Le Président. - L’ordre du jour appelle le rapport (A6-0308/2006) de Mme Schroedter, au nom de la commission de l’emploi et des affaires sociales, sur l’application de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs [2006/2038(INI)].
Elisabeth Schroedter (Verts/ALE), rapporteur. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, la directive sur les services est l’une des directives les plus importantes en matière de libre prestation de services. En plus de garantir une concurrence équitable entre les entreprises de services dans toute l’Europe, elle contient des règles pour la protection des travailleurs détachés et fixe des normes minimales applicables à tous, tout en prévoyant une flexibilité suffisante pour que ces règles puissent être mises en œuvre par les différents systèmes nationaux. Elle repose sur le principe d’un même salaire minimal et de mêmes conditions minimales pour le même travail réalisé au même endroit. Elle crée de la sorte des conditions concurrentielles équitables pour les entreprises implantées sur place. Le succès de la transposition de la directive sur le détachement des travailleurs nécessitera cependant l’engagement de tous - de toutes parts et à tous les niveaux.
Je voudrais en profiter pour remercier les députés qui ont collaboré avec moi dans le cadre de l’élaboration de ce rapport pour leur dévouement et, avant tout, pour l’infinie patience dont ils ont fait preuve vis-à-vis du processus de négociation. Je tiens également à remercier le personnel du secrétariat de la commission, du Tabling Office, des groupes et des cabinets des députés pour leur dévouement et le nombre incalculable d’heures supplémentaires qu’ils ont dû prester.
Ce rapport est le fruit d’un effort commun. Il bénéficie du soutien de l’ensemble des groupes, pour la bonne et simple raison que toutes les personnes concernées ont lâché du lest et accepté des compromis dans l’intérêt du rapport. C’est en raison de son engagement envers la directive sur le détachement des travailleurs que ce Parlement dénonce les tentatives de la Commission de définir des lignes directrices limitant les instruments de contrôle des États membres. En effet, les États membres ont un rôle capital à jouer à cet égard. Par le biais de leurs mesures de contrôle, ils garantissent le respect des conditions de travail minimales pour les travailleurs détachés. Ils doivent être en mesure de poursuivre ces contrôles à l’avenir, sans la moindre limitation.
La Commission ne s’étonnera pas de nous entendre critiquer les lignes directrices, qui ne constituent rien de moins qu’une tentative détournée de réintroduire la substance des articles 24 et 25 de son projet original de directive sur les services, que le Parlement avaient rejetés à une large majorité, avec l’approbation du Conseil. En effet, aucune organisation d’employeurs ou de travailleurs, aucun gouvernement ni parlementaire ne souhaitent que la liberté de prestation de services ne se fasse au détriment des droits fondamentaux des travailleurs. Bien au contraire: un grand nombre de personnes sont convaincues que cette Union européenne peut réussir en combinant les deux aspects, et que cette approche combinée concrétisera ce que nous appelons l’Europe sociale.
Nous attendons de la Commission qu’elle prenne en considération le vote de février sur ce rapport pour orienter son travail futur. Cela signifie également que nous souhaitons qu’elle tienne compte du point de vue de cette Assemblée lors de l’évaluation des questionnaires qu’elle a envoyés hier aux États membres. Il est inacceptable que la Commission sollicite l’avis des États membres dans l’objectif ultime de compromettre le respect des normes de travail minimales.
J’ajouterai également que la Cour de justice européenne a fait clairement savoir que les exigences requises afin de garantir les conditions de travail minimales ne vont pas à l’encontre de la liberté de prestation de services. C’est précisément ce qu’indique ce rapport. La pratique a ainsi démontré que, contrairement à l’interprétation de la Commission, d’autres documents salariaux que les relevés des heures de travail peuvent s’avérer nécessaires pour garantir le droit des travailleurs à un salaire minimal, ce qui rendra indispensable à l’avenir l’intervention d’un conseiller juridique en tant que partenaire des conventions collectives énoncées à l’article 3, paragraphe8, de la directive sur le détachement de travailleurs ou en tant que délégué chargé de garantir l’organisation de ces conventions collectives en assurant la présentation effective des documents officiels. La mise en œuvre de la directive exigera des mesures de clarification préalable et d’information sur le respect des normes de travail minimales.
Dans cette optique, j’espère que la mobilisation d’un si grand nombre pour ce rapport portera ses fruits et que la Commission se prononcera sans réserve en faveur de l’instauration d’un «même salaire pour le même travail au même endroit» dans l’ensemble de l’Union européenne.
Vladimír Špidla, membre de la Commission. - (CS) Mesdames et Messieurs, l’objectif de la directive sur le détachement de travailleurs est de concilier le droit des entreprises à fournir des services transfrontaliers avec le droit des travailleurs envoyés en détachement temporaire. Elle entend veiller au respect du principe fondamental de la libre circulation des travailleurs et des services et au respect de la législation sociale visant à protéger les employés.
Dix ans ont passé depuis l’adoption de cette directive et son application demeure problématique. Avant toute chose, les travailleurs et employés sont insuffisamment informés de leurs droits et obligations. Un autre problème est le manque de coopération administrative entre les pays d’origine et les pays d’accueil, qui pourrait être considéré comme un manque de confiance mutuelle. Enfin, les mesures d’inspection imposées par certains États membres suscitent des craintes de protectionnisme.
On a accordé un certain droit d’inspection aux autorités des pays d’accueil, mais ce droit a également ses limites. Ces inspections doivent se dérouler de manière appropriée, sans discrimination et sans obstruction de la libre prestation de services dans le cadre du marché intérieur. En clarifiant cet aspect, la Commission a considéré qu’il était opportun d’adopter les principes fondamentaux le 4 avril.
Les organismes nationaux doivent donner aux travailleurs détachés et aux prestataires de services les moyens d’obtenir des informations sur les conditions de travail en vigueur dans le pays d’accueil. Ils doivent également coopérer équitablement. À cet égard, la Commission estime qu’elle doit rappeler aux États membres leurs obligations et invite ceux-ci à mettre en œuvre des ressources plus efficaces.
Je suis conscient que le débat parlementaire sur le détachement de travailleurs n’a pas été facile et que de nombreuses opinions ont été exprimées. Cela démontre à quel point il est compliqué de trouver un équilibre entre, d’une part, la sauvegarde de la protection des travailleurs et, d’autre part, la libre prestation de services.
