Le Président. - L’ordre du jour appelle le rapport (A6-0143/2006) de Mme Kaufmann, au nom de la commission des affaires constitutionnelles, sur le résultat de l’examen des propositions législatives en instance devant le législateur [2005/2214(INI)].
Sylvia-Yvonne Kaufmann (GUE/NGL), rapporteur. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président de la Commission, Mesdames et Messieurs, l’initiative du commissaire Verheugen visant une nette amélioration de la législation européenne, qui impliquera le retrait de 68 propositions législatives en instance, fait clairement mouche. L’opinion publique dans nos États membres considère depuis longtemps l’Union européenne comme trop bureaucratique et possédée par une manie régulatrice. Aussi était-il plus que temps de faire face à ces critiques justifiées. En dernière analyse, l’essentiel est que l’approche consistant à «légiférer moins, mais mieux» peut s’avérer profitable et serait assurément positive pour l’Europe comme pour ses citoyens. Par conséquent, Monsieur le Commissaire, avec cette approche du processus législatif, le soutien inconditionnel du Parlement européen - des représentants directement élus par le peuple - vous est acquis. J’ajouterais aussi que c’est non seulement la Commission, mais aussi cette Assemblée, qui a du pain sur la planche à cet égard.
Cela dit, Monsieur le Commissaire, mon rapport traite essentiellement du «comment», et non du «si». Il cherche d’abord à savoir comment la Commission et le Parlement collaborent en tant qu’institutions et, ensuite, si celle-ci prend suffisamment en considération le rôle législatif du Parlement. Comme vous le savez, l’annonce, faite par la Commission, que les propositions législatives en instance seraient retirées ou modifiées a suscité un certain émoi dans notre Assemblée, et pas seulement d’un point de vue institutionnel. Les commissions de cette Assemblée ont soumis chaque proposition spécifique à un examen minutieux, qui s’est soldé par un échange de lettres à ce sujet entre les présidents de nos deux institutions. Dans le cas de certaines propositions, le Parlement ne partage pas le point de vue de la Commission, mais cette dernière n’a pas changé d’avis.
Cela fait presque un an exactement que le Parlement et la Commission ont adopté un accord-cadre qui a renouvelé la base de la collaboration entre nos deux institutions. Ainsi, la commission des affaires constitutionnelles a examiné non seulement le paquet que vous avez annoncé à la lumière de son impact sur les Traités, mais aussi, bien sûr, l’accord-cadre lui-même, et en particulier ses points 31, 32 et 33. Dès lors que nous considérons qu’une législation est nécessaire au-delà de l’accord-cadre, nous attendons de la Commission qu’elle ne fasse pas la sourde oreille à nos propositions, mais qu’elle les soutienne dans un esprit de coopération sincère avec le Parlement.
La première chose à dire est qu’il est devenu évident que l’accord, qui a en règle générale été respecté et qui veut que notre Assemblée soit informée à l’avance des intentions de la Commission, ne suffit pas. Nous devons être informés non seulement à l’avance, mais aussi en temps utile. Cela signifie que le Parlement doit être en mesure de faire plus que donner simplement son avis sur le retrait de propositions envisagé. Notre plus importante requête à cet égard est que notre avis soit dûment pris en considération au moment où la Commission prend sa décision finale. Si, pour des raisons impérieuses, la décision de la Commission devait différer de la nôtre, nous considérons comme convenu que nous recevrons à tout le moins une explication.
C’est la raison pour laquelle - et ce sera ma deuxième remarque - la Commission doit à l’avenir suivre une tout autre approche et adopter le principe de discontinuité tel qu’appliqué à l’échelon national. Toute Commission nouvellement désignée devrait, dès son entrée en fonction, dresser une liste des propositions législatives produites par ses prédécesseurs en indiquant les propositions en instance qu’elle entend garder. De même, le programme législatif et de travail annuel devrait mentionner quelles propositions actuellement en instance devant le législateur doivent être retirées ou modifiées.
