Le Président. - L’ordre du jour appelle le débat sur la question orale (O-0096/2006 - B6-0432/2006) de M. Barón Crespo à la Commission, au nom de la commission du commerce international, concernant les résultats de l’enquête antidumping relative aux chaussures en provenance de Chine et du Viêt Nam.
Olli Rehn, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, honorables députés, je remplace mon collègue M. Mandelson à l’occasion de ce débat. Peter est parti pour le sommet entre l’UE et l’Inde avec la ministre Lehtomäki et il est vraiment très occupé dans la mesure où nous devons débattre de nombreuses politiques commerciales importantes avec l’Inde.
La semaine dernière, le Conseil a adopté les mesures proposées par la Commission pour combattre le dumping des chaussures chinoises et vietnamiennes dans l’Union européenne. Ces mesures offrent une solution appropriée dans un dossier complexe, une solution qui répond aux preuves manifestes de pratiques concurrentielles déloyales et d’interventions d’État qui ont permis aux entreprises chinoises et vietnamiennes de se livrer à un dumping dans l’Union européenne.
Les mesures qui viennent d’être adoptées contribueront à rétablir la situation. Elles offrent un certain réconfort aux producteurs de chaussures de l’Union tout en prenant en considération les intérêts des consommateurs et de la structure fluctuante du secteur dans l’UE, dans lequel bon nombre de marques européennes choisissent de faire fabriquer leurs chaussures en dehors de l’Union.
En réalité, ce dossier est un cas d’école quant à notre capacité à répondre aux défis et aux débouchés engendrés par la mondialisation. Les résultats complets de l’enquête sont exposés dans les mesures que nous avons publiées le 6 octobre dernier, de même que les modalités qui nous ont permis de déterminer le niveau de dumping et le préjudice subi par le secteur de l’UE et de fixer le montant approprié des droits dans ce dossier. Ces informations relèvent du domaine public et il va de soi, comme pour tous les autres dossiers, qu’elles sont accessibles au public et peuvent être soumises à un examen judiciaire.
S’agissant du recours éventuel à un système de droits différés, il est vrai que la Commission a envisagé cette approche comme une solution possible à ce problème. En effet, une approche aussi inédite aurait présenté certains avantages, mais elle n’a pas obtenu le soutien d’une majorité d’États membres. La Commission a entendu les préoccupations des États membres et a présenté, fin août, les mesures qui viennent d’être adoptées par le Conseil.
En fixant le montant des droits, la Commission a appliqué la «règle du droit moindre», qui fait parte de notre cadre juridique existant et respecte entièrement le cadre international en matière d’antidumping. Cette règle permet à la Commission de fixer des montants qui reflètent le préjudice réel subi par le secteur européen plutôt que le niveau de dumping déterminé dans l’enquête. Ce n’est pas une approche neuve en soi. Par ailleurs, compte tenu de la nature du secteur, dans le cadre duquel des quotas d’importations de chaussures ont été appliqués jusqu’en 2005, il s’agissait d’un facteur important qu’il fallait prendre en considération lors de la fixation du montant approprié des droits à appliquer. Quoi qu’il en soit, la situation est particulière au dossier en question et si chaque cas doit être jugé selon ses propres mérites, en particulier dans un contexte de mondialisation, elle ne modifie pas fondamentalement la manière dont nous traitons les dossiers de défense commerciale.
Permettez-moi de conclure en soulignant que l’on ne peut ignorer le genre de défis posés par le présent dossier. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de sa volonté de renforcer notre compétitivité extérieure, la Commission publiera en décembre prochain un livre vert qui se penchera sur la manière dont fonctionnent nos instruments de défense commerciale dans le contexte de mondialisation économique.
Je me réjouis de ce débat à venir et je crois que nous devons collaborer pour trouver des améliorations pratiques appropriées qui renforceront la capacité des entreprises européennes à livrer une concurrence loyale sur le marché international. J’attends avec impatience la participation active du Parlement à ce débat.
Le Président. - Je tiens à m’excuser auprès de M. Barón Crespo pour avoir attribué un ordre d’intervention incorrect. Il va de soi qu’il aurait dû prendre la parole en premier lieu pour poser la question à la Commission. M. Mandelson n’est pas présent pour les raisons invoquées par le commissaire Rehn. Il est parti pour la Finlande avec la ministre Lehtomäki pour prendre part au sommet entre l’UE et l’Inde.
Enrique Barón Crespo (PSE), auteur. - (ES) Monsieur le Président, j’avais deux griefs à exprimer et j’en ajouterai un troisième parce que ce qui se passe aujourd’hui dans cette Assemblée est tout bonnement inadmissible.
Tout d’abord, c’est manquer de respect au Parlement que de modifier nos règles et de faire répondre le commissaire suppléant avant que je puisse poser ma question.
Deuxièmement, il y a l’absence du Conseil. Cette absence n’est aucunement justifiée et nous l’avons fait savoir aujourd’hui à la Conférence des présidents de commission: rien ne justifie l’absence du Conseil, en particulier parce que le rôle joué par ce dernier dans ce dossier est aujourd’hui fort contesté, compte tenu du manque d’impartialité qu’il a affiché lors de l’examen du dossier.
La présidence finlandaise - et je le dis à grand regret parce que la Finlande est un exemple de transparence - n’a pas agi correctement et Mme Lehtomäki aurait dû fournir des explications.
En ce qui concerne le commissaire Mandelson - je m’adresse ici au commissaire Rehn pour qu’il transmette le message et j’en dirai un peu plus -, si le commissaire était inscrit dans une école publique, ses parents auraient été convoqués pour justifier l’absentéisme de leur fils. En effet, il n’était pas présent lors de la séance de septembre pour débattre du rapport sur l’Inde et aujourd’hui, il a dû partir et il ne sera pas là non plus pour le débat sur le Mercosur. S’il est très important de discuter avec l’Inde à Helsinki, il est plus important d’être là où l’exécutif doit être, c’est-à-dire dans cet hémicycle pour débattre avec ses députés.
Monsieur le Président, s’agissant de la question centrale qui nous occupe, je dois dire que nous soutenons la Commission: nous la soutenons et nous rejetons catégoriquement la position binaire stéréotypée de certains, qui voient uniquement des pays libre-échangistes et des pays protectionnistes dans le domaine.