Je ne peux pas accepter le point de vue selon lequel la Commission tente d’inclure les articles 24 et 25 de la directive sur les services, supprimés par le Parlement, par le biais de sa communication. Il n’en est rien. Dans sa communication, la Commission interprète la loi en question sans introduire de nouvelles lois. Les communications de la Commission n’en ont d’ailleurs pas le pouvoir, même formellement, puisqu’il s’agit d’un domaine relevant du processus législatif. Cette affirmation ne correspond pas à la réalité de l’interprétation de la Commission. Je voudrais rappeler que dans sa communication, celle-ci n’instaure pas une nouvelle loi sur laquelle appuyer ces articles. Elle interprète le droit actuel, qui intègre plusieurs arrêts significatifs de la CJE à Luxembourg.
Les arrêts de la CJE évoqués dans la communication de la Commission interdit aux organismes nationaux d’exiger que les prestataires de services détachés dans d’autres États membres disposent d’un bureau ou d’un représentant dans leur pays. Selon la jurisprudence, un État membre accueillant des prestataires de services étrangers peut, afin de se conformer au principe de solidarité, stipuler que des documents directement liés au travail en question soient conservés sur le lieu de travail, et en particulier des rapports ou des documents de travail relatifs aux conditions de santé et de sécurité et à la protection des travailleurs sur le lieu de travail.
Dans son interprétation, la Commission ne restreint nullement la capacité des États membres à réaliser des inspections efficaces, et aucun des articles précités n’en a l’intention. Selon moi, la Commission a tout mis en œuvre, dans le cadre de cette interprétation, pour déterminer et comprendre la véritable substance des arrêts de la Cour. La Commission attache une grande importance à la mise en œuvre adéquate de la directive et elle a élargi son champ d’application au-delà de cette mise en œuvre. Elle a déjà entamé l’élaboration d’un rapport évaluant la situation un an après la publication de ses lignes directrices. Dans cette optique, la Commission a envoyé un questionnaire aux autorités nationales et aux partenaires sociaux. Elle a également créé un site web consacré aux questions juridiques et pratiques liées au détachement de travailleurs, sur lequel elle a récemment ouvert un forum où chaque citoyen européen peut formuler des suggestions et des commentaires.
Par ailleurs, sous l’égide de la Commission, un groupe d’experts nationaux a défini des principes de meilleures pratiques instaurant un certain nombre de règles dans le domaine de la coopération administrative ainsi qu’un formulaire unique nous permettant de simplifier l’échange d’information entre les points de contact. Il va de soi que la Commission prend bonne note de l’ensemble des opinions émises par le Parlement et considère que le rapport qui nous est présenté aujourd’hui est un document important.
Małgorzata Handzlik (PPE-DE), rapporteur pour avis de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs. - (PL) Monsieur le Président, je voudrais remercier Mme Schroedter pour son rapport. Je regrette cependant que la commission de l’emploi et des affaires sociales n’ait pas tenu compte des suggestions importantes adoptées dans l’avis que j’ai exprimé au nom de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs. Par ailleurs, au sein du groupe B, nous n’avons pas eu la possibilité d’échanger des informations sur des questions importantes, ni d’en discuter.
Le rapporteur a intégré dans son rapport de nombreux éléments préoccupants et souvent contradictoires. Je me limiterai aujourd’hui aux problèmes les plus significatifs. Il ne s’agit pas de problèmes nouveaux, puisqu’ils avaient déjà fait l’objet de vastes discussions dans le cadre de l’élaboration de la directive sur les services. Malheureusement, il a été décidé que les solutions à ces problèmes ne figureraient pas dans cette directive, mais uniquement dans les orientations de la Commission concernant le détachement de travailleurs. Je pense que ces orientations sont utiles, car elles s’intéressent aux problèmes que rencontrent quotidiennement des milliers de chefs d’entreprise lorsqu’ils détachent leurs travailleurs.
L’un de ces problèmes est l’obligation imposée par le pays d’accueil de disposer d’une représentation légale, au lieu d’exiger simplement le détachement d’un travailleur qui pourrait jouer le rôle de représentant de l’employeur. Cette exigence a de vastes implications. En effet, assurer une représentation juridique relève du principe de libre établissement d’une entreprise, pas de la libre prestation de services. Cela constitue en outre un investissement financier considérable pour les employeurs.
Le fait que le pays d’accueil exige la présentation de quantités diverses de documents pose un autre problème. Dans la pratique, les chefs d’entreprise se plaignent que les autorités du pays d’accueil abusent de cette obligation en exigeant la présentation de documents qui ne sont pas pertinents pour le travail effectué.
Un autre problème découle de l’obligation de fournir des déclarations d’information sur le détachement de travailleurs. Certains pays exigent la réception de cette information plusieurs mois avant le début de la période de détachement, et il arrive souvent que ces déclarations soient considérées comme des autorisations. De telles pratiques sont très pesantes pour les prestataires de services.
Le dernier point important sur lequel je souhaite attirer votre attention, et qui est souvent mis en évidence par les chefs d’entreprise, est le contrôle très rigoureux des entreprises polonaises…
(Le Président retire la parole à l’orateur)
Raymond Langendries, au nom du groupe PPE-DE. - Monsieur le Président, permettez-moi d’abord de remercier Mme Schroedter pour le travail long et excellent fourni dans le cadre de ce rapport, et notamment pour sa recherche du plus large consensus possible sur un texte important à plus d’un titre.
Elle a également rappelé l’œuvre utile qui a été menée par une grande majorité de membres de ce Parlement lors de la discussion et du vote sur le projet de directive relatives aux services. Œuvre utile parce qu’en votant en faveur d’amendements fondamentaux qui assurent un respect absolu des compétences et des matières couvertes par la directive sur le détachement, le Parlement garantissait le rôle essentiel que doit jouer ladite directive à l’heure où nous connaissons et allons connaître dans l’Union des vingt-cinq une forte augmentation des prestations de services, ainsi qu’un accroissement de la mobilité des travailleurs. Le texte garantissait en outre - et je crois que c’était l’avis unanime des membres de la commission de l’emploi et des affaires sociales - notre compétence pour les matières qui nous reviennent de droit.
Une directive bien comprise, bien appliquée et dont les effets sont bien contrôlés doit assurer le juste équilibre entre une concurrence loyale et les garanties du respect du droit des travailleurs. Les règles du jeu doivent en être strictes et justes. Elles doivent aussi assurer la transparence et la sécurité pour les travailleurs, tant dans le cadre de la prestation de services que dans celui de la liberté de mouvement.
Une directive bien comprise requiert un effort majeur d’explication, de simplification administrative et d’information. Une directive bien appliquée doit clairement faire respecter le droit à la libre circulation et les principes d’égalité de traitement et poursuivre des objectifs d’harmonisation des conditions de travail et des systèmes sociaux. Une directive dont les effets sont bien contrôlés est un outil majeur dans la lutte contre les sentiments antieuropéens que peut engendrer dans la population la présence de travailleurs traités comme de simples marchandises déplacées à loisir et exploitées aux conditions les plus basses.
