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Compte rendu in extenso des débats
Mardi 14 novembre 2006 - Strasbourg Edition JO

10. Séance solennelle - Géorgie
Procès-verbal
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  Le Président. - Monsieur le Président de la République de Géorgie, Mesdames et Messieurs, au nom du Parlement européen, je vous souhaite la bienvenue.

Il y a trois ans, à la suite d’élections parlementaires annulées par le régime de l’époque, éclatait dans votre pays la Révolution des roses, à laquelle l’histoire a depuis associé votre nom, Monsieur Saakachvili.

Encouragés par votre exemple, vos compatriotes ont exigé des élections équitables et la fin de la corruption et de la mauvaise gouvernance qui ruinaient votre pays.

(Applaudissements)

Bien qu’ayant refusé de se plier à vos exigences, le régime précédent a été renversé sans que la moindre goutte de sang n’ait été versée. Le «pouvoir du peuple» a pris le dessus et les Géorgiens ont pu vous élire en masse comme nouveau président.

Monsieur le Président, le Parlement européen a soutenu le processus démocratique dans votre pays. Nous avons envoyé une mission d’observateurs aux élections et notre commission des affaires étrangères a eu l’honneur de vous recevoir peu après votre investiture, non pas ici à Strasbourg, mais à notre siège situé à Bruxelles.

La Révolution des roses a ravivé l’espoir d’une démocratie libre et authentique également dans des régions baltes plus à l’est, dans des régions d’Europe centrale et orientale.

Un an plus tard se produisait la Révolution orange en Ukraine. À l’époque, l’avenir semblait radieux, mais nous assistons aujourd’hui à l’apparition de nombreux problèmes et obstacles sur un chemin qui n’est certainement pas de tout repos.

Vous avez considérablement progressé depuis, mais les conflits qui sévissent dans les régions séparatistes de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie se sont aggravés.

Il est évident que la Russie exerce à présent des pressions intenses sur votre pays - je peux vous assurer que la Géorgie a fait l’objet de longs débats au cours du dîner avec le président Poutine -, et vous disposez aujourd’hui d’une excellente occasion d’expliquer votre situation à ce Parlement, afin que les représentants des peuples d’Europe puissent entendre de votre bouche même les conditions difficiles auxquelles votre pays doit faire face et les problèmes de dépendance énergétique à l’égard de votre puissant voisin.

Le Parlement européen et l’Union européenne dans son ensemble soutiennent pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de votre nation. Soyez-en assurés. Nous avons également dit que les conflits d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie doivent être résolus par le biais de négociations, et exclusivement par des moyens pacifiques. Une solution militaire ne convient pas non plus dans ce cas-là.

Dans une résolution adoptée le mois dernier ici à Strasbourg, nous avons incité la Russie à mettre un terme à tout acte de répression et de harcèlement vis-à-vis des personnes d’origine géorgienne habitant sur son territoire et à abroger toute mesure adoptée récemment contre votre pays, notamment la suspension de l’intégralité des liaisons de transport et des services postaux. Cependant, nous souhaiterions également encourager chacune des parties à s’abstenir de tout commentaire verbal susceptible d’exacerber inutilement les tensions.

Nous estimons que le Conseil et la Commission devraient trouver un moyen d’aider votre pays à surmonter et compenser les répercussions économiques et sociales des mesures russes prises à votre encontre.

Monsieur le Président, permettez-nous d’exprimer le soutien du Parlement européen en faveur de l’adoption du plan d’action relatif à la politique européenne de voisinage par le Conseil de coopération UE-Géorgie qui s’est tenu aujourd’hui à Bruxelles.

Nous vous souhaitons encore une fois la bienvenue. J’espère que votre présence en ce lieu nous offrira la possibilité, via le dialogue, d’éliminer les problèmes qui touchent votre pays et affectent chacun d’entre nous.

Vous avez la parole, Monsieur le Président.

(Applaudissements)

 
  
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  Mikhaïl Saakachvili, président de Géorgie. - (ES) Merci beaucoup pour vos paroles et votre invitation, Monsieur le Président. Ils revêtent une importance considérable pour mon pays.