La Commission a adopté une approche sensée; dans ce dossier, nous agissons ensemble et solidairement et nous sommes dans une situation très grave. Certains parlent de protectionnisme. Il est vrai que nous devons notamment protéger nos travailleurs. Pour l’heure, je peux vous dire que la dernière entreprise française, installée en Alsace, qui fabrique des chaussures de sécurité - des produits ô combien importants - va saisir la Cour de justice au motif que les différences de prix s’élèvent à 40 % - sachant que nous demandons des mesures antidumping sous la forme de droits de douane de 10 % à 20 % - et que les chaussures importées ne sont pas conformes aux normes de sécurité minimales.
Ce débat ne divise donc pas l’Union européenne entre ceux qui sont favorables à la meilleure option et ceux qui veulent fermer les frontières. Il s’agit d’un débat dans le cadre duquel nous demandons le respect des règles convenues au sein de l’Organisation mondiale du commerce. Dans son travail, la Commission s’est comportée correctement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui du fait de l’absence du commissaire Mandelson.
Nous estimons donc que la Commission doit traiter un dossier aussi important avec davantage de respect. D’autres enjeux sont très importants aussi, mais le président et moi-même avons raté quantité de vols pour remplir notre mission. Si un sommet est prévu demain, ils devraient se lever très tôt ou s’organiser différemment. En tout état de cause, leur place aujourd’hui était ici.
Le Président. - Monsieur Barón Crespo, votre intervention est très judicieuse et votre expérience de président du Parlement vous aura enseigné combien il est difficile de faire en sorte que certains orateurs respectent leur temps de parole. Je constate qu’aux cours de précédents débats de cet après-midi, M. Frattini et M. Barroso se sont exprimés pendant plus de 42 minutes à eux deux.
Je ne peux pas m’excuser au nom de M. Mandelson, mais je crois que M. Rehn a expliqué la situation. Je suis persuadé que M. Rehn fera part de vos remarques à M. Mandelson.
Georgios Papastamkos, au nom du groupe PPE-DE. - (EL) Monsieur le Président, je partage les objections de M. Barón Crespo concernant l’attitude la Commission dans le contexte de débats aussi cruciaux.
La question des droits antidumping appliqués aux chaussures divise les États membres de l’Union. Elle met également en lumière les conflits d’intérêts entre fabricants d’une part, et fournisseurs et consommateurs d’autre part.
Au sein du groupe du parti populaire européen (démocrates chrétiens) et démocrates européens, nous continuons de défendre le multilatéralisme et un commerce international ouvert et équitable. Je considère toutefois que les arguments avancés contre l’adoption des mesures en question, à savoir une réponse protectionniste profitant au secteur et répercutant les coûts sur les consommateurs, sont mensongers et non fondés.
Mesdames et Messieurs, il convient de préciser que l’imposition de ces droits est une mesure juridique de défense commerciale justifiée ou, si vous préférez, une mesure de protection productive. Par contre, les pratiques de dumping constituent une mesure de protection de base qui fausse les échanges. Par conséquent, sachant que l’application des pratiques de dumping et le tort qu’elles ont causé au secteur européen ont été confirmés, le fait de s’abstenir de prendre des mesures équivaudrait à tolérer la concurrence déloyale. À ceux qui invoquent l’argument de meilleurs prix pour s’opposer à l’imposition de droits, je poserai la question suivante: les consommateurs ont-ils tiré profit de la réduction des prix à l’importation suite à la libéralisation? Certainement pas. Comme la Commission le confirme elle-même, le consommateur n’en a tiré aucun bénéfice, les prix étant restés stables ou ayant même augmenté légèrement dans certains cas.
Mesdames et Messieurs, l’Union européenne doit adresser un message clair: oui à la concurrence, non à sa distorsion manifeste ou masquée. L’Union est et restera un marché ouvert aux partenaires qui respectent les règles et les contraintes du système commercial multilatéral.
David Martin, au nom du groupe PSE. - (EN) Monsieur, je dois admettre que je suis consterné par cette décision d’imposer des droits de douane aux chaussures, ce pour deux raisons. Tout d’abord, parce qu’un grand nombre de consommateurs européens devront payer plus cher leurs chaussures pour alimenter les bénéfices contestables d’un petit nombre de producteurs européens. Je déplore plus particulièrement le fait que les chaussures pour enfants soient également concernées par cette mesure. Pour les parents à faibles revenus, qui doivent aussi acheter régulièrement des chaussures à leurs jeunes enfants, cette mesure est grave et je regrette que nous l’ayons adoptée.
Le second motif de ma consternation concerne la manière dont la majorité aurait - et je parle au conditionnel parce que je n’en ai pas la preuve tangible - été constituée au Conseil. Je crois savoir que la Lettonie a été convaincue de changer d’avis non pas pour un motif lié au dossier, mais parce que l’Italie a promis en échange de ne pas voter les sanctions du SPG contre le Belarus. Comme la Lettonie entretient des échanges commerciaux importants avec ce pays, ces sanctions préoccupaient grandement les Lettons. S’il devait se vérifier, ce type de marchandage jette le discrédit sur l’Union européenne en général et sur le Conseil en particulier.
Sajjad Karim, au nom du groupe ALDE. - (EN) Monsieur le Président, je me permets tout d’abord de m’associer aux griefs exprimés par M. Barón Crespo.
Monsieur le Commissaire, la décision prise la semaine dernière par l’UE de frapper de droits de douane les importations de chaussures en provenance de Chine et du Viêt Nam va non seulement à l’encontre de la majorité en Europe - un certain nombre d’États membres ont clairement marchandé et ont donc abandonné leur position affichée initialement -, mais elle soulève aussi la possibilité de voir l’OMC sanctionner l’UE. En effet, beaucoup mettent en doute la base factuelle et juridique sur laquelle repose l’enquête de la Commission.
Le protectionnisme est à la base de cette mesure provisoire à courte vue. Ces droits sont des remèdes appliqués à la hâte qui ne font que nuire aux entreprises européennes qui se sont réellement adaptées à l’économie internationale. Par exemple, l’entreprise britannique Clarks Shoes s’est d’abord montrée visionnaire dans la mesure où elle a délocalisé la production de chaussures en Chine et au Viêt Nam, puis responsable, puisqu’elle s’est diversifie en points de vente au détail au Royaume-Uni, dans lesquels elle emploie un nombre de travailleurs qui n’a jamais été aussi élevé. Et surtout, elle a fait preuve de compréhension, puisqu’elle a reconnu les difficultés de la Commission et s’efforce de travailler avec vous et non contre vous. Pourtant, à cause des mesures malavisées qui ont été prises la semaine dernière, Clarks est aujourd’hui pénalisée pour avoir agi de la sorte, car les détaillants et les consommateurs européens devraient à présent payer la facture au profit d’un secteur manufacturier italien en crise.