Troisièmement, dans le cadre de la présente initiative de rationalisation, un paquet contenant à la fois une liste des propositions et une explication du paquet lui-même a été soumis. Mis à part le fait que je ne vois pas moi-même pourquoi le critère de la compétitivité devrait être qualifié de principe souverain et pratiquement anobli, je tiens à souligner, en ma qualité de rapporteur, qu’une explication du paquet est précisément ce dont nous ne voulons plus à l’avenir, car c’est l’explication du paquet qui était la cause de toute cette agitation, puisque le Parlement ne peut avoir pour mission d’explorer la pensée de la Commission et de relier les principes définis dans cette explication avec les différentes propositions auxquelles ils se rapportent. C’est exactement ce que la Commission est censée faire lorsqu’elle annonce son intention de retirer ou de modifier certaines propositions et c’est pourquoi nous voulons qu’à l’avenir, la moindre proposition de retrait soit justifiée séparément. Je peux dire au commissaire que ce n’est pas seulement de notre point de vue qu’il importe que cette pratique soit adoptée; je pense aussi que son adoption serait profitable à la Commission, car si vous aviez expliqué chacune de vos propositions point par point, je suis convaincue que vous ne vous seriez pas empêtrés dans les méandres de votre propre institution. Vous n’auriez alors pas annoncé le retrait de la proposition de résolution du Conseil approuvant l’adhésion de la Communauté européenne à la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs sans avoir remarqué qu’elle avait déjà été adoptée. Vous la trouverez au Journal officiel L 30 pour l’année 2005. La Commission n’a assurément pas compétence pour déclarer nulles et non avenues des lois qui ont déjà été adoptées. Si vous les aviez vérifiées une par une, vous n’auriez pas annoncé le retrait de propositions déjà adoptées, parce qu’il est à supposer que vous vous seriez aperçu de l’erreur.
Mon rapport traite de la façon dont nos deux institutions collaborent, une collaboration sur laquelle le traité instituant la Communauté européenne reste pour l’essentiel muet et laisse - je dirais - aux deux institutions en question - le Parlement et la Commission - la discrétion de définir leur coopération de façon responsable. Je nourris l’espoir que mon rapport contribuera à l’amélioration des structures institutionnelles de l’Union européenne et à la promotion du devoir de coopération sincère entre nos deux institutions.
Je tiens à remercier les rapporteurs fictifs des autres groupes pour leur bonne coopération, qui nous a permis de présenter ce rapport de façon unanime.
Günther Verheugen, vice-président de la Commission. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, c’est dans le même esprit constructif que celui avec lequel le rapporteur vient de s’exprimer que je tiens à répondre au nom de la Commission et à dire que le plus important dans le cadre de ce projet est effectivement que les institutions collaborent étroitement ensemble.
Je suis immensément reconnaissant à Mme Kaufmann d’avoir dit que, d’un point de vue politique, ce projet recevait le soutien inconditionnel de votre Assemblée. Si le débat que nous venons d’avoir laissait clairement entendre que ce soutien nous était acquis, il importait de le confirmer. De même, je concède volontiers que l’essai dont nous discutons aujourd’hui était perfectible et je suis tout à fait sûr que la Commission acceptera bon nombre des suggestions que vous avancez dans votre rapport. Je ne pense pas qu’à l’avenir nous ayons encore des raisons de nous plaindre de la coopération en la matière.
Il me tient toutefois fort à cœur d’exposer à nouveau les résultats auxquels nous sommes parvenus. Les procédures législatives actuelles sont révisées à la lumière des nouvelles considérations et priorités qui ont récemment vu le jour. Que s’est-il passé avant cela? Cette Commission axe ses efforts sur une stratégie en faveur de la croissance et de l’emploi et nous voulions savoir si les propositions que nous avions déjà sur la table étaient en accord avec les objectifs et priorités de cette stratégie. Mme Kaufmann sait certainement que le problème qui se pose avec bon nombre de ces propositions est qu’il n’y a pas eu la moindre évaluation de leur impact éventuel, alors qu’il faut s’attendre à ce que certaines aient un effet colossal sur l’économie. C’est là le deuxième argument, car la Commission avait en réalité déjà décidé, l’année dernière, que plus aucune proposition ne serait avancée en l’absence d’un mécanisme large et méthodologiquement solide pou évaluer son impact. C’est aussi dans cet esprit que les propositions ont été revues pour déterminer si elles correspondaient aux exigences de qualité que nous venions d’imposer à la législation.
Enfin, il fallait aussi déterminer si chaque proposition avait toujours une chance d’être adoptée, ce qui m’amène au point que vous avez à très juste titre soulevé. Il existait toute une série de propositions pour lesquelles votre Assemblée ne partageait pas le point de vue de la Commission, par exemple en ce qui concerne le statut juridique des associations et sociétés sur une base mutuelle, des propositions qui traînaient au Conseil depuis 12 ans sans avoir avancé d’un pouce. Absolument rien n’indique que le Conseil souhaite réellement faire quelque chose de ces propositions et l’on ne peut que se demander si elles ont la moindre chance de survivre au processus politique et si l’on ne ferait pas mieux de réfléchir à nouveau à ces propositions et d’en présenter de meilleures.
