Le Président. - L’ordre du jour appelle la déclaration de la Commission sur la situation des camps de réfugiés à Malte.
Andris Piebalgs, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, les problèmes rencontrés par Malte affectent l’Union européenne dans son ensemble et requièrent une gestion globale des questions d’émigration et d’asile. Les frontières extérieures de l’Union européenne sont soumises à la pression permanente de flux migratoires illégaux, et les nombreuses personnes qui entreprennent ces périples doivent être protégées.
Le Conseil européen de décembre avait identifié un certain nombre de mesures destinées à relancer les politiques extérieures de l’UE en matière de migration et d’asile. La Commission cherche activement des réponses structurelles aux pressions qu’exerce une forte immigration sur l’Union européenne et ses pays partenaires. À cet égard, la conférence ministérielle UE-Afrique, qui s’est tenue à Rabat les 10 et 11 juillet, a renforcé la coopération avec l’Union africaine et le dialogue avec les principaux pays d’origine. De nouvelles initiatives politiques importantes ont été prises en vue d’examiner en détail les questions liées à l’immigration et, parallèlement, à trouver des solutions communes durables.
La Commission est consciente de la situation particulière de Malte et elle entend agir comme suit pour améliorer la situation. Ce sont les programmes financiers appropriés de l’UE qui constituent, à l’échelon européen, la meilleure manière d’aider Malte dans l’immédiat. Le Fonds européen pour les réfugiés fournit déjà aux États membres une aide financière en vue de les aider à supporter les conséquences de l’accueil de réfugiés et de personnes déplacées.
L’aide en faveur de l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs d’asile constitue une priorité du Fonds européen pour les réfugiés et Malte bénéficie de l’assistance du Fonds dans ce domaine. Le Fonds européen pour les réfugiés a alloué à Malte 114 000 euros en 2004, 500 000 euros en 2005 et 600 000 euros en 2006. En outre, la Commission vient d’accepter de fournir un financement de 120 000 euros en faveur d’un projet destiné à améliorer les conditions d’accueil à Malte dans le cadre du programme ARGO.
Dans le but de faire face à des situations spécifiques telles que celles auxquelles Malte a été confrontée ces derniers mois, des propositions seront également présentées en vue de modifier le Fonds européen pour les réfugiés de manière à permettre aux États membres d’accéder plus rapidement aux moyens disponibles - et ce avec un minimum de charges administratives - afin de gérer les conséquences de l’arrivée soudaine d’un grand nombre de personnes susceptibles de nécessiter une protection internationale. En particulier, les modifications viseront à soutenir des mesures d’urgence destinées à offrir aux demandeurs d’asile des conditions d’accueil correctes, notamment à satisfaire à leurs besoins de base et à garantir des procédures d’asile efficaces et équitables.
La Commission entend également, comme elle l’a établi dans la communication sur le renforcement de la coopération pratique adoptée le 17 février, présenter une proposition de décision du Conseil visant à garantir une coopération pratique entre les États membres. Cette proposition amorcera la création de groupes d’experts en vue d’aider les États membres à faire face aux situations telles que celles auxquelles Malte est confrontée en matière de conditions d’accueil et de traitement des demandes d’asile.
La directive sur les conditions d’accueil en vigueur actuellement définit des normes minimales en matière d’hébergement des demandeurs d’asile, y compris pour ceux qui sont en détention ou dont la liberté de mouvement a été limitée. La Commission contrôle l’application de la directive et elle sera particulièrement attentive à la manière dont Malte applique cette directive - notamment à la lumière des rapports rédigés par les honorables députés à la suite de la visite qu’ils ont effectuée à Malte la semaine dernière. Un rapport relatif à l’application de la directive et à la manière éventuelle de l’améliorer sera présenté au Parlement européen en automne.
Stefano Zappalà, au nom du groupe PPE-DE. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, la semaine dernière, une délégation de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures s’est rendue à Malte, comme elle l’a déjà fait à Paris, Ceuta, Melilla et Lampedusa.