Cette mesure est aussi à courte vue, car alors que le commissaire Mandelson introduit ses projets de renforcement des relations bilatérales avec les économies émergentes d’Asie, il a mis les Chinois en fureur, taillé dans les programmes de réduction de la pauvreté et d’éradication de la famine au Viêt Nam et brandi le protectionnisme à la face de la région.
Je crains que par le commissaire Mandelson des règles communautaires antidumping survient un an trop tard. S’il reproche aux détaillants de ne pas répercuter le bénéfice d’importations bon marché sur le consommateur, c’est pour camoufler la mauvaise gestion des défis de la mondialisation par la Commission. Dans ce dossier, la Commission a lamentablement échoué.
Margrete Auken, au nom du groupe des Verts/ALE. - (DA) Monsieur le Président, la décision du Conseil concernant les droits imposés aux chaussures provenant de Chine et du Viêt Nam constitue un nouvel exemple de protectionnisme européen. Cette décision est un affront au système commercial multilatéral et plus spécifiquement à l’accord multifibres, et il sanctionne trop lourdement les États membres qui sont parvenus à se conformer à cet accord. Les droits décrétés touchent notamment le Danemark, qui a transféré sa production de chaussures en Chine et n’a conservé que les volets de conception et de marketing dans le pays. Pire encore, l’UE porte à présent atteinte à l’OMC et au système commercial multilatéral.
Je constate aussi que le commissaire n’écoute même pas les gens lorsqu’ils parlent. Bien qu’il soit Finlandais, il est incapable, là où il se trouve, de comprendre mon danois. Je tiens à signaler au Parlement que c’est tout à fait inacceptable.
(Le président interrompt l’oratrice)
Aujourd’hui, le commissaire Mandelson mise ses espoirs sur les accords commerciaux bilatéraux. Il se justifie en affirmant que tant que l’option de l’OMC est bloquée, nous devons trouver d’autres voies. Je rétorquerai toutefois que ce sont en réalité l’UE et les États-Unis qui sont les principaux responsables du blocage des négociations à l’OMC. Il ne fait aucun doute qu’il existe bien des problèmes liés aux droits de l’homme, à la politique des taux d’intérêt et aux normes environnementales, mais ces problèmes ne seront pas réglés par une approche protectionniste. Ils doivent être réglés dans le cadre d’une coopération multilatérale contraignante. Le renforcement de l’approche bilatérale ne fera qu’entretenir la dépendance des pays pauvres à l’égard de l’UE. Il s’agit d’un prolongement mal déguisé de l’exploitation coloniale. Le commissaire Mandelson qualifie les accords bilatéraux de «jalons» vers un meilleur commerce international. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Que du contraire. Ces accords impliquent un rejet de l’OMC et du système commercial multilatéral et donc aussi des idéaux du commerce libre et équitable et de la lutte contre la pauvreté, que la Commission présente en d’autres circonstances comme sa vision globale. Avec une stratégie bilatérale, cette vision n’est qu’une formule creuse.
Pedro Guerreiro, au nom du groupe GUE/NGL. - (PT) Monsieur le Président, selon nous, le problème des mesures décidées par le Conseil, c’est qu’elles sont tardives, qu’elles auront un impact limité et qu’elles n’apportent pas ce qui est nécessaire dans un secteur qui a un bel avenir devant lui et revêt une grande importance pour le Portugal et l’UE.
Monsieur le Commissaire, vous êtes certainement au fait de la fermeture et de la délocalisation de bon nombre d’entreprises et des pertes d’emplois dans le secteur de la chaussure au Portugal, qui ont entraîné une hausse du chômage et menacent des milliers de travailleurs de tomber dans la pauvreté. Une nouvelle fois, permettez-moi d’exposer le cas des travailleurs de la multinationale C & J Clark installée à Castelo de Paiva, lesquels, trois ans après la fermeture de l’usine et suite à maintes promesses, n’ont pas d’autre perspective d’emploi. Autrement dit, les travailleurs employés par les innombrables micro-, petites et moyennes entreprises du secteur de la chaussure dans l’UE sont les grands perdants de la libéralisation du commerce international. Par contre, ceux qui profitent le plus de l’immense hausse des importations de chaussures en provenance de pays tiers ne sont pas les consommateurs, mais bien les grandes multinationales et les principaux importateurs et distributeurs, qui engrangent d’énormes profits, comme l’a d’ailleurs reconnu la Commission.
Si le commerce international dans son ensemble répondait correctement aux intérêts des consommateurs, il y a longtemps qu’il aurait pu contribuer à faire baisser considérablement le prix de vente des chaussures importées.
Comme nous l’avons souligné, ce ne sont pas les pays tiers qui sont responsables de cette situation, mais l’UE et ses politiques de promotion de la concurrence et de libéralisation du commerce international, ainsi que le maintien de la valeur de l’euro, une politique qui freine les secteurs manufacturiers tels que celui de la chaussure. Pas plus tard que la semaine dernière, la Commission a bel et bien manifesté son intention d’accroître les accords de libre-échange bilatéraux, lançant ainsi une nouvelle croisade pour la libéralisation du commerce international.
C’est précisément cette politique qu’il faudrait remettre en question.
Zbigniew Krzysztof Kuźmiuk, au nom du groupe UEN. - (PL) Monsieur le Président, rien que l’an dernier, la Chine a exporté en tout un milliard deux cent cinquante millions de paires de chaussures vers le marché européen. Cela représente la moitié des chaussures vendues dans l’Union européenne en une année. Entre-temps, depuis 2001, la production de chaussures de cuir en Europe a chuté de près de 30 %. Dans le secteur européen de la chaussure, près de 400 000 emplois ont disparu depuis cette date.
La situation en Pologne n’est pas différente. En 2001, elle n’avait importé que 300 000 paires de chaussures chinoises. Aujourd’hui, ce chiffre s’élève à 9 millions de paires par an. Cette hausse a un effet direct sur l’emploi du secteur. En 2003, le secteur polonais de la chaussure comptait 123 entreprises, alors qu’elles n’étaient plus que 93 en 2005. Par ailleurs, la main-d’œuvre dans le secteur est passée de près de 17 000 travailleurs à 13 000 travailleurs; la production, de 18 millions à 15 millions de paires. Qui plus est, ce n’est pas le consommateur qui a bénéficié de ces importations en masse à des prix moindres, comme on le pense généralement, mais bien les importateurs, qui dégagent souvent des marges bénéficiaires supérieures à 100 % de la valeur de transaction.