C’est précisément dans ces cas pour lesquels votre Assemblée a exprimé des doutes que la Commission vient d’annoncer le prochain réexamen minutieux des questions sous-jacentes - dont je reconnais la portée sociale - ainsi que la possibilité pour nous de produire de nouvelles propositions qui auraient réellement une chance d’être étudiées à temps.
S’agissant de la justification, je vous rejoins pleinement; je ne pense pas qu’il y ait là un problème en termes politiques ou juridiques. Lorsque la Commission a pris sa décision, elle avait en sa possession des justifications individuelles pour chaque proposition. Je suis moi-même incapable de vous expliquer pourquoi ces justifications ne vous ont pas été exposées, car je n’y voyais aucune objection et, en outre, j’avais moi-même remis personnellement ces justifications aux rapporteurs des groupes. Je suis donc certain que nous pourrons prendre ces propositions en considération.
Je tiens à dire clairement à quel point il importe pour moi que le rapporteur n’ait pas perdu de vue le fait que le retrait de certaines propositions fait partie de l’exercice du droit d’initiative. De même, la Commission est en principe ouverte à votre suggestion selon laquelle le programme législatif et de travail annuel devrait à l’avenir indiquer quelles propositions, le cas échéant, la Commission entend retirer, de telle sorte que le Parlement puisse exprimer son point de vue en temps utile. Cette proposition me semble tout à fait raisonnable.
J’espère que ma réponse vous aura persuadés que je ne pense pas que nous devions entamer un débat quant aux principes. C’est bien volontiers que j’admets que certains aspects auraient pu être mieux réglés, mais ce qui compte à mes yeux, c’est qu’ensemble, nous fassions de ce projet politique une réussite. À cet égard, je ne peux que me rallier à votre rapporteur pour dire que c’est ce que les citoyens européens attendent de nous. Ils veulent non pas la déréglementation, non pas l’érosion des droits et des certitudes, mais que la législation européenne soit claire, simple, compréhensible et utilisable. Unissons donc nos efforts à cette fin.
Maria Berger (PSE), rapporteur pour avis de la commission des affaires juridiques et du marché intérieur. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président de la Commission, je commencerai par adresser mes remerciements au rapporteur pour son excellent rapport, mais aussi pour avoir tenu compte dans une large mesure de l’avis de la commission des affaires juridiques.
J’ai la certitude que nous sommes tous d’accord pour dire que la formulation du Traité permet à la Commission de retirer des propositions tant que le Conseil n’a pas adopté de position commune. Cette situation n’est pas satisfaisante d’un point de vue juridique, en ce sens que la Commission pourrait, à l’issue de la première lecture par cette Assemblée, laquelle peut réclamer des efforts considérables - il suffit de repenser à la directive Services pour s’en rendre compte -, retirer sa proposition et balayer ainsi d’un seul coup le travail de titan réalisé par cette Assemblée.
C’est la raison pour laquelle je tiens à mettre en évidence le principe de coopération sincère auquel il a été fait référence dans ce contexte. Si le stade de la première lecture, avec tout le travail qu’il implique, est atteint, la Commission ne devrait plus être à même de retirer ses propositions.
La Commission devrait également se montrer davantage à l’écoute lorsque le Parlement réclame à une large majorité le retrait d’une proposition. Je rappellerai seulement à l’Assemblée le conflit qui a entouré la directive sur la brevetabilité des logiciels, lorsque nous avons demandé à plusieurs reprises à la Commission de retirer une proposition désastreuse qui méritait à peine d’être mentionnée. Elle a refusé de le faire, après quoi l’Assemblée a de toute façon rejeté la proposition par plus de 500 voix.
Je crois - et vous venez vous-même de le dire - que le paquet de propositions retirées qui avait été soumis contenait plusieurs incohérences. La commission des affaires juridiques attachait beaucoup d’importance au statut des associations et à l’existence de législations communautaires pour couvrir ces entités. Je suis enchantée que vous ayez accepté de revenir sur cette question et j’attends avec impatience des propositions réellement nouvelles, car vous ne pouvez certainement pas «justifier» ce paquet par un souci de réduction de la bureaucratie et des formalités excessives.
Si nous voulons une législation européenne sur les associations, c’est parce que nous voulons supprimer bon nombre des règles et réglementations applicables à ce domaine et, ce faisant, permettre aux organisations non gouvernementales, en particulier, de fonctionner plus aisément dans toute l’Europe.