La situation doit tous nous interpeller. Les rumeurs sont une chose, les faits en sont une autre. La situation de l’immigration en Europe n’est certainement ni agréable, ni avenante, ni digne. Elle est indigne de notre époque, de l’Union européenne et de ses principes, des Traités ou des responsabilités politiques du Parlement européen envers les peuples d’Europe.
La Commission se débine: j’ai entendu parler d’initiatives pour un montant de 25 000 ou de 120 000 euros. Monsieur le Commissaire, vous devez savoir que Malte consacre un budget annuel d’un million d’euros à la gestion de ce problème. Depuis 2002, autrement dit, depuis le début de la phase de préadhésion à ce jour, le taux d’immigration est en hausse constante dans ce pays qui se trouve maintenant avec 2 000 réfugiés supplémentaires dont il ne sait que faire. Pour vous donner une idée, ces 2 000 personnes équivaudraient en Allemagne à 400 000 personnes détenues dans les prisons nationales et à 300 000 personnes détenues dans les prisons italiennes, françaises et britanniques. Malte affecte 10 % de ses forces de police au contrôle des immigrants, ce qui équivaudrait à 30 000 personnes en Italie et à 40 000 personnes en Allemagne, soit toutes les forces de l’ordre réunies. C’est ingérable.
Monsieur le Commissaire - même si je vise ici surtout le Conseil -, nous avons un devoir bien précis: ne pas abandonner nos États membres et, surtout, ne pas abandonner Malte au milieu de la mer parce qu’en fait, ce pays marque la frontière la plus au sud de l’Europe. Malte est la frontière de l’Europe. Partant de là, Malte ne peut être considérée comme un État autonome.
L’Union européenne doit prendre toutes les mesures appropriées à cet égard. Monsieur le Commissaire, je vous invite à organiser le plus rapidement possible un Conseil «Justice et affaires intérieures» à Malte, en présence de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures.
Malte doit actuellement faire face à des situations extrêmement graves: elle a 2 000 personnes qu’elle ne sait où transférer sinon à Gozo, une décision qui ne ferait qu’aggraver une situation déjà extrêmement dramatique. Nous sommes en train d’amener le peuple maltais à regretter son choix, alors même que tel n’est pas son souhait: Malte est un pays résolument pro-européen. La xénophobie commence à faire son apparition à Malte et c’est très grave.
Le Parlement doit assumer sa responsabilité politique. J’invite le Conseil à agir rapidement et à réviser la convention de Dublin. Malte doit être un pays de transit. L’objectif de tous ces immigrants n’est pas de venir s’installer à Malte. Ils transitent par Malte simplement pour s’y réfugier. J’en appelle à tous pour venir en aide à Malte.
Par chance, le président maltais sera ici après-demain et j’en suis ravi. J’espère que le Parlement accordera tout le soutien que mérite cette grande, ancienne et noble nation qui souffre à cause de nos erreurs.
Martine Roure, au nom du groupe PSE. - Monsieur le Président, en effet, lors des visites effectuées par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures dans les centres de détention, de nombreux problèmes très graves ont été constatés. Mais ce que nous avons vu à Malte est terrible. Les conditions de détention sont inhumaines et dégradantes. Les demandeurs d’asile sont enfermés dans des cages sans aucune possibilité de sortir et leurs droits les plus élémentaires ne sont pas respectés. Ils ne disposent d’aucune assistance juridique, ni médicale. Nous avons rencontré des personnes enfermées depuis parfois 18, 19, voire 20 mois, sans aucun contact avec le monde extérieur et dans des conditions sanitaires insupportables.
Certes, nous pouvons nous féliciter que les autorités maltaises ne nous aient rien caché. C’est une marque de respect vis-à-vis du Parlement européen et de l’Union elle-même. Mais ces conditions de détention n’en constituent pas moins une violation des droits de l’homme et de la directive européenne sur l’accueil des réfugiés.