Anne Van Lancker, au nom du groupe PSE. - (NL) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, je voudrais tout d’abord remercier notre rapporteur pour son travail et pour sa capacité d’écoute. Je peux vous dire à ce stade que mon groupe considère qu’il s’agit d’un rapport équilibré. Monsieur le Commissaire, par le biais de ce rapport, mon groupe souhaite avant tout vous encourager à prendre des mesures visant à faire respecter sur le terrain la directive concernant le détachement de travailleurs. Nous ne vous demandons pas de réexaminer la directive, car la législation proprement dite est plutôt satisfaisante, mais nous savons tous que, dans la pratique, les travailleurs détachés temporairement dans d’autres pays sont souvent exploités dans des conditions très pénibles. Cette exploitation doit cesser.
Nous pensons dès lors qu’il faut renforcer la coopération entre les différents services d’inspection du travail des États membres. Dans cette optique, nous demandons à la Commission de créer un réseau bien organisé entre ces organismes. L’information des travailleurs et des entreprises sur leurs droits et obligations doit également être améliorée, et notre groupe se félicite de votre promesse de développer un site web documenté, de lancer des formulaires uniformisés et d’échanger les bonnes pratiques de travail.
Je voudrais ensuite aborder la question des orientations formulées par la Commission en réponse à ce Parlement, qui a réussi à empêcher que la directive sur les services n’affaiblisse la directive concernant le détachement de travailleurs. J’invite instamment le commissaire à ne pas créer la confusion entre, d’une part, les tentatives visant à simplifier les procédures administratives, qui reçoivent notre soutien total, et, d’autre part, la remise en question d’exigences nécessaires à des fins de surveillance et de contrôle. C’est pourquoi nous réaffirmons, Monsieur le Commissaire, que les États membres doivent conserver le droit d’exiger la désignation de représentants par les entreprises en question, mais aussi d’exiger le recours à certains documents et systèmes d’enregistrement. Nous devons rassembler nos forces pour mettre un terme à la bureaucratie et à l’exploitation.
Ona Juknevičienė, au nom du groupe ALDE. - (LT) Un esprit de protectionnisme et de nationalisme économique est en train de s’emparer de certains pays de l’Union européenne. Cette situation met en péril le commerce international et la libre circulation du capital et de la main-d’œuvre. Les protectionnistes ont une attitude négative non seulement vis-à-vis de la concurrence asiatique mais aussi de toute autre source de concurrence étrangère. C’est une attitude peu perspicace. Nous savons tous que la concurrence est un moteur de progrès économique, alors que l’exclusion entraîne le déclin économique et social.
Placer des obstacles bureaucratiques artificiels à la mise en œuvre et à l’application de la directive sur le détachement de travailleurs est l’une des manifestations du protectionnisme.
Cette situation ne nuit pas seulement à nos propres intérêts, mais à ceux de l’ensemble de la Communauté, tout en enfreignant les droits fondamentaux de ses citoyens, à savoir principalement la libre prestation de services et la liberté d’établissement. Bien qu’inscrits dans le traité CE et la directive sur le détachement de travailleurs, ces droits sont ignorés par les États membres, et cette attitude affaiblit notre Communauté.
Je voterai en faveur de l’élimination des obstacles bureaucratiques, de manière à ce que les frontières nationales ne soient pas un frein au développement économique dans la Communauté et que les citoyens soient libres de choisir où ils souhaitent travailler. Il convient également de veiller à ce que ceux-ci ne soient pas exploités ou discriminés lorsqu’ils travaillent à l’étranger.
Ilda Figueiredo, au nom du groupe GUE/NGL. - (PT) Il est un fait avéré qu’un grand nombre de travailleurs issus d’États membres de l’UE, comme le Portugal, sont encore confrontés à la discrimination lorsqu’ils partent exercer leur métier dans d’autres États membres où les citoyens gagnent des salaires plus élevés. Selon la directive sur le détachement de travailleurs, le pays d’accueil est le seul responsable de la protection et des droits des travailleurs détachés. Dans cette optique, le pays concerné doit adopter des mesures visant à empêcher le contournement de normes minimales. Cela donne lieu à une véritable discrimination touchant l’ensemble des travailleurs, à la fois ceux qui sont détachés et ceux du pays d’accueil.
Nous avons pu constater que cette directive est ignorée par beaucoup, en dépit de nombreuses réclamations, que ce soit par le Parlement ou dans des rapports relatifs à des situations spécifiques, tels que nous en avons rédigés à plusieurs reprises. Des cas de non-respect doivent encore être résolus. Dès lors, nous n’acceptons pas la proposition de la Commission de restreindre dans certaines régions importantes les exigences minimales imposées aux entreprises par les États membres, qui a fait suite à la proposition de directive visant à créer un marché intérieur pour les services.
Par conséquent, bien que nous soyons favorables au rapport, nous devons exprimer notre déception vis-à-vis de la pression exercée et des propositions avancées par le parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens, qui a tenté d’empêcher la mise en lumière d’aspects importants de la mise en œuvre de la directive. Le PPE a déposé différents amendements destinés par exemple à supprimer des points du rapport, la volonté de supprimer le paragraphe 13 ainsi que des extraits des paragraphes 26 et 29 nous inquiétant tout particulièrement. En ce qui nous concerne, nous souhaitons que le travail du rapporteur soit conservé tel quel et invitons le Parlement à adopter d’autres propositions visant à mettre en œuvre cette directive.
Konrad Szymański, au nom du groupe UEN. - (PL) Monsieur le Président, lorsque le compromis fragile sur la directive sur les services a été adopté, il est apparu évident qu’il avait été réalisé au détriment des nouveaux États membres de l’Union européenne, dont le principal avantage compétitif sur le marché communautaire réside précisément dans le secteur des services. Ce compromis a sonné le glas de tous les espoirs d’égalité des chances sur le marché commun que le projet initial de la directive avait laissé entrevoir. Les orientations de la Commission européenne concernant le détachement de travailleurs figuraient parmi les éléments de l’accord qui auraient pu insuffler un certain espoir dans les nouveaux États membres. En nous présentant ce rapport aujourd’hui, la commission de l’emploi et des affaires sociales souhaite mettre au rebut cette occasion minime et non contraignante. Avec ce rapport, elle entend maintenir le statu quo sur le marché des services, et ce même si ce marché se heurte à un nombre incalculable de mesures de protectionnisme et de chauvinisme pur et simple.