Dans ce contexte, il est bon que la Commission ait enfin décidé d’imposer des droits de douane pour protéger le marché européen et, plus particulièrement, que les experts de la Commission aient établi avec certitude que la Chine recourt au dumping. Des gouvernements tels que ceux de la Chine et du Viêt Nam soutiennent injustement les fabricants nationaux en leur accordant des exonérations fiscales, en leur octroyant des terrains gratuits et en les exemptant aussi de supporter l’intégralité du coût de production, notamment en renonçant aux taxes environnementales. Mon seul regret est que ces mesures sont adoptées si tard, à l’heure où le secteur européen de la chaussure est à ce point affecté.
La Commission doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que ce genre de situation ne se reproduise dans un autre secteur d’activité, quel qu’il soit. Par ailleurs, il convient de décider rapidement de la réponse à apporter à la vente de marchandises à des prix excessivement bas dans l’espace douanier européen, de manière à limiter le tort causé par ces importations au secteur manufacturier et, partant, à l’emploi dans l’Union européenne.
Jana Bobošíková (NI). - (CS) Mesdames et Messieurs, je suis totalement opposée au fait que le Conseil et la Commission ont adopté la proposition de M. Mandelson et ont imposé, il y a quelques jours, des droits de douane élevés aux chaussures en provenance du Viêt Nam et de la Chine. Il s’agit, selon moi, d’une mesure à court terme qui s’apparente à du protectionnisme antilibéral et ne contribue en aucune manière à la compétitivité de l’Europe. Cette mesure ne fait que prolonger l’agonie des fabricants qui luttent péniblement pour s’adapter à la réalité de l’économie internationale. Par l’instauration de droits de douane, les hommes politiques sanctionnent paradoxalement les hommes d’affaires qui ont compris les règles de l’économie internationale, ont fait preuve de souplesse en délocalisant leur production en Asie et ont pu maintenir leur propre production dans les nouvelles conditions de marché. L’instauration de droits de douane nuit aussi en fin de compte au consommateur dans la mesure où le prix d’une paire de chaussures a augmenté de sept euros. Je voudrais savoir quel chef d’État ou quel commissaire acceptera d’expliquer aux familles nombreuses que lorsqu’elles achètent des paires de chaussures plus chères, elles ne rétribuent pas une meilleure qualité, mais subventionnent en réalité des entreprises du secteur inefficaces.
José Albino Silva Peneda (PPE-DE). - (PT) En imposant des droits antidumping aux importations de chaussures en cuir en provenance de Chine et du Viêt Nam, l’UE a pris une bonne décision, même si elle est tardive. Cela dit, mieux vaut tard que jamais.
Nous savons tous que la Chine et le Viêt Nam exportent divers produits dans le monde, y compris des chaussures et des produits textiles, qui bénéficient à la source d’une intervention d’État considérable. Ces aides d’État prennent notamment la forme de prêts non remboursables, d’exonérations fiscales, d’une dévaluation artificielle de la devise nationale et, dans certains cas, du non-amortissement des investissements. Ces produits continuent de profiter de l’absence totale ou presque totale de réglementation sociale ou environnementale, qui représente une part considérable des coûts de production dans l’UE. Les fabricants de chaussures européens savent qu’ils doivent concurrencer des entreprises qui produisent des chaussures en payant nettement moins leurs travailleurs. Ces entreprises réfutent l’idée que la concurrence pourrait être faussée par ce type d’intervention des pays exportateurs qui vendent leurs marchandises à un prix inférieur au coût de production. Dans mon pays d’origine, cela s’appelle de la triche.
Bien qu’elle ait réagi tardivement, l’UE a pris la bonne décision, même si elle revêt une forme adoucie. La situation actuelle démontre que les autorités de ces pays ne veulent pas changer d’attitude et au vu de leurs pratiques déloyales constantes, j’aurais préféré que soit appliquée la version initiale des sanctions, qui exigeait des droits antidumping pour une période de cinq ans plutôt que deux ans, comme cela a finalement été décidé.
Ces mesures n’ont été soutenues que par une faible majorité au Conseil, soit 13 États membres sur 25. En guise de conclusion, je tiens à demander si nous pourrons conserver cette majorité pendant deux ans. Si ce n’est pas le cas, que fera l’UE?
Monsieur le Commissaire, je veux être très clair: je ne suis pas partisan des politiques protectionnistes. Je veux simplement que tout le monde respecte les règles du jeu.
Kader Arif (PSE). - Monsieur le Président, chers collègues, étrange conception, comme le disait Enrique Barón Crespo, du débat démocratique et du respect dû à notre institution avec un commissaire en charge du commerce et une présidence finlandaise qui ne sont pas là pour répondre à nos légitimes interrogations.
Si le commissaire s’était déplacé, j’aurais eu deux questions pour lui. Pourquoi des droits antidumping ramenés de cinq à deux ans, ce qui est une première dans l’histoire de cet instrument, et pourquoi des droits aussi faibles alors qu’il y a violation patente des règles du commerce international et préjudice grave subi par les entreprises?
Si la présidence finlandaise nous avait honorés de sa présence, je ne l’aurais pas félicitée pour sa coordination partiale et pour son soutien sans faille aux positions des grands importateurs et distributeurs, au détriment de notre industrie qui connaît un nombre de faillites dramatiques avec les pertes d’emplois que cela implique. Mais les considérations financières l’ont une fois de plus emporté sur les considérations sociales et l’indispensable solidarité entre pays de l’Union, une solidarité qui, à force d’être éprouvée, risque demain d’être l’exception et non plus la règle qui nous unit.
En résumé, la position adoptée c’est plus de chômage en Europe, une occasion manquée de promouvoir les normes sociales et le travail décent, un profit réservé aux seuls importateurs et distributeurs: je ne peux l’accepter.
Danutė Budreikaitė (ALDE). - (LT) Ces cinq dernières années, le secteur européen de la chaussure a reculé d’un tiers parce qu’il n’est pas capable de concurrencer les produits bon marché subventionnés par les gouvernements des pays asiatiques. Avec l’imposition de droits antidumping aux chaussures de cuir chinoises et vietnamiennes au cours des deux prochaines années, les États membres de l’UE qui s’efforcent d’être concurrentiels dans le secteur ont remporté une victoire temporaire contre les pays de l’UE qui ont délocalisé leur production en Asie. Les réseaux de grande distribution tels que ceux des importateurs de chaussures d’Asie s’opposent également à l’instauration de ces droits.
Des mesures de protection du marché s’imposent tant que le secteur de l’énergie est subventionné, que des droits préférentiels sont appliqués et que les pays asiatiques polluent l’environnement. Ces mesures permettront au moins de réduire partiellement les disparités entre les conditions d’exploitation des fabricants de chaussures européens et celles des producteurs asiatiques, du moins provisoirement.