Mesdames et Messieurs les Députés, je voudrais vous remercier de m’avoir invité aujourd’hui. Que nous nous rencontrions à Strasbourg est particulièrement significatif pour moi. C’est ici que, jeune étudiant arrivant tout droit de l’Union soviétique, j’ai découvert pour la première fois l’Europe dans toute sa diversité et dans toute sa richesse. C’est ici que j’ai entendu parler pour la première fois des droits de l’homme et de l’obligation solennelle qu’a l’état de protéger, plutôt que de persécuter. Quelle révélation! Et c’est ici que j’ai osé rêver qu’un jour, ce que j’avais étudié pourrait s’appliquer à mon pays et que je pourrais semer ces graines qui, aujourd’hui, commencent finalement à porter leurs fruits. À l’époque, c’était un rêve radical, et peut-être même dangereux, mais je ne l’ai jamais oublié.

Strasbourg est également cher à mon cœur pour une autre raison. C’est ici que j’ai rencontré ma femme, Sandra, lors d’un cours sur les droits de l’homme.

(Applaudissements)

J’ai appelé ma mère de la cabine téléphonique de l’Orangerie, en face du bâtiment du Conseil de l’Europe où je faisais alors un stage, pour lui dire que j’avais rencontré une jolie fille originaire des Pays-Bas. Aujourd’hui, elles sont assises l’une à côté de l’autre dans la tribune.

(Applaudissements)

Je suis très fier que notre famille multinationale soit représentée ici aujourd’hui par trois générations, y compris ma grand-mère. Je voudrais donc vous remercier et remercier cette ville et ses institutions de m’avoir apporté la connaissance et l’amour, deux cadeaux précieux dont je ne me séparerai jamais.

Permettez-moi de commencer mon intervention par quelques mots en géorgien. Nous ne voulons pas prendre part à un débat sur la question de savoir si nous appartenons à l’ancienne ou à la nouvelle Europe, car je pense que nous sommes l’Europe la plus ancienne. Nous le suivons donc avec un regard extérieur.

(Le Président s’exprime en géorgien. Il s’agit d’une traduction)

Au nom de mon pays, je voudrais tous vous remercier - l’Union européenne et vous tous, les députés européens, en particulier - pour votre existence et votre activisme.

L’Europe a toujours accueilli en son sein de nombreux peuples différents, grands et petits. Les Géorgiens sont des Européens depuis que Prométhée a été enchaîné à nos montagnes et que les Argonautes sont venus dans notre pays à la recherche de la Toison d’or. Nous ne participons pas aux débats portant sur l’identité de l’Europe et sur l’identité européenne des Géorgiens. Nous sommes une vieille nation européenne. Non seulement les Géorgiens sont des Européens, mais ce sont des Européens enthousiastes. C’est toujours vers l’Europe que nous nous sommes tournés en premier lieu pour chercher de l’aide et un soutien moral dans les périodes difficiles.

Nous sommes unis par un lien commun et indissoluble, un lien basé sur la culture, sur notre histoire commune et sur un ensemble de valeurs que nous partageons, dont la paix et l’établissement de sociétés justes et prospères constituent le cœur. C’est ce qu’on appelle souvent «le projet européen». Mon peuple est fier de participer à ce grand projet et de contribuer à sa stabilité, à sa force et à sa continuité. Sachez que vous avez trouvé, en la Géorgie, un partenaire solide et fiable pour aujourd’hui comme pour demain, car nous partageons un destin commun.

(Le Président s’exprime à nouveau en anglais)

Vous êtes-vous déjà demandé pendant un instant à quoi ressemblerait le monde post-soviétique si l’Union européenne n’avait pas existé? Dans ces moments, je me souviens de la vision et du leadership qui ont conduit à une Europe unie, exprimés de manière si éloquente par Robert Schuman en 1950. Je me demande ce que dirait M. Schuman aujourd’hui si on lui montrait la carte de l’Europe et ses défis actuels.

