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RC-B6-0167/2006

Débats :

PV 16/03/2006 - 16.2
CRE 16/03/2006 - 16.2

Votes :

PV 16/03/2006 - 17.2
CRE 16/03/2006 - 17.2

Textes adoptés :


Compte rendu in extenso des débats
Jeudi 16 mars 2006 - Strasbourg Edition JO

16.2. Kazakhstan (débat)
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle le débat sur les six propositions de résolution concernant le Kazakhstan(1).

 
  
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  Ona Juknevičienė (ALDE), auteur. - (LT) Le 13 février, A. Sarsenbaïev, éminent responsable politique et dirigeant de l’opposition kazakh, a été sauvagement assassiné à Almaty, avec son chauffeur et son garde du corps. Il y a peu, un autre dirigeant de l’opposition, Z. Nurkadilov, a été retrouvé le corps criblé de trois balles, après avoir accusé le gouvernement de corruption et d’être responsable du meurtre du journaliste indépendant Sharipzhanov. La version officielle de l’enquête est le suicide. En tant que l’un des États les plus évolués de la région, le Kazakhstan essaie de s’inscrire parmi les États démocratiques du monde. De plus, il entend présider l’OSCE à partir de 2009. Une organisation chargée de garantir la démocratie et la stabilité au sein de la Communauté et au-delà de ses frontières. Une organisation qui, en décembre, a reconnu que les élections présidentielles au Kazakhstan n’avaient pas respecté les exigences internationales. Force est de constater que l’économie du Kazakhstan affiche une croissance rapide. Le Kazakhstan est un partenaire commercial très important pour la Communauté, mais, chers collègues, nous ne sommes pas uniquement une union économique, mais également une union de valeurs. En matière de politique étrangère, nous ne pouvons pas poursuivre des intérêts économiques stricts et, en aucun cas, nous ne pouvons tolérer la violation des droits de l’homme. Le président N. Nazarbaïev reconnaît ouvertement qu’auparavant, son pays ne vivait pas en démocratie et affirme que nous ne pouvons pas nous attendre à ce que la démocratie s’y implante du jour au lendemain. Il tente aussi de nous assurer de la possibilité d’une démocratie contrôlée au Kazakhstan, mais il s’agit fondamentalement d’une volonté de justifier un régime autoritaire datant de la période soviétique. Monsieur le Président, nous savons tous que la démocratie existe ou n’existe pas. Elle ne peut être contrôlée ou partielle.

 
  
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  Albert Jan Maat (PPE-DE), auteur. - (NL) Monsieur le Président, (…l’orateur s’exprime sans microphone) nous n’aurions pas tenu ce débat cet après-midi. Ce n’est pas que nous ne nous soucions pas du Kazakhstan ou que nous pensions que rien ne pose problème; nous sommes bien entendu préoccupés, mais lors de son dernier mandat, le Parlement a adopté une résolution stricte sur le Kazakhstan, que le Parlement et le gouvernement du Kazakhstan ont prise très au sérieux à l’époque. Cette résolution a conduit à l’admission d’un plus grand nombre de partis politiques et a permis, en tous les cas, à la liberté de la presse de faire un pas en avant.

Aujourd’hui, nous sommes de nouveau préoccupés, mais il est frappant de constater, par rapport à la précédente résolution sur la situation au Kazakhstan, que le gouvernement, le président, essaie tout du moins d’instaurer la transparence, dans le sens où concernant les meurtres, ou les questions susceptibles d’être remises en cause, on note en tous les cas que les observateurs étrangers ont la possibilité de prendre la mesure de la situation.

Une chose est sûre. Quelque chose se trame au Kazakhstan, certes, et cela signifie qu’il est impossible d’évaluer correctement la situation et nous estimons qu’à ce titre, cette résolution est pour l’instant prématurée. Par ailleurs, même si nous pensons que tout n’est pas parfait, nous constatons pour la première fois que, dans les régions sensibles, où des meurtres ont pu se produire et se sont effectivement produits, même si les circonstances ou les auteurs demeurent inconnus, il existe une volonté de montrer ce qu’il se passe, la manière dont le processus touche à sa fin. Ce sont ces mêmes points que nous souhaiterions souligner afin de renforcer les relations existant entre l’Union européenne et le Kazakhstan.