Nous appelons donc fermement le gouvernement maltais à mettre fin au plus vite à son système de détention systématique des migrants. Les demandeurs d’asile ne sont pas des criminels. Ils viennent souvent de l’enfer et ils doivent être traités dignement. Cela dit, il nous faut reconnaître que Malte est un tout petit pays et que, de par sa situation géographique, l’île subit une pression particulièrement forte. Il est donc du devoir de l’Union européenne de se montrer solidaire et de partager la charge financière de la gestion des frontières maltaises en faisant notamment appel, comme vous l’avez dit, Monsieur le Commissaire, aux programmes existants, tels que ARGO et le Fonds pour les réfugiés. Mais une réforme plus en profondeur est nécessaire car il ne s’agit pas que d’un problème d’argent!
C’est pourquoi j’appelle la Commission à procéder au plus vite à la révision du règlement de Dublin II et à faire des propositions visant à modifier celui-ci en substance. Ne devons-nous pas remettre en cause son principe même, à savoir que l’État membre responsable du traitement d’une demande d’asile est le premier pays d’accès? En effet, ce principe fait peser une charge insupportable sur les pays situés au Sud et à l’Est de l’Union et a pour résultat pervers de mettre en péril les conditions d’accueil et l’accès à l’asile.
Les migrations sont bel et bien un phénomène du monde contemporain. Nous ne nous soustrairons pas aux responsabilités qui nous incombent en tant que nations riches pour ce qui est de l’accueil des victimes de l’oppression ou de la lutte contre la pauvreté, laquelle représente la cause fondamentale, ne l’oublions pas, des migrations.
Jean Lambert, au nom du groupe des Verts/ALE. - (EN) Monsieur le Président, je m’associe à Mme Roure, qui a dépeint de manière saisissante la situation que la délégation de l’Assemblée a constatée à Malte. Mon groupe et moi-même rejoignons également M. Zappalà et Mme Roure à propos de ses implications, pas seulement à Malte, mais aussi dans d’autres endroits où notre délégation s’est rendue, notamment à Dublin. Ce qui semblait être à l’époque un système extrêmement logique pour une majorité de députés - mais pas pour tous - présente de véritables problèmes qu’il convient de régler.
On nous a dit qu’un grand nombre de ces problèmes résultaient en partie d’un manque de ressources et d’un manque de connaissances. La Commission a déclaré que, dans le cadre de la poursuite de la politique d’asile, un de ses objectifs serait de veiller à ce que l’ensemble des États membres respectent les normes les plus strictes qui soient et les meilleures pratiques. L’idée de créer des groupes d’experts me réjouit donc, mais la Commission ne devrait pas sous-estimer le nombre de ces groupes qui seront nécessaires dans plusieurs parties de l’Union. J’imagine qu’ils travailleront de concert avec le HCR et d’autres agences qui ont de telles connaissances de la situation. Cela a en soi des implications budgétaires, notamment l’argent que l’Union européenne donnera au HCR. Notre contribution financière au HCR est déjà importante et si nous voulons y participer davantage, il faudra en tenir compte.
J’ai également une question à poser à la Commission en ce qui concerne la durée par rapport à Malte. Dans quel délai la Commission pense-t-elle que les groupes d’experts pourront être établis sur place? Et une autre question: quelles autres ressources seront nécessaires pour aider à long terme les Maltais à traiter les réfugiés avec la dignité qu’ils méritent?
Giusto Catania, au nom du groupe GUE/NGL. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je remercie également mes collègues de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures de m’avoir choisi et demandé d’être rapporteur de la visite que nous venons d’effectuer à Malte.
