflexion fera également l’objet d’une discussion, car c’est absolument nécessaire. Il semble que l’élite européenne soit incapable de discuter de l’avenir de l’UE sans l’excès de bagage d’une constitution rejetée. Neuf mois de réflexion devraient être suffisants pour un premier suivi.
Wojciech Roszkowski (UEN). - (PL) Monsieur le Président, il est éminemment regrettable que les discours ronflants sur la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne n’aient débouché sur rien d’autre que des paroles.
La stratégie de Lisbonne porte en particulier sur la compétitivité de l’Union. Comme nous le savons tous, la compétitivité croissante requiert essentiellement un accroissement de la productivité, lequel menace l’emploi. Cette menace ne se matérialisera pas si l’augmentation des revenus créée par une productivité accrue est suffisamment élevée et ne se limite pas à chacun des pays mais s’applique également aux économies intégrées telles que celles de l’UE.
Toutefois, une productivité accrue requiert non seulement la mise en œuvre de progrès techniques, mais aussi la délocalisation de la production d’endroits où elle est plus onéreuse vers d’autres où elle est meilleur marché. L’augmentation de revenus résultant de ces activités sera profitable à tous au sein de l’Union, tandis que l’abandon du processus menace de causer stagnation et recul de la compétitivité, car le monde ne s’arrête pas de tourner. Nous devons dès lors choisir entre une stagnation certaine et un risque qui pourrait rapporter.
Nous ne devons pas craindre la stratégie de Lisbonne. Elle est une opportunité pour nous tous.
Alessandro Battilocchio (NI). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je parle au nom du nouveau parti socialiste italien. Nous estimons que les initiatives en faveur des objectifs de Lisbonne - croissance, emploi et compétitivité - ont été peu nombreuses et peu claires.
Les petites et moyennes entreprises, la trame même de notre tissu industriel, nécessitent un soutien accru, tel qu’une amélioration de l’accès au crédit, aux fonds européens et aux programmes de recherche et de technologie, ainsi qu’une défense accrue de l’industrie européenne de qualité contre la concurrence internationale déloyale - je veux notamment parler des secteurs textile et alimentaire.
Nous avons besoin d’un plan énergétique pour libérer l’Europe de l’instabilité géopolitique actuelle, et il convient d’accorder une attention maximale aux nouvelles sources d’énergie afin de garantir un développement durable et soutenable - y compris au niveau environnemental.
Concrètement, il nous faut investir dans l’éducation, la formation, la recherche et l’innovation afin de renforcer la compétitivité de nos processus de production. Enfin, nous devons sauvegarder notre ressource primordiale - les travailleurs et le capital humain.
Nous ne pouvons tolérer que les emplois et le bien-être de nos concitoyens soient jugés moins importants que les lois du marché et du commerce international. Nous ne devons pas oublier que l’industrie doit être au service des travailleurs, et non l’inverse.
Marianne Thyssen (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, je n’ai pas pour habitude de faire des compliments, mais dans ce débat, il serait réellement déplacé de n’exprimer aucune appréciation pour les co-rapporteurs MM. Lehne et Goebbels. Ils méritent nos félicitations pour le projet de résolution qu’ils ont élaboré, qui est plus que satisfaisant et que nous soutenons à 100 %.
Il va sans dire qu’en tant que coordinatrice de mon groupe au sein du groupe de pilotage de Lisbonne, je voudrais également adresser mes remerciements à mes collègues au sein du groupe qui ont apporté la contribution nécessaire. Le débat sur cette résolution au Parlement a été nettement plus constructif que l’an dernier, et j’espère que c’est de bon augure pour la mise en œuvre tant attendue de la stratégie renouvelée pour la croissance et l’emploi.
La révision à mi-parcours semble porter des fruits, les États membres semblent coopérer, et je souhaite aux États membres les plus courageux de faire preuve de persévérance et aux autres de trouver le courage de la conviction pour se mettre en mouvement ou accélérer le pas. Mais nous avons également une responsabilité en tant qu’institution européenne, bien sûr, et à cet égard je salue les intentions, tant de la Commission que de la présidence du Conseil, de traiter rapidement la directive sur les services et, sur ce point, de respecter l’équilibre délicat que nous avons trouvé après un travail acharné dans cette Assemblée.
Nous connaissons bien la nature et l’ampleur du défi que l’Europe doit relever. Nous aimons bien vivre en Europe et nous souhaitons qu’il en aille toujours ainsi, mais pour réaliser notre rêve, pour conserver notre niveau de prospérité et préserver intact ce que nous appelons notre «modèle social», nous devons devenir un acteur mondial compétitif.
Je ne saurais le dire mieux que n’a fait hier le président allemand: nous devons devenir d’autant meilleurs que nous devenons plus chers. Nous devons traduire notre pétulance en créativité et nous devons avoir la foi que nous ne pourrons conserver le potentiel de réaliser nos ambitions qu’en changeant. Nous savons ce que nous devons faire. Agissons en conséquence sur tous les fronts, car il n’y a pas d’autre choix.
Poul Nyrup Rasmussen (PSE). - (EN) Monsieur le Président, le président de mon groupe, le groupe PSE, a parlé de la nécessité d’agir dès à présent. L’heure est à l’action. Je vais me concentrer sur cela. Nous savons tous que notre croissance économique s’est légèrement améliorée, mais une croissance annuelle de 2,2 % au lieu de 2,1 % ne crée pas suffisamment d’emplois pour réduire drastiquement le nombre de chômeurs, qui s’élèvent à 19,5 millions. Je suis donc d’accord en essence avec le président Barroso et avec le président du Conseil européen: nous avons besoin d’une plus grande croissance.
Je souhaiterais poser deux brèves questions. La première concerne les investissements: Monsieur le Président de la Commission, pensez-vous que lors de la réunion à venir du Conseil européen, les gouvernements pourront se réunir - peut-être n’avons-nous ni la capacité ni les pouvoirs en vertu du Traité pour les y obliger - à parvenir à une sorte d’accord intergouvernemental afin de décider d’investir au cours des deux ou trois prochaines années dans les objectifs que vous avez recommandés dans vos documents et recommandations? Si tel est le cas, j’en serais heureux, car nous aurons alors progressé vers une action d’investissement coordonnée.
Ensuite, j’ai été heureux de voir que le Conseil «Emploi» a pris une décision concernant la «flexicurité» sur la base des propositions de la Commission. Monsieur le Président en exercice du Conseil, pensez-vous que les conclusions garantiront non seulement la flexibilité mais aussi la sécurité actuelle? En France, je vois un gouvernement qui se concentre uniquement sur la flexibilité et j’ai vu les réactions des jeunes. C’est pourquoi nous devons tellement garantir les deux. Je souhaiterais que vous me répondiez, aujourd’hui si possible, ce qui serait très sage et opportun.
Le moment est venu d’agir, et j’espère que nous unirons tous nos forces. Je ferai ce qui est en mon pouvoir au sein du parti socialiste européen et je sais que mon collègue, le président de notre groupe, fera son possible pour agir concrètement, car le temps est venu et les citoyens nous le demandent.
Nils Lundgren (IND/DEM). - (SV) Monsieur le Président, je voudrais vous faire part de quelques réflexions générales sur l’ensemble de l’agenda de Lisbonne. À mes yeux, il se fonde sur une méprise concernant la manière dont les économies - comme, du reste, les civilisations humaines - se développent au cours de l’histoire.
Il y a dans l’histoire une période - qui commence à la fin du XVIIIe siècle et se poursuit sur tout le XIXe - au cours de laquelle l’Europe est devenue la région de la connaissance la plus dynamique. Cette période a commencé par des changements au Royaume-Uni, notamment une législation sur des enjeux économiques et l’abolition du système des guildes. Des progrès considérables et rapides ont été réalisés, qui se sont répandus à une vitesse incroyable à travers de larges régions du monde. D’autres pays ont également commencé à utiliser les moteurs à vapeur et la jenny. C’est de cette manière que procède le développement.
L’idée qu’il puisse y avoir aujourd’hui des personnes exceptionnellement sages et qui sachent dans le détail quelles mesures les pays européens doivent prendre pour aider l’Europe à se développer pour devenir une région de la connaissance dynamique est parfaitement erronée. Ce sont les pays eux-mêmes qui tentent de progresser sur la voie des solutions, en ne se quittant pas des yeux entre eux et en copiant les solutions constructives. C’est de cette manière que procède le développement. À poursuivre comme nous le faisons maintenant, nous nous fourvoierons. Occupons-nous des questions qui le méritent dans l’Union européenne.
Françoise Grossetête (PPE-DE). - Monsieur le Président, le prochain Sommet de printemps saura-t-il répondre aux défis, défis de notre époque et défis environnementaux, défis de la politique énergétique, prise en compte des attentes de notre jeunesse, devoir de reconnaissance de nos anciens, de plus en plus nombreux, et cela suppose des infrastructures adaptées. Notre société est en pleine mutation et c’est ce qui inquiète nos concitoyens. Nous devons donc les accompagner, savoir devancer les difficultés des prochaines décennies.
L’État-providence des années 80 n’est plus la réponse. Nous devons concilier flexibilité et sécurité, trouver d’autres voies pour donner la priorité à l’emploi, redonner la confiance à nos concitoyens, confiance dans leurs politiques, confiance dans l’Europe, une Europe qui s’organise. Cette confiance qui fait que, spontanément, la croissance se développe, la natalité progresse. La natalité, voilà un bon baromètre de l’état de notre société. Cette confiance qui fait considérer l’immigration comme une grande chance, confiance qui, au lieu de bâillonner l’initiative privée, la libère, l’encourage, la soutient. Cette confiance retrouvée qui permet de mieux former, et garder, nos chercheurs, pour une meilleure société de la connaissance. Mais quand on voit ce qui se passe pour Erasmus, il y a vraiment de quoi s’inquiéter! Une Europe, enfin, qui n’a pas de tabous, qui ose donc parler du nucléaire et d’indépendance énergétique. Les exemples seraient encore nombreux.
Mais, sans budget adapté, à quoi servent les discours? On nous dit aujourd’hui qu’il va falloir choisir, Monsieur le Président de la Commission, entre les grands réseaux transeuropéens et Galileo. Est-ce possible? Je réponds «non». On a besoin de Galileo et il faut achever le marché intérieur avec de meilleures communications. Et permettez-moi de soutenir le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin.
Alors je ne voudrais pas que cette matinée soit la nième occasion de parler de la stratégie de Lisbonne. Parler, parler ... Il est temps de passer aux actes! Courage, Messieurs les chefs de gouvernement! La stratégie de Lisbonne, c’est le seul antidote aux protectionnismes nationaux.
Jan Andersson (PSE). - (SV) Monsieur le Président, je mettrai cette petite minute à profit pour me concentrer sur un amendement du groupe socialiste au Parlement européen, dans lequel nous saluons la proposition des chefs d’État ou de gouvernement de six pays suggérant qu’un pacte européen pour l’égalité hommes-femmes soit adopté.
Nous proposons des mesures dans trois domaines. Nous souhaitons tout d’abord réduire le déséquilibre entre les sexes sur le marché du travail. Deuxièmement, nous voulons faciliter la conciliation d’un emploi lucratif et de la vie de parent. Troisièmement, nous voulons instaurer une perspective égalitaire à suivre dans tous les domaines politiques.
Le but de ce pacte pour l’égalité n’est pas de créer un nouveau processus mais de renforcer les processus existants, comme celui de Lisbonne, de sorte que les objectifs de croissance durable, de plein emploi et de justice sociale puissent être réalisés. Les objectifs en matière de garde d’enfants et de la possibilité de concilier la vie de parent et un emploi lucratif sont particulièrement importants.
Timothy Kirkhope (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, la réunion du Conseil ce mois-ci permettra aux gouvernements des États membres d’affirmer à quel point il est vital que la réforme progresse plus rapidement qu’auparavant.
Je pense que le Conseil devrait aborder clairement et énergiquement deux sujets dans ses conclusions. À la lumière du document de la Commission, intitulé «Il est temps de passer la vitesse supérieure» et publié en janvier, le moment n’est certainement pas opportun pour que les conducteurs tombent en panne sèche. Je suis heureux que M. Barroso semble fonctionner avec un carburant à haut indice d’octane et j’espère que ce sera encore le cas longtemps, mais la marée montante de la rhétorique et des actions protectionnistes des États membres est inacceptable. Il est incroyable qu’il y ait encore, au sein de l’Union européenne, des gouvernements attachés à une mentalité protectionniste obsolète et à la promotion du patriotisme économique et industriel.
Je suis heureux que la Commission ait condamné cette tendance. Je suis également heureux que le ministre allemand de l’économie ait récemment déclaré que nous n’avions pas besoin de patriotisme industriel et que les investisseurs étrangers devraient être accueillis à bras ouverts, et pas seulement tolérés. Si les plans nationaux de réforme soumis par les gouvernements ressemblent, ne serait-ce que légèrement, à ceux qu’a fournis le gouvernement britannique, que Dieu nous garde!
Le débat sur le protectionnisme plonge au cœur du débat sur le futur développement économique. Les politiques que nous avons vues récemment n’ont pas leur place. Le temps des subtilités diplomatiques est révolu. Nous devons permettre aux petites et moyennes entreprises de faire entendre leur voix.
Concernant la directive sur les services, les gouvernements doivent améliorer le paquet de compromis adopté par le Parlement. Nous avons progressé, mais pas assez. Le Conseil devrait se ressaisir sur le cycle de Doha et travailler plus dur pour parvenir à des accords commerciaux mondiaux.
Je crains que le jury se soit retiré maintenant. Je demande au Conseil européen de faire preuve de la même vigueur et de la même détermination que M. Barroso. Je lui demande d’éviter les faux-fuyants traditionnels lors de la prochaine réunion et de faire preuve d’une réelle autorité. Nous pourrons alors le juger sur la base de sa résolution et rendre notre verdict.
Maria Berger (PSE). - (DE) Monsieur le Président, même M. Poettering, dans sa déclaration d’ouverture aujourd’hui, se voit contraint de critiquer la représentation de la présidence autrichienne - notamment l’absence du chancelier Schüssel - et il est probable que cette absence ait à voir avec le fait que les nouvelles que la présidence autrichienne avait à communiquer sont loin d’être réjouissantes ou même adéquates. Une tâche aussi ingrate, il n’est que trop heureux de la laisser à un autre.
Le message est modeste et inadéquat au niveau des objectifs, notamment en ce qui concerne la réduction du chômage souhaitée, si on tient compte de l’ampleur exacte du chômage et des objectifs initiaux assignés au processus de Lisbonne; il n’est pas simplement modeste et inadéquat, il est également fallacieux, au niveau des moyens à appliquer - ces objectifs, pour modestes qu’ils soient, ne pourront pas être atteints uniquement par des réformes structurelles.
L’UE et les États membres doivent trouver davantage de fonds. Quand on ne paie pas, les musiciens ne jouent pas - cela aussi, c’est Mozart qui nous l’a appris.
Jacek Emil Saryusz-Wolski (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, une économie européenne compétitive comme celle définie par l’agenda de Lisbonne ne peut se construire sur des approvisionnements en gaz et en pétrole précaires. Elle ne peut se construire sur une sécurité et un accès différents et inégaux aux approvisionnements énergétiques. Cela va à l’encontre de la logique du marché unique et des principes de concurrence. Il est donc heureux que la sécurité de l’approvisionnement énergétique figure parmi les priorités de la présidence et de la Commission.
Il est grand temps que l’Union entreprenne des actions concrètes dans ce domaine. La sécurité énergétique est essentielle à l’activité économique et à la compétitivité de l’économie européenne dans son ensemble. Comme nous avons pu le constater récemment, l’énergie est également parfois utilisée comme une arme pour exercer une influence politique. Partant, elle devrait également être envisagée dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité de l’Union.
Les récents problèmes d’approvisionnement énergétique mettent à nu notre faiblesse, notre vulnérabilité et notre dépendance à l’égard de tiers. Il est donc essentiel que l’Union européenne mette au point une véritable politique de sécurité énergétique. Si nous prenons au sérieux le marché intérieur et l’agenda de Lisbonne, nous devons offrir à nos opérateurs économiques et nos concitoyens un accès équitable aux approvisionnements énergétiques et la sécurité énergétique. Les mesures adoptées par la présidence, et en particulier le livre vert de la Commission, si elles sont trop modestes, vont toutefois dans la bonne direction.
La solidarité est l’un des principes fondamentaux de l’intégration européenne; elle crée l’obligation d’aider tous les États en difficulté. Nous devons étendre ce principe de solidarité aux problèmes de pénurie dans l’approvisionnement énergétique provoqués par une action politique. Pour assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique en provenance de l’étranger, nous avons besoin de coopération et de solidarité, pas de concurrence entre les États membres.
La sécurité énergétique présente également un aspect financier: les principales coupes dans les perspectives financières adoptées par le Conseil se sont produites dans le domaine des réseaux transeuropéens d’énergie. Nous devons remédier à cette situation au cours du trilogue budgétaire, faute de quoi nos priorités resteront lettre morte.
La sécurité énergétique constitue également l’une des pierres angulaires de la politique de voisinage. Une coopération étroite dans le domaine de la sécurité énergétique est indispensable et constitue la mesure la plus efficace pour créer un climat de confiance, tant au sein de l’Union européenne qu’entre l’Union et ses voisins.
Gary Titley (PSE). - (EN) Monsieur le Président, il y a trois priorités pour le sommet de printemps: l’action, l’action et l’action. Nous devons agir concernant le fait que plus d’un tiers de notre population en âge de travailler est économiquement inactive, ce qui est honteux. Nous ne pouvons embrasser la mondialisation tout en abandonnant un grand nombre de nos citoyens. Nous avons besoin de marchés du travail proactifs.
Nous devons agir concernant la mise en œuvre de la législation: les États membres qui ne mettent pas en œuvre la législation qu’ils ont adoptée sont bien trop nombreux, et c’est franchement inacceptable.
Enfin, 13 ans après la création du marché unique, le temps est venu que nous acceptions qu’il y a un marché unique européen qui requiert des champions européens, pas des champions nationaux.
Espérons donc voir moins de palabres lors de ce sommet et davantage de plans pour une action concrète des États membres. Ne parlons pas, agissons!
Ria Oomen-Ruijten (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, ce débat porte sur le sommet de printemps et nous avons là une belle résolution et de splendides recommandations. Après tout, la population européenne se voit encore promettre davantage de croissance et davantage d’emplois, mais ne nous leurrons pas, car le papier attendra bien. Lorsqu’à l’issue du sommet, la semaine prochaine, les chefs d’État ou de gouvernement retourneront dans leur capitale, ils doivent également prendre avec eux la responsabilité de Lisbonne, parce que ce sont les États membres qui, en tandem avec les partenaires sociaux, les hommes politiques nationaux et régionaux, instaureront en fin de compte un accroissement de l’emploi.
Le message aux États membres est à la fois simple et clair. Le marché intérieur doit devenir une réalité, quoi qu’il arrive. Il convient d’en faire davantage dans le domaine de la recherche et du développement. L’innovation doit être soutenue et l’éducation et la formation doivent être organisées sur une base plus efficace et de meilleure qualité. Mais la stratégie de Lisbonne a également une dimension sociale. Nous ne serons pas compétitifs si nous abaissons nos principes et valeurs concernant la solidarité avec les plus faibles, la responsabilité de nos concitoyens, la justice sociale ou les salaires à un niveau tel que nous commençons à faire concurrence aux Asiatiques. Telle n’est pas la réponse européenne qui inspirera confiance à la population.
Des réformes sont toutefois nécessaires. L’évolution démographique, sous la forme d’un vieillissement de la population et d’un taux de natalité en baisse, doit être abordée. Nous devons trouver le courage d’examiner les moyens de financer les systèmes de sécurité sociale, car la réalité démographique nous rattrape à une vitesse sans cesse croissante. Cela n’a aucun sens de deviser d’un environnement favorable aux entrepreneurs ou à l’apprentissage tout au long de la vie si nous ne concrétisons rien. Il y a du pain sur la planche.
Nous avons conçu les programmes structurels européens de manière à garantir que trois quarts, soit 55 milliards, contribueront aux objectifs de Lisbonne, et si les fonds pour ces programmes font défaut ou si les États membres ne sont pas disposés à payer, je me vois contrainte de conclure en disant que les objectifs de Lisbonne en matière de croissance et d’emploi ne seront pas réalisés.
En ce qui concerne le vieillissement de la population et le nombre à la baisse de jeunes, il nous faudra ajuster la politique en matière de sécurité sociale et d’emploi de manière à permettre aux jeunes et aux personnes âgées en bonne santé de contribuer à la société dans l’avenir proche, à la prospérité et au bonheur de nos concitoyens.
Libor Rouček (PSE). - (CS) Mesdames et Messieurs, je voudrais aujourd’hui aborder deux questions que je considère comme de la plus haute importance pour réaliser les objectifs de la stratégie de Lisbonne, en d’autres mots, la croissance et l’emploi. La première concerne l’achèvement du marché intérieur unique. Il semble que l’idée des quatre libertés sous-jacentes à l’Union européenne n’existe malheureusement que sur le papier. Nous avons franchi ici un pas très important le mois dernier avec la première lecture de la directive sur les services. Je suis convaincu qu’il s’agissait d’un pas dans la bonne direction, mais je voudrais dire un mot sur la libre circulation des personnes. Le rapport de la Commission européenne, qui a déjà été mentionné ici, souligne que la mobilité de la main-d’œuvre, non seulement entre les nouveaux et les anciens États membres, mais aussi au sein de l’«ancienne» UE, reste insuffisante. Et c’est pourtant précisément sur cette mobilité que repose la croissance économique. La seconde de ces questions est l’adoption des perspectives financières.
Mesdames et Messieurs, si nous n’avons pas adopté les perspectives financières d’ici à la moitié de l’année, l’Europe connaîtra une crise. Une crise économique, une crise politique mais aussi, je le crains, une crise de confiance. J’inviterais dès lors les trois institutions à travailler dur sur ce dossier afin que les perspectives financières arrivent, pour ainsi dire, «à bon port» pour la fin juin ou, en d’autres mots, pour la fin de la présidence autrichienne.
John Bowis (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais d’abord remercier le président Abbas de m’avoir donné cette occasion inattendue de contribuer à ce débat. Je remercie Lisbonne pour nous avoir donné l’agenda et l’héritier de Lisbonne au premier rang de la Commission pour ses qualités de chef de cet agenda. Rien n’est plus important pour l’Europe que de garantir le succès de l’agenda de Lisbonne. Nous pourrons ainsi donner à nos citoyens un nouvel espoir que l’Europe contribuera à leur avenir et que nous pouvons coopérer pour donner un nouvel espoir à d’autres régions du monde également.
Je voudrais insister sur deux aspects de l’agenda soulignés dans cette résolution. Le premier est la santé des citoyens européens, car je pense qu’il s’agit d’un préalable à Lisbonne. Si les citoyens ne sont pas en bonne santé, l’économie ne l’est pas non plus. Il est important que nous examinions certaines des menaces pour la santé auxquelles nous sommes confrontés, notamment l’éventualité d’une pandémie de grippe. Nous devrions également examiner les opportunités en matière de santé, comme celles qui découlent de la mobilité des patients, et les considérer comme des éléments de l’agenda.
Comme l’ont dit mes collègues, nous devons nous pencher sur la question du vieillissement de la population afin de garantir qu’il s’agit d’une opportunité, et pas seulement d’une charge. Nous devons considérer qu’un environnement sain est également un préalable à la santé de notre économie. Ce n’est pas non plus une menace. Les possibilités qu’ont les entreprises d’innover et de satisfaire à la demande des normes plus élevées que nous attendons dans notre environnement seront très utiles à ces entreprises vis-à-vis du reste du monde. Nous avons l’occasion de diriger le monde en matière de durabilité, d’innovation, d’étiquetage écologique, etc., et je pense que c’est un défi que la Commission doit relever avec le Parlement.
Enfin, je voudrais rendre hommage à la présidence autrichienne pour le travail qu’elle réalise dans ces domaines, en faveur de citoyens en bonne santé et d’un environnement sain, car cela conduira à l’économie saine que Lisbonne peut nous apporter à tous dans un avenir très proche.
Edit Herczog (PSE). - (HU) Monsieur le Président, le 15 mars, la Hongrie commémore la lutte pour la liberté et la révolution de 1848. Rétrospectivement, on peut dire que les résultats durables de la révolution ont été le changement qui a affecté le système économique, la liberté des gens et la compétitivité ininterrompue du pays.
Aujourd’hui, la concurrence ne se joue plus entre les États nations, mais entre les continents, à l’échelle mondiale. C’est pourquoi une compétitivité durable doit également être créée à ce niveau. L’Union européenne a besoin d’un changement sérieux dans sa philosophie économique. Nous devons, enfin, renoncer à l’obsolète et improductive concurrence entre les États membres et adopter un marché intérieur européen assurant le plus haut degré de liberté et de dignité humaine à ses citoyens.
La stratégie de Lisbonne est non seulement un plan à cinq-dix ans, mais aussi le fondement de notre compétitivité et de notre survie pour les 100 à 150 ans à venir. En 1848, les politiques ont compris le message de l’époque et ils ont été le fer de lance du changement. Je demande au Conseil, à la Commission, au Parlement et aux Premiers ministres qui se préparent pour le sommet de printemps d’enfin comprendre et mettre en œuvre le message du XXIe siècle. C’est là ce que nous, citoyens européens, attendons d’eux.
Vito Bonsignore (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, en mars 2000, les dirigeants européens ont décidé de la forme de l’Europe en 2010. Ils avaient compris que les actions de chaque État membre seraient d’autant plus efficaces qu’elles seraient étayées par l’action conjointe des autres États membres.
Aujourd’hui, le fossé qui se creuse entre la croissance européenne et celles des États-Unis et de l’Asie, de même que le vieillissement de la population, exigent que la stratégie de Lisbonne soit mise en œuvre d’urgence afin de rattraper le temps perdu. Par ailleurs, on pourra obtenir de meilleurs résultats en adoptant les mesures complémentaires et les réformes structurelles convenues dans le cadre de l’Union européenne.
Une intervention opportune est requise dans les secteurs identifiés précédemment, en vue de rendre l’Europe plus attrayante pour les chercheurs et les scientifiques, d’achever le marché intérieur pour permettre la libre circulation des marchandises et des capitaux et de créer un réel marché unique des services. Afin d’instaurer un environnement plus favorable pour les entreprises, les recommandations de la task-force européenne pour l’emploi doivent être appliquées rapidement.
Chacun des États membres a réalisé des progrès dans certains de ces secteurs, mais aucun d’eux n’a obtenu de résultat concret et durable. Pour réaliser ses objectifs, l’Europe doit faire preuve d’un engagement plus ferme, et aller même jusqu’à mettre la pression sur chacun des États membres. Ceux-ci doivent renoncer à leurs anciennes habitudes nationales et consacrer davantage de ressources à la construction de l’Europe. Il faut faire comprendre à nos concitoyens que les sacrifices d’aujourd’hui sont les avantages de demain.
Le Parlement européen est un acteur clé dans la stratégie pour la croissance et dans l’engagement de construire la nouvelle Europe. Il doit dès lors agir de plus en plus comme un stimulus pour toutes les parties qui souhaitent relancer l’Europe.
Reino Paasilinna (PSE). - (FI) Monsieur le Président, nous nous sommes manifestement acculés dans un coin de l’Union. La majorité des États membres ralentissent la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne pour des raisons totalement égoïstes et bornées. Chaque semaine, par exemple, nous sommes à la traîne des États-Unis et du Japon au niveau des investissements dans les technologies de l’information et des communications. En même temps, la Chine et l’Inde nous livrent une concurrence de plus en plus féroce. Nous sommes coincés, et nous n’allons nulle part.
Les pays nordiques ont toutefois conservé des niveaux élevés de compétitivité, l’État-providence et une vaste base de connaissances. Cela s’est produit maintenant. Je voudrais demander à M. Barroso, président de la Commission européenne, si par hasard il aurait le tempérament méridional requis pour donner cet exemple à ceux qui ont toujours peur des solutions audacieuses que nous avons adoptées il y a longtemps. Elles ne nous ont pas mis sens dessus dessous, et pas même le froid hiver ne nous a poussés à changer de direction. En d’autres mots, c’est possible; et pourquoi ne le serait-ce pas?
Gunnar Hökmark (PPE-DE). - (SV) Monsieur le Président, lorsque nous débattons du processus de Lisbonne, on voit que différents pays l’appliquent avec plus ou moins de bonheur. Les pays qui ont mis en œuvre des réformes et des changements sont d’autant plus à même de faire face à la mondialisation et parviennent à se montrer d’autant plus compétitifs. Ceux qui n’ont pas instauré de réforme s’en tirent moins bien.
Ce qui est remarquable, pourtant, c’est à quel point il s’est passé peu de choses au niveau européen commun et à quel point nous avons offert aux nouveaux services, marchés, entreprises et produits peu de marge de manœuvre accrue pour se développer. La mission principale et globale de la Commission est de combattre le nouveau protectionnisme qu’on voit poindre parmi les gouvernements et les politiques d’Europe. Ce nouveau protectionnisme vise les nouveaux États membres et le monde extérieur, où se trouvent les nouveaux marchés de demain. Mais il vise aussi les anciens États membres, dans des relations où on le ressent de plus en plus.
Si on entend que le processus de Lisbonne soit administré avec fruit, la principale tâche consiste à combattre ce protectionnisme, qui enfreint le Traité et tout ce que l’intégration européenne représente. L’Europe a un potentiel énorme et, là où nous avons mis en œuvre des réformes, nous en avons récolté les fruits. Prenez par exemple le marché des télécommunications, où l’on enregistre le plus grand succès de tous.
La Commission doit insister sur l’importance qu’il y a à préserver le libre-échange qui est à la base de la prospérité de l’Europe. Elle doit être positive au sujet de la mondialisation, mais elle doit avant tout veiller à mettre en œuvre les mesures qui donneront naissance à de nouvelles sociétés et à de nouveaux emplois. Seuls doivent compter les résultats, et non les objectifs. Alors, nous serons à même d’offrir un nouvel avenir à l’Europe.
Edite Estrela (PSE). - (PT) Monsieur le Président, Monsieur Barroso, je voudrais juste souligner quelques points. Pour réaliser les objectifs de croissance et de création d’emplois, l’intégration de la perspective de genre dans la stratégie de Lisbonne doit être renforcée, notamment dans les grandes orientations des politiques économiques et les lignes directrices pour l’emploi. Nous devons améliorer le taux d’emploi des femmes, mettre au point une stratégie de prolongation de la vie active et construire une société caractérisée par l’apprentissage tout au long de la vie.
Mon deuxième porte sur les perspectives financières. Nous avons de toute urgence besoin d’un accord interinstitutionnel. Il n’y a pas de temps à perdre. Le Conseil, la Commission et le Parlement doivent agir promptement pour parvenir à un accord. Les citoyens d’Europe n’accepteront plus aucun report. Le moment est venu de «Lisbonniser» l’UE et d’adopter un budget qui soutienne la croissance et une amélioration qualitative et quantitative de l’emploi pour tous, y compris les femmes. Sans les femmes, la stratégie de Lisbonne ne réussira pas.
Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je promets d’être aussi bref que possible. Un grand nombre de points importants et intéressants ont été abordés sur ce sujet, et je puis assurer à M. Poettering et Mme Berger que le chancelier fédéral, bien qu’il soit absent, suit de très près ce que votre Assemblée a à dire. Il est évident que ce que vous avez à dire jouera un rôle important dans les préparatifs. Je voudrais dire à Mme Berger que ma présence ici aujourd’hui ne doit pas être perçue comme le moindre signe d’un manque d’ambition; au contraire, la présidence autrichienne a l’ambition de se joindre à la Commission pour réaliser de grandes choses pour le bien des citoyens d’Europe.
Je puis également dire à M. Schulz que nous sommes évidemment parfaitement conscients de la nécessité de déployer les ressources financières nécessaires. Nous parlons ici non seulement de ressources européennes, mais aussi de ressources nationales et, ce qui compte, c’est leur qualité et leur efficacité; car nous ne devrions pas toujours considérer que ce qui compte c’est uniquement la quantité des ressources, mais nous devrions également veiller à ce que les bonnes ressources soient déployées au bon endroit.
(EN) Monsieur Watson, je conviens certes avec vous que les sujets que devrait aborder le Conseil européen sont nombreux, mais vu le temps limité dont il dispose, il ne pourra pas les aborder tous.
Concernant votre référence à Metternich, je vous assure qu’il n’est pas un modèle à nos yeux. Notre vision de l’Europe est différente de la sienne. Nous ne voulons pas que cinq grands pays gouvernent les autres. Rappelons-nous qu’il était à la tête d’un État policier, chose que nous ne voulons pas non plus.
président en exercice du Conseil.(DE) Ce que je voudrais dire à Mme Harms, c’est que la durabilité joue évidemment un rôle majeur dans l’Union européenne, et permettez-moi de rappeler à l’Assemblée que la stratégie de durabilité doit être révisée avant la mi-2006. Je puis vous assurer que la durabilité jouera également, bien sûr, un grand rôle dans tout ce que le Conseil et la Commission entreprendront de faire.
J’ai également quelque chose à dire à M. Bonde. Je tiens à récuser fermement l’idée selon laquelle les États qui souhaitent exercer leurs droits souverains en poursuivant résolument le processus de ratification du traité constitutionnel agissent dans l’illégalité.
(Applaudissements à droite)
Je vous renvoie à la décision du Conseil européen de juin qui, en ordonnant la période de réflexion, a également déclaré que la validité de la poursuite du processus de ratification ne doit pas être remise en question.
Je pense que le Conseil ne ménage pas ses efforts pour réaliser les objectifs que nous nous sommes fixés.
(EN) Il est fort probable, Monsieur Kirkhope, que le Conseil ne roule pas avec un carburant à indice d’octane élevé, contrairement au président de la Commission. Peut-être fonctionnons-nous davantage au biocarburant, conformément à l’esprit du temps.
(DE) Plusieurs orateurs ont mentionné, dans ce contexte, l’initiative «mieux légiférer» de la Commission, et sur ce point je voudrais remercier plus particulièrement le commissaire Verheugen, qui est parmi nous aujourd’hui, et l’encourager à poursuivre résolument cette initiative, car c’est le genre d’initiative que le public comprend et qui rapproche à nouveau l’Union européenne de la population.
M. Rasmussen et d’autres ont mentionné la question de la «flexicurité», et je puis confirmer et souligner que nous parlons ici de flexibilité par le biais de la sécurité en tant que paradigme global pour les réformes dans les domaines du droit du travail et de la politique sociale. Il va sans dire que l’intention, ici, est d’instaurer une relation équilibrée entre la flexibilité et la sécurité sur les marchés du travail européens.
(EN) Monsieur Titley, je conviens avec vous qu’il faut agir, car cela convaincra nos citoyens. Avec la Commission, nous sommes déterminés à prendre les mesures adéquates en ce sens.
Günther Verheugen, vice-président de la Commission. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, bien que les mots clés de la stratégie de Lisbonne soient «croissance» et «emploi», il me semble qu’il serait bon de les repréciser.
Lorsque, dans l’Europe du XXIe siècle, nous utilisons le terme «croissance», il ne peut s’agir que d’une croissance durable, socialement défendable et écologiquement responsable. Tout autre type de croissance voudrait dire que nous n’avons tiré aucun enseignement des décennies écoulées, et je demande que cela soit pris au sérieux une bonne fois pour toutes. Lorsque la Commission parle de croissance, elle parle en termes de croissance durable, ce qui implique l’innovation environnementale, l’efficacité énergétique, la concurrence visant à améliorer la qualité plutôt qu’à abaisser les normes sociales, les normes environnementales ou les salaires, aussi espéré-je que ce point est clair une bonne fois pour toutes maintenant.
Lorsque nous parlons d’emplois, nous ne parlons pas de n’importe quels emplois, car nous en sommes venus à reconnaître que la grande question sociale de notre temps est de savoir si, dans l’œil du cyclone de la mondialisation, nous parviendrons à créer suffisamment d’emplois bien payés et qualifiés. Telle est la grande question qui se pose à nous. Nous ne parlons pas de n’importe quels emplois; il importe que ces emplois soient préservés lorsque la concurrence s’accentuera.
La conséquence en est que dans notre situation actuelle, certaines exigences claires doivent être adressées aux États membres, auxquels il convient de faire comprendre fermement que le moment est venu de changer. Le moment est venu que nous nous engagions - avec toute la détermination dont nous pouvons faire preuve - dans la société de la connaissance. Nous ne pouvons nous permettre d’avoir en Europe des sociétés dont les politiques de l’éducation excluent les gens au lieu de les soutenir, ou introduisent des discriminations à leur égard au lieu de les intégrer. Nous avons besoin d’une politique de l’éducation qui tire le meilleur parti possible des réserves d’éducation de ce continent.
Nous ne pouvons nous permettre des politiques sociales qui, tout en autorisant les jeunes femmes à recevoir une bonne éducation, ne leur offre pas la possibilité par la suite de la mettre à profit faute de la moindre compatibilité entre la vie de famille et la vie professionnelle, et nous ne pouvons nous permettre des politiques sociales qui éjectent tout bonnement les travailleurs âgés du processus de production au motif qu’ils ne seraient plus nécessaires. Aujourd’hui, aucune de ces attitudes n’est plus viable, et notre stratégie le fait comprendre très clairement.
Nous affirmons également que le marché unique européen, une politique qui répond à la concurrence internationale, est bon pour la croissance et l’emploi, et c’est pour cette raison que cette Commission ne croit pas au patriotisme économique d’aucune sorte. Nous tenons à réitérer que ceux qui veulent un grand marché intérieur européen doivent également accepter le fait que les entreprises sont créées afin d’y opérer sans tenir compte des frontières.
(Applaudissements)
S’il doit y avoir un marché européen, il doit également y avoir des entreprises européennes. La Commission note avec inquiétude la renationalisation de la pensée économique dans certaines régions de l’Union européenne et lance un avertissement, car - ainsi que l’ont dit aujourd’hui presque tous les orateurs - la bonne manière de procéder est de régler les problèmes de l’Europe ensemble.
Mais j’ai aussi quelque chose à dire aux entreprises européennes. Depuis maintenant plusieurs années, nous poursuivons une politique visant à améliorer l’environnement où évoluent les entreprises européennes, mais ce que nous attendons d’elles, à présent que les plus grandes d’entre elles obtiennent des résultats meilleurs que jamais auparavant, c’est qu’elles aient conscience de leur responsabilité à l’égard de l’Europe en tant que lieu d’implantation pour les entreprises. Les entreprises ont non seulement l’obligation de réaliser des bénéfices à court terme, elles ont également une responsabilité à l’égard du site où elles les réalisent.
(Applaudissements)
Si une société qui subit une réforme structurelle en vient à licencier du personnel, les premiers responsables ne sont pas les décideurs politiques; au contraire, il s’agit dans un tel cas d’un échec de la part de l’entreprise, car les entreprises peuvent reconnaître en temps voulu à quel moment une réforme structurelle va s’imposer et devra être mise en œuvre, et nous exhortons les entreprises européennes à consentir davantage d’efforts pour assurer une issue positive aux réformes structurelles. Les licenciements sont toujours la pire façon de faire, et c’est un procédé auquel elles ne doivent pas avoir recours.
(Applaudissements)
Il y a toutefois encore une chose que nous devons dire aux entreprises européennes: à savoir, qu’il est possible de croître en utilisant les importants bénéfices engrangés afin de créer de nouveaux produits, de développer de nouvelles technologies et de nouvelles capacités, au lieu de simplement racheter d’autres sociétés.
Je voudrais souligner - de la manière la plus amicale qui soit - que toute notre expérience en matière de rachats d’entreprises ces vingt dernières années ne fait état, dans la très grande majorité des cas, d’aucun effet positif sur les entreprises ou sur l’économie dans son ensemble. Je préférerais que les sociétés européennes utilisent les bénéfices énormes qu’elles ont réalisés ces derniers temps pour investir dans de nouvelles capacités de recherche et de production en Europe plutôt que pour financer des campagnes de rachat d’autres sociétés.
Les députés nationaux doivent également faire quelque chose. D’aucuns se sont plaints, à fort juste titre, que le grand public n’a pas été associé au développement de la stratégie pour la croissance et l’emploi. C’est là une tâche pour les responsables politiques et les parlements nationaux.
Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à parler à vos homologues des parlements nationaux dans vos pays respectifs et à faire inscrire cette question à l’ordre du jour de la politique nationale. Après tout, il n’appartient aucunement à la Commission d’exhorter les représentants de l’opposition des différents États membres à faire leur travail et à s’assurer que cette question soit inscrite à l’ordre du jour. C’est aux parlementaires qu’il appartient de le faire, aussi vous invité-je instamment à exercer toute votre influence ici, car c’est seulement si nous parvenons à lancer un vaste débat politique dans les États membres et leurs législatures que nous réussirons à sensibiliser comme il se doit le public à la nécessité d’un effort conjoint, de la part non seulement des décideurs politiques, mais aussi de la population, si l’on entend que notre compétitivité reste intacte.
(Vifs applaudissements)
Martin Schulz (PSE). - (DE) Monsieur le Président, je tiens à remercier chaleureusement le commissaire Verheugen pour le discours qu’il vient de prononcer, qui était excellent. Avec les écouteurs, j’ai pu le suivre, mais je dois bien avouer, Monsieur le Président, que sans les écouteurs je n’en aurais pas compris grand-chose, malgré les haut-parleurs de l’Assemblée.
(Applaudissements)
Il est inutile qu’à votre aimable et caractéristique manière, vous enjoigniez dans votre propre langue aux députés de s’asseoir, car, micro ou pas, ils ne vous comprendront pas si ce que vous dites n’est pas traduit à leur intention. Si vous teniez à les faire asseoir, il vous fallait utiliser le marteau.
Je voudrais juste adresser une requête à l’Assemblée, et je le fais en ma qualité de député. Je pense qu’il est inacceptable que nous ne fassions preuve d’un minimum de courtoisie et n’écoutions ceux qui s’adressent à nous.
(Applaudissements)
Le Président. - J’espère que tous prendront au sérieux ce qui vient d’être dit. J’accepte la critique et rappellerai donc à l’ordre les membres de l’Assemblée soit en utilisant une langue plus largement parlée, soit en utilisant le marteau.
J’ai reçu deux propositions de résolution(1), déposées sur la base de l’article 103, paragraphe 2, du règlement.
Le débat est clos.
Le vote aura lieu mercredi à 12 heures.
PRÉSIDENCE DE M. TRAKATELLIS Vice-président
Sarah Ludford (ALDE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais seulement soulever une petite question de gestion interne. Certains d’entre nous n’ont pas reçu de courrier électronique depuis 11 heures ce matin, sauf par le web. Je ne sais pas combien d’entre nous sont concernés, car il y a plus d’un serveur. Toutefois, un serveur est en panne, tout comme il l’a été pendant un certain temps hier matin. Je pense que ce problème touche particulièrement Strasbourg, et qu’il constitue, bien sûr, l’un des petits plaisirs de venir ici.
(Applaudissements)
Pourriez-vous veiller à ce que l’administration tente en priorité de résoudre ce problème, qui est des plus inopportuns?
(Applaudissements)
Le Président. - Nous nous en souviendrons, Madame Ludford.
Carl Schlyter (Verts/ALE). - (SV) Monsieur le Président, c’est spécifiquement l’article 140 du règlement du Parlement européen que je souhaitais invoquer. Celui-ci dispose que nous sommes autorisés à consulter les documents directement via le système informatique interne du Parlement. Je voudrais que vous revoyiez l’accord avec la société privée qui est censée fournir ce service. Il y va de notre intérêt tant démocratique qu’économique.
Le Président. - Merci beaucoup. Nous nous pencherons sur la question.
Déclarations écrites (article 142 du règlement)
Richard Corbett (PSE). - (EN) La réunion de printemps du Conseil européen en vue de se pencher sur l’économie européenne se produit au même moment qu’une poussée de protectionnisme dans plusieurs pays européens, en particulier en France.
Le président Chirac tente souvent de dépeindre la France comme une championne de l’intégration européenne et fait des reproches aux autres pays au moindre signe de manque d’enthousiasme. Pourtant, la conduite de la France en matière d’application de la législation européenne figure parmi les pires: son attitude à l’égard des fusions transfrontalières est obstructionniste, elle a délibérément enfreint les obligations qui lui incombent en vertu du pacte de stabilité et de croissance et elle a constamment ralenti le rythme de la réforme de la PAC.
Le Conseil européen devrait permettre aux autres États membres de faire pression sur la France afin qu’elle mette de l’ordre dans ses affaires.
Dominique Vlasto (PPE-DE). - Les thèmes liés à la compétitivité et à la croissance ont toujours été au cœur de la stratégie de Lisbonne.
Aujourd’hui, et je tiens à dire que c’est une excellente chose, la résolution sur laquelle nous allons voter introduit la dimension sociale. Elle ne doit pas être considérée comme un frein dans la perspective de la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne car elle permet, entre autres, à l’ensemble des ressortissants de l’Union européenne d’accéder à une éducation de haut niveau et à la formation tout au long de la vie: je rappelle l’importance d’un programme d’échange européen pour les apprentis.
Je voudrais aussi souligner le rôle joué par les PME dans la réalisation des objectifs de Lisbonne: c’est un des principaux viviers d’emplois de demain. Il faut donc se donner les moyens de lever les entraves qui pèsent sur ces entreprises, notamment les plus petites, et au-delà, leur donner les moyens d’innover, d’où l’importance d’un budget ambitieux pour le CIP.
Vous l’aurez compris, je déplore l’absence d’un budget à la hauteur des ambitions fixées par la stratégie de Lisbonne, et espère que nous arriverons à améliorer les perspectives financières en ce sens.
Le Président. - L’ordre du jour appelle l’heure des votes.
(Pour les résultats et les autres détails des votes: cf. procès-verbal)
4.1. Accord de pêche entre la Communauté européenne et les États fédérés de Micronésie (vote)
4.2. Informations minimales que doivent contenir les licences de pêche (vote)
4.3. Evaluation du Mandat d’arrêt européen (vote)
4.4. Situation des droits de l’homme au Tchad (vote)
4.5. Règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (vote)
- Au sujet de l’amendement 136, deuxième partie:
Ingeborg Gräßle (PPE-DE), rapporteur. - (DE) Monsieur le Président, je demande à ce que la deuxième partie de l’amendement soit modifiée en supprimant le chiffre indiqué et en le remplaçant par un caractère de remplacement.
(Le Parlement adopte l’amendement oral)
Ingeborg Gräßle (PPE-DE), rapporteur. - (DE) Monsieur le Président, je demande le report du vote sur la résolution législative conformément à l’article 53, paragraphe premier, du règlement.
(Le Parlement décide le renvoi en commission)
4.6. Prostitution forcée dans le cadre des événements sportifs mondiaux (vote)
4.7. Quatrième Forum mondial de l’eau - Mexico, 16-22 mars 2006 (vote)
- Au sujet de l’amendement 1, paragraphe 12:
Eija-Riitta Korhola (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, étant donné que l’Union européenne ne peut résoudre à elle seule le problème du réchauffement de la planète, mon amendement oral cherche à élargir le public en ajoutant les mots «et la communauté internationale» après «l’Union européenne et ses États membres».
(Le Parlement adopte l’amendement oral)
4.8. Les restructurations et l’emploi (vote)
- Au sujet du paragraphe 9:
Roselyne Bachelot-Narquin (PPE-DE). - Monsieur le Président, je voudrais présenter un amendement pour plus de précision. En effet, un fonds d’accompagnement aux travailleurs frappés par les phénomènes de restructuration va être mis sur pied. Il est appelé, dans le rapport de M. Cottigny, fonds d’ajustement à la croissance et je propose de reprendre l’appellation de la Commission européenne, à savoir un fonds européen d’ajustement à la mondialisation, pour éviter les confusions.
(Le Parlement adopte l’amendement oral)
4.9. Protection et inclusion sociales (vote)
4.10. Orientations pour la procédure budgétaire 2007 (sections I, II, IV, V, VI, VII, VIII (A) et VIII (B)) (vote)
- Au sujet du paragraphe 47, deuxième partie:
Anne E. Jensen (ALDE). - (EN) Monsieur le Président, mon groupe voudrait proposer un amendement oral à ce paragraphe. Notre vote divisé concerne la suppression de la limite de temps. Nous voudrions plutôt insérer les mots: «qui devrait entrer en vigueur le plus rapidement possible», afin d’harmoniser ce texte avec l’énoncé qui sera proposé dans le rapport sur la décharge 2004, au paragraphe 55.
(Le Parlement adopte l’amendement oral)
4.11. Méthodes de pêche plus respectueuses de l’environnement (vote)
4.12. Préparation du Conseil européen / Stratégie de Lisbonne (vote)
- Au sujet de l’amendement 24:
Robert Goebbels (PSE). - Monsieur le Président, je voulais intervenir initialement pour proposer de retirer l’amendement 1, qui a finalement été rejeté. Il reste que, concernant l’amendement 24, j’aimerais proposer à nos collègues libéraux de changer un mot par le biais d’un amendement oral. Il s’agit de remplacer le terme «education» par «higher education», parce que nous visons ici la coopération entre la recherche, le secteur privé et l’enseignement supérieur. Je crois pouvoir dire que je présente cet amendement oral au nom de Klaus-Heiner Lehne et de M. Lambsdorff, qui est également d’accord.
Duarte Freitas (PPE-DE), par écrit. - (PT) J’estime que le partenariat entre la Communauté européenne et les États fédérés de Micronésie (EFM) concernant la pêche dans ces États devrait se conclure conformément à la proposition de règlement du Conseil.
Le Pacifique occidental constitue une des zones de pêche les plus riches au monde pour le thon. Les études scientifiques montrent que l’état actuel des stocks est tel que la pêche peut être étendue à des pays tiers.
L’accord présente des avantages pour les deux parties et préserve une politique de pêche durable dans les EFM.
Bien que je soutienne cet accord de pêche, je voudrais attirer l’attention sur les montants excessifs des licences des palangriers, qui constituent un fardeau prohibitif pour certains armateurs.
Hélène Goudin, Nils Lundgren et Lars Wohlin (IND/DEM), par écrit. - (SV) Nous critiquons beaucoup les accords de pêche destructeurs de l’Union européenne avec les pays tiers et nous regrettons donc le fait que l’Union européenne choisisse de conclure des accords de pêche avec de nouveaux pays.
Plusieurs rapports ont éclairé les conséquences néfastes de tels accords pour les populations côtières des pays qui les signent. Ces accords conduisent à la surexploitation des eaux de pêche et celle-ci frappe les populations locales. Tant la Commission que la grande majorité du Parlement européen choisit cependant de fermer les yeux sur cette critique. Selon un avis du Parlement, les accords de pêche en question pourraient en outre entraîner des conséquences environnementales négatives.
En même temps, comme l’Union européenne recommande d’accroître les efforts de l’aide, les impôts servent à financer des accords de pêche qui constituent un frein au développement. Cette politique n’est ni cohérente ni crédible.
Nous pensons qu’il faudrait progressivement sortir des accords de pêche avant de les supprimer complètement. Les États membres de l’Union européenne dont les navires opèrent dans les eaux territoriales de pays tiers devraient supporter les coûts des accords. Ces mêmes États membres devraient décider ensuite de manière indépendante de financer ces dépenses en imposant leurs navires de pêche.
Duarte Freitas (PPE-DE), par écrit. - (PT) À la lumière de la réforme de la politique commune de la pêche, il est devenu extrêmement important de mettre à jour le règlement (CE) n°3690/93 du 20 décembre 1993. Il faut rendre compatible l’information concernant les navires de pêche avec les nouvelles règles de gestion de la conservation des stocks afin de garantir le respect du principe essentiel de «gestion de l’effort de pêche».
Les amendements qui sont proposés, comme l’introduction du fichier communautaire des navires de pêche et l’échelonnement des méthodes de pêche utilisées par les navires sont des éléments importants qui ne sont pas inclus dans le règlement d’origine.
La proposition de la Commission et les amendements déposés par le rapporteur méritent mon soutien.
Charlotte Cederschiöld, Christofer Fjellner, Gunnar Hökmark et Anna Ibrisagic (PPE-DE), par écrit. - (SV) Nous, les modérés, avons choisi de voter pour ce rapport, mais nous regrettons le fait que la protection des droits fondamentaux n’ait pas été suffisamment soulignée au niveau de l’Union européenne et nous croyons que la juridiction de la Cour européenne de justice devrait étendre ces droits fondamentaux aux particuliers en ce qui concerne aussi les questions liées à la sécurité intérieure.
Lena Ek (ALDE), par écrit. - (SV) Grâce au rapport d’initiative de Mme Hazan concernant l’évaluation du mandat d’arrêt européen, nous pouvons renforcer davantage la sécurité juridique dont jouissent nos concitoyens. Le rapport pointe des améliorations qui ont été apportées. Je voudrais néanmoins souligner les problèmes mentionnés dans le rapport, qui constituent encore des obstacles à la garantie de la sécurité juridique.
