Le Président. - L’ordre du jour appelle la déclaration du Conseil et de la Commission sur l’utilisation des données des dossiers passagers (PNR).
Paula Lehtomäki, présidente en exercice du Conseil. - (FI) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les discussions concernant le transfert des données des dossiers passagers aux états-Unis d’Amérique ont été menées à terme la semaine dernière. Le résultat de ces discussions a permis d’éviter l’absence d’accord entre l’UE et les états-Unis, ce qui est très important.
La présidence a reçu une lettre datée d’hier de la part de Sophia in ‘t Veld, le rapporteur du Parlement européen pour le rapport sur l’utilisation des dossiers passagers. Nous reviendrons plus en détail sur les questions qu’elle contient et y répondrons par écrit dès que possible.
Au cours des négociations, nous avons convenu d’un nouvel accord temporaire sur les dossiers passagers. Son objectif est de remplacer l’accord précédent, conclu en 2004 et annulé par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt de mai dernier. Les négociations ont été difficiles, car l’annulation de l’accord précédent menaçait de pousser l’UE et les états-Unis dans une situation de non-accord. Malgré ces difficultés, le mandat de négociations donné par le Conseil en juin 2006 a été respecté. Le nouvel accord garantira le même niveau de protection des données personnelles que l’ancien, ainsi que le maintien des relations aériennes transatlantiques. L’accord rend donc possible le transfert de données des dossiers passagers aux autorités américaines à l’avenir, tout en garantissant un niveau adéquat de protection des données lors du traitement des informations, conformément aux «déclarations d’engagement» présentées précédemment par le Bureau des douanes et de la protection des frontières des états-Unis.
Le comité des représentants permanents a suivi de près l’évolution des discussions et a débattu, le 6 octobre, du résultat qui en a découlé et de son contenu. Le Coreper a déclaré qu’il était favorable à la signature du texte des négociations. Le résultat des discussions a été communiqué aux ministres de la justice lors du Conseil «Justice et affaires intérieures», qui a débuté juste après le Coreper.
L’accord temporaire qui a été conclu à l’issue des négociations s’appliquera à compter de la date de signature. Le Coreper le signera demain au nom de l’UE et le but est que le Conseil l’y autorise dès que possible.
L’accord temporaire restera en vigueur jusqu’à la fin de juillet 2007. Pendant ce temps, les parties essaieront de trouver un accord à caractère plus permanent concernant le transfert des données des passagers. L’objectif est d’entamer ces discussions le plus tôt possible.
Cet accord est le fruit d’âpres négociations. Les états-Unis voulaient modifier l’accord précédent afin de l’adapter au nouveau cadre opérationnel. Le plus grand défi de ces négociations était de trouver le moyen de répondre aux changements survenus depuis 2004 dans la législation américaine et dans l’organisation de l’administration, tout en maintenant les principes relatifs aux normes en matière de protection des données pour les Européens.
Outre le texte de l’accord lui-même, les discussions ont également porté sur une lettre adressée par les négociateurs américains à la Commission et à la présidence, concernant l’interprétation des engagements pris au sujet de l’utilisation des données PNR. L’UE prendra cette lettre en considération, mais celle-ci ne fera pas partie de l’accord.
Le résultat des discussions est positif pour de nombreuses raisons. Premièrement, l’accord temporaire vise à garantir la sécurité des passagers aériens. C’est d’une importance capitale.
Deuxièmement, je voudrais insister sur le fait que les engagements pris précédemment par l’administration américaine concernant l’utilisation des données PNR continueront à s’appliquer. L’objectif est de garantir le même niveau de protection pour les données PNR des citoyens qu’avec l’ancien système. L’accord comprend une disposition qui établit que le ministère américain de la sécurité intérieure doit garantir une protection adéquate des données PNR en provenance de l’UE. Ceci repose particulièrement sur l’idée que le ministère de la sécurité intérieure continuera à respecter les engagements qu’il a pris en 2004. En raison des modifications dans l’organisation de l’administration américaine, le nombre d’autorités ayant un accès électronique aux données PNR est plus élevé dans le cadre du nouvel accord qu’auparavant. Ces autorités sont spécifiées dans l’accord.
Troisièmement, je suis ravie que le transfert des données PNR prévu dans le cadre du nouvel accord concerne toujours les 34 catégories de données qui avaient été convenues dans l’ancien accord.
Quatrièmement, le nouvel accord garantira la sécurité juridique des citoyens et assurera le maintien des vols transatlantiques. En même temps, il permettra aux compagnies aériennes d’exploiter leurs activités de manière viable.
Nous avons d’autres bonnes nouvelles pour les compagnies aériennes. Pendant les négociations, les états-Unis ont entrepris de tester, à partir de cette année, des systèmes permettant aux compagnies aériennes de stocker elles-mêmes les données sur les passagers dans les bases de données des autorités américaines. Cet objectif a toujours été important pour nous.
Les discussions visant à trouver un système PNR à caractère plus permanent pour remplacer cet accord temporaire en juillet 2007 devraient commencer dans un avenir proche. Nous avons également convenu que les problèmes relatifs au stockage et à la destruction des données devaient être résolus au cours de ces discussions sur le nouveau système PNR. Nous y reviendrons donc très bientôt.
Monsieur le Président, je regrette de ne pouvoir rester pour ce débat, mais je dois partir à 18h20, comme convenu au préalable avec le Parlement, et malheureusement, mon avion n’attendra pas une minute de plus.