Le transfert de la production vers les pays à main-d’œuvre meilleur marché paraît inévitable. Les choses étant ce qu’elles sont, l’UE ne sera-t-elle pas affaiblie lorsqu’elle aura détruit ses propres capacité de production? Pourquoi la Commission n’envisagerait-elle pas une réforme de la politique commerciale extérieure de l’OMC et de l’UE?
Leopold Józef Rutowicz (NI). - (PL) Monsieur le Président, les chaussures sont un produit dont la qualité exerce un impact important sur notre santé et sur une démarche confortable. Leur aspect pratique et leur durabilité dépendent du modèle, de la méthode de fabrication ainsi que des matériaux utilisés. Garantir une qualité de base aux chaussures entraîne certains coûts. Les chaussures très bon marché peuvent provenir de la production subventionnée ou de fabricants utilisant des matières premières et des technologies de très basse qualité qui ne satisfont pas aux exigences en matière de santé ni aux exigences des consommateurs. Voilà qui devrait être pris en considération si l’on veut protéger le secteur et les consommateurs au sein de l’Union européenne. C’est pourquoi j’estime justifiée l’introduction de droits anti-dumping, tout comme le recours à toute autre méthode qui imposerait une restriction sur les importations de chaussures qui ne répondent pas aux exigences européennes.
Christofer Fjellner (PPE-DE). - (SV) Monsieur le Président, avec l’introduction de droits sur les chaussures en provenance du Viêt Nam et de Chine, l’Union européenne marque un magnifique but contre son propre camp. Ces droits sont une mauvaise politique économique et une mauvaise politique commerciale, et sont en plus moralement défaillants.
Permettez-moi tout d’abord d’expliquer pourquoi il s’agit là d’une mauvaise politique économique. Ce que nous sommes en train de faire, voyez-vous, c’est défendre les secteurs qui ne sont pas compétitifs, tout en punissant ceux qui ont su s’adapter à la mondialisation, en délocalisant par exemple leur production dans des pays plus compétitifs. Nous parvenons ainsi à doublement affaiblir la compétitivité de l’UE par une seule et même décision.
Je crains que la vision d’avenir de la Commission n’envisage une compétitivité internationale de l’UE avec des chaussures bon marché. Le pire qui puisse arriver à mon sens serait que la Commission arrive à ses fins et que nous gardions ce secteur. Dans ce cas, nous pourrons nous attendre d’ici 30 ans à voir l’Europe exporter ses chaussures au Viêt Nam, tandis que le Viêt Nam exportera ses voitures vers l’Europe, ou un produit de plus grande valeur encore que nous ne pouvons même pas imaginer.
L’introduction de ces droits est également une mauvaise politique commerciale. Le Viêt Nam va devenir membre de l’OMC à la fin de ce mois, et que l’Union européenne lui offre-t-elle comme cadeau de bienvenue? Des droits sur les chaussures vietnamiennes. Le message que l’on transmet ainsi au Viêt Nam, de la part d’un des plus grands blocs commerciaux au monde, est un véritable désastre, surtout dans la mesure où ce pays essaie de changer radicalement afin de satisfaire aux conditions de sa future adhésion à l’OMC.
Troisièmement, cette politique est moralement défaillante parce qu’elle touche durement des personnes afin de satisfaire de petits intérêts spécifiques et bien organisés. Non contents de prolonger les droits sur les chaussures, vous les étendez aujourd’hui aux chaussures pour enfants. Qu’allez-vous dire aux familles suédoises qui ont de jeunes enfants et qui sont parfois dans l’obligation d’acheter chaque année plusieurs paires de chaussures pour enfants? Pensez-vous que les familles avec enfants ont de l’argent à gaspiller? Les mesures précédentes leur ont-elles permis de s’en sortir trop facilement?
Voilà un exemple de l’Union européenne sous son plus mauvais jour, c’est-à-dire quand des intérêts spécifiques bien organisés prennent le pas sur le bien-être des personnes. J’estime que nous devons empêcher que cela se présente à l’avenir.
Francisco Assis (PSE). - (PT) Les défenseurs du libre-échange estiment que les instruments de protection des échanges, tels que les mesures antidumping, ne devraient être adoptés que dans des circonstances extraordinaires, objectivement vérifiées. Tel est malheureusement le cas ici.
La Chine et le Viêt Nam sont responsables de pratiques commerciales particulièrement inacceptables dans le secteur des chaussures et sont même allés jusqu’à multiplier encore les nombreux avantages concurrentiels dont ils jouissent déjà. Ce faisant, ces deux pays ont enfreint un des principes fondamentaux du libre-échange, j’entends la concurrence loyale. Ces mesures ne doivent donc pas être vues comme contraires au libre-échange, mais au contraire comme essentielles à la protection du libre-échange sur le long terme.
Il convient donc de féliciter la Commission pour son travail sur ce point. Il faut cependant souligner que le secteur européen doit poursuivre ses efforts de modernisation en investissant dans l’innovation et dans l’amélioration de la qualité, ceci afin d’accroître sa compétitivité internationale dans ce secteur. Ces efforts doivent impliquer les pouvoirs publics, dans le respect permanent des règles du libre-échange et du commerce équitable.
L’adoption de ces mesures ne doit donc pas être vue comme une tentative de rouvrir la porte à un protectionnisme indésirable, mais plutôt comme un instrument essentiel à une réglementation équitable des échanges internationaux.
Anne E. Jensen (ALDE). - (DA) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, contrairement au précédent orateur, je voudrais dire que celui qui pense que l’on peut sauver des emplois européens en imposant des droits sur les chaussures en cuir en provenance de la Chine et du Viêt Nam ferait bien d’y repenser. Ce n’est tout simplement pas comme cela que ça fonctionne. Le fait est que la production ne fera évidemment que se déplacer vers d’autres pays à bas salaires. D’après les derniers chiffres d’Eurostat, la production des chaussures est, depuis l’introduction des droits de ce printemps, passée de la Chine et du Viêt Nam à des pays tels que l’Inde et l’Indonésie. Les producteurs peu performants des pays européens n’y gagnent rien.
La Commission prétend qu’il y a eu dumping, et qu’elle a présenté tous les résultats concrets de l’enquête antidumping. Je dois dire que je ne peux trouver pour ma part que quelques documents généraux. J’estime qu’il y a un problème démocratique majeur à partir du moment où des décisions sont prises sur une base désinvolte ou incomplète. Cela renforce l’impression qu’il s’agit ici de maquignonnage politique, et je demande dès lors ouvertement à la Commission de présenter les résultats de toutes ses investigations et de soumettre des analyses détaillées des conséquences que les droits sur les chaussures ont actuellement et auront à l’avenir pour les entreprises et les consommateurs européens.
