Le Président. - L’ordre du jour appelle maintenant le rapport de M. Alain Hutchinson, au nom de la commission du développement, sur «Coopérer plus, coopérer mieux: le paquet 2006 sur l’efficacité de l’aide de l’Union» (2006/2208 (INI)) (A6-0270/2006).
Alain Hutchinson (PSE), rapporteur. - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, le rapport que nous allons, je l’espère, voter aujourd’hui fait directement suite aux trois communications de la Commission qui constituent ce qu’on appelle «le paquet sur l’efficacité de l’aide au développement» et s’inscrit donc dans le cadre plus large de la poursuite de l’objectif d’amélioration de la coopération européenne au développement. Voilà pour le contexte.
Pour ce qui concerne l’enjeu, je dirais même le défi, il est on ne peut plus clair: comment nous, Européens, allons-nous améliorer significativement l’aide effective que nous apportons aux pays du sud? Autrement dit, comment allons-nous faire en sorte que l’aide que nous accordons aux pays du sud se traduise beaucoup plus systématiquement par des avancées concrètes de nature à changer réellement la vie de millions de personnes vivant dans des conditions humainement inacceptables?
La prise de conscience collective de ce que notre aide pouvait être améliorée a eu lieu. Des engagements politiques permettant de faire de cette question la priorité de notre politique de coopération au développement ont été pris. Le consensus européen pour le développement existe et la nouvelle stratégie pour l’Afrique aussi. C’est une excellente chose. Le dispositif législatif et technique est en train de se mettre en place. Il ne nous reste plus, si je puis dire, qu’à concrétiser tout cela.
La définition même de la coopération au développement et donc de ce que chaque État membre est légitimement en droit de comptabiliser au titre de l’aide publique au développement, le niveau minimal d’aide à atteindre pour honorer nos engagements, le déliement de l’aide que les États membres - certains d’entre eux, en tout cas - rechignent manifestement à appliquer, l’absence d’indicateurs permettant d’évaluer les progrès qui seront réellement accomplis sur la voie de l’amélioration de l’aide européenne, ou encore l’inquiétude des acteurs de terrain faisant état d’un certain recul en matière d’implication des pays bénéficiaires dans les stratégies et les programmes qui leur sont destinés, sont quelques-unes des nombreuses questions que nous avons traitées dans ce rapport.
En plus de ces questions spécifiques qui permettent de saisir en partie l’ampleur de la tâche qui nous reste à accomplir sur la voie de l’amélioration concrète de notre aide, les 3 C, complémentarité des actions, coordination des programmes et cohérence des politiques constituent également un cadre de travail, une grille de lecture particulièrement importante de l’action que nous aurons à mener dans les prochaines années en matière de coopération.
En ce qui concerne la complémentarité des actions, qu’elles soient sectorielles ou géographiques, la répartition du travail entraîne nombre de résistances et de difficultés, c’est un fait. À force d’ouverture et d’audace, nous devrons être capables de l’élever. Le débat ne peut se réduire à une opposition entre le protectionnisme des États membres et le centralisme bruxellois, même s’il est vrai qu’il n’est pas inutile de mettre en garde contre un centralisme excessif consistant à emprunter une approche de programmation de type top down caractérisée notamment par une participation réduite des pays partenaires et de la société civile dans la définition des stratégies et des priorités.
Il reste qu’une coordination centralisée entre États membres et Commission présenterait des avantages indiscutables et permettrait notamment d’éviter, comme c’est aujourd’hui le cas, que, dans un même pays ou une même région, une multitude d’acteurs différents fassent la même chose. L’atlas des donateurs met par exemple clairement en évidence l’existence de crises oubliées, de pays orphelins comme on dit. À coté de situations de type post-tsunami où les pays bénéficiaires sont incapables d’absorber une quantité d’aide ponctuelle et massive.
Bien qu’on parle depuis des années de coordination, les défis posés par l’harmonisation des procédures et la meilleure coordination des différents programmes de coopération de l’Union restent énormes. Par ailleurs, la cohérence des politiques concerne l’approche que nous adoptons tant au niveau des différentes zones géographiques où s’applique notre politique de développement, qu’au niveau des différentes politiques communautaires elles-même. Ce point précis est inscrit à l’agenda de la présidence finlandaise qui a décidé d’y consacrer une partie importante de ses travaux.
S’il nous a donc paru plus sage de nous limiter dans notre rapport à en souligner l’importance en attendant de voir ce que nous réserve l’avenir proche, je voudrais profiter de l’occasion qui m’est ici donnée pour évoquer cette question qui me paraît essentielle et touche finalement au fondement même de toute démarche de coopération, voire même de tout projet politique.