Franco Frattini, vice-président de la Commission. - (IT) Monsieur le Président, permettez-moi tout d’abord de dire que je partage tout à fait l’avis positif de la présidence sur la valeur de cet accord, qui a une durée limitée - jusqu’en juillet 2007 -, mais dont le premier avantage est de garantir la continuité juridique dans une matière extrêmement sensible. Il permet également aux compagnies aériennes d’assurer le traitement approprié des données personnelles des citoyens européens qui se rendent aux états-Unis, sans interrompre le trafic aérien à destination ou en provenance de ce pays.
Cet accord s’inscrit dans le cadre d’un engagement plus vaste. Je peux évidemment affirmer que, durant les négociations extrêmement complexes qui se sont déroulées, tant les institutions européennes - la présidence et la Commission - que les états-Unis ont confirmé leur disposition à entamer immédiatement un projet commun. Celui-ci couvrirait un champ d’application plus vaste et dénoterait la volonté commune réaffirmée de l’Union européenne et des états-Unis de coopérer en vue de trouver un accord définitif - celui qui entrera en vigueur après le mois d’août 2007, en remplacement de cet accord temporaire - et d’étendre le plus possible la coopération contre le terrorisme tout en assurant la protection des droits individuels.
Il s’agit d’une perspective politique beaucoup plus vaste. Comme je l’ai souligné à bien d’autres occasions, je considère la participation du Parlement comme politiquement nécessaire, même si les procédures relèveront forcément de ce qu’on appelle le «troisième pilier», à la suite de la décision de la Cour de justice.
Il est évident que le contenu de cet accord doit être approfondi. Je sais déjà que de nombreux députés l’ont étudié avec attention. Je voudrais faire quelques brèves observations. Premièrement, cet accord n’autorise pas l’échange d’un nombre plus important de données. Il autorise la transmission de données à d’autres agences qui s’occupent des douanes et de la protection des frontières, tout en respectant les règlements comparables en matière de protection des données personnelles.
L’accord n’a pas été modifié, car, comme vous le savez parfaitement, nous avons précisé le sens des engagements. En fait, la structure des agences a été modifiée en 2004, par effet de la législation nationale américaine. Auparavant, autrement dit au début de l’année 2004, il n’y avait que le Bureau des douanes et de la protection des frontières des états-Unis. Aujourd’hui, par exemple, nous devons compter avec un nouvel interlocuteur, le ministère de la sécurité intérieure, en tout cas dans le cadre de l’interprétation des engagements. Les agences que j’ai citées précédemment font également partie de ce processus, c’est pourquoi il est impossible de ne pas y faire référence.
Quelle est la caractéristique de cette interprétation? D’un coté, nous devons prendre note de l’existence de diverses agences; de l’autre, nous avons établi que le bureau des douanes et de la protection des frontières des états-Unis conserve la même fonction qu’auparavant, cet organe - et seulement lui- étant le destinataire direct des données transférées. Les autres agences peuvent obtenir au cas par cas les données dont elles ont besoin par l’intermédiaire de la première. Il ne s’agit donc pas de donner aux autres organismes un accès direct aux données, mais de leur transmettre ces données à la suite d’une demande.
Quelle genre de demande pourrait justifier cette transmission? Comme je l’ai déjà dit, cette demande sera faite au cas par cas. Nous avons spécifié que le concept «au cas par cas» signifiait soit en cas de menace concrète, soit en cas d’informations concernant un vol ou une voie aérienne spécifique qui justifierait la demande de données. Cette demande ne se justifie que lorsqu’elle a trait à une enquête liée au terrorisme, comme c’est déjà arrivé par le passé - sur ce point, rien n’a changé. Nous avons donc spécifié que les agences américaines dont la fonction d’enquête n’était pas liée à la lutte contre le terrorisme n’auraient pas accès à ces données, même sur la base d’une demande indirecte.
L’impossibilité d’un accès direct, d’une part, et le changement des modalités d’accès aux données, d’autre part, sont d’autres éléments que je considère comme importants. De nombreux députés ont fréquemment souligné, dans le passé, le dysfonctionnement ou le manque de garanties du système «pull», autrement dit, le système qui permet d’extraire directement des informations à partir de bases de données. Par conséquent, nous avons demandé et obtenu que le système soit remplacé par un système de type «push», comme l’avaient demandé à de nombreuses occasions les autorités parlementaires.
Comme l’indique son nom, le système «push» implique que les données ne soient pas extraites, mais qu’elles soient fournies sur demande. Comme nous l’avons écrit dans la lettre d’accompagnement qui sera envoyée aux états-Unis, nous avons convenu que ce nouveau mécanisme entrerait en fonction avant décembre de cette année, autrement dit dans un mois et demi au plus tard. Le mécanisme sera d’abord testé afin de vérifier qu’il fonctionne, mais sera de toute façon - je le répète - opérationnel d’ici la fin de l’année.
Une obligation spécifique a également été confirmée, à savoir celle de respecter - en vertu de l’article 6, alinéa 2, du traité sur l’Union européenne - les droits fondamentaux des personnes lors du traitement des données personnelles. Nous avons inséré une référence à cet article 6 en substitution de la référence à une directive sur la protection des données, car la Cour de justice a établi que cette directive n’était pas directement applicable en matière de sécurité. Une importante référence à la législation européenne aurait donc manqué. Par conséquent, nous l’avons remplacée par une référence plus générale - et, à mon avis, encore plus contraignante - à l’article 6 du traité UE, qui fait référence aux droits fondamentaux des personnes.
En conclusion, les autorités américaines se sont engagées à continuer de garantir, également au nom du ministère de la sécurité intérieure, un niveau adéquat de protection dans le traitement des données et, naturellement, la possibilité de revoir l’application de cet accord, comme cela avait déjà été établi dans l’accord précédent.