Le groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens propose dès lors que nous mettions à profit la coopération entre les délégations parlementaires. La délégation parlementaire du Kazakhstan sera en visite à Bruxelles en mai, une visite au cours de laquelle nous aurons l’occasion d’aborder tous ces problèmes entre collègues parlementaires. Au sein du groupe PPE-DE, nous souhaiterions voir certains progrès au niveau des pays d’Asie centrale. Quant au Kazakhstan, nous devons clairement débattre la question d’un partenariat afin de voir si nous pouvons faire équipe sur les sujets où nous coopérons de façon satisfaisante.

En un mot, la situation au Kazakhstan nous préoccupe. Même si nous ne sommes pas toujours frappés par le niveau de démocratie dans ce pays, nous pouvons voir à l’heure actuelle qu’il existe une transparence accrue, que quelque chose se trame, que l’incertitude est grande. En tous les cas, je souhaiterais féliciter la commissaire pour les informations pertinentes que nous avons reçues de son représentant à Almaty à ce sujet, ce que nous avons beaucoup apprécié.

Concernant le vote, même si nous avons contribué à cette résolution, faute de quoi nous nous serions mis nous-mêmes sur la touche, nous avons sollicité cinq votes séparés, dont le résultat décidera de notre soutien ou de notre rejet de la résolution. En bref, même si nous avons des inquiétudes, nous souhaiterions en discuter avec nos collègues kazakhs en des termes amicaux, afin de voir si nous pouvons faire quelques pas en avant en matière de démocratie.

 
  
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  Bernd Posselt (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, juste un mot. Ce midi, Mme Pleštinská a expliqué qu’aujourd’hui l’on mettait des bougies aux fenêtres en Slovaquie et dans de nombreux autres pays, en signe de solidarité avec l’opposition et le mouvement de liberté au Belarus. Pour ne pas déclencher les alarmes à incendie, nous avons seulement apporté une petite bougie symbolique à la séance plénière, qui brûle là où siège Mme Pleštinská, mais elle vise à montrer clairement que nous sommes fortement solidaires du mouvement de liberté au Belarus.

(Applaudissements)

 
  
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  Le Président. - Tout en réaffirmant notre soutien à cette initiative, je me dois de souligner que, conformément au règlement intérieur, il est strictement interdit d’introduire des objets incandescents ou enflammés dans l’Assemblée, raison pour laquelle je prie notre collègue de bien vouloir éteindre cette bougie. Merci.

 
  
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  Józef Pinior (PSE), auteur. - (PL) Monsieur le Président, l’opposition politique au Kazakhstan proteste contre le meurtre d’Altynbek Sarsenbaïev, ancien ministre et ambassadeur qui a rejoint l’opposition en 2003 et a commencé à critiquer le système politique du président Nursultan Nazarbaïev. Le 26 février de cette année, à Almaty, environ 1 500 personnes ont participé à une manifestation et le corps de M. Sarsenbaïev, âgé de 43 ans, a été retrouvé criblé de balles, au niveau de la tête et des épaules, près de ceux de son garde du corps et de son chauffeur. Les responsables du comité pour la sécurité nationale soupçonnés du meurtre ont été arrêtés et le chef du comité pour la sécurité nationale, Nartaï Dutbaïev, a démissionné.

Je souhaiterais également souligner que l’organisation Reporters sans frontières a accusé les autorités kazakhes de censurer l’internet et de restreindre la liberté d’expression des médias traditionnels. Le 15 décembre 2005, les forces de sécurité ont perquisitionné les bureaux de l’hebdomadaire Pravo Ekonomika Politika Kultura après la publication, par ce dernier, d’une lettre signée du chef de la commission électorale, établissant qu’une fraude électorale s’était produite, dans une certaine mesure, lors des élections présidentielles du 4 décembre. De plus, le 20 décembre, l’hebdomadaire Juma-Times a été fermé sur décision du tribunal d’Almaty après avoir été accusé de diffamation à l’encontre du président Nazarbaïev.

 
  
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  Erik Meijer (GUE/NGL), auteur. - (NL) Monsieur le Président, l’effondrement de l’Union soviétique ne s’est pas révélé être un gage de démocratie - bien au contraire, en fait. Certains responsables politiques au passé communiste ont abandonné leur idéologie, mais sont aujourd’hui, précisément pour cette raison, encore plus libres de manœuvrer afin de rester au pouvoir le plus longtemps possible ou de transmettre les rênes du pouvoir à leur descendance. L’un de ces tours de passe-passe consiste à étendre le mandat des présidents au pouvoir de dix ans, voire à vie, par le biais d’un référendum ne laissant pas même la place à un ou deux candidats concurrents.