À l’heure qu’il est, nous le savons, on en parle régulièrement, des bateaux continuent d’atteindre les côtes espagnoles, nos côtes, avec à leur bord des centaines de personnes tentant chaque jour de fuir un destin qu’ils ont décidé de refuser au péril de leur vie. Cette situation pose évidemment des questions de gestion des flux migratoires, de contrôle des frontières ou de politique d’intégration des populations immigrées. Elle pose également, et de manière criante, la question de l’efficacité de notre politique de coopération, ainsi que de la cohérence qu’elle assure avec les autres politiques que nous menons.
Qu’est-ce-qu’une coopération - sans vouloir sombrer dans la caricature - une coopération de plus de 40 ans, au terme de laquelle les populations que nous prétendions aider n’aspirent qu’à une seule chose: fuir à tout prix leurs conditions d’existence? N’ayons pas peur des mots, pour moi, cela pourrait être qualifié d’échec. Que peut en effet représenter pour les pays du sud une politique de coopération qui accorde 50 milliards d’euros par an, lorsqu’elle est associée à une politique leur imposant d’honorer une dette dont le remboursement annuel représente quatre fois cette somme?
Comment continuer de déclarer sur tous les tons notre détermination à œuvrer au développement des pays du sud et, dans le même temps, continuer à leur imposer les règles d’un libre-échange qu’ils sont incapables d’assumer aux conditions que nous leur imposons? Comment accepter de lutter contre la pauvreté, alors que, dans le même temps, rien n’est fait pour lutter contre les causes structurelles de cette pauvreté?
À vrai dire, si efficace soit-elle, la politique de coopération au développement ne réussira jamais seule à répondre aux nombreux défis qui se posent dans les pays du sud de la planète. C’est précisément là que réside la nécessité même de son amélioration, car plus la coopération européenne au développement sera efficace, plus cela voudra dire qu’elle sera parvenue à faire prendre conscience à l’Europe de la nécessité de mener une politique globale tout entière tournée vers la poursuite d’un objectif prioritaire commun: l’émergence d’un monde plus juste et solidaire.
Charlie McCreevy, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, je prends la parole au nom de mon collègue, M. Michel, qui ne peut être ici ce matin. Je commencerai par exprimer mes remerciements au rapporteur, M. Hutchinson, ainsi qu’à la commission du développement, pour leur rapport constructif sur l’efficacité de l’aide apportée par l’Europe, un sujet d’une importance clé pour la politique de l’UE en matière de développement.
L’amélioration tant quantitative que qualitative de notre aide constitue certainement l’un des principaux engagements inscrits dans le consensus européen pour le développement, ce dernier ayant été approuvé en 2005 par l’ensemble des États membres, la Commission et le Parlement. Le consensus est un document crucial pour nous tous. Tout d’abord, il ouvre une nouvelle perspective de collaboration entre les 25 États membres et la Commission. Ensuite, il met en lumière, pour la première fois dans l’histoire de l’UE, notre vision collective européenne, ainsi que les principes et les objectifs qui gouvernent notre politique de développement. Troisièmement, il fait ressortir l’avantage comparatif de la Commission et l’objectif de redéploiement des activités des États membres afin d’arriver à une meilleure synergie, ce qui est plus qu’indispensable.
Comme l’ont montré tous les débats relatifs au Consensus européen, la Commission doit chercher à renforcer l’impact de l’Europe dans le secteur du développement et pousser l’agenda en matière d’efficacité de l’aide européenne. L’UE doit jouer un rôle de premier plan dans les forums internationaux qui se penchent sur l’efficacité de l’aide, en particulier au sein du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, dont la Commission est membre à part entière. Une UE forte contribuera à consolider le CAD.
C’est dans cet esprit que le commissaire Michel a proposé un paquet de mesures concrètes visant à accroître l’efficacité de l’aide européenne, mesures que le Conseil a avalisées au printemps 2006. La philosophie de la Commission, s’agissant de l’efficacité de l’aide, s’inspire des leçons apprises sur le terrain, des bonnes pratiques et des attentes des pays partenaires. Elle repose sur les principes d’harmonisation, d’appropriation, d’alignement et de gestion axée sur les résultats, comme le recommande la déclaration de Paris.
Le Parlement a fait très clairement savoir dans des résolutions antérieures et une nouvelle fois dans ce rapport, qu’il soutient les efforts de la Commission qui visent à renforcer la coordination et la cohérence entre ses propres actions et celles de l’UE dans le domaine du développement. Le rapport met en lumière trois objectifs importants à atteindre en 2007 et je voudrais les commenter ici brièvement.