Le dernier aspect concerne la confirmation de la période de rétention des données, un sujet qui n’a pas été abordé. Il est vrai qu’il a été demandé de pouvoir conserver les données pendant une période plus longue que celle prévue par l’accord actuel et par l’accord précédent. Cette demande n’a pas eu de suite, d’abord parce que l’accord prendra fin en juillet 2007 et, ensuite, parce que nous avons considéré qu’un sujet aussi sensible que la période de rétention des données devait être abordé, si nécessaire, au cours des futures négociations. Je peux vous assurer que la Commission entend entamer ces négociations en janvier 2007, afin qu’elles soient suffisamment avancées d’ici la fin janvier 2007 pour pouvoir mener à un accord définitif.
Ewa Klamt, au nom du groupe PPE-DE. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président de la Commission, Mesdames et Messieurs, récemment, certains membres de cette Assemblée se sont réjouis de l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes qui a déclaré nul l’accord entre l’UE et les états-Unis sur l’accès des autorités américaines aux données des dossiers passagers pour des raisons de forme. Cependant, la nature et le champ d’application des informations restent en grande partie inchangés dans l’accord temporaire qui a maintenant été conclu. Il est vrai que les états-Unis n’ont plus un accès automatique aux données, mais doivent maintenant les demander aux compagnies aériennes. C’est une issue positive des négociations, pour laquelle je souhaiterais remercier particulièrement le commissaire Frattini.
Néanmoins, l’accord que la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré nul établissait clairement que les autorités chargées des douanes et de la protection des frontières avaient le droit de transférer ces données dans des cas exceptionnels uniquement. Maintenant, les données des dossiers passagers peuvent être transmises, au besoin, à toutes les autorités américaines responsables de la lutte contre le terrorisme. Les passagers ne pensent probablement pas que cela compromette leur sécurité - l’opposé serait sans doute plus vrai -, mais mon groupe, le groupe du parti populaire européen (démocrates chrétiens) et démocrates européens, estime vraiment qu’en saisissant la Cour de justice, certains députés de cette Assemblée nous ont rendu à tous un bien mauvais service, car il faut reconnaître aujourd’hui que ce nouvel accord n’offre pas une meilleure protection des données que l’ancien.
Pour cette raison, je pense que nous devrions continuer à œuvrer en faveur de normes élevées en matière de protection des données en Europe, y compris dans le cas du transfert des données des dossiers passagers. Même si le Parlement et la Commission doivent exercer leur influence au cours des futures négociations pour atteindre cet objectif, il nous faut également reconnaître qu’un état souverain tel que les états-Unis continuera d’exercer le droit d’établir des règlements déterminant qui peut entrer sur son territoire et à quelles conditions.
Martine Roure, au nom du groupe PSE. - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, je tiens avant tout à dire que, pour mon groupe, il était urgent de parvenir à un nouvel accord avec les États-Unis. Il n’était en effet pas possible de laisser les compagnies aériennes dans le flou juridique dans lequel elles se trouvaient depuis le 30 septembre et sous le coup de sévères sanctions si elles ne transmettaient pas les données exigées. Nous devions nécessairement trouver un accord commun à l’ensemble des États membres de l’Union afin de garantir un niveau équivalent de protection pour chacun.
Nous sommes cependant très préoccupés par la facilitation du transfert de ces données. Le transfert ultérieur des données à d’autres agences responsables de la lutte contre le terrorisme pose problème si nous ne l’assortissons pas des garanties appropriées. Nous demandons le droit des citoyens européens à un recours effectif devant un juge en cas d’abus de l’utilisation de ces données. Nous attendons des autorités américaines qu’elles appliquent les garanties de protection que nous leur demandons et qui sont inscrites dans les déclarations d’engagement.
Nous pensons qu’il est nécessaire d’impliquer aussi les parlements nationaux. L’article 24 du Traité prévoit que l’Union européenne est la partie contractante. Cela n’empêche cependant pas les États membres de recourir à une procédure de ratification parlementaire. Ainsi, lors de la signature des accords de coopération judiciaire avec les États-Unis, les États membres, sauf deux d’entre eux, ont fait une déclaration aux termes de laquelle ils ne seraient liés par ces accords qu’après ratification par leurs parlements. Pouvez-vous nous confirmer qu’il en est de même pour l’accord concernant les données PNR et, dans l’affirmative, nous dire à quel rythme vont se faire ces ratifications? C’est une question très précise pour laquelle nous aimerions recevoir une réponse.
Enfin, les négociations pour le nouvel accord de 2007 doivent se concentrer sur la définition d’un cadre global et contraignant garantissant la protection de la sécurité et des droits fondamentaux des citoyens. Ne craignons pas de le répéter: le Parlement européen et les parlements nationaux doivent être impliqués. Il est par ailleurs nécessaire d’engager une réflexion globale sur la protection des données relatives aux citoyens européens dans le cadre des relations transatlantiques. En effet, une audition récente sur la société SWIFT nous a montré les conflits possibles entre le droit européen et le droit américain et nous devons régler ces conflits: c’est de notre responsabilité.
PRÉSIDENCE DE M. McMILLAN-SCOTT Vice-président
Sophia in ‘t Veld, au nom du groupe ALDE. - (EN) Monsieur le Président, j’ai le sentiment d’avoir atterri dans la mauvaise pièce de théâtre et d’avoir le mauvais scénario. La présidente en exercice du Conseil et le commissaire ont parlé de l’accord, mais ont totalement omis la lettre d’accompagnement du ministère de la sécurité intérieure, qui donne une interprétation de l’accord allant dans une direction complètement différente de celle que vous venez d’exposer. Par conséquent, j’ai bien peur de ne pouvoir partager la joie que viennent tout juste d’exprimer la présidence et la Commission.