Une autre technique est d’éliminer les opposants les plus sérieux en les emprisonnant sur la base de fausses accusations, en organisant leur mort dans des accidents de voiture ou en les faisant tout simplement disparaître. En Ukraine, en Géorgie et au Kirghizstan, les soulèvements populaires soutenus par le plus grand nombre contre des régimes de ce type ont été efficaces, mais reste à voir si ces pays en sortiront gagnants à long terme. À ce jour, au Belarus, en Ouzbékistan, au Turkménistan et au Kazakhstan, un pays de bien plus grande taille, les dirigeants au pouvoir ont réussi à étouffer toute opposition. Certains ont été en mesure d’utiliser leur rôle en matière d’approvisionnement en énergie afin de s’acheter de puissants alliés étrangers.

Pendant longtemps, le Kazakhstan a été principalement une région aride et à faible densité de population où, au milieu d’une population peu importante de langue turque, la colonisation russe s’est déployée dans les régions où l’industrie et la mine semblaient possibles ou là où une base expérimentale pour fusées spatiales pouvait être mise sur pied. Entre-temps, une nouvelle capitale a vu le jour, très éloignée de la grande cité d’Almaty, et l’influence des habitants russes est considérablement réduite.

Le Kazakhstan est un pays vaste à faible densité de population. Il se compose de deux grands groupes de population, le reste étant constitué de minorités chassées de l’empire russe, et son avenir est extrêmement précaire. Dans nos relations avec ce pays, la résolution insiste, à juste titre, sur l’attention qu’il convient d’accorder non seulement aux relations économiques, mais également et surtout, aux prisonniers politiques, à l’espace réservé à l’opposition, à un processus décisionnel démocratique et aux droits de l’homme.

 
  
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  Carl Schlyter (Verts/ALE), auteur. - (SV) Monsieur le Président, tout n’est pas noir au Kazakhstan. Par rapport à un certain nombre d’autres pays de la région, des avancées positives sont également observées, par exemple le moratoire sur la peine de mort et la poursuite de policiers accusés de torture. Cependant, les faits les plus récents montrent que, paradoxalement, alors que l’opposition se développe et se renforce, il en va de même de l’oppression exercée à son encontre. Ces deux meurtres ont exacerbé la situation.

L’OSCE a déclaré que les élections ne s’étaient pas déroulées comme il se devait. En réalité, il était tout à fait superflu de truquer ces élections, car, selon l’ensemble des sondages d’opinion, M. Nazarbaïev l’aurait tout de même emporté. Étant donné la situation des médias au Kazakhstan, une telle évolution n’est peut-être pas aussi étrange que cela. Il y règne également un climat de peur. Les gouverneurs n’ont pas osé faire état des pires statistiques de vote qui soient et n’ont pas hésité à les relever de quelques votes supplémentaires par peur de voir leur position, financière ou autre, menacée. Nous ne pouvons pas tolérer un tel climat dans une démocratie et nous devons être sur nos gardes.

En vérité, le Parlement européen a peu d’exigences: seulement que le Kazakhstan respecte sa propre constitution et que des décisions de justice soient rendues par rapport aux arrestations, notamment. Au paragraphe trois, nous indiquons vouloir que des observateurs internationaux suivent l’enquête visant à élucider les meurtres. Le FBI a été convié à participer aux enquêtes faisant suite aux meurtres et nous devrions veiller à ce que d’autres organismes internationaux soient également autorisés à examiner les informations relatives à ces crimes pour que nous puissions tâcher de comprendre et d’éclaircir l’enquête.

 
  
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  Janusz Wojciechowski (UEN), auteur. - (PL) Monsieur le Président, le Kazakhstan est un pays important possédant une remarquable histoire et l’un des plus grands pays d’Europe - oui, d’Europe, car environ 150 000 km² de son territoire sont situés dans les limites géographiques de notre continent. C’est un pays où vivent actuellement des milliers de mes compatriotes polonais, exilés au Kazakhstan sous le régime de Staline. Sur le plan historique et politique, cependant, il est évident que le Kazakhstan fait partie de l’Asie centrale. C’est également un pays postcommuniste et postsoviétique. Nous devons prendre cette histoire en considération et nous souvenir que le terme «démocratie» n’y est pas toujours compris de la même manière qu’ici, dans les pays d’Europe, riches d’une tradition démocratique séculaire.