Selon la Confédération européenne des syndicats, par exemple, ce chauvinisme a l’avantage d’être lié au travail et d’avoir vu le jour sous l’égide des syndicats. Personnellement, je doute qu’il ait un rapport quelconque avec la défense des intérêts des travailleurs. Imposer des exigences administratives et sociales rigoureuses a pour seul effet de priver les gens d’emploi. C’est exactement ce qui s’est passé dans l’affaire Vaxholm, ainsi que dans le dossier de l’entreprise polonaise Zojax. Les deux sociétés ont été contraintes de renoncer à la mise en œuvre de projets, ce qui a entraîné de lourdes pertes et des suppressions d’emploi. Les syndicats suédois ont fait preuve d’une grande complaisance pour la simple raison que les travailleurs licenciés étaient des étrangers, essentiellement des Lettons et des Polonais. Je voudrais rappeler aux syndicalistes suédois, et à la commission de l’emploi et des affaires sociales, que lesdits étrangers sont des citoyens et des entreprises de plein droit à qui on avait promis qu’ils bénéficieraient de droits égaux au sein du marché commun lors de l’adhésion de leurs pays.
Il est vrai que les exigences définies à l’article 3 de la directive sont minimales, mais la commission de l’emploi et des affaires sociales n’a-t-elle pas le sentiment qu’il est grand temps de fixer des limites supérieures pour ces exigences, tant pour celles s’appuyant sur le droit que pour celles reposant sur des conventions collectives? La commission n’a-t-elle pas l’impression que ces exigences ne sont bien souvent que des écrans de fumée destinés à masquer un protectionnisme pur et simple? Les obligations d’enregistrement, de représentation légale dans le pays d’accueil et de conservation de documents sociaux in situ sont toutes utilisées comme prétexte par les autorités pour rendre les choses plus compliquées. Elles ne servent qu’une seule et unique cause, celle de protéger le marché national contre les maçons, boulangers, ébénistes et autres types de travailleurs qui se sentent aujourd’hui, à juste titre, laissés pour compte. Leurs attentes en matière d’égalité des droits au sein du marché communautaire sont balayées par la dure réalité.
Si nous adoptons tel quel le rapport de la commission de l’emploi et des affaires sociales, nous enverrons un signal très clair aux États membres, à savoir qu’ils peuvent prendre toutes les mesures qu’ils souhaitent sur le marché commun des services. L’adoption de ce rapport équivaudrait également à revenir sur le compromis fragile dégagé dans le cadre de la directive «Services». C’est pourquoi j’en appelle au soutien des amendements déposés par le parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens et par l’Union pour l’Europe des Nations. Ce rapport ne mérite pas notre soutien sans ces amendements.
Derek Roland Clark, au nom du groupe IND/DEM. - (EN) Monsieur le Président, quand des citoyens travaillent sur la base de contrats à court terme dans un pays autre que le leur, toutes les parties en retirent des avantages évidents. Je suis donc favorable au détachement de travailleurs, mais pas de cette façon. Au paragraphe 19, le rapport dit qu’une mise en œuvre efficace de la directive sur le détachement de travailleurs ne sera pas obtenue par une bureaucratie étendue, mais 35 des 49 paragraphes contiennent une référence à des lois, règles, procédures d’infraction, affaires devant la CJCE ou sanctions.
Au vu de cette proposition, je ne suis pas surpris que le commissaire chargé des entreprises soit en retard sur le calendrier de la simplification de la législation européenne! En effet, nous sommes une fois de plus face à une proposition qui fixe toute une série de règles, soutenues par tellement de références aux sanctions et procédures d’infraction que le rapporteur ne doit plus savoir quoi faire pour présenter une proposition gérable, équitable, mais surtout efficace.
Quand on en a parlé il y a un mois au sein de la commission de l’emploi et des affaires sociales, plusieurs députés ont été horrifiés par les cas d’exploitation patente de travailleurs détachés. Cela doit cesser, mais qu’ont fait les États membres? Qu’ont fait les syndicats? Après tout, il y a tout lieu de croire que les travailleurs locaux étaient eux aussi victimes d’abus. Des travailleurs étaient-ils détachés parce que les travailleurs locaux refusaient les conditions qui leur étaient proposées?
La clé figure au considérant L, en page 5 du rapport, qui évoque la prévention du contournement des normes nationales. Les normes nationales étant mises en exergue de cette manière, pourquoi faut-il une directive européenne? Pourquoi ne laisse-t-on pas aux États membres le soin de contrôler la situation? Une directive européenne constituera une charge supplémentaire pour toutes les parties et entraînera des retards, alors que ce que nous voulons tous, c’est que les citoyens aient un travail. La situation n’est pas neuve. Les travailleurs détachés ne sont pas apparus à cause de l’UE; ils existaient bien avant elle. Mon propre frère, anglais comme moi, est dessinateur industriel. Il s’est installé comme indépendant, a conclu un contrat avec Volkswagen et travaillé en Allemagne pendant des années. Il n’a jamais connu le moindre problème, et je parle d’une époque datant d’avant l’adhésion du Royaume-Uni à la Communauté européenne.
Je le répète, nous n’avons pas besoin de cette directive. Les États membres sont parfaitement capables de gérer leurs affaires dans le cadre de la législation actuelle de l’Union européenne, bref en vertu du principe de subsidiarité. Vous vous rappelez encore ce que c’est?
Milan Cabrnoch (PPE-DE). - (CS) Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, je voudrais remercier tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce rapport. Le détachement des travailleurs est l’une des questions importantes que l’UE doit résoudre si elle entend réaliser son objectif de créer un marché intérieur fonctionnant selon les principes transfrontaliers de libre circulation des personnes et de libre prestation de services. C’est un grand honneur pour moi de prendre la parole devant plusieurs centaines de mes collègues députés à un moment aussi important.
La communication de la Commission vise à libéraliser la prestation de services et le détachement de travailleurs et à éliminer les restrictions inutiles et le protectionnisme en vigueur dans certains États membres. Le rapport de Mme Schroedter adopte cependant une approche opposée. Le rapporteur insiste de manière inconsidérée sur la protection des travailleurs et instaure à son tour des mesures protectionnistes qui vont à l’encontre de la liberté de détachement de travailleurs. Les pratiques actuelles désavantagent clairement les travailleurs issus des nouveaux États membres. Les entreprises d’anciens États membres sont autorisées à fournir des services sur l’ensemble du marché de l’UE, ainsi que dans leur pays d’origine. Les entreprises de nouveaux États membres, quant à elles, n’ont pas le droit à un tel accès ou sont soumises à des restrictions temporelles et à une série d’obstacles administratifs et de mesures protectionnistes qui empêchent les travailleurs qu’ils détachent d’être compétitifs et de fournir librement des services dans les mêmes conditions que les travailleurs du pays d’accueil. La peur du plombier polonais et de tout ce qu’il symbolise est encore bien présente dans ce Parlement.