J’ai envoyé une lettre - à laquelle la présidente en exercice du Conseil vient de faire allusion - contenant plusieurs questions. J’apprécierai énormément d’obtenir une réponse à ces questions, de préférence au cours de cette séance, sinon par écrit. Par exemple, vous avez dit que le nombre et la nature des données restaient inchangés et que le niveau de protection restait le même. Comment expliquez-vous alors le passage de la lettre des Américains qui dit que «outre les fins liées à la lutte contre le terrorisme et les crimes y étant relatifs, nous collecterons également les données pour lutter contre les maladies infectieuses et les autres risques»? J’appelle cela un élargissement considérable du champ d’application. Le partage des données a été élargi à des agences qui n’ont pas toutes été spécifiées. Les Américains disent maintenant qu’ils pourraient ne pas appliquer les périodes de rétention des données convenues, même pour les données collectées dans le cadre de l’ancien accord.
Vous avez dit que nous avions convenu de passer à un système «push». Je suis désolée, mais ce n’est pas ce que je lis. Je lis que les Américains passeront au système «push» dès que cela sera techniquement possible. Eh bien, félicitations! Cela aussi faisait partie de l’ancien accord. C’est techniquement possible depuis plus d’un an et les Américains ont tout simplement refusé de le faire. Alors comment pouvez-vous présenter les choses sous cet angle à une conférence de presse?
Je voudrais également avoir une réponse concernant l’impact de cet accord sur les autres catégories - vu le précédent que crée cet accord - par exemple, les coordonnées bancaires, comme dans le cas de SWIFT, et les relevés téléphoniques, auxquels les Américains ont également accès. Quelqu’un pourrait-il répondre à cette question?
Je pense que nous devrions nous tourner vers l’avenir, car malheureusement, nous avons besoin de cet accord. La seule autre option possible aurait été de ne pas avoir d’accord du tout, auquel cas les états membres ne se seraient pas serré les coudes et auraient poursuivi en concluant des accords bilatéraux avec les Américains. Je pense qu’à l’avenir, nous aurons besoin d’un mandat formel et précis. Pour que ce mandat soit formel, il faut qu’il soit approuvé par le Parlement, pour des raisons de légitimité démocratique. C’est la seule base sur laquelle un nouvel accord peut être conclu. Par conséquent, j’espère que la clause passerelle sera adoptée dès que possible. Je sais que vous êtes notre allié au moins sur ce point.
(Applaudissements)
Johannes Voggenhuber (Verts/ALE). - (DE) Monsieur le Président, Mme in ‘t Veld n’a pas atterri dans la mauvaise pièce: il s’agit bien de celle concernant la défense des droits de nos concitoyens et le rôle du Parlement. C’est juste que la mise en scène est un peu molle et que la distribution n’est pas vraiment brillante.
Jusqu’à l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, nous transférions des données hautement personnelles sur nos concitoyens à un pays tiers. L’arrêt a révélé que ce transfert de données était illégal - et pas seulement pour des raisons de forme, Madame Klamt. Nous avons transmis des données sur nos concitoyens sans aucune base juridique - ou, autrement dit, illégalement. Nous parlons ici d’une grave infraction aux droits fondamentaux sans aucune base juridique. Ce n’est pas une question de forme. Cela devrait réellement nous faire réfléchir.
De quoi parlons-nous aujourd’hui? Nous parlons d’un accord représentant la continuité juridique de ce transfert illégal dans le cadre du troisième pilier - c’est-à-dire, une coopération intergouvernementale sans la participation du Parlement, sans débat public, en dehors de la juridiction de la Cour, sans même la participation des parlements nationaux et sans ratification. Quand Mme Klamt déclare que les états-Unis ont le droit de déterminer qui ils admettent sur leur territoire et à quelles conditions, je voudrais répondre que, jusqu’à présent, nous avions convenu que ce droit était toutefois limité par des considérations liées à la dignité humaine, au droit international et aux droits de l’homme.
Il est, selon moi, d’une absurdité inouïe d’entendre la Commission déclarer que nous transmettons des données, mais que la protection des droits fondamentaux de nos concitoyens restera inchangée parce que les états-Unis ont promis de garantir le même niveau de protection des données que celui dont nous jouissons en Europe. Formons-nous donc, avec les états-unis, un seul super-État? Les considérations relatives aux droits fondamentaux ne nous interdisent-elles pas de transférer les données de nos concitoyens à des pays tiers, sans même nous soucier du niveau de protection des données appliqué là-bas? Les considérations relatives aux droits fondamentaux n’interdisent-elles pas aux compagnies aériennes de transférer des données, même à nos autorités, si cela constitue une violation de ces droits?
Personnellement, je dois dire que la défense des droits fondamentaux des citoyens européens est effectivement un sujet intéressant pour une pièce de théâtre, mais la distribution et la mise en scène sont épouvantables.
Sylvia-Yvonne Kaufmann, au nom du groupe GUE/NGL. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président de la Commission, Mme in ‘t Veld a raison: l’accord PNR conclu la semaine dernière n’a absolument rien de réjouissant. Mis à part le fait que nous ayons à nouveau un accord, au lieu de ne pas avoir d’accord du tout, ce qui évite l’incertitude juridique, aucune amélioration réelle n’a été apportée en termes de contenu. Au contraire, le nouvel accord n’est pas à la hauteur de l’accord précédent.
L’Union européenne s’est encore une fois inclinée devant Washington. Comment interpréter autrement le fait que les données PNR puissent être transmises directement au ministère américain de la sécurité intérieure? Le plus scandaleux est qu’à l’avenir, cette autorité américaine toute-puissante pourra transmettre sur une base routinière des données sur les passagers européens à toutes les autorités américaines opérant dans le domaine de la lutte contre le terrorisme - ce qui inclut la CIA, et nous savons tous de quoi elle est capable. Je voudrais juste rappeler à mes collègues députés que cette Assemblée a créé une commission spéciale parce que la CIA, au cours de sa «lutte contre le terrorisme», a entrepris d’enlever et de torturer des Européens, et parmi eux le citoyen allemand Khaled El Masri. À la lumière de ces évènements, pouvons-nous réellement croire que ces tristement célèbres services secrets n’utiliseront pas à leur guise les données des dossiers passagers de nos concitoyens?