J’ai fait partie des observateurs envoyés par le Parlement européen au Kazakhstan lors des élections présidentielles. Ce pays n’est en aucun cas un modèle de démocratie, mais il faut souligner, pour être tout à fait juste, que les autorités kazakhes font beaucoup d’efforts pour démocratiser la vie publique et, surtout, pour rapprocher le pays des valeurs occidentales et le moderniser. Nous devrions reconnaître cet effort et proposer, avec prudence, notre soutien à ce processus.

La proposition de résolution à l’étude mérite notre soutien en ce qu’elle réclame une enquête sur le meurtre de M. Sarsenbaïev, membre de l’opposition. Néanmoins, cette proposition contient également des éléments exprimant des soupçons injustifiés. Des responsables politiques sont tués dans de nombreux pays, dans des attentats ou des accidents, sans que la cause en soit systématiquement une machination politique. Pour cette raison, j’appelle à la modération du contenu de la résolution et à l’adoption de plusieurs des amendements proposés.

 
  
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  Charles Tannock, au nom du groupe PPE-DE. - (EN) Monsieur le Président, à l’instar de mes collègues de l’Assemblée, je suis horrifié par l’assassinat brutal dont a été victime le dirigeant de l’opposition Altynbel Sarsenbaïev le 13 février. Je me félicite du fait que le président Nazarbaïev a demandé au FBI de retrouver les coupables, ainsi que de sa déclaration du 21 février dans laquelle il exprimait son souhait de punir les auteurs de cet assassinat. La récente arrestation de cinq suspects est également un signe encourageant. La démocratie et les droits de l’homme au Kazakhstan continuent bien sûr à nous préoccuper. L’UE est à juste titre inquiète par rapport à toute instabilité dans cette république d’Asie centrale qui occupe une position stratégique clé et qui souhaite se rapprocher de l’Union européenne plutôt que de la Russie ou de la Chine.

En tant que rapporteur pour la politique européenne de voisinage, j’ai proposé que le Kazakhstan soit inclus dans cette politique. Ma démarche obéit à une tradition en vertu de laquelle le Parlement européen a été le premier à soulever la question d’un tel statut pour les trois républiques du Caucase - statut dûment octroyé par le Conseil en temps voulu. Le Kazakhstan a une extension vers l’Ouest, ce qui, sur le plan géographique, plaide en faveur d’un statut de pays concerné par la politique européenne de voisinage. Il a également une forte tradition laïque héritée de son passé soviétique, avec une très large minorité européenne chrétienne qui vit en harmonie avec la population kazakhe musulmane d’origine.

Les vastes réserves de gaz et de pétrole du Kazakhstan revêtent une importance stratégique pour l’UE et ce pays souhaite le vendre à l’UE sans dépendre entièrement des oléoducs et gazoducs russes pour le transport de ses ressources naturelles. D’autre part, la politique kazakhe de diversification comprend des plans qui visent à liquéfier son gaz naturel pour l’exporter via la route transcaspienne.

Dans ce contexte - et c’est moins agréable - il y a aussi le vaste potentiel de concentré d’uranium kazakh extrait dans les mines en service et qui sera essentiel pour répondre aux futurs besoins en énergie nucléaire de l’UE. Celle-ci doit offrir son aide à ce vaste pays sous-peuplé mais qui joue un rôle clé sur le plan géopolitique, et le groupe PPE-DE n’entend pas soutenir ce texte commun trop subjectif à moins que nos amendements soient adoptés.

 
  
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  John Attard-Montalto, au nom du groupe PSE. - (EN) Monsieur le Président, permettez-moi de m’exprimer dans ma propre langue.

(MT) Un discours comme celui que je viens d’entendre me préoccupe. En effet, dans la mesure où le Kazakhstan présente un intérêt pour l’Occident et les États-Unis - principalement en raison de ses richesses en minéraux et de son statut d’allié dans la lutte contre le terrorisme -, son gouvernement pourrait se sentir capable de commettre certains actes en toute impunité. Nous devrions donc être sur nos gardes à ce niveau-là. Il y a quelque temps, le Kazakhstan a introduit une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe et je me suis rendu en mission dans le pays. Il est vrai que, d’un point de vue géographique, une partie du Kazakhstan est en Europe, mais tout le monde sait que ce pays a encore beaucoup à apprendre afin de faire ses preuves en matière de démocratie. Par ailleurs, il est clair que, ces derniers temps, le climat politique s’est dégradé. Nous savons que, sur une période de trois mois, deux membres de l’opposition ont été tués et que les droits de l’homme sont, d’une manière ou d’une autre, foulés au pied. Par conséquent, les richesses du Kazakhstan et sa position d’allié contre le terrorisme ne doivent pas nous aveugler au point de penser que sa conduite ne doit faire l’objet d’aucun contrôle.