Sur les décombres de la guerre, vous avez créé une zone de justice, de paix et de prospérité. À cet égard, vos actions ont répondu à ma question, puisque la vision de Robert Schuman continue à vivre.

En particulier, votre volonté d’accueillir de nouveaux membres provenant de l’ancienne région soviétique a significativement renforcé la paix et la démocratie en Europe. La réussite de ces nouveaux états membres encourage des pays comme le mien à avancer, car nous avons profité et profiterons encore de leur expérience et de leur expertise, ainsi que de votre vision et de votre prudence.

Le meilleur moyen pour moi de vous exprimer ma gratitude est peut-être de vous dire que nous voulons prendre modèle sur vous! Mais je voudrais être très clair à ce propos: loin de moi l’idée de vous alarmer en demandant immédiatement que la Géorgie soit admise dans l’Union européenne. L’adhésion n’est pas un objectif immédiat pour nous, mais demeure un objectif à long terme. Ce sont plutôt les principes sur lesquels l’Europe est fondée qui constituent les pierres angulaires de notre développement. Je vois ici des raisons d’être optimiste, grâce au renforcement de notre partenariat. La Géorgie que nous sommes en train de construire se fonde directement sur l’état de droit, les droits de l’homme, la démocratie et la paix. Notre parcours européen a été choisi par le peuple géorgien lui-même. Il incarne, pour eux comme pour moi, l’identité européenne de notre pays. C’est notre seul moyen d’avancer.

Ma venue à Strasbourg intervient à un moment symbolique, puisque nous célèbrerons bientôt le troisième anniversaire de notre «révolution des roses».

Comme beaucoup d’entre vous le savent, la Géorgie était, il y a trois ans, un état en déliquescence. Imaginez un pays où - à part quelques rares privilégiés - chacun devait lutter pour sa survie quotidienne, où l’insécurité et le chaos régnaient et où la sécurité du pays dépendait des intérêts de voisins plus grands. La Géorgie connaissait un niveau élevé de corruption et une injustice endémique. Il ne s’agissait certainement pas d’un état de droit.

Trois ans plus tard, la Géorgie est à peine reconnaissable. Nous sommes en train de réformer nos institutions et notre économie afin d’apporter plus de prospérité et de stabilité à notre population et à notre région. Sans les changements réalisés ces dernières années, nous serions aujourd’hui un état en déliquescence dans notre région, mais aussi dans le voisinage européen.

Aujourd’hui, cependant, je crois que la Géorgie est prête à relever le défi d’être un voisin européen modèle et c’est le message que je voudrais vous faire passer cet après-midi. Je vous dis cela parce que nous avons, au cours de ces trois dernières années, poursuivi sans relâche quatre objectifs directs: la restauration de la démocratie et de l’état de droit, l’éradication de la corruption, la création de revenus pour nos citoyens et la protection de notre intégrité territoriale.

Comme vous l’imaginez, tous ces objectifs sont étroitement liés et nécessitent tous le renforcement des institutions et de la responsabilité publique. Pour que ce projet réussisse, il est essentiel que la poésie de la démocratie soit soutenue par la prose de l’état de droit. Concrètement, cela signifie qu’il faut que les réformes entreprises reposent sur la conviction que la justice doit régner dans le pays. Je parle de justice au sens européen du terme: la démocratie doit être défendue par un ensemble de valeurs et d’institutions offrant une protection et une chance à chaque citoyen. L’état de droit doit prévaloir avec transparence et équité. C’est évidemment plus facile à dire qu’à faire et j’apprécie le soutien de l’Union européenne à la réalisation de ce projet.

Aujourd’hui, la Géorgie a complètement réformé ses forces de police. Par conséquent, les automobilistes géorgiens n’ont plus peur d’être arbitrairement arrêtés par des agents de la circulation réclamant des pots-de-vin. Les entrepreneurs géorgiens ne craignent plus d’être harcelés aléatoirement. Il y a trois ou quatre ans, un sondage réalisé par Gallup en Géorgie montrait que le taux de confiance dans la police s’élevait à moins de 5%. En gros, la police était l’institution la plus détestée dans le pays. Maintenant, le taux de confiance s’élève à plus de 70%. C’est l’une des institutions qui inspirent le plus confiance dans le pays et certainement plus que dans n’importe quel autre pays de la région post-soviétique. C’est un changement important.