Malgré les revendications du Parlement, le nouvel accord n’offre pas non plus aux citoyens de l’UE la même protection juridique qu’aux passagers américains. Les citoyens européens n’auront pas le même accès à la justice pour se défendre contre le traitement de données incorrectes ou contre l’utilisation abusive des données les concernant. Pourquoi n’était-il pas possible d’appliquer également aux citoyens européens les règlements qui s’appliquent aux citoyens américains - comme c’est le cas, par exemple, dans l’accord entre l’UE et le Canada? L’accord PNR n’offre pas une protection suffisante du droit d’autodétermination des citoyens européens sur leurs données personnelles, et mon groupe considère que c’est inacceptable.
Le passage envisagé d’un système «pull» à un système «push» offre une lueur d’espoir, mais même celle-ci est relative, puisqu’il n’est pas prévu d’introduire ce nouveau système immédiatement, malgré les engagements des états-Unis, mais de lui faire faire tout d’abord un tour d’essai. Le système «push» est utilisé dans le cadre de l’accord conclu avec le Canada et est parfaitement réalisable sur le plan technique. Alors, qu’est-ce qui empêchait l’UE d’insister pour que les états-Unis respectent immédiatement les engagements qu’ils ont pris envers nous il y a bien longtemps déjà?
Brian Crowley, au nom du groupe UEN. - (EN) Monsieur le Président, malgré le peu de temps qui m’est imparti, il y a trois points que je voudrais soulever.
Premièrement, quelles garanties les autorités américaines ont-elles données concernant la façon dont les informations seront utilisées? Je sais que nous avons le système «push» et le système «pull» etc., mais quels sont les critères qui ont été établis concernant l’utilisation des données?
Deuxièmement, lorsque nous entendons parler d’actions au cas par cas déterminant s’il existe une menace ou si un vol particulier est menacé, combien de temps avons-nous pour pouvoir répondre à cette demande d’informations et quelle difficulté rencontrerons-nous pour accéder à ces données, tant du côté européen que du côté américain?
Troisièmement, et c’est probablement le point le plus important, si nous nous apercevons que certaines données ont été utilisées à mauvais escient, quel recours avons-nous? Quel mécanisme a-t-on mis en place pour assurer qu’une personne ou des groupes de personnes dont les données ont été utilisées à mauvais escient puissent obtenir une sorte d’indemnisation de la part des autorités américaines?
Je pense que tous les citoyens européens attendent une réponse à ces questions. Je salue cet accord, qui est de qualité dans l’ensemble, selon moi, et meilleur que l’accord précédent, mais il reste néanmoins certains points à clarifier le concernant.
Ιoannis Varvitsiotis (PPE-DE). - (EL) Monsieur le Président, j’ai écouté très attentivement les interventions de la ministre et du commissaire Frattini. Ils ont tous deux admis que l’accord trouvé comprenait des éléments positifs pour l’Europe.
Je pense que ce sont les opinions américaines qui ont dominé. Je voudrais formuler trois observations spécifiques sur cet accord temporaire. Premièrement, l’accord précise, comme l’a également dit M. Frattini, que le nombre de données transférées reste identique, mais qu’il prévoit la possibilité d’inclure de nouvelles informations sur les «grands voyageurs». Je pense que cette référence se prête à de nombreuses interprétations. Le commissaire pourrait-il expliquer à l’Assemblée de quoi il retourne?
Deuxièmement, il a été convenu de passer du système «pull» au système «push», ce qui signifie que les compagnies aériennes devront mettre à jour leur propre système. Le commissaire peut-il nous dire qui supportera les coûts de cette transition? Je crains fort que ces coûts ne soient répercutés sur les passagers et sur le prix des tickets.
Troisièmement, je m’inquiète que l’adjectif «adéquat» ait été retenu pour qualifier le niveau de protection des données. En fait, qui juge le niveau adéquat? Les garanties données par les Américains suffisent-elles? Le commissaire peut-il nous dire quelles garanties nous avons que la protection des données sera réellement assurée?
Enfin, je pense que toutes ces questions doivent être abordées au cours du nouveau cycle de négociations qui doit démarrer en janvier. Le nouvel accord doit être plus rationnel que celui-ci.
Stavros Lambrinidis (PSE). - (EN) Monsieur le Président, l’accord PNR temporaire conclu avec les états-Unis considère toujours comme non contraignants les engagements unilatéraux américains relatifs à l’utilisation et à la protection des données personnelles sous la forme d’un protocole. Pourquoi? Et comment se peut-il que le Conseil européen ait conclu, dans le cas présent, un accord qui semble encore plus souple quant aux obligations américaines que ne l’est l’accord qu’une simple société privée, SWIFT, a apparemment réussi à négocier avec les autorités américaines concernant le transfert inacceptable de données bancaires? SWIFT, par exemple, a affirmé qu’elle bloquerait immédiatement toute recherche des autorités américaines qui dépasserait les objectifs pour lesquels elle a été autorisée.