Il est extrêmement important pour les personnes arrêtées dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen de se voir garantir une aide juridique et une assistance sous forme de traduction et d’interprétation. Chaque État membre a la responsabilité de résoudre ce problème important qui conduit actuellement à des violations des droits de l’homme.
Hélène Goudin, Nils Lundgren et Lars Wohlin (IND/DEM), par écrit. - (SV) Ce rapport montre que des efforts sont manifestement faits afin d’accroître la coopération dans le domaine du droit pénal. Le Conseil est prié d’interdire aux États membres de réintroduire la vérification systématique de la double incrimination, ainsi que d’intégrer le mandat d’arrêt européen au premier pilier.
Le rapport met au jour l’existence de problèmes majeurs dans la mise en œuvre du mandat d’arrêt. Les États membres ont montré clairement qu’ils souhaitaient conserver des parties du système traditionnel d’extradition.
Quelques pays ont refusé d’appliquer le mandat d’arrêt à leurs propres ressortissants en invoquant la discrimination ou la violation des droits fondamentaux. D’autres pays ont conservé ou réintroduit la vérification de la double incrimination.
La Liste de juin estime qu’il s’agit de signes évidents indiquant que les États membres protègent leur souveraineté dans le domaine du droit pénal. Peu de mesures pouvant être prises contre un citoyen sont aussi vastes dans leurs effets que les procès ou une condamnation. C’est pourquoi la sécurité juridique doit prévaloir sur la simplification et l’efficacité introduites par le mandat d’arrêt européen, selon le rapport.
La Liste de juin rejette le supranationalisme exacerbé et pense qu’il s’agit là d’une question relevant du ressort de chaque pays. Nous avons donc choisi de voter contre le rapport.
Pedro Guerreiro (GUE/NGL), par écrit. - (PT) Comme nous l’avons souligné en 2001, sous couvert de la lutte contre le terrorisme, la Commission fait des propositions qui plaident pour la supranationalisation d’aspects essentiels de la justice, esquivant ainsi la coopération nécessaire entre les États membres et les instruments juridiques existants comme l’extradition. Il s’agit là d’une attaque à l’encontre de la souveraineté des États membres et de leur devoir de protéger les droits de leurs ressortissants.
Nous avons dit à l’époque que le mandat d’arrêt européen, qui vise notamment à supprimer le principe de la double incrimination, bien que dans une mesure limitée, constituerait un cheval de Troie qui nous conduirait encore plus loin sur le chemin de la supranationalité.
Le rapport à l’examen confirme nos critiques. Il considère la souveraineté juridique comme un obstacle et fait référence à l’interférence actuelle des autorités publiques dans le processus d’extradition, même s’il s’appuie sur le respect des droits de l’homme.
Il est significatif que le Tribunal constitutionnel allemand ait décidé d’annuler la législation transposant le mandat d’arrêt européen et que, à la suite de cette décision, plusieurs États membres ont fait savoir qu’ils devraient à nouveau appliquer les instruments d’extradition. Le rapporteur critique ces décisions et soutient l’activation de la «passerelle» prévue à l’article 42 du traité sur l’Union européenne, intégrant ainsi le mandat d’arrêt européen dans le premier pilier.
Marine Le Pen (NI), par écrit. - À l’instar des politiques d’immigration européennes, le mandat d’arrêt européen est très dangereux et lourd de conséquences pour tout le monde. Il vise, en effet, aussi bien les infractions lourdes que les infractions mineures (terrorisme, vol, dégradations volontaires, outrage à agent en réunion, propos jugés racistes et xénophobes...) et, dans tous les cas, les droits des personnes sont moins protégés qu’avec la procédure d’extradition qui existait auparavant et qui permettait, elle, au pouvoir politique de procéder à une extradition ou de la refuser. Aujourd’hui, le mandat d’arrêt est devenu une procédure exclusivement judiciaire du fait de la suppression de la phase administrative et politique ainsi que du contrôle exercé par les juridictions administratives.
Ce mandat d’arrêt a été créé à la hâte, en réaction aux attentats du 11 septembre, et les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne n’ont pas hésité à brader, au nom d’un souci d’image médiatique plus que par souci de sagesse et de responsabilité, les libertés individuelles et les droits de la défense de chacun.
Idéalement conçu par nos eurocrates comme un atout dans la défense des droits fondamentaux de la personne, le mandat d’arrêt européen apparaît aujourd’hui sous son vrai jour: un outil de répression totalitaire et potentiellement dangereux pour chacun de nous.
David Martin (PSE), par écrit. - (EN) Je salue ce rapport, qui tente d’évaluer le mandat d’arrêt européen, son efficacité et les problèmes qu’il a rencontrés depuis son adoption. Le rôle du mandat d’arrêt européen dans le renforcement de la coopération judiciaire et de la confiance mutuelle est extrêmement novateur et renforce la capacité des États membres à lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée.
Je suis d’accord avec la recommandation qui veut que le Parlement participe davantage à l’évaluation du MAE et que les droits fondamentaux dans le cadre du MAE soient garantis afin de veiller à ce que les citoyens européens de différents États membres ne fassent l’objet d’aucune sorte de discrimination.
Athanasios Pafilis (GUE/NGL), par écrit. - (EL) Le mandat d’arrêt européen est un nouveau maillon de la chaîne de mesures qui visent à compléter le réseau institutionnel destiné à sauvegarder le pouvoir du capital au sein de la «zone de sécurité et de justice» qui unifie l’Europe. Il permet l’extradition de ressortissants des États membres, il abolit pratiquement le principe de la double incrimination et la facilité pour les responsables politiques de décider de l’extradition d’un citoyen, renversant ainsi les principes fondamentaux et les garanties de la protection des droits individuels prévus dans la législation précédente en matière d’extradition. Il restreint la souveraineté nationale dans la mesure où il remet en question le droit de chaque État membre à exercer sa juridiction pénale sur ses ressortissants, tout en abordant des droits personnels et des garanties de base protégés par la constitution.
Le rapport demande d’apporter des changements encore plus réactionnaires au mandat d’arrêt européen. Il propose d’étendre l’abolition de la double incrimination, d’abolir tous les droits des dirigeants politiques à intervenir dans l’extradition des citoyens pour des raisons de politique nationale et de tactique parlementaire, d’abolir toute vérification judiciaire de la compatibilité du mandat avec les droits fondamentaux.
Une fois de plus, le Parlement européen utilise le «terrorisme et le crime organisé» comme un prétexte nécessaire pour fournir un fondement plus stable à un nouveau moyen de restreindre les droits et les libertés, qui doit servir à contrer la lutte des peuples et de ceux qui s’opposent à l’impérialisme et le contestent, ainsi qu’à contrer le système d’exploitation capitaliste.
Tobias Pflüger (GUE/NGL), par écrit. - (DE) Il est plutôt incompréhensible que le rapport Hazan, adopté à une large majorité par notre Assemblée aujourd’hui, fasse preuve d’un tel enthousiasme pour le mandat d’arrêt européen. Chose encore plus répréhensible, il recommande aux États membres de ne pas imposer «au juge qui exécute un mandat d’arrêt européen d’en contrôler systématiquement la conformité avec les droits fondamentaux». Sur d’autres points aussi, il cherche à se débarrasser du contrôle des juges. Cette décision conduit l’Europe un peu plus loin sur la voie erronée de l’opposition aux droits fondamentaux. Si les décisions, prises ou non par un tribunal, doivent être reconnues mutuellement en l’absence de normes uniformes, alors les droits fondamentaux seront perdants dans l’Union européenne. Le fait est que les accusés risquent d’être pris dans les rouages des systèmes pénaux totalement différents présents dans l’Union européenne.
On ne trouve pas la moindre trace dans ce rapport du fait que des États - comme l’Allemagne - qui tentent d’incorporer le mandat d’arrêt européen dans leur législation ont été déboutés par leur cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité flagrante. Malgré cela, le rapport recommande de veiller à ce les États membres «prennent sans attendre les mesures qui s’imposent pour lever tout obstacle, constitutionnel ou légal, à l’application du mandat d’arrêt européen à leurs ressortissants.» Cela revient ni plus ni moins à demander aux législateurs allemands d’enfreindre leur propre constitution afin de permettre la mise en œuvre du mandat d’arrêt européen.
Luís Queiró (PPE-DE), par écrit - (PT) L’aspect positif de l’analyse du mandat d’arrêt européen est qu’il traite d’un des mécanismes les plus importants de la coopération judiciaire dans l’Union européenne, alors qu’une telle coopération est à la fois de plus en plus nécessaire et de plus en plus difficile.
Par tradition, les autorités nationales ne partagent pas aisément les informations liées à la sécurité. Elles éprouvent des difficultés à coopérer sur des questions judiciaires. Le mandat d’arrêt européen va particulièrement à l’encontre de cela en cherchant à imposer la coopération, vitale à la fois du point de vue d’un renforcement de la sécurité - c’est la manière la plus efficace d’empêcher les criminels de profiter des avantages de la liberté de circulation - et du point de vue d’une plus grande sécurité juridique, qui est un bien tout aussi fondamental.
Cela dit, il est regrettable de devoir rappeler aux États membres qu’ils doivent prendre «les mesures qui s’imposent pour lever tout obstacle, constitutionnel ou légal, à l’application du mandat d’arrêt européen à leurs ressortissants». C’est avec une certaine fierté que nous signalons que le Portugal a été un des premiers États membres à transposer la décision-cadre en question.
Robert Goebbels (PSE), par écrit. - Je me suis abstenu lors du vote sur le rapport Gräßle visant à réformer le règlement financier. J’estime qu’au lieu d’accroître la responsabilité des gestionnaires, ce qui aurait impliqué une plus grande flexibilité et des règles plus claires, le Parlement ajoute encore à la complexité et à la bureaucratie. Tout cela ne sert pas l’efficacité de l’action communautaire, et ne conduit pas à une meilleure gestion des fonds de l’Union.
Je ne connais aucune autre entité publique, et surtout privée, où 40% des effectifs sont impliqués dans la gestion financière et de contrôle. L’Union disposera bientôt de plus de contrôleurs que de contrôlés.
Jean-Claude Martinez (NI), par écrit. - Un règlement financier, c’est la constitution financière. C’est donc important. On doit réformer ce règlement, qui bloque la machine administrative européenne, parce qu’il est le thermomètre ou l’enregistrement de la métastase bureaucratique européenne.
S’il faut des manuels volumineux pour comprendre ce règlement, s’il a fallu créer un «bureau d’aide» pour venir chaque jour assister des fonctionnaires perdus dans le dédale de ses procédures, si les entreprises, les instituts, les organisations, les paysans, les citoyens ne peuvent pas bénéficier de la totalité des subventions ni participer à tous les marchés, c’est tout simplement que le règlement financier repose sur le principe philosophique fondamental qui traverse toute la construction européenne: le principe du fumigène, que le financier italien Puviani appelait, en 1905, le principe des illusions financières, consistant à masquer la vérité, européenne ici, derrière la complexité.
Prostitution forcée dans le cadre des événements sportifs mondiaux - (RC-B6-0160/2006)
Proinsias De Rossa (PSE), par écrit. - (EN) Je soutiens pleinement cette résolution et je demande instamment à l’association allemande de football, et aux clubs de football, de contribuer à mettre un terme à la traite des êtres humains et à la prostitution forcée et d’empêcher que les manifestations sportives internationales entraînent une augmentation spectaculaire de cet atroce commerce.
Ils doivent «donner un carton rouge à la prostitution forcée». Ils doivent travailler avec les clubs pour informer et sensibiliser le grand public, et en particulier les supporters, quant à l’ampleur du problème de la prostitution forcée et de la traite des êtres humains.
Chaque année, près de 800 000 femmes sont victimes de la traite, dont 100 000 dans l’Union européenne. C’est l’une des pires violations des droits de l’homme à l’heure actuelle. Les criminels organisés se préparent maintenant à tirer profit de la Coupe du monde. Des milliers de femmes pauvres seront attirées vers l’Allemagne par de fausses promesses de travail, dans le seul but d’être forcées à se prostituer et de vivre dans la misère.
Nous avons besoin d’une action à l’échelle européenne et de la participation de la police et des politiques mais également de l’association allemande de football, des clubs de football et des supporters eux-mêmes. Je demande à tous les supporters qui se rendront à la Coupe du monde d’être attentifs face à ce scandale et de déclarer tout soupçon de traite qu’ils pourraient avoir.
Ilda Figueiredo (GUE/NGL), par écrit. - (PT) Nous avons voté pour cette résolution concernant la prostitution forcée, qui reconnaît la réalité de la situation en Allemagne et la nécessité de saisir l’occasion offerte par la Coupe du monde de football pour condamner la traite des êtres humains et la prostitution. Nous avons toujours affirmé que la prostitution forcée n’est pas l’expression qu’il convient d’utiliser, car elle laisse supposer qu’il existe une prostitution volontaire.
Bien sûr, la lutte contre la prostitution forcée et la traite des êtres humains est très importante, mais il ne faut pas oublier que toute prostitution est forcée, même quand il n’y a pas de trafic. Elle est le résultat de la pauvreté, de l’exclusion sociale, du chômage, de l’emploi précaire et mal rémunéré, de la pression psychologique de la société de consommation. La prostitution est donc toujours une attaque contre les droits de l’homme, une attaque contre la dignité des femmes, c’est un véritable esclavage. Il est épouvantable de tout vouloir commercialiser, y compris le corps des femmes.
C’est pourquoi nous luttons pour l’inclusion sociale et pour les droits de toutes les femmes à la dignité. Nous condamnons aussi toutes les formes de traite des êtres humains et nous demandons des mesures efficaces pour garantir une vie digne à toutes les femmes et à tous les êtres humains.
Diamanto Manolakou (GUE/NGL), par écrit. - (EL) La distinction entre la prostitution légale et la prostitution forcée est une distinction artificielle. Il est également hypocrite de condamner la prostitution forcée parce qu’elle stabilise et étend la prostitution légale.
Que la prostitution soit légale ou forcée, c’est un corps humain que l’on vend, comme une marchandise soumise à toutes les règles du marché. Le cadre législatif qui régit les règles d’hygiène que les prostituées légales doivent respecter reconnaît fondamentalement la prostitution comme une profession et gère le problème. Donc, à la lumière de ce phénomène social qui connaît une croissance exponentielle, la prostitution est légalisée en tant que profession; en d’autres termes, elle est découplée des causes sociales qui produisent et reproduisent la prostitution (le chômage, la pauvreté, l’appauvrissement et le manque d’avantages sociaux). En d’autres termes, on cache et on exonère la pourriture du système d’exploitation; on rejette les responsabilités et on renvoie le problème à la sphère individuelle.
On ne peut pas dire que la prostitution soit un métier ou constitue un choix délibéré car elle est incompatible avec la valeur et la dignité humaine, il s’agit de la forme la plus extrême d’atteinte aux droits de l’homme. Quand on la qualifie de profession, la prostitution vient se ranger sur la liste des orientations de carrière comme alternative au chômage qui touche les jeunes femmes avec une telle barbarie. En même temps, elle légalise les investissements dans les sociétés du marché de la prostitution en créant la culture de la pornographie et elle promeut la prostitution des jeunes femmes. Nous disons non à toutes les formes de prostitution.
David Martin (PSE), par écrit. - (EN) Je salue cette résolution qui, à la veille de la Coupe du monde, tente de mettre un terme à l’augmentation spectaculaire de la demande de services sexuels en protégeant les femmes qui sont victimes de la traite de la criminalité organisée.
La résolution insiste sur la nécessité d’une campagne à l’échelle européenne et demande donc aux États membres de lancer et de promouvoir la campagne «Carton rouge» en étroite collaboration avec les ONG, la police, les services répressifs, les églises et les services médicaux.
Tout en cherchant à informer le grand public, la résolution invite le Comité international olympique et les associations sportives, notamment la FIFA, l’UEFA, l’association allemande de football et d’autres, ainsi que les sportifs eux-mêmes, à soutenir la campagne «Carton rouge» et à dénoncer haut et fort la traite des êtres humains et la prostitution forcée.
Claude Moraes (PSE), par écrit. - (EN) En votant en faveur de cette résolution, je me préoccupe du fait que la Coupe du monde de la FIFA, en particulier, engendre une augmentation spectaculaire et inacceptable de la traite des femmes. En s’attaquant à ces incidents, et en général, la Commission et d’autres devraient veiller à ce que la priorité soit accordée à la poursuite des bandent qui obligent les femmes à vivre dans ces conditions, plutôt qu’à des «options plus douces» consistant à cibler les femmes vulnérables condamnées à l’esclavage sexuel.
Jonas Sjöstedt et Eva-Britt Svensson (GUE/NGL), par écrit. - (SV) Nous soutenons la résolution car nous pensons qu’il est important de se concentrer sur des mesures qui visent à réduire le nombre de victimes de la traite des êtres humains à des fins d’esclavage sexuel. Néanmoins, nous pensons que la résolution devrait inclure toutes les formes de prostitution. L’expression de prostitution forcée pourrait être interprétée comme impliquant l’existence de son contraire, à savoir la prostitution volontaire. Nous pensons que toute prostitution est forcée, car aucune femme ne choisit volontairement de se prostituer. Elle est forcée de le faire pour l’une ou l’autre raison, par exemple la pauvreté et le chômage. Mais surtout, il existe des liens évidents entre le choix d’une femme de se prostituer et un abus physique, psychologique et/ou sexuel en amont de ce choix.
Quatrième Forum mondial de l’eau - Mexico, 16-22 mars 2006 (RC-B6-0149/2006)
Jean-Pierre Audy (PPE-DE), par écrit. - J’ai voté en faveur de la résolution commune sur le quatrième Forum mondial de l’eau qui se tient à Mexico du 16 au 22 mars 2006 car je considère que l’eau sera l’un des sujets majeurs du bien être de nos concitoyens et de la paix dans le monde. L’Union européenne ne pouvait être absente de ce défi mondial qui est de permettre aux être humains d’accéder à cette précieuse ressource naturelle qu’est l’eau. Nous avons une responsabilité collective de veiller à ce dossier qui touche aux droits fondamentaux des êtres, des animaux et des végétaux. Dans le même temps, je m’interroge si le moment n’est pas venu d’examiner si l’Union ne devrait pas réfléchir à une grande politique européenne de l’eau afin de garantir de manière durable et renouvelable l’approvisionnement en qualité et en quantité suffisante des habitants de l’Union où qu’ils se trouvent sur le territoire de l’Union européenne. Je considère que la Commission devrait anticiper le dépôt, devant le Parlement et le Conseil européens, du rapport prévu à l’article 18-1 de la directive 2000/60/CE du Parlement et du Conseil européen du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.
Diamanto Manolakou (GUE/NGL), par écrit. - (EL) La nature nous fournit l’eau gratuitement; l’eau appartient à chacun et chacun doit y avoir accès. Elle ne peut être une marchandise pour le profit du capital, car l’accès à l’eau est un droit fondamental, étroitement lié à la santé, à la protection de l’environnement, au développement et à la qualité de vie.
Pour qu’il y ait une fourniture universelle d’une eau de bonne qualité à un prix abordable, l’État doit être seul responsable de la gestion des ressources hydriques.
Le quatrième Forum mondial de l’eau de Mexico City aura lieu principalement sous l’égide de la Banque mondiale et de sa classe politique, c’est-à-dire de sa politique de privatisation des systèmes de fourniture d’eau, ce qui signifie une carence en eau potable pour les pauvres, les classes laborieuses et de nouveaux bénéfices pour le capital.
L’Union européenne promeut la politique de libéralisation des services dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Elle s’est mise d’accord sur les services (AGCS) avec les autres centres impérialistes au cours des négociations de l’OMC.
La privatisation et la destruction des forêts et des massifs montagneux, qui constituent d’importants réservoirs d’eau, rentrent dans la logique du profit, qui méprise les besoins élémentaires de l’homme.
Nous nous opposons, nous les députés européens du Kommounistiko Komma Elladas, au quatrième Forum mondial de l’eau parce qu’il méprise des besoins élémentaires de l’homme en vue de réaliser un profit. Nous appelons la classe ouvrière et la population à lutter pour contrer les plans barbares de ceux qui les exploitent.
Andreas Mölzer (NI). - (DE) Monsieur le Président, alors que les dividendes et les bénéfices augmentent, à l’instar des salaires des dirigeants, les emplois disponibles diminuent en nombre. Quand on regarde l’ensemble de l’Europe, les emplois sont frappés dans la même mesure par les restructurations et l’insolvabilité. Rien qu’en Autriche, ces dernières années, on estime qu’entre 15 000 et 20 000 emplois ont été perdus au profit des nouveaux États membres. Les restructurations sont une panacée qui permet aux entreprises d’aujourd’hui de se présenter au monde comme des gagnantes, sur le papier du moins. Il y a même eu plus de restructurations dans les services publics que dans le secteur privé, et les orientations de l’Union européenne n’y sont pas pour rien.
On réalise à présent qu’il faut souvent payer un prix élevé pour les mesures d’économie, celui-ci revêt la forme de la perte de qualité, de savoir-faire, de compétence, de motivation du personnel et de potentiel stratégique. Malgré le grand risque d’échec, si la restructuration sert de substitut à une stratégie claire, il s’agit d’une tendance que les orientations de l’Union européenne en matière de privatisation et de traitement préférentiel pour le tourisme subventionné ont positivement encouragée. Il est grand temps pour elle de faire face à sa responsabilité, d’abandonner les nouveaux élargissements, auxquels ces développements peuvent être en partie attribués, et de se préoccuper à nouveau de la justice sociale.
Jean-Pierre Audy (PPE-DE), par écrit. - J’ai voté en faveur du rapport relatif aux restructurations et à l’emploi car il convient, sans cesse, de démontrer à nos concitoyens le fait que l’Union européenne est source de solutions dans le cadre des grandes mutations économiques et sociales d’aujourd’hui et non à l’origine des problèmes.
La gravité des questions économiques et sociales liée aux restructurations, notamment industrielles, mérite une politique européenne forte afin de concilier les nécessaires mutations et la compétitivité de l’Union. Je salue la proposition de constituer un fond européen d’adaptation à la globalisation. Il devenait urgent de pouvoir concilier, d’une part, les inévitables restructurations industrielles liées aux mutations économiques et, d’autre part, la protection des première victimes que sont les salariés licenciés et les activités économiques dépendantes des secteurs restructurés, en particulier les sous-traitants. Enfin, je soutiens totalement l’idée de faire intervenir l’Union européenne en faveur des régions qui, ayant connu des restructurations, doivent se reconvertir.
Jean Louis Cottigny (PSE), par écrit. - J’ai voté en faveur de la proposition de résolution sur les restructurations et l’emploi qui propose des moyens financiers, un rôle accru des partenaires sociaux, des outils d’analyse et d’anticipation des restructurations.
Les restructurations d’entreprises ont diverses origines, défensives ou offensives, mais ont toujours les mêmes effets sur les salariés qui sont la variable d’ajustement des stratégies des groupes industriels.
Que l’Union européenne se penche sur ce problème avec pour objectif l’anticipation des conséquences des restructurations sur les salariés est louable et nécessaire, mais il est du devoir de l’UE de définir une politique économique et industrielle dynamique, soucieuse de la préservation et de la création d’emplois pour les citoyens européens, ainsi que de la cohésion sociale et territoriale.
Je regrette donc que l’UE elle même, favorise la concurrence entre les États membres en laissant jouer le dumping social et fiscal.
Brigitte Douay (PSE), par écrit. - Les restructurations industrielles sont un phénomène ancien et permanent, généré par le progrès technique et l’amélioration de la productivité. Elles sont souvent inéluctables pour garantir le maintien de la compétitivité et donc de l’emploi à long terme. Elles ont toujours un coût social élevé, surtout dans les régions d’industries traditionnelles où les salariés peu qualifiés et peu mobiles ont du mal à se reconvertir. Il faut donc amoindrir leurs conséquences sociales.
C’est pourquoi j’ai voté avec beaucoup de conviction pour le rapport Cottigny sur les restructurations et l’emploi. Je souhaite vivement que ses propositions soient reprises par le Conseil et la Commission et deviennent des actes concrets. L’Union européenne devrait mettre en place des outils pour mieux anticiper les restructurations, adapter les réponses et renforcer le rôle des partenaires sociaux.
L’attention accrue aux PME, la création d’un fonds d’ajustement à la mondialisation, le droit à la formation tout au long de la vie, etc. sont autant de moyens d’action qui devraient permettre de montrer aux citoyens que l’Union européenne est proche de leurs préoccupations et qu’elle partage leur souci d’une véritable cohésion sociale.
Lena Ek et Cecilia Malmström (ALDE), par écrit. - (SV) Dans le rapport concernant les restructurations et l’emploi, le rapporteur, M. Cottigny, adopte la même attitude malheureuse qui ressort également du rapport concernant les délocalisations dans le contexte du développement régional, sur lequel nous avons voté hier. Nous avons voté contre un tel protectionnisme économique hier et nous faisons de même aujourd’hui. Une fois de plus, nous pensons fermement qu’il ne revient vraiment pas à l’État ou à l’Union européenne de dire aux entreprises comment restructurer. Cela dit, nous ne devons certainement pas faire l’autruche et prétendre que les restructurations et les délocalisations des entreprises n’affectent pas, dans certains cas, les citoyens et les conditions sociales fondamentales dans le secteur concerné. Nous soutenons la demande de dialogue plus étroit entre les partenaires sociaux lorsque ces questions sont en jeu, mais il est possible de contrer les effets néfastes des restructurations et des délocalisations autrement qu’en empêchant le secteur privé de se développer. Nous devrions consacrer notre énergie à améliorer les conditions fondamentales qui permettent à un plus grand nombre de sociétés de créer des emplois à long terme.
Anne Ferreira (PSE), par écrit. - J’ai voté en faveur de la proposition de résolution sur les restructurations et l’emploi, dans laquelle sont proposés des moyens financiers et un rôle accru des partenaires sociaux ainsi que des outils d’analyse et d’anticipation des restructurations.
Les restructurations d’entreprises ont des causes diverses, défensives ou offensives, mais leurs effets sur les salariés sont toujours les mêmes, à savoir la variable d’ajustement des stratégies des groupes industriels.
Que l’Union européenne se penche sur ce problème dans le but d’anticiper les conséquences des restructurations sur les salariés est louable et nécessaire, mais il est du devoir de l’Union européenne de définir une politique économique et industrielle dynamique, soucieuse de la préservation et de la création d’emplois pour les citoyens européens ainsi que de la cohésion sociale et territoriale.
Je regrette donc que l’Union européenne elle-même favorise la concurrence entre les États membres en laissant le champ libre au dumping social et fiscal.
Bruno Gollnisch (NI), par écrit. - Je serai cet après-midi à Syndicat, dans les Vosges. Il s’y passe un évènement emblématique des conséquences des politiques fixées à Bruxelles.
Le groupe SEB va y fermer une unité de production, la concurrence avec les importations chinoises à bas prix étant devenue insupportable. Plus de 400 salariés restent sur le carreau, sans parler des sous-traitants qui perdent un de leurs principaux clients et qui devront également licencier. C’est un bassin d’emploi qui est sinistré. Pourtant, le groupe SEB se porte bien. Ses bénéfices sont croissants. Il s’implante à l’étranger, y rachète des marques... Mais il ferme des usines en France. Parce que coincé entre les contraintes bureaucratiques et financières - directement ou indirectement européennes - et la concurrence mondiale sauvage négociée par l’UE, il ne peut pas faire autrement. Ce n’est pas SEB qui a fixé les règles du jeu: c’est Bruxelles.
Aujourd’hui, pour tenter d’enrayer les conséquences logiques des politiques européennes de concurrence (restructurations, délocalisations...), le rapport Cottigny propose une liste de mesures bureaucratiques qui ne résoudront pas le problème, mais au contraire l’amplifieront et l’accélèreront. C’est toute la logique qu’il faut changer, à commencer par le culte de la concurrence «sans entrave» additionné à la multiplication des contraintes réglementaires et fiscales. L’emploi y gagnerait.
Hélène Goudin, Nils Lundgren et Lars Wohlin (IND/DEM), par écrit. - (SV) Depuis longtemps, l’Union européenne a pris des mesures politiques pour faire face aux restructurations dans différents secteurs. Ce rapport contient quelques propositions d’amendements constructifs à ces mesures; qui permettraient par exemple de suivre de manière plus efficace les ressources issues du financement communautaire et de veiller à ce qu’elles ne servent pas aux délocalisations à l’intérieur de l’Union européenne.
La Liste de juin estime fondamentalement que les nations doivent s’occuper des conséquences des délocalisations et des restructurations. Nous ne pensons pas que l’Union européenne devrait prendre des mesures pour veiller à ce que les sociétés acceptent la responsabilité de telles conséquences. Les questions importantes de ce genre doivent être tranchées dans les États membres.
Le Parlement européen souhaite entre autres choses:
- établir des critères qui régissent les conditions permettant les restructurations (pour sauver des emplois et accroître la compétitivité et pas seulement, par exemple, pour permettre de réaliser un bénéfice),
- constituer un fonds spécial «d’ajustement à la croissance»,
- faire en sorte que l’Union européenne accepte la responsabilité pour les «effets cachés» des restructurations, comme les conséquences pour la santé des travailleurs, les problèmes psychologiques chez les travailleurs et le surcroît de mortalité chez les personnes licenciées,
- introduire une participation équitable des employés de manière à ce qu’ils puissent participer aux décisions concernant les restructurations,
- stigmatiser les États membres qui demandent aux travailleurs de partir à la retraite anticipée à la suite d’une restructuration.
Quels que soient les avis politiques par rapport aux questions susmentionnées, il s’agit de questions qui doivent être traitées par chaque nation. Nous avons donc choisi de voter contre ce rapport.
Carl Lang (NI), par écrit. - La «stratégie» de Lisbonne, censée nous offrir un avenir radieux, sera un échec cuisant et ce ne sont pas quelques fonds de soutien supplémentaires qui vont sauver les laissés pour compte d’un secteur industriel qui dans ma région du Nord-Pas-de-Calais, a vu ses emplois détruits pour rien. Sacrifice qui n’aura pas permis d’exporter le bonheur économique et social ailleurs dans le monde.
En plus de la charité, nous n’avons pas besoin d’un nième rapport dirigiste qui souhaite corriger les errements de la Commission européenne. La destruction des emplois en France et dans l’Europe élargie continuera, malgré la production de tonnes de papier, qui n’exprime que notre impuissance et notre soumission aux règles de la mondialisation sauvage et de l’approche ultralibérale des européistes. L’Europe est malade aussi d’un néo marxisme qui veut plus d’interventionnisme étatique, ajoutant la bureaucratie européenne à notre bureaucratie nationale déjà caractérisée par ses lourdeurs administratives et un fiscalisme étouffant.
Nos forces vives s’enfuient, remplacées par une immigration massive, dont l’apport négatif est un poids économique et social insupportable. Il faut le nationalisme économique, le rétablissement des frontières douanières et tarifaires, la préférence communautaire en Europe, la protection et la préférence nationale en France.
Thomas Mann (PPE-DE), par écrit. - (DE) J’ai voté pour le rapport Cottigny parce qu’une majorité suffisante s’est prononcée en faveur des amendements déposés par le groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens, reprenant les propositions que j’avais faites à la commission de l’emploi et des affaires sociales. Les restructurations des entreprises doivent être vues sous un jour nuancé.
D’une part, les délocalisations de sociétés vers des sites moins chers à l’étranger aboutissent à une collision entre différentes cultures d’entreprise, avec la perte d’effets de synergie que cela entraîne souvent et la perte pour les travailleurs - y compris les cadres. D’autre part, les restructurations sont nécessaires à chaque fois que les entreprises doivent répondre aux demandes de nouveaux marchés, à la proximité avec leur clientèle et au besoin de devenir plus compétitives.
Pour que les travailleurs dans l’Union européenne soient mieux préparés à être aussi mobiles qu’ils devront l’être, ils ont besoin d’un soutien approprié en matière de formation complémentaire et de recyclage, d’être impliqués dans des programmes d’apprentissage tout au long de la vie. Ce sont les PME qui devraient profiter le plus de l’aide à la restructuration, qui doit être conforme aux objectifs de Lisbonne. Pour savoir si les subventions sont légales ou non, il devrait être plus aisé de remonter la piste des financements jusqu’à leur source et de faciliter ainsi le recouvrement des financements indus.
Puisque les fonds dont nous disposons pour l’instant sont insuffisants, je salue la création d’un fonds spécial, de 500 millions d’euros par an, comme l’expression de notre solidarité, pour le recyclage et la réorientation de carrière. Il reste néanmoins à en discuter les critères, puisqu’on envisage d’y recourir uniquement en cas de délocalisations vers des États qui ne font pas partie de l’Union européenne et lorsqu’une entreprise donnée licencie plus de 1 000 travailleurs. La gestion de ce fonds ne doit pas aboutir à la création d’une nouvelle bureaucratie au sein de la Commission européenne ou des autorités nationales.
David Martin (PSE), par écrit. - (EN) Je salue le rapport rédigé en réponse à la communication de la Commission sur les restructurations et l’emploi. Le rapport convient que les restructurations ne sont pas forcément synonymes de déclin social si elles sont bien anticipées et gérées par le biais d’une bonne collaboration entre les sociétés concernées et les syndicats, et s’il y a une politique de formation adéquate pour les travailleurs.
Il demande que l’on soutienne les PME et propose que les programmes financiers envisagés pour les années 2007-2013 soient orientés davantage vers l’anticipation et la gestion des restructurations. Afin d’éviter un «tourisme des subventions», le rapport demande que les entreprises bénéficiant d’une aide au titre des fonds de l’Union qui délocalisent entièrement ou en partie leur production ne puissent à nouveau bénéficier d’aides communautaires pour une certaine période.
Claude Moraes (PSE), par écrit. - (EN) J’ai voté en faveur du rapport Cottigny sur les restructurations et l’emploi. J’ai voté en faveur de la deuxième partie du paragraphe 9 concernant le financement du fonds d’ajustement à la mondialisation par les entreprises, pour autant qu’il s’agisse d’un don volontaire.
Luís Queiró (PPE-DE), par écrit. - (PT) La mondialisation n’est pas simplement un processus de rapprochement, de réduction des distances et de maximisation de l’échelle; c’est également un processus d’accélération. Aujourd’hui, tout est question de mouvement et tout va plus vite. On peut donc comprendre que certains craignent la nature des temps modernes. La fin d’un cycle, le démantèlement d’un modèle, la rupture avec le passé représentent toujours des moments de crise. Il est évidemment improbable que les victimes de ces processus croient aux vertus de la «destruction créatrice». Cela est aussi réel que la destruction elle-même.
Si je fais ces remarques, c’est en réponse au rapport Cottigny concernant les restructurations et l’emploi. Ce rapport s’écroule précisément parce qu’il est déconnecté de la réalité. Les structures sociales, surtout les structures publiques, doivent être préparées à l’impact des transformations que cette époque de révolution économique va entraîner. Après tout, nous ne pouvons pas tourner le dos aux exclus du progrès. Il ne me semble pas souhaitable non plus d’inverser entièrement le processus. Notre objectif devrait consister à nous efforcer de tirer le maximum de cette époque pour nos économies et pour nos citoyens, tel est le projet sur lequel nos efforts doivent se concentrer.
Carl Schlyter (Verts/ALE), par écrit. - (SV) Le rapport est constructif dans l’ensemble et il éclaire bon nombre des problèmes que comporte une économie conçue pour la spéculation à court terme. Je vote donc pour ce rapport. Cependant, le rapport fait référence de manière positive au fonds que la Commission souhaite constituer. Ce fonds impliquerait des paiements directs à des particuliers et représenterait le début d’un processus permettant à l’Union européenne de prendre du pouvoir en matière de politique sociale, ce qui constituerait un développement malheureux.
Si ce fonds devait voir le jour, il serait utile que le capital privé serve à en financer une bonne partie. Je vote contre de nouvelles directives de l’Union européenne concernant la législation du travail dans le domaine des restructurations parce que cela saperait le modèle suédois de la négociation collective entre les partenaires sociaux.
Carlo Fatuzzo (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, j’ai voté pour le rapport de Mme Bauer concernant l’inclusion sociale et la protection sociale. Je voudrais poser une question au Conseil européen - c’est-à-dire aux 25 chefs d’État ou de gouvernement - à laquelle j’espère qu’ils répondront: pourquoi les pensions diminuent-elles constamment et suffisent-elles de moins en moins pour vivre?
Les réformes que les 25 chefs d’État ou de gouvernement mettent en œuvre sont conçues pour verser des pensions de plus en plus minces à notre population de retraités. Rien qu’en Italie, en 2050, les jeunes recevront une pension égale à un tiers seulement de leur dernier salaire.
Je voudrais faire parvenir cet enregistrement de ma voix sur DVD aux 27 chefs d’État ou de gouvernement, qui diront clairement je l’espère ce qu’ils entendent faire. Peut-être abolir le statut de citoyens retraités ou permettre la survie de ceux qui ont travaillé dans le passé, mais qui sont trop vieux à présent pour le faire.
Hélène Goudin, Nils Lundgren et Lars Wohlin (IND/DEM), par écrit. - (SV) Ce rapport contient une longue liste d’exhortations aux États membres concernant l’action qu’ils devraient entreprendre pour traiter de la pauvreté relative dans les États membres. Il y a évidemment de bonnes raisons pour que les États membres coopèrent sur des questions de ce type, en partageant par exemple volontairement les expériences et les bonnes pratiques.
Il faut néanmoins s’occuper de l’intégration sociale et de la pauvreté au niveau national ou grâce à une coopération volontaire entre les gouvernements des États membres. Il est difficile de voir quelle valeur ajoutée ou quelle compétence spécifique le Parlement européen pourrait apporter en pondant des avis sur des questions comme celles-là.
Le rapport contient des propositions afin que:
- les États membres développent l’accès à la formation tout au long de la vie (paragraphe 11),
- les États membres fournissent l’accès à des services apportant des soins de qualité et abordables pour les enfants (paragraphe 24),
- les régimes de retraite des États membres soient réformés de manière à garantir une justice sociale dans la mesure du possible (paragraphe 44),
- les réformes des systèmes de retraite publics dans les États membres évitent l’augmentation de la pression fiscale sur le travail (paragraphe 45).
La Liste de juin recommande que les questions importantes comme celles mentionnées ci-dessus soient réglées par de larges débats nationaux, après quoi les États membres devraient utiliser les canaux démocratiques ordinaires pour décider de la législation qui convient et d’autres mesures appropriées, soit de manière indépendante soit en coopérant de manière volontaire avec d’autres partenaires pertinents. Nous avons donc voté contre ce rapport.
Sérgio Marques (PPE-DE), par écrit. - (PT) Le rapport de la Commission concernant la protection sociale et l’inclusion sociale confirme que les États membres intensifient leurs efforts pour combattre la pauvreté et pour garantir que les régimes de retraite restent capables de fournir des revenus appropriés aux retraités. Le rapport indique cependant que plus de 68 millions de personnes, soit 15% de la population de l’Union européenne, vivent exposées au risque de pauvreté en 2002.
Malgré d’importantes améliorations structurelles sur le marché du travail de l’Union européenne, les niveaux d’emploi et de participation sont toujours insuffisants. Le chômage reste élevé dans plusieurs États membres en particulier parmi les jeunes, les travailleurs âgés et les femmes. L’exclusion du marché du travail possède une dimension nationale, mais aussi locale et régionale d’après le rapport.
Je soutiens sans réserve le rapport Bauer qui vante les mesures présentées par la Commission pour aider les États membres à reconnaître les difficultés auxquelles les personnes défavorisées sont confrontées et à soutenir leur intégration, à favoriser la création d’emplois, la formation, le développement de carrière, la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, ainsi que le droit à un accès équitable aux soins de santé et au logement décent, pour garantir la durabilité des systèmes de protection sociale.
David Martin (PSE), par écrit. - (EN) Je salue ce rapport qui se concentre sur plusieurs priorités politiques centrales, notamment augmenter la participation au marché du travail, moderniser les systèmes de protection sociale, s’attaquer aux inégalités en matière d’éducation et de formation, éradiquer la pauvreté des enfants, assurer un logement décent, améliorer les normes en matière de logement et régler le manque de logements sociaux pour les groupes vulnérables, améliorer l’accès à des services de qualité, comme les services de santé et de soins à long terme, les services sociaux et le transport, et éliminer la discrimination et renforcer l’intégration des minorités ethniques et des immigrants.
Charlotte Cederschiöld, Christofer Fjellner, Gunnar Hökmark et Anna Ibrisagic (PPE-DE), par écrit. - (SV) Lors du vote final, nous avons choisi de voter en faveur des orientations pour la procédure budgétaire 2007, et ce malgré nos objections sérieuses sur deux points.
Nous sommes opposés à la conception d’un statut pour les assistants parlementaires, qui risqueraient de vivre dans des conditions très différentes de celles des personnes avec lesquelles ils doivent travailler étroitement dans les circonscriptions. Il y a aussi le risque significatif que la profession d’assistant parlementaire ne devienne une carrière distincte à vie.
Nous sommes également opposés à la création d’un centre des parlements européens à Bruxelles dans le but de mener une politique de fourniture de l’information concernant l’Union européenne.
Gérard Deprez (ALDE), par écrit. - J'ai soutenu le rapport de Mr Grech qui est loin d'être politiquement anodin.
Ainsi, par exemple, en matière de politique d’information, si l’on applique le principe général repris aux paragraphes 17, 28 et 62 (réduction des activités n’apportant aucune valeur ajoutée), il y a selon moi de sérieux changements à mettre en œuvre! Tous les jours, nous recevons des brochures d’information rédigées par des «spécialistes». Je suis convaincu que, pour inspirer confiance aux citoyens européens, il vaut mieux les informer par les médias qui les touchent habituellement là où ils sont, plutôt que de concevoir des brochures coûteuses qu’ils ne liront pas ou qu’ils ne comprendront pas.
Autre secteur où les principes du rapport devraient trouver à s’appliquer: celui des «auxiliaires sessions». En matière d’emploi, notre rapporteur plaide pour engager du personnel à long terme plutôt que d’avoir recours à des agents contractuels. Si l’on soutient ce principe - c’est mon cas - quel statut va-t-on proposer à la fin de cette année aux 300 auxiliaires sessions dont le contrat ne pourra pas être reconduit dans sa forme actuelle, suite à la disparition de la base juridique prévue à l’article 78 du «régime applicable aux autres agents»?
Astrid Lulling (PPE-DE), par écrit. - J’ai voté contre le rapport Grech, parce que je ne suis pas d’accord pour remettre en question la fixation du siège du Parlement européen à Strasbourg et la fixation de Luxembourg comme lieu de travail.
Claude Moraes (PSE), par écrit. - (EN) Je vote en faveur du rapport Grech. J’ai voté en faveur des deux parties de l’article 47, car j’estime que les assistants des députés devraient avoir un statut en 2009.
Hélène Goudin, Nils Lundgren et Lars Wohlin (IND/DEM), par écrit. - (SV) Nous saluons l’introduction de méthodes de pêche plus respectueuses de l’environnement. Néanmoins, nous ne sommes pas favorables à la proposition qui veut que l’Union européenne introduise un système de soutien et de compensation pour les pêcheurs professionnels lésés par de telles méthodes. Le rapport ne mentionne aucune somme particulière pour la compensation. Il ne dit pas non plus quelle partie du budget devrait servir à financer cette compensation.
Nous sommes pour que les pêcheurs et leurs associations représentatives soient impliqués dans la définition des mesures visant à protéger l’environnement marin et à reconstituer les stocks épuisés (amendement 1). Néanmoins, nous ne sommes pas favorables à la proposition selon laquelle les mesures de compensation suggérées pour les pêcheurs devraient être financées par la Communauté (amendement 2).
Nous réprouvons toute dépense budgétaire supplémentaire de l’Union européenne et nous avons choisi de voter contre ce rapport dans sa totalité.
Pedro Guerreiro (GUE/NGL), par écrit. - (PT) À la suite du débat précédent, nous saluons le soutien du commissaire en charge de la pêche, M. Borg, en faveur de l’amendement que nous avons déposé, selon lequel la décentralisation et la cogestion sont deux principes fondamentaux, à la fois pour garantir l’implication des pêcheurs et des associations qui les représentent dans la définition des mesures visant à protéger l’environnement marin et à reconstituer les stocks de pêche, mais aussi à garantir l’efficacité de telles mesures en gardant à l’esprit que ce sont les pêcheurs et leurs associations qui appliqueront ces mesures, qui ont les connaissances de première main sur l’état des ressources et qui sont les plus concernés par leur préservation.
Nous prenons note aussi du fait que le commissaire est prêt à considérer l’amendement que nous avons proposé, qui demande à la Commission de prévoir des mesures de compensation socioéconomique, avec le financement garanti de la Communauté, pour les plans de reconstitution des stocks de pêche.
De manière inexplicable, la majorité du Parlement a rejeté ces propositions, ce que nous regrettons.
Luís Queiró (PPE-DE), par écrit. - (PT) Il est essentiel que le secteur viable de la pêche se fonde sur la recherche scientifique et technologique la plus récente, si nous voulons atteindre un des principaux objectifs de l’Union européenne, à savoir une exploitation des ressources marines vivantes qui offre des conditions économiques, environnementales et sociales durables.
Cette communication de la Commission semble constituer un pas dans la bonne direction, avec un rôle plus fort pour la promotion de la gestion écologique et durable de la pêche.
Je voudrais répéter l’importance de ces mesures pour les pêcheurs; il est de leur intérêt de rendre toute activité économique plus respectueuse de l’environnement car cela leur garantit la présence de stocks de poissons en bonne santé. Les conséquences socioéconomiques de ces nouvelles mesures pourraient être importantes à court terme, c’est pourquoi les parties intéressées devraient être impliquées dans les réformes programmées et nous devrions étudier les manières de compenser les pêcheurs qui sont affectés, à court et à moyen terme, par une pêche respectueuse de l’environnement.
À la lumière des points que j’ai mentionnés, j’estime que le contenu de la communication à l’examen apporte une importante contribution à la construction d’un avenir positif pour ceux dont les moyens de subsistance dépendent de la pêche et pour la protection de l’environnement.
Frédérique Ries (ALDE), par écrit. - J’ai bien entendu voté en faveur de ce rapport qui encourage des méthodes de pêche plus respectueuses de l’environnement.
Aujourd’hui, la priorité est de parvenir à réduire l’intensité de l’activité de pêche afin de permettre la reconstitution des stocks. Le sujet est sensible, on le sait, mais il y a urgence. En effet, 46% des 28 000 espèces de poisson recensées dans le monde sont menacées. En outre, le programme d’évaluation des écosystèmes des Nations unies souligne que 25% des espèces commerciales sont surexploitées.
Il faut évidemment tenir compte des impératifs socio-économiques et ne pas pénaliser le secteur de la pêche, déjà soumis à de trop nombreuses contraintes. La réduction de l’activité de pêche peut être envisagée si elle est liée à des compensations. Mais d’autres mesures peuvent apporter des résultats significatifs, telles que le renforcement de la lutte contre la pollution des bateaux ou la promotion de méthodes de pêche durables.
La pérennité des ressources halieutiques est un objectif essentiel et c’est dans ce sens que j’ai orienté mon rapport pour avis sur la communication de la Commission relative à une approche communautaire en matière de programmes d’étiquetage écologique des produits de la pêche.
Préparation du Conseil européen / Stratégie de Lisbonne (RC - B6-0161/2006)
Brian Crowley (UEN), par écrit. - (EN) Je suis partisan de la modernisation de l’économie européenne par le partenariat de Lisbonne pour la croissance et l’emploi. J’accepte que le fait cette stratégie doive également être considérée dans le contexte plus large des exigences de développement durable - le fait que nos besoins actuels doivent être satisfaits sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. L’Europe dispose incontestablement des ressources nécessaires pour assurer la subsistance de notre niveau de vie élevé, mais nous devons prendre des mesures pour les débloquer.
Je voudrais qu’il soit consigné que si je suis favorable à l’objectif général de la résolution du Parlement sur le sommet de printemps 2006, je ne soutiens pas les amendements qui stipulent que l’énergie nucléaire est une alternative viable à la dépendance énergétique actuelle de l’Europe. L’Irlande n’est en aucun cas favorable à l’utilisation de l’énergie nucléaire.
Emanuel Jardim Fernandes (PSE), par écrit. - (PT) Un an pratiquement s’est écoulé depuis la relance de la stratégie de Lisbonne, convenue par le Conseil européen de printemps en mars de l’année dernière.
Dans son rapport annuel intérimaire concernant la stratégie de Lisbonne, publié le 25 janvier avant le prochain Conseil européen de printemps, la Commission dit que tout en reconnaissant l’avancée significative qui a été accomplie depuis lors, la priorité consiste à présent à produire des résultats et que l’heure est venue d’accélérer les réformes.
Elle identifie par conséquent quatre domaines d’action prioritaires au moyen desquels les chefs d’État ou de gouvernement doivent s’engager à prendre les mesures spécifiques et supplémentaires suivantes au niveau national et européen: investir plus dans l’enseignement et l’innovation; débloquer le potentiel des entreprises, en particulier des PME; répondre aux défis de la mondialisation et du vieillissement de la population; mettre sur les rails une politique énergétique efficace et intégrée au niveau de l’Union européenne.
La proposition de résolution du Parlement européen à l’examen fait des commentaires et des suggestions concernant les quatre domaines d’action prioritaires, que je soutiens sans réserve. C’est pourquoi j’ai voté pour.
Ilda Figueiredo (GUE/NGL), par écrit. - (PT) Je suis déçue que la résolution que nous avons déposée ait été rejetée, mais il vaut la peine de souligner qu’une centaine de députés ont soit voté pour (79) ou se sont abstenus (20), ce qui représente plus du double du nombre des membres de mon groupe et plus que le groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique et que le groupe des Verts/Alliance libre européenne réunis. Il est encore plus significatif qu’un nombre plus conséquent de députés ait refusé de voter la résolution commune, qui a été néanmoins adoptée par la majorité.
L’expérience nous enseigne que la méthode de coordination ouverte prévue par la stratégie de Lisbonne n’a pas réduit la pauvreté. À la suite de la stratégie de Lisbonne, les priorités ont été la libéralisation et la privatisation des secteurs et des services publics.
Sachant que la pauvreté constitue une violation des droits de l’homme, il convient d’attacher une plus grande attention à ses causes. Par conséquent, les mesures nécessaires doivent être prises pour promouvoir l’inclusion sociale en la considérant d’un point de vue multidisciplinaire.
C’est pourquoi nous plaidons pour un remplacement du pacte de stabilité et de croissance par un véritable pacte de développement et de progrès, un remplacement de la stratégie de Lisbonne par une bonne stratégie de cohésion économique et sociale. Nous ne croyons donc pas qu’il faille insister sur la proposition de directive concernant la création du marché intérieur des services.
Glyn Ford (PSE), par écrit. - (EN) Je vais soutenir cette résolution, tout comme mes collègues du groupe socialiste et de la délégation travailliste, mais je dois toutefois insister sur un important oubli dans la section relative à la politique énergétique, à savoir l’énergie marémotrice.
Le réchauffement de la planète nous éloigne de l’énergie conventionnelle, tandis que les inquiétudes en matière de sécurité menacent l’énergie nucléaire. Les énergies renouvelables, qu’il s’agisse de l’énergie solaire, de l’énergie éolienne ou des biocarburants, peuvent très difficilement remplir ce vide. La seule opportunité négligée actuellement est l’énergie marémotrice. Le fait que les Français ont construit la centrale électrique sur l’estuaire de la Rance témoigne de la technologie; au Royaume-Uni, la Mersey, à petite échelle, et la Severn, à grande échelle, sont des sites adéquats. Le projet de la Severn pourrait à lui seul satisfaire près de 10 % de la demande en énergie de la Grande-Bretagne. Pourquoi négligeons-nous de «grandes» énergies renouvelables et décidons-nous plutôt de couvrir nos collines d’éoliennes et nos toits de panneaux solaires?
Bruno Gollnisch (NI), par écrit. - La loi du genre, dans les résolutions de ce Parlement portant sur les Conseils européens en préparation, consiste à se livrer à une litanie de desiderata à l’attention des gouvernements et de la Commission. Leur point commun est de ne jamais relever les responsabilités de la construction européenne dans les difficultés que nos pays connaissent, et de toujours réclamer plus d’interventions de Bruxelles dans les politiques des États membres. Le salut ne peut pas venir de l’Europe de Bruxelles, parce que la plupart des problèmes évoqués dans ce texte y prennent leur source.
Nous en sommes par exemple aujourd’hui au point où les dysfonctionnements dus à la libéralisation du marché intérieur de l’énergie, voulue par Bruxelles et fondée sur la seule et sacro-sainte concurrence, poussent les députés à demander une politique énergétique commune, voire unique, alors que ce domaine d’intervention n’existe pas dans les traités, et qu’il n’y figure pas pour une bonne raison: l’opposition des gouvernements, conscients de l’importance stratégique de ce secteur et de leurs divergences d’intérêts.