Nous avons pris l’engagement irréversible de réformer notre système judiciaire et, par le biais d’une coopération étroite avec les institutions européennes, nous avons créé et sommes maintenant en train de financer un programme pluriannuel complet.

Je voudrais commenter certains points essentiels. Nous renforçons actuellement l’indépendance et le professionnalisme de nos juges et juristes, tout en réduisant les pouvoirs du Président. Grâce aux nouveaux changements constitutionnels, le Président n’aura plus le pouvoir de nommer directement les juges. J’espère que ces changements seront adoptés en décembre de cette année.

Nous sommes en train de réformer notre système de formation juridique et de renforcer la protection des droits de l’homme en formant les agents des services répressifs. C’est une question d’intérêt national. Nous construisons de nouvelles prisons qui satisfont aux normes des observateurs de la situation des droits de l’homme et nous rationalisons les procédures juridiques afin de garantir que les procès se tiennent dans des délais raisonnables. Il s’agit de mettre en œuvre les droits fondamentaux. Nous continuerons à moderniser notre système judiciaire, car sans cela, nos réformes manqueront de fondement.

J’ai l’honneur de pouvoir affirmer que le parlement exerce aujourd’hui un niveau de contrôle sans précédent. En tant que chef de l’exécutif, je peux certifier que les budgets sont passés à la loupe, que le contrôle est rigoureux et que les décisions de l’exécutif tiennent compte de l’avis du parlement.

La Géorgie possède également l’un des environnements les plus favorables à la liberté de la presse, ainsi qu’une communauté d’ONG dynamique. Notre législation en matière de liberté de la presse est l’une des plus libérales - si ce n’est la plus libérale. Malheureusement pour les hommes politiques, en vertu de la législation géorgienne, les médias ne peuvent en aucun cas être poursuivis. C’est une bonne chose, car cela offre plus de possibilités.

Cependant, l’un de mes plus grands regrets à ce jour est sans doute que la Géorgie n’ait pas encore une opposition suffisamment robuste pour défier le gouvernement. Je ne dis pas cela à la légère. Ce n’est pas une bonne chose, mais rien ne serait plus dangereux pour une jeune démocratie que de fabriquer artificiellement une opposition. Il est regrettable que le futur gouvernement n’ait pas une opposition forte, plus responsable et plus compétente, capable de le tester, mais je suis convaincu qu’une opposition de ce genre sera créée au fur et à mesure que la société se développera. Peut-être qu’un jour - mais pas trop vite, j’espère - elle remportera des élections ouvertes et équitables. Nous avons sans aucun doute créé un environnement politique et juridique permettant que cela arrive. C’est maintenant au tour des groupes de l’opposition de franchir l’étape suivante.

Notre processus de réforme est parti d’une idée très simple: celle que chaque citoyen doit se sentir en sécurité. Pour cela, la corruption devait être supprimée et c’était là notre principal objectif. Nous avons mené des réformes économiques offensives et imaginatives afin d’assurer un filet de protection sociale. La Géorgie est aujourd’hui une cible d’investissement intéressante. Notre pays disposant de relativement peu de ressources naturelles, nous n’avons d’autre solution que de faire preuve d’ingéniosité et de discipline. C’est pourquoi nous avons établi les impôts les plus bas d’Europe, quelques-unes des lois les plus flexibles en matière de travail et quelques-unes des procédures commerciales, douanières et réglementaires les plus simples. Les réformes libérales se sont avérées être le meilleur moyen de lutter contre la corruption, tout en garantissant la liberté d’entreprise et la protection des droits de propriété. Elles se sont également avérées être le meilleur moyen de générer des recettes pour que nous puissions construire plus de routes, d’écoles et d’hôpitaux. Il y a deux ans, aucune école géorgienne n’avait accès à l’internet. Aujourd’hui, je suis fier de pouvoir dire que 80% de nos écoles possèdent des ordinateurs et un accès à l’internet et que le processus devrait être achevé l’an prochain. Nous construisons de nouvelles écoles, comparables aux meilleures écoles des Pays-Bas, d’Allemagne ou encore de République tchèque. Cette année, nous en avons construit 340. C’est beaucoup pour un petit pays. Rien que cette année, nous avons construit plus de routes qu’il n’en a été construites depuis l’indépendance en 1991. Lors de sa réunion annuelle, tenue cette année à Singapour, la Banque mondiale a désigné la Géorgie comme le pays où les réformes étaient les plus réussies et l’un des meilleurs endroits dans le monde pour le commerce. En deux ans, nous sommes passés de l’un des pires endroits pour le commerce à l’un des meilleurs.