Primo, le renforcement de la complémentarité et la répartition du travail: il s’agit d’enjeux cruciaux pour la Commission. L’annuaire des donateurs de l’UE souligne en effet les bafouillages et les lacunes observables dans les activités des donateurs. Tout ceci réduit l’efficacité de l’aide. Afin de corriger ces imperfections, la Commission a lancé avec les États membres une procédure visant à adopter des principes opérationnels qui assureraient une meilleure répartition du travail entre les donateurs de l’UE. Des discussions sont en cours et cette initiative devrait se concrétiser avec les conclusions du Conseil en 2007.
Secundo, la programmation commune de l’aide: l’UE dispose désormais d’un cadre commun adopté au printemps dernier. Ce cadre prévoit l’élaboration d’analyses et de diagnostics conjoints dans les pays partenaires, en association avec les États membres impliqués, en vue d’établir des solutions opérationnelles communes. Les pays partenaires et la société civile jouent un rôle actif et prépondérant dans ce processus. Loin d’être exclue de ces discussions, la société civile participe activement au diagnostic national, afin de s’assurer sa pleine appropriation. Cette approche cadre parfaitement avec celle de la programmation de la CE.
Tertio, quelques mots sur un outil essentiel pour améliorer la répartition du travail et la coordination, à savoir le cofinancement. En 2007, la Commission présentera des propositions spécifiques expliquant comment renforcer l’utilisation du cofinancement en tant qu’outil favorisant la répartition du travail entre les donateurs, mais aussi comment aider les États membres à étoffer leurs capacités de développement. Le Parlement a fait preuve d’une obstination bien fondée, en insistant constamment auprès de la Commission pour qu’elle veille à la coordination entre les États membres, afin d’améliorer l’efficacité des subventions consenties en faveur du développement. Comme vous pouvez le constater, la Commission adopte une attitude incontestablement proactive et utilisera, en étroite collaboration avec les États membres, tous les outils à sa disposition pour que l’aide soit réellement plus efficace sur le terrain. Dès lors, je ne puis qu’inviter le Parlement européen à profiter de la réunion conjointe avec les parlements nationaux, en octobre prochain, pour élargir son soutien en faveur de ces initiatives.
Il est important en effet que l’UE veille à mettre ses ambitions politiques au diapason de son statut financier de plus gros donateur mondial. À cet égard, le Parlement a un rôle capital à jouer, en aidant les États membres à accélérer leurs réformes et à effectuer les changements culturels nécessaires que suppose cette nouvelle politique de travail commun. Il est vital que nous réussissions sur ce front si nous voulons atteindre nos objectifs de développement et prendre les rênes de la politique mondiale de développement.
Souvenons-nous que l’objectif ultime est de gagner la bataille contre la pauvreté. Nous n’y réussirons qu’en nous unissant et en exploitant au mieux tous les moyens à notre disposition. Grâce au consensus européen, nous possédons à présent tous les outils nécessaires pour réaliser cet objectif. Nous devons faire en sorte que ces engagements restent prioritaires dans notre agenda politique et ne pas manquer cette réelle chance de concrétiser nos engagements politiques ambitieux. C’est bien plus qu’une question politique: il en va de notre crédibilité collective.
Margrietus van den Berg (PSE), rapporteur pour avis de la commission du commerce international. - (NL) Monsieur le Président, nos remerciements doivent avant tout être adressés à M. Hutchinson pour ce rapport important. Si nous voulons que l’aide au développement soit efficace, il faut que les approches de l’UE en matière d’aide et de commerce soient à l’avenir mutuellement cohérentes. Si nous voulons parvenir aux objectifs du Millénaire pour le développement, en 2015, l’aide et le commerce doivent - et c’est possible - être complémentaires, mais la réalité, malheureusement, est que ces deux domaines ne le sont souvent pas. Les politiques d’aide et de commerce - y compris l’agriculture - fonctionnent encore trop souvent de manière isolée, et il s’agit certainement d’une des raisons pour lesquelles il nous faudra encore un siècle pour que la pauvreté en Afrique fasse partie du passé.
Pour l’instant, nous entendons peu parler de la cohérence des politiques de l’Europe. Les négociateurs du commissaire Mandelson plaident pour un libre échange soumis aux règles mondiales, les services du commissaire Michel travaillent au développement et essaient d’atteindre les objectifs du Millénaire, et la politique des subventions agricoles va elle à l’encontre des buts de ces deux camps. Je compare ces différents domaines politiques à des «navires qui se croisent dans la nuit».