L’impression générale est que la construction européenne, telle qu’elle est aujourd’hui, est un but en soi, qu’elle s’autoalimente des conséquences négatives de ses erreurs. Il faut en finir avec ce cercle vicieux.
Hélène Goudin, Nils Lundgren et Lars Wohlin (IND/DEM), par écrit. - (SV) Dans cette résolution, le Parlement européen investit deux domaines qui sont du ressort des parlements nationaux pour atteindre les objectifs européens qui ont été convenus en matière de croissance et d’emploi. La base de la stratégie de Lisbonne est que les États membres devraient mettre en œuvre ce qui a été convenu.
La stratégie de Lisbonne ne doit pas servir d’argument pour demander constamment des augmentations de crédits au budget de l’Union européenne. La Liste de juin pense par contre que les budgets respectifs des États membres doivent assurer l’avenir de la stratégie de Lisbonne. La résolution prévoit au paragraphe 3 que le budget de l’Union européenne doit être relevé si l’on veut atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne. Nous choisissons pour cela de voter contre la résolution.
La résolution contient de nombreuses propositions positives, mais elle suppose que l’Union européenne ait une perspective financière que nous ne soutenons pas. La responsabilité de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne revient aux États membres, c’est pourquoi il importe de ne pas accroître leurs contributions à l’Union européenne. Ils devraient plutôt avoir les compétences eux-mêmes de prendre soin de ce que la stratégie de Lisbonne exige.
Nous avons donc voté contre la proposition de résolution déposée par le groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens, le groupe socialiste au Parlement européen et le groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.
Pedro Guerreiro (GUE/NGL), par écrit. - (PT) Les 16 et 17 mars se tiendra ce qu’on pourrait appeler l’assemblée générale des employeurs et ce n’est pas un hasard si elle a été programmée pour avoir lieu un peu avant le Conseil européen. Y participeront le chancelier autrichien et président en exercice du Conseil, le président de la Commission et les commissaires, ainsi que les grosses pointures du monde des affaires, de l’industrie, de l’environnement, de la recherche et des médias, sans oublier les représentants des gouvernements en charge des programmes de réforme nationale.
Les capitaines d’industrie présenteront leurs desiderata en matière de mise en œuvre des réformes dites structurelles, ce qui est un euphémisme pour la politique de la droite, dont les travailleurs connaissent bien la véritable signification: travail plus précaire, salaires inférieurs, vie active et durée de travail allongées, allongement de l’âge de la retraite, démantèlement avec libéralisation et privatisation des services publics, en insistant sur l’énergie et les communications, la sécurité sociale, la santé et l’enseignement, ainsi que la recherche, avec l’exploitation, le chômage et la pauvreté qui s’ensuit.
La majorité du Parlement s’est retrouvée pour adopter cet agenda, mais nous avons voté contre.
Timothy Kirkhope (PPE-DE), par écrit. - (EN) Mes collègues conservateurs britanniques et moi-même soutenons pleinement toutes les mesures définies dans la stratégie de Lisbonne qui améliorent réellement la compétitivité des économies européennes. Cela requiert une véritable réforme économique qui apporte davantage de croissance, des marchés du travail flexibles et un taux d’emploi plus élevé sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.
Si nous soutenons pleinement les efforts du président de la Commission et de certains États membres visant à réduire les charges qui pèsent sur les entreprises ainsi que les obstacles à la création d’emplois, nous craignons que certaines des mesures soulignées dans la résolution conduisent à une augmentation des coûts pour les entreprises et nuisent à la première priorité, qui consiste à rendre l’Europe plus compétitive sur le marché mondial et à réduire fortement le nombre de chômeurs.
Nous ne pouvons pas soutenir les propositions de la résolution qui conduiraient à des perspectives financières supérieures à celles convenues lors du Conseil européen de décembre 2005.
C’est, entre autres, pour ces raisons que nous avons décidé de nous abstenir lors du vote de la résolution.
Athanasios Pafilis (GUE/NGL), par écrit. - (EL) La proposition de résolution commune signée et promue au Parlement européen par le groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens, le groupe socialiste au Parlement européen et le groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe concernant la stratégie de Lisbonne vise à accélérer encore plus les restructurations capitalistes en rédigeant des programmes nationaux. L’attaque du capital qui unifie l’Europe s’étend pour couvrir tous les liens de base, avec l’invasion du capital dans le domaine de la santé et la commercialisation de cette dernière, de l’enseignement et de l’énergie, le démantèlement des relations sociales et l’élimination de tout droit acquis par les classes laborieuses, avec la nouvelle attaque portée contre leurs droits d’assurance et de retraite.
La stratégie de Lisbonne repose aussi sur le traité de Maastricht et les quatre libertés (des capitaux, des échanges, des travailleurs, des services) votées conjointement dans notre pays par Nea Dimokratia, le Panellinio Socialistiko Kinima et Synaspismos.
Le Kommounistiko Komma Elladas a prévenu bien à temps la classe ouvrière et la population quant aux objectifs de la stratégie de Lisbonne. Il demande à la classe ouvrière d’intensifier sa lutte contre l’attaque barbare du capital, pour faire de sa lutte une lutte anti-monopole, anti-impérialiste et pour construire son alliance pour le pouvoir et la prospérité de la population.
Tobias Pflüger (GUE/NGL), par écrit. - (DE) Il est scandaleux que vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl, deux tiers des députés européens avalisent l’utilisation continue de l’énergie nucléaire en votant pour la résolution concernant la stratégie de Lisbonne. Le nucléaire reste une technologie à haut risque, aux conséquences incalculables.
L’utilisation exponentielle de la puissance nucléaire enfreint des droits fondamentaux et détériore de manière irréparable les conditions de vie des générations futures. L’extraction d’uranium implique une surexploitation massive de la nature, ainsi que la pollution radioactive des nappes phréatiques. Il est possible aussi d’enrichir l’uranium, ce qui est un moyen de produire du matériel capable d’être utilisé pour des armes atomiques. En fait, il n’est pas vraiment possible de séparer complètement l’utilisation civile et militaire de l’énergie nucléaire. Même l’exploitation normale des réacteurs nucléaires implique un état de risque permanent à travers, par exemple, la radiation de faible activité et le risque de contamination des rivières qui servent à leur refroidissement.
De manière récurrente, des usines de retraitement causent la pollution radioactive de vastes étendues de terre et de mer. À ce jour, personne n’a été capable de résoudre le problème de la gestion et du stockage des déchets hautement radioactifs. On en produit de plus en plus chaque jour et ils continueront d’émettre des radiations pendant au moins encore 10 000 ans. Les 3,1 milliards d’euros affectés à la recherche nucléaire dans le 7e programme-cadre de recherche communautaire (2007-2011) représentent le double du montant du programme précédent. Au lieu d’investir dans les technologies nucléaires, l’Union européenne devrait faire plus pour développer des formes d’énergie renouvelable. Les fournitures décentralisées à partir de sources d’énergie renouvelable constituent la seule manière de garantir la sécurité à long terme de la fourniture énergétique.
Luís Queiró (PPE-DE), par écrit. - (PT) J’ai voté pour la proposition de résolution du Parlement européen concernant la contribution au Conseil européen de printemps 2006 sur la stratégie de Lisbonne parce que j’accepte la plupart des points qui sont soulevés et des propositions qui sont avancées. Je salue en particulier les propositions qui concernent une approche exigeante, compétitive et innovatrice de l’économie européenne, qui définit une feuille de route pour la réforme économique européenne dans l’achèvement du marché intérieur, l’investissement dans la recherche et le développement, et la solidarité entre les communautés et les générations.
J’estime qu’il faut clarifier certains points.
Pour moi, il est regrettable qu’un an après le Conseil de printemps de 2005, nous en soyons encore plus ou moins exactement là où nous en étions restés dans de nombreux domaines, à savoir la libre prestation des services, le libre établissement des citoyens des nouveaux États membres, l’approfondissement du marché intérieur et la réforme des priorités budgétaires. Cela ne m’a certainement pas conduit à voter contre la résolution, mais cela renforce ma déception face au manque d’engagement vis-à-vis des réformes de l’Union européenne.
6. Corrections et intentions de vote: cf. procès-verbal
(La séance, suspendue à 13h20, est reprise à 15 heures)
PRÉSIDENCE DE M. DOS SANTOS Vice-président
(La séance reprend à 15 heures)
7. Approbation du procès-verbal de la séance précédente: cf. procès-verbal
8. Résultats du Conseil informel des Ministres des Affaires étrangères du 10/11 mars 2006 (débat)
Le Président. - L’ordre du jour appelle les déclarations du Conseil et de la Commission sur les résultats du Conseil informel des ministres des affaires étrangères du 10/11 mars 2006.
Olli Rehn, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, l’Union européenne peut réellement faire la différence dans les Balkans occidentaux. Ce point a été abordé lors de la réunion «Gymnich» des ministres des affaires étrangères à Salzbourg.
La région se trouve à la croisée des chemins et l’Europe la guidera sur la voie de la paix et de la réforme. Nous avons vu de nombreux événements positifs au cours des dernières années, mais nous ne devons pas nous endormir dans une fausse sécurité.
Cette année, les questions qui subsistent concernant le statut du Kosovo et du Monténégro doivent être résolues avec patience et détermination. Nous devons également aider la région à sortir de l’ère de guerre dans laquelle elle a été plongée. Nous devons ainsi dégager la voie pour que la région puisse progresser dans des domaines qui sont réellement importants aux yeux des citoyens: le développement économique et social et l’adhésion de ces pays au courant européen.
De quelle manière pouvons-nous le mieux encourager les pays à se tenir à un agenda de réforme ambitieux? Plus important, nous devons nous en tenir à notre propre engagement que ces pays puissent progresser vers l’Union européenne avec l’adhésion comme objectif ultime, lorsqu’ils auront réussi à satisfaire aux critères d’adhésion rigoureux. Par ailleurs, nous devons tenter de rendre cette perspective concrète et tangible, comme l’a fait la Commission dans sa récente communication. Permettez-moi de citer quelques exemples de nos propositions et objectifs concrets.
Premièrement, nous devrions supprimer les obstacles au commerce, à la production et aux investissements. La Commission, avec le pacte de stabilité et les pays concernés, cherche à créer un accord régional de libre-échange, qui remplacerait la mosaïque existante de 31 accords bilatéraux de libre-échange. Cela peut être obtenu par un élargissement et une modernisation simultanés de l’ALECE qui feront l’objet d’un sommet de l’ALECE en avril à Bucarest.
Deuxièmement, nous devrions «européaniser» la prochaine génération - voire la génération actuelle. C’est ce qui nous a poussés à proposer de renforcer la mobilité des chercheurs et des étudiants en augmentant le nombre de bourses d’études qui leur sont destinées.
Troisièmement, nous devons faciliter les contacts entre peuples. Nous allons présenter des mesures relatives à la facilitation des visas et j’espère que les États membres les feront rapidement progresser via le Conseil, de sorte que nous puissions ouvrir les négociations sur la facilitation des visas et les accords de réadmission. Permettez-moi de souligner que plus les pays de la région peuvent garantir les contrôles aux frontières et la sécurité des documents, plus il sera facile de convaincre les États membres de l’Union européenne de progresser dans le domaine de la facilitation des visas.
Je suis heureux que les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne aient soutenu ces mesures concrètes lors de la réunion qu’ils ont eue à Salzbourg le week-end dernier, et, même si elle n’est pas présente aujourd’hui, je voudrais en particulier rendre hommage à Mme Plassnik et saluer son engagement personnel en vue de garantir un progrès dans les Balkans occidentaux.
Enfin, je dois dire quelques mots concernant le décès de Slobodan Milosevic. Lorsque nous avons reçu la nouvelle de son décès à la fin de la réunion du Gymnich, ma première réaction a été de me rappeler la visite que j’ai effectuée à Srebrenica en juillet dernier, pour la commémoration du dixième anniversaire du massacre le plus effroyable de l’Europe d’après-guerre. Je regrette que Milosevic soit mort avant que justice ait été rendue aux centaines de milliers de victimes des crimes dont il était accusé.
Dans ses mémoires, le chancelier Kohl écrit que chaque génération doit travailler pour une conscience nécessaire de l’histoire afin d’éviter de répéter nos erreurs et de veiller à ce que les «voix des victimes soient entendues». Il s’agit de propos très sages.
Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a rendu publiques des preuves qui aideront les Serbes des générations actuelles et futures à comprendre que de nombreux crimes ont été commis au nom de la Serbie, et que certaines personnes étaient responsables de ces crimes.
La mort de Milosevic fait qu’il est encore plus important que le tribunal de La Haye achève ses travaux et que les autres accusés y soient transférés. Cela aidera la Serbie à fermer le chapitre tragique de l’histoire qu’a présidé Milosevic et à se réconcilier avec l’héritage de son passé.
La Serbie d’aujourd’hui est réellement à un carrefour et j’espère sincèrement que les dirigeants et le peuple de Serbie auront la volonté et la sagesse de choisir le futur européen et non le passé nationaliste. À présent, la Serbie est réellement seule maîtresse de son destin. Nous pouvons aider les Serbes à faire le bon choix en leur laissant la porte européenne ouverte.
Bernd Posselt (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, il devait s’agir d’un débat avec le Conseil. Vous venez de dire que le Conseil n’est pas encore présent, et je pense que devrions attendre son arrivée. L’objectif de ce débat est d’entendre un rapport sur le sommet de Salzbourg, puis d’en discuter. Il ne sert à rien d’entamer ce débat alors que nous n’avons pas encore été informés du rapport; ce serait absurde.
Le Président. - Je partage l’avis de M. Posselt, bien que, selon les informations dont je dispose, le ministre devrait arriver bientôt.
José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, au nom du groupe PPE-DE. - (ES) Monsieur le Président, je voudrais m’associer à l’objection de M. Posselt, car je pense que nous ne devons pas, au sein de ce Parlement, renoncer à l’essentiel sous le seul prétexte que des arrangements formels ne sont pas respectés. Si un débat avec la Commission et le Conseil a été programmé, le Conseil doit être présent.
Monsieur le Président, comme si la situation au Moyen Orient et en Palestine n’était pas déjà suffisamment compliquée depuis la victoire du Hamas, l’attaque de la prison de Jericho par l’armée israélienne - que nous devons à mon sens condamner - envenime encore la situation et a déclenché une vague de violence aveugle qui a causé du tort aux citoyens et aux intérêts de l’Union européenne et que nous nous devons de condamner avec la plus grande fermeté.
Monsieur le Président, sachant que cette question a été examinée lors du Conseil informel des ministres des affaires étrangères, je voudrais demander à la Commission quelle sera l’approche de la Commission européenne et du Conseil, qui n’est malheureusement toujours pas présent, à l’égard des aides de l’Union européenne à la Palestine, et s’ils entendent insister, comme le voudrait la logique, sur la nécessité d’exiger du Hamas qu’il renonce à la violence et reconnaisse l’État d’Israël et les accords antérieurs.
En second lieu, Monsieur le Président, en ce qui concerne la question de l’Iran, qui a été soumise au Conseil de sécurité des Nations unies, je voudrais demander à la Commission si elle privilégie une approche progressive, à savoir une déclaration du Conseil de sécurité, ou si elle espère que des sanctions seront appliquées.
Concernant l’élargissement, Monsieur le Président, eu égard aux commentaires du ministre français de l’intérieur, M. Sarkozy, qui constate une lassitude vis-à-vis de l’élargissement et demande l’organisation en juin d’un débat au Conseil sur l’évaluation des limites de la capacité d’absorption de l’Union européenne − le rapport de M. Brok est d’ailleurs le prochain point à l’ordre du jour - , je voudrais savoir si la Commission approuve la demande adressée par M. Sarkozy au Conseil et si elle considère que la présidence autrichienne de l’Union devrait apporter une réponse définitive à la question des limites géographiques de notre projet politique.
Le Président. - Certaines questions que vous avez soulevées s’adressent à Mme Ferrero-Waldner, qui n’est pas là pour l’instant, et la plupart de vos autres questions seront examinées dans le cadre du débat sur l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM), qui aura lieu en temps voulu.
Olli Rehn, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, vu que le temps de parole de la Commission est limité pour ce débat et qu’il serait impossible de faire rapport sur un large éventail de questions, qui couvrent toutes les affaires étrangères, toutes les questions mondiales, il a été convenu que Mme Ferrero-Waldner parlerait de l’Iran, de la Palestine et de la crise des caricatures lorsqu’elle prendra la parole dans le courant de l’après-midi. C’est pourquoi je me suis concentré sur les politiques liées aux Balkans occidentaux.
C’est la raison pour laquelle la contribution de la Commission sera distribuée, ce qui signifie que je répondrai après le débat concernant les Balkans occidentaux et que Mme Ferrero-Waldner répondra plus tard sur d’autres questions.
Doris Pack (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, le commissaire Rehn a bien exposé la situation. Nous devrions lancer à présent le débat sur le rapport Brok, à propos de l’élargissement, avant de poursuivre cette discussion dès l’arrivée de Mme Plassnik. J’insiste pour que nous procédions de cette façon, afin de ne pas être injuste à l’égard du commissaire et de ne pas perturber l’ordre des débats.
Le Président. - Je sais que la situation dans laquelle nous nous trouvons sort de l’ordinaire, mais malheureusement, l’ordre du jour prévoit que le débat sur le rapport Brok ait lieu après les déclarations du Conseil et de la Commission.
Elmar Brok (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, j’ai moi aussi une proposition. Nous pouvons faire une pause si la présidence du Conseil nous invite à prendre un café en l’attendant.
(Rires)
José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, je suis tout à fait conscient des pressions inhérentes à l’élaboration de l’ordre du jour du Parlement, mais vous avez déclaré que nous devions suivre un ordre des travaux bien précis. Nous ne pouvons pas établir un point de l’ordre du jour stipulant que nous allons débattre du Conseil informel des ministres des affaires étrangères alors que le commissaire responsable de la majorité des questions relatives à ce Conseil a décidé de les reporter à un stade ultérieur de notre débat.
Je pense que les propositions de M. Posselt et de Mme Pack sont totalement justifiées. Puisque le commissaire compétent n’est pas ici pour aborder les principales questions du Conseil informel des ministres des affaires étrangères, passons au débat sur le rapport Brok et revenons ensuite à ce point dès l’arrivée du commissaire responsable. Il n’est en effet pas acceptable que des sujets soient débattus sans entendre l’avis des membres de cette assemblée.
Le Président. - Je comprends vos préoccupations. Toutefois, à ma connaissance, aucun point du règlement ne peut nous aider à résoudre ce problème.
Hannes Swoboda (PSE). - (DE) Monsieur le Président, le problème est naturellement que certains députés qui doivent intervenir dans le débat sur le rapport Brok ne sont pas encore présents et arriveront plus tard. Nous pouvons bien sûr réorganiser quelque peu l’ordre des travaux. Mme Napoletano était prête à intervenir, et je prends la parole en ce moment car mon intervention concerne principalement les Balkans. Nous pouvons combiner les deux débats, mais certains députés s’offusqueront de ne pas avoir pu intervenir dans le cadre du rapport Brok en raison de leur absence. Le problème est là!
Bernd Posselt (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, puis-je poliment vous demander si vous disposez d’informations concernant l’heure d’arrivée du Conseil? Si ce que j’entends est vrai, et qu’ils seront là dans un quart d’heure, nous pouvons attendre un quart d’heure. Ce n’est certainement pas le premier retard d’un quart d’heure auquel nous sommes confrontés. Si le Conseil arrive dans 15 minutes, je propose que le débat soit suspendu dans l’attente de leur arrivée. S’ils ne seront pas là avant une heure, nous devons trouver une autre solution. Nous ne disposons d’aucune information à ce sujet, mais peut-être en avez-vous.
Le Président. - Je propose que la séance soit suspendue pendant quelques minutes, dans l’attente de l’arrivée du représentant du Conseil.
(La séance, suspendue à 15 h 20, reprend à 15 h 35)
Suite à l’arrivée du représentant du Conseil, nous pouvons reprendre l’ordre des travaux.
Ursula Plassnik, présidente en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, je vous prie de nous excuser pour cette arrivée tardive. Nous avons été retardés par deux accidents de la route, l’un sur le chemin de l’aéroport de Vienne, et un autre sur la route en provenance de Entzheim.
Je vous remercie de l’occasion que vous m’offrez de vous informer sur notre réunion informelle des ministres des affaires étrangères, la formule Gymnich, qui a eu lieu ce week-end à Salzbourg. Nous nous sommes essentiellement penchés sur deux questions. Nous avons commencé par les défis actuels en matière de politique étrangère, en particulier les derniers événements au Moyen Orient et les prochaines élections au Belarus et en Ukraine. La deuxième journée a été consacrée aux Balkans, à l’agenda de Thessalonique; sa mise en œuvre et son avenir.
Si vous me le permettez, je voudrais aborder dans un premier temps la question du Moyen-Orient, avant d’enchaîner sur les Balkans.
Commençons donc par le Moyen-Orient. Depuis les élections au conseil législatif palestinien et à la veille des élections en Israël, cette région traverse une période transitoire que nous devons exploiter pour affirmer clairement nos principes fondamentaux, sur la base desquels nous sommes disposés à poursuivre la coopération. Ces principes sont parfaitement clairs et se composent de trois éléments. Nous leur demandons de renoncer à la violence, d’accepter des négociations - ce qui implique la reconnaissance des accords existants - et de reconnaître le droit à l’existence d’Israël.
C’est sur cette base claire et cohérente que repose notre politique et que nous avons lancé un appel à nos partenaires au Moyen-Orient. Le Hamas, en particulier, devra prendre conscience qu’il se trouve à la croisée des chemins et choisir la voie qu’il souhaite emprunter à l’avenir. Il doit indiquer clairement son choix; nous avons exposé nos conditions et elles n’ont nullement été modifiées. Nous continuerons à soutenir le peuple palestinien et avons profité du «Gymnich» pour discuter des modalités futures éventuelles de notre soutien financier. Il est évidemment indispensable que ce soutien bénéficie au peuple palestinien, et non qu’il serve à des actions de terrorisme ou de violence.
Nous suivons avec beaucoup d’attention les efforts entrepris pour former un nouveau gouvernement palestinien, et son futur programme. Hier, le président Mahmud Abbas et sa délégation étaient à Vienne, et nous avons eu la chance d’évoquer ces questions avec lui. Il a, ainsi que son gouvernement provisoire, tout notre soutien dans cette période difficile. Je serais d’ailleurs très heureuse de discuter plus en détail de la situation si j’en ai l’occasion ultérieurement.
La question des Balkans était et reste une question importante pour la présidence autrichienne, et je considère la réunion Gymnich et son engagement à cet égard comme un message d’encouragement, dans le double sens du terme, adressé à la population des États des Balkans occidentaux. Le chemin qu’il leur reste à parcourir pour répondre aux critères européens est parsemé d’embûches, mais le voyage en vaut la peine, et nous leur souhaitons tous nos vœux de réussite.
C’est également un signe d’encouragement pour nos propres citoyens dans la conviction qu’il est bel et bien possible de trouver des solutions à des problèmes difficiles - et même aux problèmes les plus difficiles. C’est la raison pour laquelle je considère comme un signe d’espoir et de confiance le fait que nous ayons réussi, dans la déclaration de Salzbourg, à mettre en évidence les perspectives d’adhésion des États des Balkans à l’Union européenne.
Il était en effet important, en particulier à une époque où on entend parler de «lassitude vis-à-vis de l’élargissement», d’envoyer ce signal à nos partenaires afin de leur donner une idée des décisions très difficiles que nous devrons prendre en 2006. La liste des invités à notre réunion de Salzbourg démontre clairement à quel point notre tâche s’annonce ardue. Martti Ahtisaari, l’envoyé spécial de l’ONU au Kosovo, et son adjoint Albert Rohan étaient en effet présents, et nous avons pu discuter avec eux de l’avenir de la région. Nous avions également invité Christian Schwarz-Schilling, le haut-représentant pour la Bosnie-et-Herzégovine; Søren Jensen-Petersen, le chef de la Mission des Nations unies au Kosovo, était présent avec sa délégation, ainsi que le successeur d’Ibrahim Rugova à la présidence du Kosovo, Fatmir Sejdiu. Je me félicite également que ce segment de notre réunion de Salzbourg ait réalisé une première avec la présence de M. Brok, le président de votre commission des affaires étrangères, qui a pris part à nos débats.
Les Balkans sont au cœur de l’Europe. Sans eux, l’unification européenne sera incomplète. Nous savons que la route sera parsemée d’embûches, mais nous sommes résolus à l’emprunter. Nous avons décidé d’adopter une approche progressive en examinant les questions l’une après l’autre.
C’est l’adaptation aux normes européennes qui demande le plus d’énergie à chacun de ces pays. Hier, le Premier ministre bosniaque m’a rendu visite à Vienne et il m’a expliqué que l’essentiel n’était pas de fixer une date ou une période bien précise dans le développement, mais bien de travailler ensemble à la réalisation des normes européennes. Javier Solana, qui analyse depuis longtemps le processus d’élargissement, qualifie les résultats obtenus depuis Thessalonique en 2003 de vif succès, comme l’indique l’ordre du jour et, plus précisément, l’ordre des travaux de la réunion de Salzbourg, puisque les thèmes abordés lors de cette réunion étaient la facilitation et l’amélioration des méthodes de négociation, la lutte contre le crime organisé, les jeunes et la facilitation des voyages. Nous avons examiné la question des visas afin de répondre aux attentes des citoyens de ces pays à notre égard. Néanmoins, nous avons également dû leur expliquer les options qui s’offrent à nous et rechercher avec eux, étape par étape, des solutions aux nombreux problèmes qui subsistent, notamment dans ce domaine.
Nul doute que l’Europe fait bouger les choses dans cette région, mais nous avons également souligné la responsabilité que ces pays ont vis-à-vis d’eux-mêmes. En effet, dans certains d’entre eux, qui ont déjà été stabilisés, il est temps à présent de procéder à une européanisation dynamique. Au cours de ce processus, nous devons leur expliquer qu’ils doivent se montrer disposés à prendre les mesures nécessaires et à démontrer la qualité si bien décrite par le terme anglais «ownership».
Nous avons souligné la nécessité d’instaurer une coopération régionale, en particulier dans le cadre de l’élaboration d’une zone régionale de libre-échange, par le biais d’un accord unique de libre-échange, sur le modèle du CEFTA, remplaçant les 31 accords individuels. Personnellement, je voudrais remercier chaleureusement le commissaire Rehn et la Commission dans son ensemble pour leur engagement à cet égard. Le Conseil et la Commission travaillent main dans la main et côte à côte au meilleur sens du terme. Je voudrais remercier la Commission pour la communication qu’elle a rédigée fin janvier, ainsi que pour la volonté qu’elle a affichée pour poursuivre avec nous la réalisation des objectifs définis dans la déclaration de Salzbourg.
Un travail continu est également requis de la part des ministres du gouvernement national, dans leur domaine de compétence, car ce sont eux qui devront, entre autres, dialoguer avec leurs partenaires des États des Balkans pour résoudre des problèmes concrets. Les ministres de l’intérieur y sont notamment très attachés et ont une grande responsabilité à cet égard; leur coopération déterminera en effet les progrès réalisables dans le cadre de questions importantes.
Nous avons également abordé la question de la capacité d’absorption de l’UE et examiné ses implications. Comme vous le savez, c’est un sujet que j’ai amené sur le devant de la scène à l’automne dernier, à bon escient selon moi, car notre objectif n’est pas de créer un obstacle supplémentaire, mais bien de renforcer notre sensibilisation vis-à-vis d’un aspect qui me semble évident, à savoir que les pays candidats à l’adhésion ne sont pas les seuls à devoir faire des efforts. L’Union européenne a également son lot de responsabilités.
Alors que nous étions tous réunis autour d’une table à l’occasion de cette réunion conjointe à Salzbourg, un événement a semé le trouble parmi nous tout en communiquant un sentiment de confiance et d’espoir. Nos délibérations ont été interrompues par la nouvelle du décès de Slobodan Milošević. Il y avait du symbolisme européen dans notre capacité, dans un tel moment, à poursuivre la construction de notre avenir commun en Europe.
(Applaudissements)
Hannes Swoboda, au nom du groupe PSE. - (DE) Monsieur le Président, Madame la Présidente en exercice du Conseil, Monsieur le Commissaire, je voudrais juste formuler deux brefs commentaires sur la question du Moyen Orient. Tout d’abord, nous avons raison d’exiger que le Hamas regarde la réalité en face et renonce à la violence. Cependant, cela ne donne pas le droit à Israël de poursuivre sa politique de violence unilatérale, ce à quoi elle se livre pour l’instant. Ensuite, l’Europe, et les États-Unis, doivent se montrer cohérents dans leur politique nucléaire, eu égard notamment au traitement différent de l’Inde et de l’Iran, et l’Agence internationale de l’énergie atomique doit se voir conférer un plus grand rôle au sein d’un système multilatéral d’enrichissement de l’uranium et de gestion des déchets nucléaires. Si nous respectons ces principes, des progrès seront réalisés.
Concernant les Balkans, je m’étonne que nos actions soient guidées par le principe selon lequel tout ce qui n’est pas considéré comme une régression constitue un progrès. Je dois dire que mon groupe et moi-même sommes très embarrassés par le comportement de certains États membres, qui sont responsables des dissensions entre la question de la capacité d’absorption de l’Europe et les perspectives d’adhésion des pays des Balkans. L’Europe ne deviendra pourtant pas plus forte en privant les pays des Balkans de leurs perspectives d’adhésion ou en reportant celles-ci à un avenir lointain. La perspective de l’adhésion à l’UE doit rester le principe directeur, comme ce Parlement - mon groupe inclus - l’a voté à l’unanimité à maintes reprises. Si renforcer la capacité d’absorption de l’UE est une priorité légitime - je pense à ce propos à la Constitution et à la base financière -, elle ne peut être utilisée pour contrecarrer les efforts d’adhésion des pays d’Europe du Sud-Est. L’adhésion doit être préparée parallèlement dans nos pays et dans les Balkans. La préparation des deux parties doit être cohérente et complète, et des mesures pratiques devront être prises pour préparer l’adhésion à l’UE des pays des Balkans, notamment en simplifiant les formalités d’octroi de visas. Pour compléter vos propos sur les ministres de l’intérieur - Mme Gottes et M. Ohr - , j’espère qu’ils prendront des mesures concrètes visant à donner aux jeunes de cette région une chance de faire enfin connaissance avec l’Europe. Malgré la mort de Slobodan Milošević - qui est arrivée trop tôt à bien des égards - , il est toujours dans l’intérêt des victimes et de l’avenir conjoint de l’Europe que tous ceux qui ont perpétré des crimes soient transférés à La Haye pour un procès. C’est un point sur lequel nous devons insister.
Les pays des Balkans, qui ont si souvent constitué le terrain de jeu des grandes puissances européennes au cours de l’histoire de notre continent, doivent progressivement être intégrés à l’Union européenne. Nous n’accepterons en aucun cas qu’on les relègue à un stade antérieur des relations qu’ils entretiennent avec elle. Demain, lorsque nous voterons l’adoption du rapport Brok, n’acceptons rien de plus que la formulation actuelle du texte, sans les interprétations qui en ont malheureusement été données ces dernières heures et ont eu pour effet de déformer son véritable contenu. Nous défendons les perspectives d’adhésion des pays des Balkans à l’Union européenne.
(Applaudissements)
Annemie Neyts-Uyttebroeck, au nom du groupe ALDE. - (EN) Monsieur le Président, j’espérais que la Conférence des Balkans aurait envoyé un message fort et positif. Je pense que c’est également ce qu’espéraient la présidence en exercice et la Commission. Comme vous ne pouvez guère vous permettre d’exprimer votre déception, je vais le faire à votre place.
Nous reconnaissons tous que l’ensemble de la région des Balkans reste incertain et potentiellement instable, raison pour laquelle il est tout à fait indispensable d’être clair. Le communiqué de presse commun, bien plus modéré que les déclarations précédentes, affirme que l’avenir des Balkans occidentaux réside dans l’Union européenne. Nous constatons l’absence de toute mention à une adhésion éventuelle. Il continue en disant qu’un débat sur la stratégie d’élargissement devrait se tenir en 2006 et que la capacité d’absorption de l’Union européenne doit être prise en considération. C’est décevant. Je reviendrai sur ce point au cours du débat sur le rapport Brok.
Permettez-moi de faire une observation concernant le Moyen-Orient. Je partage totalement la réaction du président de mon groupe face à la conduite déplorable et inacceptable d’Israël à Jéricho hier, pour ne pas parler du comportement étrange - c’est le moins que l’on puisse dire - des troupes britanniques et américaines. Il est inutile de préciser que cette action rend la position de l’Union européenne plus difficile. Si mon groupe est tout à fait d’accord quant au fait que le Hamas doit renoncer à la violence et signer les traités et accords internationaux existants, force nous est de constater avec tristesse que le comportement d’Israël rend cette position de plus en plus difficile à maintenir. Nous le ferons toutefois, mais nous devons également dire clairement que les actions telles que celle d’hier vont totalement à l’encontre de la recherche d’une issue pacifique.
Angelika Beer, au nom du groupe des Verts/ALE. - (DE) Monsieur le Président, Madame Plassnik, nous avons suspendu notre séance dans l’attente de votre arrivée parce que nous avons certaines inquiétudes dont nous souhaiterions vous faire part.
Au début de leur présidence, les Autrichiens envisageaient un Thessalonique II. Il n’en est pourtant nullement question dans la déclaration de Salzbourg. La perspective d’adhésion à l’UE des pays des Balkans occidentaux a également quitté l’actualité. La déclaration est un compromis qui, en dépit de son caractère négligeable, a été accueilli par de nombreuses critiques dans les Balkans et qui, loin de constituer un signe d’encouragement, suscite au mieux une mauvaise interprétation. C’est ainsi, en tout état de cause, que je qualifierais la déclaration de M. Brok, qui était également présent à Salzbourg, et qui répète depuis lundi dans les médias allemands que les perspectives d’adhésion des Balkans n’ont plus de raison d’être et avance l’idée de ce qu’il appelle une troisième voie, celle d’un partenariat privilégié.
Si l’Europe veut bénéficier d’une certaine crédibilité, nous devons soutenir les perspectives d’adhésion des Balkans non seulement en paroles, mais aussi en actes. Je suis d’accord avec le commissaire Rehn sur ce point.
Monsieur Brok, permettez-moi de clôturer cette intervention en disant qu’une troisième voie est précisément ce que recherchait le chef de l’État libyen, le colonel Kadhafi, dans les années 1980. Il a fort heureusement échoué dans cette tentative. La même mésaventure vous attend.
Elmar Brok (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Madame la Présidente en exercice du Conseil, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, permettez-moi de m’écarter quelque peu du débat sur les pays candidats à l’adhésion, que j’aborderai tout à l’heure dans le cadre de mon rapport. Je voudrais dire quelques mots à propos du Moyen Orient.
La situation se complique de jour en jour, non seulement en raison des rebondissements de ces derniers jours, mais aussi des événements survenus au cours des dernières semaines et des derniers mois. D’une part, les tensions entre les deux occupants de la Terre Sainte; de l’autre, la question de savoir si l’on parviendra à dissuader l’Iran de lancer un programme nucléaire militaire. Et si, comme cela pourrait très bien arriver, le cercle se refermait - - l’Iran, la Syrie, un accord multilatéral au Liban avec le Hesbollah et des contacts avec le Hamas - , on court le risque d’assister à la formation d’une alliance qui s’avérerait très problématique et contre laquelle nous devons trouver une parade, tant sur le plan de la paix et de la lutte antiterroriste que de la sécurité de nos approvisionnements énergétiques.
Je vous remercie, Madame la Présidente en exercice, de m’avoir permis d’assister à certains débats. Si les négociations nous confronteront aux dures réalités politiques, nous devons également garantir l’établissement d’un véritable dialogue interculturel, de manière à ce que les fondamentalistes ne soient pas en mesure d’empêcher les modérés - qui existent dans toutes les régions - de former une majorité.
Permettez-moi également, Madame la Présidente en exercice, d’évoquer un autre aspect pour le moins important, à savoir la mission de l’Union européenne au Congo. Je souhaiterais vraiment savoir si un mandat définit déjà cette mission, sa durée et la zone géographique concernée, et si les autorités congolaises ont sollicité officiellement un projet de ce type et la participation de l’Union européenne. Si des décisions doivent être prises à ce sujet ici et ailleurs, il est de la plus haute importance que nous soyons clairement informés des mesures prévues par la présidence du Conseil et le haut-représentant dans le cadre de l’organisation de ce mandat.
Cecilia Malmström (ALDE). - (SV) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Madame la Présidente en exercice du Conseil, je me félicite de l’importance que vous accordez aux Balkans. La stabilisation et la démocratisation de cette région sont dans notre intérêt à tous, et l’UE a vraiment l’occasion de jouer un rôle majeur à cet égard. Je vous souhaite bonne chance pour élever au même niveau les ambitions de vos collègues dans les autres États membres. Soyez assurés que l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe vous soutient dans cette démarche.
Les diverses initiatives visant à promouvoir la coopération entre ces pays et avec l’Union européenne sont excellentes. Je me félicite également que le CEFTA, une association déjà opérationnelle, ait finalement été choisi comme modèle. C’est préférable à la création d’un nouveau modèle, comme il en avait été question précédemment. Il s’agit d’une très sage décision. Dans le même temps, n’oublions pas qu’il est question de pays différents présentant des traditions, une histoire et des niveaux de développement qui leur sont propres. Nous devons par conséquent informer ces pays que leur candidature à l’adhésion à la Communauté européenne est la bienvenue, s’ils le souhaitent, et qu’ils seront traités en fonction de leurs propres mérites. Certains cercles ont émis la crainte que nous considérions à nouveau ces pays comme un bloc. Je pense que ces inquiétudes sont exagérées, mais il est impératif que nous insistions au plus haut point sur cet argument, à savoir que les pays seront traités selon leurs propres mérites.
Concernant le décès de Slobodan Milošević, je rappelle que nous parlons d’un dictateur odieux, responsable de la mort de centaines de milliers de personnes et d’une grande partie de la tragédie que nous connaissons. Je regrette également que le procès ne soit pas arrivé à son terme et je pense que l’homme qui nous a quittés était pour le moins pathétique. Nous nous devons d’insister sur la nécessite d’extrader Radovan Karadzic et Ratko Mladić, et ce dans les plus brefs délais. Il n’y a pas de place pour un compromis à ce sujet.
Margie Sudre (PPE-DE). - Monsieur le Président, Madame le Ministre, Monsieur le Commissaire, mes chers collègues, les ministres des Affaires étrangères de l’Union ont redéfini samedi la perspective européenne des Balkans occidentaux et précisé que l’objectif ultime du processus de stabilisation et d’association en cours avec ces pays était l’adhésion pure et simple à l’Union européenne. Ils sont ainsi allés plus loin que la déclaration de Thessalonique de 2003, qui parlait du grand défi que représentent l’intégration des cinq pays des Balkans et leur adhésion à terme à l’Union. Les députés européens de l’UMP partagent cette vision et cette perspective et sont convaincus que, sans les Balkans, l’unification européenne n’est pas achevée. Ils partagent aussi le point de vue que ce sera un chemin long, plein d’obstacles mais demandent avant tout que, pour les Balkans comme pour toute autre perspective d’élargissement, les vraies questions soient posées clairement. Les vraies questions, quelles sont-elles? En premier lieu, l’Union européenne a-t-elle la capacité d’absorber ces pays? Je rappelle qu’il s’agit là d’un des critères de Copenhague, un critère trop souvent oublié; capacité financière, institutionnelle, mais aussi politique. Nos États membres et leurs peuples sont-ils prêts à accueillir au sein de l’Union d’autres États membres et dans l’affirmative, quand et comment?
Autre question: un autre membre de l’Union, la France, a modifié sa constitution, et rendu obligatoire une consultation populaire au sujet de tout nouvel élargissement, après ceux de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie. Nos partenaires sont libres de s’en féliciter, ou de le regretter, mais la réalité institutionnelle est désormais celle-là.
Enfin, les députés européens de l’UMP réclament depuis des années un débat en profondeur au sein de l’Union européenne au sujet des frontières de l’Europe. Il est plus que temps que ce débat ait lieu! Nous devons regarder la réalité en face et faire un choix de maturité sur le devenir de l’Union européenne, en termes de contenu politique et de frontières géographiques. C’est un devoir pour nous-mêmes, c’est aussi un devoir vis-à-vis des pays qui frappent à nos portes. Assumons nos responsabilités.
Silvana Koch-Mehrin (ALDE). - (DE) Monsieur le Président, Madame la Présidente en exercice du Conseil, en plus de corroborer les propos de Mme Neyts-Uyttebroeck quant à la position de mon groupe sur la politique d’Israël au cours de ces derniers jours, je voudrais également réagir à votre intervention sur l’importance de cette période de transition. L’UE doit en profiter pour envoyer un message clair exposant les principes de coopération, à savoir l’abandon de la violence, l’acceptation des accords existants et la reconnaissance du droit à l’existence d’Israël. C’est extrêmement important, et l’UE ne doit en aucun cas chercher à s’en distancier. C’est la raison pour laquelle je pense que l’UE commet une grave erreur en continuant à accorder son soutien financier au gouvernement provisoire.
Si l’UE se doit d’envoyer de l’aide humanitaire dans les territoires palestiniens et d’aider la population qui y habite, elle ne doit pas soutenir leurs autorités. En effet, le Hamas n’a ni reconnu le droit à l’existence d’Israël, ni renoncé à la violence. Le message que nous envoyons est implacable, dans le sens où le Hamas a réitéré sa position selon laquelle la décision de l’UE de continuer à envoyer de l’argent indique qu’elle accepte sa politique, alors qu’il refuse toujours de négocier avec Israël puisqu’il ne reconnaît pas sa légitimité.
L’objectif premier du soutien de l’UE est de promouvoir le processus de paix. Il est illogique d’accorder un soutien financier à un groupe qui souhaite le faire échouer. L’UE doit garder sa ligne de conduite et éviter de perdre son principal argument de négociation, à savoir l’aide financière. C’est pourquoi je vous demande de réexaminer cette question.
PRÉSIDENCE DE M. SARYUSZ-WOLSKI Vice-président
Bernd Posselt (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Madame la Présidente en exercice du Conseil, je voudrais tout d’abord vous féliciter pour l’événement historique auquel vous avez participé à Luxembourg en ouvrant la voie de l’adhésion à la Croatie, le seul État d’Europe centrale, à l’exception de la Suisse, à ne pas encore être membre de l’UE. Je voudrais également vous féliciter pour le courage que vous avez démontré en y lançant le débat sur les frontières de l’Europe, que nous attendons depuis longtemps.
En second lieu, permettez-moi de vous exprimer ma gratitude pour avoir défendu à Salzbourg les perspectives d’adhésion des autres États d’Europe du Sud-Est. Je pense en effet que nous devons rester sur notre position à ce sujet; il ne doit y avoir aucun doute sur le caractère européen des États d’Europe du Sud-Est et sur le fait qu’ils ont le droit de devenir des membres à part entière de l’Union européenne dès que tous les critères auront été remplis - y compris le critère d’élargissement nous concernant.
En troisième lieu - et je m’oppose ici à Mme Koch-Mehrin -, je pense que nous devons soutenir la Palestine par le biais d’autres initiatives que l’aide humanitaire, en promouvant le pluralisme, et ce en dépit des nombreuses difficultés que cela comporte. Aussi corrompu et suspect que pouvait être le Fatah, un État dirigé par le Hamas est encore moins acceptable. Nous devons promouvoir le processus de paix et le pluralisme par tous les moyens afin d’empêcher la formation d’une zone d’influence iranienne s’étendant du Golfe à la Méditerranée.
En quatrième lieu, je voudrais rappeler que l’Iran, la deuxième plus ancienne grande puissance mondiale derrière la Chine, n’est pas un bloc monolithique, et que nous devons par conséquent faire preuve à la fois de rigueur et de beaucoup de diplomatie dans nos relations avec ce pays. Ici aussi, en dépit du caractère inacceptable de l’actuel président du pays, nous ne devons pas renoncer au dialogue. L’Iran représente bien plus que son président; c’est l’un des plus vieux États du monde et nous, Européens, devons mettre tout en œuvre pour renforcer les forces pluralistes qui le composent et empêcher que le pays ne prenne le parti de l’agressivité.
Ursula Plassnik, présidente en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, pour revenir à la question des Balkans, je pense que le temps était venu, et je me sens conforté dans ma décision de faire des Balkans une priorité de la présidence autrichienne du Conseil. Le temps était venu d’organiser un débat sur l’élargissement, et celui que nous avons mené à Salzbourg s’est bien déroulé. Je considère qu’il s’agit d’une avancée. La pire démarche serait de ne rien engager et de ne pas se pencher sur des questions qui nécessitent notre attention, de ne pas sensibiliser le public à celles-ci ou de ne pas lui expliquer les enjeux, les mesures et leur justification. Je me réjouis dès lors de la tenue de ce débat, notamment parce que nous avons également pris en considération les frustrations des États des Balkans occidentaux.
Je m’oppose à l’idée que la déclaration de Salzbourg était un compromis superficiel, ou même un retour en arrière, et je vous demanderais d’examiner la formulation en détail. Permettez-moi de vous rappeler que, au paragraphe 3, nous qualifions explicitement l’adhésion à l’UE d’objectif à long terme, d’«objectif ultime en vertu de la déclaration de Thessalonique». Nous nous sommes donc efforcés de rendre plus crédible la perspective d’adhésion, notamment aux yeux des citoyens des Balkans occidentaux. C’est la raison pour laquelle nous avons examiné les sujets abordés et que nous l’avons fait dans un esprit très constructif.
Concernant le Congo, le Conseil est en train de définir la durée, le champ d’application et le contenu du mandat en coopération avec M. Solana et en contact avec les autorités congolaises. La clarification de cette question est dans notre intérêt à tous.
Concernant l’Iran, les querelles diplomatiques vont bon train au sein des Nations unies et, comme l’a souligné un intervenant, il est impératif de renforcer l’autorité de l’Agence européenne de l’énergie atomique et de mettre en œuvre rapidement les nombreuses résolutions adoptées à ce sujet.
Permettez-moi de dire encore quelques mots sur la situation actuelle à Jéricho et dans la bande de Gaza. Les événements d’hier sont pris très au sérieux par la présidence. Nous avons souligné la nécessité de mesures appropriées visant à rétablir la paix et l’ordre public. Nous avons déclaré que l’utilisation de la force par Israël à Jéricho et l’activité d’extrémistes palestiniens en réponse à celle-ci sont susceptibles de déstabiliser encore davantage une situation déjà tendue au Moyen Orient.
Nous avons appelé Israël et l’Autorité palestinienne à faire preuve de sang froid. Les deux parties doivent à présent réfléchir aux conséquences de leurs actions. Nous avons dénoncé avec la plus grande fermeté les prises d’otages et - M. Winkler, comme vous l’a dit aujourd’hui - nous avons immédiatement demandé à l’Autorité palestinienne de prendre les mesures nécessaires, dans l’immédiat et à l’avenir, pour garantir la sécurité et la protection des citoyens et des bâtiments européens. Il convient de dire que l’aide - de nature humanitaire - que nous souhaitons apporter ne peut être efficace que dans des conditions de paix. Toutes les parties doivent œuvrer dans cette direction.
Olli Rehn, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, comme je l’ai dit avant l’interruption, la commissaire Ferrero-Waldner présentera les positions de la Commission concernant le Moyen-Orient, la Palestine et l’Iran dans le courant de l’après-midi.
Je vais commenter le point suivant de l’ordre du jour: les questions liées à l’élargissement et à la capacité d’absorption. Je voudrais également profiter de cette occasion pour féliciter Mme Plassnik pour son engagement personnel dans la politique sur les Balkans occidentaux. Il a été extrêmement important et la présidence autrichienne a pris de nouvelles mesures en vue d’intégrer cette région dans le courant européen. C’est indispensable à la sécurité et à la stabilité de l’ensemble de l’Europe et de l’Union.
Tous les participants au débat ont reconnu que la voie qui se profile à l’horizon pour les Balkans est une véritable gageure et que de nombreuses réformes doivent être mises en œuvre avant que les pays satisfassent aux critères requis.
Il est également clair qu’il y a un consensus dans cette Assemblée sur le rôle absolument fondamental que joue et doit jouer l’Union européenne dans les Balkans occidentaux par le biais d’une perspective d’adhésion crédible - une perspective à moyen ou à long terme, mais une perspective d’adhésion crédible tout de même. C’est là la force motrice des réformes et la base de notre travail en matière de sécurité et de stabilité.
Concernant plus particulièrement le processus relatif au statut du Kosovo, nous devons tous être extrêmement responsables à l’égard des Balkans occidentaux et de leur stabilité. Nous ne devons pas miner la perspective de l’Union européenne, qui est le fondement de la sécurité et de la stabilité dans la région. Ainsi, pour éviter d’éroder notre propre crédibilité, nous ne devons pas reprendre de la main gauche ce que nous avons donné de la droite. Les principaux objectifs à poursuivre sont la sécurité, la stabilité et le progrès dans les Balkans occidentaux.
Le Président. - Le débat est clos.
9. Document de stratégie pour l’élargissement (2005) (débat)
Le Président. - L’ordre du jour appelle le rapport (A6-0025/2006) de M. Brok, au nom de la commission des affaires étrangères, sur le document de stratégie pour l’élargissement 2005 de la Commission [2005/2206(INI)].
Elmar Brok (PPE-DE), rapporteur. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Madame la Présidente en exercice du Conseil, à ce jour, l’élargissement de l’Union européenne est la plus grande réussite de sa politique étrangère, parce qu’il a permis d’étendre l’espace de stabilité et de paix en Europe, ainsi que de promouvoir la paix, la liberté, les droits de l’homme et l’État de droit. C’est là un aspect important qu’il ne faut pas perdre de vue, ni aujourd’hui ni à l’avenir.
Il faut toutefois également savoir que la stabilité est un objectif réalisable si l’Union européenne se montre assez forte pour développer la capacité de mener ces tâches à bien; c’est pour cela, par exemple, que le traité constitutionnel était une tentative rétrospective visant à rendre l’arrivée de dix nouveaux États membres vraiment gérable en termes institutionnels et au niveau des objectifs, et que nous nous retrouvons dans de telles difficultés aujourd’hui que le processus de ratification est dans l’impasse.
Il faut aussi comprendre que la capacité de l’Union européenne d’accepter de nouveaux membres est l’un des principaux aspects des critères de Copenhague, même s’il y a une bonne explication au fait que ceux-ci n’aient été que purement rhétoriques par nature. Après l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, nous devrons nous arranger pour que l’interface fonctionne et nous devrons la redéfinir. C’est pour cette raison que nous demandons à la Commission de définir d’ici la fin de l’année ce qu’elle entend par «capacité d’absorption de l’Union européenne» dans ce contexte. Nous pourrons alors utiliser ce concept. Ce qui le rend si important, c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’un enjeu constitutionnel, mais que il concerne aussi les capacités financières de l’Union européenne, et bien plus encore.
Je crois que nous devons dire clairement dans quelle mesure l’Union européenne est encore capable d’intégrer de nouveaux membres et que cela peut affecter la décision positive ou négative finale. La perspective de l’adhésion à l’UE ne peut être offerte uniquement aux pays qui ont déjà entamé les négociations, qui possèdent le statut de candidat ou à qui cette perspective a été promise après Thessalonique - laquelle promesse ne peut être, je le rappelle pour dissiper les doutes et clarifier la situation, retirée -, elle doit aussi leur servir d’incitant à des réformes internes primordiales et être également proposée à des pays comme l’Ukraine, des pays européens actuellement sous le joug d’une dictature et qui ont bien besoin d’une telle perspective pour continuer à regarder vers l’ouest.
De ce fait, la politique de voisinage ne suffit pas. À certains égards, les États membres de l’Union européenne trouvent trop difficile de l’associer avec la perspective de la pleine adhésion, parce que cette dernière ne peut dans de nombreux cas être réalisée que dans quinze ans. Si nous voulons que ce projet soit crédible, nous devons nous doter d’un dispositif intermédiaire, un dispositif qui offre à ces pays la perspective d’une pleine adhésion sans nous imposer la pression irréaliste de la leur offrir directement.
Ce dispositif intermédiaire doit être ouverte à tous les pays non membres de l’Union européenne. Je voudrais rappeler qu’elle peut constituer la dernière étape si des pays comme la Norvège - qui a également signé la convention de Schengen - le décident sur la base de leur participation à l’Espace économique européen. Si je puis me permettre de parler en termes d’«Espace économique européen +», on peut en faire plus avec un tel projet multilatéral dans les domaines du marché intérieur, de la sécurité intérieure et extérieure, de la politique environnementale, etc.