Cette année, la croissance économique en Géorgie sera forte, puisque, d’après la Banque mondiale, nous sommes également le pays le plus performant en matière de lutte contre la corruption parmi les économies en transition d’Eurasie. En réalité, la BERD nous classe parmi les pays connaissant le moins de corruption en Europe. D’autres chiffres donneront peut-être plus d’indications sur nos réalisations.

En 2004, soit un an après notre Révolution des roses, nous avons connu, pour la première fois depuis 1991, un taux d’immigration et de natalité positif. L’année dernière, pour un pays comptant un peu moins de cinq millions d’habitants, le nombre de citoyens revenus en Géorgie était supérieur de près de 100 000 personnes par rapport au nombre de ceux qui l’ont quittée. Ces Géorgiens de retour ont en réalité voté avec leurs pieds. C’est une histoire incroyable. Je pense donc que l’Europe ne devrait pas avoir peur de s’ouvrir à ces régions, parce que les Géorgiens ne vont pas fuir en Europe du jour au lendemain: ils sont en train de revenir.

(Applaudissements)

Le principal hôpital central de Tbilissi en est un symbole extraordinaire. Il avait cessé d’être un hôpital et était occupé par des déplacés internes à cause de la guerre en Abkhazie. L’année dernière, une équipe importante de professionnels de haut niveau géorgiens est arrivée des états-Unis, d’Espagne, d’Allemagne et de Russie. Ils ont rétabli l’hôpital. Nous les avons aidé en effectuant des réparations. Nous avons aidé les PDI à partir et c’est maintenant l’un des meilleurs hôpitaux du monde. Certains Européens ont dit qu’il n’existait qu’un seul autre hôpital de ce genre en Europe.

Un autre symbole: des Géorgiens tels que Nina Gedevanovna Ananiachvili, qui était la danseuse vedette du Bolchoï, reviennent et essaient de reconstruire notre pays. Cette artiste a quitté une carrière très lucrative au Bolchoï pour revenir et recréer notre groupe de ballet en partant de rien. C’est maintenant un groupe très fort, peut-être l’un des meilleurs de cette région du monde, et il partira bientôt en tournée dans le monde entier.

Notre objectif est maintenant de nous concentrer sur la création régulière d’emplois. Avec mon conseiller économique, M. Marklar, ancien premier ministre de l’Estonie et l’un des architectes du miracle économique estonien, nous avons créé des programmes de formation sur le terrain qui ont remporté un franc succès. Nos réformes dans ce secteur ne seront terminées que lorsque chaque Géorgien aura le sentiment d’avoir une possibilité d’emploi.

La Géorgie est un pays extrêmement chaleureux, accueillant et d’une grande beauté. En fait, je montrais justement au président Borrell un album sur les sites géorgiens. C’est un pays que les touristes européens ont apprécié dans le passé et qu’ils sont maintenant en train de redécouvrir. En réalité, nous sommes, de ce point de vue, la perle de l’Europe.