 
  
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  Andreas Mölzer (NI). - (DE) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, jusqu’à présent, les actes du président kazakh Nazarbaïev ont illustré le vieux proverbe «sois proche de tes amis et encore plus proche de tes ennemis», dans la mesure où il a essayé de les inclure dans son régime. Même si ce dernier a récemment passé une semaine dans une station thermale de ma province de Carinthie, à l’évidence pour reprendre des forces, il semble que cela lui réussisse de moins en moins, vu qu’il est la cible d’un nombre croissant de critiques, comme vous le savez.

Comme nous l’avons entendu, la mort de deux membres de l’opposition en des circonstances mystérieuses après des révélations concernant des machinations malhonnêtes du clan présidentiel ne saurait être le fruit d’une coïncidence. À mon avis, il est véritablement fondamental que ces meurtres fassent l’objet d’une enquête transparente, menée par des parties indépendantes.

Aussi progressiste que soit le Kazakhstan dans son développement économique - principalement grâce à ses nombreuses ressources minérales -, nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il est tout aussi vacillant en matière de démocratie. Les élections présidentielles de décembre dernier ont fait l’objet de plaintes pour truquage électoral et tout le monde sait que la fille du président élu en des circonstances aussi douteuses est à la tête de la principale chaîne de télévision et que son mari dirige l’administration fiscale du pays. Certains partis se voient refuser leur inscription et des militants sont persécutés. Il n’est donc guère surprenant que les proches du défunt soient punis.

Alors que la capacité du Kazakhstan à se comporter comme une démocratie suscite de si nombreux doutes, ce pays ne peut être autorisé à occuper la présidence de l’OSCE en 2009, comme il le souhaite. L’UE doit, selon moi, s’opposer fermement à une telle éventualité. Il est également peut-être judicieux d’envisager d’emboîter le pas aux États-Unis en faisant dépendre davantage l’aide financière et économique des progrès accomplis dans les domaines de la démocratie, des droits civils et des droits de l’homme.

 
  
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  Karin Scheele (PSE). - (DE) Monsieur le Président, cela fait maintenant un mois que M. Sarsenbaïev, éminent responsable politique, a été sauvagement assassiné et je pense que le moment est venu de tenir un débat d’urgence, en cette Assemblée, sur la situation au Kazakhstan. Deux éminents membres de l’opposition ont été assassinés en l’espace de trois mois et le climat politique s’est considérablement dégradé.

Nous appelons les autorités kazakhes à autoriser une enquête exhaustive, indépendante et transparente sur les circonstances de ces décès et d’autoriser la présence d’observateurs internationaux.

Les meurtres commis pour des motifs politiques ne sont que la partie émergée de l’iceberg. La censure de l’internet a été évoquée et la pression exercée sur les membres de l’opposition et les journalistes s’est globalement intensifiée. Nous condamnons la détention des participants au rassemblement pacifique organisé à la suite de la mort d’Altynbek Sarsenbaïev et appelons le gouvernement kazakh à respecter ses obligations dans le cadre de l’accord de partenariat et de coopération et, plus particulièrement, de garantir le respect de la démocratie et des droits de l’homme.

 
  
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  Benita Ferrero-Waldner, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, il y a beaucoup de choses à dire à propos du Kazakhstan. Le Kazakhstan constitue - et c’est important - un partenaire clé pour la promotion de la stabilité et de la coopération régionale en Asie centrale. C’est en effet le plus important de ces pays et il possède également de riches réserves énergétiques; c’est pourquoi il est de nos jours courtisé par de nombreux pays.

Analysons la déclaration faite par le président Nazarbaïev sur l’état de la nation le 1er mars. Il a beaucoup parlé du développement économique, mais son discours n’était pas très détaillé sur le programme de réformes démocratiques en dépit des promesses faites à la communauté internationale d’instaurer un programme de réformes démocratiques. Il a confirmé une nouvelle fois le concept de «démocratie gérée»; en fait, ce concept a même été renforcé.