Cela peut aussi n’être qu’une étape intermédiaire. Si des pays qui, aujourd’hui, ont une perspective d’adhésion après Thessalonique - comme les pays des Balkans occidentaux, dont le développement devrait prendre plus de temps - décident d’en faire une phase provisoire sur la voie de la pleine adhésion, ce que nous leur avons promis à Thessalonique ne serait pas annulé. C’est sur cette base que nous pourrons atteindre un niveau plus élevé de flexibilité en rendant cette perspective crédible, parce que les choses peuvent aller plus vite que les quinze années de négociations prévues, et nous devrons alors dire «oui» ou «non».
Je vois que l’élargissement est lié dans de nombreux pays à un référendum, et nous ne savons donc pas si la ratification deviendra un jour réalité. Cela prouve qu’il ne s’agit pas seulement d’une stratégie du «tout ou rien», mais aussi d’une tentative de déterminer la manière d’offrir à ces pays des perspectives crédibles tout en préservant et en faisant avancer le projet politique qu’est l’Union européenne.
(Applaudissements)
Ursula Plassnik, présidente en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais remercier votre Assemblée et le président de la commission des affaires étrangères pour ce rapport détaillé sur le document de stratégie 2005 de la Commission. L’élargissement est le sujet d’un débat permanent au sein du Conseil, notamment en raison des décisions concrètes que nous devons prendre. Comme on l’a dit, nous avons soigneusement et longuement discuté à Gymnich, et nous continuerons à le faire. Je pense qu’il est primordial que nous le fassions, parce que refuser d’en parler suscite le doute dans l’opinion publique et nous devons nous faire fort de renforcer la confiance de nos concitoyens dans le projet européen dans son ensemble et d’assurer une plus grande clarté. C’est là une de mes principales préoccupations en tant que présidente en exercice, et c’est pour cette raison que je me réjouis du débat en cours.
C’est justement parce que nous avons besoin du soutien du public pour le processus d’élargissement que nous devons améliorer le flux d’informations et notre travail de communication, tout en expliquant mieux les différentes phases. Nous devons simplement montrer clairement que nous serons perfectionnistes et circonspects et que, sans sombrer dans la précipitation, nous n’appuierons pas arbitrairement sur le frein non plus. C’est pour moi une considération essentielle.
Dieu nous préserve, en introduisant le concept de «capacité d’absorption», d’imposer un obstacle additionnel et, de surcroît, arbitraire; en réalité, il s’agit de prendre conscience et de faire prendre conscience aux autres de certaines vérités fondamentales tout à fait centrales et évidentes. Chaque étape de l’élargissement, chaque nouvelle adhésion implique deux participants, le premier étant l’Union européenne et le second le pays qui veut la rejoindre.
Nous voulons nous préparer le mieux possible aux prochaines adhésions. En ce sens également, Salzbourg a été important à mes yeux, parce qu’il était crucial que nous nous penchions sur les trois dernières années et envisagions les prochaines avancées concrètes. Le sommet nous a permis de faire une plus grande clarté sur la situation actuelle et sur l’état de préparation, chez nous et à l’extérieur. Nous pouvons également avoir confiance dans l’expérience que nous avons tirée du dernier élargissement et devons être déterminés à appliquer nos connaissances de la transformation sur la base d’un partenariat.
Comme on l’a dit auparavant, la titularité caractérise elle aussi les critères européens qui, bien que justes, doivent être scrupuleusement respectés, comme l’indique sans ambages le rapport de la Commission de novembre 2005.
Dans ce débat, nous devons toutefois être honnêtes quant aux attentes du public envers l’Union européenne, en particulier des citoyens qui vivent en son sein. Nous sommes redevables les uns aux autres de clarté, et nous sommes les seuls à pouvoir nous l’offrir mutuellement. Ne signons pas de chèques sans provisions!
En outre, j’en appelle à une approche plus nuancée de chaque pays, parce que nous devons être justes dans le traitement que nous réservons à chacun d’entre eux. La présidence prêtera donc une attention particulière, dans le débat qui nous occupe, aux contributions de votre Assemblée.
Permettez-moi d’illustrer par quelques mots les décisions sur lesquelles nous travaillons pour le moment. La première concerne la Roumanie et la Bulgarie, au sujet desquelles les rapports sont encourageants et dont l’adhésion est prévue pour le 1er janvier 2007, avec toutefois la possibilité d’être reportée d’un an. Les négociations d’adhésion avec la Turquie et la Croatie ont commencé; le coup d’envoi a été officiellement donné le 3 octobre dernier. Nous sommes maintenant dans l’évaluation de l’acquis, c’est-à-dire dans l’analyse de l’acquis communautaire. La présidence autrichienne a écrit à la Croatie et à la Turquie pour les inviter à faire part de leur position de négociation sur le premier chapitre, «Recherche et développement».
Nous partageons l’avis de votre Assemblée selon lequel le progrès constant sur la voie du respect de tous les critères politiques et économiques et de la concrétisation effective des droits fondamentaux, de l’État de droit et de la démocratie est indispensable. Pour ce qui est de la Turquie, la présidence a salué le classement de l’affaire Orhan Pamuk et dit clairement lors de la récente réunion de la troïka à Vienne, que nous espérions que les procès en attente en vertu de l’article 301 du code pénal turc fassent l’objet d’un traitement identique, ou alors que la loi soit modifiée.
Nous suivons de très près la mise en œuvre du protocole d’Ankara et veillerons à ce qu’il soit évalué cette année au sein des organes compétents et conformément à la déclaration du Conseil du 21 septembre 2005.
Nous considérons que le début du partenariat pour l’adhésion avec la Croatie est tout aussi important, et nous réjouissons de l’initiative prise par le Premier ministre croate d’assurer une coopération illimitée avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Nous nous associons à votre Assemblée pour demander que la Croatie contribue davantage encore à la coopération régionale et pour dire que des efforts supplémentaires sont requis.
J’ai dit ce qui devait être dit au sujet des Balkans occidentaux. La stratégie déployée par le Conseil pour obtenir la pleine coopération de la Serbie-et-Monténégro avec le TPI est claire, et nous avons envoyé à ce pays un signal sans équivoque lors de notre dernière rencontre. Nous soutenons dans son travail l’envoyé spécial des Nations unies au Kosovo, Martti Ahtisaari, et je pense que l’Union européenne, par le biais des efforts de son haut représentant Javier Solana, est capable de contribuer de manière positive et diplomatique à trouver un accord sur les conditions du référendum du 21 mai.
(Applaudissements)
Olli Rehn, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, puisqu’il est toujours là, permettez-moi de féliciter M. Brok pour son important rapport. Comme il le dit avec raison, l’élargissement est effectivement l’un des outils politiques les plus puissants de l’Union européenne en faveur de la paix, de la prospérité, de la liberté et de la démocratie. L’élargissement à l’est en 2004 a scellé la réunification pacifique entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale. Désormais, notre énergie se concentre sur une unification pacifique avec le sud-est de l’Europe. Notre procédure d’adhésion prudente et méticuleusement gérée est fondée sur trois principes clés.
Tout d’abord, nous avons consolidé notre calendrier d’élargissement. Cela implique que nous devons faire preuve de prudence avant de prendre de nouveaux engagements, mais, d’un autre côté, nous devons respecter nos engagements actuels envers les pays candidats ou potentiellement candidats qui ont déjà entamé la procédure. Notre calendrier d’élargissement consolidé se concentre sur le sud-est de l’Europe: la Bulgarie et la Roumanie, la Turquie, la Croatie et les autres pays des Balkans occidentaux.
Deuxièmement, nous appliquons strictement le principe de conditionnalité. Ce principe, s’il est combiné à une perspective d’adhésion crédible, fonctionne. Il a contribué à la transformation de l’Europe centrale et orientale en démocraties modernes. Plus récemment, il a inspiré des réformes audacieuses et de taille en Turquie et, de plus en plus, dans les Balkans occidentaux. J’en veux également pour preuve plusieurs événements récents importants, dont le fait que le général Ante Gotovina se trouve derrière les barreaux à La Haye et que le romancier Orhan Pamuk est libre d’exprimer son opinion.
La politique d’élargissement et la politique de voisinage se complètent. En outre, la Commission est prête à renforcer et à promouvoir la coopération avec nos partenaires limitrophes dès que les grandes priorités des plans d’action actuels auront été dûment définies.
Parallèlement, nous devons éviter les pièges d’un débat trop théorique sur les frontières définitives de l’Europe. Puisque nous disposons à présent d’un calendrier d’élargissement consolidé, il ne serait profitable à personne de tenir un débat théorique, qui irait par exemple jusqu’à remettre en question l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, profitable ni à nous ni aux Ukrainiens, maintenant que l’avenir et le développement démocratique de ce pays sont en jeu.
Bien sûr, le rythme de l’élargissement doit tenir compte des capacités d’absorption de l’UE. La Commission est de cet avis depuis toujours. L’élargissement implique un projet commun fondé sur des principes, des politiques et des institutions partagés. L’Union doit veiller à maintenir ses capacités à agir et à décider en fonction d’un juste équilibre entre ses institutions, en respectant les limites budgétaires et en appliquant des politiques communes qui fonctionnent bien et remplissent leurs objectifs.
En l’espace de plus de trois décennies, l’UE est parvenue à absorber un ensemble très varié de pays, comme on peut s’en rendre compte au vu de la composition de cette Assemblée, notamment le président de ce débat et le commissaire concerné. En développant ses politiques et ses institutions, l’Union a répondu positivement à de nouvelles circonstances, telles que la chute des dictatures, l’effondrement du communisme et l’accélération de la mondialisation économique. L’élargissement a joué avec succès le rôle d’amortisseur de l’Europe.
Troisièmement, il nous faut une meilleure communication. Le rapport revendique à juste titre une stratégie de communication. Effectivement, il est indispensable que toutes les actions entreprises par l’Union aient le soutien du grand public, notamment l’élargissement. Je compte sur le soutien politique et financier du Parlement pour la poursuite d’un débat bien informé sur l’élargissement.
Pour conclure, la consolidation était nécessaire pour éviter de trop dépasser nos engagements en matière d’élargissement. Toutefois, n’oublions pas non plus notre propre intérêt stratégique: il serait tout à fait irresponsable d’interrompre un processus très utile qui nous aide à instaurer des partenariats stables et efficaces dans les régions les plus instables d’Europe. Si nous venions à nous montrer hésitants sur les perspectives européennes des Balkans occidentaux, nous saperions gravement notre influence salutaire, notamment politique, et notre impact, alors même que la région entre dans une période difficile de pourparlers sur le statut du Kosovo.
La perspective de l’UE est la solution durable à la situation du Kosovo et au développement démocratique en Serbie et dans le reste de la région. Il s’agit du fondement qui maintient la région sur une voie pacifique et réformiste. Aussi, pour le bien de l’Europe, n’ébranlons pas ce fondement et veillons à ce que l’édifice des Balkans, encore fragile, ne s’effondre pas à nos pieds, juste devant chez nous!
(Applaudissements)
Giorgos Dimitrakopoulos, au nom du groupe PPE-DE. - (EL) Monsieur le Président, Madame la Présidente en exercice du Conseil, Monsieur le Commissaire, je voudrais commencer par féliciter le rapporteur et président de la commission des affaires étrangères, M. Brok, pour son très important rapport et vous féliciter, Madame la Présidente en exercice du Conseil, pour l’intérêt et la détermination dont vous faites preuve, tant comme ministre autrichienne des affaires étrangères que comme présidente en exercice du Conseil, sur la question des Balkans. Mes félicitations à vous aussi, Monsieur le Commissaire pour la communication globale et complète de la Commission que vous nous avez présentée.
Je voudrais faire rapidement les commentaires suivants:
Premièrement, la vision centrale du rapport Brok de l’importance des perspectives européennes de plusieurs pays, dont la plupart se trouvent dans les Balkans, est correcte. En même temps, quand on les lit ensemble, les paragraphes 5, 9 et 10 du rapport donnent la référence sur laquelle l’Union européenne se base pour les élargissements futurs.
Deuxièmement, je voudrais dire au sujet de la Turquie que je soutiens les perspectives européennes de ce pays, mais je pense - comme vous l’avez dit avec raison - que nous devons nous intéresser avant tout au protocole d’Ankara. Seul ce protocole - je répète: seul ce protocole - doit être ratifié, et pas la déclaration unilatérale, ni la question de la mise à jour du cadre juridique dans lequel la Turquie opère.
Troisièmement, pour ce qui est du Kosovo, je conviens qu’il faudra parler de son statut final lors des négociations, mais nous devons aussi nous préparer à la manière d’appliquer la décision prise à ce sujet.
Quatrièmement, s’agissant de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, elle possède certes maintenant le statut de pays candidat, mais c’est justement parce qu’elle possède ce statut qu’elle a aussi des droits et des devoirs, dont l’un consiste à afficher une attitude constructive dans le dialogue avec la Grèce, de sorte que le dernier problème, celui du nom, puisse être résolu.
Enfin, en ce qui concerne la Serbie, je suis d’accord avec la nécessité et l’obligation d’une coopération avec le tribunal de La Haye, mais ce n’est qu’un des critères que la Serbie doit remplir et j’exhorte à la plus grande prudence afin de ne pas «croatiser» le cas de la Serbie. À ce sujet, Madame la Ministre, vous avez vous aussi un avis personnel.
Jan Marinus Wiersma, au nom du groupe PSE. - (NL) Monsieur le Président, dans son document, la Commission ne mâche pas ses mots: s’il n’y aura certes pas de cycle d’élargissement impliquant un grand nombre de pays en même temps, la Commission déclare - avec raison, je crois - que l’Union européenne est et restera une organisation ouverte à de nouveaux membres, mais à certaines conditions. Si l’arrivée de dix pays en 2004 a été un succès, tous les citoyens ne sont pas de cet avis. Un gros effort doit donc être déployé pour narrer cette histoire.
Au nom de mon groupe, je puis dire que nous soutenons l’orientation du rapport Brok, et je voudrais remercier le rapport pour le cycle de préparation intéressant qui nous a occupés ces derniers mois. Les sociaux-démocrates sont évidemment favorables à l’attention supplémentaire accordée au critère de capacité d’absorption. L’impasse dans laquelle la ratification du traité constitutionnel se trouve joue un rôle essentiel à cet égard. Sans réformes internes, il sera difficile de digérer l’adhésion de nouveaux États membres.
Comme le disent de précédentes résolutions, nous pensons que le traité de Nice ne constitue pas une bonne base pour de nouvelles décisions en matière d’adhésion. Nous avons toutefois davantage besoin d’une plus grande clarté sur le concept de capacité d’absorption fixé par les critères de Copenhague, et le rapporteur accorde avec raison une certaine attention à cet aspect également.
Je voudrais profiter de l’occasion pour réitérer la position des sociaux-démocrates quant à l’adhésion éventuelle de plusieurs pays. En ce qui concerne nos voisins orientaux d’Ukraine et de Moldavie, nous pensons qu’il est encore prématuré de discuter de leur adhésion. Nous devons plutôt investir dans la coopération pratique. Nous avons conclu des plans d’action avec ces pays et nous devons essayer de les mener à terme.
Pour ce qui est des Balkans, nous soutenons la position du Conseil. En principe, les pays des Balkans occidentaux ont une perspective d’adhésion, mais à différents moments. Quant à la Turquie, et en ce qui nous concerne, nous continuerons sur la voie choisie. Nous sommes sur le point de lancer un processus qui prendra de nombreuses années, et il est extrêmement important de que nous nous en tenions à l’engagement, mais aussi aux conditions, imposés à cet égard.
Puisque je parle des Balkans, je voudrais ajouter que, s’il va sans dire que les critères de Copenhague restent cruciaux à nos yeux, le groupe des socialistes au Parlement européen considère toujours la coopération avec le TPI comme une condition essentielle. Je pense également - et on en a beaucoup parlé - que la coopération régionale peut apporter une contribution substantielle au rapprochement entre ces pays et l’Union européenne.
Enfin - et c’est peut-être le point le plus important de tout le débat -, le rapport mentionne la possibilité d’établir un nouveau cadre multilatéral pour les pays européens qui n’ont pas encore rejoint l’Union européenne. Pour certains pays, cela pourrait être une solution de remplacement à l’adhésion, tandis que pour d’autres, ce serait une étape intermédiaire sur la voie de l’adhésion. Pour l’Ukraine et la Moldavie, par exemple, une structure de ce genre pourrait être une étape dans le suivi, mais pour ceux déjà reconnus comme membres potentiels, je rappellerai que ce n’est qu’une option, et non une obligation.
C’est également ce que dit clairement le rapport Brok. Les pays peuvent opter pour cette solution s’ils pensent que cela peut leur être utile. Ce n’est pas une solution de rechange à la perspective d’une adhésion. C’est valable pour la Turquie comme pour les pays des Balkans. J’insiste sur le fait que c’est dans ce sens que nous interprétons le paragraphe 10 du projet de résolution. C’est dans ce sens et dans aucun autre que nous sommes arrivés à un accord avec le rapporteur au sein de la commission des affaires étrangères.
Cecilia Malmström, au nom du groupe ALDE. - (SV) Monsieur le Président, l’élargissement est le plus grand succès de l’UE en termes de coopération européenne. L’unification de l’Est et de l’Ouest en mai 2004 a marqué la fin de la division de l’Europe et prouvé la force qui se cache dans le rêve d’une Europe unie fondée sur la démocratie, le libre-échange et le respect de l’État de droit. L’adhésion à l’UE a été l’éperon qui a aiguillonné les forces progressistes et réformatrices dans les anciennes dictatures communistes. La perspective d’une adhésion à l’UE revêt également une importance énorme pour les négociations et les réformes en Turquie et dans les pays des Balkans. Dans ces régions, l’UE dispose d’incroyables réserves de ce que l’on appelle le «soft power» et qui contribue à une Europe plus stable et plus démocratique. Notre groupe estime qu’il est important, comme le dit le Traité, que nous gardions ouverte la porte de l’élargissement. Évidemment, les critères doivent être appliqués, et la capacité de l’UE d’intégrer de nouveaux membres est une considération essentielle. Nous devons toutefois procéder à des changements internes et nous engager dans le débat sur l’élargissement sans l’accuser de tous nos maux.
Je sais qu’un débat est en cours dans de nombreux pays et que le rythme de l’élargissement et la manière dont les choses évoluent préoccupent pas mal de monde. Cette discussion doit être menée dans le respect et en toute franchise, mais nous devons aussi oser défendre les avantages de l’élargissement et attirer l’attention sur ceux-ci. Dans ce contexte, le débat sur le protectionnisme économique est extrêmement inquiétant. Nous avons une responsabilité envers nos voisins. Nous devons tenir les promesses que nous avons faites aux pays des Balkans et à la Turquie. Ce sont eux qui déterminent le rythme, et nous faisons ce que nous pouvons pour accélérer les choses. Nous devons également laisser la porte ouverte à d’autres pays, comme l’Ukraine, voire - un jour - la Biélorussie, même si la situation y est actuellement fort trouble. Dans ce pays, c’est l’espoir d’une adhésion à l’UE qui maintient en vie l’opposition et les forces démocratiques.
C’est pourquoi nous sommes opposés à la définition des frontières géographiques de l’Europe. Cette Assemblée a donné l’impulsion à l’élargissement et, il y a un an, nous nous sommes levés dans l’hémicycle de Bruxelles, une écharpe orange autour du cou, pour applaudir le président Iouchtchenko. Nous avons adopté une résolution dans laquelle nous parlions des perspectives d’adhésion de l’Ukraine. Cet objectif est peut-être encore éloigné mais, comme l’a dit M. Brok, le peuple ukrainien est en équilibre entre la démocratie et la dictature. Si nous établissons des frontières pour l’Europe, les Ukrainiens croiront que nous leur claquons la porte au nez. Ce serait une erreur historique.
Au lieu d’introduire de nouveaux concepts comme les accords multilatéraux, profitons de l’occasion - comme l’a dit le commissaire Rehn - pour personnaliser notre stratégie de voisinage avec les États membres potentiels et lui conférer une forme pratique. Instituer dès maintenant de nouveaux concepts dont nous n’avons pas suffisamment débattu et dont nous ne connaissons pas les implications ne me semble pas très productif.
(Applaudissements sur différents bancs)
Joost Lagendijk, au nom du groupe des Verts/ALE. - (NL) Monsieur le Président, au sein de la commission des affaires étrangères, mon groupe a voté pour deux raisons en faveur du rapport Brok. Nous estimons que le concept de capacité d’absorption doit être mieux défini. C’est un concept passe-partout à la mode dans lequel tout le monde peut ranger ce qu’il veut, et cela signifie qu’il faudra répondre à la question des frontières géographiques, car nous ne pouvons plus l’éluder.
Nous estimons nous aussi qu’il est nécessaire que l’UE réfléchisse à une étape intermédiaire entre la pleine adhésion et le voisinage, pour le bien des pays qui n’ont pas encore de perspective d’adhésion. Je ne parle donc pas de la Turquie ou des Balkans occidentaux, mais plutôt de l’Ukraine, de la Moldavie ou de la Biélorussie. Je dois dire que mon groupe et moi avons été profondément déçus - et même extrêmement vexés - de voir qu’avant ce débat, les médias ont mélangé les mots contenus dans le rapport, ce qui a débouché sur une opposition à plusieurs points essentiels.
Quand on lit ce que les médias ont écrit avant ce débat, la conclusion finale est qu’il faut créer une étape intermédiaire pour la Turquie et les pays des Balkans occidentaux. Ce n’est pas une coïncidence - disons-le honnêtement - si c’est là précisément l’opinion défendue par le rapporteur et qu’il n’a jamais eu l’intention de transiger à ce sujet. M. Brok a toujours été opposé à l’ouverture des négociations avec la Turquie et s’est montré de plus en plus sceptique quant aux perspectives d’adhésion des pays des Balkans occidentaux après le rejet de la Constitution. Le rapporteur a tout à fait le droit d’avoir un avis, mais cet avis n’est pas celui de la majorité de la commission des affaires étrangères. Ce n’est pas non plus ce que dit son propre rapport.
Le rapporteur devrait rappeler à l’extérieur de cette Assemblée ce qui figure dans son rapport et ne pas confondre le contenu de ce dernier avec son opinion personnelle. Ce que le Parlement déclare dans ce rapport, c’est que nous ne voulons pas toucher aux perspectives d’adhésion de la Turquie et des pays des Balkans occidentaux, et que des étapes intermédiaires ne seraient une option pour ces pays que s’ils devaient en décider ainsi. Tout le monde sait aussi bien que moi que les pays des Balkans occidentaux et la Turquie ne veulent pas emprunter cette voie; ils veulent la pleine adhésion. Cessons de créer l’ambiguïté en cette Assemblée et, surtout, en dehors.
Erik Meijer, au nom du groupe GUE/NGL. - (NL) Monsieur le Président, jusqu’il y a peu, un élargissement rapide et étendu de l’Union européenne était considéré comme une avancée magnifique et un développement qui méritait le soutien de tous. On y voyait une réunification de l’Europe et une victoire de l’Occident dans la Guerre froide. Après le grand élargissement de 2004, le climat a bien changé. L’opinion publique dans les anciens États membres ne vit pas cet élargissement comme un succès, en particulier à cause de l’exploitation croissante des disparités entre les pays à hauts salaires et les pays à bas salaires.
Les politiciens s’en distancient eux aussi. Ce changement est palpable dans le rapport sur la stratégie pour l’élargissement qui fait l’objet du débat d’aujourd’hui. L’attention est attirée sur la capacité d’absorption de l’UE, sur les frontières extérieures, sur les coûts induits par l’élargissement et sur les problèmes administratifs imputés à l’absence de constitution européenne. Par conséquent, la Roumanie et la Bulgarie devraient être les derniers pays à rejoindre l’Union à court terme. D’autres pays européens sont mentionnés dans la politique de voisinage. Même pour les trois pays qui ont déjà reçu le statut de candidats, aucune date n’a été fixée pour leur adhésion.
Partout dans les Balkans occidentaux, dans les pays reconnus comme dans les États fédéraux ou les protectorats recherchant l’indépendance, où des groupes de population parlent des langues et pratiquent des religions différentes et étaient à couteaux tirés dans les années 1990, l’opinion publique attend maintenant monts et merveilles d’un processus d’adhésion rapide à l’Union européenne. L’UE se sert de ces attentes pour exiger des réformes et, en ce sens, se rend coupable d’ingérence dans les choix administratifs qui sont faits dans ces pays.
L’UE ne veut pas d’un élargissement pour le moment, mais elle veut exercer une influence en dehors de ses frontières. C’est pourquoi la Bosnie-et-Herzégovine s’est dotée d’un système fiscal que personne n’a demandé et l’autonomie régionale garantie par les accords de Dayton est mise à mal. D’après les affiches de propagande, c’est grâce à la présence militaire de l’UE que ce pays est sur la voie de l’adhésion. Au Monténégro et au Kosovo, où l’euro a été introduit comme monnaie légale il y a quatre ans, comme dans douze États membres, les citoyens prennent pour acquis qu’ils seront bientôt admis au sein de l’UE en tant qu’États indépendants, tandis que la population magyarophone de Voïvodine souhaite une protection contre la domination slave.
Jusqu’ici, les actions de l’UE ont déçu tous ces peuples. N’avons-nous donc rien d’autre à offrir aux pays des Balkans occidentaux que l’invitation à former un marché commun sur le territoire de l’ex-Yougoslavie et à adapter leur gouvernement et leur économie à nos souhaits, sans leur permettre de nous rejoindre avant 2020? Mon groupe ne peut guère montrer d’enthousiasme pour cette proposition.
Toutefois, nous reconnaissons également que, grâce à ce texte, il est possible de souligner que le prochain référendum au Monténégro doit être pris au sérieux et que le différend sur l’utilisation du nom «Macédoine» doit être résolu rapidement par la concertation entre la Grèce et son voisin septentrional. Ce qui est également positif, c’est que, pour le Kosovo, il faut trouver à court terme une solution conciliant les besoins de la vaste majorité albanaise et des minorités serbe et rom.
Bastiaan Belder, au nom du groupe IND/DEM. - (NL) Monsieur le Président, il est difficile de concilier l’hypernationalisme, connu aussi sous l’appellation «chauvinisme», et l’adhésion à l’UE. C’est évidemment vrai aussi pour les pays candidats. Malheureusement, l’un des pays candidats est confit de chauvinisme: la Turquie, qui fait déjà l’objet de suffisamment de controverses.
Dans ce contexte, je poserai deux questions au commissaire Rehn. Y a-t-il une part de vérité dans l’information, que j’ai reçue d’un expert hier soir, selon laquelle la situation des Églises chrétiennes en Turquie s’est visiblement détériorée ces derniers temps?
À la lueur de cette information, l’assassinat du prêtre italien Andrea Santoro le 5 février dans le port de Trébizonde n’est pas un cas isolé. Une tentative de meurtre identique a eu lieu très récemment à Mersin, et les églises sont menacées directement par téléphone et même dans les colonnes des journaux. Au fait, d’après le vicaire anglican Ian Sherwood, en poste à Istanbul, l’élite turque considère la diffusion de littérature chrétienne en turc comme intellectuellement inacceptable, sinon potentiellement criminelle. Monsieur le Commissaire, comment faire cohabiter une telle position et la liberté de religion en Turquie? Pour autant que je sache, aucun progrès n’a été accompli sur ce point important des critères politiques de Copenhague.
J’ai appris hier soir que la ville de Trébizonde se trouve dans la «Vallée des Loups». «La Vallée des Loups» est également le titre d’un film turc qui fait ouvertement l’apologie du chauvinisme et est connu pour ses positions antichrétiennes, antisémites, antiaméricaines et antikurdes radicales. Ce film est déjà un énorme succès de salle en Turquie et a été acclamé par l’entourage immédiat du Premier ministre Erdogan et par le président du parlement turc.
Je voudrais demander au commissaire s’il a mis le Premier ministre Erdogan et le ministre Gul en demeure de contrer ce chauvinisme, parfaitement incompatible avec les valeurs européennes.
Konrad Szymański, au nom du groupe UEN. - (PL) Monsieur le Président, il est essentiel que le rapport de M. Elmar Brok nous ait donné aujourd’hui l’occasion de parler de l’élargissement.
Nous devons consolider la politique de voisinage et nous avons pour ce faire besoin d’une relation plus sérieuse entre l’Union et ses pays limitrophes. Jusqu’ici, la politique de voisinage ne s’est pas avérée suffisante, comme le prouve le fait que, lors de son application, les pays concernés ont traversé des périodes de crise et de déstabilisation à grande échelle.
Les nouvelles formes de coopération proposées dans le rapport ne peuvent toutefois pas fermer la porte de l’adhésion. Nous devons savoir que soit nous offrons aujourd’hui à nos voisins orientaux la perspective d’une adhésion, soit nos appels à la démocratie, à l’économie de marché et au respect des droits de l’homme resteront lettre morte. S’ils ne reçoivent pas au moins la perspective d’une adhésion dans un futur éloigné, ces pays retomberont dans la sphère d’influence russe, avec tout ce que cela implique pour la démocratie et les droits de l’homme.
Cependant, nous voyons aussi dans le rapport se développer et se renforcer des avis sur l’élargissement en termes de capacité d’absorption. Ce concept n’a jamais été clairement défini et il ne constitue aujourd’hui rien d’autre qu’une excuse qui sonne bien, une explication bon marché pour faire marche arrière dans le processus d’élargissement. Si la capacité d’absorption doit se baser sur l’acceptation du traité constitutionnel, on peut avoir l’impression que les auteurs de ce texte veulent fermer définitivement la porte à tout le monde. Dans la version que nous connaissons aujourd’hui, le Traité ne pourra jamais refaire surface.
Demander que la Commission européenne détermine les frontières de l’Union est une erreur. Cela ne fera que susciter des discussions politiques embarrassantes au sujet de la géographie et diminuera immanquablement l’influence exercée par l’Union sur les processus de démocratisation, de stabilisation et de consolidation de la politique pro-occidentale dans les pays voisins. Cette Assemblée a souvent été aux avant-postes du processus d’intégration. Elle a fixé des objectifs ambitieux. Aujourd’hui, ce même Parlement se profile comme la plus conservatrice et passive des institutions. Une seule question se pose: pourquoi?
Philip Claeys (NI). - (NL) Monsieur le Président, je voudrais attirer votre attention sur quelques imperfections et contradictions contenues dans le rapport au sujet de la Turquie. Le rapport énumère un tel catalogue de problèmes fondamentaux qu’il omet de dire pourquoi les citoyens ne parviennent pas à tirer la seule conclusion logique, à savoir que c’était une grave erreur d’entamer les négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.
Comme M. Belder l’a exposé en détail il y a quelques instants, on enregistre en Turquie des violations des droits des minorités nationales et religieuses. La torture y est toujours répandue et, en vertu notamment de l’article 301 du code pénal, la liberté d’expression et la liberté de la presse ne peuvent être garanties. De même, la Turquie néglige de manière patente ses obligations en relation avec l’union douanière. Les bateaux et avions chypriotes ne sont toujours pas admis en territoire turc.
Ces dernières semaines, nous avons également relevé une escalade de la tension entre les autorités turques et certains groupes kurdes. Le vice-commandant en chef de l’armée turque en personne est accusé d’avoir orchestré un attentat à la bombe dans le but de faire porter le chapeau aux Kurdes. Une partie des militaires voient dans cette inculpation un complot fomenté par le gouvernement, qui voudrait déboulonner le général en question à cause de son attitude envers le fondamentalisme islamique.
Dans certains milieux, on évoque même la possibilité d’un nouveau coup d’État militaire si la situation devait s’aggraver.
Il faut reconnaître qu’il n’y a pas beaucoup de raisons de se réjouir, et ce dans un pays qui aspire à rejoindre l’Union européenne dans quelques années. Nous devrions en réalité dire que c’est totalement absurde. Le rapport nous rappelle avec raison que les critères de Copenhague incluent notre propre capacité d’absorption. Rien que pour cela, nous devons revenir sur notre décision d’entamer les négociations avec la Turquie.
Doris Pack (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Madame la Présidente en exercice du Conseil, en tant que présidente de la délégation pour l’Europe du Sud-Est, permettez-moi de dire que je m’associe sans réserve à ce que le rapport Brok déclare sur chaque pays et à ce qu’il exige d’eux. Chacun d’entre eux rencontre des problèmes particuliers et doit être jugé à l’aune de ses résultats. Il serait grandement souhaitable d’envisager rapidement l’adhésion de la Croatie. Ce faisant, nous enverrions un important message de stabilisation à toute la région, parce que les réalisations de la Croatie aux niveaux politique et économique ne sont en rien inférieures à celles des deux prochains adhérents.
Maintenant que nous en venons au sujet du débat, je voudrais aborder une idée, certes évoquée dans le rapport Brok mais bien plus diffuse dans les médias. Je veux parler des allusions à un changement dans la stratégie d’élargissement. On pose la question de savoir où se trouvent les frontières de l’UE, mais personne n’y répond. Le commissaire Rehn a dit lui-même qu’il fallait y répondre, et c’est justement ce qui a inquiété le public. Mon avis personnel est qu’avec les adhésions de la Bulgarie, de la Roumanie et des pays des Balkans occidentaux, l’UE aura atteint ses limites. Pour tous les autres pays, nous avons créé le nouvel instrument de la politique de voisinage et devons composer avec lui. Les négociations hâtives avec la Turquie ont fait ce qu’il restait à faire pour inquiéter et désorienter nos concitoyens.
Depuis dix ans, nous disons qu’il ne peut être question d’élargissement sans une réforme institutionnelle de l’UE, mais le Conseil n’en a pas tenu compte avant le dernier élargissement en date, et c’est là qu’il faut trouver la cause des résultats affligeants des référendums français et néerlandais. Il serait toutefois désolant de tirer la conclusion qu’aucune autre adhésion ne doit être désormais acceptée. Nous n’avons pas de temps en vue d’instaurer les instruments nécessaires que le traité constitutionnel prévoit, et que nous devons utiliser pour restaurer notre capacité à accueillir de nouveaux membres. Si nous ne voulons pas compromettre notre solide engagement envers les Balkans, nous devons rester cohérents et résolus dans le rapprochement de ces pays et de l’UE.
Je me réjouis de ce que le commissaire Rehn et Mme Plassnik ont dit à ce sujet. Tous les pays ont reçu la promesse d’une adhésion à l’EU à condition de remplir les critères. C’était et cela reste un moteur important pour le changement après le terrible conflit en ex-Yougoslavie et la dictature féroce d’Enver Hoxha en Albanie. Il saute aux yeux de toute personne sensée qui jette un coup d’œil sur une carte que cette région se trouve en plein milieu de l’UE. Si elle connaît la stabilité, nous la connaîtrons aussi. Dans les années 1990, nous avons tous connu et subi le contraire, mais je crains - et je peux dire à la présidente en exercice du Conseil que les déclarations floues et imprécises de Salzbourg me donnent raison - que certains Européens sont déterminés à laisser l’Europe du Sud-Est à son triste sort une deuxième fois, ce que nous ne pouvons admettre!
Helmut Kuhne (PSE). - (DE) Monsieur le Président, je me réjouis du changement de point de vue enregistré dans le rapport Brok. Nous ne pouvons plus discuter de notre préférence pour un pays plutôt qu’un autre; au contraire, nous devons enfin affronter la question de savoir quel type de système politique l’Union européenne peut se permettre d’adopter si elle veut être capable de prendre des décisions et de s’y tenir. Telle est la question fondamentale dont toutes les autres dépendent.
C’est pour cette raison que la prochaine étape doit consister à clarifier les termes qui n’ont pas encore été définis. Les critères de Copenhague font référence au concept de «capacité d’absorption» mais ne la définissent pas. Pour moi, cela doit englober au moins les dispositifs politiques et institutionnels fixés dans le traité constitutionnel.
Si j’ai bien compris ce que le commissaire a dit - qu’il me corrige si je me trompe -, il n’a rien dit à ce sujet. La décision quant à ce qui constitue un critère de capacité d’absorption renferme une source potentielle de désaccord entre nous et la Commission. Parmi les critères essentiels, il y a le fait que l’Union européenne doit être financée de manière à être viable et à être acceptée par les citoyens qui y vivent. Si nous voulons parler de crédibilité, il résulte de cette crédibilité - et les critères qui peuvent être correctement appliqués à la capacité d’absorption - qu’aucun autre pays ne pourra rejoindre l’Union dans un avenir proche après l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. La crédibilité, c’est plus que la simple promesse d’accepter quelqu’un à un moment non spécifié; c’est aussi déterminer les conditions auxquelles cette personne peut être acceptée. Autrement dit, nous devons être plus précis sur des concepts tels que la «perspective d’élargissement» ou la «perspective d’adhésion».
Nous devons savoir que c’est faire erreur que de penser que l’adhésion d’un pays résoudra les tensions et les problèmes de sécurité interne que l’on y rencontre. Ces tensions et problèmes doivent être réglés avant le début des négociations d’adhésion.
PRÉSIDENCE DE M. ONESTA Vice-président
Annemie Neyts-Uyttebroeck (ALDE). - (NL) Monsieur le Président, Madame la Présidente en exercice du Conseil, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, le rapport Brok pose des questions pertinentes et y apporte des réponses, même si je ne suis pas toujours d’accord avec elles. Il reflète aussi le doute ressenti par nombre de nos concitoyens quant aux futurs élargissements. C’est pourquoi la capacité d’absorption revêt une telle importance et prendrait, si le rapport devait être adopté sans amendements, une dimension géographique.
Je partage l’avis de la plupart des membres de mon groupe, selon lequel la capacité d’absorption ne doit pas faire l’objet d’une démarcation géographique préalable, parce que la délimitation de l’Union sera essentiellement de nature politique. Ce ne sera pas facile, que du contraire. Ce qui compte le plus, c’est que l’UE tienne sa promesse d’élargissement, notamment, surtout, envers les pays des Balkans occidentaux. Si les pays en question sont encore à des années d’une éventuelle adhésion, le moment est venu de conclure des accords fermes à ce sujet et de proposer un calendrier. Évidemment, tous les critères, en particulier les critères politiques, devront être remplis.
À mon sens, c’est exactement ce que la présidente en exercice du Conseil a dit dans sa réponse. Le flou quant à une adhésion éventuelle et le renforcement des critères ne feraient que ralentir le processus, parce que ce flou servirait d’excuse, ce qui ne profiterait à personne.
Cem Özdemir (Verts/ALE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, ce rapport demande que les frontières géographiques et la nature de l’Union européenne soient définies. Non seulement les démocrates-chrétiens, mais aussi quelques sociaux-démocrates, proposent des solutions de remplacement à l’adhésion à l’Union européenne. Je voudrais rappeler à l’Assemblée qu’il y a quelques années, les politologues et les analystes étaient loin d’imaginer que le Rideau de fer tomberait un jour. Il est tombé, et nous ne pouvons que nous en réjouir. J’invite l’Assemblée à faire preuve de prudence quand elle prédit ce que sera l’Union européenne dans vingt, trente ou cinquante ans, quand la plupart d’entre nous auront cessé depuis longtemps toute participation active à la vie politique. Je crois que la plupart d’entre nous s’étaient trompés sur ce qui allait se passer en 1989.
Je voulais encore dire que tout le monde a parlé - et avec raison - de la nécessité d’appliquer le protocole d’Ankara, mais il faut ajouter que la Turquie et la partie septentrionale de Chypre sont également favorables à une solution, et nous en avons des signes. La vieille maxime «pacta sunt servanda» s’applique à merveille ici. Autrement dit, l’isolement de la partie nord de l’île doit, comme l’a promis l’Union européenne, appartenir au passé.
Je voudrais dire à M. Brok que j’aimerais qu’Helmut Kohl ne soit pas consigné aux manuels d’histoire et qu’il puisse de temps en temps rejouer un rôle dans l’aménagement de la politique européenne de la CDU.
Dimitrios Papadimoulis (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, mon groupe politique ne votera pas en faveur du rapport Brok, et ce essentiellement pour les raisons suivantes:
Le rapport, en particulier le point 10 avec son obscurité délibérée, développe une stratégie duale. Il laisse la porte de derrière grande ouverte à la transformation des perspectives d’adhésion en une relation spéciale qui enflamme les démocrates-chrétiens allemands. Le point traitant du Kosovo, avec sa formulation brumeuse, reflète le double langage entendu au sein de l’Union et la tendance au désengagement progressif des exigences claires de la résolution 1244 des Nations unies.
Mon groupe politique souligne la demande adressée à la Turquie de mettre en œuvre les conditions préalables selon un calendrier bien précis, à commencer par l’application correcte et totale du protocole d’Ankara.
Enfin, mon groupe soutient, entre autres choses, l’amendement 19 sur une solution mutuellement acceptable au problème de la dénomination de l’ancienne République yougoslave de Macédoine et la version révisée de l’amendement 4 sur Chypre.
Georgios Karatzaferis (IND/DEM). - (EL) Monsieur le Président, la première question dont nous devons discuter est: où l’Europe finit-elle? Nous ne le savons plus: nous avons atteint Diyarbakir et, si, demain, les Américains nous disent que l’Irak doit rejoindre l’Europe pour des raisons d’équilibre, arriverons-nous à l’océan Indien? Telle est la question. Qui décide qui va rejoindre l’Europe? Jusqu’il y a peu, nous disions non à la Croatie. La procureure du TPI, Mme Carla del Ponte, disait non; l’Autriche a fait pression et la Croatie fait partie du club des candidats. Est-ce la volonté politique de l’Europe? Bien sûr, ce n’est pas très agréable de devoir rappeler à nos amis turcs qu’ils ne peuvent pas insulter le président du Parlement européen. Ce n’est pas très agréable de voir que nous dépensons 139 millions d’euros dans les territoires occupés par la Turquie et que des membres du Parlement européen sont ensuite la cible de jets d’œufs et de pierres. La Turquie doit changer d’attitude, et non pas seulement modifier un article de sa constitution. Elle ne peut faire l’objet d’un traitement spécial. Elle ne peut pas menacer un pays européen, brandir un casus belli, alors que nous parlons de son adhésion. La Turquie est-elle incapable de reconnaître un gouvernement reconnu par les 24 autres? Ce n’est pas logique.
Cela m’amène à l’ancienne République yougoslave de Macédoine qui, évidemment, revendique un nom. Puis-je vous rappeler que, quand vous avez demandé à rejoindre l’ONU sous l’appellation de «République germanique d’Autriche», l’Allemagne - à l’époque l’Allemagne vaincue - a refusé et vous avez donc adhéré en tant qu’Autriche? Puis-je vous rappeler que les Bretons ont refusé l’adhésion de la Grande-Bretagne parce que la Bretagne, c’était eux, et qu’il a donc été question de Royaume-Uni? Alors, pourquoi ne nous soutiendriez-vous pas, nous qui avons une histoire vieille de 3 000 ans avec la Macédoine?
Pourquoi n’appelez-vous pas un chat un chat? Pourquoi n’avons-nous pas en fin de compte une politique indépendante et devons-nous jouer le jeu des Américains, qui consiste à fâcher la Russie et à prendre ses satellites et à ouvrir un front avec l’Iran, etc.? Quand l’Europe décidera-t-elle enfin - et telle est la question - qu’elle n’est pas le bébé des Américains? Nous n’avons pas besoin de surveillants pour développer nos propres initiatives.
Inese Vaidere (UEN). - (LV) Mesdames et Messieurs, jusqu’ici l’élargissement de l’Union européenne a sans doute été une formule à succès parce qu’il a accéléré les réformes dans de nombreux pays en étendant l’espace de paix et de stabilité et l’État de droit en Europe.
L’élargissement de l’Union européenne est nécessaire, mais nous devrons trouver de nouveaux mécanismes et méthodes qui sortiront l’Union européenne de l’impasse de sa capacité actuelle d’absorber de nouveaux membres. Quand elle déterminera des critères précis, la Commission européenne devra certainement étoffer ce concept de capacité d’absorption. Outre la possibilité d’une pleine adhésion, nous devons aussi offrir plusieurs formes de coopération multilatérale avec les pays qui, du moins à court terme, ne pourront pas rejoindre l’Union européenne. Je voudrais ici exprimer mon assentiment complet avec ce qu’a dit M. Brok. Ce pourrait être une façon d’attirer la Turquie, l’Ukraine et les Balkans, par exemple - et plus tard d’autres pays - sur la voie de la réforme et des valeurs européennes.
Ryszard Czarnecki (NI). - (PL) Monsieur le Président, c’est un mythe que, sans élargissement, l’Union sera forte et compétitive. Cependant, c’est également un mythe que l’Union peut s’étendre indéfiniment, par exemple par l’adhésion de la Russie à l’UE.
Concentrons-nous simplement sur les priorités quand nous parlons d’élargissement. Les pays d’Europe du Sud-Est doivent s’aligner sur la Roumanie et la Bulgarie, lesquelles doivent rejoindre l’Union européenne en 2007 et non en 2008. Après la Croatie et la Macédoine, nous devrons ouvrir nos portes à la Serbie, à la Bosnie-et-Herzégovine, au Monténégro, au Kosovo et à l’Albanie. C’est la voie logique à suivre. C’est une question de pensée stratégique et de renforcement de la sécurité sur le Vieux continent. L’un dans l’autre, ce sera intéressant d’un point de vue économique, parce que nous dépenserons moins à élargir l’Union aux prochains pays des Balkans qu’à alimenter les caisses sans fond de la préadhésion. Résoudre les conflits permanents dans cette région d’Europe coûte plus cher qu’intégrer ces pays dans l’Europe et leur faire suivre les règles politiques et économiques de l’UE.
N’ayons pas peur d’étendre l’Union après l’adhésion des prochains membres. Je sais que cette crainte est devenue «tendance». Elle est particulièrement utile lors des campagnes électorales qui se déroulent sans cesse dans différents États membres. Si notre Union veut devenir plus efficace sur le plan économique et ne pas être à la traîne de l’Amérique et de l’Asie, elle doit progressivement effacer la division de l’Europe en deux catégories: l’Europe A, en d’autres termes l’Union européenne, et l’Europe B, à savoir les pays qui ne font pas partie de l’Union. L’histoire nous montre qu’une Union qui s’étend est une Union plus sûre. L’invitation aux négociations d’adhésion, même sans la perspective de rejoindre l’Union dans un avenir proche, est en quelque sorte comme le drapeau brandi au départ d’une course cycliste. Les coureurs doivent avoir un but à atteindre; ils doivent savoir où se trouve la ligne d’arrivée. Ensuite, ils peuvent s’échapper, négocier de nombreux tournants et même surmonter les problèmes mécaniques. Ce qui compte toutefois, c’est que les roues de l’adhésion tournent.
La proposition de résolution du Parlement souligne à juste titre que c’est précisément cette impulsion qui a encouragé les réformes en Turquie, en Croatie et dans les pays des Balkans occidentaux. Oui, l’élargissement coûte cher, en particulier à court terme, mais c’est un investissement rentable à long terme.
Jacek Emil Saryusz-Wolski (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je salue ce rapport généralement positif de M. Brok. Je salue son audace lorsqu’il reconnaît que les Balkans occidentaux doivent faire partie intégrante de l’Union européenne à l’avenir. Je suis convaincu que nous devons respecter nos engagements: nous ne pouvons fermer les portes aux pays auxquels on a offert une perspective d’adhésion ou à ceux qui la méritent en vertu des dispositions du traité sur l’UE.
Toutefois, ne répétons pas les mêmes erreurs. Nous devons être préparés à l’élargissement. Avant tout, nous devons apporter le financement nécessaire. Nous devons également préparer nos concitoyens à la perspective de l’élargissement en leur expliquant ses importants avantages. Nous devons arrêter de faire des élargissements passés et futurs les boucs émissaires de nos problèmes et de notre inaction au niveau interne, national pour l’essentiel.
Lors des préparatifs à l’élargissement, nous devons faire preuve de rigueur, nous conformer à la conditionnalité et être sincères envers nos partenaires. Toutefois, ne soyons pas trop dogmatiques. Il est tout à fait possible d’ouvrir les portes à la Croatie sans le traité constitutionnel. Il suffit d’apporter les ajustements nécessaires au traité d’adhésion. La Croatie ne doit être ni la victime ni l’otage de nos problèmes avec le traité constitutionnel.
Je salue le caractère novateur et le courage du rapport. Nous pourrions débattre de l’idée d’étapes intermédiaires vers l’adhésion tant qu’elles ne sont pas permanentes - des étapes intermédiaires, oui, mais pas en remplacement de l’adhésion. Nous ne pouvons évoquer diverses considérations pour justifier l’inaction ou le fait que nous fermions les portes aux pays qui mériteront un jour d’adhérer à l’Union, tels que l’Ukraine. Les frontières de l’Union sont déjà fixées par le traité sur l’UE, qui dispose que «tout État européen qui respecte les principes [...]», etc.
Enfin, permettez-moi de le répéter: l’élargissement est l’une des politiques les plus réussies de l’Union. Nous devons donc tirer profit de son potentiel pour édifier une Union forte, sûre et influente, fidèle à ses valeurs de solidarité, de démocratie et d’ouverture.
Józef Pinior (PSE). - (PL) Monsieur le Président, je voudrais souligner la responsabilité particulière de l’Union européenne dans la création, sur le continent européen, d’une communauté de pays, de nations et de citoyens fondée sur la paix, la démocratie libérale, les droits de l’homme, l’économie de marché et l’État de droit.
Cependant, aujourd’hui nous devons répondre à la question de savoir si l’Union européenne est capable d’encore s’élargir et de s’ouvrir vraiment tout en réglant le problème de la définition de son caractère, y compris de ses frontières géographiques.
La capacité d’absorption est actuellement compliquée par l’impasse où se trouve le processus de ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe et par les obstacles rencontrés sur la voie d’une intégration politique et stratégique renforcée des 25 États membres. En même temps, au cours des prochaines années, les institutions de l’Union européenne devront mettre en œuvre des stratégies d’élargissement fondées sur des termes strictement définis tenant compte des obligations de l’Union envers la Turquie, la Croatie et tous les pays des Balkans occidentaux. L’Union européenne doit également élaborer une perspective européenne à long terme pour les pays d’Europe orientale, en particulier pour l’Ukraine.
Alexander Lambsdorff (ALDE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, quand nous parlons d’élargissement, nous discutons par essence de notre compréhension de l’Union européenne. La percevons-nous comme un moyen permettant d’arriver à une fin ou comme une entité politique en soi? Voulons-nous qu’une OSCE caractérisée par le libre-échange stabilise un voisinage problématique, ou préférons-nous une union politique pouvant agir sur la base de ses propres lois? Le rapport Brok est une bonne chose en ce sens qu’il change vraiment la perspective en faveur de la seconde option.
On dit de nous, les politiciens en général, que nous sommes incapables d’apprécier quoi que ce soit, mais M. Kuhne, du SPD, vient de parler sur la base d’un excellent document que les sociaux-démocrates allemands ont adopté. Ce qu’il y a de merveilleux dans ce document, c’est qu’il définit la position du SPD vis-à-vis de l’élargissement.
En effet, en ce qui concerne la Bulgarie et la Roumanie, les décisions ont été prises, mais nous devons envisager la possibilité de les traiter séparément si leurs performances le justifient. Ce n’est pas le moyen qui compte, mais la fin. Il est fort possible que les négociations avec la Turquie débouchent sur un résultat autre que la pleine adhésion, et les sociaux-démocrates allemands ont une belle phrase à ce sujet: «Nous n’irons pas plus loin sur la voie de l’assouplissement progressif des critères d’adhésion.» Les libéraux démocrates allemands partagent cette vision à 100%.
La capacité d’absorption est également définie; ici, le principal problème est que la capacité de l’Union européenne à assimiler les nouveaux membres dépend en partie de l’accord de principe des citoyens des États membres. C’est essentiel si nous voulons avoir le public de notre côté. Si nous voulons qu’ils restent de bons et loyaux citoyens de l’Union européenne, nous devons tenir compte de leurs souhaits.
Tatjana Ždanoka (Verts/ALE). - (EN) Monsieur le Président, j’apprécie grandement la nécessité évoquée dans le rapport de M. Brok de respecter les droits et libertés fondamentaux, notamment les droits des minorités en Turquie, en Croatie et dans les pays des Balkans occidentaux.
Lorsque nous avons débattu de la demande d’adhésion de la Turquie à l’Union, j’ai exhorté la Commission à ne pas répéter les erreurs commises dans le cas de l’adhésion de mon pays, la Lettonie, que l’on n’a pas mise à profit pour promouvoir les droits des minorités. Le groupe Alliance libre européenne a invité les institutions européennes à exhorter le gouvernement turc à améliorer sa politique à l’égard des minorités ethniques, religieuses et linguistiques. Malheureusement, on n’observe aucun progrès en la matière. D’ailleurs, des citoyens innocents sont encore tués au Kurdistan. Il y a deux semaines, les parents de Derwich Ferho, le grand défenseur des droits de l’homme et président de l’Institut kurde sis à Bruxelles, ont été assassinés. Des signes donnent à penser que les forces spéciales turques seraient impliquées. Je suis favorable à la poursuite de l’élargissement, mais s’il repose strictement sur les critères de Copenhague.