Dans cette situation, hélas, c’est trop souvent l’aspect développement qui passe au second plan. Les considérations commerciales, par exemple, pèsent trop sur les accords de politique économique, les renommés - ou parfois même célèbres - Peas. Lorsqu’il s’agit de développement, les personnes à la recherche d’une aide sont trop souvent dirigées vers des fonds existants, et trop rares sont les éléments pouvant prouver l’existence d’une véritable approche intégrée, qui impliquerait réellement des fonds supplémentaires et la mise sur la table de nouveaux plans de développement, bien que ce soient les APE, étant donné qu’ils prennent comme point de départ l’amélioration de la coopération locale, qui pourraient rendre l’aide plus efficace.
À cet égard, nous devons reconnaître que, dans le secteur du développement, des précautions doivent être prises afin de protéger les négociateurs les plus faibles pour que des accords honnêtes et un calendrier réaliste puissent émerger des APE. Si nous voulons que le commerce «décolle» réellement, des éléments comme, par exemple, la réforme du système fiscal avec le remplacement des droits payés au passage des frontières, des institutions publiques et sociales plus solides, de meilleurs systèmes d’éducation et de santé, sont indispensables. L’absence actuelle de coordination et de cohérence n’est pas uniquement inefficace, mais elle est également inacceptable car contraire à l’article 178 du traité CE.
L’une des raisons de cette situation est que les connaissances et l’expertise des experts commerciaux, ou, inversement des personnes travaillant au développement, affectent souvent leurs domaines de travail respectifs, une autre étant le manque de volonté d’additionner les coûts et les bénéfices réels du développement intégré et, ensemble - ce qui signifie au Conseil également - de chercher un nouveau financement pour celui-ci. De plus, souvent, les politiques européennes - dans des domaines tels que l’agriculture, le commerce et le développement - travaillent les unes contre les autres, les subventions à l’exportation permettant à l’agriculture de déverser ses produits en Afrique du Nord, ce qui y entraîne une augmentation du chômage. Les personnes en charge de l’immigration se plaignent du flux de réfugiés économiques en provenance de cette région et font peu de chose en guise d’aide, préférant à cela travailler à de solides accords sur le marché du travail régional.
La seule chose qui pourrait améliorer de manière substantielle la situation serait un agenda européen cohérent de la Commission et du Conseil. Le commerce mondial est important et d’un grand intérêt pour permettre aux pays en développement d’échapper au cercle vicieux de la pauvreté. Il y a beaucoup à gagner d’une bonne combinaison de l’aide et du commerce, et le processus de combinaison de ces deux éléments ne peut entraver le chemin de ces pays en développement; c’est de cette manière que nous serons en mesure d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Ce que j’appelle de mes vœux, c’est un agenda européen cohérent; le nouvel instrument de coopération au développement pourra lui servir de cadre.
Tokia Saïfi, au nom du groupe PPE-DE. - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, je voudrais d’abord remercier et féliciter le rapporteur Alain Hutchinson, pour la qualité de son travail sur ce sujet important et ô combien sensible pour notre avenir.
L’année 2005 a été riche en événements décisifs sur la question de l’aide au développement. Si la mobilisation est désormais réelle, mettons en pratique nos discours. À ce titre, nous ne pouvons que saluer les efforts déployés par l’Union européenne et par certains États membres en faveur d’une augmentation substantielle de l’aide au développement. Mais s’il est évident que des moyens financiers sont indispensables pour une aide efficace, cela ne saurait être suffisant.
Ainsi, un contrôle étroit des pratiques de développement doit être exercé afin de mesurer pleinement la mise en œuvre de ces politiques. L’aide au développement doit afficher une ambition qualitative, à la hauteur de l’ambition financière, afin d’enregistrer des effets concrets sur la réduction de la pauvreté. Je souligne dans ce sens l’importance de la mise en place de mécanismes de financement innovants, permettant de lever des ressources stables et prévisibles. Je salue, à ce titre, la création d’Unitaid lors du dernier sommet des Nations unies, qui permettra aux pays en développement d’accéder plus facilement aux médicaments. Aujourd’hui, alors que ce mécanisme en est à ses débuts, appelons de nos vœux qu’il démontre sa pleine efficacité et enregistre l’adhésion de nombreux pays derrière ceux qui sont déjà impliqués, à l’instar de la France.
L’Union européenne doit jouer le rôle de chef d’orchestre, en vue d’une meilleure répartition des tâches au titre de l’aide au développement. Cette coordination doit se faire tant au niveau de l’Union européenne que sur le terrain en y associant les populations bénéficiaires. Le paquet de mesures pour une aide efficace constitue une première étape. L’Union européenne et ses États membres partagent une même ambition pour le développement. Alors, ensemble, relevons le défi d’une aide efficace et transparente en restant fidèles à nos engagements.