Le rapport de Mme Schroedter fait fi des valeurs fondamentales sur lesquelles repose l’UE et ne contribue en aucun cas à la poursuite de notre objectif commun, à savoir la réalisation du marché intérieur unique. Je voudrais dès lors vous inviter, Mesdames et Messieurs, à voter contre ce rapport.
Jan Andersson (PSE). - (SV) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, je voudrais tout d’abord remercier le rapporteur pour son rapport très constructif.
Comme beaucoup d’autres l’ont déclaré, il s’agit d’une directive importante, non seulement pour la libre circulation, mais aussi pour la protection des travailleurs. On relève un certain nombre de lacunes - les enquêtes nous l’apprennent - en matière d’information, de coopération entre les États membres et d’efficacité des contrôles.
Permettez-moi de dire que nous ne soutenons pas le protectionnisme mais l’ouverture des frontières. Nous sommes en faveur d’une concurrence équitable entre les entreprises et d’une égalité de traitement des travailleurs. Voilà l’aspect qui nous préoccupe à cet égard, l’égalité de traitement. Quelques-uns des députés ayant évoqué l’affaire Vaxholm nous ont quittés à présent. Dans cette affaire, l’objectif était que les travailleurs lettons ne soient pas moins bien considérés que les travailleurs suédois. Ils devaient jouir du même traitement - pas d’un traitement inférieur, mais d’un traitement exactement identique.
L’importance de disposer d’un représentant dans le pays d’accueil constitue l’une des pierres d’achoppement entre notre Assemblée et la Commission. Selon votre proposition, il serait suffisant de disposer d’un contact avec qui négocier dans l’autre pays. Cette solution s’avérerait incroyablement bureaucratique et très difficile à réaliser. Un représentant doit être à même de servir de canal de communication dans les pays qui prennent en charge les négociations. Il serait dès lors nécessaire que cette personne dispose d’un mandat de négociation. Il ou elle devrait également être en mesure de communiquer avec, par exemple, les autorités responsables de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail. Toute autre solution s’avère pratiquement impossible. Aucune jurisprudence ne contredit mes propos. L’affaire Arblade ne portait pas sur cette question. Elle concernait l’obligation imposée par le droit belge de conserver des documents pendant cinq ans et n’a dès lors aucun rapport avec les propos de la Commission.
J’espère néanmoins que nous parviendrons à appliquer avec succès cette directive sur le détachement de travailleurs. Si c’est le cas, elle devra cependant inclure les aspects que je viens d’évoquer.
Marian Harkin (ALDE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais féliciter le rapporteur pour son rapport. En raison des contraintes de temps, je me concentrerai sur l’expérience irlandaise, mais elle est certainement intéressante dans ce contexte.
Le commissaire a dit que l’Irlande n’avait pas adopté de mesures de transposition spécifiques et ne se conformait pas aux critères établis par la jurisprudence de la Cour de justice. Au-delà des autres difficultés soulevées par le rapporteur - que je n’ai pas le temps d’énumérer -, il semblerait donc que nous ne disposions pas, en Irlande, de la sécurité juridique nécessaire pour appliquer cette directive dans son ensemble.
Les récents événements observés en Irlande ont montré combien l’application intégrale de cette directive était nécessaire. Je pense à l’affaire GAMA, une entreprise de construction turque, qui exploite ses travailleurs étrangers; au scandale des ferries, où les travailleurs existants ont été tout bonnement remplacés par des travailleurs étrangers acceptant un salaire de moitié inférieur et des conditions de travail moins avantageuses, une des raisons pour lesquelles je suis favorable à une directive sur les ferries; ou encore à l’industrie du champignon, qui permet que certains de ses membres offrent aux travailleurs étrangers un salaire équivalant à la moitié du salaire minimum.
Le dernier point que je voudrais soulever est que les travailleurs détachés ne sont pas les seuls à souffrir. Tous les travailleurs, y compris les travailleurs irlandais, paieront le prix fort, parce que les salaires minimaux seront abaissés et que la suspicion et la méfiance remplaceront la solidarité entre les travailleurs. Le commissaire a dit qu’il était difficile de protéger les travailleurs tout en garantissant la libre circulation des services. Quelle que soit l’ampleur de la difficulté, nous devons le faire.
Gabriele Zimmer (GUE/NGL). - (DE) Monsieur le Président, je voudrais également adresser mes félicitations au rapporteur pour son travail. La directive concernant le détachement de travailleurs a suscité de nombreuses controverses dans le passé et continue à le faire aujourd’hui. Mon pays n’était pas le seul à refuser l’extension du champ d’application de la directive à l’économie dans son ensemble. À ce jour, l’Allemagne n’applique la directive qu’à l’industrie du bâtiment et aux professions qui y sont liées.
Je voudrais diriger le présent débat vers trois aspects de ce rapport. Le premier concerne l’accent placé par le rapporteur sur la nécessité de renforcer les partenaires sociaux afin que les normes définies dans les conventions collectives soient respectées. Cela ne signifie pas que ces accords, conclus entre les États membres et les deux partenaires de l’industrie, garantissent des salaires assurant des conditions d’existence convenables. À cet égard, il importe de vérifier dans quelle mesure les normes minimales répondent au besoin de «travail décent» dans les différents États membres.
Mme Schroedter souligne également, non sans raison, qu’il est difficile d’établir une distinction entre les indépendants et les salariés. Néanmoins, bien qu’il soit nécessaire de définir clairement ces notions et de préciser le statut de ceux que l’on appelle les «faux indépendants», nous ne devons pas oublier que nous parlons ici de personnes pour la plupart marginales et gagnant les salaires les plus bas. Ces personnes doivent se voir accorder un statut protégeant leurs droits, y compris celui de gagner un salaire assurant des conditions d’existence convenables.
Le recours aux directives pertinentes pour mettre en œuvre la libre prestation de services est toujours justifié - entre autres - par l’argument selon lequel, au final, le consommateur doit y trouver son compte. À première vue, la directive sur le détachement de travailleurs ne semble pas avoir de lien concret avec la protection des consommateurs. Je suis néanmoins persuadée que l’étroite connexion entre ces deux aspects apparaîtra de manière évidente lorsque nous replacerons les choses dans leur contexte. En effet, le consommateur ne s’intéresse plus uniquement à la qualité des marchandises. Ainsi, les consommateurs d’aujourd’hui sont protégés contre l’importation de produits fabriqués par des enfants.
L’échange de marchandises et de services doit intégrer une dimension sociale. Les différents protagonistes doivent être protégés par des normes minimales leur garantissant un salaire décent, des conditions de travail adéquates et la protection de leurs moyens d’existence.