Kyriacos Triantaphyllides (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, en ce qui concerne le paragraphe 29 du rapport, la décision du Conseil de bloquer l’aide financière aux Chypriotes turcs est un pas dans la bonne direction, et j’en remercie la ministre.
Pour ce qui est de la question du commerce, elle peut toujours être abordée dans le cadre du récent accord sur la discussion d’un paquet de mesures d’instauration de la confiance. Dans leur déclaration commune après leur rencontre de Paris, le secrétaire général des Nations unies et le président Papadopoulos ont dit, entre autres, que toutes les parties concernées seraient gagnantes et l’atmosphère des pourparlers ultérieurs serait améliorée si des progrès étaient enregistrés au niveau de la poursuite du désengagement des troupes et de la démilitarisation de l’île, du déminage complet de Chypre et de la question de Famagouste.
En particulier, les progrès sur la question de Famagouste pourraient également déboucher sur des avancées au niveau du commerce. Nous sommes tous conscients de l’importance de la proposition formulée par le gouvernement chypriote, dans laquelle la restitution de Famagouste à ses résidents légaux et la réouverture du port pourraient résoudre le problème du commerce au départ et à destination des zones occupées. Malheureusement, la Turquie et les dirigeants chypriotes turcs n’ont pas encore arrêté de position sur cette question spécifique.
Roger Knapman (IND/DEM). - (EN) Monsieur le Président, d’abord notre rapporteur, dans l’erreur, se félicite de ce que le document de stratégie de la Commission «préconise une Union européenne tournant ses regards vers l’extérieur». Ce n’est pas vraiment ce qu’il veut dire: ce qu’il entend par là, c’est une Union en expansion et non, comme il y paraît, une période de réflexion à la suite des référendums français et néerlandais - pas du tout! Ils ont dit «non», particulièrement à la Turquie. Tout ce que nous obtenons, c’est davantage de centralisation et une expansion de l’Europe pour en faire un tout qui ne peut fonctionner, et ce juste au cours de la semaine où l’Allemagne a été invitée à remettre de l’ordre dans son économie! Au lieu d’envoyer de grandes quantités d’argent à l’Europe orientale, ils feraient bien mieux de veiller à ne pas mettre en péril la prospérité de l’Europe dans son ensemble.
C’est dans l’air du temps de prétendre qu’un grand nombre de pays font la queue pour rejoindre l’Union. Le fait est que les pays des Balkans viennent de quitter une organisation autoritaire, bureaucratique et corrompue que l’on appelait la Yougoslavie et qu’ils ne souhaitent pas adhérer à une organisation comportant les mêmes caractéristiques juste pour des raisons de santé. La vérité, c’est qu’ils veulent de l’argent. Ils veulent encore plus d’argent. Ce que les pays des Balkans ne doivent pas faire, c’est échanger leur souveraineté comme s’il s’agissait d’une simple marchandise, car ils s’exposent à une grande déception. Je crois qu’une grande déception les attend.
Hans-Peter Martin (NI). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du groupe socialiste au Parlement européen, en particulier allemands et autrichiens, félicitations! Au lieu de faire comme d’habitude, et d’utiliser le populisme comme une matraque - c’est le terme que vous avez utilisé - pour battre vos anciens dirigeants ou vos candidats de premier plan, vous vous êtes maintenant assommés vous-mêmes avec cette matraque. Vous vous éveillez à ce que disent les électeurs, aux chiffres économiques réels et, espérons-le, commencez à faire preuve de perspicacité. Les débats que votre groupe mène depuis des années ont finalement débouché sur un document dont on peut faire quelque chose.
Bravo, Monsieur Kuhne! Le changement de perspective, les perspectives d’adhésion, la capacité d’absorption, c’est précisément de cela qu’il s’agit. Nous avons des raisons d’espérer parce que vous plaidez pour une chose susceptible de gagner le soutien de la majorité non seulement de vos propres électeurs, mais aussi à travers l’Europe. Les choses peuvent bouger avec une bonne perspective, mais certainement pas si nous continuons de tourner autour du pot comme nous l’avons fait jusque-là.
Camiel Eurlings (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, les élargissements ont profité à l’Union européenne; les citoyens des nouveaux pays membres, mais certainement aussi ceux des autres, s’y sont bien retrouvés.
Le sentiment dominant dans mon pays au moment du référendum était la crainte d’être inondés de plombiers polonais. La réalité est différente: depuis le dernier élargissement en date, les Pays-Bas ont gagné deux milliards d’euros chaque année. Ce sont précisément ceux qui ont toujours plaidé en faveur de cet élargissement qui doivent communiquer cette information, tout en gardant un œil sur l’équilibre entre l’élargissement et l’approfondissement, parce que cet équilibre est perturbé pour le moment. Le traité de Nice n’était vraiment pas adapté à 25 pays, et il ne le sera certainement pas davantage quand deux autres pays, la Roumanie et la Bulgarie, nous rejoindront dans quelque temps. Je pense qu’il serait bon que nous nous engagions à balayer devant notre porte et que nous adoptions un nouveau traité avant d’accepter deux nouveaux membres. Nous devons nous y atteler.
Ensuite, je pense qu’il est important que les pays candidats ne doivent pas attendre que l’Union européenne ait fini ses devoirs avant de commencer le processus d’approfondissement avec une sorte de partenariat. S’ils veulent devenir membres à part entière et si l’Europe semble à même de les accueillir, l’étape suivante pour eux pourrait être de progresser sur la voie de l’adhésion.
Ce rapport ne porte nullement atteinte aux droits des pays possédant actuellement le statut de candidat, que cela soit bien clair. Cette crédibilité doit toutefois aller de pair avec le respect des critères. Autrement dit, et Mme Plassnik a bien raison, la Turquie doit consacrer la liberté d’expression - non seulement pour cet auteur en particulier, mais aussi pour les autres - et la liberté de religion, et faire des progrès sur la question de Chypre.
Nous nous réjouissons de l’Age Package Deal, mais il serait fantastique - et j’espère que le commissaire m’entendra - que nous parvenions à persuader la Turquie de ratifier et d’appliquer le protocole. Comment comptez-vous vous y prendre, Monsieur le Commissaire? Parce qu’une fois que ce sera fait, de grands progrès auront été accomplis au niveau de Chypre également. De ce point de vue, je soutiens sans réserve l’amendement 4, dans lequel nous réitérons notre engagement en faveur des citoyens du sud de l’île, mais aussi de ceux de la partie nord.
Richard Howitt (PSE). - (EN) Monsieur le Président, l’élargissement est la plus grande réussite de l’Europe. Il a propagé et continuera de propager la stabilité, la sécurité, la prospérité et la démocratie sur tout notre continent. Toutefois, lorsque l’opinion majoritaire dans sept États membres, dont le mien, s’oppose au futur élargissement, il est temps d’exposer les arguments aux citoyens et d’affronter ceux qui tentent de bloquer le processus; de rejeter ceux qui utilisent comme langage, même dans la présente résolution, des «possibilités concrètes» ou la volonté de redessiner les frontières pour tenter de saper les engagements de l’Europe; d’affronter ceux qui, comme les conservateurs britanniques, affirment que l’Europe doit choisir entre l’élargissement et l’approfondissement - ce n’est pas notre cas. Il est temps d’affronter l’extrême droite, qui alimente délibérément les craintes de voir de nouveaux immigrants menacer les emplois et les moyens d’existence des citoyens, alors que tout prouve exactement le contraire; de démasquer ceux qui, même dans la présente résolution, saluent les progrès accomplis en Croatie sans reconnaître la même évolution favorable en Turquie; de reconnaître que les musulmans de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, de Bosnie-et-Herzégovine et d’Albanie, qui y représentent la majorité, partagent la même destinée européenne et, enfin, de souligner qu’on ne peut utiliser la pause de réflexion sur le traité constitutionnel comme excuse pour mettre définitivement un terme à l’élargissement.
István Szent-Iványi (ALDE). - (HU) Monsieur le Président, l’intégration régionale dans les Balkans occidentaux est un élément crucial de la stratégie d’élargissement de la Commission. Cette attitude est bonne parce qu’elle encourage la coopération et la prise de responsabilités et apporte avec elle des avantages économiques.
Il n’est toutefois pas correct de forcer une unité économique ou politique qui n’est pas souhaitée par les parties concernées ou qui n’est pas viable en soi. Il serait bien plus efficace d’élargir le CEFTA aux pays des Balkans, comme le propose le gouvernement croate, parce qu’il a déjà prouvé toute son utilité et sa force pour la coopération régionale.
La véritable garantie de stabilité dans les Balkans occidentaux, c’est la promesse authentique de l’intégration européenne. À cet égard, il est extrêmement préoccupant que, sur la base de la proposition du Conseil, les pays concernés ne recevront plus d’aide financière suffisante à l’avenir et qu’ils bénéficieront de moins d’aide l’année prochaine et les années qui suivent que maintenant. Cela suscite des doutes quant à la crédibilité du processus d’adhésion dans son ensemble. C’est pourquoi nous souhaitons une augmentation considérable des fonds disponibles.
Ensuite, lors de l’évaluation de chaque pays, nous devons tenir compte des résultats individuels et rejeter les jugements en bloc ou collectifs, parce que chacun de ces pays doit prouver sa maturité.
La Croatie a réalisé de gros efforts pour devenir un État membre de l’Union européenne le plus vite possible. Nous devons louer ces efforts parce que la Croatie mérite une conclusion heureuse et rapide des négociations.
Laima Liucija Andrikienė (PPE-DE). - (LT) Je voudrais tout d’abord remercier M. Brok pour son rapport très constructif et très logique. Je suis certaine que, si l’Union européenne parvenait à formuler sa position sur toutes les questions de la même manière, les citoyens la comprendraient et la soutiendraient beaucoup plus. Je voudrais parler de la partie du rapport qui traite de la Turquie. Je suis tout à fait d’accord pour dire que la stratégie d’élargissement de l’Union européenne a indubitablement encouragé les réformes démocratiques, politiques et autres en Turquie et dans les autres pays mentionnés dans la résolution. Cependant, il est tout aussi important de noter, je cite, que «si la Turquie s’est engagée dans la transition politique, le rythme du changement s’est ralenti en 2005, la mise en œuvre des réformes restant inégale». C’est exactement la réponse que j’ai reçue hier du commissaire Rehn à ma question orale sur l’application de la résolution du Parlement européen sur le début des négociations avec la Turquie. C’est également indiqué dans la proposition de résolution dont nous discutons aujourd’hui: en 2005, le rythme du changement en Turquie a été non seulement insuffisant, mais il s’est aussi ralenti. On pourrait y voir le manque de préparation de la Turquie à mener des réformes qui la rapprocheraient de l’Union européenne, ou encore le signe d’une mauvaise volonté à l’égard des obligations élémentaires d’une possible adhésion.
Je partage également les regrets exprimés dans le rapport Brok et la résolution quant à la déclaration unilatérale de la Turquie lors de la signature du protocole additionnel à l’accord d’Ankara. Je pense qu’il faut rappeler à la Turquie que la reconnaissance de tous les États membres de l’Union européenne est une composante indispensable du processus d’adhésion.
Certes, ce que je vais dire ne figure pas dans le rapport, mais je suis sûre que la Turquie doit reconnaître au plus haut niveau les actes de génocide commis contre la nation arménienne il y a 90 ans, parce que cela prouverait plus que toute autre action que la position turque, même sur ces douloureux événements du passé, est en phase avec l’esprit des critères de Copenhague.
Csaba Sándor Tabajdi (PSE). - (HU) Monsieur le Président, le rapport Brok ne dit rien de concret au sujet des minorités ethniques. L’Union européenne donne souvent dans le «deux poids, deux mesures» et exige et attend des choses complètement différentes de deux pays candidats, alors qu’elle ne rappelle guère à l’ordre ses propres États membres sur les questions concernant les minorités ethniques.
Après une insurrection armée, les Albanais vivant en Macédoine ont reçu une autonomie administrative et même territoriale d’une très grande ampleur, tandis que dans le cas de la Roumanie, l’Union européenne ne fait pas pression dans le sens de l’autonomie des près d’un million de Hongrois qui vivent en territoire székely. L’Union européenne promet l’indépendance au Kosovo, mais pour la Voïvodine, elle ne recommande même pas l’autonomie spoliée par Milosevic.
Je vous demande de soutenir les propositions d’amendements hongroises visant à préserver le caractère multiethnique de la Voïvodine, à protéger les minorités et à étendre l’autonomie de la province. Le commissaire Olli Rehn sait parfaitement que, pour les suédophones de Finlande, la solution passe par l’autonomie; il en va de même pour les Balkans ou pour les Kurdes de Turquie.
Panagiotis Beglitis (PSE). - (EL) Monsieur le Président, nous devons être honnêtes et reconnaître que la stratégie pour l’élargissement n’est pas la cause de la crise institutionnelle que traverse actuellement l’Union européenne. Cependant, en tant qu’objectif stratégique, l’élargissement peut servir de bouc émissaire pour expliquer les échecs collectifs européens, ce qu’il faut à mes yeux éviter. Dans ce contexte, le message envoyé par la présidence autrichienne et la réunion des ministres des affaires étrangères de Salzbourg sur l’objectif ultime de l’intégration des pays des Balkans occidentaux dans l’Union européenne revêt une importance particulière. Nous disons oui à l’intégration des pays et non aux relations spéciales.
De ce côté-ci, la Commission devrait accélérer la présentation de sa proposition relative à l’octroi de visas d’entrée pour les ressortissants des pays des Balkans. La question est profondément politique, et non bureaucratique. Le double langage que tient l’Union européenne au sujet du Kosovo est préoccupant. L’absence de politique communautaire cohérente aura des conséquences négatives.
Enfin, en ce qui concerne Chypre, je crois que le temps est venu de prendre des initiatives politiques afin de créer au niveau de la société civile l’osmose politique et sociale nécessaire entre les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs. Et ici, c’est à l’Union européenne qu’il incombe de jouer le rôle de catalyseur.
Marianne Mikko (PSE). - (ET) Mesdames et Messieurs, M. Brok a réalisé un travail approfondi en montrant aux pays des Balkans occidentaux la voie qui les mène à l’Union européenne.
En tant que présidente de la délégation pour la Moldavie, il est toutefois de mon devoir de rappeler que deux pays encore plus proches du cœur de l’Europe ont, au moins autant que les pays des Balkans ou la Turquie, besoin de la promesse d’une adhésion à l’Union européenne.
Le Parlement européen a clairement exprimé son soutien aux aspirations de l’Ukraine et de la Moldavie de devenir candidats à l’adhésion. La Moldavie a accompli d’énormes efforts ces deux dernières années.
L’Ukraine a elle aussi montré récemment qu’elle souhaitait intégrer l’Europe. Je l’ai bien ressenti lors de ma visite en Ukraine la semaine dernière.
Je suis toutefois déçue que le rapport mette tant l’accent sur le quatrième critère de Copenhague. En même temps, je suis d’accord avec Elmar Brok pour dire que la Commission européenne doit définir le plus vite possible la nature de la capacité d’adhésion. Cela ne doit pas être une vague excuse pour repousser des pays qui souhaitent rejoindre l’Union européenne.
Notre union a été réformée depuis le sommet de Thessalonique en 2003. Telle est la réussite des pays qui remplissaient les critères de Copenhague. À l’avenir également, les pays candidats potentiels devront être évalués sur la base de critères transparents.
L’expansion doit se poursuivre parce que l’Europe a besoin de stabilité comme l’homme a besoin d’air.
Ursula Plassnik, présidente en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, je vous suis reconnaissante pour ce débat passionnant et certainement animé, que le Conseil estimera lui aussi important.
Mesdames et Messieurs, je viens d’un pays qui, d’après les chiffres et données disponibles, a considérablement profité du dernier élargissement en date, mais où l’opinion publique est très critique envers l’Union européenne elle-même et son élargissement. Permettez-moi donc de faire quelques remarques personnelles à ce sujet.
Ein grenzenloses Europa wird es nicht geben. L’Europe sans frontières n’existera pas. Mais l’Europe a toujours été un projet politique. C’est pourquoi ni les géographes, ni les historiens, ni les règles ne nous seront de la moindre aide pour les décisions politiques que nous devrons prendre; ce qui comptera, c’est la volonté commune de ceux qui partagent cette communauté de valeurs et de lois, à savoir nous et - comme c’est la norme dans les démocraties - les citoyens eux-mêmes. Où en sommes-nous pour l’instant? Objectivement, le 3 octobre dernier a vu l’adoption de décisions politiques aux implications d’une grande portée; il nous faut maintenant - ce «nous» signifiant le Conseil, la Commission et nos partenaires dans le monde - travailler paisiblement sur ces questions.
Je ferai trois brefs commentaires sur les questions d’ordre géographique concernant les Balkans: de quoi retourne-t-il fondamentalement? À quoi œuvrons-nous? Je pense que nous travaillons à l’Europe en tant que projet de paix, à sa réunification, au surpassement du clivage Est/Ouest, à l’effacement de la division créée par le communisme. Il est intolérable que les Balkans se retrouvent dans une sorte de no man’s land européen; nous devons une nouvelle fois expliquer bien clairement en quoi nous voyons une valeur ajoutée pour nous-mêmes, pour nos citoyens et pour les peuples des Balkans, une valeur ajoutée faite d’État de droit, de sécurité et de débouchés économiques.
En ce qui concerne la Turquie, à laquelle de nombreux membres ont fait référence, la Commission et le Conseil se penchent, dans le processus en cours, non seulement sur les progrès accomplis par la Turquie au niveau des réformes, mais aussi - et bien spécifiquement et directement - sur ce qu’il reste à faire dans des domaines tels que la liberté de religion ou la liberté d’expression. C’est ce que nous avons fait lors de la réunion de la troïka.
Pour terminer, j’aurai quelques mots sur l’Ukraine. La commissaire Ferrero-Waldner et moi-même nous sommes rendues récemment en mission en Ukraine, et je peux vous adresser le même message que celui que j’ai lancé là-bas: l’Europe, l’Union européenne, voudrait voir une Ukraine stable, confiante et couronnée de succès mais, surtout, une Ukraine qui relève le défi de la transformation et l’affronte avec détermination. La politique européenne de voisinage et le plan d’action qui sera bientôt révisé pour la première fois sous la présidence autrichienne nous offrent un ensemble d’instruments appropriés. Il y a un potentiel considérable pour des aspects tels qu’un accord approfondi, qui pourrait très bien englober un vaste accord de libre-échange.
Olli Rehn, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, je voudrais tout d’abord vous faire part des dernières nouvelles: les décisions prises à la fin de 2005 ont instauré un cadre politique solide pour notre politique d’élargissement de 2006 à 2010 et, dans certains cas, au-delà. Par exemple, les négociations d’adhésion avec la Turquie devraient prendre de 10 à 15 ans. Je pense que personne ne peut remettre sérieusement en question nos engagements dans le sud-est de l’Europe, car notre sécurité et notre stabilité dépendent véritablement de notre capacité à renforcer la paix, la démocratie et la prospérité dans cette région très sensible.
Nous disposons à présent d’un calendrier consolidé et suffisamment exigeant pour l’élargissement. Le train de l’élargissement n’est pas un train à grande vitesse, ni un TGV, ni un Eurostar. C’est un train classique ou, dans certains cas, un omnibus, mais surtout, il avance, il est en marche et transforme les pays qui se trouvent dans le voisinage immédiat de l’Union européenne.
Concernant les frontières de l’Europe, la Commission se fonde sur l’article 49 du traité sur l’Union européenne, qui dispose que tout État européen qui respecte et applique les valeurs européennes de la démocratie, des droits de l’homme, de l’État de droit et des libertés fondamentales peut demander d’adhérer à l’Union. Cela ne veut pas dire que tous les pays européens peuvent en faire la demande ni que l’UE doit les accepter tous, mais qu’il n’est pas raisonnable de fermer définitivement la porte en traçant une ligne sur la carte fixant les frontières de l’Europe une fois pour toutes, car une telle démarche nuirait gravement à nos possibilités d’exercer une influence salutaire et stratégique dans notre voisinage immédiat.
Parallèlement, bien que les frontières de l’Union ne soient pas encore définitives, l’UE conçoit d’autres formes de partenariat et de coopération avec nos pays limitrophes, notamment sous la forme de la politique européenne de voisinage, qu’il est possible d’approfondir et d’actualiser.
Les capacités d’absorption ont été évoquées plusieurs fois. Je voudrais donner une vue d’ensemble historique très brève. Cette notion a été évoquée explicitement la première fois à Copenhague en 1993, lorsque le Conseil européen a déclaré que la capacité de l’Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l’élan de l’intégration européenne constituait également un élément important répondant à l’intérêt général, aussi bien de l’Union que des pays candidats. Cette notion et ses conséquences sont examinées régulièrement par la Commission.
Dans son Agenda 2000 - et je suis ravi de l’évoquer, car j’étais membre du groupe de travail sur l’Agenda 2000, qui a été adopté en 1997 -, la Commission a examiné l’impact de l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale sous deux angles: son impact sur les politiques communautaires telles que l’agriculture ou la politique régionale, et ses conséquences budgétaires. Cet examen a abouti à l’adoption de critères cruciaux dans les négociations qui ont suivi, dans les décisions de mars 1999 au sommet de Berlin et en 2003, lorsque les pays d’Europe centrale et orientale ont été autorisés à adhérer à l’Union européenne. Cette notion a facilité l’adhésion des dix pays et nous a permis de mener à bien notre mission historique de réunification du continent européen tout en tenant compte des considérations pratiques, qui préoccupent également nos concitoyens aujourd’hui.
Plus tard, nous avons examiné cette notion au cours des négociations d’adhésion, dans certains chapitres notamment, tels que celui traitant de la libre circulation des personnes et les chapitres financiers. Par ailleurs, la Commission a également examiné cette notion dans le cadre de notre document thématique de 2004 sur les questions ayant trait à la perspective d’adhésion de la Turquie.
Je recommande ce document d’octobre 2004 à tous les députés du Parlement européen. Il vaut toujours la peine d’être lu. Il expose très bien les vastes conséquences de l’éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union si, un jour, ce pays remplit toutes les conditions requises.
Ainsi, le renforcement des capacités est une notion importante, qui est également évoquée dans les cadres de négociation pour la Turquie et la Croatie. Je puis vous assurer que nous la gardons à l’esprit tout au long des négociations et qu’il s’agit également d’une notion de premier ordre dans notre document stratégique de novembre dernier. Nous fondons nos travaux sur cette notion, qui est très importante.
Enfin, en référence aux propos de M. Eurlings sur l’approfondissement et l’élargissement, je suis de ceux qui pensent que l’intensification de l’intégration politique est indispensable pour rendre l’Union européenne plus efficace et démocratique. Nous devons améliorer le fonctionnement de l’Union, tel était et tel reste l’objectif du traité constitutionnel. C’est pourquoi nous avons besoin d’un débat constitutionnel et nous devrons tôt ou tard décider du mode de réforme de nos structures afin de les rendre plus efficaces et démocratiques, de manière à ce que l’Union européenne puisse exercer une plus grande influence dans ses relations extérieures, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune et dans la préservation de la sécurité de ses citoyens face à la criminalité et au terrorisme internationaux.
Nous devons le faire dans un avenir proche - pas dans 10 ou 15 ans par exemple, lorsque la Turquie sera susceptible d’adhérer à l’Union. Pour le bien de l’Europe, nous devons déjà le faire pour l’Union européenne des 25 ou des 27 États membres. C’est pourquoi, au lieu de parler des capacités d’absorption, je préférerais que l’on parle des capacités de fonctionnement de l’actuelle Union européenne afin de veiller à mieux servir nos concitoyens sur la base des politiques et des institutions.
Le Président. - Le débat est clos.
Le vote aura lieu demain, jeudi, à 12 heures.
Déclaration écrite (article 142)
Cristiana Muscardini (UEN). - (IT) Le rapport Brok est approfondi et complet en ce qui concerne la situation actuelle de l’élargissement et tient compte des énormes efforts déployés par les pays pour atteindre les objectifs politiques et économiques requis pour l’adhésion à l’Union européenne.
En particulier, nous sommes d’accord avec l’invitation lancée à la Croatie de «résoudre les problèmes bilatéraux, en particulier ceux touchant (…) à la propriété», mais regrettons qu’aucune référence ne soit faite aux changements apportés à la législation de ce pays relative à l’accès à la propriété des citoyens de l’Union, en particulier des Italiens et des exilés de Vénétie julienne et de Dalmatie. Aucun ressortissant de l’UE ne peut se voir interdire de s’établir dans un État membre ou d’accéder au marché immobilier.
Justifier l’interdiction par l’application du principe de réciprocité ne suffit pas à montrer que la Croatie remplit toutes les conditions d’éligibilité pour l’adhésion future à l’UE. Conscients de l’incapacité de la Croatie à se conformer à un principe de liberté désormais accepté par tous les États membres, et bien que nous soyons favorables au rapport, nous demandons que la Croatie soit invitée à remédier à cette grave anomalie qui, si elle se poursuit, nous empêchera de soutenir son adhésion.
10. Modification de l’ordre du jour (Débats sur des cas de violation des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit): cf. procès-verbal
11. Fusions dans le marché intérieur (débat)
Le Président. - L’ordre du jour appelle à présent les déclarations du Conseil et de la Commission sur les fusions dans le marché intérieur.
Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, il va sans dire que ce débat sera largement dominé par le discours du commissaire. J’imagine que les députés présents seront éminemment intéressés d’entendre ce que la Commission a à dire. Aussi m’en tiendrai-je à quelques remarques au nom du Conseil, car nous sommes convaincus qu’en appliquant les nouvelles dispositions et les règles communautaires en matière de concurrence, la Commission fait preuve d’une grande responsabilité en vue de réaliser les objectifs de la politique de concurrence conformément à la stratégie de Lisbonne.
Les études sectorielles que la Commission est d’ores et déjà en train de réaliser et qu’elle entend approfondir forment une base capitale à cette fin, et la définition des marchés est également un enjeu important à cet égard. Il convient de se rappeler que les aspects à moyen et à long terme doivent également être pris en considération dans toute décision relative à une fusion.
L’économie n’est pas statique, mais bien dynamique, aussi les entreprises sont-elles confrontées chaque jour au défi de s’armer pour l’avenir et de rester compétitives. Il y a plus de 23 millions d’entreprises dans toute l’UE; chaque jour, de nouvelles sociétés sont créées tandis que d’autres ferment leurs portes.
Après le débat de ce matin, il est bon de souligner une nouvelle fois que 99 % des entreprises sont des PME, et qu’elles représentent 80 % de l’emploi. La compétitivité a donc également un impact considérable sur le marché du travail, et elle présuppose une concurrence réelle. Il ne doit y avoir aucune distorsion de la concurrence dans le marché intérieur: c’est là l’une des bases essentielles du succès de l’économie européenne.
L’achèvement du marché intérieur et de l’Union économique et monétaire, l’élargissement et l’élimination des obstacles au commerce international et aux investissements déboucheront sur une réorganisation encore plus importante des entreprises, notamment sous la forme de concentrations. Une telle réorganisation est la bienvenue dans la mesure où elle répond aux besoins d’une concurrence dynamique et est susceptible de renforcer la compétitivité de l’industrie européenne en instaurant un environnement favorable à la croissance économique et en améliorant le niveau de vie dans la Communauté. C’est parfaitement conforme aux objectifs de Lisbonne dont nous avons débattu aujourd’hui.
Nous examinons ce dossier à la lumière des derniers cas de concentrations dans le domaine énergétique, en particulier. À cet égard, la population et les consommateurs attachent une importance particulière à l’évolution des prix, qui est influencée négativement par un manque de concurrence, et au maintien de l’emploi.
Les consommateurs conçoivent aisément que le seul moyen d’éviter des augmentations injustifiées des prix passe par une concurrence suffisante. Mais il est également vrai que l’emploi ne peut être préservé sur le long terme que si les entreprises sont compétitives. Sur ce point, il serait bon que nous instaurions une politique paneuropéenne de la concurrence dans le cadre des quatre libertés fondamentales.
Une autre mission importante de la politique de la concurrence est de garantir que les cas de réorganisation et de concentration ne puissent causer un dommage permanent à la concurrence. C’est pourquoi, comme vous le savez, le droit communautaire contient des dispositions concernant les concentrations qui risqueraient de perturber la concurrence, que ce soit sur l’ensemble ou sur une grande partie du marché commun.
Je le répète: nous sommes convaincus que la Commission prendra les mesures appropriées et procédera de façon responsable. L’État de droit et, partant, la prévisibilité des décisions sont également d’une importance cruciale pour permettre à l’Europe d’attirer les entreprises sur son territoire. À cet effet, les travaux sur une approche davantage axée sur l’économie devront être encore approfondis. Si, à l’issue d’une phase d’évaluation, il apparaît qu’il convient de compléter le cadre juridique des fusions à cet égard, le Conseil se penchera sur cette question également.
Il est évident que toutes les éventualités ne peuvent pas être incorporées dans les cadres législatifs et qu’au contraire, un certain degré d’abstraction s’impose. La présidence du Conseil suppose également que lorsqu’elle prendra ses décisions désormais imminentes, la Commission se penchera sur des enjeux tels que la définition des marchés et la détermination de l’efficacité avec le plus grand soin.
Neelie Kroes, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, l’Europe grandit et prospère en abattant les barrières entre les États membres et non en en érigeant. L’ouverture et la concurrence des marchés sont des moteurs clés de la croissance et de l’emploi en Europe. Les entreprises prospères sur le marché européen sont également bien placées pour faire face à la concurrence internationale.
La Commission jugera toujours préoccupantes les tentatives des gouvernements nationaux de trop intervenir, directement ou indirectement, dans la restructuration transfrontalière des entreprises en Europe. Le Traité prévoit comme principe que les libertés fondamentales qu’il définit - notamment la libre circulation des capitaux - et le droit à l’établissement au sein de l’Europe ne peuvent être entravés de manière injustifiée. Le principe de base de ces droits est la libre restructuration des entreprises, notamment via la cession d’entreprise.
Refuser cette possibilité aux entreprises par principe ou mal appliquer les dispositions de la législation communautaire sectorielle garantissant la concurrence sur les marchés notamment de l’énergie, des télécommunications et des services financiers restreindrait fortement leur aptitude à s’adapter aux défis posés par l’intégration des marchés au sein de l’Union, aux progrès technologiques rapides dont nombre de secteurs font l’expérience et, d’une manière générale, à l’évolution du monde des affaires dans l’Europe d’aujourd’hui.
L’industrie européenne se montre à la hauteur de ces défis, grâce notamment à l’apparition de plus en plus d’entreprises européennes transfrontalières. S’il convient d’évaluer les effets des fusions au cas par cas sur la base des règles en matière de concurrence, les fusions entre des entreprises basées dans différents États membres devraient accroître la concurrence dans l’État membre concerné, contribuant de la sorte à procurer aux consommateurs européens des avantages concrets, à savoir des prix moins élevés et un plus grand choix. Prenez par exemple le secteur de l’énergie. Le livre vert publié par la Commission la semaine dernière est très clair. On ne pourra garantir une énergie durable, compétitive et sûre sans des marchés énergétiques ouverts et compétitifs, fondés sur la concurrence entre les entreprises qui cherchent à devenir des concurrents européens plutôt que des acteurs nationaux dominants. L’ouverture des marchés renforcera l’Europe et lui permettra de s’attaquer à ses problèmes. Parallèlement, la restructuration transfrontalière des entreprises européennes renforce leur compétitivité en les dotant du nécessaire pour prospérer sur les marchés internationaux.
Toute ingérence des gouvernements nationaux en la matière non justifiée par un intérêt légitime inscrit dans le Traité, le droit dérivé et la jurisprudence risque de nuire gravement aux chances de l’Europe de bénéficier des perspectives offertes par l’intégration et la mondialisation du marché.
Comme vous le savez, la Commission dispose de deux principaux instruments juridiques - les règles du marché unique du traité CE et l’article 21 du règlement communautaire sur les fusions - pour contrer l’ingérence injustifiée des autorités nationales en matière de restructuration des entreprises. Elle a pour tâche d’appliquer ces règles le cas échéant.
En sa qualité de gardienne du traité CE et d’institution responsable du contrôle des fusions au niveau européen au regard de la concurrence, la Commission est déterminée à veiller à ce que les entreprises puissent effectivement tirer profit des avantages du marché intérieur communautaire. C’est pourquoi l’application de ces dispositions est et restera l’une de ses grandes priorités.
Klaus-Heiner Lehne, au nom du groupe PPE-DE. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le marché intérieur est actuellement mis à l’épreuve. Dans le domaine de l’énergie, on pourrait même dire qu’il est menacé. La promotion de champions nationaux donne naissance à des monopoles nationaux, ce qui signifie qu’il n’y a pas de concurrence, mais aussi qu’il n’y a pas de concurrence sur le marché intérieur européen. Un tel scénario est dommageable pour les consommateurs.
Les entreprises énergétiques européennes sont en outre confrontées au problème suivant: si elles ne sont pas compétitives en Europe, elles ne le seront plus non plus sur la scène internationale à l’avenir. Ce qui, évidemment, détériore la situation de l’Europe. Soit dit en passant, cela détériore également la situation pour toutes les autres entreprises, puisqu’elles sont contraintes de payer le prix fort pour leur énergie et sont dès lors défavorisées en termes de compétitivité internationale.
Bien que je soutienne explicitement les efforts de la Commission et, notamment, de la commissaire sur ce dossier, je pense que les options de la Commission sont simplement limitées. Elle tente de présenter des instruments de droit de la concurrence, mais la fameuse règle des deux tiers du droit des fusions s’applique presque toujours dans le domaine de l’énergie, en particulier - et, dès lors, la marge de manœuvre de la Commission est infime.
Je crois savoir que la commissaire Kroes envisage de changer cela, mais pour ce faire, elle aurait besoin de l’unanimité au sein du Conseil, et je ne crois pas qu’une telle unanimité soit possible dans la situation actuelle. C’est pourquoi il est vital que le Conseil se penche également sur ce problème. On peut espérer que les gouvernements respectent non seulement l’esprit mais aussi la lettre des Traités et du droit européen. En fin de compte, nous souhaitons voir créer un marché intérieur, notamment dans le domaine de l’énergie. C’est la raison pour laquelle j’espère que le Conseil sera associé à ce débat.
Je voudrais faire une remarque sur le droit des acquisitions: ces derniers jours, les journaux ont prétendu que le droit européen en matière d’acquisitions encourageait cette évolution. Cela me paraît déplacé. On peut certes s’attendre à ce que les États membres transposent le droit des acquisitions, mais c’est une question de relations entre les entreprises qui n’a rien à voir avec l’exercice de la moindre influence politique. L’exercice de l’influence politique n’est pas couvert par les décisions prises dans le cadre du droit des acquisitions à l’échelon européen, il convient de l’éviter et de le prévenir. Il est essentiel que cette question soit débattue ouvertement au Conseil et qu’un appel soit lancé à l’adresse de tous les responsables au sein du Conseil.
Ieke van den Burg, au nom du groupe PSE. - (EN) Monsieur le Président, imaginez que le week-end prochain, le président Barroso convoque une conférence de presse pour annoncer la fusion d’Euronet, de la Deutsche Börse et du London Stock Exchange. Serait-ce un rêve ou un cauchemar? J’aurais tendance à dire ni l’un ni l’autre, mais je me rends tout simplement compte que cette fusion est relativement improbable.
Quoi qu’il en soit, le message de mon groupe est qu’il ne faut pas que le président Barroso, la commissaire et leurs collègues soient pris au dépourvu dans la situation où nous nous trouvons, avec les fusions, les acquisitions et l’évolution des marchés financiers, de l’énergie et d’autres secteurs; secteurs qui sont tous très importants pour l’économie européenne.
En tant que sociaux démocrates, nous sommes toujours d’avis que l’État doit jouer un rôle de médiateur dans l’économie, d’organe de contrôle et de défenseur de l’intérêt public. Je ne dis pas que nous, les responsables politiques, devons assumer le premier rôle et jouer aux vedettes lors des conférences de presse, mais nous devons exercer un rôle dans la diplomatie silencieuse et dans l’instauration des conditions nécessaires à un dialogue avec les entreprises. Nous ne devons pas seulement nous fonder sur ce qui s’est passé, mais également anticiper ce qui va arriver.
C’est pourquoi je n’aime pas votre approche, Madame la Commissaire, qui n’est autre que négative et tente d’empêcher les autorités d’intervenir dans l’évolution des entreprises. J’estime qu’il faut adopter une approche dynamique et je mentionnerai trois points dont nous devrions débattre en profondeur en Europe.
Le premier est la politique industrielle. J’ai été extrêmement ravie de certaines des remarques du commissaire Verheugen ce matin, qui avaient davantage trait à la politique industrielle.
Le deuxième - qui a également été évoqué par Mme Lehne - concerne l’évolution des rachats et notre façon de les organiser. Nous avons besoin d’un débat sur ce point, pas uniquement sur la démocratie des actionnaires, que le Financial Times et The Economist préconisent, mais aussi sur d’autres aspects.
Le troisième concerne l’approche européenne par opposition à l’approche nationale.
Vittorio Prodi, au nom du groupe ALDE. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous sommes face à une situation capitale pour l’Europe: les États membres restent attachés à la perception d’une dimension nationale qu’ils perçoivent encore comme prédominante en toutes circonstances, mais nous oublions qu’un changement de dimension s’est produit et que nous devons progresser consciemment sur la voie d’une dimension continentale, conscients que nous avançons dans cette direction et sachant également de quelle façon gérer ce changement.
C’est pourquoi je ne comprends pas les problèmes qui ont été soulevés, par exemple au sujet des fusions bancaires en Pologne; en Italie, nous avons accepté une acquisition de la Banca Nazionale del Lavoro pour cette même raison. Je soupçonne un conflit d’intérêts derrière ces problèmes, car très souvent, ces sociétés sont détenues entièrement ou, à tout le moins, majoritairement par l’État.
Il s’agit d’un conflit d’intérêts entre l’intérêt politique immédiat et l’intérêt à long terme, non seulement des consommateurs, mais aussi de l’efficacité générale du système européen. C’est aussi ce qui s’est produit dans le cas d’Enel et de Suez, où un sérieux conflit d’intérêts s’est fait jour entre la nécessité de rationaliser nos sociétés pour leur permettre d’être compétitives sur la scène internationale et la nécessité d’éviter de les gêner sur le très court terme.
Je voudrais également que l’environnement concurrentiel soit organisé; c’est un point que nous avons discuté ce matin avec la commissaire Kroes, que je remercie de son empressement à agir en matière de concurrence énergétique. Il nous faut créer des réseaux de gaz et d’électricité à un échelon entièrement européen. Telle est notre mission, et j’en appelle à une action rapide afin de nous en acquitter.
Claude Turmes, au nom du groupe des Verts/ALE. - (EN) Monsieur le Président, je comprends tout à fait la colère de l’Italie et de l’Espagne face à ce que j’appellerais l’impérialisme énergétique franco-allemand en Europe. Ce sont les économies allemande et française qui en font les plus gros frais. L’Autriche bénéficie de prix de l’électricité et du gaz inférieurs de 20 % à ceux de l’Allemagne parce que les frais de son réseau sont moins élevés et que son marché est plus concurrentiel que celui de l’Allemagne.
La réponse aux événements de ces dernières semaines, Madame Kroes et Monsieur Barroso, ne consiste pas à créer des champions européens. Des champions européens de l’énergie soutireraient encore plus d’argent à ce secteur de taille et aux consommateurs, ainsi qu’à nous en tant que citoyens, pour le remettre aux actionnaires. La seule réponse consiste par conséquent à instaurer des marchés compétitifs, surveillés par des organes de contrôle puissants et indépendants et de puissantes autorités de la concurrence et à procéder à la scission complète des structures de participation.
Roberto Musacchio, au nom du groupe GUE/NGL. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous avons toujours déclaré que l’énergie et l’Europe avaient besoin non pas d’une approche «laissez-faire» mais plutôt de politiques pertinentes faisant l’objet d’un consensus. J’en veux pour preuve les événements actuels: l’Europe a les plus grandes difficultés à mettre au point une politique énergétique innovante qui soit à la hauteur des problèmes soulevés par le protocole de Kyoto et des exigences d’une évolution d’un genre nouveau et différent.
Le monde est le théâtre de guerres tragiques menées pour s’approprier les ressources pétrolières, et ces conflits arrivent à présent en Europe: il va sans dire que la solution ne réside pas dans le protectionnisme, mais plutôt dans une utilisation plus équitable de l’énergie disponible et la promotion des économies d’énergie et des énergies renouvelables. Je réitère notre ferme opposition aux sources d’énergie dangereuses telles que le nucléaire.
Il nous faut instaurer des modèles économiques et sociaux qui ne soient pas «énergivores», et renforcer la coopération avec les autres continents. Comme on peut le voir, cela n’a rien à voir avec une éventuelle entrée dans des guerres commerciales sans rapport avec notre avenir. Tout ramener à des marchandises et au commerce est une grave erreur. Ni laissez-faire ni protectionnisme, mais une politique énergétique différente et partagée, une politique de solidarité pour l’Europe et le monde - tel doit être notre rôle!
Adam Jerzy Bielan, au nom du groupe UEN. - (PL) Monsieur le Président, je voudrais parler de la fusion de deux groupes bancaires: UniCredito Italiano et HVB, un sujet qui a fait l’objet d’une vive controverse en Pologne.
En 1999, UniCredito a acquis une participation majoritaire dans Pekao S.A., l’une des plus grandes banques de Pologne. Une décision éminemment profitable, comme il devait s’avérer. Sept ans plus tard, les actions ont quadruplé de valeur. Lorsqu’ils ont acheté la banque polonaise, les Italiens ont toutefois dû accepter de ne jamais investir de capitaux dans une société concurrente de cette banque en Pologne. L’acquisition de HVB comme, du reste, d’une autre banque polonaise, BPH, est dès lors une violation patente de l’accord de privatisation. Les autorités polonaises sont dès lors tenues de bloquer cette fusion et de faire appliquer les termes de l’accord.
Il convient de souligner que dans ce différend, les autorités polonaises ne tentent nullement d’empêcher une instance étrangère de prendre le contrôle d’une société nationale, comme cela a été le cas récemment en France, en Espagne ou en Italie. Les accusations de protectionnisme lancées à l’encontre du gouvernement polonais sont dès lors parfaitement injustifiées en l’occurrence. Rappelons-nous également que si la Commission européenne contrôle les acquisitions à l’échelon communautaire, les obligations résultant des accords et le contrôle des banques relèvent de la compétence des gouvernements nationaux.
C’est pourquoi j’espère que la Commission européenne tiendra compte de ces arguments et que la Pologne cessera d’être la cible d’un déluge de menaces à ce sujet.
Antonio Tajani (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l’unification des marchés est un objectif fondamental de l’Union, mais c’est bien plus encore: le marché est l’un des piliers sur lesquels s’est appuyé - et continue de s’appuyer - tout le processus d’intégration européenne.
Un vrai marché requiert premièrement que les capitaux puissent circuler librement et être investis là où ils rapportent le plus. Deuxièmement, il nécessite que les entreprises aient une dimension transfrontalière et soient à même de s’installer partout où les intérêts de leur compétitivité l’exigent, par le biais de fusions et d’acquisitions, qui peuvent même être hostiles. Le marché ne tolère pas l’abus d’une position dominante qui entrave la libre concurrence. Un marché ouvert et parfaitement opérationnel est essentiel pour la compétitivité européenne sur les marchés internationaux.
Le protectionnisme a l’effet inverse, comme nous avons pu le voir ces derniers mois, avec des États qui s’opposent aux OPA, aux fusions ou aux acquisitions transfrontalières afin de protéger des intérêts nationaux stratégiques. Le protectionnisme sert réellement à défendre les sociétés faibles et inefficaces ou à créer artificiellement des champions nationaux. Les dommages causés sont importants pour les clients, qui sont incapables d’obtenir des produits et services au meilleur prix, et ils sont un problème sérieux pour une société contrainte de supporter les coûts d’entreprises non concurrentielles. En outre, le protectionnisme est par nature incapable de garantir aux travailleurs des perspectives d’emploi sûres et durables. Le protectionnisme revient à passer la marche arrière pour l’Europe.
Pour fonctionner correctement, le marché doit être efficace et éviter les distorsions. Tous doivent respecter les règles: nous ne pouvons accepter de subir la concurrence déloyale des États et des sociétés qui, d’un côté, se protègent et, de l’autre, exploitent la franche ouverture dont font preuve les autres.
C’est pourquoi nous invitons la Commission européenne à prendre des mesures strictes afin de garantir la libre circulation des capitaux et la libre concurrence. Nous sommes dès lors heureux d’entendre les commentaires que Mme Kroes a faits devant le Parlement. Avoir le courage de prendre cette décision implique que l’on soit un Européen dévoué: la compétitivité, la croissance et le bien-être des citoyens, sur la base d’un marché intégré, sont essentiels pour préparer l’introduction de la Constitution européenne.
Pervenche Berès (PSE). - Monsieur le Président, Madame la Commissaire, vous souhaitez un bon fonctionnement du marché. Dans ce cas, il faut que vous renonciez à ce libéralisme frénétique que vous nous proposez et qui, manifestement, ne remplit pas ses objectifs. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une stratégie des fusions qui fonctionne certes, mais qui s’appuie aussi sur une stratégie de politique industrielle bien régulée, qui s’appuie aussi sur des stratégies d’entreprise respectueuses d’objectifs en termes d’environnement et de normes sociales.
Je crois que le Président du Conseil a eu raison de dire qu’il fallait aussi intégrer des objectifs à moyen et à long terme, qu’un libéralisme sans retenue ne peut pas remplir. De plus, si l’on veut que la directive OPA fonctionne bien, elle renvoie beaucoup aux États membres. Eh bien, nous devrons aussi, peut-être, envisager sa révision - c’est inscrit dans le texte -, de façon telle que le pouvoir des actionnaires ne soit pas ce pouvoir aveugle qui, sans tenir compte d’aucun intérêt, ni de l’État dans lequel il intervient, ni de la stratégie industrielle à l’œuvre, ni de l’intérêt des salariés, peut, ici ou là, défaire des entreprises qui, au cours des années, ont accumulé un savoir-faire et une stratégie d’entreprise qui peuvent aussi être mis au service d’une politique industrielle européenne.
(Applaudissements à gauche)
Umberto Pirilli (UEN). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous sommes face à deux fusions éventuelles. La première, entre Gaz de France et Suez, est indésirable, car elle crée un monopole énergétique dans le secteur belge du gaz et de l’électricité et ferme le marché français à la concurrence. La seconde, par contre, entre Enel et Suez, pourrait donner lieu à une diversification du marché franco-belge de l’énergie.
Le principe de réciprocité dans les relations entre les pays européens dans le secteur énergétique semble essentiel à un marché européen de l’énergie profitable pour le consommateur et à une politique européenne commune dans le secteur énergétique.
En Italie, la voie a été largement dégagée pour les entreprises énergétiques étrangères grâce à des politiques de privatisation et de libéralisation. Cela s’est également produit dans d’autres pays européens. La violation du principe de réciprocité commise ici par la France ne peut être justifiée par un besoin de garantir un secteur énergétique autonome au moyen de champions nationaux, elle est plutôt l’expression d’une politique excessivement nationaliste. La France a déjà ses champions nationaux de l’énergie: elle n’a nul besoin d’en créer de nouveaux.
La fusion entre Gaz de France et Suez, qui contrôle l’entreprise belge Electrabel, risque sérieusement d’encourager les tendances protectionnistes, non seulement dans le secteur de l’énergie, mais aussi dans d’autres secteurs industriels, financiers et tertiaires.
Dans d’autres cas, la Commission européenne a appliqué strictement ses instruments anti-trust pour éviter le développement de positions dominantes et les représailles de la concurrence internationale. Cela s’est produit récemment dans les affaires ABN-AMRO/Banca Antonveneta et BBVA/Banca Nazionale del Lavoro, qui semble désormais pencher en faveur de BNP Paribas, une banque française.
Il faut espérer que la Commission mettra la même sévérité à assurer la libre circulation des capitaux, parce que même dans ces circonstances le principe doit valoir pour tous - nous ne pouvons en effet tolérer que certains pays d’Europe soient plus égaux que d’autres.
Cristóbal Montoro Romero (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, nous tenons le débat de cet après-midi dans le contexte d’événements extrêmement sérieux survenus dans les marchés de l’énergie, essentiellement le gaz et l’électricité. On voit les gouvernements lancer - comme en Espagne - ou bloquer - comme en France - des OPA. Tout cela est erroné, et contraire à l’esprit de l’Union européenne.
Nous entendons les arguments politiques d’éminents politiciens de pays européens importants qui n’hésitent aucunement à contester les principes fondamentaux de l’Union européenne: la libre circulation des capitaux et la libre concurrence sur les marchés. Ces arguments sont notamment ceux prononcés ces derniers jours par des ministres qui semblent parler de planification: la forme de planification économique la plus archaïque et la plus ratée qui soit. Ils sont ravis de parler de protectionnisme, de patriotisme économique, de nationalisme. Bref, ils utilisent les pires arguments populistes.
Au vu de cela, nous devons nous engager pleinement en faveur de la construction européenne, ce qui implique la libre intégration des marchés, en reconnaissant qu’il y a des asymétries dans ces marchés. Bien sûr qu’il y a des asymétries! On a rarement vu des cas d’intégration économique dépourvus d’asymétrie. Mais malgré cela, nous sommes là, nous sommes parvenus jusqu’ici, et ces positions politiques ne font qu’ajouter des nouveaux problèmes et difficultés à ceux que nous avons déjà dû résoudre.
Nous parlons de secteurs stratégiques, mais les communications, les transports et la finance ne sont pas moins stratégiques. Face à ces tentations nationalistes, nous voudrions inviter la Commission à faire de l’objectif et de l’idéal de l’intégration européenne sa priorité et, face à cette attitude populiste et isolationniste, à se consacrer à l’objectif consistant à créer un marché unique. En bref, nous invitons la Commission à faire son devoir de gardienne des Traités et à promouvoir d’authentiques politiques de développement et de l’emploi pour tous les citoyens européens.
(Applaudissements à droite)
Pier Luigi Bersani (PSE). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le processus de concentration industrielle et financière peut renforcer l’Union européenne sur la scène mondiale.
Dans certains cas et pour certaines phases, ce processus peut être utilement mis en œuvre par des moyens nationaux, mais trop souvent, ceux-ci sont sur la défensive et risquent de provoquer une dangereuse spirale de protectionnisme qu’il faut absolument stopper. Nous devons faire avancer le cadre juridique et promouvoir une plus grande convergence des législations nationales régissant les fusions et les acquisitions, sans quoi la course aux clauses de réciprocité ensevelira tous ces pays sous un surcroît de législation fermée et protectrice.
Enfin, nous aurons inévitablement des structures oligopolistiques dans certains secteurs, par exemple dans le secteur énergétique. Ces structures ne doivent pas être collusoires ou défavorables aux consommateurs, pas plus que le contrôle public de certaines sociétés ne doit faciliter l’abus de marché. En conclusion, il faut que l’autorité réglementaire soit renforcée et intégrée, que la législation anti-trust soit renforcée et, dans l’immédiat, la Commission doit faire preuve d’une attitude plus active et efficace.
Ivo Belet (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, vous savez que les yeux de très nombreux Belges sont posés sur vous en ce moment. Beaucoup s’attendent à ce que vous signifiiez aux groupes français Suez et Gaz de France qui ont récemment fusionné, et ce en des termes clairs, que leur position sur un marché aussi petit que le marché belge est un monopole intenable. Je sais que vos services n’ont pas été informés officiellement de la fusion, mais nous ne pensons pas que pour autant, vous ne puissiez à ce stade envoyer un message clair affirmant que les situations de ce genre contreviennent au droit européen, parce que le nouveau groupe issu de la fusion fournira pas moins de 90 % du gaz distribué en Belgique. J’espère que vous pourrez nous confirmer qu’une société jouissant d’une telle concentration du marché se verra contrainte de céder une part substantielle de ses activités.
Madame la Commissaire Kroes, vous êtes la seule garantie qu’ont les usagers - et je veux parler des particuliers comme des entreprises - qu’ils ne devront pas payer à l’avenir un prix inadmissible pour leur gaz et leur électricité. Vous avez également le pouvoir de restaurer la confiance de la population à l’égard de l’Europe, à tout le moins dans une certaine mesure. Pour ce faire, vous pouvez signifier à ces mastodontes industriels qu’ils tirent profit de la libéralisation, que ce qu’ils font est illégal et contraire aux règles en matière de concurrence.
Vous avez également déclaré que bientôt, vous présenterez de nouvelles propositions afin de mettre un terme à la concentration du pouvoir dans la distribution de l’énergie. Je voudrais savoir si vous pouvez confirmer entendre par là que les principaux producteurs devront renoncer à leur capacité de blocage dans les sociétés de distribution.