Miguel Ángel Martínez Martínez, au nom du groupe PSE. - (ES) Monsieur le Président, avant-hier, lorsque nous avons rencontré le président du Libéria et que nous avons essayé de lui décrire brièvement les principaux efforts du Parlement européen dans le domaine de la coopération au développement, nous avons souligné que le groupe socialiste au Parlement européen avait un double engagement: libérer plus de ressources pour cette tâche - que nous considérons être une priorité parmi les responsabilités de l’Union européenne - et parvenir à une efficacité maximale dans l’utilisation des ressources disponibles afin d’atteindre des résultats tangibles au moment de relever un défi de plus en plus sérieux et inéluctable.
À cet égard, le rapport rédigé par mon ami et collègue, M. Hutchinson, est un document d’une grande importance, de par sa rigueur et sa profondeur et étant donné le moment auquel il est présenté: une période où l’opinion publique dans l’Union européenne est de plus en plus consciente du fait que, tant sur la base du principe de solidarité qu’étant donné l’exode d’émigrants fuyant le monde sous-développé vers nos pays, l’Europe n’a pas d’autre choix que de tout faire pour le développement et la stabilisation des pays du Sud.
Le rapport Hutchinson et sa motion de résolution extrêmement louable, que nous devrions certainement approuver par une écrasante majorité, ne constituent pas simplement un document de plus parmi tous ceux dont nous débattons au sein de notre Assemblée. Étant donné que je partage totalement ses propositions, je n’en réitérerai pas le contenu maintenant. Je dirai simplement qu’il est particulièrement pertinent, un jour comme celui-ci, où il y a quelques heures, nous sommes apparemment parvenus à conclure de manière satisfaisante les négociations sur un nouvel instrument juridique pour le financement de notre coopération au développement.
Je voudrais également dire que le rapport est un élément d’une véritable doctrine et qu’il contient de nombreuses idées et propositions que le Conseil, et surtout la Commission, devront prendre en considération afin d’accroître l’efficacité de notre travail dans le domaine de la coopération.
Nous, au sein du Parlement européen, de notre commission du développement et, bien entendu, du groupe socialiste au Parlement européen, devons nous engager à nous assurer que les propositions de M. Hutchinson ne restent pas de simples bonnes intentions et lettre morte. Nous devons œuvrer afin de garantir qu’elles serviront d’une espèce de guide pour nos actions, que l’efficacité à laquelle nous parviendrons dans ce domaine contribue à l’obtention de plus et de meilleurs résultats objectifs, qui justifieront à leur tour l’allocation de budgets plus importants et généreux dans un domaine qui n’est plus secondaire ou périphérique ou un simple moyen d’avoir bonne conscience, et que ce domaine devienne une véritable priorité au sein des politiques de l’Union européenne.
Gabriele Zimmer, au nom du groupe GUE/NGL. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais, avant toute chose, remercier M. Hutchinson pour cet excellent rapport, que mon groupe soutiendra sans réserve.
Déjà en l’an 2000, l’assemblée générale des Nations unies s’était fixée la tâche, prise très au sérieux par tous les députés de chaque groupe de cette Assemblée ces dernières années, d’obtenir des résultats mesurables, en fixant des objectifs et en montrant où des progrès devaient être faits. Pour nous aussi, les objectifs du Millénaire pour le développement constituent la mesure à l’aune de laquelle nous évaluons l’efficacité de ce que nous faisons sur le front de la politique de développement.
Nous trouvons le rapport intermédiaire des Nations unies inquiétant, car il a montré que les objectifs définis non pas été atteints, et, alors que ce type d’échec donne mauvaise conscience aux Européens bien payés, pour les millions de personnes qui vivent dans la pauvreté, cela signifie la mort, et pour des millions de jeunes femmes une vie entière sans éducation. Cela devrait être une raison suffisante pour que la Commission révise l’efficacité de l’aide qu’elle apporte, et cela justifie certainement que nous examinions davantage son autoanalyse. Permettez-moi donc encore de féliciter M. Hutchinson pour l’excellent travail qu’il a réalisé afin de dire très clairement à la Commission ce qu’elle devrait faire.