En tant que rapporteur, je ne peux que confirmer le caractère tout simplement terrifiant de la situation dans les centres de détention de Malte: il s’agit d’un véritable enfer dantesque où les immigrants se voient refuser les droits les plus élémentaires. Nous avons visité trois centres de détention et découvert des conditions de vie franchement inhumaines et dégradantes, indignes d’un pays civilisé: des conditions d’hygiène inacceptables, la promiscuité, des femmes enceintes détenues jusqu’au quatrième mois de leur grossesse, une nourriture épouvantable et des douches sans eau chaude, des toilettes sans porte et des détritus, un environnement sordide partout.
La législation maltaise est abominable en ce qu’elle autorise 18 mois de détention administrative pour des citoyens n’ayant commis aucun crime. C’est, selon moi, réellement excessif. En outre, le traitement réservé aux demandeurs d’asile est contraire à la convention de Genève et aux directives européennes relatives à l’accueil des demandeurs d’asile. Les immigrants ne reçoivent aucune information et leurs demandes d’asile ne sont pas traitées avant huit ou neuf mois. L’asile est même refusé à des réfugiés provenant de pays en guerre, notamment du Darfour. J’ai été choqué par la vue d’un homme portant un carton sur lequel était écrit «Génocide au Darfour et détention à Malte».
L’Europe ne peut rester silencieuse face à cette épouvantable situation et les visites effectuées par notre commission dans les centres de détention temporaire en Europe nous amènent à penser qu’il faut changer radicalement la politique d’accueil des migrants. La première chose à faire est d’élargir les canaux légaux d’immigration, de communautariser cette matière et de modifier le règlement Dublin II. Enfin, il faut fermer tous les centres de détention administrative situés sur le sol européen. Il s’agit de lieux juridiquement inacceptables où tous les droits de l’homme sont bafoués.
Simon Busuttil (PPE-DE). - (MT) Ce que les orateurs précédents ont omis de dire, Monsieur Catania, c’est que dans les centres de détention que nous avons visités, les plaintes les plus vigoureuses des immigrants ne concernaient pas tant les conditions de vie, mais surtout le fait qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de venir à Malte. Ils ont échoué à Malte contre leur volonté et veulent rejoindre l’Europe continentale. Telle est leur tragédie. «Laissez-nous partir vers d’autres pays d’Europe», nous ont-ils dit les uns après les autres. Il me paraît dès lors appréciable que, par ce débat et cette résolution, le Parlement manifeste sa solidarité avec les immigrants ainsi qu’avec le peuple maltais, les autorités et les forces de l’ordre maltaises qui font un travail très difficile. Il me paraît appréciable que les groupes politiques du Parlement montrent leur capacité à s’unir pour manifester cette solidarité et demander à la Commission et au Conseil d’agir concrètement et rapidement. Qu’attendons-nous comme action concrète et immédiate? Premièrement, que les États membres acceptent des demandeurs d’asile en provenance de Malte. Deuxièmement, que le règlement Dublin II soit révisé pour une répartition plus juste des responsabilités entre les États membres. En effet, Malte - et d’autres pays - assument des charges disproportionnées et nettement supérieures à leurs capacités. Troisièmement, nous demandons que les ressources financières de l’Union européenne soient également utilisées dans les situations d’urgence, comme ce devrait être le cas, ainsi que vient de le rappeler à juste titre le commissaire. Il doit y avoir une clause d’intervention urgente dans chacun des quatre futurs fonds européens consacrés à l’immigration et pas uniquement dans le Fonds européen pour les réfugiés. Enfin, Monsieur le Président, je voudrais que la Commission nous dise ce qu’il est advenu du projet d’organisation de patrouilles communes en Méditerranée, un projet promis l’an dernier. Monsieur le Président, le Parlement a parlé. Il attend du Conseil et de la Commission qu’ils agissent. Je vous remercie.