Je voudrais terminer, Madame la Commissaire, en disant que vous pouvez entrer dans l’histoire en faisant sentir votre poigne et en expliquant clairement que les autorités européennes ne craignent pas ces monstres nés des fusions. Vous avez la réputation d’être une dure à cuire, et nous apprécierions que, dans les semaines à venir, vous nous donniez des raisons de croire que cette réputation est méritée.
Antolín Sánchez Presedo (PSE). - (ES) Monsieur le Président, je partage l’opinion de la commissaire, selon qui cela n’a aucun sens de parler de champions nationaux et de géants continentaux et l’approche adoptée dans le droit de la concurrence consiste à décider au cas par cas.
La politique de la concurrence est essentielle, mais elle ne résout pas tout dans le domaine de l’énergie, pas plus que la politique du marché intérieur. Parler d’énergie, c’est parler de sécurité et d’intérêts généraux. L’énergie est vitale et elle relève essentiellement des compétences actuelles des États membres.
Il existe actuellement 25 marchés énergétiques avec de profondes disparités, des asymétries réglementaires et des opérateurs qui travaillent selon différentes options stratégiques et des engagements de politique étrangère.
Nous avons besoin d’un système homogénéisé aux conditions de jeu harmonisées. Les grands opérateurs ne peuvent imposer ou prédéterminer ces conditions. Un marché européen de l’énergie, avec des services énergétiques européens, ne se créera pas seul, mais il résultera de la méthode européenne, de l’engagement et de l’action communs. À cette fin, l’Europe a besoin d’un programme et d’un leadership.
Les socialistes sont partisans d’une politique énergétique européenne, comme prévu, pour la première fois, dans la Constitution européenne. Plutôt que des reproches condamnant le patriotisme, ce qu’il nous faut c’est une action intelligente en faveur de l’européanisme.
Iles Braghetto (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, ces dernières semaines, la délégation UDC-SVP italienne a posé une question écrite à la Commission afin de souligner les contradictions d’une politique énergétique européenne apparemment en crise.
La décision du gouvernement français de créer un nouveau géant de l’énergie en enfreignant les principes du marché européen aura des conséquences négatives. La fusion entre les sociétés Suez et Gaz de France risque de dresser les États membres les uns contre les autres au moment même où l’Europe s’apprête à se lancer dans une libéralisation à 100 % du marché de l’énergie. Cette initiative politique fait un pied de nez à tous les projets de transparence et de libre concurrence et substitue le droit aux luttes financières qui devraient faire partie intégrante du marché unique.
En outre, l’adoption par la France de la directive sur les OPA, que l’Assemblée nationale, après un long silence, réexaminera demain, a de quoi inquiéter. Un tel projet de loi pourrait faire obstacle aux transactions de capital éventuelles de Suez en accordant trop de pouvoirs aux sociétés qui font l’objet d’une OPA. Confrontés à une telle anomalie, nous n’avions d’autre choix que de prendre nos responsabilités et de soulever le problème en nous demandant quel genre de politique énergétique notre Europe entend poursuivre.
Nous voudrions exprimer clairement devant cette Assemblée, Monsieur le Président, notre crainte d’une dérive dangereuse vers une Europe de nations opposées aux idéaux et à l’esprit des Traités et à l’esprit et aux valeurs que nous ont transmis Alcide De Gasperi, Konrad Adenauer, Robert Schumann et Jean Monnet.
Une Europe qui s’est dotée d’une devise unique, qui tente d’harmoniser ses lois, ses normes, ses règlements et ses institutions, qui a créé une banque centrale et établi l’espace Schengen, ne peut se réduire à un jeu dans lequel les intérêts nationaux prévalent sur les intérêts communautaires et où la politique se substitue rapidement au marché.
La perspective d’un contexte industriel paneuropéen, relancée par le président Barroso avec l’adoption du livre vert sur l’énergie, nous rend enfin espoir. Les principaux objectifs de la Commission au cours des prochains mois doivent être de créer des marchés ouverts profitables pour le consommateur et de se concentrer sur des politiques européennes globales nous prémunissant des protectionnismes nationaux.
Manuel Medina Ortega (PSE). - (ES) Monsieur le Président, lorsque j’entends les membres de ce Parlement traiter le principe de la libre circulation des capitaux comme un élément sacro-saint, en omettant les objectifs sociaux définis dans le Traité, tels que l’emploi, la promotion d’une économie équilibrée ou le maintien de la solidarité et de la cohérence, j’ai l’impression que certains membres de ce Parlement n’ont pas lu les Traités de l’Union européenne.
Concernant les OPA, en général, nous devons tenir compte, par exemple, des intérêts des travailleurs, qui sont reconnus dans la directive sur les OPA et, deuxièmement, nous devons tenir compte des obligations de service public.
Comme M. Turmes l’a dit tout à l’heure, les grandes multinationales exigent aujourd’hui de leurs clients des montants plus importants dans certains pays que dans d’autres où cette libre circulation n’existe pas. Ceux d’entre nous qui viennent de régions insulaires périphériques se demandent qui va payer les coûts supplémentaires qui seront créés pour les régions en déficit.
Enfin, je voudrais souligner qu’il n’est pas vrai que la directive sur les OPA ne prévoit pas les interventions politiques: l’article 4, paragraphe 5, prévoit l’adoption de mesures exceptionnelles en fonction des circonstances nationales. Les législateurs de l’Union européenne devront en tenir compte.
José Manuel García-Margallo y Marfil (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, je vais faire référence à mon compatriote M. Sánchez Presedo et parler des OPA - au pluriel - lancées sur la société Endesa.
Qu’a fait le gouvernement socialiste espagnol en l’occurrence? Premièrement, il a systématiquement occupé tous les organes réglementaires et le tribunal de la concurrence. Pour la première fois dans l’histoire de la démocratie espagnole, tous trois sont présidés par des personnes aux affinités politiques bien connues.
Deuxièmement, il a ouvertement soutenu une OPA donnée pour Endesa, à tel point que le Conseil de ministres l’a approuvée contrairement à l’avis du tribunal de la concurrence.
Troisièmement, il a dressé un mur − répété aujourd’hui par le ministre de l’économie et le ministre de l’industrie − pour éviter toute OPA d’une autre entreprise communautaire.
Répondant au «ils ne passeront pas» lancé par le Premier ministre, le ministre de l’industrie a déployé toutes ses «armes de destruction massive» au point de changer les règles du jeu en milieu de partie − soit dit en passant, elles ont dû être rectifiées au stade intermédiaire entre le Cabinet et le Bulletin officiel de l’État −, faisant de l’Espagne une espèce de république bananière où la sécurité juridique est foulée aux pieds.
Si nous voulons parler de patriotisme économique, ce dont l’Espagne a besoin pour continuer de croître et de créer de l’emploi, c’est d’un renforcement de la concurrence, et non d’un renforcement du protectionnisme, d’un renforcement du libéralisme et non d’une ingérence ou d’un ergotage politiques, d’un accroissement de la sécurité énergétique, ce qui implique l’intégration dans l’Europe, plutôt que d’une volonté de rester une île en matière d’énergie.
Je demanderais à la Commission, premièrement, de dissiper les doutes politiques entourant ces opérations. Dès que l’OPA a été lancée, j’ai demandé à la commissaire de chercher une solution à ce problème, car je l’ai avertie des risques politiques impliqués dans cette offre. Elle n’a pas voulu le faire, et c’est ce qui nous amène ici aujourd’hui.
Deuxièmement, je demanderais que soit garantie l’application des règles de concurrence telles qu’elles sont définies. Troisièmement, comme elle l’a dit, je plaiderais en faveur de l’intégration dans un marché commun, seul moyen d’assurer la suffisance énergétique et une énergie bon marché, ainsi que dans un marché intérieur, ce à quoi nous aspirons. C’est là un patriotisme espagnol et un patriotisme européen.
Andrzej Jan Szejna (PSE). - (PL) Monsieur le Président, le droit communautaire régit les fusions et les acquisitions sur le marché intérieur en créant une politique de la concurrence qui constitue non seulement l’une des principales politiques communautaires mais aussi l’une des plus anciennes. Elle est censée garantir l’élimination des obstacles au commerce intérieur au sein du marché unique et garantir qu’ils ne soient pas remplacés par d’autres actions des entreprises ou des gouvernements qui risqueraient de perturber la concurrence.
Malheureusement, de récents événements ont montré que, dans certains États membres, des actions protectionnistes et bornées sont mises en œuvre. Cela vaut pour la société allemande E.ON, qui tente d’acquérir l’entreprise espagnole Endesa, pour la fusion du géant français du gaz Gaz de France avec Suez, le groupe pétrolier et énergétique multinational basé en Italie, et pour le récent blocage, par le gouvernement polonais, de la fusion impliquant les banques Pekao S.A. et BPH, laquelle est née d’une fusion entre l’allemand HVB Group et l’italien UniCredito.
L’opposition du gouvernement polonais s’appuie sur une base juridique douteuse au regard du droit communautaire et montre la Pologne sous un jour négatif à l’égard des investisseurs étrangers. Malheureusement, cette affaire est également devenue une arme aux mains du gouvernement de droite dans la lutte qu’il mène contre l’indépendance de la Banque nationale polonaise, qui est aussi la Banque centrale.
Alexander Radwan (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, saviez-vous que le yoghourt est une question d’intérêt national? C’est en tout cas l’argument avancé par un grand État membre fondateur en réponse à la question de savoir si un rachat de Danone était acceptable, même si la société réalise essentiellement son chiffre d’affaires et ses bénéfices à l’étranger.
Le présent débat est ahurissant. Tous sont d’accord pour que les entreprises de leur pays fassent leur shopping librement à travers l’Europe et le monde - mais pas dans leur propre pays. Je n’ai entendu personne, en Espagne, se plaindre lorsque la société espagnole Telefónica a repris l’entreprise germano-britannique O2 ou quand Banco de Santander a acquis un grand prestataire britannique de services financiers. Je n’ai vu personne s’agiter en voyant la France chercher à racheter une banque italienne, ou Électricité de France acquérir des parts dans Energie Baden-Württemberg AG, ou UniCredito en Italie racheter Hypo-Vereinsbank, alors qu’ABN AMRO a eu des problèmes lorsqu’elle a voulu poser un acte similaire en Italie.
On assiste ici à une belle démonstration d’hypocrisie de la part des États membres et du Conseil. Ils ferment la porte derrière eux et cherchent à faire des affaires ailleurs, affaiblissant du même coup l’économie européenne. Nous sommes aux prises avec un malentendu si nous pensons que les objectifs de Lisbonne pourront être réalisés et que nous pourrons devenir plus forts grâce au protectionnisme national, alors que nous ne pouvons même pas faire face à la concurrence dans notre propre domaine. Nous avons besoin d’entreprises fortes, mais aussi d’entreprises qui se rendent dans d’autres pays et y introduisent davantage de concurrence.
La Commission doit relever des défis à deux niveaux. Elle doit examiner chaque cas soigneusement et répondre aux questions suivantes. La fusion profite-t-elle aux consommateurs? Renforce-t-elle la concurrence? Telle est la mission réelle de la Commission en matière d’évaluation, et la réponse est souvent «oui», parfois «non». La Commission doit se montrer ferme à l’égard du Conseil, car la certitude que les États membres et le Conseil pensent en termes d’approche européenne et de marché intérieur a souffert cruellement ces dernières années.
Elisa Ferreira (PSE). - (PT) L’initiative de la Commission de revoir le règlement sur les fusions est la bienvenue. La législation est devenue inefficace, comme en témoignent des décisions judiciaires déséquilibrées et économiquement intenables en ce qui concerne les marchés de l’énergie portugais et espagnol.
La récente résurgence de grands opérateurs en Europe exacerbe les problèmes réglementaires, en particulier dans les petits pays aux ressources plus fragiles. Des biens et des services essentiels qui devraient être offerts universellement au prix le plus bas possible sont aujourd’hui proposés par des entreprises privées à la tête de monopoles ou d’oligopoles. Lorsque les imperfections du marché deviennent la règle et non l’exception, les objectifs que la concurrence devrait pouvoir produire deviennent irréalisables, et c’est notamment dans ce domaine que le rôle de la réglementation est essentiel.
Madame la Commissaire, l’évaluation législative en cours répondra-t-elle à certaines de ces questions? Comment la Commission envisage-t-elle de réguler le pouvoir des oligopoles européens? L’Europe peut-elle vivre sans mener une réflexion approfondie sur la politique industrielle et les services d’intérêt économique général?
Je vous remercie à l’avance de répondre à ces questions.
Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce que j’ai dit au début. J’ai exprimé clairement mon soutien, au nom du Conseil, en faveur de la concurrence dans l’intérêt des consommateurs. Au début du débat, M. Lehne a demandé que le Conseil se penche sur cette question. M. Radwan a lancé un appel similaire au Conseil. Tout ce que je puis dire, c’est que si un effort est requis du Conseil et que nous avons la compétence et l’autorité, il va sans dire que nous prendrons des mesures, et nous le ferons dans le respect des dispositions concernées des Traités.
Je voudrais profiter de cette occasion, si vous me le permettez, pour faire un peu de publicité personnelle. Je voudrais attirer l’attention de l’Assemblée sur un événement organisé conjointement par les présidences autrichienne et finlandaise du Conseil, qui pourrait intéresser les députés présents. Dans le cadre de la désormais traditionnelle Journée européenne de la concurrence, l’Autriche et la Finlande, les deux présidences du Conseil successives en 2006, organisent à Vienne le 19 juin prochain une manifestation intitulée «Competition law and its surroundings - links and new trends» (Droit de la concurrence et son environnement - Liens et nouvelles tendances).
Cet événement portera essentiellement sur les tendances actuelles dans les fusions et le contrôle des fusions. Sous l’intitulé «Do mergers keep what they promise?» (Les fusions tiennent-elles leurs promesses?), la question de savoir dans quelle mesure le règlement sur les fusions a instauré une nouvelle approche sera débattue sur la base d’exemples de fusion et de la situation dans une économie de transition. Nous aurons le plaisir d’accueillir à cet événement la commissaire Kroes ainsi que Martin Bartenstein, le ministre fédéral autrichien des affaires économiques et du travail. J’imagine que cela devrait susciter quelque intérêt.
Neelie Kroes, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, je me félicite de l’initiative prise par la présidence autrichienne d’organiser, avec la collaboration de la prochaine présidence finlandaise, une journée très importante en juin: la Journée de la concurrence. Par rapport à d’autres questions, je suis impressionnée par le degré de priorité accordé aux PME. L’approche adoptée en la matière est vraiment un grand pas en avant. La présidence a non seulement respecté un calendrier, mais s’est en outre montrée très pragmatique dans sa recherche de solutions. Nous sommes conscients que ce ne sont pas seulement les députés du Parlement européen qui s’intéressent à la question, mais d’autres également, surtout les PME elles-mêmes.
Je suis très reconnaissante à tous les députés qui, dans leurs interventions, ont soutenu assez clairement la politique de la Commission. Je note également que tout le monde n’est pas d’accord sur la politique à suivre. Toutefois, j’espère sincèrement que nous sommes tous conscients que l’ouverture et la compétitivité des marchés sont des moteurs clés de la croissance et de l’emploi en Europe. Il a été évoqué à juste titre que c’est ce que nous avons promis d’apporter dans l’Agenda de Lisbonne: plus d’emplois, de meilleure qualité, et la croissance économique.
Comme nombre d’entre vous l’ont reconnu, le marché intérieur a un énorme potentiel. Nous devons permettre à nos entreprises et nos secteurs de l’exploiter pleinement. C’est ce qui a été décidé. Cela implique d’ailleurs la restructuration des entreprises. Il semble prometteur, et il ne s’agit pas uniquement de se concentrer sur le marché intérieur en lui-même, mais également sur sa position en dehors de l’Europe, car nous devons avoir conscience de la compétitivité internationale. Si nous affirmons sérieusement vouloir jouer ce jeu, nous devons prendre conscience de la nécessité de restructurer dans certaines circonstances.
S’il convient d’évaluer les effets des diverses fusions au cas par cas sur la base des règles en matière de concurrence - cela ne fait aucun doute -, les fusions entre des sociétés basées dans différents États membres sont susceptibles de renforcer la concurrence, ce qui apportera des avantages concrets aux consommateurs européens, à savoir des prix moins élevés et un plus grand choix. C’est pour cette raison que la Commission examinera très attentivement toute ingérence injustifiée des gouvernements nationaux en la matière.
Concernant la libre circulation des capitaux, évoquée à juste titre par plusieurs députés, la Commission fera respecter les règles du marché unique, conformément à vos attentes à son égard. Nous serons fermes envers les États membres qui n’appliquent pas correctement les dispositions de la législation communautaire sectorielle qui prévoient la concurrence dans les marchés tels que ceux de l’énergie, des télécommunications, des services financiers ou bancaire. Concernant les fusions, nous ferons respecter le règlement sur les fusions avec équité, objectivité et cohérence. Vous vous souviendrez que, selon ce règlement, la Commission dispose de compétences exclusives pour contrôler les effets des concentrations de dimension communautaire sur la concurrence.
Je prends soigneusement note des préoccupations exprimées dans cet hémicycle sur des cas de fusion spécifiques dans le secteur de l’énergie. Je ne dispose d’aucune information à ce stade et ne peux donc en débattre. Je le répète: nous contrôlons les fusions au regard de la concurrence uniquement, et c’est le principe sur lequel s’appuie la Cour pour examiner nos décisions. Comme vous le savez, l’article 21 du règlement sur les fusions nous permet également d’agir en cas d’ingérence non justifiée des autorités nationales dans la restructuration des entreprises. J’ajouterais que je n’hésiterai pas à recourir à cet article chaque fois que c’est nécessaire.
À la question de savoir si la règle des deux tiers en cas de fusion, évoquée par plusieurs députés, sera modifiée, la répartition des compétences en raison de cette règle risque de rendre l’approche à l’égard de fusions fortement semblables incohérente. C’est élémentaire. Je pense que cette règle est particulièrement inadaptée dans le secteur de l’énergie, pour lequel on élabore actuellement une politique communautaire de libéralisation - qui n’est pas encore prête, mais est en cours d’élaboration -, et dans lequel les différents acteurs doivent bénéficier de l’égalité de traitement sur tout le territoire de l’Union. Donc, pas de différence de traitement d’un État membre à l’autre.
Quoi qu’il en soit, la Commission n’est encore qu’au tout début de ses réflexions. La première étape consiste en une consultation avec les parties prenantes au sein des États membres sur la question de savoir s’il est recommandé de modifier la règle des deux tiers. Je suis consciente que nous avons besoin du soutien du Conseil et qu’il sera difficile à obtenir. C’est une solution à envisager et j’y suis favorable, mais ce n’est pas mon objectif. L’objectif est de garantir l’égalité de traitement et non d’opter pour une solution qui soit plus équitable que d’autres. Par conséquent, s’il est possible de faire aboutir cette politique, quelle que soit la direction prise, ce sera le jour J de ce chapitre de ma politique.
La Commission a le devoir de faire respecter les règles le cas échéant. En tant que gardienne des Traités, elle fera son travail avec équité, mais aussi avec fermeté, comme l’a souligné la présidence autrichienne à juste titre.
Je vous remercie encore une fois pour votre soutien; je vous en suis reconnaissante. Nous devons absolument faire notre travail dans les plus brefs délais, car l’atmosphère est effectivement relativement trépidante au pays des fusions.
Le Président. - Le débat est clos.
PRÉSIDENCE DE M. BORRELL FONTELLES Président
12. Politique euro-méditerranéenne / Préparation en vue de la prochaine réunion de l’APEM (débat)
Le Président. - L’ordre du jour appelle les déclarations du Conseil et de la Commission sur la politique euro-méditerranéenne et la préparation en vue de la prochaine réunion de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne à Bruxelles.
Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, au cours du bref débat qui a eu lieu aujourd’hui en réponse aux événements récents survenus au Moyen-Orient, il a, à juste titre, été fait mention de la coopération euro-méditerranéenne. Cette coopération revêt une importance majeure, non seulement par rapport à la problématique du Moyen-Orient, mais également dans d’autres contextes. Je n’ai pas l’intention, à ce stade, de répéter les remarques que j’ai déjà formulées aujourd’hui, au nom du Conseil, à propos des événements au Moyen-Orient. Dans l’intervalle, la présidence a également publié une déclaration à ce propos. Je souhaite donc aborder le processus Euromed lui-même.
La présidence autrichienne fait suite au sommet qui s’est tenu à Barcelone en novembre dernier pour célébrer le dixième anniversaire du premier sommet de Barcelone, qui avait adopté un programme de travail quinquennal pour le partenariat, axé sur la réalisation de réformes politiques et économiques, ainsi qu’un code de conduite sur la lutte contre le terrorisme. Ces documents et ces accords revêtent, selon moi, une importance majeure.
L’UE et ses partenaires méditerranéens ont également conclu un accord visant à accroître les investissements en faveur de l’éducation et à aborder ensemble tous les aspects de l’immigration tant légale qu’illégale. Il s’agit là d’un autre problème très important.
Il incombe désormais à la présidence autrichienne d’œuvrer en vue de la réalisation de tous ces projets. C’est une tâche que nous devons réaliser avec enthousiasme, entrain et conviction. Je profite de l’occasion pour vous annoncer également qu’une réunion des ministres du commerce est prévue à Marrakech le 24 mars et que les ministres des finances Euromed se réuniront à Tunis les 25 et 26 juin.
Nous devons également apporter notre soutien à la Commission dans la priorité qu’elle accorde aux médias, car nous sommes convaincus que ceux-ci jouent un rôle particulièrement important dans la compréhension interculturelle. À cet égard, le séminaire Euromed sur la xénophobie et le racisme dans les médias, prévu de longue date, sera organisé en mai durant la présidence autrichienne.
Comme la ministre autrichienne des affaires étrangères, qui est aussi présidente du Conseil «Affaires générales et relations extérieures», vous l’a déjà signalé, le Conseil se préoccupe vivement, depuis quelques semaines, du problème des caricatures; cette question a notamment été abordée lors de la réunion informelle des ministres des affaires étrangères, qui s’est tenue à Salzbourg. C’est un autre problème dont j’ai déjà eu l’occasion de vous entretenir. Il nous est clairement apparu que nous devions prendre la voie d’un dialogue progressiste entre l’UE et le monde islamique ainsi qu’avec les communautés islamiques d’Europe. Le partenariat euro-méditerranéen offre un forum idéal et particulièrement important pour le dialogue avec les pays méditerranéens à ce propos. J’estime que ce dialogue est particulièrement important à tous les niveaux, en particulier le contact direct entre les jeunes, et le partenariat euro-méditerranéen peut et doit, selon moi, jouer un rôle majeur. C’est dans cette optique que la Fondation Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures a été créée l’année dernière. Cette fondation a un rôle clé à jouer, en particulier à l’époque actuelle.
Les conclusions de la réunion du Conseil «Affaires générales et relations extérieures», qui s’est tenue le 27 février 2006, ont expressément cité le processus de Barcelone et la Fondation Anna Lindh parmi les organisations multilatérales qui jouent un rôle dans ce domaine, et nous nous en réjouissons.
Nous devons désormais utiliser tous les instruments que nous offre le partenariat euro-méditerranéen pour désamorcer les tensions telles que celles auxquelles nous avons récemment assisté. Une réunion des principaux responsables du partenariat euro-méditerranéen a déjà eu lieu le 22 février. Cette réunion a permis un échange de vues très ouvert sur ces événements et elle a permis à tous les participants de proposer des mesures spécifiques.
Sur le fond, il y a un accord pour dire que les structures requises pour aborder ce problème existent déjà; je ne pense pas qu’il faille en créer de nouvelles. Le défi à relever consiste désormais à saisir toutes les occasions de dialogue qui se présentent à nous pour poursuivre avec succès les efforts que nous réalisons depuis longtemps en vue de rapprocher les peuples de part et d’autre de la Méditerranée.
L’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne met en contact des représentants des peuples vivant de part et d’autre de la Méditerranée. Nous espérons qu’elle parviendra à apaiser davantage la situation et à améliorer la compréhension mutuelle.
L’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne a donné au processus de Barcelone une nouvelle dimension - et c’était urgent de le faire - et elle a notamment accru sa légitimité. Des comités de travail appropriés ont été mis à pied d’œuvre dès le stade préparatoire du sommet de Barcelone en novembre 2005.
La commission politique, de sécurité et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne a débattu sereinement et en détail de la question des caricatures lors de sa réunion qui s’est tenue le six de ce mois et elle a également souligné la nécessité d’intensifier le dialogue. Je suis convaincu que la session plénière prévue les 26 et 27 mars pourra également fournir une réponse adéquate aux questions qui ont été soulevées. La présidence autrichienne suivra et soutiendra les diverses initiatives qui seront prises à cet égard.
Pas plus tard qu’aujourd’hui, lors de la réunion du comité des principaux responsables du processus de Barcelone - le comité Euromed -, l’intitulé d’un séminaire prévu à Vienne a été modifié à la demande de nos partenaires méditerranéens dans le but d’accéder à leur souhait de respecter les sentiments religieux.
J’ai la conviction que la communication entre les comités Euromed traditionnels et l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne peut encore être améliorée. J’espère que nous parviendrons, avec un peu d’imagination, à réaliser d’autres progrès à cet égard sous la présidence autrichienne, et ce dans l’intérêt de tous les comités Euromed ainsi que dans celui du partenariat dans son ensemble.
D’autre part - et plus particulièrement à la lumière des événements actuels -, une coopération accrue pourrait être initiée avec l’OSCE, par exemple, ou même avec l’Alliance des civilisations, qui représente - nous le savons - une initiative créée sous les auspices des Nations unies. L’Autriche souhaite rester impliquée dans ce contexte plus vaste et elle a déjà proposé au groupe de haut niveau de l’Alliance des civilisations d’organiser sa troisième réunion à Vienne à la fin du mois de mai.
Benita Ferrero-Waldner, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, nous sommes ici pour parler du processus de Barcelone et des préparatifs de la prochaine rencontre de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne.
Permettez-moi juste d’évoquer brièvement les récents événements survenus dans les territoires palestiniens, car le délai imparti aujourd’hui aux interventions sur le Gymnich était très court et seuls deux commissaires étaient présents. J’ai cédé ma place au commissaire Rehn pour le débat sur les Balkans occidentaux et maintenant, si vous me le permettez, je vais dire quelques mots sur les événements d’hier. Il ne s’agit pas seulement d’actualité, car ces événements affectent également le fondement du partenariat euro-méditerranéen, notre objectif commun visant à garantir une région de paix, de stabilité, de prospérité et de perspectives. Je ne vois pas en quoi les actions d’hier ont contribué à ces objectifs.
L’assaut israélien contre la prison de Jéricho et le traitement réservé par Israël aux gardiens de prison et aux détenus sont inacceptables et doivent être condamnés. Je déplore également la violence, les enlèvements et les attaques des bureaux de la Commission et d’autres bureaux des États membres à Gaza et en Cisjordanie.
Les premières victimes de cette rupture de l’ordre public sont les Palestiniens eux-mêmes. Dans les circonstances actuelles, au vu des échéances politiques capitales en Israël et dans les territoires palestiniens, il est plus important que jamais que les deux parties fassent preuve de retenue et de responsabilité. Les assauts tels que ceux qui se sont produits hier et les déclarations provocantes n’améliorent en rien les perspectives. Par ailleurs, l’Autorité palestinienne doit mettre un terme à la violence et à l’insécurité. Hier soir, j’ai eu une discussion intéressante - vous aussi Monsieur le Président, j’en suis sûre - avec le président Abbas, avant qu’il ne retourne là-bas au vu de la recrudescence de la violence et des affrontements. Il effectue l’une des tâches les plus difficiles au monde à l’heure actuelle, et les événements d’hier ne l’y aident pas. La solution qu’il trouvera pour composer un nouveau gouvernement de l’Autorité palestinienne affectera les perspectives de paix au Moyen-Orient et aura des répercussions sur nous tous.
L’Union européenne est un partenaire fiable des Palestiniens. Aucun donateur ne les aide autant que nous. J’ai répété une nouvelle fois au président Abbas que nous voulons maintenir notre soutien en faveur d’un avenir meilleur, pacifique et prospère, mais que nous respectons strictement nos principes et laissons la porte ouverte à une évolution positive. Toute assistance future à un nouveau gouvernement de l’Autorité palestinienne sera décidée en fonction de sa position par rapport aux principes clés que sont l’arrêt des actes de violence, la reconnaissance d’Israël et le respect des accords existants, dont la feuille de route. Ceux avec qui le président Abbas négocie doivent savoir et comprendre que leurs décisions concernant leurs problèmes auront d’importantes répercussions.
Permettez-moi à présent d’évoquer brièvement le partenariat euro-méditerranéen. Le sommet de Barcelone en novembre dernier a permis d’engranger des résultats remarquables pour l’avenir. Le programme de travail quinquennal convenu lors du sommet et le code de conduite dans la lutte contre le terrorisme forment un programme très ambitieux qui rendra le partenariat plus tangible, plus pertinent politiquement et plus opérationnel.
Pour donner une suite au sommet, nous devons veiller à ce que tous les partenaires apportent une contribution constructive et efficace pour atteindre les objectifs convenus en commun en matière de réforme politique et économique, de croissance et de création d’emplois, de droits de l’homme et d’égalité des sexes, d’enseignement et de gestion de l’immigration, de stabilité régionale et de lutte contre le terrorisme.
La Commission a déjà entamé ses travaux de mise en œuvre de ce programme quinquennal. Des initiatives ont été prises avec les présidences du Conseil actuelle et prochaine, ainsi qu’avec les partenaires méditerranéens, afin de s’assurer que ces efforts communs soient menés à bien. Nous avons réservé le financement qui s’impose pour l’assistance, tiré de MEDA et du futur Instrument européen de voisinage et de partenariat, ainsi qu’une facilité importante visant à encourager les avancées dans la réforme de la gestion des affaires publiques, que nous appelons la facilité de financement consacrée à la gestion des affaires publiques.
À partir de cette année, plusieurs actions nouvelles et novatrices seront menées. Les préparatifs de la première rencontre ministérielle euro-méditerranéenne sur l’égalité des sexes sont bel et bien en cours. Celle-ci se tiendra à la fin de l’année.
Deux conférences sous-régionales, l’une au Maghreb, l’autre au Machrek, ouvriront la voie aux représentants de gouvernement et de la société civile afin qu’ils puissent examiner l’importance de l’égalité des sexes pour le développement économique et social et proposer des mesures concrètes pour améliorer l’accès des femmes à l’emploi et à la fonction publique.
Lors du sommet de Barcelone, les partenaires euro-méditerranéens ont souligné l’importance de l’immigration, de l’intégration sociale, de la justice et de la sécurité comme sujets d’intérêt commun dans le partenariat, qu’il convient d’aborder au moyen d’une approche vaste et équilibrée. Les préparatifs d’une rencontre ministérielle ont commencé. Cette rencontre abordera tous les aspects, de l’immigration clandestine à la traite des êtres humains.
Cette initiative régionale est complétée par nos programmes bilatéraux, qui visent à renforcer les capacités institutionnelles, à gérer l’immigration légale, à améliorer les contrôles frontaliers et à lutter contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains.
M. Winkler a déjà mentionné la rencontre des ministres du commerce, à laquelle assistera le commissaire Mandelson et où sera promu l’objectif d’une zone de libre-échange européenne.
Nous espérons également des progrès similaires dans le commerce «Sud-Sud» - le «processus d’Agadir». La crise dite des caricatures a également démontré combien il est dangereux de laisser couver les préjugés, la désinformation et les malentendus. Nous déplorons l’offense occasionnée par ces caricatures envers les musulmans du monde entier, mais nous condamnons aussi fermement tous les actes de violence et toutes les menaces à l’encontre de personnes ou de propriétés de l’Union européenne et d’autres pays. Il importe de soutenir le dialogue interculturel à tous les niveaux. Je suis ravie que l’on se soit clairement exprimé en ce sens à Salzbourg. Nous sommes convaincus que le processus de Barcelone offre le cadre nécessaire à cet égard et que la structure est déjà en place: il existe la Fondation Anna Lindh et 35 autres structures au sein de tout un réseau.
Nous devons tendre la main à la société civile et aux médias, et toutes les conférences prévues par la présidence autrichienne sur le sujet sont les bienvenues.
À cet égard, je suis extrêmement ravie de l’initiative d’échange de vues sur ce sujet au cours de la prochaine Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne. Après celle-ci, je me rendrai au sommet de la Ligue arabe à Khartoum, car il importe grandement que nous profitions à présent de toutes les occasions pour parler vraiment avec nos amis et collègues arabes.
À ce moment crucial, notre message doit être clair: c’est par un dialogue énergique, mais pacifique, dans le respect plein et entier de la liberté d’expression, que nous pourrons améliorer la compréhension et instaurer le respect. En effet, c’est là l’essence même du processus de Barcelone. C’est pourquoi ce que nous voulons, c’est renforcer l’espoir de voir la situation évoluer. Ensemble, nous voulons atteindre les objectifs de sécurité, de stabilité et de prospérité.
(Applaudissements)
Edward McMillan-Scott, au nom du groupe PPE-DE. - (EN) Monsieur le Président, c’est un immense plaisir de vous voir à la présidence au début de ce débat sur l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, que vous vous efforcez tant de promouvoir et de renforcer. Parmi les collègues ici dans cette Assemblée, les pionniers de la politique euro-méditerranéenne sont très nombreux à gauche, mais pas si nombreux au centre-droit, à l’exception remarquée de M. Busuttil, M. Kasoulides et Mme Saïfi, mais d’autres pourraient les rejoindre.
Comme il a été indiqué précédemment aujourd’hui, Mme De Keyser et moi avons eu l’honneur de rencontrer le président palestinien hier soir. Nous déplorons profondément les circonstances qui l’ont contraint de retourner chez lui. Je pense qu’il est ironique et tragique que les deux pays qui parlent le plus de promouvoir la démocratie au Moyen-Orient - le Royaume-Uni et les États-Unis - soient ceux-là mêmes qui ont quitté leur poste à Jéricho hier. Les gouvernements de ces pays auraient dû renforcer leurs garnisons et non les retirer.
Il conviendrait, lors de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, que l’on nous dise, notamment que le Conseil nous dise, qui est responsable des décisions, qui les a prises, quand et pourquoi. J’espère que le Conseil fera une déclaration lors de cette rencontre, avec la collaboration de la Commission.
Les travaux de l’Euromed sont essentiellement fondés sur ses commissions. Nous sommes profondément reconnaissants pour les travaux qui y sont menés et pour l’occasion unique au monde qu’offre l’Assemblée aux Palestiniens et aux Israéliens de collaborer. Il s’agit d’une rencontre inhabituelle, qui a lieu à la veille des élections israéliennes et à la suite des élections palestiniennes du 25 janvier. Il se pourrait que les représentants des deux parties ne soient pas présents, mais on ne les oublie pas pour autant. Ils se trouvent vraiment au centre de nos préoccupations. Je pense que cette rencontre - la dernière sous votre présidence au Parlement européen - sera une formidable occasion pour la Commission, le Conseil et le Parlement de souligner notre engagement à concrétiser la dimension parlementaire de la Méditerranée.
J’espère que mon travail au sein de ma sous-commission donnera l’occasion au Parlement européen de devenir le centre opérationnel et organisationnel de l’Assemblée euro-méditerranéenne. Voilà mon intention.
(Applaudissements)
Pasqualina Napoletano, au nom du groupe PSE. - (IT) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs, les événements dramatiques de ces dernières heures en Palestine nous obligent à nous prononcer sur la situation et, comme vous l’avez déclaré, Madame la Commissaire, à aller au cœur même du partenariat euro-méditerranéen.
Je tiens à déclarer aux autorités israéliennes qu’une campagne électorale, quelle que soit son importance, ne peut autoriser une altération des cadres légaux existants. Un de ces cadres - le plus important d’ailleurs - concerne le rôle du président Abou Mazen, qui a été terni et à qui toute autorité a été retirée par l’attaque irresponsable de la prison de Jéricho et par la capture de prisonniers dont la détention incombait à l’Autorité palestinienne. Je souhaiterais entendre l’avis du Conseil à propos du comportement des forces britanniques et américaines présentes dans la région.
Nous adressons notre soutien moral et politique au président de l’Autorité palestinienne, qui aurait dû être parmi nous aujourd’hui. Nous savons qu’il est dans une position très difficile, en particulier après le résultat des élections législatives en Palestine. Comme vous l’avez déclaré, Madame la Commissaire, l’Europe doit rappeler aux autorités israéliennes qu’elles doivent respecter la loi et leurs partenaires légitimes, à l’instar de ce que nous exigeons de la part du Hamas lui-même. Braver le cadre juridique équivaut à ouvrir la porte aux types de représailles et de violence que nous connaissons et que nous devons essayer d’enrayer. À ce propos, nous sommes soulagés d’apprendre la libération des otages.
La crise en Iran représente un autre chapitre malencontreux. À cet égard, je me réjouis des propos tenus par M. Straw et j’espère qu’il s’y tiendra en tous points. Il a déclaré qu’il n’y avait pas d’option militaire. Il a rendu explicite une position que l’ensemble de l’Europe devrait adopter et à laquelle le groupe socialiste au Parlement européen adhère totalement, car c’est également notre position. L’arrêt des négociations conduirait au même désastre que celui que nous connaissons en Irak.
Cela ne nous affaiblit pas; au contraire, cela permet un dialogue étroit et rassure les Iraniens et les Syriens, qui se sentent menacés. Apaisons les tensions et évitons de créer des alliances indésirables, forgées au nom de la lutte contre l’Occident. Maintenons l’unité de la communauté internationale en faisant pression sur l’Iran pour que ce pays respecte les obligations qui lui incombent en vertu du traité de non-prolifération afin de désarmer le Moyen-Orient ainsi que l’ensemble de la Méditerranée.
Espérons que, pendant cette période extrêmement sensible, l’Europe parvienne à s’exprimer d’une seule voix, d’une façon autonome et efficace, et que l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne puisse devenir le forum idéal pour la discussion de ces problèmes.
Hélène Flautre, au nom du groupe Verts/ALE. - Monsieur le Président, je souhaite moi aussi condamner l’attaque lancée hier par les forces de Tsahal contre la prison de Jéricho. De telles actions ne peuvent qu’inciter à la radicalisation de la politique du Hamas et, par là même, à la complication des relations, déjà bien tendues, dans cette région.
À la lumière des violations du droit international et des droits de l’homme et eu égard aux enjeux démocratiques dans cette région, il faut déplorer que les déclarations et engagements qui ont résulté du Sommet de Barcelone n’aient pas été accompagnés d’un engagement plus fort et plus concret en matière de promotion des droits de l’homme et de la démocratie.
La liberté d’expression est un droit universel, à la fois vital et essentiel au développement de toute démocratie et l’Union européenne ne devrait pas, à ce titre, ménager ses efforts pour sa défense et sa promotion.
Il ne s’agit pas seulement des suites de la publication des caricatures. En Algérie, ceux qui attaquent le Président se voient intenter des procès pour diffamation et condamnés à des peines d’emprisonnement ou à des amendes. C’est le cas d’Ali Dilem, du correspondant du Sud-Ouest d’Alger, Bachir El Arabi et d’Hakim Laâlam, le chroniqueur du Soir d’Algérie.
Mohamed Benchicou, le directeur du Matin, est incarcéré à la prison d’El-Harrach, depuis le 14 juin 2004. Malgré son état de santé qui ne cesse de se détériorer, les autorités refusent de le soigner. Près d’une cinquantaine de plaintes pour délits de presse ont été jugées ou sont instruites contre lui. Il s’agit là d’un prisonnier d’opinion et non pas d’un prisonnier de droit commun, comme l’affirment certains!
En Tunisie, dont la délégation présidera prochainement l’APEM, maître Abbou, avocat et défenseur des droits de l’homme, est incarcéré depuis plus d’un an, à la suite de la publication de deux articles critiques. Il s’était déjà cousu la bouche afin de marquer son désaccord sur son emprisonnement et ses conditions de détention. Il envisage maintenant d’entamer une grève de la faim.
Au Maroc, Aboubakr Jamai et Fahd Iraki, du journal L’Hebdomadaire, ont été condamnés à verser l’équivalent de 143 années de salaire minimum marocain. L’édition du 2 février 2006 du quotidien espagnol El Mundo a été interdite de diffusion à cause d’un article écrit par Ali Lmrabet. Les journalistes de l’hebdomadaire TelQuel ont également été condamnés pour diffamation.
J’en termine en lançant un appel pour que les droits de l’homme et la démocratie soient davantage pris en considération dans les discussions au sein de l’APEM, comme nous y invite le Prix Sakharov 2005, Reporters sans frontières.
Luisa Morgantini, au nom du groupe GUE/NGL. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, au poste de contrôle de Karni à Gaza, un homme prénommé Ayman m’a déclaré «Allez au diable avec votre argent»; ce n’est pas qu’il refusait notre aide et qu’il n’était pas reconnaissant, mais il voulait dire que lui et son peuple en avaient assez et qu’ils voulaient la liberté et la dignité - pas seulement une aide humanitaire. En même temps, nous-mêmes nous ne pouvons avoir la conscience tranquille au simple motif que nous continuons à apporter une aide; ce que nous devons faire, c’est continuer à aider les Palestiniens.
Les actions d’hier, à l’instar de beaucoup d’autres, étaient illégales, cyniques et inhumaines. Illégales, parce qu’elles étaient illégales, mais cyniques, parce qu’elles avaient une visée électorale. C’est un exemple éloquent de vengeance et de colonialisme brutal. J’estime qu’il est temps qu’Israël comprenne que son existence même, son amour pour la démocratie ne peuvent exister que si Israël respecte les autres peuples. Ce n’est pas le cas et nous ne pouvons en être complices - en aucun cas.
La Commission et le Conseil l’ont déclaré très clairement ce matin. Notre Assemblée parlementaire joue un rôle très important, mais nous sommes confrontés à un problème, à savoir la participation de représentants palestiniens à l’Assemblée parlementaire. Nous devons absolument accepter la présence de toute personne recommandée par le Conseil législatif palestinien.
Il est regrettable que cela se passe à la veille des élections israéliennes, car cela signifie qu’une composante essentielle de l’Assemblée ne sera pas présente. Nous devons cependant nous assurer du bon fonctionnement de l’Assemblée, de sa bonne marche; c’est important, car si nous ne réglons pas la question palestinienne, la Palestine et Israël demeureront sans cesse au centre de nos discussions. Nous ne parviendrons pas non plus à résoudre les problèmes que la Commission et le Conseil ont très clairement mis en évidence, à savoir l’établissement d’une zone méditerranéenne réellement coopérative.
Paul Marie Coûteaux, au nom du groupe IND/DEM. - Monsieur le Président, je profite de ce débat pour féliciter le bureau de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne pour le communiqué publié à propos des fameuses caricatures. La figure de Mahomet est ce qu’on pourrait appeler le point de communion d’un islam, lequel est, par ailleurs, plus fragile et plus divers, plus divisé même qu’on ne le croit. Viser cette figure, c’était viser au cœur. On ne pouvait pas ne pas le savoir, de même qu’on ne pouvait pas ne pas penser aux conséquences de ce que l’on faisait, c’est-à-dire attiser le conflit entre civilisations. On ne sait au juste au service de quels desseins: qui a intérêt à attiser ces conflits? Je voudrais poser la question. Certainement pas nous, Européens, certainement pas la France en tout cas, qui est la première puissance riveraine de la Méditerranée et dont le rayonnement dépend d’un strict équilibre entre sa politique continentale européenne, d’un côté, et sa politique méditerranéenne et africaine, de l’autre.
Certes, cette affirmation ne va pas sans une double inquiétude: d’une part, L’APEM et l’Euromed sont encore de bien trop frêles esquifs jetés à la mer. Frêles non seulement en termes de moyens, mais frêles surtout quant à leur inspiration intellectuelle car ils me semblent s’empêtrer eux-mêmes dans une conception très eurocentriste de la démocratie et des droits de l’homme - on vient d’en avoir encore une illustration -, qui non seulement a des relents coloniaux, mais, en plus, empêche - on l’a vu aussi à Barcelone en décembre - de traiter l’essentiel, c’est-à-dire la coopération économique, financière, commerciale et la gestion des flux migratoires. Je parlerais, d’ailleurs, pour ma part, contrairement à ce qu’a avancé la Commission tout à l’heure, de coopération, bien plus que de zone de libre-échange, qui me paraît une formule bien dangereuse.
La seconde inquiétude, c’est que le thème des civilisations est une vieille évidence, que nous connaissons pour notre part depuis Charles Martel: nous n’avons pas attendu des penseurs américains pour nous la rappeler. Il faut être sottement bercé des illusions du mondialisme pour s’étonner, tout à coup, que les civilisations ne soient pas interchangeables et les hommes encore moins et que la cohabitation entre les unes et les autres n’aille pas de soi. Ce genre d’évidence à la Huntington a pour but, évidemment, de faire passer un autre message, à savoir que nous sommes tous embarqués dans ce qui serait un «Occident» − entre d’innombrables guillemets…−, dont la capitale serait nécessairement Washington, les Européens n’ayant plus qu’à suivre les errements guerriers des États-Unis. Ce thème même de l’Occident est, nous le savons, une imposture idéologique. C’est bien parce que les civilisations s’entrechoquent sans fin qu’il y faut une politique, qu’il faut de la politique, qu’il faut une volonté de vivre collective, en somme comme l’APEM et l’Euromed en offrent le cadre. Commençons donc par les renforcer car ils me semblent de plus en plus fragiles à mesure qu’ils sont, d’année en année, plus nécessaires.
Simon Busuttil (PPE-DE). - (MT) Il est regrettable de constater qu’à peine on fait un pas dans le processus de Barcelone, il se produit au Moyen-Orient un événement qui nous ramène en arrière. Je ne souhaite cependant pas m’écarter du thème du jour et je m’exprimerai en qualité de membre de la commission économique de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne. Je demande à la Commission mais aussi au Conseil d’analyser une étude réalisée par l’université de Manchester et qui s’intitule «Étude de l’évaluation de l’impact durable de la zone Euromed de libre-échange». La commission économique de l’Assemblée parlementaire a entamé l’examen de cette étude et celle-ci donne une image préoccupante de l’impact de la politique de l’Union européenne sur la création d’une zone de libre-échange en Méditerranée. Elle prévoit un impact plutôt négatif sur nos pays partenaires de la Méditerranée alors que ceux-ci devraient tirer profit du processus de Barcelone et ne pas être perdants. Parmi les effets négatifs, l’étude signale que le taux de chômage pourrait augmenter dans ces pays et que le niveau des salaires pourrait diminuer et elle prévoit un impact considérable sur les ressources telles que l’eau et la biodiversité ainsi que d’autres impacts environnementaux. Le rapport ne nous demande évidemment pas d’arrêter ou de démanteler le projet de création d’une zone de libre-échange, mais il nous demande de prendre ces effets négatifs au sérieux et d’adopter des mesures préventives avant qu’il ne soit trop tard. Je demande donc tant à la Commission qu’au Conseil de nous dire ce qu’ils pensent de cette étude et quelles mesures ils entendent prendre pour aborder les impacts négatifs susceptibles d’être causés par la création d’une zone de libre-échange en Méditerranée. Il est, par exemple, indiscutable que la politique de l’Union européenne envers ces pays devrait compenser l’aspect commercial par une coopération plus intense dans les secteurs financier et social ainsi que dans les domaines de l’éducation et de l’environnement. En conclusion, je demande à la Commission mais aussi au Conseil de participer plus activement à l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne et de répondre aux questions posées par les députés.
Carlos Carnero González (PSE). - (ES) Monsieur le Président, permettez-moi, en premier lieu, de vous remercier pour votre présence et de vous féliciter d’avoir dirigé avec autant de brio les travaux de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne pendant les six mois au cours desquels il incombait au Parlement de diriger les travaux.
Nous devons être capables de reconnaître les choses que nous faisons bien et celles que nous faisons mal. Dans le cas présent, reconnaissons les choses que nous faisons bien. Le processus euro-méditerranéen est une réussite, comme l’a été le sommet de Barcelone de novembre dernier. C’est un processus vivant et évolutif.
Examinons la situation si le processus euro-méditerranéen n’avait pas existé à la lumière des événements auxquels nous avons assisté par rapport à la crise des caricatures et à ce qui s’est passé hier à Jéricho par exemple. Le problème aurait été énorme: comment établir le dialogue, comment chercher des méthodes de coopération en vue de régler les problèmes?
Le programme d’action adopté à Barcelone contient quelques points extrêmement importants - certains ont été mentionnés. Permettez-moi de citer un point qui est pour moi essentiel: d’accord pour la zone de libre-échange, mais il faut qu’elle s’accompagne d’une cohésion économique et sociale. C’est là une chose que nous connaissons bien en Europe et ce sera la clé du succès du premier objectif.
Un autre problème qui a été abordé concerne le code de conduite sur la lutte contre le terrorisme. Dans pareil domaine, un tel code de conduite aurait été inimaginable il y a quelques années à peine. Aujourd’hui, c’est une réalité.
D’autre part, le sommet de Barcelone a accepté l’initiative hispano-turque commune sur l’Alliance des civilisations; cela ne signifie pas que l’on accepte un relativisme culturel, mais que l’on guide les cultures dans la même direction: la défense de la démocratie, la liberté, les droits de l’homme et l’égalité entre les êtres humains.
Dans ce contexte, l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne nous offre un important forum pour organiser un débat politique. Il y a, selon moi, quatre choses à faire en prévision de la réunion des 26 et 27: accélérer le processus décisionnel, recentrer les débats autour des rapporteurs par commission, garantir la présence et la participation de la Commission et du Conseil, comme l’a demandé ce matin le président Borrell à l’ouverture de la séance, si les événements l’exigent, et enfin impliquer la société civile.
C’est ainsi que nous irons dans la bonne voie.
David Hammerstein Mintz (Verts/ALE). - (ES) Monsieur le Président, je voudrais consacrer la petite minute dont je dispose pour faire une proposition très spécifique.
Il est évident que je partage en tous points les avis qui ont été exprimés par rapport aux événements de Jéricho.
D’un point de vue politique, vu la spirale de violence et à la suite du conflit sur les caricatures de Mohammed, il est plus que jamais nécessaire de chercher à obtenir une coexistence pacifique dans la région méditerranéenne.
Dans le cadre du comité de l’APEM chargé des affaires culturelles, nous avons proposé la création d’un comité de contact culturel composé d’experts respectés, capables de dialoguer, en vue de répondre aux conflits culturels et religieux, d’intervenir en qualité de médiateur, de clarifier et de désamorcer les tensions culturelles et religieuses de part et d’autre de la Méditerranée.
La Fondation Anna Lindh, qui a son siège à Alexandrie, est dans une position idéale pour organiser ce comité d’experts, qui pourrait agir de manière préventive en cas de conflits similaires dans le but de clarifier les malentendus entre cultures, de dissiper tous les doutes sur ce qui s’est passé.
Je pense que nous pourrons ainsi, lors de la réunion du 26, faire un pas sur la voie de la tolérance que nous voulons voir s’établir dans la région méditerranéenne.
Tokia Saïfi (PPE-DE). - Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Madame le Commissaire, force est de constater que les travaux du Sommet de Barcelone n’ont pas été à la hauteur des attentes face aux énormes enjeux. Il nous faut donc nous tourner vers l’avenir avec plus de détermination et obtenir maintenant des résultats.
Au regard des derniers événements, l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne est le lieu idéal pour renforcer notre partenariat, basé sur le dialogue, l’échange et la compréhension mutuelle. Plus que jamais, l’APEM doit être confortée et soutenue dans son action. Établir la paix, garantir la sécurité sont des objectifs qui doivent, plus que jamais, figurer au centre de nos décisions et s’accompagner d’actes concrets.
Il y a urgence face à une situation locale difficile et à un contexte régional de plus en plus incertain. Aujourd’hui, je considère que l’Union européenne a une lourde responsabilité et, disant cela, je m’exprime en tant que présidente de la commission politique de l’APEM qui, entourée d’un vice-président palestinien et d’un vice-président israélien, souhaite placer au cœur de nos travaux la résolution du conflit au Proche-Orient. L’Union doit, en effet, s’exprimer d’une seule voix et condamner la perversité d’actes qui relancent l’escalade de la violence et sapent un processus de paix déjà fragile.
Il est regrettable que le Président palestinien, M. Mahmoud Abbas, n’ait pu s’exprimer devant notre Assemblée, suite aux événements qui se sont déroulés à Jéricho, et je voudrais, ici, exprimer mon inquiétude face à cette situation.
Madame le Commissaire européen, nous vous avons écoutée. Nous vous donnons acte de vos convictions et de votre volonté. Nous sommes, à l’APEM et avec le Président Borrell, déterminés à avancer. Je crois qu’il est temps de ne plus décevoir les peuples.