Je voudrais partager avec vous un court passage des œuvres de Sir Oliver Wardrop, qui a écrit, en 1888, un livre intitulé The Kingdom of Georgia. Il a écrit: «Il n’y a pas de raison pour que la Géorgie ne devienne pas une destination populaire. Ce n’est pas aussi loin que les gens le pensent. Elle a le grand avantage d’être presque inconnue des touristes. Il n’y a pas ce sentiment désagréable de se faire extorquer qu’on peut ressentir plus près de chez nous et puis, c’est meilleur marché que l’écosse». J’espère que ceux d’entre vous qui viennent d’écosse ne m’en voudront pas, je ne fais que le citer. Mais c’est effectivement vrai!

(Rires)

Si l’on examine l’effet combiné de nos réformes, je pense qu’il est approprié d’affirmer que ces mesures nous ont permis de nous rapprocher institutionnellement et culturellement de l’Europe. Avec la politique de voisinage, vous avez fourni un cadre favorisant la poursuite de ce développement. Aujourd’hui, nous signerons le plan d’action, qui traduit la plupart de nos priorités mutuelles en résultats détaillés. Mais nous devons continuer à construire dans l’esprit et dans l’essence de ces efforts. Je veux que mon pays travaille avec l’Europe afin que celle-ci sache qu’elle a, en la Géorgie, un partenaire et un ami absolument fiable.

Notre stratégie s’est cependant révélée irritante pour certains et il semble que le processus de réforme engagé par la Géorgie implique que nous nous écartions des anciennes - mais, à leurs yeux, toujours applicables - sphères d’influence. Je crois que, comme vous l’avez très justement dit il y a deux semaines dans votre déclaration historique sur la Géorgie, l’époque des «sphères d’influence» est révolue.

(Applaudissements)

Je voudrais vous remercier pour cette déclaration et pour les termes spécifiques et appropriés qui ont été employés. Chaque nation doit pouvoir choisir librement les méthodes et les collaborateurs avec lesquels elle veut construire son avenir. Notre stratégie repose sur notre volonté d’être un partenaire sûr et fiable, et non pas un pays satellite apprivoisé et faible. Notre nation jouit d’une longue tradition d’indépendance. Cette indépendance a été interrompue il y a 200 ans avec l’expansion brutale de l’empire russe. Nous avons retrouvé notre indépendance pendant trois brèves années, entre 1918 et 1921, puis elle nous a de nouveau été retirée. Dans quelles circonstances cela s’est-il produit?

En 1921, l’armée bolchevique est entrée en Géorgie et a reconquis le territoire, soi-disant pour protéger une population minoritaire dans l’une de nos régions. Pendant cette période, plus de 500 000 Géorgiens périront dans les goulags, y compris plusieurs membres de ma famille. Nous avons payé un lourd tribut et nous ne voulons pas que cela se reproduise. Nous ne laisserons pas cette histoire se répéter, quoi qu’il nous en coûte. Après tout, nous ne sommes plus en 1938, 1939, 1956 ou 1968, mais en 2006.

Jusqu’à quel point les petits pays devraient-ils sacrifier leurs aspirations de liberté? Combien de fois pouvons-nous demander au plus petit de baisser le ton et de ne pas réagir aux provocations? Espérons que nous n’aurons jamais à renoncer et à dire que la justice est encore, à notre époque, du côté des plus grands, des plus nombreux, des plus forts; que la force fait le droit et pas l’inverse. Espérons que le spectre de cette célèbre phrase prononcée par un homme d’état en 1930, «une querelle dans un pays lointain entre des peuples dont nous ne savons rien», ne sera plus jamais considéré comme une réponse suffisante lorsque notre nation ou toute autre nation européenne sera menacée.

Dieu merci, j’espère que cette politique appartient définitivement au passé. J’espère qu’un jour, les Géorgiens et les fiers représentants de ce pays lointain qu’était alors la République tchèque seront égaux au sein de la famille européenne.