Thomas Mann (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, en février, ce Parlement, le Conseil et la Commission ont dégagé un compromis sur la directive relative aux services. Les articles 24 et 25 ont été supprimés car ils ne prévoyaient qu’un contrôle superficiel des entreprises et de leurs travailleurs détachés. Ce compromis garantissait une lutte efficace contre le travail en noir et le dumping salarial.
Après avoir essuyé quelques échecs au cours de ces derniers mois, la Commission utilise aujourd’hui la directive sur le détachement de travailleurs comme une tentative détournée visant à resoumettre les positions rejetées. Pour ce faire, elle va dans certains cas au-delà - par le biais d’orientations à propos desquelles nous sommes uniquement autorisés à exprimer un point de vue - des dispositions de la CJE. Cette attitude est trompeuse et équivaut à déposséder les représentants du peuple de leur pouvoir. Il ne fait aucun doute que la CJE rédigera dans le cadre de procédures d’infraction des orientations qui acquerront ainsi force de loi.
Le gouvernement fédéral allemand, nos partis politiques, partenaires sociaux et organisations d’employeurs et de travailleurs ne tolèreront pas l’inclusion des restrictions prévues dans notre législation sur le détachement de travailleurs. D’autres pays européens expriment des réticences similaires. En Pologne, par exemple, on ne trouve pratiquement plus de Polonais sur les chantiers, mais un nombre incalculable de travailleurs étrangers issus de pays n’appartenant pas à l’UE. Bien qu’il soit nécessaire de garantir la mobilité au sein du marché intérieur de l’Union, il importe avant tout d’y faire régner la justice et l’équité. Pour ce faire, des contrôles efficaces sont indispensables.
Chaque pays d’accueil doit être autorisé à exiger des documents et à vérifier les conditions de travail - salaire, temps de travail, périodes de repos, sécurité et protection de la santé. Ceux qui souhaitent réduire le nombre de formulaires et de documents et éviter toute forme de bureaucratie s’opposent en réalité à tout contrôle et ouvrent la porte aux pratiques illicites. Il doit également être possible de mettre en demeure les personnes qui enfreignent la loi. Dans cette optique, les entreprises qui détachent des travailleurs doivent être représentées par des personnes pleinement habilitées en vertu du droit du pays d’accueil.
Je me félicite du rapport de Mme Schroedter. Elle a repris mes propositions d’amendement dans le cadre de compromis. Il y a néanmoins un point sur lequel je ne suis pas d’accord avec elle. Il s’agit de la définition de la notion de «travailleurs», qui a été adaptée de telle manière que les indépendants économiquement dépendants soient considérés comme indépendants factices. J’espère que cette position obtiendra la majorité lors du vote de demain.
Ieke van den Burg (PSE). - Monsieur le Président, au nom du groupe socialiste au Parlement européen, j’ai étudié ce dossier avec Mme Handzlik au sein de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs. Il est dommage que celle-ci ne participe plus activement au débat. Je voudrais souligner que nous avons examiné attentivement les problèmes rencontrés par les nouveaux États membres - que Mme Handzlik et plusieurs collègues du groupe ont évoqués - et que nous constatons de toute évidence qu’il convient d’éliminer les obstacles bureaucratiques inutiles à la libre circulation des services et des travailleurs. Néanmoins, je dispose également d’une expérience suffisante des pratiques licites, illicites ou semi-licites du marché du travail pour savoir que certaines personnes sont effectivement exploitées et que c’est précisément le champ d’application du détachement de travailleurs qui est utilisé pour contourner les règles.
C’est la raison pour laquelle je voudrais réaffirmer à nouveau que nous ne devons pas jeter le bébé avec l’eau du bain, mais bien trouver un juste équilibre; je voudrais bien faire comprendre à M. Clark, qui ignore apparemment comment fonctionnent ces règles, qu’il existe un principe de subsidiarité, que ce sont les règles du pays où s’exerce l’activité qui s’appliquent en matière de droit du travail, que les États membres disposent d’une totale autonomie à cet égard et que cette directive sur le détachement de travailleurs vise uniquement à créer une exception à cette règle afin de couvrir les situations dans lesquelles des travailleurs sont détachés à l’étranger et autorisés à travailler temporairement selon leurs propres conditions, pour autant qu’un certain nombre de dispositions de protection minimales soient mises en place.
C’est précisément en raison des procédures de contrôle établies en la matière, et en raison de leur complexité, qu’il est indispensable de fixer des règles instaurant des possibilités de surveillance et améliorant les possibilités de coopération entre les services d’inspection du travail. C’est aussi pour cela que nous avons besoin de cet équilibre. Je voudrais encore faire remarquer que, dans le cadre de la directive sur les services, il n’y a pas de hiérarchie des règles de la législation du travail, que les États membres sont autonomes en la matière et que les règles de libre circulation des services ne prévalent pas sur cette autonomie.
Jacek Protasiewicz (PPE-DE). - (PL) Monsieur le Président, la possibilité de détacher des travailleurs fait partie intégrante des libertés fondamentales de l’Union européenne. La plus importante de celles-ci est la libre circulation des personnes, des services et du capital. La directive sur le détachement de travailleurs est donc une conséquence logique du fonctionnement du marché intérieur de l’UE. Il ne fait aucun doute que la santé de l’économie de l’Union se mesure à l’aune de la santé de ses entreprises, et notamment de ses petites et moyennes entreprises. La directive de 1996 était principalement destinée aux PME et entendait simplifier les principes leur permettant d’être compétitives et d’exercer leur activité économique en dehors de leur pays d’origine. L’Union européenne a besoin d’une concurrence intérieure si elle veut surmonter la concurrence au niveau mondial, où elle doit faire face aux économies des États-Unis, de la Chine et du Japon.
Je voudrais remercier Mme Schroedter pour avoir osé aborder un sujet d’une telle importance pour l’avenir de l’Europe. J’ai examiné attentivement son rapport et je dois reconnaître que le document n’est pas vraiment conforme à ma conception de la libre prestation de services sur le marché intérieur, une question qui me tient particulièrement à cœur. Ayant lu le projet de rapport de Mme Schroedter, je ne suis pas persuadé que son objectif de facto soit de compliquer la tâche des entreprises souhaitant détacher des travailleurs dans le cadre d’une mission spécifique et, dans cet ordre d’idées, il entend sanctionner les pratiques protectionnistes mises en place par les gouvernements des États membres pour se protéger des effets de la concurrence. Je tiens à souligner que j’évoque ici les effets positifs de la concurrence. Dans le même temps, je soutiens les efforts de la Commission européenne, et les efforts personnels du commissaire, visant à garantir une mise en œuvre plus efficace de la directive dans la pratique. J’espère qu’il n’y a aucune raison de la modifier ou de la remplacer par un nouvel acte juridique. Je ne doute pas que le commissaire Špidla partage ce point de vue.