Cela dit, permettez-moi toutefois de saisir cette occasion pour traiter du rôle de cette Assemblée, car nous aussi, dans une certaine mesure, partageons la responsabilité de cet échec. Il est évident que nous avons, pendant des années d’affilée, donné notre aval à des budgets qui n’atteignaient pas leurs objectifs, mais nous sommes-nous opposés de quelque sorte que ce soit afin que de meilleures décisions soient prises? Avons-nous assez d’informations pour remplir notre rôle de contrôleur? J’en doute. À ce jour, la Commission n’a présenté aucune preuve convaincante selon lesquelles elle aurait géré des projets afin d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, et les données budgétaires sur la base desquelles nous devons prendre des décisions sont superficielles.
En 2005, nous avons demandé à la Banque européenne d’investissement de réaliser un exercice d’étalonnage relatif à ses prêts, à savoir d’évaluer chaque prêt en termes de contribution à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Les fonds sur lesquels nous exerçons un contrôle ne peuvent être étalonnés de cette manière, et, étant donné qu’il n’existe aucune institution pouvant se charger à notre place du contrôle global de ce qui est fait avec cet argent, nous devrions également exiger que nous, en tant que Parlement de l’Europe, ayons un droit de contribution permanent pour la coopération au développement, en d’autres termes, que nous ayons notre mot à dire dans la programmation du Fonds européen de développement.
Des propositions doivent être avancées tant au niveau national que régional, avec des objectifs et des jalons définis pour la réalisation progressive des objectifs du Millénaire pour le développement, et nous voulons, à l’avenir, obtenir de la Commission des rapports par pays et par région, par secteur et par projet, ainsi que des rapports dressant la liste des promoteurs des projets et des sociétés de consultance impliquées ainsi qu’une description détaillée des fonds leur ayant été versés.
Les 65 propositions importantes contenues dans le rapport Hutchinson établissent clairement le fait que cette Assemblée ne possède pas les compétences qui devraient être les siennes à l’avenir, mais je crois qu’il existe un second pilier de compétences, au côté des gouvernements des régions ciblées, sous la forme des institutions qui opèrent dans ces régions, qui doivent être bien plus qu’impliquées. Selon une approche, les donateurs individuels dans une région particulière devraient assumer le rôle de leader dans des secteurs spécifiques. Non seulement cela est salué dans le rapport, mais nous pourrions également envisager la possibilité d’utiliser le poids financier de l’Union européenne - bien plus grand que celui des États-Unis - afin de prendre le rôle de pionnier pour l’un des huit objectifs du Millénaire pour le développement, et je proposerais l’eau.
L’Union européenne pourrait s’engager à garantir, conjointement avec des partenaires locaux, l’approvisionnement en eau potable au continent africain ainsi que l’élimination de ses eaux usées. Cela serait meilleur pour notre image que le dernier scandale d’empoisonnement de l’eau potable par des sociétés européennes. Nous devrions donc inviter la Commission à élaborer un calendrier fixant les dates pour lesquelles il devrait être possible de fournir à toutes les principales villes au sud du Sahara des systèmes durables d’approvisionnement en eau potable et de drainage des eaux usées. Nous devrions également insister pour obtenir des rapports d’avancement intérimaires réguliers relatifs à la réalisation de cette tâche.
Je voudrais que la Commission nous dise si oui ou non elle possède les structures qui pourraient constituer une stratégie globale pour rendre cette tâche possible tout d’abord, et si elle reconnaît que la communauté internationale a besoin de ce type de centre spécialisé. De meilleurs moyens doivent être trouvés pour rassembler ceux qui travaillent sur le terrain avec les décideurs politiques et les donateurs, et je voudrais proposer que la Commission organise, tous les deux ans, une conférence internationale sur le développement africain avec pour objectif spécifique de sensibiliser les décideurs politiques et les donateurs à ce qui est nécessaire et à ce qui a été appris dans la pratique. Il serait notamment envisageable de monter une exposition présentant de manière détaillée des projets couronnés de succès et des projets qui ont échoués, en mettant les premiers à l’honneur.
Ce serait également l’occasion de recruter de nouveaux travailleurs spécialisés dans le domaine de la coopération au développement, surtout parmi les jeunes.
Ryszard Czarnecki (NI). - (PL) Monsieur le Président, à chaque fois que des personnes doivent mentionner la superpuissance mondiale dominante, elles citent les États-Unis. C’est, cependant, l’Union européenne qui délivre plus de la moitié de l’aide publique dans le monde et qui est le plus grand donateur de la planète. Malheureusement, cette situation ne se traduit pas par le leadership européen sur la scène mondiale. Nous disons «Union», mais pensons en termes d’«États membres», étant donné que les décisions du Conseil européen de Bruxelles de décembre 2005 établissent clairement que 80 à 90% des nouvelles aides aux pays en développement doivent venir des États membres.