Louis Grech (PSE). - (MT) À l’exception de quelques initiatives récentes, j’ai le sentiment que l’Union n’a pas traité la situation actuelle avec l’urgence, l’énergie et l’efficacité requises. La résolution qui nous est présentée reflète de manière concise, claire et objective la situation alarmante dans laquelle se trouvent Malte et d’autres pays. Le document réclame à juste titre une gestion des centres de détention des immigrants selon les principes de protection de la dignité et des droits de l’homme. Partout où des lacunes sont identifiées, il faut y remédier. La résolution souligne également qu’aucun pays n’est en mesure de faire face à ce problème tout seul, encore moins un pays comme Malte qui a sur les épaules une charge beaucoup trop lourde pour lui. La dimension européenne du problème exige une politique intégrée, basée sur une répartition proportionnelle de la charge entre tous les États membres, en fonction de la population et du PIB de chaque pays. Il importe également de réviser le règlement Dublin II et tout particulièrement le système de traitement des demandes d’asile. Une solution potentielle du problème nécessite toutefois avant tout que l’Union fournisse une aide financière et ne se limite pas à des promesses. Elle doit allouer les fonds nécessaires pour aider les petits pays frontaliers à gérer ce problème. Des fonds spécifiques doivent également être alloués pour les situations d’urgence, en particulier lorsque l’afflux migratoire est excessif, notamment en été. Avec cette initiative, le Parlement a montré qu’il était prêt à agir. Il appartient maintenant à la Commission et au Conseil de montrer qu’ils sont prêts à concrétiser leurs promesses de solidarité. Monsieur le Président, toute action entreprise par l’Union européenne pour venir en aide aux immigrants et pour apporter une aide pratique aux petits États membres comme Malte a plus d’impact que cent mille déclarations ou brochures destinées à améliorer la crédibilité de l’Union européenne et la confiance des citoyens dans l’Union européenne. Je vous remercie.
PRÉSIDENCE DE M. TRAKATELLIS Vice-président
Hélène Flautre (Verts/ALE). - Monsieur le Président, je crois que les visites entreprises par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen ont cet immense mérite de mettre en évidence que l’enfermement des étrangers est devenu, en quelque sorte, le mode ordinaire de gestion des questions migratoires et que cette logique de l’enfermement des étrangers, partout en Europe, montre et manifeste ses limites et ses conséquences tout à fait inacceptables, particulièrement à Malte, pour les raisons qui ont déjà été indiquées dans le débat.
Malheureusement, il faut sortir du constat de fait puisqu’il a déjà été effectué par de grandes organisations internationales de défense des droits de l’homme en 2004 et en 2005. Nous connaissons la situation et je crois qu’il faut aujourd’hui tout simplement reconnaître l’absurdité de l’accord de Dublin appliqué à Malte. J’estime qu’il est nécessaire d’aller vraiment de l’avant dans cette réforme et cela, comme l’ont demandé certains collègues, en profondeur. Tout d’abord, une personne arrivant à Malte doit pouvoir déposer et formuler sa demande d’asile dans le pays où elle souhaite s’installer. Il faut également que les personnes qui obtiennent le statut de réfugié à Malte puissent librement circuler en Europe, comme d’ailleurs à Malte ou dans tout autre pays qui est le pays de première arrivée.
Je crois que ces réformes sont absolument nécessaires si nous voulons sortir de ces situations absolument catastrophiques du point de vue des droits de l’homme. Il faut également que l’Union européenne puisse définir une politique légale de migration et cesse de donner la priorité absolue à la répression et à la fermeture des frontières avec une gestion dont on voit aujourd’hui la vacuité totale et l’inhumanité. En témoignent les centaines, voire les milliers de personnes qui, chaque semaine, se noient non seulement dans la mer Méditerranée mais aussi dans les eaux canariennes puisque nous savons que les flux se sont désormais déplacés en Mauritanie.
Kyriacos Triantaphyllides (GUE/NGL). - (EL) Monsieur le Président, le commissaire a parlé tout à l’heure des centres de réception des réfugiés. Je tiens à dire que ce que les membres de la délégation de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures ont vu à Malte était tout sauf des centres de réception.