Proinsias De Rossa (PSE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais remercier Mme Schroedter pour son excellent rapport.
Il nous faut une directive efficace pour protéger les travailleurs temporairement détachés dans un État membre de l’UE. C’est essentiel pour empêcher tout mouvement vers le bas. Nous sommes toutefois face à une directive truffée de vides juridiques et non appliquée dans certains États membres.
Malgré tous les efforts du commissaire Špidla, je ne crois pas que des lignes directrices résoudront ces problèmes. Bon nombre d’États membres rechignent à procéder aux changements législatifs nécessaires. Les conséquences en sont des scandales tels que ceux déjà évoqués, comme celui des ferries irlandais. Si l’équipage des navires est exclu de la directive sur les travailleurs détachés, le gouvernement irlandais fait de la résistance contre une directive sur les ferries, qui protégerait ces travailleurs.
Il nous faut d’urgence un cadre juridique afin de prévenir le nivellement par le bas, la concurrence déloyale et, en effet, l’émergence de la xénophobie. Nous avons besoin de clarté et de certitude quant aux définitions des travailleurs, et il doit être mis un terme au travail faussement indépendant. Nous devons avoir le droit d’appliquer des normes minimales clairement établies. Il nous faut également suffisamment d’inspecteurs pour contrôler le respect de ces normes et des sanctions idoines en cas de violation de la législation européenne. Nous devons aussi nous prémunir contre les dénonciateurs, contre ceux qui révèlent les abus commis dans le cadre du régime en vigueur.
Je voudrais rappeler à ceux qui critiquent la commission de l’emploi et des affaires sociales et moi-même que je viens d’un pays qui a entièrement ouvert ses frontières aux travailleurs originaires des dix nouveaux États membres. Nous avons maintenant été forcés de les fermer aux travailleurs bulgares et roumains en raison des abus à l’encontre des travailleurs migrants et des conséquences pour les travailleurs installés en Irlande. Le problème n’est pas facile à résoudre, et il n’est certainement pas question d’instaurer un certain protectionnisme dans les quinze anciens États membres.
José Albino Silva Peneda (PPE-DE). - (PT) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, la nature dynamique du marché intérieur accroît la mobilité des travailleurs et contribue au développement des activités des entreprises européennes au-delà de leurs frontières nationales.
La possibilité offerte aux entreprises de détacher certains de leurs travailleurs dans d’autres États membres de l’UE dans le cadre de missions temporaires a renforcé cette mobilité accrue. L’expérience vécue à ce jour laisse toutefois beaucoup à désirer. Dans le cas du Portugal, le détachement de travailleurs n’est pas très positif, en particulier dans l’industrie de la construction. Plusieurs affaires ont révélé l’exploitation de travailleurs portugais en Espagne, en France, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Cette situation s’explique par l’immense fossé qui sépare la directive de 1999, qui établit un équilibre entre la libre prestation de services et la protection des droits du travail des travailleurs détachés, de la mise en œuvre effective de cette directive sur le terrain.
En plus de susciter des interprétations divergentes parmi les États membres, la directive a également été mise en œuvre différemment, ce qui a multiplié les obstacles et la bureaucratie et ralenti le processus. Il apparaît clairement que la mise en œuvre de cette directive ne fait l’objet d’aucun suivi. La sous-traitance est l’un des exemples consternants de situations très courantes qui ne sont pas couvertes par la directive. Il en résulte une réduction inacceptable des responsabilités, qui se manifeste toujours - je dis bien toujours - au détriment des travailleurs détachés.
Je soutiens le rapport de Mme Schroedter, car je pense qu’il appartient à l’État membre d’accueil de garantir, en collaboration étroite avec les autorités du pays d’origine, le respect rigoureux des conditions de travail définies dans la directive, et ce afin de renforcer l’efficacité du contrôle et de la lutte contre les pratiques illicites.
Dans cette optique, nous avons besoin d’une plus grande transparence et d’informations supplémentaires sur les droits et obligations des entreprises qui pratiquent le détachement de travailleurs. J’approuve également le rapport de Mme Schroedter, parce que l’adoption de corrections s’avère indispensable en vue d’améliorer le soutien, le suivi et l’application systématiques de cette directive.
Françoise Castex (PSE). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, mes chers collègues, nous devons prendre acte de l’existence réelle d’un marché du travail européen, et ce notamment dans le domaine des services qui, plus que les autres, implique le déplacement des salariés. Nous y sommes favorables, mais pas à n’importe quelles conditions et pas au risque du dumping social. Le travail humain n’est pas une marchandise et ne peut être soumis aux règles de la libre concurrence. Nous avons exprimé cette préoccupation lors du débat sur la directive «Services» et le Parlement a rejeté - vous l’avez rappelé - les articles 24 et 25 de cette directive qui traite précisément de l’assouplissement des conditions de détachement de travailleurs. Or, il n’est pas acceptable que la Commission remette en cause cette position et ignore les critiques émises par le Parlement.
La directive sur le détachement des travailleurs est mal appliquée dans les États membres et ne remplit pas ses objectifs. Soit, mais faut-il en conséquence assouplir la réglementation ou, au contraire, renforcer la volonté de l’appliquer? Je ne crois pas que les obligations de déclarations, de contrôles efficaces et la conservation des documents entraînent une surcharge bureaucratique inutile quand il s’agit de protéger les droits sociaux des salariés détachés et locaux. Le laxisme en la matière ne profite qu’aux fraudeurs. Par ailleurs, le renforcement de la contrainte et la menace même de sanctions pécuniaires doivent exercer un effet dissuasif.
C’est pourquoi je soutiens ce rapport et appelle de toute urgence la Commission et les États membres à régler les difficultés d’application de la directive dont nous ne demandons pas, à ce stade, la modification.
Csaba Őry (PPE-DE). - (HU) Plusieurs d’entre nous ont souligné la connexion étroite entre la directive sur le détachement de travailleurs et la directive sur les services. Je regrette que, contre toute logique, nous ne débattions pas ensemble de ces deux directives en novembre.
En ce qui concerne notre point de vue, il existe une grande différence philosophique entre l’approche exprimée par les socialistes et le groupe des Verts/Alliance libre européenne. Nous insistons sur le renforcement et l’accélération de l’économie, car c’est le seul moyen de créer de nouveaux emplois et d’assurer le financement à long terme des grands systèmes de sécurité sociale ou de sauvegarder les valeurs sociales européennes. Sans développement économique, aucune avancée ne sera envisageable en matière d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ou d’amélioration de la compétitivité des petites et moyennes entreprises. Nous ne disposerions pas des ressources adéquates pour faire face à la réduction considérable des effectifs engendrée par les délocalisations d’entreprises.