Je voudrais aussi attirer votre attention sur un élément que la Commission a négligé. Nous avons recommandé le retrait de certaines propositions législatives - pas seulement la directive sur la brevetabilité des logiciels, mais aussi la directive sur l’intermédiation - et je ne vois pas pourquoi d’autres propositions législatives ont été retirées et pas celles-là. Ici aussi, il n’est pas facile de voir en quoi ce paquet était équilibré, mais si vous pouvez nous promettre qu’une coopération plus étroite avec le Parlement permettra de changer cet aspect à l’avenir, nous serions ravis d’en prendre note.
Alexander Stubb, au nom du groupe PPE-DE. - (EN) Monsieur le Président, je m’exprime en réalité au nom de votre compatriote, M. Protasiewicz. Je tiens avant tout à remercier le rapporteur pour son excellent travail. Nous avons travaillé sans heurts au sein de la commission des affaires constitutionnelles et la majorité de cette commission soutient le rapport.
Je voudrais formuler trois remarques. Premièrement, notre groupe se félicite de l’initiative de la Commission de retirer 68 propositions législatives. L’idée originale de l’intégration européenne était de faire tomber des murs, pas d’en ériger de nouveaux, et la Commission a réalisé un excellent travail en termes d’analyse et d’examen.
Deuxièmement, nous devons faire preuve d’une extrême prudence lorsque nous traitons cette question et veiller à ne pas commencer à modifier le droit d’initiative exclusif de la Commission. L’idée d’une nouvelle Commission retirant des initiatives ou précisant les initiatives qu’elle retirera dès son entrée en fonction est une bonne idée et nous pourrions dire, dans une certaine mesure, que c’est ce qu’a fait la Commission cette fois et qu’il convient de le saluer.
Troisièmement, nous réclamons également une consultation accrue entre le Parlement européen et le Conseil, mais il est capital de préserver l’équilibre institutionnel atteint actuellement. Nous voulons donc une implication plus étroite, mais le maintien de l’équilibre institutionnel lorsque nous discutons de l’examen de la législation en général.
Je me suis toujours un peu considéré comme un maniaque institutionnel, mais je peux vous assurer que l’orateur suivant, M. Corbett, l’est bien plus encore!
Richard Corbett, au nom du groupe PSE. - (EN) Monsieur le Président, c’est une réputation dont je dois me montrer digne ou peut-être devrais-je dire, que je dois faire oublier!
Mon groupe se félicite également du rapport de Mme Kaufmann. Nous pensons qu’il s’agit d’un excellent rapport, parfaitement équilibré.
La logique initiale des Traités, qui ont conféré le droit d’initiative à la Commission - en ces temps-là, la Commission proposait et le Conseil disposait -, était tout à fait pertinente à l’époque. Nous voulions que le Conseil travaille non pas sur la base de projets rivaux avancés par divers États membres, mais sur la base d’une proposition commune élaborée par une institution qui nous appartient à tous - la Commission - et qui a pour devoir de servir les intérêts de tous les États membres à travers les propositions présentées. Il appartenait alors au Conseil et à lui seul d’examiner la proposition, de la modifier au besoin, de l’accepter ou de la refuser. Il y avait un certain équilibre.
Depuis les Traités initiaux cependant, nous avons assisté à l’émergence de ce Parlement, qui a été élu directement pour la première fois en 1979 et qui a acquis plus récemment des compétences colégislatives.
Eu égard à leur expérience nationale, les citoyens de la plupart de nos États membres attendent d’un parlement qu’il dispose du droit d’initiative, que ses membres puissent avancer des propositions législatives et qu’ils proposent un programme concret lorsque des élections sont sur le point d’être organisées. C’est ce qui manque au sein du Parlement européen. Il est vrai que c’est aussi le cas de certains parlements nationaux et nombre de parlements jouissent de ce droit en théorie, mais ne l’exercent pas en pratique. C’est néanmoins une attente nourrie par nos concitoyens.