Véronique De Keyser (PSE). - Monsieur le Président, Madame la Commissaire, les événements de Jéricho, qui nous ont privés de la rencontre avec Mahmoud Abbas, ne sont pas un simple fait divers. Ils ont une signification politique. Le premier visé est certainement Mahmoud Abbas, car à peine avait-il quitté son pays que l’assaut contre la prison était lancé par les forces israéliennes.
Mais il n’est pas le seul. On n’a pas dit qu’Ahmed Saadate était un membre du Conseil législatif palestinien nouvellement élu. On n’a pas dit et on n’a pas souligné que le Hamas, qui avait fait quelques pas timides vers la reconnaissance de l’État d’Israël en ses frontières de 1967, ne pouvait pas, après les images humiliantes de ces prisonniers à moitié nus, attachés, les yeux bandés, avancer encore dans la reconnaissance d’Israël.
Le camouflet a aussi été pour nous, Européens. Nous attendions Mahmoud Abbas: il n’est pas venu. C’est toute notre politique vis-à-vis de la Palestine qui est en jeu. Et aujourd’hui, face à nos bureaux saccagés et au kidnapping de nos ressortissants, des députés dans cette enceinte me disent: on ne va pas, nous, les principaux donateurs, continuer à financer la Palestine! Quels ingrats! C’est cela l’effet de Jéricho.
Je voudrais dire aux collègues qui hésitent à soutenir la Palestine qu’il n’y a pas un Palestinien aujourd’hui qui ne troquerait l’argent que nous donnons à la Palestine contre une position politique claire de l’Union européenne sur les événements actuels. Car pouvons-nous taire aujourd’hui qu’Israël a choisi une voie unilatérale et sécuritaire, qui n’a plus rien à voir avec la feuille de route. Le plan Olmert est unilatéral, comme l’était le désengagement - applaudi d’ailleurs - de Gaza, comme l’est l’annexion de la rive du Jourdain et la mainmise sur Jérusalem-Est. Telle est la réalité de la Palestine: une interminable occupation, un mur condamné par La Haye, mais qui est toujours debout. Et tout l’argent que nous donnons à la Palestine pour l’aider à survivre ne lui permet pas d’échapper à cette réalité. En d’autres termes, la paix marche aujourd’hui à reculons.
En conclusion, Madame la Commissaire, s’il faut un plan B pour aider la Palestine, il faut aussi et surtout que l’Europe prenne une position politique courageuse et claire. Comment voulez-vous, sinon, que les Palestiniens aient encore de l’espoir et qu’ils nous croient, quand nous parlons de la feuille de route?
Ioannis Kasoulides (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, les événements de Jéricho ont fait l’objet de longs débats entre nos collègues, ce matin et plus tard, mais la commission de la qualité de la vie, des échanges entre sociétés civiles et de la culture abordera certainement la question des caricatures.
Nous devons condamner sans équivoque le contenu des caricatures. Le respect des valeurs et de l’identité religieuses d’autrui, notamment de nos compatriotes européens musulmans, est une valeur européenne et il faut être stupide pour ne pas le comprendre. Toutefois, en Europe, nous sommes tenus de défendre le droit des personnes stupides de s’exprimer librement, et nos partenaires arabes doivent le comprendre.
Concernant l’immigration, je salue les nouvelles initiatives de la Commission et les récentes décisions du Conseil de gérer les flux migratoires et de ne pas se limiter à l’immigration clandestine. Les politiques telles que l’accueil bien anticipé et organisé des immigrants légaux nécessaires sur les marchés intérieurs, la garantie de la mobilité des cerveaux par opposition à la fuite des cerveaux, la facilitation des transferts, l’intégration sociale des immigrants, une politique d’asile commune et autres intéresseront davantage nos partenaires méditerranéens.
Il est vrai que certains de ces pays sont passés du statut de pays d’origine à celui de pays de transit ou de destination. C’est pourquoi nous devons collaborer, en partageant les moyens techniques, notre expertise et les responsabilités, afin de lutter contre la traite des êtres humains et l’immigration clandestine.
PRÉSIDENCE DE M. McMILLAN-SCOTT Vice-président
Béatrice Patrie (PSE). - Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Monsieur le Ministre, chers collègues, en tant que présidente de la délégation parlementaire européenne pour les relations avec les pays du Machrek, je m’associe, bien entendu, à ce qui vient d’être dit sur les récents événements en Palestine et, en particulier, à la condamnation de l’action contre la prison de Jéricho, qui ne va certainement pas dans le sens de la paix et de la démocratie.
Je voudrais évoquer, justement, une question qui contribue au dialogue entre les civilisations et qui a fait l’objet d’un groupe de travail de l’Assemblée parlementaire euroméditerranéenne, à savoir la question de la Fondation Anna Lindh. Cette institution rencontre déjà une série de difficultés structurelles. Nombre d’États partenaires n’ont pas encore structuré leur réseau national et des retards sont enregistrés dans le versement des contributions. La plus grande incertitude pèse sur la pérennité de son financement après 2008.
C’est pourquoi il y a urgence à remédier aux difficultés évoquées, en assurant la pérennité financière de la Fondation Anna Lindh, en assurant la visibilité des actions menées par cette Fondation et de leurs priorités, en assouplissant les règles européennes de financement des projets, en créant un média télévisuel européen de langue arabe, en assurant une place égale aux trois langues de travail de cette structure dans la communication de la Fondation.
En conclusion, l’Assemblée parlementaire euroméditerranéenne, mais aussi le Conseil, et la Commission européenne, doivent se saisir sérieusement de cette question.
Jamila Madeira (PSE). - (PT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, à la suite des événements tragiques qui sont survenus récemment, les conclusions très claires de notre dernière réunion de novembre sont devenues particulièrement pertinentes. La prospérité économique et le progrès social ne sont pas accessibles à tous, de sorte que la violence se manifeste d’une façon très visible.
Nous savons déjà que ceux qui se voient refuser les soins médicaux et le droit d’acquérir des connaissances qualitatives et quantitatives ont tendance à être nos partenaires en Méditerranée méridionale; c’est particulièrement vrai pour les groupes les moins privilégiés de la société, c’est-à-dire les femmes et les pauvres.
Le scénario à venir nous préoccupe. C’est notamment le cas si nous évaluons l’impact sur la durabilité de la zone euro-méditerranéenne de libre-échange que nous voudrions voir fonctionner, comme la commissaire l’a souligné, pour 2010. Dans ce cas, les données montrent qu’en ce qui concerne la diminution de la pauvreté, les gains immédiats sont considérablement moindres quoique d’autres avantages puissent résulter des profonds changements qui auront lieu dans les économies de nos partenaires méditerranéens. Dans les domaines de la santé et de l’éducation, il y a peu de chance que des progrès se manifestent à court terme. C’est pourquoi, si rien ne contient ces effets, il est probable que la santé et l’éducation seront affectés.
En ce qui concerne les droits de l’homme, nous devons absolument nous pencher sur l’absence quasi totale d’un concept directeur au sein de l’UE et des institutions euro-méditerranéennes à propos des droits économiques et sociaux et du rôle qu’ils jouent dans le processus de Barcelone.
J’estime en particulier que dans le cadre actuel - ou plutôt dans tous les cadres, en fait -, c’est là une question capitale à laquelle le programme MEDA devrait accorder l’importance qu’elle mérite.
Nos priorités les plus urgentes dans ce partenariat doivent être l’accroissement du dialogue social, la lutte contre le travail des enfants, la coopération en vue de combattre la discrimination en matière de sécurité sociale, le dialogue sur les réformes sociales et la promotion de l’égalité des chances entre hommes et femmes.
Dans le contexte actuel, ce problème devrait être mis en évidence dans le processus de Barcelone.
Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, je vous remercie tous d’avoir mentionné l’impact positif du partenariat euro-méditerranéen dans vos interventions. On pourrait bien sûr énumérer un grand nombre de problèmes à propos desquels de graves lacunes subsistent - et c’est ce que vient de faire Mme Madeira. Il n’y a donc pas lieu de nous reposer sur nos lauriers - ce qui n’est pas notre intention -, mais au contraire, nous devons nous fixer la tâche de poursuivre nos travaux dans les domaines cités par Mme Madeira, à savoir les soins médicaux, le dialogue social, la durabilité, l’égalité des genres, l’éducation et bien d’autres. Cela ne peut se faire du jour au lendemain. Nous nous fourvoierions en croyant que ce partenariat serait suffisant pour nous permettre d’apporter des changements en un bref laps de temps, mais nous devons y travailler et, comme l’a déclaré Mme la commissaire, nous disposons des instruments pour le faire.
Le problème des droits de l’homme a été évoqué à plusieurs reprises. C’est un problème qui me préoccupe personnellement et qui préoccupe aussi le Conseil dans son ensemble. J’ajouterai que, selon moi, le Conseil ou l’UE dans son ensemble ne peuvent être accusés de ne pas disposer d’une politique en matière de droits de l’homme cohérente et méthodique; j’estime que nous avons bel et bien une telle politique. Soit dit en passant, je pense que l’Agence des droits de l’homme, qui - je l’espère - sera bientôt créée et qui jouira de notre soutien, sera en mesure de contribuer à une approche méthodique de la question des droits de l’homme.
(EN) Monsieur le Président, je voudrais également remercier tous les parlementaires profondément engagés tels que vous, ceux de votre sous-commission, Mme De Keyser et d’autres, qui travaillent sans relâche et s’efforcent grandement d’améliorer la compréhension entre les peuples du partenariat euro-méditerranéen. Nous devons leur être reconnaissants et faire de notre mieux pour les soutenir et les aider, même si vous n’êtes pas entièrement d’accord avec l’une ou l’autre mesure du Conseil.
L’Iran a également été mentionné dans ce contexte. À ce propos, je voudrais juste dire que la politique du Conseil consiste évidemment à recourir à des moyens pacifiques - la négociation - pour obtenir des résultats.
M. Carnero González a dit quelque chose de très important, à savoir qu’il s’est passé lors du sommet de novembre une chose qui n’aurait pas été possible il y a quelques années. Un examen attentif de cette déclaration sur le terrorisme, ce code de conduite sur la lutte contre le terrorisme, révèle que ce code contient une bonne approche permettant d’aborder des questions difficiles et délicates - et la lutte contre le terrorisme avec tous les problèmes politiques que nous connaissons bien est évidemment une question très difficile. Cette approche nous permettra d’obtenir de nouveaux résultats et le Conseil partage cet objectif.
Je voudrais remercier tous les députés pour les idées et suggestions qu’ils ont émises et que nous serons évidemment heureux d’examiner et de reprendre.
Benita Ferrero-Waldner, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, je suis tout à fait d’accord quant à l’importance de la prochaine rencontre de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne. Elle est d’une importance capitale et je puis déjà confirmer que j’y assisterai. Cette fois, j’en ai la possibilité et je ne manquerai certainement pas de venir.
Votre proposition de résolution est excellente. Tous les thèmes importants s’y trouvent: liberté d’expression et respect des croyances religieuses, perspectives d’un véritable partenariat. C’est ce que nous voulons. Cela n’implique pas uniquement que nous soyons à la hauteur, mais aussi que nos partenaires se montrent à la hauteur. Ensemble, nous devons trouver le bon équilibre afin qu’ils puissent se développer de plus en plus. Il existe plusieurs points spécifiques que nous devons également soulever, dont un qui m’est très cher et est mentionné dans notre communication: l’enseignement. J’estime depuis toujours que l’enseignement nous permet de promouvoir la prochaine génération. Nous pouvons faire tout notre possible pour produire le déclic décisif.
En outre, je partage pleinement l’avis de M. Carnero González. Je pense que le sommet de Barcelone était une réussite. Toutefois, je ne suis pas d’avis que sa réussite n’était pas complète parce que seuls les chefs d’État étaient présents. Son contenu était de bon aloi. À présent, nous devons veiller à ce que ce contenu puisse être appliqué dans son intégralité dans le cadre de notre programme quinquennal. Je suis partisane de la libéralisation, mais je conviens qu’elle doit tenir compte de la cohésion et de la stabilité sociales, des droits sociaux, des questions énergétiques et, bien entendu, de l’enseignement.
Permettez-moi de dire rapidement que plusieurs études ont été menées. L’étude de Manchester est plutôt négative, mais d’autres sont bien plus positives. Comme je l’ai dit, ce que nous voulions créer avec le partenariat euro-méditerranéen, c’est exactement ça: un partenariat qui implique que les deux parties devront faire tout leur possible pour faire bouger les choses et un grand nombre de réformes sont encore nécessaires.
Ce que nous souhaitons grâce à l’intensification des échanges commerciaux, c’est également la création de plus d’emplois, ce qui implique plus d’emplois pour plus de jeunes. Nous voulons également tenter de créer des perspectives pour le marché de l’emploi et garantir un développement durable qui tienne compte des impératifs sociaux et environnementaux. La politique de voisinage est celle qui tente de compléter ce partenariat euro-méditerranéen. Si elle porte essentiellement sur les droits de l’homme, elle tente également de promouvoir tous les autres facteurs qui garantiront une meilleure vie à ces pays.
Enfin, tout ceci est malheureusement éclipsé par le conflit israélo-palestinien et, malheureusement, ce n’est pas le meilleur moment. On est à un moment très critique et crucial. Espérons que nous pourrons garantir un meilleur avenir, même dans cette phase critique.
Le Président. - Le débat est clos.
(Le séance, suspendue à 19h50, est reprise à 21 heures)
Déclaration écrite (article 142)
Ilda Figueiredo (GUE/NGL). - (PT) Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a été obligé de retourner précipitamment dans son pays et d’annuler le discours qu’il devait faire devant l’Assemblée en raison de la tournure extrêmement grave des événements.
L’UE doit adopter une position ferme par rapport aux attaques continues d’Israël contre la Palestine, et la destruction de la prison de Jéricho en constitue l’un des épisodes les plus graves et les plus humiliants. Israël a mené cette attaque alors qu’un accord a été récemment signé entre l’Autorité palestinienne et les États-Unis et la Grande-Bretagne sur la sécurité des prisonniers; et pourtant, rien n’a été fait pour l’arrêter.
On ne peut tolérer que la prédisposition de la Commission et du Conseil envers le gouvernement israélien et l’escalade des violences criminelles perpétrées contre la Palestine se poursuivent. Il faut que des mesures soient prises en vue d’empêcher Israël de continuer à agir d’une façon aussi abominable et de saper les droits les plus fondamentaux de la Palestine.
Lors de la prochaine réunion de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, il faut que le Parlement témoigne clairement de sa solidarité avec la Palestine et qu’il condamne les violences perpétrées par Israël et qui compromettent la paix au Moyen-Orient. Il convient de se conformer aux résolutions des Nations unies et de défendre la liberté du peuple palestinien.
PRÉSIDENCE DE M. MOSCOVICI Vice-président
13. 62e session de la Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (CDHNU, Genève) (débat)
Le Président. - L’ordre du jour appelle les déclarations du Conseil et de la Commission sur la 62ème session de la Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (CDHNU, Genève).
Hans Winkler, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, le thème que nous abordons maintenant, à cette heure relativement avancée, me tient également tout particulièrement à cœur. C’est la raison pour laquelle je souhaitais rester parmi vous pour ce débat, et je suis heureux de pouvoir y participer à vos côtés.
Vous n’êtes pas sans savoir qu’un sommet sur la réforme des Nations unies a eu lieu l’année passée à New York. Naturellement, les participants - les chefs d’État ou de gouvernement - ont été invités à évaluer cette réunion en termes de succès ou d’échec. Le président de la République autrichienne a déclaré qu’il considérait en effet cette réunion comme une réussite. Bien évidemment - comme toujours dans un environnement multilatéral -, nous avons pu faire accepter certaines choses, tandis que d’autres ont été rejetées. Néanmoins, en fin de compte, nous pouvons qualifier ce sommet de succès, en ce sens qu’un accord a été conclu, en substance, sur un certain nombre de points extrêmement importants, en particulier pour nous-mêmes, en tant qu’États membres de l’UE, ainsi que pour l’ensemble de l’Occident. Tous, nous défendons les droits de l’homme et les libertés fondamentales. La décision de principe adoptée en septembre dernier à New York en vue de l’établissement d’un Conseil des droits de l’homme, en remplacement de la Commission des droits de l’homme, justifie également une évaluation positive du sommet.
Naturellement, la décision de septembre dernier n’était qu’une décision de principe, et ce Conseil des droits de l’homme n’a vu le jour qu’au prix d’âpres négociations. Je pense qu’à ce stade, il convient d’adresser tout particulièrement nos remerciements au président de l’Assemblée générale des Nations unies, M. Eliasson, pour avoir travaillé sans relâche en vue de l’adoption, il y a quelques heures à New York, d’une décision concernant ce Conseil. Les résultats du vote sont impressionnants: 170 voix pour, 4 voix contre et trois abstentions. Les votes négatifs proviennent des États-Unis, d’Israël, de Palau et des Îles Marshall, tandis que les abstentions sont le fait du Venezuela, de l’Iran et de la Biélorussie.
Mesdames et Messieurs, 170 votes au sein des Nations unies: n’est-ce pas là une victoire éclatante? L’UE a présenté un front uni à l’Assemblée générale de l’ONU grâce à sa position commune. Nous pouvons en être fiers. Nous pouvons nous féliciter, et féliciter la communauté internationale, pour ce succès.
La mise en place d’un Conseil des droits de l’homme est une avancée importante - je dirais même historique - sur la voie d’un renforcement accru du système des droits de l’homme mis en œuvre par les Nations unies et de la protection de ces droits dans le monde entier.
Il est clair que les résultats obtenus concernant plusieurs points ont déçu même l’UE. Nous aurions voulu que l’un ou l’autre sujet connaisse une issue différente, mais, en définitive, il est nécessaire d’accepter des compromis dans un cadre multilatéral. La question à se poser est de savoir si l’issue qui s’est finalement révélée possible demeure fondamentalement conforme à ce que nous souhaitions réellement. Pour ce qui est du Conseil des droits de l’homme sous sa forme actuelle, la réponse est assurément positive. Je suis profondément reconnaissant à tous ceux qui ont contribué à l’adoption de cette décision. Je suis heureux que le Conseil soit parvenu à rallier tous les États membres à cette cause.
À ce stade, je ne souhaite pas mettre exagérément l’accent sur les échecs, mais souligner certains aspects du nouveau système du Conseil des droits de l’homme que j’estime particulièrement positifs.
Premièrement, à la différence de la Commission des droits de l’homme, qui était placée sous l’égide de l’Ecosoc et se réunissait une fois par an à Genève pour une session de six semaines, le Conseil des droits de l’homme organisera des réunions tout au long de l’année et devra rendre directement compte à l’Assemblée générale. La possibilité que ce Conseil devienne un jour l’un des principaux organes des Nations unies demeure ouverte. L’attribution d’un tel statut exigerait naturellement une modification de la charte des Nations unies - et nous sommes tous conscients du degré de difficulté que présenterait la réalisation d’une telle tâche -, mais l’option reste ouverte. Cependant, quoi qu’il en soit, le Conseil des droits de l’homme est aujourd’hui un organe permanent de l’Assemblée générale de l’ONU.
Le fait de soumettre l’élection directe et individuelle de membres à l’obtention de la majorité absolue de tous les États membres des Nations unies est également un signe de progrès. Tous ceux qui, comme moi, ont participé à ces élections à maintes reprises ces dernières années seront satisfaits des implications espérées d’une telle mesure. Celle-ci entraînera, sinon l’abolition, du moins une réduction substantielle de la pratique - souvent peu glorieuse - de marchandage concernant les votes: qui vote pour qui, quand voter sur tel sujet, ainsi que la question du «renvoi d’ascenseur». Une autre nouveauté concerne la possibilité de suspendre les membres du Conseil des droits de l’homme coupables de violations graves et répétées de ces droits uniquement dans le cas où deux tiers des votes y sont favorables. Soit dit en passant, ce nouvel élément a finalement joué un rôle décisif dans le retrait du soutien apporté par les États-Unis à ce Conseil. Ceux-ci ont tenté jusqu’au tout dernier moment de faire adopter l’obligation d’une majorité des deux tiers des voix pour l’adhésion, ainsi que l’exclusion automatique des membres auxquels le Conseil de sécurité a infligé des sanctions. L’UE a proposé de présenter une déclaration - qu’elle a effectivement prononcée - au sein de l’Assemblée générale à l’occasion de la création du Conseil des droits de l’homme, dans laquelle elle s’engage politiquement à s’abstenir de voter en faveur de l’admission au sein de ce Conseil de tout pays accusé de violations des droits de l’homme par le Conseil de sécurité et soumis à des sanctions imposées par celui-ci. Dans ce domaine également, l’UE a émis un signal politique important.
Troisièmement, tous les pays subiront une évaluation régulière en termes de droits de l’homme, grâce à la création d’un mécanisme d’évaluation universel, qui permettra également, à l’avenir, de parer aux accusations de sélectivité et de système de «deux poids, deux mesures».
Quatrièmement, le Conseil des droits de l’homme est habilité à adresser des recommandations directes à tous les organes des Nations unies, y compris le Conseil de sécurité. Nous pensons que cette initiative est susceptible de renforcer sensiblement tout le système de protection des droits de l’homme mis en place par l’ONU.
Cinquièmement, les réalisations importantes de la Commission des droits de l’homme ne sont finalement pas perdues. Il s’agit du système de rapporteurs spéciaux, ainsi que de la participation active d’organisations non gouvernementales aux sessions.
Bien que nous ne soyons pas parvenus à accomplir tout ce que nous avions prévu, ce nouveau Conseil des droits de l’homme représente une nette amélioration par rapport à la Commission, qui n’était plus efficace. Celle-ci se réunira à nouveau - probablement pour une courte période - afin de clore ses activités et de céder ensuite la place au Conseil des droits de l’homme. En mai prochain - d’ici peu, donc -, les premiers membres de ce nouvel organe devraient être élus, et la session d’inauguration devrait avoir lieu dès le mois de juin. En tant que membres de l’UE et du Conseil, nous ferons tout notre possible pour permettre au Conseil d’accomplir sa mission avec succès et efficacité dès le début.
En dépit du rejet de cette proposition par les États-Unis, je pense que la confiance s’est installée dans une certaine mesure au cours de ces dernières semaines et de ces derniers mois, en particulier dans le cadre des relations transatlantiques entre l’UE et les États-Unis. En effet, ceux-ci ont déclaré, à l’occasion de l’établissement du Conseil des droits de l’homme, qu’ils n’avaient pas l’intention d’entraver la création et le financement de ce Conseil et qu’ils approuvaient fondamentalement les objectifs poursuivis par celui-ci, mais que la gravité des deux problèmes évoqués précédemment - concernant l’élection et l’exclusion de membres - les empêchaient de voter favorablement.
J’espère que le travail que le Conseil des droits de l’homme accomplira dans les années à venir convaincra toutes les parties qu’il s’agissait d’un choix judicieux, d’un progrès, et qu’en fin de compte, nous avons également agi en faveur de la protection des droits de l’homme dans le monde entier. Il me semble que l’Union européenne peut être fière d’avoir contribué à ce résultat.
Benita Ferrero-Waldner, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, je voudrais dire: Eurêka! Nous avons un Conseil des droits de l’homme! C’est extraordinaire et je suis très heureuse d’être ici ce soir pour célébrer cet événement avec le Conseil et le Parlement européen.
Comme vous le savez, l’Union européenne et la Commission européenne ont grandement contribué à ce résultat. La semaine dernière, lorsque l’UE a décidé de soutenir le projet de résolution présenté par le président Eliasson, nous avons permis à une série de pays de nous imiter. Nous avions espéré qu’un certain nombre de nos propositions figureraient dans la résolution. Je suis cependant d’accord avec la présidence et pense également que le texte issu du compromis représente une amélioration significative de la Commission des droits de l’homme, ce qui est crucial.
Permettez-moi de dire quelques mots au sujet de la Commission des droits de l’homme. Ces derniers mois, cette Commission a fait l’objet de nombreuses critiques. D’une manière générale, elle est accusée de faire deux poids deux mesures, d’être surpolitisée ou d’être parfois trop conciliante face aux violations flagrantes des droits de l’homme. Il y a sans doute une part de vérité dans ces allégations, et ce n’est pas un hasard si son remplacement a été proposé dans le document du sommet des Nations unies.
Mais il est également vrai que ce qui pouvait être fait a été fait. C’est cette Commission qui, en 1948, a supervisé la rédaction du plus important de tous les textes reprenant les principes des droits humains: la Déclaration universelle des droits de l’homme. Je tenais à le mentionner, car à présent, bien sûr, nous regardons vers l’avenir, mais nous devrions également regarder vers le passé.
Je voudrais également attirer l’attention du Parlement sur un élément du Conseil des droits de l’homme: l’examen périodique universel. Exécuté correctement, il devrait permettre de résoudre le problème des «deux poids, deux mesures» et le problème de sélectivité auxquels est confrontée la Commission des droits de l’homme. Après tout, nous pouvons constater que l’examen par des pairs fonctionne de manière très efficace dans d’autres domaines, par exemple dans le commerce, le mécanisme d’évaluation des processus commerciaux, ou même dans le conflit des diamants et du processus de Kimberley.
Fait remarquable, au cours de l’interminable et complexe processus de négociation du Conseil des droits de l’homme, l’Union européenne a pu maintenir une position commune. Cela a sans nul doute eu une influence positive sur le cours des négociations. C’est pourquoi, après les récents différends entre les États membres concernant le projet de résolution finale, la Commission s’est sentie très soulagée que l’Union européenne ait pu une fois encore adopter une position commune et démontrer ainsi son engagement en faveur du volet crucial du processus de réforme des Nations unies.
La Commission, tout comme les États membres, est préoccupée par le vote des États-Unis contre le texte. Cependant, d’un autre côté, nous sommes également réconfortés par leur déclaration exprimant le souhait de collaborer avec le Conseil des droits de l’homme. Kofi Annan a déclaré aujourd’hui qu’il pensait que les États-Unis, bien qu’ils n’aient pas pu voter pour le Conseil tel qu’il est actuellement proposé, pourraient collaborer avec ce dernier, et je suis certaine que les États-Unis, qui ont tant fait pour les droits de l’homme, trouveront un moyen de collaborer avec les autres États membres afin de faire du Conseil ce qu’il devrait être. Je pense donc que les augures, dans l’ensemble, ne sont pas mauvais.
Nous devons rendre hommage à la Commission des droits de l’homme, mais nous voulons à présent voir une nouvelle évolution et j’espère qu’ensemble nous pourrons y parvenir.
Simon Coveney, au nom du groupe PPE-DE. - (EN) Monsieur le Président, la création d’une Commission des droits de l’homme efficace, fonctionnelle et largement soutenue constitue un volet essentiel du paquet de réformes des Nations unies présenté par Kofi Annan l’année dernière. Contrairement au champ de mines politique qui entoure la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, l’ONU a démontré sa capacité à s’entendre sur une nouvelle structure permettant de traiter les questions relatives aux droits de l’homme.
La plupart des gens reconnaissent que l’actuelle Commission des droits de l’homme des Nations unies, commission de grande envergure qui se réunit une fois par an pendant 6 semaines à Genève, est à présent dépassée et doit être remplacée. Nous avons besoin d’un mécanisme plus permanent qui puisse répondre, tout au long de l’année, aux multiples crises des droits de l’homme qui se produisent. La formulation de la nouvelle structure pour les droits de l’homme a donné nombre de matières à débattre:
1. Le besoin d’une structure permanente/d’un conseil permanent.
2. Les membres de ce conseil doivent être crédibles sur les questions relatives aux droits de l’homme.
3. Le conseil ne doit pas être trop grand.
4. Le conseil devrait refléter globalement la différence géographique.
5. Il ne devrait pas être vu comme un conseil élitiste, comme un petit groupe sermonnant les autres.
6. La question de savoir comment sélectionner ou élire les membres de ce conseil.
7. Le besoin d’un rôle permanent pour les ONG.
8. Un mécanisme de suspension pour ceux qui enfreignent systématiquement les droits de l’homme.
Essayer de trouver un accord et, si nécessaire, un compromis sur toutes ces considérations n’allait pas être facile. Le projet de résolution du président de l’Assemblée générale est cependant, à mon avis, une tentative satisfaisante à cet égard, un effort en vue de trouver une base commune. Je me félicite du soutien ferme des Nations unies, ce soir, pour ce projet de résolution. Il est regrettable que les États-Unis ne puissent le soutenir également.
Je ne pense cependant pas que le document soit parfait à tous les égards et je voudrais critiquer deux points en particulier. Premièrement, je pense que le Conseil est trop grand: 47 membres, c’est trop. Deuxièmement, la procédure d’élection des membres à la majorité absolue n’est pas idéale. J’aurais plutôt partagé l’avis des États-Unis et vu une majorité des deux tiers.
Je voudrais terminer en disant que les Nations unies ont fait du bon travail aujourd’hui, et je pense que cela ajoutera de la crédibilité à leur politique des droits de l’homme.
Panagiotis Beglitis, au nom du groupe PSE. - (EL) Monsieur le Président, aujourd’hui, nous avons effectivement assisté à un développement très positif quant à l’accord qui a été conclu à New York. Cet accord, adopté à une écrasante majorité de 170 voix, représente un compromis dynamique et progressiste sur la voie de l’amélioration et du renforcement de l’efficacité du système international pour la protection des droits de l’homme.
Parmi les réformes et les changements très sérieux qui ont été réalisés, je souhaiterais commenter notamment la disposition qui prévoit la participation d’organisations non gouvernementales et d’agences internationales œuvrant pour la protection des droits de l’homme aux réunions du nouveau Conseil. J’imagine que la Commission et le commissaire collaboreront avec des ONG en vue de renforcer le rôle et l’efficacité du Conseil.
Ces réformes claires pourraient donner au Conseil une nouvelle impulsion en faveur des droits de l’homme et réduire le manque de crédibilité et d’efficacité des Nations unies. De même, l’Union européenne peut coopérer avec l’ONU et les autres pays dans le cadre du Conseil afin de consolider la nouvelle institution. Malheureusement, la recherche ostentatoire d’un meilleur résultat par les États-Unis sape le compromis positif conclu aujourd’hui. Il est grand temps de placer les valeurs humanitaires fondamentales avant les intérêts politiques personnels.
Cecilia Malmström, au nom du groupe ALDE. - (SV) Monsieur le Président, à bien des égards, ce jour est assurément un jour historique - celui de la création d’un Conseil des droits de l’homme. Il est vrai que le Parlement européen a insisté sur cette question par le passé et que nous sommes conscients de la véritable possibilité réelle de faire évoluer la situation des droits de l’homme par un travail acharné et uni. Nous soutenons à coup sûr les Nations unies dans cette tâche.
La décision relative au Conseil des droits de l’homme constitue l’une des quelques décisions concrètes adoptées en septembre. Par conséquent, il est très agréable de constater qu’un tel Conseil existe réellement à présent et que nous disposons maintenant d’un organe permanent qui ne requiert plus de mener six semaines de lobbying intensif à Genève, caractérisées, comme vous l’avez mentionné à l’instant, par un marchandage constant visant à déterminer quelles parties supporteront quelle résolution. Si nous obtenons une institution permanente capable de prendre les choses en main dans ces domaines, nous pouvons également espérer mettre un terme à des situations dans lesquelles certains des États les plus corrompus ont parfois présidé les sessions de Genève.
Par ailleurs, j’adhère à l’analyse selon laquelle le Conseil est un peu plus faible que prévu et espéré. Je pense, à l’instar de M. Coveney, qu’une majorité de deux tiers aurait été préférable. Le système régional de quotas actuellement applicable pour la désignation des représentants du Conseil impliquera malheureusement une représentation des États non respectueux des droits de l’homme. Toutefois, le vote secret et la possibilité d’exclure des pays traduisent malgré tout une avancée non négligeable.
J’espère qu’à l’avenir, l’UE adoptera une approche unanime et cohérente, et qu’elle n’hésitera pas à dénoncer tout pays siégeant au Conseil et qui se rend coupable de graves violations des droits de l’homme. En effet, si elle agit d’un commun accord, l’UE sera en mesure de jouer un rôle d’une importance exceptionnelle au sein des Nations unies. Mon groupe souhaiterait à terme voir un siège européen commun au Conseil de sécurité de l’ONU.
Il s’agit là d’un grand pas en avant. Nous sommes aujourd’hui au pied du mur. Il importe non seulement d’être capable d’agir rapidement en cas de crise, mais également de se rappeler les événements peu reluisants du point de vue des médias, à savoir les violations continues des droits de l’homme perpétrées à l’encontre de populations vivant dans des endroits quelque peu oubliés et isolés. Si le Conseil des droits de l’homme s’avère apte à défendre les droits de ces populations, nous aurons accompli des progrès considérables.
Hélène Flautre, au nom du groupe Verts/ALE. - Monsieur le Président, je me félicite, quant à moi, de la perspicacité du Parlement européen, qui a organisé ce débat quelques heures après l’adoption de la résolution et qui en adoptera lui-même une demain. Nous pouvons dire ensemble notre contentement, notre grand soulagement de voir adoptée cette résolution. Bien sûr, tout n’est pas parfait: les membres du Conseil ne seront pas élus à la majorité des deux tiers; certains groupes ont vu leur nombre de sièges augmenter; des paragraphes sont ajoutés, je n’y reviens pas.
Il n’en reste pas moins que la résolution adoptée met en place un Conseil permanent des droits de l’homme, doté de grandes qualités. Les membres seront élus à bulletins secrets par l’Assemblée générale. Ce Conseil pourra se réunir tout au long de l’année, et pas moins de trois fois par an; il pourra réagir rapidement aux situations de crise en matière de droits de l’homme; il préserve les mécanismes spéciaux des Nations unies; il garantit le rôle particulier des ONG, même si, en ce qui concerne lesdites ONG - et j’y insiste -, une réforme des Nations unies s’impose afin de garantir une meilleure représentation des ONG indépendantes, y compris celles qui ne sont pas reconnues; ce Conseil instaure un système d’examen d’office de la situation des droits de l’homme dans les États membres du Conseil. Ce sont là autant de points tout à fait positifs. Ce Conseil instaure également la possibilité de suspendre, par un vote à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée, un État qui se serait rendu coupable de violation des droits de l’homme. Ces points étaient au centre des revendications du Parlement et de l’Union européenne tout entière et avaient été très largement mis en avant par chacun d’entre nous.
Reste la 62e session de la Commission des droits de l’homme. Elle sera très probablement une commission de transition, essentiellement chargée de la transmission des dossiers vers le Conseil. J’incite cependant les États membres à rester vigilants et à garantir le vote sur des dossiers importants, tels que l’adoption du projet de convention internationale pour la protection de toutes les personnes victimes de disparitions forcées, la déclaration sur les peuples autochtones et le renouvellement des mandats, tels que celui de la représentante spéciale pour les défenseurs des droits de l’homme.
Vittorio Agnoletto, au nom du groupe GUE/NGL. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, la décision adoptée aujourd’hui par les Nations unies représente une avancée prodigieuse. Jusqu’à présent s’appliquait un système de deux poids, deux mesures. Il est intolérable que la Russie n’ait jamais été condamnée pour la conduite odieuse de ses forces spéciales en Tchétchénie. Il est intolérable que la Chine n’ait jamais été condamnée pour sa répression tragique des droits fondamentaux des Tibétains. Il est intolérable que les États-Unis n’aient pas eu à répondre de leur comportement en Irak, où leur occupation du territoire, illégale au regard du droit international, a entraîné la mort de plus de 100 000 civils. En outre, que dire d’Israël, qui adopte à l’encontre des Palestiniens des mesures de répression collective expressément interdites par les conventions internationales? La raison d’État ne peut justifier la négation des droits de millions d’hommes, de femmes et d’enfants à travers le monde.
L’Union européenne doit se montrer plus courageuse en la matière, car notre crédibilité et notre politique de promotion des droits de l’homme sont en jeu. Il ne suffit pas de protester contre des pays ne bénéficiant pas de la protection d’alliances internationales souvent douteuses. Les droits de l’homme sont préservés par des codes. Les traités juridiques s’appliquent à tout le monde, et plus particulièrement aux puissants.
La crédibilité de la Commission des droits de l’homme de Genève aujourd’hui disparue a reçu le coup de grâce par la présence en son sein de gouvernements dictatoriaux qui ont tiré profit de leur position institutionnelle auprès des Nations unies pour éviter les critiques sur leurs politiques et leur comportement. Par exemple, de quel droit le gouvernement soudanais est-il membre de la Commission de Genève, comme c’est le cas actuellement? C’est pourquoi je me félicite de toutes les réformes annoncées en vue de la transformation de cette Commission en un Conseil des droits de l’homme restreint.
J’applaudis aux nouvelles qui nous parviennent à l’instant concernant l’adoption par les Nations unies d’une résolution de réformes radicales de cette institution en dépit de l’opposition des États-Unis. J’approuve les suggestions contenues dans la résolution que nous adopterons demain, principalement le fait que seuls les pays respectueux des droits fondamentaux auront la possibilité de participer au futur Conseil. En outre, il convient de renforcer le rôle des ONG internationales, qui sont réellement démocratiques et indépendantes, en créant une commission des Nations unies chargée des organisations non gouvernementales et dotée du pouvoir d’encourager et de critiquer le système des droits de l’homme de l’ONU.
Inese Vaidere, au nom du groupe UEN. - (LV) Mesdames et Messieurs, les réformes menées par les Nations unies, en particulier les changements apportés à la Commission des droits de l’homme, visent à créer des institutions qui soient meilleures, et non identiques ou pires. Un compromis a finalement été trouvé et le Conseil des droits de l’homme vient juste d’être créé. En tant que tels, ces événements sont réjouissants. Cependant, la solution actuelle, qui prévoit l’élection d’un État au Conseil grâce à une majorité simple à l’Assemblé générale, mais l’exclusion si trois quarts des membres présents y sont favorables, représente un compromis très faible. Cette méthode n’offre aucune garantie que des pays enfreignant clairement les droits de l’homme ne seront pas acceptés au Conseil. Il sera encore plus difficile d’exclure de tels États. Par conséquent, il se peut que des pays irrespectueux des droits de l’homme continuent à siéger au Conseil et jettent ainsi le discrédit sur cette institution. En outre, l’accord par lequel le Conseil des droits de l’homme se réunira non pas six semaines, mais dix semaines par an n’incite pas non plus à l’optimisme. Ces compromis nous amènent à nous demander si l’Europe a réellement fait valoir avec suffisamment de force sa position sur les points de réforme des Nations unies. Concernant les droits de l’homme, si l’Union européenne ne prend pas les choses en main, personne ne le fera. La Commission européenne devrait donc s’assurer le soutien du plus grand nombre afin de garantir la poursuite des réformes qu’il convient d’apporter à l’institution des droits de l’homme des Nations unies, et de veiller à élire au Conseil des États qui ne discréditent pas celui-ci mais forment une base solide pour l’accomplissement d’un travail efficace à l’avenir.
Francisco José Millán Mon (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, le document final du sommet des Nations unies de septembre a posé les fondements, dans certains cas les fondements minimums, sur lesquelles se bâtiraient les réformes institutionnelles.
Une telle situation s’est présentée avec le Conseil des droits de l’homme: l’accord conclu ne porte que sur sa création, tandis que les autres éléments sont restés dans le flou. Il était difficile de parvenir en quelques mois à un accord établissant l’organe qui remplacerait la Commission des droits de l’homme discréditée.
La proposition finale du président Eliasson, adoptée il y a peu à New York à une large majorité, est le fruit de négociations tendues. Elle n’est pas idéale - l’Europe aurait souhaité davantage - mais elle crée une nouvelle institution meilleure que celle dont nous disposons actuellement.
Les membres du nouveau Conseil seront élus par l’Assemblée à la majorité absolue, c’est-à-dire s’ils reçoivent un minimum de 96 voix. De plus, au cours de leur mandat, tous les membres du Conseil seront soumis à un examen et, comme il a été dit précédemment, pourront être suspendus. Par ailleurs, à notre demande, les réunions auront lieu beaucoup plus fréquemment et dureront beaucoup plus longtemps que celles de l’actuelle Commission des droits de l’homme.
Par conséquent, cette nouvelle institution représente un réel progrès par rapport au HCNUDH. Cependant, je regrette que le quota de pays alloué au groupe de l’Europe occidentale soit inférieur à celui qui nous était attribué au sein de la Commission.
Monsieur le Président, j’aurais souhaité que cette proposition de M. Eliasson soit adoptée par consensus, mais elle a finalement été mise aux voix. Je suis profondément déçu du rejet des États-Unis, car il s’agit d’un membre clé des Nations unies. J’avais espéré que les initiatives mises en œuvre pour obtenir leur soutien pour ladite proposition seraient fructueuses et qu’au final, le nouveau Conseil verrait le jour avec l’appui de Washington. Toutefois, je suis heureux que les États-Unis aient malgré tout accepté de collaborer de manière constructive avec le nouveau Conseil.
En outre, les activités et le fonctionnement du Conseil seront évalués au terme de cinq années, nous permettant ainsi de remédier aux faiblesses de ce nouveau mécanisme. Il s’agit là de l’un des objectifs les plus ambitieux du document final adopté au sommet de septembre.
Monsieur le Président, la lutte contre la pauvreté figure parmi les priorités établies par ce document. Je souhaiterais signaler, comme l’a déjà indiqué ce Parlement, que la pauvreté est à considérer comme une violation des droits de l’homme, puisqu’elle porte atteinte à la dignité humaine et prive les personnes concernées d’autres droits fondamentaux.
Józef Pinior (PSE). - (PL) Monsieur le Président, aujourd’hui, l’Assemblée générale des Nations unies a voté en faveur de la création d’un Conseil des droits de l’homme destiné à remplacer la Commission, dont la position avait été compromise.
Ce nouveau Conseil ne remplit pas nombre des critères requis pour contrôler efficacement la situation des droits de l’homme et pour lutter avec succès contre les abus en la matière. En revanche, il révèle sans nul doute que nous progressons en vue de l’établissement d’une nouvelle structure internationale fondée sur le respect des droits fondamentaux et des libertés politiques. La création du Conseil a reçu le soutien des lauréats du prix Nobel de la paix, ainsi que celui des organisations militant en faveur des droits de l’homme, par exemple Amnesty International, Human Rights Watch ou l’Open Society Institute and Soros Foundation Network.
L’Union européenne devrait à présent occuper une place fondamentale au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Le Parlement européen a la possibilité de jouer un rôle capital en soutenant les actions entreprises par ce Conseil afin d’établir un nouveau système mondial pour la protection des droits de l’homme. Dans le cadre du dialogue transatlantique, l’Union devrait encourager les États-Unis à collaborer plus étroitement avec la nouvelle institution et à œuvrer en faveur d’une poursuite de la réforme des Nations unies. Ce pays figure parmi les quatre voix qui se sont élevées contre la création du Conseil.
Frithjof Schmidt (Verts/ALE). - (DE) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Mesdames et Messieurs, lors de notre débat sur le sommet relatif à la réforme des Nations unies à la fin de septembre dernier, l’un des rares points que nous puissions réellement qualifier de succès concernait le projet de remplacement de la Commission des droits de l’homme discréditée par un nouveau Conseil des droits de l’homme. Seules la composition et les procédures de cette nouvelle institution n’avaient pas encore été déterminées. Si nous n’avions pas réussi à effectuer ce remplacement en temps utile, nul doute que la cause des droits de l’homme, mais également les Nations unies, auraient subi une défaite cuisante.
Par conséquent, l’issue, aujourd’hui, de ces longues négociations constitue une victoire importante, y compris pour le président Eliasson. Nous le félicitons à cet égard, car de véritables améliorations ont été apportées à cette occasion. Permettez-moi de vous fournir quelques détails à ce sujet. Les membres du nouveau Conseil des droits de l’homme sont élus au scrutin secret, par au moins 96 pays. Ils peuvent être exclus à la majorité des deux tiers en cas d’infractions graves aux droits de l’homme. Le Conseil doit se réunir au minimum trois fois par an. Une continuité accrue a été introduite dans ses travaux, et une évaluation régulière de la situation des droits de l’homme est prévue dans tous les États membres de l’ONU. Ce sont là cinq réussites non négligeables. De ce fait, je n’ai pas du tout compris pourquoi les États-Unis avaient tenté d’empêcher l’adoption de cette proposition.
Monsieur le Président en exercice, ce pays ne s’est pas contenté d’émettre des exigences positives. Il a également réclamé le maintien du statut privilégié accordé aux cinq membres du Conseil de sécurité; il a exigé en quelque sorte que ces pays conservent leur siège au Conseil des droits de l’homme sans être élus. Si l’on réfléchit à la situation de la République populaire de Chine, on se rend compte qu’en agissant de la sorte, on aurait commis une grave erreur. Il est heureux que le vote d’aujourd’hui ait soutenu les propositions sous leur forme actuelle.
Athanasios Pafilis (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, l’abolition de la Commission des droits de l’homme des Nations unies et la création d’un Conseil composé d’un nombre de membres beaucoup plus restreint ont pour objectif d’exclure et, au besoin, d’expulser les pays qui ne se soumettent pas aux États-Unis d’Amérique, à l’Union européenne ou à d’autres puissances impérialistes. Ces actions visent à mettre en place un Conseil docile transformable à souhait en une agence qui jugera les violations des droits de l’homme avec partialité et sur la base des critères servant les ambitions impérialistes. Ainsi, les décisions en faveur du maintien de l’ordre fourniront un prétexte pour intervenir de diverses manières, voire déclencher une guerre, au nom de la protection des droits de l’homme.
L’on ne peut nier que les États-Unis se sont dépensés sans compter pour les droits de l’homme: ils ont assassiné des dizaines de millions de personnes, d’Hiroshima et Nagasaki à l’Irak aujourd’hui, en passant par le Vietnam. Telle est leur contribution. Brecht a écrit: «Quand les impérialistes parlent de paix, ils se préparent à la guerre.» Pour le paraphraser - car je dispose d’un temps de parole limité -, je dirais que, lorsque vous parlez aujourd’hui de protéger les droits de l’homme, vous vous préparez à les massacrer, comme vous le faites chaque jour.
Toutefois, il n’est pas de Conseil des droits de l’homme, de Commission des droits de l’homme, ni d’ONU capable d’empêcher les peuples de lutter contre leur assujettissement.
Jana Hybášková (PPE-DE). - (CS) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, j’aurais accueilli avec joie ce débat s’il avait eu lieu un peu plus tôt, mais il arrive peut-être un peu tard aujourd’hui. Cependant, nous partageons tous un nouvel espoir précis et puissant, et il est évident que nous sommes tous heureux de la création du nouveau Conseil. Nous félicitons avant tout le président suédois de l’Assemblée générale, non seulement pour l’issue des négociations entre les membres de l’ONU, mais aussi et surtout pour avoir réussi à mettre en contact les organisations bénévoles non gouvernementales, lesquelles lui apportent à présent un soutien tellement précieux. Nous sommes assurément satisfaits de l’allongement des périodes de lobbying à Genève. Nous espérons que l’amélioration des relations transatlantiques observée ces dernières semaines se maintiendra, et qu’il s’avérera possible de renverser le vote actuel. Il me semble important que l’UE se soit exprimée et qu’elle ait adopté une position claire et unie, qu’elle partage avec l’ensemble du monde développé. Toutefois, c’est le monde en développement qui détient la majorité.
En dépit des nombreuses remarques concernant la perte de civilisation, le nouveau Conseil doit naturellement adhérer pleinement au principe de l’universalité des droits de l’homme, c’est-à-dire que les mêmes règles doivent s’appliquer à chacun et chacune. Il est toujours possible de discerner si les droits de l’homme ont été respectés ou non. Le Conseil jouera un rôle très important dans cette préévaluation. L’instrument d’exclusion est également essentiel dans ce contexte, bien qu’il requière une majorité de deux tiers, et, de mon point de vue, il offre une nouvelle possibilité d’établir une politique étrangère au niveau européen, une nouvelle possibilité de combattre réellement les violations des droits de l’homme, problème qui est dû à l’incapacité de certains États à fonctionner correctement. Madame la Commissaire, j’espère que nous aurons le courage - et je m’adresse principalement à vous - de prendre clairement position en faveur de la sauvegarde des droits humains universels à l’échelle mondiale.
Richard Howitt (PSE). - (EN) Monsieur le Président, j’étais présent l’année dernière avec la délégation du Parlement à la Commission des droits de l’homme à Genève et j’ai vu de mes propres yeux à quel point cette Commission s’était discréditée et comment elle avait été prise en otage dans ses travaux par des pays qui commettaient eux-mêmes les pires violations des droits de l’homme. C’est pourquoi, comme les parlementaires présents ce soir dans cette Assemblée, je salue la création du nouveau Conseil des droits de l’homme. Je pense que le fait qu’il se réunisse tout au long de l’année, qu’il soit élu par une majorité des membres de l’Assemblée générale des Nations unies, qu’il dispose d’un système de suspension pour les pays membres qui enfreignent les droits de l’homme et qu’il maintienne la tradition de l’accès des organisations non gouvernementales constitue un pas en avant.
Je suis très fier du rôle que nous avons joué en marge du processus en tant que parlementaires européens. Lorsque nous avons rencontré Louise Arbour, la commissaire aux droits de l’homme, à Genève, et lorsqu’elle nous a à son tour rendu visite à Bruxelles, nous avons étudié en détail ses propositions relatives à la procédure d’examen universel qui a à présent été approuvée et qui permettra, dit-on, un examen plus approfondi, plus objectif des dossiers de tous les pays.
Dans nos résolutions, nous avons insisté sur le fait que seuls les pays offrant des invitations permanentes et sans entrave aux rapporteurs spéciaux devraient pouvoir devenir membres du Conseil des droits de l’homme. Ce point est inscrit à l’accord d’aujourd’hui. Le Soudan, l’Arabie saoudite, le Népal et le Zimbabwe ne seront pas et ne devraient pas être membres de ce nouveau Conseil.
Finalement, cette réforme des Nations unies est le résultat du sommet d’évaluation des objectifs du millénaire et arrive à un moment historique dans la défense des principes du multilatéralisme dans notre monde. Le Parlement européen devrait envoyer un message aux États-Unis - non seulement au gouvernement mais aussi au peuple américain - pour leur dire que, que ce soit au niveau du Conseil des droits de l’homme, de Kyoto, de la Cour pénale internationale ou du principe du multilatéralisme lui-même, les États-Unis sont profondément et dangereusement isolés dans ce monde et que ce n’est pas là une situation pour l’une des dernières superpuissances mondiales. Si les États-Unis veulent être nommés à ce nouveau Conseil, ils devront autoriser le libre accès à Guantánamo Bay. Je me demande si les États-Unis resteront sur leurs positions.
Milan Horáček (Verts/ALE). - (DE) Monsieur le Président, je rejoins l’avis des orateurs précédents: nous pouvons nous féliciter qu’une décision ait été prise afin de ne pas laisser ce Conseil des droits de l’homme à l’état embryonnaire. Dans son acceptation générale, le respect des droits de l’homme constitue l’une des pierres angulaires de la perception européenne des valeurs, que la création de ce nouvel organe renforcera.
La proposition adoptée n’est peut-être pas idéale, mais elle représente une nette amélioration par rapport à la Commission des droits de l’homme, qui restait perméable à l’influence de pays ayant eux-mêmes commis des infractions extrêmement graves en la matière. Il s’agit d’un pas important en faveur des droits de l’homme dans le monde.
Un organe opérationnel sera apte à intervenir plus rapidement en cas d’urgence. Par ailleurs, il doit obliger les pays à défendre les droits de l’homme, à combattre en leur faveur et à les promouvoir. Un blocage aurait entraîné une perte de crédibilité de la communauté internationale dans la lutte contre les violations des droits de l’homme.
Pour cette raison, il est très heureux que ce projet n’ait pas échoué, notamment du fait du travail important accompli par de nombreuses ONG.
Bogusław Sonik (PPE-DE). - (PL) Monsieur le Président, le travail de l’actuelle Commission des droits de l’homme de l’ONU a été sévèrement critiqué de toutes parts, quasiment. On l’a dite abusivement politisée, excessivement active, et corrompue. Par conséquent, il convient d’accueillir avec enthousiasme les tentatives ambitieuses visant à la réformer et à la transformer en un Conseil des droits de l’homme doté d’une indépendance accrue.
Bien que la portée de ces changements semble avoir fait l’objet de nombreuses réflexions, il se peut qu’une restriction partielle de ces modifications s’opère au cours des négociations internationales sur les propositions en cause. Le Parlement européen devrait exprimer clairement son point de vue à ce sujet et souligner l’importance de ces changements dans la promotion et le développement d’une culture mondiale fondée sur l’État de droit et une administration démocratique.
Comme évoqué précédemment, le défi majeur lié à cette réforme consiste à garantir l’indépendance du Conseil des droits de l’homme proposé, principalement en exigeant que le Conseil figure parmi les organes clés des Nations unies.