(Applaudissements)

Aujourd’hui, la Géorgie est punie parce qu’elle a choisi de se rapprocher le plus possible de l’Europe et de s’aligner sur les institutions euro-atlantiques. Parce que nous sommes une démocratie, les pressions exercées sur nous n’ont fait que renforcer notre société. Les personnes qui exercent ces pressions ne comprennent pas que faire pression sur une démocratie est le meilleur moyen d’obtenir exactement l’inverse du résultat recherché. Cette situation est devenue de plus en plus difficile puisque, comme vous le savez, la Russie a fermé son marché aux produits géorgiens. Nos vins géorgiens de qualité et notre eau minérale - d’importantes sources de revenus - sont maintenant interdits sur le marché russe. La situation s’est encore aggravée ces derniers mois, puisque la Russie a décrété unilatéralement un embargo total sur le transport et sur les services postaux avec la Géorgie. Il y a quelques jours à peine, Gazprom a annoncé que le prix du gaz pour la Géorgie allait plus que doubler. En clair, l’ensemble de ces mesures peut être désigné sous le terme de «blocus économique».

Je ne cherche pas à exacerber encore les tensions entre la Géorgie et la Russie ou à développer un sentiment anti-Russes en Europe. Nous pensons qu’il y a déjà bien assez de tensions et de dénigrement. Au contraire, il est maintenant temps de faire preuve de diplomatie, de dialoguer et d’identifier de manière constructive nos domaines d’intérêt et de responsabilité mutuels.

(Applaudissements)

Au nom de mon gouvernement et de mon peuple, je me tiens prêt à poursuivre cette approche, car c’est la seule voie possible. Par ces mots, j’invite à nouveau nos collègues et tous nos interlocuteurs à reprendre le dialogue afin de revenir à une situation normale et à une certaine harmonie. Je pense que les dirigeants de nos deux pays partagent la responsabilité de s’assurer que nos relations ne se détériorent pas de façon irréparable. Allons de l’avant avec enthousiasme et armés de bonnes intentions. Comme vous tous, les Géorgiens ne sont et ne seront jamais anti-Russes.

Permettez-moi de citer un autre grand homme d’état européen, Konrad Adenauer, qui a, dans ses mémoires, décrit la situation d’alors en ces termes: «Nous étions un petit pays très exposé. Seuls, nous n’aurions rien pu faire. Nous ne devons pas être une zone tampon entre l’Est et l’Ouest, car nous n’aurions d’amis nulle part et un voisin très dangereux à l’Est».

La géographie est un peu différente aujourd’hui, mais je pourrais également appliquer certains de ces mots à mon pays. Les paroles du chancelier Adenauer résonnent encore aujourd’hui. Notre aspiration européenne est tout simplement de pouvoir nous développer en suivant librement nos choix, en harmonie avec tous nos voisins, comme la plupart d’entre vous l’avez fait il y a des décennies de cela. À cet égard, je pense que les mesures actuelles sont temporaires et qu’à force de patience et de lucidité, à force de dialogue et de respect mutuel, ces mesures seront levées et nos relations pourront et devront se normaliser.

C’est un souhait pour lequel j’ai le soutien sans réserve de mon peuple. Cependant, le seule chose qui me laisse perplexe concernant nos relations avec la Russie est justement cette question qui a été soulevée d’une manière tellement poignante par l’UE à Lahti et à Luxembourg il y a quelques semaines. Il s’agit simplement de la question de la justice.

Je voudrais ici faire référence au grand écrivain russe, Alexandre Soljenitsyne, dont j’ai lu avec ferveur les livres, alors interdits, lorsque j’étais adolescent. Il disait: «La justice est une affaire de conscience: pas une conscience personnelle, mais la conscience de l’humanité toute entière. Ceux qui reconnaissent clairement la voix de leur conscience reconnaissent généralement la voix de la justice».

Je pense que votre solidarité pendant cette période difficile reflète très clairement le sens même de la justice. Car quand des enfants aux noms géorgiens sont renvoyés de leurs écoles, tous nos enfants sont menacés. Quand de célèbres artistes, écrivains, acteurs ou sportifs sont traqués et contraints au silence, nous sommes tous contraints au silence. Quand des milliers de citoyens sont chassés de chez eux et évacués menottes aux poignets, nous sommes tous chassés.