Je voudrais dire deux mots sur les aspects positifs et négatifs, car il faut considérer les deux aspects des choses. Commençons sur une note positive: je me félicite de la ratification par le Kazakhstan du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, signés en janvier de cette année. C’est un progrès. Nous espérons également que le Kazakhstan prendra désormais des mesures en vue de ratifier les protocoles facultatifs autorisant des plaintes individuelles. Le maintien du moratoire sur la peine de mort représente également un pas dans la bonne direction.

Pour ce qui est des aspects négatifs et des points que nous devons condamner, ce qui est arrivé au principal dirigeant politique de l’opposition, M. Sarsenbaïev, nous préoccupe énormément. Son assassinat laisse entrevoir une très dangereuse tendance à la criminalisation dans la politique kazakhe. En l’absence de mécanismes constitutionnels clairs qui garantissent un transfert pacifique du pouvoir exécutif au Kazakhstan, une telle évolution est très préoccupante. C’est pourquoi nous avons insisté auprès des autorités pour qu’elles garantissent une totale transparence dans l’enquête. Je me réjouis de la présence du FBI, mais j’estime que des Européens devraient également y être. Nous suivons aussi très attentivement l’enquête sur l’assassinat d’Oksana Nikitana, la fille d’un autre membre important de l’opposition. J’ai également été très troublée par des rapports relatifs au harcèlement de personnalités de l’opposition à la suite de deux manifestations commémoratives pacifiques qui ont fait suite aux funérailles de M. Sarsenbaïev à Almaty. Certains d’entre vous y ont fait allusion.

Je voudrais également parler de deux points essentiels: la liberté des médias et les restrictions imposées à la société civile. Nous sommes inquiets à la lecture de rapports concernant de nombreux cas de harcèlement de journalistes et d’actions entreprises à l’encontre de cinq journaux et d’un site internet de l’opposition. La nouvelle loi sur la sécurité nationale, adoptée en juillet 2005, permet également d’imposer des restrictions exagérées à la société civile et aux activités des ONG.

Nous avons accueilli favorablement les améliorations enregistrées par l’OSCE/le BIDDH dans l’organisation des élections présidentielles de décembre 2005; vous étiez quelques-uns à y être allés en tant qu’observateurs. Nous regrettons cependant que les élections n’aient pas satisfait à un certain nombre d’obligations fixées par l’OSCE et qu’aucune mesure n’ait été prise en vue de modifier le cadre législatif conformément aux recommandations de l’OSCE/ du BIDDH. Il est certain que nous continuerons à surveiller les enquêtes menées à l’égard des négligences présumées.

Il y a un point clé qui subsiste encore et qui nous préoccupe, c’est la liberté politique. Dans le but de garantir sa stabilité intérieure, le Kazakhstan a besoin d’une opposition politique et il est urgent que les autorités légalisent les partis politiques d’opposition et qu’elles entament un véritable dialogue avec eux, par exemple par l’intermédiaire de la commission nationale pour la démocratisation, qui doit être prochainement créée et qui sera présidée par le président Nazarbaïev. Je pense en particulier que les autorités kazakhes réexamineront leur refus d’enregistrer les partis politiques d’opposition Alga et True Ak Zhol.

Je vous serais très reconnaissante de bien vouloir former une délégation parlementaire et d’intensifier votre coopération avec les délégations du Kazakhstan. C’est là une autre filière très importante permettant de leur envoyer des messages clairs et c’est une opportunité que nous devons saisir. Ne préjugeons pas d’une décision sur l’aspiration du Kazakhstan à présider l’OSCE en 2009. Cela pourrait peut-être constituer un important défi pour le Kazakhstan en vue d’atteindre des normes démocratiques plus élevées.

Enfin, nous sommes préoccupés par les rapports concernant de nombreux cas de harcèlement de journalistes et d’actions prises à l’encontre de cinq journaux et d’un site internet de l’opposition. La nouvelle loi sur la sécurité nationale, qui a été adoptée en juillet de l’année passée, autorise que des restrictions exagérées soient imposées à la société civile et aux activités des ONG. J’estime donc que le Kazakhstan est un pays avec lequel nous devons nous engager très énergiquement, mais auquel nous devons parallèlement adresser des messages fermes.

 
  
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  Le Président. - Le débat est clos.

Le vote aura lieu à 17 heures.

 
  

(1)Cf. procès-verbal.

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