Il est inacceptable et scandaleux que l’Europe, prise d’une crise d’hystérie antiterroriste, se transforme en forteresse médiévale et soutienne l’exploitation de centres où les immigrants et demandeurs d’asile sont détenus dans des conditions contraires aux conventions internationales en vigueur. Les conditions de détention dans les centres fermés que nous avons visités à Malte sont probablement les pires jamais observées.
La situation géographique de Malte et son manque de ressources financières et administratives pour absorber les vagues d’immigrants - notamment depuis son adhésion à l’Union européenne, qui a entraîné une augmentation du flux d’immigrants et de réfugiés - ne peuvent justifier une telle situation. La pratique de détention est en soi condamnable. Priver les demandeurs d’asile et les immigrants de leur liberté est injustifié. Les conditions dans lesquelles ceux-ci sont détenus sont misérables et le manque de transparence du fonctionnement ainsi que les pratiques de ces centres sont inacceptables.
David Casa (PPE-DE). - (MT) La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures ayant envoyé une délégation à Malte pour se rendre compte de la situation des immigrants clandestins, je note aujourd’hui avec satisfaction que le Parlement accorde une importance légitime au problème spécifique de Malte. Tous les membres de la délégation ont pu voir la situation difficile dans laquelle se trouvent ceux qui ont échoué sur nos côtes et qui résident dans nos centres. Ils ont également pu voir les énormes efforts déployés par le gouvernement maltais pour assurer, malgré des ressources très limitées, un traitement correct à ceux qui arrivent clandestinement à Malte. Il est clair que cette situation doit rapidement changer. Nous avons tous entendu que l’afflux d’immigrants devrait doubler cette année, ce qui veut dire que le problème va encore s’aggraver. Malte ne peut pas faire des miracles seule. Depuis des années, nous essayons d’attirer l’attention de l’Europe sur ce problème afin de trouver les solutions nécessaires. Je ne parle pas seulement d’aide financière (une aide financière, je dois l’avouer, jusqu’à présent très maigre), mais de plusieurs solutions concrètes par lesquelles l’Union européenne, dont nous sommes membres, pourrait nous aider à absorber l’énorme flux d’immigrants qui arrive dans notre pays. Nous avons le devoir de respecter la dignité des détenus, mais nos ressources ne sont pas extensibles à l’infini et nos efforts ne peuvent être supérieurs à nos moyens. La situation est grave et il faut trouver des solutions afin que Malte ne soit plus mise sous pression excessive et que la situation ne dégénère pas jusqu’à en perdre tout contrôle. Il faut maintenant traduire les belles paroles et les promesses en actions. La Commission, le Conseil de ministres et le Parlement doivent agir pour mettre en œuvre le plus rapidement possible les solutions mentionnées par les orateurs précédents au cours de ce débat. Le gouvernement et le peuple maltais continueront à faire le maximum, mais nous sommes en droit d’attendre que chacun fasse des efforts réels et concrets parce que je pense que, finalement, ce n’est pas seulement le problème de Malte, mais celui de tous les États membres de l’Union européenne.
Joseph Muscat (PSE). - (MT) Monsieur le Commissaire, ce que vous avez dit aujourd’hui m’a incité à mettre de côté le discours que j’avais préparé et à m’adresser directement à vous en tant que représentant de la Commission. Je pense premièrement qu’il ne faut pas vous attendre à ce que les représentants du peuple maltais vous remercient ici parce que vous allez nous donner de l’argent ou parce que vous nous avez octroyé autant que ce que nous récoltons en un jour pour des œuvres de charité à Noël. Vos réponses sont disproportionnées par rapport aux réalités de notre pays. Deuxièmement, vous avez éludé la question la plus importante. Nous vous soumettons une proposition concrète: la révision du règlement Dublin II afin que le traitement des demandes des personnes arrivant à Malte n’incombe plus uniquement à ce pays mais soit partagé avec d’autres pays. Que pensez-vous de cette proposition? Je pose la question parce que, finalement, ce n’est pas n’importe quelle somme d’argent que nous demandons (je dis bien, de l’argent, pas une bagatelle), mais un montant de plusieurs millions, suffisamment pour accueillir convenablement nos semblables. Hormis une aide financière, quelle serait selon vous la véritable aide administrative durable qui pourrait résoudre ce problème? Voilà ce que nous aimerions savoir aujourd’hui.