Luca Romagnoli (NI). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, la question soulevée par M. Barón Crespo découle du cas du secteur de la chaussure. L’ensemble du système de production des États membres connaît en effet une crise qui ne date pas d’hier à cause de la concurrence déloyale ou, pour parler plus franchement, à cause de la cupidité impitoyable et débridée de ce que l’on appelle l’économie de marché: une économie qu’il conviendrait mieux de définir comme dépourvue de règles, qui s’en prend aux personnes tel un vampire, exploite les travailleurs sans tenir compte de leur âge et sans aucune sécurité sociale ressemblant de près ou de loin à celle que nous connaissons dans les pays de l’Union européenne. C’est un marché aux intérêts financiers dévastateurs qui appauvrit la société et les nations, axé sur l’enrichissement exponentiel des multinationales.
Les défenses commerciales, telles que les mesures antidumping et, partant, le maintien des tarifs douaniers, représentent l’outil minimal indispensable, mais elles ne sont pas entièrement satisfaisantes, dans la mesure où la concurrence déloyale qui menace d’inonder les marchés de produits beaucoup moins chers est la conséquence des énormes avantages qu’offrent les facteurs de production. La lutte contre la concurrence déloyale ne devrait donc pas se limiter à des moyens défensifs: on ne peut espérer remporter une guerre avec des batailles d’arrière-garde, et la défense n’offre pas la garantie de la victoire, comme l’avaient déjà remarqué les stratèges avant von Clausewitz.
Si donc l’Union européenne souhaite protéger ses producteurs, elle doit imposer des contrôles sur les produits qu’elle cherche à promouvoir sur le marché intérieur. Il est impensable d’opposer les prix à la production tant que les facteurs de production montrent un tel déséquilibre en faveur de l’industrie asiatique - déséquilibre qui se manifeste au niveau des coûts non seulement de la main-d’œuvre mais aussi, par exemple, de l’administration.
Au début de cette législature, j’ai déposé une question orale conformément à l’article 108, forte de dizaines de signatures soutenant des collègues de différentes nationalités et tendances politiques. Elle n’a visiblement pas été inscrite au débat, peut-être parce qu’elle se heurtait aux intérêts de ceux qui, au nom du profit, méprisent les considérations sociales et l’énorme importance de l’emploi. J’avais déclaré à l’époque - et je reste sur ma position - qu’en plus d’imposer des restrictions sur les importations en provenance de pays qui ne fournissent pas les garanties dont il a été question plus tôt, le moment est venu d’instituer un mécanisme de contrôle qui certifierait le mode de fabrication des produits importés dans l’Union, quel que soit le pays tiers d’origine, ce mécanisme autorisant ou interdisant l’échange en conséquence.
Nous devons imposer une marque de certification éthique - éthique en matière d’emploi et d’environnement et, d’une manière plus générale, éthique en matière de procédé de production. Karl Popper était indubitablement partisan du libre-échange, mais il avait parfaitement résumé dans quelle mesure la liberté ne peut être considérée […]
(Le président retire la parole à l’orateur)
Zuzana Roithová (PPE-DE). - (CS) Mesdames et Messieurs, je rejette fermement l’affirmation selon laquelle l’antidumping est une forme de protectionnisme nuisible. C’est précisément le contraire. Il n’y a rien de pire pour l’Europe que de poser un regard bienveillant sur les pratiques commerciales déloyales des pays tiers tout en imposant des conditions très strictes aux fabricants européens. Il ne faut pas s’étonner que des entreprises européennes aient délocalisé leur production en Asie, où elles peuvent profiter au maximum de normes sociales et environnementales peu exigeantes. Elles peuvent ainsi vendre - à bas prix et à grand profit - des chaussures, des articles textiles, de l’équipement électronique etc. de mauvaise qualité aux Européens, qui en plus perdent des emplois sur leur marché intérieur. Les pays qui sont entrés dans l’Union européenne adhèrent à ses règles commerciales et ne peuvent imposer d’eux-mêmes des sanctions officielles aux pays tiers. Ceci relève en effet de la compétence de l’Union, raison pour laquelle il est important que la Commission agisse en ces circonstances. Mais je m’inquiète cependant d’une certaine incohérence. Car après tout, les chaussures pour enfants et les chaussures de sport en provenance de Chine et du Viêt Nam sont, elles aussi, vendues à vils prix. Les exclure de ces mesures sur le prétexte qu’on ne fabrique plus de chaussures de sport en Europe, ou même que les chaussures pour enfants de mauvaise qualité sont un bien pour les familles pauvres, est un signe de la faiblesse de l’Europe. La précédente exclusion des chaussures pour enfants, qui portaient manifestement atteinte à leur santé, a démontré un grossier manque de professionnalisme de la part de la Commission.
Je pense que dans le cas présent, nous devrions suivre le principe du contrôle réciproque des règles convenues et ne pas capituler face aux grossistes européens qui tirent souvent avantage de notre manque de minutie en ces matières. Nous savons tous que nous discutons ici de quelques euros à peine, qui n’auront aucun impact sur les considérables bénéfices que le consommateur ne voit pas. La déclaration du Conseil prouve que les gouvernements ne s’intéressent pas aux intérêts commerciaux de principe, mais aux intérêts concrets, différents de part et d’autre du fossé entre le Nord et le Sud. J’espère qu’ici au moins au Parlement, nous défendons les principes de la concurrence loyale, sans nous soucier de qui cela arrange, en Europe ou ailleurs. Il est de notre devoir de soutenir la Commission et de prévenir le Conseil contre ce genre de politique. Pour conclure, je voudrais demander une fois encore à la Commission de s’attaquer à la question de la certification obligatoire des chaussures pour enfants vendues en Europe, indépendamment de leur producteur. Les chaussures doivent être bonnes pour la santé, qu’elles soient fabriquées par les Chinois, les Japonais, ou qui que ce soit d’autre.
Giulietto Chiesa (PSE). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, si ce débat se limitait à peser le pour et le contre des mesures antidumping pour les chaussures en cuir venant de Chine et du Viêt Nam, il ne servirait vraiment à rien. Les pays européens sont divisés sur cette question parce que les intérêts des producteurs se heurtent à ceux des distributeurs. C’est un fait, et il est inutile de s’en offusquer. Nous devons poser la question différemment: existe-t-il un intérêt européen commun? Comment le définirions-nous? Nous pouvons et devons à mon avis le définir, parce qu’une Europe divisée est une Europe plus faible. Nous ne pourrons toutefois le faire que si nous partons d’une vision stratégique et réaliste de la position de l’Europe sur le marché et dans le commerce international, et si nous nous en tenons aux principes et aux chiffres.