La question consiste par conséquent à se demander si nous voulons affaiblir ou renforcer la performance de l’économie. J’ai eu l’impression, au cours du débat sur la directive concernant le détachement de travailleurs, que nous voulions l’affaiblir. Ce n’est pas un bon signe pour l’avenir. Pour ne citer que le problème le plus frappant, l’exigence relative aux représentants des entreprises va totalement à l’encontre de la libre prestation de services. Dans la pratique, cette obligation représente un désavantage concurrentiel considérable. Elle nécessiterait l’instauration d’un cadre local, un exercice qui s’avérerait inutile et impraticable. C’est pourquoi je voudrais attirer votre attention sur l’importance que nous accordons à l’amendement 7. S’il ne devait pas être accepté, nous ne soutiendrions pas l’adoption de la directive. Veuillez prendre ceci en considération lors du vote.
Harald Ettl (PSE). - (DE) Monsieur le Président, je voudrais tant que cette directive sur le détachement ne soit plus nécessaire. Je suis certain que le commissaire partage mon avis à cet égard. Je ne suis pas persuadé que cette législation puisse protéger de manière satisfaisante les travailleurs contre l’exploitation, mais c’est le seul instrument qui s’offre à nous - ou du moins le seul qui soit adéquat - pour éviter les problèmes sur le marché du travail européen.
Les principaux aspects de la directive sur le détachement de travailleurs ne fonctionnent de toute évidence que dans une certaine mesure - aussi bien l’imposition de sanctions administratives transfrontalières que la coopération entre les autorités. Par ailleurs, la non-considération des primes en tant que constituants souvent essentiels du salaire entraîne un accroissement du dumping salarial.
Il ne fait aucun doute que le bon fonctionnement de la directive sur le détachement dépendra de la disponibilité d’une personne pouvant servir de représentant de l’entreprise détachant des travailleurs et garantir l’application de la directive.
Vladimír Špidla, membre de la Commission. - (CS) Mesdames et Messieurs, je serai très bref, parce qu’il est déjà minuit cinq et que je suis favorable au respect rigoureux des réglementations telles que la directive sur le temps de travail et d’autres en vigueur au sein de l’UE.
Je serai donc très bref. Par deux fois, au cours du débat, j’ai entendu que la communication de la Commission serait une tentative détournée de réintroduire les articles 24 et 25, qui avaient été supprimés de la directive sur les services. Je tiens à souligner que ce point de vue est erroné. Les articles 24 et 25 reposent sur le principe du pays d’origine, selon lequel le pays d’origine est responsable des inspections. Ce principe ne figure pas dans la communication car celle-ci s’appuie à juste titre sur la situation juridique actuelle, en vertu de laquelle la responsabilité de l’inspection relève des pays dans lesquels les travailleurs sont détachés, à savoir les pays d’accueil.
Je tiens également à dire que j’ai relevé le consensus existant sur l’idée que la directive peut fonctionner à tout moment, mais qu’il est capital de renforcer les efforts visant à garantir son application cohérente. À l’heure actuelle, le principal problème est qu’elle est appliquée de manière incohérente, en particulier dans le cadre de la coopération transfrontalière entre les différents États membres. La Commission a pris des mesures à cet égard dans sa communication, et j’ai le sentiment qu’il est de notre devoir d’examiner cette question le plus minutieusement et le plus rapidement possible. Je ne souhaite pas exprimer une opinion sur les cas individuels évoqués en guise de critique de la directive ou de la Commission, non pas parce ce serait impossible, mais parce que je respecte le temps de travail des interprètes.
Je voudrais formuler une dernière remarque générale. Dans sa communication, la Commission a dans un premier temps interprété l’arrêt de la Cour de Luxembourg, et elle l’a fait judicieusement. Ensuite, en vertu de ses obligations découlant de son statut de gardienne des traités, elle a exprimé un avis sur une série de questions. Enfin, elle a proposé, et propose toujours, l’adoption de mesures visant à améliorer la mise en œuvre de cette directive.
Je voudrais à présent formuler une dernière remarque. Il est un principe de base de l’État de droit que toute réglementation - dans ce cas-ci la directive - peut uniquement être utilisée en vue de réaliser l’objectif pour lequel elle a été élaborée. Cette directive a pour objectif de protéger les travailleurs détachés, pas de restreindre la libre prestation de services. Dès lors, dans le cadre de cette structure générale et du point de vue de la proportionnalité, la communication ne limite pas la capacité des États membres à procéder à leurs propres inspections; ni à remplir leurs obligations. En vertu de l’application de la règle fondamentale de la proportionnalité, les obligations définies doivent être adaptées à l’objectif visé et les dossiers doivent être traités au cas par cas, comme l’indique d’ailleurs la communication.
Mesdames et Messieurs, je voudrais vous remercier pour l’attention que vous portez à cette question au sein du Parlement. Je suis convaincu qu’il s’agit de l’une des directives les plus importantes concernant le marché du travail de l’UE. Il est de notre devoir de l’interpréter correctement et avec précision et de la mettre en pratique aussi rapidement et efficacement que possible. Je voudrais remercier Mme Schroedter pour son rapport, qui constitue assurément une avancée considérable dans le processus que j’ai évoqué plus haut, à savoir la mise en œuvre intégrale de la directive dans l’optique de réaliser ses objectifs. Je vous remercie beaucoup.
Le Président. - Le débat est clos.
Le vote aura lieu jeudi à 11 h 30.
Déclaration écrite (article 142)
John Attard-Montalto (PSE). - (EN) Nous parlons ce soir du rapport sur l’application d’une directive relative au détachement de travailleurs, parce que nous savons que cette directive fait référence en premier lieu à la libre circulation des personnes et des services et à l’offre aux travailleurs détachés des normes minimales des États membres d’accueil en matière de salaire, de conditions de travail, de santé et de sécurité.
Le gros problème de la directive, c’est son application. Un des principaux obstacles réside dans la nécessité d’ajuster la définition du concept de «travailleur» afin qu’une distinction claire soit faite avec le statut de travailleur indépendant dans le cadre de la législation nationale du travail. Une autre difficulté est que cette directive n’a pas encore été transposée par tous les États membres et qu’elle n’est pas appliquée dans la pratique par plusieurs d’entre eux. Il semble donc que les travailleurs détachés ne connaissent même pas leurs droits, et l’objectif de la directive n’est pas atteint. J’ai croisé de nombreux Maltais travaillant dans d’autres États membres et qui n’ont aucune idée des droits que leur confère cette directive. Pour assurer l’efficacité de la directive, il faut donc éviter toute ambiguïté.