John Attard-Montalto (PSE). - (MT) Monsieur le Président, je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser au Parlement au sujet de cette question essentielle. Malheureusement, Malte a été abandonnée et doit se débrouiller toute seule. Durant ces temps difficiles, non seulement pour les habitants de notre pays mais aussi pour ceux qui sont en détention, nous avons eu le sentiment de nager à contre-courant, d’être largués et, malgré les belles paroles de solidarité, d’être abandonnés par l’Europe. Est finalement arrivé ce qui devait arriver: comme nous le demandions depuis longtemps, une délégation s’est rendue à Malte pour constater les horribles conditions de vie des personnes détenues. Ces conditions sont regrettables et personne n’est heureux de cette situation. Mais c’est une question de ressources. Le chiffre de deux mille personnes arrivant chaque année à Malte ne semble peut-être pas énorme, mais il faut savoir que cela correspondrait en Allemagne à huit cent mille personnes par an ou à quatre cent milles personnes en Italie. Essayez d’imaginer cet afflux de réfugiés dans le plus petit pays et ce qu’il doit gérer sans ressources pour le faire. Nous avons absolument besoin d’une aide financière. Nous avons également besoin de solidarité. Cette solidarité doit se traduire par un accueil des réfugiés dans les pays où ils peuvent être correctement accueillis, ce qui n’est pas possible à Malte, une île d’à peine 300 kilomètres carré. Je conclurai en disant que vous êtes pour nous la preuve réelle que la solidarité existe lorsqu’il est question de reconnaître les besoins d’un pays de petite superficie par rapport à la vaste étendue de l’Europe. Je vous remercie.
Andris Piebalgs, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, comme je l’ai déclaré dans ma première intervention, je ne peux souscrire à l’affirmation selon laquelle Malte a été abandonnée. La Commission a jusqu’à présent fourni toute l’aide qu’il était possible d’offrir et tous les programmes disponibles continueront à être utilisés pour aider Malte à résoudre ce problème. Mais nous devons également bien comprendre que les centres de détention ne constituent pas une solution au problème et qu’il est essentiel de travailler avec les pays de provenance des flux migratoires. Voilà notre premier défi, car tant qu’il y aura des conditions favorisant l’émigration, les gens partiront et c’est aujourd’hui vers Malte qu’ils vont, mais la prochaine fois, ce sera peut-être vers mon pays ou un autre. Voilà notre principal défi.
La Commission a déjà promis une aide financière. Nous la fournirons rapidement. Il y a aussi les groupes d’experts et la proposition sera prête pour le 31 mai. Les patrouilles communes continueront de fonctionner. En ce qui concerne le «paquet» Dublin II, cela prend du temps, même si les États membres sont d’accord; l’accord a été conclu il y a quatre ans. Le Parlement a eu raison d’aborder cette question et nous étudierons la meilleure manière de nous attaquer à ce problème.
Le principe selon lequel le premier État membre d’accueil doit traiter la demande est assez logique, mais nous savons à quel point cela a créé un problème pour Malte. La Commission poursuivra son travail à ce propos et elle fournira toute l’aide possible à ce stade, mais il faut également que les autorités maltaises fassent leur part de travail, car j’estime qu’offrir des conditions humaines et garantir le respect de la dignité sont également du ressort des autorités nationales. Chaque État membre doit faire son travail dans ce domaine; la Commission peut fournir une aide et étudier les meilleures réponses possibles mais, parallèlement, chaque État membre doit mettre en place les conditions définies dans les directives européennes.