Le mode d’élection des candidats doit absolument être modifié. Ceux-ci devraient être élus par l’Assemblée générale à une majorité qui empêche l’adhésion d’un pays dont le gouvernement manifeste une attitude susceptible de donner à penser qu’il ne remplit pas les conditions requises en matière de droits de l’homme. Il importe également de mettre aux voix la candidature de chaque pays, même dans le cas où le nombre de candidats dans une région serait inférieur au nombre de sièges alloués à cette région. Le refus d’États tels que la Libye, récemment, ou Cuba aujourd’hui contribue dans une mesure fondamentale à garantir aux Nations unies un regain de crédibilité en matière de protection des droits de l’homme à travers le monde. En outre, la taille de cette institution devrait être réduite afin de renforcer l’efficacité de ses actions et l’applicabilité de ses décisions.
La réforme de la Commission des droits de l’homme nous offre une possibilité exceptionnelle d’améliorer sensiblement la situation dans ce domaine à l’échelle planétaire. Cependant, cette réforme n’est pas à considérer comme une transformation ponctuelle, mais comme une occasion d’entamer un processus continu d’amélioration du système de protection des droits de l’homme visant à gagner la confiance de l’opinion publique mondiale et à conférer au système le statut de mécanisme politiquement indépendant et chargé de dénoncer les pires violations des droits de l’homme perpétrées dans le monde.
Ana Maria Gomes (PSE). - (PT) Les nouvelles de New York nous apportent soulagement et satisfaction. Le compromis proposé par le président de l’Assemblé générale, M. Eliasson, ne sera pas parfait, mais il s’agit d’un bon compromis, et ce pour les raisons évoquées par plusieurs orateurs et citées dans un article par divers lauréats du prix Nobel de la paix, notamment l’ex-président Jimmy Carter.
Nous déplorons le vote négatif des États-Unis, bien qu’il ne nous surprenne pas, étant donné que ce pays - qui, traditionnellement, a tellement agi en faveur des droits de l’homme, du droit international en la matière et des Nations unies - se trouve actuellement à la merci d’une administration dénuée de toute crédibilité et de toute cohérence dans ce domaine. Cette administration marquera l’histoire par l’ignominie de l’invasion de l’Irak, Guantánamo, Abou Ghraib et la loi sur les restitutions extraordinaires.
Eleanor Roosevelt et d’autres honorables défenseurs des droits de l’homme doivent se retourner dans leur tombe. L’erreur de l’administration Bush est d’avoir voulu exercer un chantage sur la création du nouveau Conseil au cours de négociations de dernière minute. Nous devons veiller à ce qu’aucune tentative éventuelle de sa part visant à boycotter les travaux du nouveau Conseil ne soit fructueuse. L’UE a la responsabilité d’entretenir une relation de travail saine et lucide avec M. Eliasson, par le biais de la présidence autrichienne et de celles qui lui succéderont, ainsi que par l’intermédiaire de MM. Solana et Barroso, que nous souhaiterions voir s’exprimer plus fermement sur le sujet. L’Europe doit user de toute sa considérable influence pour faire en sorte que le Conseil des droits de l’homme soit opérationnel dans les plus brefs délais.
Lidia Joanna Geringer de Oedenberg (PSE). - (PL) Monsieur le Président, nous ne pouvons accepter que, face à des abus flagrants des droits de l’homme, le monde ne possède pas d’organisation au travers de laquelle il puisse condamner ces actes.
Ces dernières années, la Commission des droits de l’homme des Nations unies est malheureusement devenue un symbole de l’indolence de cette organisation, un Club des anciens, où des pays tristement célèbres pour leurs violations des droits de l’homme, par exemple la Chine, le Soudan, le Zimbabwe ou la Russie, pouvaient se rencontrer. Néanmoins, ces États avaient pour principal objectif d’éviter tout débat concernant leurs propres activités.
La proposition relative à la mise en place d’un Conseil des droits de l’homme vise à la création d’une institution qui réagisse plus rapidement aux crises survenant à travers le monde et dont les activités ne se limiteraient pas à l’envoi d’une mission des Nations unies symbolique dans le pays en cause. Le projet n’est pas parfait, mais il semble que la tâche confiée au Conseil d’évaluer la situation de chacun des États qui le composent mettra au moins un terme aux abus perpétrés jusqu’à présent par ses propres membres.
L’établissement d’un tel Conseil représente sans nul doute la meilleure solution disponible pour résoudre le problème de la Commission des Nations unies, dont l’intégrité a été compromise. L’Union européenne devrait soutenir pleinement la nouvelle institution, et lui permettre ainsi de gérer efficacement les défis mondiaux relatifs à la protection des droits de l’homme.
Hans Winkler, Président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je souhaiterais vous remercier très sincèrement pour les avis exprimés ici. Ils confirment largement le bien-fondé de la position de l’UE. Le nouveau Conseil fait l’objet de grandes espérances, et il est nécessaire d’adopter une position cohérente sur son usage pour lui permettre de se montrer à la hauteur de ces espoirs et pour garantir son bon fonctionnement.
Il est évident que nous ne pouvons pas abolir les lois de la réalité politique du jour au lendemain, mais je pense que nous avons réellement une chance d’y parvenir. L’UE doit jouer un rôle fondamental à cet égard. Je suis sensible au soutien exprimé ici par cette Assemblée.
L’extrême importance que revêt l’élection des membres du Conseil des droits de l’homme a été soulignée à maintes reprises. Nous regrettons tous notre incapacité à faire adopter la proposition initiale, qui prévoyait une majorité de deux tiers. Toutefois, je souhaiterais rappeler que l’engagement de l’UE à voter uniquement en faveur des pays possédant un «casier vierge» en matière de droits de l’homme - engagement que j’ai évoqué précédemment - est absolument essentiel. Il n’est pas question ici de 25 ou de 27 votes seulement, mais - si nous comptons les pays associés, voire l’ensemble de la communauté des nations démocratiques - d’un grand nombre de voix, capable de bloquer l’accès à des pays qui s’avèrent en réalité coupables de violations flagrantes des droits de l’homme.
M. Coveney a soutenu que le nombre de 47 membres au nouveau Conseil des droits de l’homme était trop élevé, que l’instrument était trop imposant. Cette assertion est discutable. Il convient de garder à l’esprit que, dans tous les cas, ce Conseil compte un nombre de membres légèrement inférieur à celui de la Commission. Comparé aux 191 États membres des Nations unies, le chiffre 47 me paraît tout à fait approprié. Entre parenthèses, le nombre de sièges alloués au groupe occidental a été quelque peu réduit, étant donné que les membres seront désormais élus, non à l’Ecosoc, mais directement à l’Assemblée générale. Cette évolution est également regrettable, mais nous devons accepter aussi bien les points négatifs que les points positifs. Si nous voulons un instrument puissant et relativement petit, nous devons accepter une diminution plus ou moins importante du nombre de nos votes.
En réalité, j’adhère à l’ensemble des propos tenus par M. Schmidt. L’exigence formulée par les États-Unis en faveur de l’adhésion automatique des cinq membres permanents du Conseil de sécurité au Conseil des droits de l’homme a été présentée à un stade relativement précoce et a perdu tout soutien à la fin du processus. Il est certain que cette proposition n’aurait jamais recueilli l’assentiment de l’UE, et de ce fait, n’aurait pas été en mesure de rallier la majorité.
Mme Flautre a souligné la nécessité de clore les dossiers importants demeurés entre les mains de la Commission des droits de l’homme. L’UE veillera naturellement à ce que les questions en suspens soient réglées, d’une façon qui joue en faveur des droits de l’homme, et de telle sorte que ces dossiers puissent être rouverts directement par le Conseil nouvellement établi.
Benita Ferrero-Waldner, membre de la Commission. - Monsieur le Président, chers membres du Parlement, le fait que le projet de résolution créant le Conseil des droits de l’homme a été adopté à une telle majorité - 70 voix pour, 4 voix contre et 3 abstentions - laisse vraiment penser que ce Conseil aura une certaine crédibilité.
Ensuite, il ne fait aucun doute que le 9 mai, jour de l’élection des membres du Conseil, sera un moment important de la genèse du Conseil. J’espère à cet égard que les pays candidats poseront leur candidature un mois avant le vote, comme ils ont été invités à le faire par l’Union.
Le Conseil devrait se réunir pour la première fois à Genève le 16 juin. J’espère que nous serons nombreux à assister à cette session. Si le Conseil des droits de l’homme est indéniablement un résultat heureux du dernier sommet des Nations unies, force est de constater que c’est surtout l’architecture multilatérale qui a été couronnée de succès avec la création, en décembre 2005 également, de la Commission de consolidation de la paix, laquelle devrait aussi se réunir bientôt.
L’année 2006 devrait, effectivement, être une bonne année pour le multilatéralisme. Dans les deux cas, l’Union a démontré son attachement à un multilatéralisme effectif, son leadership et sa capacité d’avoir aussi une influence dans la réforme des Nations unies. Je crois qu’on peut continuer dans ce chemin ensemble.
Le Président. - J’ai reçu, conformément à l’article 103, paragraphe 2, du règlement quatre propositions de résolution(1) en conclusion du débat.
14. Spécialités traditionnelles garanties des produits agricoles et des denrées alimentaires - Protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (débat)
Le Président. - L’ordre du jour appelle la discussion commune sur les rapports suivants:
- le rapport de Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf, au nom de la commission de l’agriculture et du développement rural, sur la proposition de règlement du Conseil relatif aux spécialités traditionnelles garanties des produits agricoles et des denrées alimentaires (COM(2005)0694 - C6-0026/2006 - 2005/0270(CNS) (A6-0033/2006), et
- le rapport de Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf, au nom de la commission de l’agriculture et du développement rural, sur la proposition de règlement du Conseil relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (COM(2005)0698 - C6-0027/2006 - 2005/0275(CNS)) (A6-0034/2006).
Je répète à l’intention des orateurs qui interviennent dans ce débat ce que j’ai dit pour le précédent, à savoir que nous avons une séance de nuit extrêmement longue et que, donc, je serai absolument impitoyable sur le respect du temps de parole. Épargnez-moi par conséquent de devoir prendre des mesures disciplinaires en vous en tenant au temps de parole qui vous est officiellement alloué. Cette remarque ne vaut évidemment pas pour Mme la commissaire Neelie Kroes, à qui je donne tout de suite la parole.
Neelie Kroes, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, je voudrais commencer par remercier M. Graefe zu Baringdorf et les membres de la commission de l’agriculture et du développement rural pour tout le travail qu’ils ont réalisé sur les deux rapports, le premier sur la protection des indications géographiques et des appellations d’origine et le second sur les spécialités traditionnelles garanties.
La Commission apprécie l’organisation efficace de votre travail, qui a permis l’adoption des rapports dans un délai restreint. Dans mon allocution d’ouverture, j’aborderai les deux rapports, mettant ainsi l’accent sur le contexte général ayant abouti à ces propositions de la Commission.
D’abord, en ce qui concerne le rapport sur la protection des indications géographiques et des appellations d’origine, il y a près de 14 ans, la Commission a mis en place un système volontaire d’indications géographiques pour les produits agricoles et les denrées alimentaires autres que les vins et spiritueux. Depuis 1993, plus de 700 noms ont été enregistrés. Près de 300 demandes attendent actuellement d’être enregistrées, ce qui donne une idée du succès de ce système.
Ce succès peut expliquer l’intérêt que montrent nos partenaires commerciaux pour ce règlement. Les conclusions des récents groupes spéciaux de l’OMC concernant les recours introduits par les États-Unis et l’Australie nous ont contraints d’ouvrir le régime communautaire aux demandes d’enregistrement et aux oppositions directes de particuliers de pays tiers.
Telle est la raison fondamentale de la proposition qui se trouve sur la table: garantir la conformité avec les conclusions des groupes spéciaux. Sur la base de l’expérience acquise dans la gestion du processus d’enregistrement, nous avons réalisé que le système actuel ne survivrait pas à une charge supplémentaire de demandes d’enregistrement directes d’opérateurs issus de pays tiers. Nous avons donc dû réorganiser le système et le rendre plus efficace.
Si nous nous contentons de nous conformer aux règles de l’OMC sans améliorer l’efficacité du système, tout le processus d’approbation pourrait se trouver paralysé. Je devrais ajouter que, afin d’éviter tout risque de nouvelle plainte au niveau de l’OMC, les procédures relatives aux appellations des pays tiers et de l’UE devraient être aussi similaires que possible.
Nous avons tous été surpris par l’étendue des changements requis par la décision de l’OMC. Alors que la Communauté a remporté une victoire contre le groupe spécial en ce qui concerne la question substantielle des marques déposées, nous avons perdu en ce qui concerne les questions procédurales. Nous avons également embrassé un changement de politique clair, la promotion de l’utilisation des logos communautaires en vue de rendre le système plus crédible. Cependant, mis à part cela, la proposition ne contient aucune initiative politique, puisque son objectif premier est de se conformer aux conclusions du groupe spécial de l’OMC dans les délais.
Les nombreuses demandes et suggestions en vue d’un développement politique exposées dans les amendements adoptés par la commission de l’agriculture et du développement rural sont des questions qui méritent davantage de temps afin d’être traitées de manière adéquate.
Permettez-moi à présent de passer à l’autre proposition, qui concerne les spécialités traditionnelles garanties. Malgré le nombre modeste de produits enregistrés, certains producteurs ont montré leur intérêt pour ce règlement. Seuls 50 noms sont enregistrés en tant que spécialités traditionnelles garanties, mais 19 demandes d’enregistrement sont en cours au niveau communautaire et plusieurs autres sont actuellement examinées dans les États membres. Ce règlement n’a pas été modifié depuis son adoption en 1992. Les procédures n’ont été prévues ni pour 25 États membres ni pour 27 ni, non plus, pour traiter un nombre important de demandes d’enregistrement.
Il existe un besoin similaire de réorganiser et de normaliser le contenu des demandes afin que des procédures plus efficaces soient adoptées et que les producteurs qui font l’effort de s’engager dans des programmes de qualité ne soient pas déçus par le report des approbations de plusieurs années.
Je pense qu’il importe également de corriger un certain nombre d’incohérences et de refléter les avancées considérables réalisées dans les normes de rédaction juridique depuis 1992. Dans le même temps, nous proposons des simplifications, des clarifications et d’autres améliorations identiques à celles proposées pour les indications géographiques et les appellations d’origine.
Enfin, nous tenons à préciser dans ce règlement que les règles de l’OMC sont respectées et à prévenir toute critique.
En conclusion, ces propositions sont conformes aux règles de l’OMC et procèdent à l’entretien limité mais nécessaire pour réorganiser et clarifier les procédures. Nous pourrons ainsi étayer les mécanismes et mieux servir les producteurs qui comptent sur les appellations. Néanmoins, particulièrement en raison de la date butoir de l’OMC du 3 avril 2006, nous n’avons pas proposé de changements politiques plus approfondis. Ceux-ci seront abordés en temps voulu dans le cadre d’une vaste réflexion sur la politique de qualité agricole.
Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf (Verts/ALE), rapporteur. - (DE) Monsieur le Président, je remercie la commissaire de représenter la Commission dans ce débat. Sa collègue, Mme Fischer Boel, ne pouvait être là aujourd’hui, mais cela ne devrait pas nous empêcher d’avoir une bonne discussion.
Mme Kroes vient de nous dire que ceci n’était pas le début d’un processus législatif et que nous répondions simplement à une demande de l’OMC. Les débuts de l’adoption d’un cadre législatif en matière d’assurance-qualité remontent en effet à 1992, c’est-à-dire, il y a 14 ans, mais cela ne correspondait naturellement pas au début d’une production de haute qualité dans les domaines protégés à l’époque. Comme pour l’agriculture biologique, les produits dont il est question ici avaient été introduits depuis longtemps - plusieurs décennies - sur le marché par des producteurs et avaient déjà conquis les consommateurs. S’en sont suivies des mesures d’harmonisation et de rationalisation, des clarifications et des protections.
En matière de politique de qualité, seuls deux domaines de l’agriculture bénéficient d’une éventuelle désignation de qualité: celui dont nous discutons aujourd’hui et celui de l’agriculture biologique. Tout le reste est régi par le concept de sécurité alimentaire. En ce jour, c’est cependant le thème de la qualité qui est au centre de ce débat et de nos préoccupations.
Comme la commissaire l’a souligné, il ne s’agit pas d’une problématique secondaire, puisqu’elle concerne un commerce de plusieurs milliards d’euros. Accorder à des régions et des entreprises une protection des indications géographiques, des appellations d’origine ou des spécialités crée une véritable valeur ajoutée. Il est dès lors compréhensible que cela suscite la convoitise.
Nous avons spécifiquement un conflit avec les États-Unis - et quand je dis les États-Unis, je veux dire les grandes multinationales. Celles-ci vérifient très soigneusement si les produits aujourd’hui protégés en tant qu’appellations d’origine pourraient éventuellement être incorporés en tant que marques dans leur empire. Exactement comme Coca-Cola, ces multinationales voudraient inclure la feta, le parmesan, les Spreewälder Gurken (cornichons Spreewald), les Karlsbader Oblaten (gaufrettes de Carlsbad), la Thüringer Rostbratwurst et le Tiroler Speck d’Autriche et du haut-Adige (Südtiroler Speck) dans leurs gammes. Non pas qu’elles jugent ces produits particulièrement bons, mais parce que ceux-ci peuvent rapporter de l’argent. C’est la raison pour laquelle ces multinationales se sont à leur tour mêlées au débat au sein de l’OMC et ceci est notre réponse.
La bonne nouvelle est que l’OMC a déclaré dès le départ, par principe, que nos règles étaient conformes à ses propres règles. Par contre, ce qui n’est pas conforme et qui nécessite rectification, c’est la question de l’accès des pays tiers à ces indications de qualité protégées. Nous sommes en train de rectifier le tir et cela me paraît normal.
Toutefois, je tiens également à souligner qu’il y a un autre type de souhait exprimé ici. Les producteurs de jambon de Parme ou de Tiroler Speck pourraient par exemple se dire qu’il reviendrait moins cher d’acheter les porcs sur le marché général que de les produire dans la région ou de stipuler que les régions où ils les achètent se consacrent spécifiquement à cette production, parce que, bien entendu, cela augmente les coûts de production.
Mais si nous ne faisons pas cela, lors des négociations internationales au sein de l’OMC - et les multinationales ne nous lâcheront pas sur ce point -, nous risquons de tomber dans l’arbitraire, de saper nos propres indications de qualité et de perdre finalement ainsi toute protection. Il serait plus que douteux de croire qu’il est possible d’acheter des matières premières à moindre prix et c’est la raison pour laquelle nous avons indiqué et indiquons qu’il doit y avoir un lien particulier entre les régions à cet égard.
En guise de conclusion, je voudrais dire quelques mots au sujet de la procédure. Comme le sait la commissaire, le Conseil a déjà pris sa décision. Une fois de plus, nous menons ici un débat alors que tout a déjà été décidé. C’est inacceptable. Il est impératif qu’il y ait d’abord un débat. J’espère que nous parviendrons à inscrire cela clairement dans la Constitution lorsque celle-ci aura été ratifiée.
Par pur dépit, nous avons envisagé le renvoi de la question en commission parce qu’une fois de plus, notre institution et notre travail d’expert ont été ignorés. Cependant, nous pensons que cela démontrerait à l’extérieur un manque d’unité de notre part dans la procédure de l’OMC et permettrait à certains de se gausser du fait que nous ne parvenions même pas à être d’accord entre nous. Estimant que nous devons consolider et protéger la position de l’UE, nous laisserons donc passer la chose. Nous tenons néanmoins à pointer clairement les faiblesses du Conseil à certains égards et demandons à Mme Kroes, en tant que commissaire, de transmettre le message afin qu’elle reconsidère ses décisions.
(Applaudissements)
Giuseppe Castiglione, au nom du groupe PPE-DE. - (IT) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, les indications géographiques et de spécialités traditionnelles de produits agricoles et denrées alimentaires constituent un instrument important pour le développement et la durabilité de produits de qualité.
Globalement, le travail accompli par la Commission me semble très positif. Dans la mesure où deux phases d’analyse étaient prévues, l’une au niveau national et l’autre au niveau communautaire, il était primordial d’assurer une coordination.
Selon moi, les responsabilités plus grandes conférées par les États membres, la précision des termes de la procédure et le nouveau système d’opposition répondent correctement à la nécessité d’une reconnaissance plus rapide et plus efficace, autrement dit, à la nécessité d’un examen rapide mais néanmoins complet, un paramètre tout aussi crucial.
La possibilité pour des pays tiers d’accéder au système européen de protection des produits agricoles impose de protéger le consommateur contre toute confusion des symboles communautaires avec la véritable origine d’un produit. L’indication de l’origine d’un produit sur l’étiquette, ainsi que la couleur différenciée des logos communautaires et le principe d’autorisation pour l’usage de mentions sur des produits transformés, sont autant de nouveautés qui répondent au besoin d’une protection accrue des consommateurs. Je pense en outre que ces mesures vont inciter les producteurs à tirer un plus grand et un meilleur parti de l’étiquetage d’excellents produits en suivant l’approche soutenue par l’Union européenne en matière de qualité agroalimentaire.
Enfin, je soutiens les amendements 48 et 50 qui visent à permettre l’implication d’autorités régionales dans la phase d’examen nationale et à augmenter la protection de l’appellation d’origine protégée (AOP) et de l’indication géographique protégée (IGP) par rapport à d’autres formes de protection telles que les marques. J’espère que mes collègues partageront ce point de vue en votant demain pour ces deux amendements.
Pour terminer, je tiens à remercier la Commission d’avoir amené ce thème en discussion devant le Parlement et je me rallie aux propos de l’orateur précédent en faveur de ces procédures et de la reconnaissance de la production de produits de qualité. Tout cela répond au besoin généralisé de rapidité d’action, mais aussi et surtout de protection de l’excellence des régions rurales d’Europe.
María Isabel Salinas García, au nom du groupe PSE. - (ES) Monsieur le Président, comme vient de le dire assez justement le rapporteur, la qualité est un atout majeur de l’agriculture européenne.
Dans un marché mondial qui nous force à être de plus en plus compétitifs à cause de coûts de main-d’œuvre extrêmement bas, de normes médiocres en matière d’environnement et d’hygiène - en d’autres termes, à cause de prix inférieurs -, je pense que nous devons nous distinguer par la qualité. Nous avons dès lors besoin d’une qualité garantie et certifiée au moyen d’un système plus simple et aisément reconnaissable, dans lequel les consommateurs ont confiance, en Europe et à l’extérieur, et c’est à cela que nous travaillons.
En outre, il importe que ces dénominations soient reconnues en dehors de l’Union, au sein de l’OMC, de manière à pouvoir établir un marché de produits agricoles de grande qualité. Nous y travaillons et je pense que le travail effectué au sein de la commission de l’agriculture et du développement rural soutient cette position.
Notre premier défi consiste à renforcer davantage notre système de consommateurs et de producteurs. Il nous faut un système plus rapide, avec des délais et des procédures clairement définis, où les compétences sont correctement attribuées. Selon moi, la perception qu’a le secteur de ce système est tout aussi importante que la perception des consommateurs et il importe de démontrer les avantages économiques d’un marché de grande qualité: la sécurité d’un système de dénomination qui contrôle adéquatement les produits ne répondant pas aux conditions fixées ainsi qu’une procédure rapide et relativement légère.
Le thème qui nous préoccupe aujourd’hui est très important, en particulier pour des pays comme le mien, pionniers de l’agriculture biologique. Comme je l’ai dit, ce thème mérite une réflexion plus approfondie, que nous devrons mener dès que nous aurons satisfait aux exigences de l’OMC - ce qui doit se faire le plus rapidement possible - concernant la simplification de l’accès des produits de pays tiers au système.
Lors de l’examen et de la réflexion que nous mènerons ici au Parlement, il sera, je pense, primordial d’écouter le secteur et d’être attentif à ses besoins, en ayant constamment en tête l’objectif de mettre sur le marché mondial nos produits et notre qualité, qui sont les valeurs d’un secteur agroalimentaire européen réellement compétitif.
Jan Mulder, au nom du groupe ALDE. - (NL) Monsieur le Président, Monsieur Graefe zu Baringdorf a une fois de plus accompli sa mission de rapporteur avec l’enthousiasme qui le caractérise et je tiens à l’en féliciter. Je partage ses conclusions. Compte tenu de la libéralisation toujours plus grande dans le commerce des produits agricoles, il est nécessaire d’obtenir la reconnaissance, à l’échelle internationale, d’un plus grand nombre d’indications géographiques et d’appellations d’origine de produits agricoles et de denrées alimentaires. Ses conclusions sont dès lors totalement justifiées.
La nature exacte de la définition d’une indication géographique en Europe est également importante, selon moi. Monsieur Graefe zu Baringdorf a cité l’exemple du jambon de Parme, lequel doit précisément provenir de cette région. Le fait que le plus grand producteur de fromage d’Edam ne soit pas les Pays-Bas mais l’Allemagne m’a toujours étonné et je pense que cette situation doit changer.
Si nous réglementons cela au sein de l’OMC - et je suis ravi de voir que l’OMC me rejoint totalement sur ce point - et que nous demandons aux autres de reconnaître nos produits, il me semble tout à fait normal que nous reconnaissions également les leurs. Je ne partage pas entièrement l’avis de M. Graefe zu Baringdorf lorsqu’il dit qu’il n’y a aujourd’hui que deux catégories de qualité dans les produits agricoles, à savoir, ceux qui bénéficient d’une indication géographique et ceux qui sont issus de l’agriculture biologique. Si c’est effectivement le cas actuellement, nous devons aller beaucoup plus loin.
Nous devons introduire un label de qualité européen pour les produits agricoles. Si nous demandons à nos agriculteurs de respecter des normes en matière de bien-être animal, des objectifs environnementaux et d’autres critères de ce genre, il serait fort injuste d’attendre de ces agriculteurs qu’ils livrent concurrence au reste du monde, où les agriculteurs ne doivent pas respecter les mêmes normes. Dans la mesure où les consommateurs doivent pouvoir distinguer ces produits dans les magasins, nous devons développer un label de qualité pour les produits autres que ceux qui possèdent une indication géographique et que les produits biologiques.
Daniel Strož, au nom du groupe GUE/NGL. - (CS) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, en ce qui concerne la proposition de règlement du Conseil relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, je voudrais attirer l’attention sur une déclaration qui figure dans le rapport Graefe zu Baringdorf, à savoir, que la propriété intellectuelle est la dernière matière première des Européens. C’est précisément pour cette raison qu’il faut s’étonner et regretter qu’à ce jour, nous n’ayons aucun plan de développement d’un système spécifiquement conçu pour la protection de la propriété intellectuelle. Les nouveaux instruments devraient enfin mettre fin aux conflits persistants au sein de l’OMC entre l’UE et certains de ses partenaires commerciaux. Lorsque cette question sera réglée, nous espérons vivement que la Commission reviendra sur la problématique des indications géographiques et des appellations d’origine avec des objectifs conceptuels clairs.
Je tiens à ajouter que, selon l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, les appellations d’origine et les indications géographiques font partie intégrante de la propriété intellectuelle. En vertu du règlement du Parlement européen, les questions de propriété intellectuelle relèvent clairement et exclusivement de la compétence de la commission des affaires juridiques. Il est dès lors étrange, en termes de procédure et sur le plan pratique, que la rédaction de ce rapport ait été confiée à la commission de l’agriculture et du développement rural, sans même y inclure un avis de la commission des affaires juridiques.
Witold Tomczak, au nom du groupe IND/DEM. - (PL) Monsieur le Président, les objectifs des deux propositions de règlement semblent fondés. Il est difficile de ne pas soutenir une hausse du revenu des agriculteurs, les conditions d’une concurrence loyale et la protection contre les imitations de produits originaux. Cependant, des doutes subsistent quant au caractère réaliste des objectifs fixés.
Examinons le résultat à ce jour des solutions existantes. En ce qui concerne les spécialités traditionnelles garanties, seuls 15 produits agricoles et alimentaires ont été enregistrés jusqu’à présent dans toute l’Union. Est-il vraiment nécessaire d’établir des procédures complexes et d’accroître la bureaucratie pour une dizaine ou quelques dizaines de produits? Les agriculteurs producteurs vont-il vraiment y gagner quelque chose? En ce qui concerne le régime de protection des indications géographiques et des appellations d’origine, plus de 700 produits ont fait l’objet d’un enregistrement dans l’UE, dont 150 fromages, 160 types de viande ou produits à base de viande, 150 types de fruits et légumes et 80 types d’huile d’olive. Trois cents nouvelles demandes d’enregistrement sont en cours d’examen. En instaurant cette législation, ne nous trouverons-nous pas rapidement dans une situation ridicule, à la limite du risible? Dans quelques années, nous aurons des milliers de noms de produits originaux voulant conquérir les supermarchés de toute l’UE. Les consommateurs seront blasés et le système bureaucratique coûteux s’avérera incapable de traiter les demandes.
Ne serait-il pas préférable d’abandonner l’idée de vouloir réglementer les produits fins locaux? Si nous en faisons des produits de grande consommation, ce ne seront plus des produits fins. Faisons en sorte qu’ils restent une attraction naturelle de lieux ou de régions particulières, mais sans le soutien de l’Union européenne.
Janusz Wojciechowski, au nom du groupe UEN. - (PL) Monsieur le Président, au nom du groupe UEN, je tiens à féliciter M. Graefe zu Baringdorf pour ses excellents rapports. Je me réjouis de voir que nous allons apporter les simplifications nécessaires à la procédure d’enregistrement de produits alimentaires locaux et que le nombre de ces produits va augmenter, ou plutôt, qu’ils nous seront plus familiers, puisque nous parlons bien sûr de produits traditionnels depuis longtemps sur le marché.
Le véritable avenir de l’Europe réside dans le soutien de produits traditionnels régionaux qui représentent les accomplissements de communautés locales. C’est un domaine dans lequel nous pouvons exceller, où nous pouvons surpasser les autres et grâce auquel nous pouvons construire un marché européen commun mais riche par la diversité des spécialités régionales. Pour les producteurs régionaux, ce soutien ouvre également de grandes possibilités. Mais c’est surtout une bonne nouvelle pour les consommateurs, car ces produits sont fabriqués selon des recettes traditionnelles et avec des méthodes vieilles de plusieurs générations. Ce sont des produits plus sains et meilleurs que les produits de grande consommation. Nous répondons également ainsi de manière optimale au défi posé par les entreprises de biotechnologie, qui veulent nous forcer à consommer des denrées alimentaires produites en masse et résultant de transformations génétiques.
Nous devons être très clairs sur ce point: nous voulons consommer des produits sains, variés, fabriqués selon des méthodes traditionnelles, régionales, et nous ne voulons pas être forcés de consommer des produits alimentaires fabriqués selon des méthodes qui trichent avec la nature.
Jan Tadeusz Masiel (NI). - (PL) Monsieur le Président, depuis plusieurs décennies, la politique agricole commune encourage les agriculteurs à produire davantage, quelle que soit la qualité. Résultat: ces agriculteurs possèdent deux Mercedes et les magasins regorgent de produits qui ne sont ni bons, ni bon marché. Nous devons payer plus pour des produits dits «biologiques» et pour pouvoir acheter ce qui devrait être des denrées alimentaires normales.
Il est cynique d’affirmer qu’aujourd’hui, les consommateurs considèrent que la qualité est plus importante que la quantité. Ils veulent simplement manger à nouveau des aliments qu’ils n’ont plus vus depuis longtemps et auxquels ils ont droit. En attendant, nous consacrons la majeure partie de notre budget à la politique agricole commune, surtout dans les anciens États membres.
Espérons qu’en simplifiant les procédures actuelles, les réglementations relatives à la protection des indications géographiques, appellations d’origine et spécialités traditionnelles vont favoriser les agriculteurs producteurs de produits sains et délicieux.
Je remercie la Commission et le rapporteur d’avoir abordé cette importante question. J’espère que les agriculteurs, et en particulier ceux des nouveaux États membres qui n’ont pas encore eu le temps ou les moyens financiers d’industrialiser leur production agricole, seront récompensés pour leurs méthodes de production traditionnelles. Nos pays n’ont pas des méthodes de fabrication aussi extraordinaires que celles qui font la renommée de la cuisine française, mais nous avons néanmoins des produits fermiers et alimentaires sains et délicieux.
Astrid Lulling (PPE-DE). - Monsieur le Président, Madame la Commissaire, inutile de préciser combien nous sommes attachés à notre système des indications géographiques protégées et des appellations d’origine protégée, à leur défense et à leur respect, dans l’Union européenne et en dehors.
Les choses étant ce qu’elles sont, après les réformes répétées et, à mon goût, trop rapprochées de la politique agricole commune, les producteurs, dans beaucoup de nos régions, ne peuvent survivre que grâce à la qualité de leurs produits et à leur savoir-faire, ce que les consommateurs apprécient de plus en plus, heureusement, et sont prêts à rémunérer par des prix équitables, contribuant ainsi au maintien des emplois en amont et en aval et, partant, au développement rural.
C’est un fait quasiment historique que les États-Unis et l’Australie ont eu le culot d’attaquer, à l’Organisation mondiale du commerce, notre réglementation en la matière, qui est un grand succès. Depuis 1993, plus de 700 dénominations de produits alimentaires ont été enregistrées. Leur valeur marchande est estimée à plus de dix milliards d’euros et, je dois le mentionner, a été enregistré, entre autres, le Tiroler Speck, particulièrement cher au cœur de mon collègue Ebner, qui m’a cédé ses deux minutes de parole dans ce débat.
L’organe compétent de l’Organisation mondiale du commerce est heureusement arrivé à la conclusion que notre règlement ne contrevenait pas aux obligations de l’OMC. Il faut seulement que nous l’adaptions - d’ici au 20 avril prochain certes, le temps presse donc - pour placer les ressortissants des pays tiers à égalité avec les citoyens de l’Union en ce qui concerne les demandes et les droits d’opposition.
Je voudrais féliciter notre rapporteur, M. Graefe zu Baringdorf, et le remercier pour une excellente collaboration: ce n’est pas toujours le cas entre les verts et les noirs de ce Parlement! Je me réjouis qu’avec lui, notre rapporteur, et avec d’autres ténors de notre commission de l’agriculture et du développement rural, dont notre président Joseph Daul, nous ayons réussi à nous mettre d’accord sur des amendements qui visent à clarifier, à préciser, à simplifier, tout en améliorant par un contrôle adéquat le respect de cette propriété intellectuelle de nos agriculteurs, une des dernières matières premières des Européens.
Nous voulons surtout, par des délais précis - six mois pour l’examen des demandes d’enregistrement par la Commission, quatre mois pour y faire opposition -, éviter des retards nuisibles aux opérateurs concernés. Nous voulons que les symboles communautaires, nos logos, soient distingués par des couleurs spécifiques et éviter qu’ils soient utilisés par les pays tiers. Nous voulons enfin qu’en cas d’annulation de l’enregistrement d’une AOP ou d’une IGP, celle-ci ne puisse être enregistrée comme marque pendant cinq ans, ceci pour éviter toute pression économique sur les producteurs.
Je sais que beaucoup de collègues ont eu beaucoup d’idées, de revendications pour améliorer la législation, mais nous invitons le Conseil - puisque le temps presse - à ne mettre en œuvre, dans un premier temps, que les modifications rendues nécessaires par la décision arbitrale de l’OMC. Comme l’a dit ...
(Le Président retire la parole à l’oratrice)
Bogdan Golik (PSE). - (PL) Monsieur le Président, je félicite le rapporteur pour ses deux excellents rapports. Je suis convaincu que ces nouveaux règlements adoptés par le Parlement vont favoriser le développement de la production agro-alimentaire et redynamiser des régions rurales en promouvant leurs traditions et leurs valeurs culturelles ainsi qu’en augmentant le nombre d’emplois en dehors du secteur agricole. Selon moi, une procédure d’enregistrement transparente et simplifiée ainsi qu’une répartition claire des compétences entre les États membres et la Commission apporteront une protection plus efficace aux consommateurs et aux producteurs, aux citoyens de l’Union et, surtout, à ceux qui fabriquent ces produits. Ils seront protégés contre les imitations, l’utilisation abusive des dénominations d’origine, le copiage de listes d’ingrédients et autres pratiques frauduleuses utilisées par ceux qui cherchent un profit immédiat.
Les règlements proposés contribueront à garantir un système crédible de protection de la qualité de produits enregistrés ayant fait leurs preuves et dont la popularité s’accroît dans l’Union et dans le monde entier. Désormais, ces produits n’arboreront plus seulement l’étiquette du producteur, mais aussi celle de l’Union européenne.
Giusto Catania (GUE/NGL). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l’Europe doit être en mesure de garantir et de protéger la qualité de sa production agricole et alimentaire. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de défendre les spécialités traditionnelles et les indications géographiques, notamment contre les attaques lancées au sein de l’Organisation mondiale du commerce par les États-Unis et l’Australie.
Le rapporteur a fourni un excellent travail pour améliorer les deux règlements. Nous devons protéger les produits pour améliorer réellement la sécurité alimentaire et empêcher l’homogénéisation des goûts, un phénomène qui se mondialise. Trop souvent, malheureusement, nous trouvons des produits de contrefaçon sur les marchés: le plus grand marché du sud de l’Italie, Vittoria, en Sicile, est inondé chaque jour par des produits de contrefaçon commercialisés comme étant des produits bénéficiant d’une indication géographique protégée, par exemple, les tomates cerises Pachino.
Nous pensons dès lors qu’un étiquetage est nécessaire pour indiquer le lieu d’origine et de transformation d’un produit. Interrogeons-nous toutefois sur un point: trop souvent, ceux qui sont favorables aux régimes AOP et IGP sont davantage préoccupés par la commercialisation que par la production.
Kathy Sinnott (IND/DEM). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais remercier le rapporteur de contribuer à protéger l’individualité régionale et l’autonomie rurale.
L’Europe possède des produits et des aliments tellement riches et variés que nous devons certainement les protéger des absolutistes de la libéralisation du commerce. La recette de famille, la saveur locale, le produit fait à la main, la qualité et le caractère unique ont besoin de notre protection afin de préserver la richesse de nos régions.
Mais à quoi servira cet excellent travail si, en même temps, nous permettons aux OGM d’infiltrer nos cultures, et donc nos aliments et produits? Nous essayons ici de protéger l’individualité des produits et le caractère unique des ingrédients locaux. Comment pouvons-nous affirmer que nos ingrédients sont locaux s’ils sont tous modifiés en laboratoire? Ces graines ne sont certainement pas une variation familiale, ce sont les graines d’un identikit Monsanto numéro de lot untel, exactement les mêmes que des millions d’autres dans le monde.
Comment pouvons-nous alors affirmer que nos produits sont uniques, qu’ils constituent notre riche saveur régionale, ou même qu’ils proviennent de notre région? L’honnêteté n’exigerait-elle pas que nous étiquetions nos produits «Monsanto Corporation, produit à Saint-Louis, Missouri»? Nous devons permettre aux régions de choisir si elles souhaitent être génétiquement modifiées et nous devons protéger celles qui ne le souhaitent pas.
Nous devons non seulement apprécier et préserver les spécialités locales mais également les marchés agricoles sur lesquels elles sont parfois encore vendues localement. Nous devons veiller à ce que, en réglementant la commercialisation des denrées alimentaires, nous n’exterminions pas les derniers marchés agricoles traditionnels locaux.
Zdzisław Zbigniew Podkański (UEN). - (PL) Monsieur le Président, il est heureux que nous ayons cette discussion commune sur les rapports de M. Graefe zu Baringdorf. Dans l’un d’eux, au point 5 de la justification, il est déclaré que l’objectif des propositions est de simplifier la procédure et de définir avec précision les compétences des divers organes dans le processus d’examen des demandes. Cette déclaration, ainsi que celle figurant au point 9, laissent espérer que dans la version finale des règlements du Conseil, nous parviendrons à éviter la bureaucratie et les incohérences juridiques. C’est particulièrement important en ce qui concerne le règlement sur la protection des indications géographiques et appellations d’origine pour les produits agricoles et les denrées alimentaires. N’oublions pas que les indications géographiques font partie du patrimoine de certaines communautés locales et de certaines nations et que leur responsabilité est de les protéger.
La protection des indications géographiques et appellations d’origine des denrées alimentaires au niveau communautaire a seulement pour fonction de soutenir et de prévenir les pratiques malhonnêtes. Cependant, comme précisé à l’article 11, paragraphe 3, seuls les organes nationaux seront compétents pour imposer des sanctions à l’échelon national.
Le rôle des produits et denrées alimentaires régionaux est de soutenir le développement régional et d’élargir l’éventail d’attractions touristiques, y compris l’agrotourisme. Personne ne souhaite une Union européenne où tout le monde est habillé de la même façon, mange la même nourriture et parle de la même façon.
James Hugh Allister (NI). - (EN) Monsieur le Président, je me félicite de ces rapports, car la protection des spécialités locales est juste et nécessaire. Les régions ont le droit d’exploiter et de protéger ces spécialités dans leur propre intérêt économique.
Je remarque que, dans les États membres où cela est pratiqué, la promotion de ces indications géographiques est estimée à quelque 5 milliards d’euros par an en termes de valeur ajoutée. Bien sûr, il y a également des répercussions en termes d’impact et de création d’emplois ainsi que de rétention de la population dans les zones rurales.
Mon unique regret est que, à ce jour, ma région - l’Irlande du Nord - n’ait pas encore eu recours à ce système, bien que, je dois le dire, tout en étant peu objectif, nous soyons riches en produits de ce genre.
Le bœuf d’Ulster, que tous les Européens pourront à nouveau savourer prochainement, lorsque l’interdiction sur le bœuf sera levée, a un goût et une qualité qui font sa renommée et qui ont fait du label Greenfield un synonyme de grande qualité. Nos pains au froment et à la levure sont des mets délicats qui doivent absolument être goûtés et les pommes d’Armagh Bramley sont très réputées.
C’est pourquoi je voudrais inviter le gouvernement britannique dans ce débat à saisir immédiatement les opportunités offertes par ces règlements.
En ce qui concerne ces règlements, une des critiques que j’ai entendues est que la procédure de demande d’enregistrement est excessivement fastidieuse et bureaucratique. Je voudrais dès lors demander qu’un effort maximal soit réalisé en vue de simplifier la procédure afin que la protection et la promotion des produits régionaux puissent être assurées plus rapidement, et je me réjouis d’entendre ce que la Commission a à dire à ce sujet.
Dans le contexte de l’OMC, il est vital que l’Europe défende les droits accumulés en vertu de ces règlements et qu’elle ne cède pas aux pressions des pays tiers. Je suis entièrement d’accord avec notre rapporteur, l’UE doit user de toute son influence et de toutes ses compétences diplomatiques pour défendre les indications géographiques. Nous devons certes considérer le rejet des récentes attaques des États-Unis et de l’Australie par l’Organe de règlement des différends de l’OMC comme un encouragement, mais nous ne pouvons nous permettre un excès de confiance.
Agnes Schierhuber (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, je me joins aux remerciements adressés au rapporteur pour ses rapports vraiment excellents ainsi qu’aux rapporteurs fictifs pour leur coopération très efficace.
Ces rapports figurent selon moi parmi les dossiers essentiels de cette législature, notamment le rapport sur les indications géographiques protégées et les appellations d’origine protégées. Comme l’a mentionné Mme Kroes, plus de 700 produits ont déjà été enregistrés et 300 procédures d’enregistrement ont été entamées. C’est très important pour l’agriculture européenne et les régions rurales.
Selon moi, la notion de propriété intellectuelle s’applique également à ces produits qui contribuent à l’identité d’une région. Si nous ouvrons nos marchés aux produits de pays tiers, nous devons pouvoir exiger qu’ils appliquent les mêmes normes de qualité et normes sociales que celles qui prévalent dans l’UE. Nous vivons certes dans un environnement mondialisé, mais une concurrence loyale n’est possible que si les mêmes exigences et règles sont imposées - et appliquées - au sein de l’OMC.
De manière générale, nous devons toutefois veiller à ce que la procédure implique un examen minutieux et éviter tout nivellement vers le bas. La qualité a son prix. Comme le président de la République fédérale d’Allemagne l’a déclaré hier, les prix plus élevés pratiqués dans l’UE doivent correspondre à une qualité supérieure. Pour citer un exemple, en Autriche, plus de 180 000 agriculteurs se consacrent aux activités de production et assurent - à tout le moins - quelque 600 000 emplois en amont et en aval. Cela démontre également l’importance des entreprises et des exploitations agricoles familiales actives dans la production pour les régions rurales.
Robert Navarro (PSE). - Monsieur le Président, je tiens tout d’abord à féliciter le rapporteur et mes collègues de la commission de l’agriculture et du développement rural pour ce rapport, qui a le mérite d’insister sur une notion fondamentale: l’agriculture européenne ne survivra que par la qualité. Par conséquent, la défense des labels et autres appellations protégées, qui seuls pourront garantir à terme la compétitivité des produits européens sur un marché mondialisé, doit être au cœur de toute l’action politique de l’Union européenne, notamment dans les forums internationaux comme l’OMC.
Pour ma part, je viens d’une région qui compte plus d’une trentaine de produits protégés par les régimes AOP, IGP, STG. Ces appellations sont indéniablement un atout pour les producteurs qui en bénéficient. Cette même logique, nous l’appliquons depuis toujours dans un autre secteur, lequel n’est pas concerné directement par ce texte, mais qui a besoin de la protection et du soutien de l’Europe. Je parle bien entendu de la viticulture, qui représente des dizaines de milliers d’emplois dans ma région, le Sud de la France, des centaines de milliers d’emplois pour l’Europe et qui connaît actuellement une crise grave. Si rien n’est fait, y compris au niveau européen, l’Europe risque d’y perdre son âme.
Andrzej Tomasz Zapałowski (IND/DEM). - (PL) Monsieur le Président, le débat de ce jour porte sur la protection des spécialités agricoles traditionnelles.
Le règlement indique qu’une période de production égale à la durée d’une génération est requise pour qu’un produit puisse être qualifié de produit fabriqué selon des méthodes traditionnelles. L’amendement qui restreint la définition aux produits ayant été utilisés sur le marché avant la Seconde Guerre mondiale a soulevé des inquiétudes. Il s’agit en effet d’une discrimination envers les pays d’Europe centrale.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la Pologne a perdu la moitié de son territoire et plusieurs millions de personnes ont ensuite été déplacées vers des territoires récupérés. Il en a résulté une rupture des traditions. Sous le régime communiste, la production de produits traditionnels à des fins commerciales était par ailleurs interdite. Ce n’est que depuis plus ou moins une décennie, depuis que le pays a retrouvé son indépendance, que les communautés de régions spécifiques sont revenues à des méthodes traditionnelles et saines de production de denrées alimentaires telles que les saucisses et jambons polonais traditionnels. Avant cela, la chose était impossible.
La certitude d’un contrôle suffisant de la qualité des denrées alimentaires ainsi que la certitude d’empêcher une détérioration des produits traditionnels en raison de l’offre croissante de plantes génétiquement modifiées dans toute l’Europe sont deux autres préoccupations extrêmement importantes. En effet, dans certains pays européens, des plantes génétiquement modifiées ont été diffusées malgré les contrôles et vont sans aucun doute bientôt constituer une menace pour les produits traditionnels à cause de la modification de la liste des ingrédients de ces produits. Enfin, le registre annexé des produits classés comme produits traditionnels doit également inclure les produits d’épicerie fine.
María Esther Herranz García (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, le rapport sur les appellations d’origine et les indications géographiques qui nous est présenté par la Commission indique que l’intention est de clarifier les procédures et de rendre la législation communautaire conforme à une décision arbitrale de l’Organisation mondiale du commerce.
La protection des indications géographiques est bien sûr primordiale. Elle est essentielle en vue de fournir aux consommateurs une information précise concernant la qualité, l’origine et les méthodes de production des produits qu’ils consomment. Il semble dès lors logique d’éviter de semer la confusion dans l’esprit des consommateurs et c’est la raison pour laquelle il y a lieu d’interdire l’utilisation du logo communautaire sur des produits provenant de pays tiers.
En outre, les membres de cette Assemblée ont le devoir de défendre la diversité et la richesse du patrimoine gastronomique européen qui, jusqu’à présent, jouit d’une réputation internationale.
Nous devons nous conformer à la décision arbitrale de l’Organisation mondiale du commerce. Personne ne remet cela en cause. Nous devons modifier le règlement de manière à le rendre conforme aux exigences posées.
Néanmoins, tant que l’OMC n’inclut pas dans ses discussions le système international des indications géographiques et que, partant, nous ne disposons pas d’un registre international des indications géographiques, toute modification de notre règlement communautaire au-delà de ce qui est strictement nécessaire n’a guère de sens.
Nous devons en outre veiller à ce que les modifications apportées au règlement n’entraînent aucun retard dans la tenue du registre ni aucune discrimination entre l’Union européenne et les pays tiers, parce que la procédure d’autorisation communautaire impose le respect d’exigences très strictes en termes de qualité et de sécurité alimentaire. La Commission est-elle capable de garantir la conformité des produits de pays tiers avec ces mêmes normes? Très honnêtement, je ne le crois pas.
Je pense dès lors qu’il convient de soutenir l’amendement proposé par le groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens, de même que je pense que les différents types de systèmes de santé doivent veiller à ce que les agriculteurs et producteurs ne soient pas les seuls à devoir payer le prix de l’extension de la législation sur l’hygiène alimentaire aux appellations d’origine.
Luis Manuel Capoulas Santos (PSE). - (PT) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, je tiens moi aussi à féliciter le rapporteur. L’instauration de l’appellation d’origine protégée (AOP), de l’indication géographique protégée (IGP) et de la spécialité traditionnelle garantie (STG) est une étape positive pour le développement des régions rurales. Cela va contribuer simultanément à préserver le patrimoine naturel et culturel et à élargir la gamme de produits de qualité proposée à un nombre croissant sans cesse de consommateurs exigeants et avisés.
Je peux en témoigner avec l’expérience de mon pays, où plus de 100 produits ont fait l’objet de telles procédures et où une majorité ont enregistré un succès commercial appréciable. Dans certains cas, le succès commercial représente la réhabilitation de races indigènes qui étaient vouées à l’extinction et de méthodes d’exploitation qui, sans cela, auraient été menacées de disparition ou auraient carrément disparu.
Le contenu des propositions qui nous sont présentées contribuera à améliorer le cadre réglementaire en vigueur et à le rendre conforme aux règles de l’OMC, que nous souhaitons respecter. Je tiens à souligner que l’identification plus claire des symboles communautaires par des codes couleurs, l’indication du lieu d’origine et du lieu de transformation des produits de pays tiers, ainsi que le maintien de la décision de la Commission, rendent le processus plus crédible et entraîneront une diminution des prix et de la bureaucratie.
Mairead McGuinness (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, avant d’aborder le sujet du débat d’aujourd’hui, il est important que j’informe cette Assemblée que l’industrie du sucre irlandaise va arrêter totalement sa production. Elle l’a annoncé aujourd’hui en Irlande. Puisque nous parlons de l’OMC, l’Irlande est sa première victime en termes de production de betteraves sucrières. Trois cents travailleurs vont perdre leur emploi et 3 500 agriculteurs seront très durement frappés. S’agit-il là d’un signe avant-coureur de ce qui nous attend si le pouvoir de l’OMC de décider de l’agriculture en Europe s’intensifie? Si la betterave sucrière est sacrifiée aujourd’hui, comme c’est le cas en Irlande, qu’en sera-t-il de l’élevage bovin européen demain?
En ce qui concerne ce rapport, je remercie le rapporteur pour son excellent travail. Je crains cependant que nous abordions parfois cette question avec certes beaucoup d’intensité - comme il se doit - mais en ignorant le cadre plus vaste de la production de denrées de base dans l’Union européenne, qui a elle aussi besoin d’être protégée.
Je regrette que, en Irlande, seuls trois produits soient enregistrés sous le label IGP, alors que des centaines de petites entreprises alimentaires pourraient bénéficier de la protection offerte par ces règlements. Je les encourage vivement à le faire. Nous aurons besoin de davantage de produits de spécialité si nous devons relever les défis de la réforme de la PAC et des pressions de l’OMC. Nous devons reconnaître que la poursuite de la production alimentaire en Europe requiert un engagement envers le secteur, et l’on ne peut s’attendre à ce que celui-ci survive aux coups que lui porte l’accès illimité au marché de denrées de base à bas prix produites à l’extérieur de l’Union sous des normes différentes et inférieures.
Protégeons et encourageons par tous les moyens ceux qui veulent produire des spécialités alimentaires, mais reconnaissons également que l’agriculture européenne produit des denrées de bases très spécifiques qui ont aussi besoin de notre protection.
Marc Tarabella (PSE). - Monsieur le Président, je tiens tout d’abord à féliciter, moi aussi, le rapporteur, M. Graefe zu Baringdorf, pour le travail remarquable accompli en vue d’une meilleure information et d’une meilleure protection, tant des producteurs et des transformateurs que des consommateurs, sans pour autant manifester un protectionnisme conservateur mais en manifestant, au contraire, respect et reconnaissance pour notre savoir-faire. Cela ne plaît toutefois pas à tout le monde, et la meilleure preuve en est la levée de boucliers aux États-Unis et en Australie. Ces États veulent que les i