Comment avons-nous donc tenté de résoudre ce problème au niveau européen? Le traité de Maastricht a accordé à ce Parlement le droit - dont le Conseil jouissait déjà - de demander à la Commission de soumettre une proposition législative. Dans la pratique, ce système a généralement bien fonctionné. Aujourd’hui, la Commission nous a déclaré qu’elle prêtera une oreille très attentive au Parlement et nous consultera avant de retirer des propositions. Je me félicite de cette attitude, qui n’est pas vraiment du partage, mais une collaboration étroite à propos du droit d’initiative, tant en termes de proposition que de retrait. Je pense que la Commission nous a écoutés assez attentivement en ce qui concerne cette série récente de mesures, mais pas, j’ai le regret de le souligner, en ce qui concerne les propositions visant les mutualités et le statut de l’association européenne. J’estime que la Commission devrait revoir sa position en la matière. Mais globalement, je crois que le système a bien fonctionné.
Si la Commission veut être capable de défendre son monopole en matière de droit d’initiative, elle doit continuer à l’exercer de manière responsable, préserver le dialogue avec le Parlement et prendre en considération les préoccupations légitimes exprimées au sein de ce Parlement. La Commission doit également accepter que son droit de retrait ne puisse être un droit de veto dont elle fait usage à la dernière étape de la procédure législative. Le droit de retrait devrait exister jusqu’au terme de la première lecture dans chaque organe, d’abord au Parlement puis au Conseil. Une fois que le Conseil est parvenu à une position commune et qu’elle revient au Parlement, elle n’appartient plus à la Commission. Nous parlons alors d’une proposition commune du Conseil et il en est ainsi tout au long de la procédure législative. La Commission jouera toujours un rôle, mais ne devrait pas, à ce stade, jouir du droit de retrait sous peine de déséquilibrer le système. Elle devrait en disposer au cours des premières étapes, comme c’est d’ailleurs le cas.
Je salue les propositions avancées par notre commission. Il s’agit d’un résultat équilibré dans le sens où il propose une justification et un dialogue adéquats, une consultation correcte et un avis préalable. Si nous pouvons travailler sur cette base, je pense que l’équilibre instauré dans le cadre des Traités actuels est raisonnablement correct.
Bastiaan Belder, au nom du groupe IND/DEM. - (NL) Monsieur le Président, j’aurais deux commentaires à faire au sujet du rapport de Mme Kaufmann, que je soutiens pour l’essentiel. Tout d’abord, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité d’examiner les propositions législatives non seulement à la lumière des principes d’une meilleure réglementation ou de l’agenda de Lisbonne, mais aussi au regard de la subsidiarité. Je sais qu’il s’agit là d’un concept pour lequel cette Assemblée a de plus en plus d’aversion, mais cela n’enlève rien au fait que la législation européenne doit clairement apporter une valeur ajoutée par rapport à la législation nationale. J’estime que lutter contre la réglementation excessive au niveau européen joue un rôle majeur dans la recherche d’une approche meilleure et plus simple de la législation à l’échelon communautaire.
Ma deuxième remarque concerne le rôle des parlements nationaux. J’accorde tout mon soutien à l’initiative de M. Barroso d’envoyer les propositions législatives aux parlements nationaux, dès lors que les États membres sont capables d’examiner avec sérieux les aspects de la subsidiarité, ce qui accroîtra à n’en pas douter le soutien apporté à la législation européenne au sein des États membres.
Jo Leinen (PSE). - (DE) Monsieur le Président, mieux légiférer est l’une des priorités de la Commission et cette initiative a été saluée tant par la commission des affaires constitutionnelles que par cette Assemblée dans son ensemble. Il y a en effet un gros travail de nettoyage à faire dans le domaine de la législation. Entre autres choses, il faudra simplifier et codifier certains trains de mesures, mais il sera aussi nécessaire de retirer les réglementations qui ne sont plus appropriées et c’est sur ce point que je tiens à remercier Mme Kaufmann pour avoir présenté un rapport de qualité et faire trois commentaires.
Mercredi, au Bundestag allemand, la chancelière Merkel s’est demandé si nous ne devrions pas nous aussi introduire le concept de discontinuité entre deux législatures, de telle sorte que certaines lois puissent devenir caduques et être réintroduites. C’est un problème auquel nous avons été confrontés avec la directive Bolkestein, l’ancienne Commission ayant avancé une proposition dont ses successeurs ne voulaient absolument pas sous cette forme, notamment parce que les circonstances et les perspectives avaient changé. Je pense donc qu’il serait bon que la Commission - au début de son mandat en tout cas - passe au crible les propositions sur la table afin de décider celles qu’elle compte garder au motif qu’elles correspondent à son programme et celles qu’elle va retirer du fait que leur contenu, par exemple, les rend obsolètes.