Les cas des PNR et de SWIFT révèlent un dangereux vide politique et juridique en matière de protection de nos droits fondamentaux. Un pays tiers qui invoque exclusivement des raisons de sécurité nationale peut apparemment imposer à l’Europe, et notamment à des sociétés privées, le niveau d’accès, d’utilisation et même de protection des données. C’est évidement inacceptable et, alors que la structure par piliers de l’UE s’est de facto effondrée dans ces deux cas, le Conseil persiste à refuser d’accorder au Parlement le rôle de partenaire égal dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et de la protection des droits fondamentaux. Il est maintenant urgent de trouver, en concertation avec tous nos partenaires, une approche européenne globale et démocratique pour résoudre ces problèmes.
Jean-Marie Cavada (ALDE). - Monsieur le Président, compte tenu du nombre très élevé d’orateurs et de personnes présentes à ce débat, je vais essayer de ne pas vous fatiguer davantage. J’approuve pour une bonne part les choses qui viennent d’être dites, sur un sujet vraiment très grave. Je veux publiquement remercier M. Frattini pour son effort d’information à l’égard de notre commission. Je m’exprime en effet en tant que président de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures puisque mon groupe s’est déjà exprimé par la bouche de Mme Sophie in ’t Veld.
Je ferai deux observations, la première touchant au climat politique. Il me semble que, dans le cadre des prochaines négociations, il va falloir travailler davantage la notion de réciprocité. Je veux parler de la réciprocité des informations que nous acceptons de fournir aux services américains: que pouvons-nous espérer obtenir dans l’autres sens? Je suis fondé à me le demander car s’il est vrai que nous, Européens, avons besoin de pouvoir atterrir aux États-Unis, notamment pour les affaires, il ne faut pas sous-estimer le même besoin de la part des compagnies américaines car beaucoup d’affaires se font en Europe. Nous sommes donc dans une position relativement équilibrée.
La deuxième observation concerne l’avenir. Cet accord intérimaire s’arrête en juillet 2007, il va donc falloir en préparer la suite, sans doute dès la fin de l’hiver prochain. Compte tenu des nombreuses questions que posent les zones d’ombre de cet accord, notamment - ce qui m’inquiète un peu - la lettre interprétative à laquelle Sophie in ’t Veld a fait allusion tout à l’heure, est-ce qu’il vous semble déraisonnable, Monsieur le vice-président, d’espérer bâtir une sorte de compromis d’ici le prochain sommet États-Unis/Europe, c’est-à-dire d’ici à avril 2007? Peut-on espérer bâtir une espèce de Schengen transatlantique sur la base duquel les États-Unis, d’un côté, et l’Union européenne, de l’autre, pourraient définir un cadre permettant de régler à la fois le problème des exigences de sécurité et celui de la protection des citoyens? Nous avons droit maintenant à une base politique nouvelle puisque nous allons nous lancer dans quelques mois dans la négociation d’un nouvel accord.
Giusto Catania (GUE/NGL). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je crois que la position la plus honnête que nous puissions exprimer est celle de dire que nous avons cédé au chantage, puisque malheureusement, l’Europe a fait l’objet d’un chantage des états-unis sur cette question. En réalité, les états-Unis traitent avec certains états membres et certaines compagnies aériennes, c’est pourquoi nous avons été contraints, en pratique, de conclure l’accord en question. C’est - je le répète - la position la plus politiquement correcte que le Parlement puisse exprimer.
Cependant, il semble que nous soyons contraints de défendre un accord qui porte réellement préjudice aux citoyens européens: il est vrai, en fait, que rien n’a changé, mais l’accord qui a été annulé par la Cour de justice était un très mauvais accord. Nous devons remettre entre les mains des autorités américaines 34 catégories de données personnelles dont, comme en attestent les Américains eux-mêmes, seulement sept ou huit seront normalement utilisées. S’il en est ainsi, je ne comprends pas pourquoi nous devons remettre toutes ces informations et encore moins pourquoi nous devons les remettre entre les mains des services secrets américains - une nouveauté prévue par cet accord - à moins que quelqu’un n’affirme que nous pouvons faire confiance à la CIA.
Je crois plutôt - et je ne pense pas être le seul - que ce Parlement a toutes les raisons de ne pas faire confiance à la CIA. Ce qui s’est passé en Europe est évident aux yeux de tous: le Parlement a même créé une commission spéciale sur les activités de la CIA en Europe et il y a eu des débats sur les évènements liés à SWIFT, quand nous avons découvert que nos comptes bancaires étaient inspectés par les Américains. Par conséquent, je reste perplexe et continue de penser que nous ne pouvons faire confiance aux activités des services secrets américains.
J’estime que l’accord en question n’a pas été négocié au nom des citoyens européens. Il n’a certainement pas été négocié au nom de ce Parlement, qui, comme vient de le rappeler Mme in ‘t Veld, a été complètement ignoré au cours de la discussion. À mon sens, il est nécessaire d’impliquer le Parlement européen, tout comme il est nécessaire d’impliquer également les parlements nationaux, afin que cet accord soit conclu de façon à défendre en priorité les droits des citoyens européens et, par dessus tout, à éviter que nos données personnelles ne soient mises entre les mains de personnes qui n’en feront certainement pas bon usage.
Michael Cashman (PSE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais féliciter le commissaire. Cet accord n’est pas parfait. Les accords ne sont jamais parfaits lorsqu’il faut faire des compromis, mais, comme l’a dit Mme in ‘t Veld, c’était soit un accord, soit pas d’accord du tout. S’il n’y avait pas eu d’accord du tout, nous aurions eu une anarchie en matière de données et certainement pas une protection au niveau européen pour nos concitoyens. Je partage entièrement les observations de M. Cavada, qui adopte, je pense, une attitude réellement constructive.
Nous devons observer ce qui se passe avec les dossiers passagers et SWIFT - d’ailleurs, le protocole d’accord que SWIFT a réussi à négocier est une bonne base pour les futures négociations. Mais nous pouvons également y voir l’occasion de créer ce que nous pourrions appeler l’espace transatlantique de Schengen, car nous serons constamment confrontés à ces problèmes.