Un de ces principes est la défense du consommateur européen: l’exigence des producteurs, à savoir le «made in», est - entre autres - sacro-sainte: tout d’abord parce que cela implique plus d’informations et donc plus d’ouverture (c’est là un principe européen); mais aussi parce qu’il apparaît que la baisse radicale des coûts de l’importation des chaussures en cuir n’a pas été accompagnée d’une baisse des prix au détail. Au contraire, il est à présent évident que cette situation engendre des rentes en Europe, et qu’elles font, elles aussi, partie du danger. Les tarifs douaniers qui ont été imposés pour deux ans constituent une mesure de compromis raisonnable, qui avalise également une méthode correcte de respect des intérêts de toutes les parties.
Antonio López-Istúriz White (PPE-DE). - (ES) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, merci pour votre présence ici aujourd’hui. Je tiens à faire brièvement part au Conseil de ma relative satisfaction quant à l’accord atteint le 4 octobre dernier: satisfaction, parce qu’il a finalement été convenu qu’il fallait agir afin de contrer la vente des chaussures chinoises et vietnamiennes en deçà du prix coûtant réel. Mais je dis relative satisfaction parce que ce genre de mesures est généralement en vigueur pour cinq ans plutôt que pour les deux années convenues par le Conseil. Les Espagnols et les habitants des îles Baléares parmi nous demandent à la Commission et au Conseil de prévoir la possibilité de les prolonger, dans la mesure où le problème de la concurrence déloyale se posera toujours dans deux ans.
Par ailleurs, dans la région que je représente - les îles Baléares -, qui compte parmi les régions les plus actives dans la défense de conditions équitables dans la commercialisation des chaussures sur les marchés européens, nous pensons que les tarifs douaniers prévus dans l’accord du Conseil sont faibles comparé à ceux qui ont été appliqués pendant la période provisoire, qui s’est terminée le 6 octobre: le tarif douanier provisoire de 19% pour les chaussures chinoises descend à 16%, tandis qu’il passe de 16,8 à 10% dans le cas des chaussures vietnamiennes. Pour les îles Baléares comme pour mon pays, il s’agit fondamentalement de défendre des conditions de commercialisation équitables des chaussures, conditions qui excluent ce genre de pratique de dumping.
Il n’est donc pas question d’imposer des mesures protectionnistes qui font obstacle au libre-échange, mais bien de prendre des mesures en vue de combattre la concurrence déloyale.
Panagiotis Beglitis (PSE). - (EL) Monsieur le Président, la récente décision du Conseil des ministres d’imposer des droits antidumping m’amène à deux commentaires capitaux. Le premier concerne l’efficacité de la politique commerciale commune et des mécanismes dont elle dispose pour défendre les intérêts européens. Malheureusement, une fois encore, la Chine, en tant que membre de l’Organisation mondiale du commerce, poursuit ses pratiques de dumping à travers sa politique publique, tandis que la Commission européenne continue pour sa part à contrôler cette pratique en observateur neutre.
D’autre part, nous avons le Viêt Nam, qui continue, lui aussi, à prendre des mesures de dumping, tout en cherchant à adhérer à l’Organisation mondiale du commerce. Je pense que la Commission européenne doit aussi envoyer un message au gouvernement vietnamien, puisque ce pays souhaite adhérer à l’Organisation mondiale du commerce.
Mon deuxième commentaire est plus grave et concerne l’avenir même de l’Union européenne et la défense de la structure de production européenne. Il n’y a pas en Europe que les consommateurs dont nous devons évidemment défendre les droits; il y a aussi des travailleurs qui perdent leur emploi et restent au chômage. Il y a les importations d’une part, mais il y a aussi des entreprises et des secteurs de l’industrie productifs qui doivent être en mesure de se faire concurrence dans un cadre international sûr, exempt de toute distorsion. L’Europe ne peut devenir une jungle d’importations non contrôlées au nom de la libéralisation du commerce international.
Béla Glattfelder (PPE-DE). - (HU) La Chine et le Viêt Nam subventionnent l’exportation des chaussures d’une manière tout à fait inacceptable. Ces subventions sont contraires aux règles de l’OMC. Ces aides d’État entraînent des distorsions du marché et débouchent sur le dumping. Elles faussent les échanges et nuisent gravement aux producteurs européens et à l’économie européenne. J’en veux pour preuve la perte récente de plusieurs dizaines de milliers d’emplois.
C’est pourquoi l’introduction de mesures antidumping se justifie d’un point de vue juridique et économique. Il est incorrect de dire que ces mesures antidumping sont protectionnistes; ce sont au contraire la Chine et le Viêt Nam qui ont recours à des mesures protectionnistes de nature à fausser le marché. Le but des droits antidumping est précisément de contrer les effets des pratiques protectionnistes et déloyales de la Chine et du Viêt Nam. Merci beaucoup.
Margrietus van den Berg (PSE). - (NL) Monsieur le Président, alors que l’Europe septentrionale considère que les mesures antidumping sont protectionnistes en brandissant les intérêts des consommateurs pour étayer son argument, l’Europe méridionale considère que ces mesures sont inadaptées pour protéger son secteur de la chaussure contre la concurrence déloyale. Ce fossé qui divise l’UE ne cesse de se creuser, et avec lui la méfiance.
Le dumping, ce n’est pas la même chose que la concurrence loyale ou une baisse des coûts. Le dumping, c’est de la concurrence déloyale, que ce soit parce que les entreprises qui le pratiquent bénéficient d’aides d’État ou parce qu’elles emploient des enfants pour comprimer leurs coûts salariaux. Quand il s’agit de dumping, nous devons serrer les rangs. Nous ne pouvons rejeter la concurrence déloyale si, pour une fois, elle apparaît insignifiante au regard des avantages qu’elle offre à l’ensemble de la communauté. Il est regrettable que le gouvernement de mon propre pays, les Pays-Bas, se serve précisément de cet argument pour refuser de prendre des mesures antidumping. Quelle attitude arbitraire! Mais alors, qui donc profite de ces avantages? Pas les consommateurs européens en tout cas, puisque l’année dernière, et malgré une baisse de 25% des prix à l’importation des chaussures non européennes, les prix à la consommation sont restés les mêmes. Le commissaire convient-il avec moi que nous devons travailler à une nouvelle politique antidumping qui exclurait les attitudes arbitraires et apporterait l’unité au sein de l’UE? Nous devons nous protéger de la concurrence déloyale. Nous devons protéger nos producteurs et nos consommateurs. Je doute qu’ils veuillent acheter des produits fabriqués par des enfants? Efforçons-nous de disposer de vêtements propres, de chaussures propres et de mains propres.