Mon deuxième commentaire est le suivant: M. Corbett a déclaré à juste titre que le Parlement avait acquis un droit de codécision après un certain temps et qu’il manquait dès lors quelque chose à l’article 205, paragraphe 2, en ce sens qu’il ne fait que préciser que la Commission ne peut plus retirer de législation après que le Conseil a rendu sa position commune, sans pour autant énoncer qu’elle ne peut pas non plus le faire à l’issue de la première lecture au Parlement. Il y a un vide juridique dans les Traités et la seule façon de le combler est que nous soyons tout à fait sincères dans notre collaboration et - comme on l’a répété - que cette Assemblée ait son mot à dire lorsque la Commission projette de retirer des propositions, à tout le moins lorsque nous avons déjà dépassé le stade de la première lecture.
Je peux vous dire, Monsieur le Vice-président, que nous avons été jusqu’à dire que vous pourriez retirer une proposition même après la position commune du Conseil si ce dernier changeait complètement cette proposition. En effet, il semble qu’à une ou deux reprises, le Conseil ait adopté une résolution qui allait carrément à l’opposé de ce que la Commission avait proposé. En outre, notre service juridique nous a informés que, dans pareil cas, vous conserveriez le droit de retirer la proposition en question.
La troisième remarque que je tiens à faire est que vous avez mentionné la stratégie de croissance et d’emploi comme étant le critère à l’aune duquel ces soixante-huit propositions ont été mesurées. Aussi suis-je enchanté que vous ayez remarqué que, dans le cas de la législation européenne sur les associations, c’était inévitable. J’habite dans la région Saar-Lor-Lux, à la frontière avec la Lorraine et le Luxembourg, et je pourrais vous raconter plusieurs anecdotes à propos des difficultés que les organisations de la société civile rencontrent pour constituer des associations transfrontalières. L’institut interrégional des journalistes a tenté de le faire et y est finalement parvenu d’une manière ou d’une autre sous le droit français, parce que son président habitait en France, alors que d’autres associations ont recours au droit luxembourgeois ou allemand. Cette manière de faire n’est pas appropriée. C’est un domaine dans lequel vous devriez agir davantage, peut-être en nous présentant une proposition plus moderne. Dans l’ensemble, notre coopération dans ce domaine est positive.
Genowefa Grabowska (PSE). - (PL) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, le programme en vue d’une meilleure législation vise à améliorer la transparence de l’Union, à assurer son efficacité et à nous rapprocher de l’objectif qu’est la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. Ce programme se veut aussi une réponse aux accusations selon lesquelles Bruxelles opte trop souvent pour des mécanismes législatifs et produit par conséquent trop de lois.
Jusqu’ici, l’acquis communautaire de l’Union, c’était des tonnes de documents rédigés dans un langage incompréhensible pour les citoyens et adoptés généralement sans consultation préalable des partenaires sociaux européens ou des citoyens européens. Cette dernière accusation laisse entendre que la législation de l’Union européenne est adoptée sans la participation des citoyens de l’Europe, que nous, en tant que Parlement européen, représentons et pour qui nous travaillons.
Que devons-nous faire pour changer cette image et rapprocher l’Union européenne de ses citoyens, à présent qu’elle se trouve au beau milieu d’une crise constitutionnelle? Il semble que le retrait de ces 68 actes législatifs soit un pas dans la bonne direction, mais est-ce suffisant pour améliorer la législation? Il semblerait que non. On dirait que, pour améliorer la législation, nous ayons besoin d’une meilleure coopération interinstitutionnelle entre la Commission et le Parlement. Il faut que ces deux institutions, dans le cadre de leur structure, disposent de groupes spécialement créés pour œuvrer en vue d’une meilleure législation. Ces groupes travailleront en tant que conscience de l’Union européenne, en tant que baromètre législatif qui tirera la sonnette d’alarme si une des deux institutions se laisse envahir par la routine bureaucratique et agit contre le code de la bonne législation communautaire et contre les principes législatifs tels que l’opportunité, la subsidiarité, la cohésion, la transparence, la proportionnalité et la prévisibilité.
Monsieur le Commissaire, je suis convaincu qu’il sera possible de parvenir à une bonne législation communautaire lorsqu’il y aura une bonne coopération entre la Commission et le Parlement. Le Parlement et la Commission doivent se faire confiance, se respecter l’un l’autre et se traiter comme des partenaires à part entière, entièrement dignes de respect et de confiance. Ce n’est qu’alors que la législation s’améliorera. Ce n’est qu’alors que nous serons en mesure de rédiger ensemble des législations pour le bénéfice des citoyens.