Cependant, je voudrais dire à cette Assemblée que rien ne nous est imposé. Le choix nous revient. Si nous souhaitons nous rendre aux états-Unis, nous devons nous soumettre à leurs conditions. Si nous voulons créer une entreprise aux états-Unis, c’est exactement le même principe qui s’applique.
Il nous faut négocier pour notre bien à tous et cet accord temporaire constitue un pas dans cette direction. Félicitations, Monsieur le Commissaire! Il est plus facile de critiquer que d’agir. Bravo!
Alexander Alvaro (ALDE). - (DE) Monsieur le Président, je dois admettre que j’ai une vision assez différente de celle de l’orateur précédent concernant certains aspects, mais M. Cashman et moi sommes des amis qui avons pour habitude d’être en désaccord, et cela fonctionne assez bien.
Quoi qu’il en soit, je regrette vivement que le Conseil ne soit plus présent, puisqu’il ressort clairement du discours qui a été prononcé en son nom qu’il n’était pas présent aux négociations et qu’il ne connaît pas l’essence de cet accord. On ne peut parler d’une amélioration de la protection des données lorsqu’on obtient le même résultat qu’auparavant, à savoir aucun résultat - puisque deux fois zéro valent toujours zéro. Nous ne savons toujours pas ce qu’il adviendra des données récupérées. Nous ne savons toujours pas quelle autorité américaine y aura accès et donc, où ces données seront finalement stockées, et encore moins à qui elles seront transmises. Nous ne savons pas quand elles seront effacées. Les citoyens européens n’ont pas le droit de demander où se trouvent ces données. Ils n’ont pas le droit de demander à ce qu’elles soient corrigées. Par conséquent, on ne peut pas dire que nous ayons obtenu des améliorations de fond.
Je ne vous accuse pas personnellement, Monsieur le Commissaire, car je sais la pression que les états-Unis ont exercé, mais j’aurais voulu que nous opposions plus de résistance devant cette pression et que nous reprenions, par exemple, la suggestion de M. Cavada, en disant aux états-Unis que s’ils attendent des données de notre part, ils devraient également nous donner les leurs.
Qui nous dit qu’aucune menace pour l’Europe ne peut provenir des états-Unis? Pourquoi n’aurions-nous pas le droit de savoir qui se rend sur notre territoire? Nous devons, dans ce cas, leur rendre la pareille, plutôt que de nous contenter de céder à leur pression.
Sarah Ludford (ALDE). - (EN) Monsieur le Président, la présidence a déclaré que le résultat final était fructueux, mais je dirais plutôt que c’est une trahison. On nous dit que la protection des données sera conforme aux normes européennes en la matière, mais je lis au paragraphe 3 que les Américains traiteront les données conformément aux lois américaines applicables et, au paragraphe 1, que les données seront transmises à la convenance du ministère américain de la sécurité intérieure.
Ensuite, nous avons la lettre d’accompagnement des Américains qui dit qu’ils interpréteront l’accord conformément aux décrets exécutifs sur le partage des données et l’accès aux autres agences promulgués par le président Bush. Il s’agit d’une pleine affirmation de la juridiction américaine. Par conséquent, je voudrais demander au commissaire Frattini de nous dire s’il considère cette lettre d’accompagnement américaine comme faisant partie inhérente de l’accord.
Le paragraphe 6 de l’accord établit que le ministère de la sécurité intérieure est «réputé» garantir un niveau adéquat de protection des données. Mais que peut bien signifier «réputé»? D’après le paragraphe 1, nous nous basons sur la mise en œuvre continue par les états-Unis des engagements, tels qu’interprétés à la lumière des évènements ultérieurs. Nous sommes donc à la merci d’événements pour savoir si les États-Unis respecteront leurs engagements! Dans ce cas, l’affirmation de la présidence selon laquelle les anciens engagements continueront à s’appliquer est sans fondement.
La Commission et le Conseil affirment que cet accord offre une sécurité juridique aux citoyens européens. Je ne suis d’accord avec cette affirmation que sur un point: ils sont sûrs que leurs droits juridiques ont été jetés à la mer ou, devrais-je dire, de l’autre côté de l’Atlantique. Cette question n’est pas que théorique: toute l’année, nous avons entendu parler de la commission temporaire sur l’utilisation présumée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers, concernant des personnes à propos desquelles des informations neutres transférées aux États-Unis sont devenues des informations factuelles, sur la base desquelles ces personnes ont été envoyées dans des pays tels que la Syrie pour y être torturées pendant des mois ou encore incarcérées à Guantanamo. Ce n’est pas de la théorie.
Le Président. - Mme Lehtomäki a dû retourner en Finlande - sans transfert de données -, car le Sommet indien a lieu demain. Il n’y aura donc pas de réponse du Conseil dans le cadre de ce débat.
Franco Frattini, vice-président de la Commission. - (IT) Monsieur le Président, j’estime qu’un débat avec le Parlement se tiendra dans les prochains mois - parce que je confirme ma volonté personnelle et celle de la Commission de maintenir un dialogue politique avec le Parlement, même lorsque nous entamerons la phase de négociation avec les états-Unis -, ce qui, à mon avis, doit présupposer une volonté réciproque de se comprendre, elle-même basée sur la connaissance des documents officiels sur ce sujet.