Nous devrions nous demander si, à l’avenir, nous serons prêts à envisager la réduction de la dette pour des pays spécifiques, récemment l’Irak et le Nigeria, comme une forme d’aide au développement. Il s’agit d’une solution facile pour l’Union, mais, en fait, cela réduit le véritable montant de l’aide délivrée aux pays en développement. Néanmoins, annulation de la dette mise à part, l’aide apportée aux pays pauvres a augmenté de cinq milliards l’année dernière. Certains y font référence en disant «seulement cinq milliards», alors que d’autres disent «pas moins de cinq milliards».
En conclusion, en tant que représentant d’un nouvel État membre de l’Union européenne, je voudrais dire que les nouveaux et les plus pauvres des pays de l’Union se trouvent dans une situation complètement inconnue. Nous faisons partie de la Communauté européenne et voulons accepter les conditions qui en découlent. Nos pays doivent comprendre qu’il existe des pays dans le monde encore plus pauvres que nous.
Karin Scheele (PSE). - (DE) Monsieur le Président, Je voudrais aussi féliciter le rapporteur pour son excellent rapport. Dans ses 65 points, il traite des nombreux domaines et facteurs auxquels il sera nécessaire d’apporter plus d’aide et une meilleure aide. Il aborde les sources de financement innovantes pour le développement ainsi que la nécessité d’une approche comprenant un allègement de la dette afin de donner aux pays en développement une marge de manœuvre plus importante dans la lutte contre la pauvreté, et, bien entendu, il souligne également qu’il doit exister une cohérence entre les différentes politiques. Notre aide ne sera efficace que s’il existe une cohérence accrue entre les différents domaines politiques.
Il est clair que l’efficacité ne doit pas remettre en question le concept nécessaire de responsabilité. C’est précisément au moment où des ressources de plus en plus importantes sont consacrées à la coopération au développement en aide budgétaire directe, que des ressources suffisantes sont nécessaires pour la constitution d’une société civile indépendante et critique. Si les pays donateurs veulent que leur aide soit plus efficace, ils dépendent à de nombreux égards d’organisations non gouvernementales pour s’assurer que l’aide fournie est véritablement utilisée pour réduire la pauvreté, et qu’elle parvient vraiment aux pauvres et aux personnes défavorisées dans les pays partenaires.
Les États membres doivent respecter les engagements pris en matière de financement de l’aide au développement, à savoir 0,56% de leur produit intérieur brut en 2010 et 0,7% en 2015. En la matière, il importe de souligner que l’allègement de la dette ne doit pas être compris dans ces calculs. Selon les chiffres les plus récents du Comité d’aide au développement de l’OCDE, en 2005, l’Union européenne a qualifié l’allègement de la dette pour l’Irak et le Nigeria, en particulier, d’aide au développement, malgré le fait que le consensus de Monterrey précise de manière explicite que les ressources financières utilisées pour l’allègement de la dette ne doivent pas provenir des fonds d’aide au développement normalement destinés à être directement mis à la disposition des pays en développement.
Le Parlement européen invite dès lors les États membres à dresser une liste précise, chaque année, montrant clairement les contributions apportées directement pour l’aide au développement. Comme le rapporteur l’a dit, l’aide de l’Union européenne et des États membres doit être coordonnée de manière complémentaire et être cohérente. Bon nombre des pays partenaires sont surchargés par le nombre de donateurs: des projets parallèles donnent souvent lieu à des duplications inutiles des structures et entravent parfois les progrès. Il ne sera possible de résoudre ce problème qu’au travers d’une meilleure coordination entre la coopération au développement de la Communauté et celle des États membres.
Le rapport propose un groupe de travail auquel des représentants de la société civile devraient être associés. Des études de cas spécifiques devraient être utilisées afin de montrer ce qui fonctionne déjà et où il reste encore beaucoup à faire.
Justas Vincas Paleckis (PSE). - (LT) Je salue le rapporteur et soutiens le point principal de sa présentation. L’Union européenne est en mesure de devenir, et doit en fait devenir, un leader, non seulement en termes de portée, mais également en termes d’efficacité de l’aide. Nous pouvons continuer à regretter que le montant de l’aide pour les pays tiers est insuffisant, mais nous devons avant tout être sûrs que, quelle que soit l’aide en question, celle-ci est utilisée efficacement. Nous devons mieux coordonner l’apport de l’aide, abandonner les formalités redondantes et renforcer les contrôles afin de pouvoir faire face à une situation de plus en plus changeante. Le rôle de la Commission européenne ne peut que s’accroître à cet égard, surtout lorsqu’il s’agit de coordonner la livraison de l’aide. Cela est assez important pour les nouveaux États membres, car leur contribution pour venir en aide aux pays en développement croît progressivement. Dans ce sens, la Lituanie change déjà de statut au sein de la Banque mondiale en passant de pays bénéficiaire à pays donateur, une situation qui facilitera largement l’implication de mon pays dans les programmes de développement de la Banque.