Syed Kamall (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, ces tarifs douaniers vont entraîner l’augmentation du prix des chaussures pour mes électeurs londoniens, à une époque où les familles, en particulier celles à faibles revenus, sont déjà confrontées à l’augmentation des factures d’énergie. Avec ces tarifs douaniers, l’UE impose en fait une taxe aux consommateurs, dans une vaine tentative de protéger les fabricants de chaussures de certains pays qui doivent admettre qu’ils ne peuvent produire des chaussures moins chères que les pays d’Asie. La mondialisation est une réalité; nous autres Européens ne devrions pas pratiquer la politique de l’autruche et ignorer cette réalité. Les entreprises européennes les plus florissantes ont accepté la mondialisation et sous-traité les fabrications de moindre qualité à la Chine et au Viêt Nam.
Nous nous faisons par ailleurs des illusions si nous pensons que les droits imposés sur les chaussures chinoises et vietnamiennes vont créer davantage d’emplois en Europe. Les détaillants vont tout simplement combler les manques en important davantage d’autres pays, tels que l’Inde et l’Indonésie. C’est d’ailleurs déjà le cas.
Quand comprendrons-nous que le libre-échange est une bonne chose pour les consommateurs européens et qu’il crée à terme davantage d’emplois de qualité? Il peut s’avérer difficile pour certains, mais l’UE en tirera avantage sur le long terme.
Olli Rehn, membre de la Commission. - (FI) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je tiens tout d’abord à vous remercier au nom de la Commission pour vos interventions. Elles sont le reflet des préoccupations justifiées du secteur et des travailleurs, ainsi que des importantes considérations en ce qui concerne les consommateurs. Je ferai part du résultat de ce débat au commissaire Mandelson, de même bien sûr qu’à tous mes collègues. Cette question est extrêmement importante, et nous la tiendrons constamment à l’œil.
Nous savions d’emblée que cette question serait très délicate et complexe et, après une enquête approfondie, la Commission a imposé au mois d’avril des droits antidumping provisoires. Toutes les conditions de ces droits étaient remplies; cela ne fait aucun doute. Le rapport avait démontré que la Chine et le Viêt Nam pratiquent le dumping; il était donc dans l’intérêt de la Communauté d’intervenir.
Différentes interventions, dont celle que nous venons d’entendre, ont mentionné les prix à la consommation. Nous avons analysé cette question en détail et, d’après nos recherches, ces solutions n’auront vraisemblablement aucun impact sur les prix à la consommation, parce qu’il y a, à mon sens, une très importante valeur ajoutée entre les prix à l’importation et les prix à la consommation. Le prix moyen à l’importation est de huit euros, alors que nous savons tous qu’une paire de chaussures en magasin coûte plusieurs fois ce prix. Dès lors, l’impact des droits antidumping sera négligeable, et de toute façon ces droits ne s’appliquent que sur 11% de toutes les importations de l’Union.
Comme je l’ai dit, Monsieur le Président, je ferai part à M. Mandelson du fond et de l’esprit de ce débat.
Enrique Barón Crespo (PSE). - (ES) Monsieur le Président, je prends bonne note de la désapprobation du commissaire Rehn, mais j’estime que ce qui s’est passé aujourd’hui doit être étudié par la présidence et par la Conférence des présidents, parce que cela dénote un manque de respect envers le Parlement, en particulier de la part du Conseil. En ce qui concerne la Commission, j’espère qu’elle va régler ses problèmes internes et continuer à travailler au nom des intérêts européens.
Le Président. - Merci, nous prenons note de vos observations.
Le débat est clos.
Déclarations écrites (article 142)
Ilda Figueiredo (GUE/NGL). - (PT) Si nous voulons protéger la production et les emplois à l’aide de droits, la Commission et le Conseil doivent se concentrer davantage sur les secteurs de la production industrielle dans chaque État membre, et ne pas prendre uniquement en considération les intérêts des grands groupes économiques impliqués dans le commerce international.
Des secteurs tels que ceux des chaussures, des articles textiles et des vêtements ont particulièrement souffert de la politique désastreuse de la libéralisation du commerce international, dans le cadre de l’OMC. Des milliers de personnes ont perdu leur emploi. Rien qu’au Portugal, des emplois ont été perdus dans les usines de chaussures de C&J Clarks à Arouca, Castelo de Paiva et Vila Nova de Gaia, dans celles de Rodhe à Trancoso et dans celles d’Ara à Avintes. Plusieurs autres centaines d’emplois ont également été perdus chez Ecco et Rodhe à Santa Maria da Feira, et bien d’autres encore dans la région de Felgueiras.
Cette politique n’affecte pas seulement les ouvriers, et les innombrables micro, petites et moyennes entreprises; elle freine aussi le développement régional de très vastes zones, dans des pays tels que le Portugal.
De nouvelles mesures doivent donc être adoptées, et la période de maintien des barrières douanières doit à tout le moins être étendue, ceci en vue de protéger par des droits la production et l’emploi.
Tokia Saïfi (PPE-DE). - Je me félicite que les vingt-cinq États membres de l’Union européenne aient enfin adopté les mesures antidumping définitives concernant l’importation de chaussures chinoises et vietnamiennes. Les producteurs européens subissaient de lourds préjudices sur leur marché d’exportation et étaient victimes d’une concurrence déloyale. Il était donc normal d’appliquer les instruments de défense commerciale dont dispose l’Union européenne, instruments, je le rappelle, agrées par l’OMC.
Par ailleurs, je m’interroge sur la volonté du commissaire Madelson de lutter contre le protectionnisme et sur l’assimilation qu’il en fait, dans le cadre de la réforme à venir - communication «Global Europe» -, avec les instruments de défense commerciale. Je ne suis pas pour des marchés protégés, mis à l’abri de la concurrence, déconnectés de toute évolution de la mondialisation. Néanmoins je suis pour l’application des règles juridiques quand, sur les marchés, la concurrence est déloyale. Aussi les mesures de sauvegarde ou antidumping ne doivent en aucun cas être assimilées à des instruments protectionnistes. La fonction de ces instruments est de protéger les producteurs européens contre une concurrence déloyale, en faisant respecter les règles définies à l’OMC. Je demande donc au commissaire Mandelson quel sera vraiment le but de cette réforme: adapter ces instruments ou les affaiblir?