J’ai entendu certains députés parler de données personnelles transmises à la CIA: c’est tout simplement faux. Chers députés, vous devez lire les documents officiels. Il en ressort clairement que ni la CIA, ni les autres services secrets américains n’auront accès à ces données. Ceci est un fait, établi par les documents officiels - que nous avons contrôlés. Il est faux d’affirmer que nous transmettons ces données aux services secrets sans aucun contrôle. Pour cette raison, je suis disposé à entamer un dialogue, mais sur la base de données partagées. De même, il est faux d’affirmer que les données communiquées au ministère américain de la sécurité intérieure seront ensuite transmises à toutes les agences. Ce n’est absolument pas le cas.
Nous ne transmettons les données qu’aux agences chargées d’entreprendre des enquêtes ou qui agissent dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Ce sont les deux conditions qui limitent les destinataires des données. La demande de données personnelles doit être faite au cas par cas et les engagements spécifient ce qu’on entend par «au cas par cas». Vu de cette façon, l’accord - qui a été signé, mais pas encore ratifié - est en tous points semblable au précédent. L’accord précédent peut ne pas vous plaire, mais il n’a été ni modifié, ni empiré.
Certaines observations ont été formulées concernant l’entrée en vigueur de l’accord: par exemple, M. Roure a fait référence à l’article 24. Vous savez très bien, Monsieur Roure, que les parlements nationaux ont le droit - et dans certains cas, l’obligation - de ratifier des accords. Cependant, vous savez également que cet accord temporaire a été négocié dans l’urgence absolue afin d’éviter l’anarchie à laquelle M. Cashman a fait référence. L’anarchie signifie l’absence de règles et de protection et la possibilité pour quelques poignées de personnes de conclure un accord. Il est donc évident que nous appliquerons l’article 24 de l’accord, y compris la partie qui établit son entrée en vigueur immédiate. Si nous devions attendre toutes les ratifications, cet accord entrerait en vigueur après juillet 2007, ce qui aurait pour résultat de produire l’anarchie que nous voulions éviter. Il s’agit de règles établies par les Traités, pas de l’une de nos interprétations.
«Un niveau adéquat de protection est garanti», nous l’avons répété à maintes reprises. Il s’agit d’une formule qui existait précédemment. Une question sérieuse m’a été posée: comment pouvons-nous protéger les citoyens et la Communauté européenne si ce niveau adéquat n’est pas maintenu? Chers députés, vous savez que les engagements et l’accord lui-même prévoient la possibilité de dénoncer l’accord et éventuellement de le suspendre s’il devait apparaître que le «niveau adéquat de protection» n’a pas été maintenu. Il existe donc des instruments idoines et, s’il était nécessaire d’avoir recours à des procédures juridiques, ce ne serait certainement pas à moi d’établir dans quel cas un magistrat peut invoquer sa juridiction.
J’ai reçu des objections concernant l’existence d’une lettre d’accompagnement établissant l’application d’une certaine juridiction, par exemple, de la juridiction américaine exclusivement. Cependant, vous savez parfaitement que cette lettre est un acte unilatéral, qui ne fait pas partie de l’accord. La Commission n’a approuvé aucune disposition relative à une juridiction qui serait établie dans une lettre unilatérale du département d’état. Par conséquent, il est absolument faux de dire que nous cédons nos droits concernant la juridiction. Il revient aux juges d’établir qui peut agir et qui ne peut pas. Cela ne sera certainement pas établi dans le cadre de l’accord dont nous discutons.
Je crois qu’il y a une autre question particulièrement importante: l’aspect «push-pull». Mme in ‘t Veld a posé des questions complexes, 17 en tout, auxquelles nous répondrons évidemment par écrit. Il s’agit de questions très techniques, mais importantes. Quoi qu’il en soit, il y a d’autres points auxquels je me dois de répondre. Il est tout simplement faux de dire que, selon l’accord, le nouveau système «push» réclamé par ce Parlement entrera en vigueur quand les Américains le souhaiteront. Au contraire, il est écrit que «le système sera opérationnel au plus tard en décembre». L’accord évoque donc une date très précise et proche - dans un mois et demi. Comme vous le savez, il existe un réseau de compagnies aériennes qui, grâce au système Amadeus, serait déjà en mesure d’appliquer le système «push» dès demain. La capacité technique existe donc, mais il existe également une base juridique, ce qui n’était pas le cas dans l’accord précédent. Il s’agit à n’en point douter d’une amélioration: le système «push» peut entrer en fonction dès demain.
En ce qui concerne le champ d’application de l’accord, quelqu’un - je pense qu’il s’agissait encore de Mme in ‘t Veld - a affirmé que la transmission de données ne serait plus seulement justifiée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, mais également pour d’autres objectifs. Les points 3 et 34 des engagements, qui n’ont pas été modifiés, établissaient et établissent toujours que des données personnelles peuvent être demandées en cas de question de vie ou de mort, y compris dans des cas n’étant pas liés à une enquête spécifique relative au terrorisme. Il n’y a rien de nouveau à cela.
Une chose encore, Monsieur le Président - et je m’excuse pour la longueur de mon intervention -, je suis entièrement d’accord avec les propos de M. Cavada et de M. Cashman: nous pouvons également l’appeler «l’accord Schengen transatlantique» - l’expression me plaît assez. Il nous faudra certainement mener de vastes négociations politiques avec les états-Unis. Nous devrons établir une fois pour toutes - et le Parlement devra le faire également - si les états-Unis sont, comme je le pense, le premier allié de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme, ou s’ils sont un problème. Je considère qu’ils sont notre premier allié dans la guerre contre le terrorisme. Dans ce cas, il est évident que, tout comme nous, Européens, avons construit l’espace Schengen de la sécurité et de l’affirmation des droits, nous devons commencer à faire la même chose avec les états-Unis. Sinon, nous risquons d’oublier que le problème est le terrorisme, pas les états-Unis.
Le Président. - Je voudrais remercier le commissaire et tous les collègues qui ont participé à cet important débat.