Le soutien de l’opinion publique est un facteur essentiel, car, jusqu’à présent, il n’a pas été aussi important qu’il aurait dû l’être. Nous devons promouvoir l’idée au sein des nouveaux États membres qu’en aidant les pays en développement, nous nous aidons également. À l’époque de la mondialisation, le monde nous rappelle que la pauvreté et la faim, les troubles et les catastrophes naturelles, en Afrique ou en Asie, ont également une influence sur la stabilité et la qualité de vie en Europe ou en Amérique. Toutefois, les pays bénéficiaires doivent également démontrer leur capacité à gérer de manière appropriée les fonds qui leur sont confiés. Les députés devraient y accorder la plus haute attention, tant du côté de l’UE que de celui des pays bénéficiaires.
Le Président. - Le débat est clos.
Le vote aura lieu aujourd’hui, à midi.
Déclarations écrites (article 142)
Filip Kaczmarek (PPE-DE). - (PL) Monsieur le Président, l’exposé des motifs du rapport de M. Hutchinson commence par l’affirmation dramatique selon laquelle, dans le monde, 11 enfants meurent chaque minute à cause de la faim et de la pauvreté.
Il est en effet difficile de trouver une meilleure raison pour traiter de la question de l’efficacité de l’aide au développement de l’Union européenne. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec l’affirmation selon laquelle il est logique d’accroître le financement de l’aide au développement s’il existe une amélioration significative de l’efficacité de l’aide. Je suis convaincu que les citoyens européens soutiendront une augmentation du financement de l’aide au développement. Ils ne tolèreront toutefois pas de gaspillage, d’inefficacité, de manque de transparence ou de fausse action, d’où l’importance de l’amélioration de l’efficacité.
Il est crucial que seule l’aide véritable soit classée comme telle. Je soutiens donc la position selon laquelle la réduction de la dette des pays pauvres doit être séparée des dépenses pour l’aide au développement. En effet, l’initiative PPLE n’a pas fourni une solution permanente au problème de la dette des pays pauvres. D’autre part, il est essentiel d’envoyer la plus grande partie possible de l’aide financière disponible directement aux bénéficiaires. Il importe de ne pas créer l’impression qu’une proportion importante de ces fonds est utilisée pour payer des intermédiaires tels que des fonctionnaires et des conseillers. La disposition relative à la réalisation d’une coopération approfondie et décentralisée ainsi qu’au travail direct avec les autorités locales dans les pays en développement mérite donc d’être soutenue.
(La séance, suspendue à 11h55 dans l’attente de l’Heure des votes, est reprise à 12h05)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD ONESTA Vice-président
Emine Bozkurt (PSE). - (NL) Monsieur le Président, ceci est une motion de procédure. Lívia Járóka, une députée de cette Assemblée qui a été proposée comme candidate à l’obtention du titre de «député européen de l’année» pour sa campagne déterminée en faveur des droits des Roms, a reçu des courriels de nature raciste ou misogyne. Selon moi, de tels comportements n’ont pas leur place dans ce Parlement. C’est intolérable, et je voudrais que l’Assemblée en prenne note.
(Applaudissements)
Le Président. - Je crois que les applaudissements témoignent de la solidarité des collègues avec vos propos.
Doris Pack (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Mme Bozkurt. Je trouve tout à fait indécent qu’un observateur bulgare tente de fouler aux pieds la dignité de Mme Járóka; et c’est précisément ce que fait ce courriel. J’attends de la présidence qu’elle agisse avec fermeté dans cette affaire. Un tel comportement n’a pas sa place dans cette Assemblée.
(Applaudissements soutenus)
Charles Tannock (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, en guise de rappel au règlement, je veux protester contre l’intervention hier lors de la Conférence des présidents du Premier ministre libanais, M. Siniora. Son intervention a été totalement tendancieuse et partiale, et personne n’a eu l’occasion de l’interrompre pour répondre à ses propos. Tout cela manigancé de commun accord par les groupes politiques, soit! Mais je demande à la Conférence des présidents, par souci d’équité et d’équilibre, d’envoyer une invitation au Premier ministre ou au ministre des affaires étrangères d’Israël, afin que nous puissions entendre l’autre version des faits.
(Vifs applaudissements)
Le Président. - Tout cela sera transmis aux organes compétents.