Le peuple géorgien et moi-même vous sommes reconnaissants d’avoir exprimé votre soutien à notre pays. Alors que nous craignions l’isolement, l’Europe a levé l’étendard de nos valeurs. En effet, ce Parlement a été la voix de la moralité en Europe. Nous n’oublierons jamais votre solidarité.

C’est le réveil des valeurs fondamentales auxquelles nous aspirons tous. Nous voyons ces valeurs vivre en Europe, dans votre déclaration.

Lorsque je me suis rendu en Lituanie après que la Russie eut interdit le vin géorgien, j’y ai vu de jeunes volontaires lituaniens, notamment des étudiants des universités de Vilnius et de Kaunas, faire le tour des supermarchés avec leurs professeurs pour demander aux commerçants d’acheter du vin géorgien. Ils disaient que c’était le vin de la liberté, que les Géorgiens payaient le prix de la liberté, qu’il fallait les aider immédiatement et que les commerçants devaient donc acheter ce vin en signe de solidarité.

L’armée polonaise a décrété qu’elle ne servirait que du vin géorgien aux réceptions des officiers. Nous lui en sommes très reconnaissants. Nous n’avons pas besoin d’armes de l’armée polonaise et ce geste nous aide beaucoup.

Cependant, la plus grande expression de solidarité est venue de Russie. En réalité, les voix les plus puissantes que nous ayons entendues venaient de là-bas. J’ai été ému par ces citoyens russes qui se sont exprimés. Les exemples sont nombreux: dans de nombreuses parties de la Russie, des citoyens russes ont défilé dans la rue en portant des étoiles jaunes où il était inscrit «Je suis Géorgien». à Moscou, certains directeurs de lycée ont menacé de renvoyer tout professeur qui remettrait à la police des listes d’étudiants portant des noms géorgiens, au risque d’être eux-mêmes renvoyés sur-le-champ. à Saint-Pétersbourg, des chauffeurs de taxi, auxquels le conseil municipal avait interdit de prendre des passagers qui avaient l’air géorgien ou d’emmener des passagers à l’un des nombreux restaurants géorgiens de la ville, ont refusé d’obéir à ces ordres et ont menacé de partir en grève si on les y poussait.

Les actions individuelles peuvent faire la différence. J’ai été très touché par les mots de la célèbre actrice russe, Inna Tchourikova, qui a récemment déclaré: «Les Géorgiens sont-ils responsables de tous nos malheurs? Je n’aime pas qu’on essaie de m’endoctriner par le biais de la télévision. Je vois déjà le résultat: les gens sont contre les Géorgiens et se retourneront bientôt contre les Arméniens et les autres peuples. C’est honteux! Je voudrais demander à la population: que faites-vous? Réveillez-vous!» Quel courage et quelle détermination!

Je voudrais également honorer un autre individu, l’acteur russe renommé Aleksander Saladasky, qui est aujourd’hui devenu un héros russe moderne parce qu’il a demandé la citoyenneté géorgienne en signe de protestation.

Un autre héros moderne russe, et en fait européen, est Chourchadze, anciennement appelé Chourchine, un jeune étudiant de Saint-Pétersbourg dont j’ai entendu parler dans la presse. Avec plusieurs de ses camarades étudiants, il a fait un geste très courageux et, défiant les politiques de xénophobie et de haine, a changé son nom de Chourchine en Chourchadze, lui donnant ainsi une consonance géorgienne.

Je pense que nous sommes tous inspirés par l’exemple donné par ces citoyens russes qui ont choisi de protester contre cette politique allant à l’encontre de ce que nous appelons les valeurs européennes. Aujourd’hui, je voudrais profiter de ma présence ici, au Parlement européen, pour remercier toutes ces personnes.

Le but de ma venue est de partager avec vous la vision européenne de la Géorgie. Cette vision consiste essentiellement à appliquer aux défis modernes des solutions dignes de l’Europe du XXIe siècle. Nous sommes une petite démocratie qui pense que ce n’est que par et avec l’Europe que notre pays et notre région pourront devenir des partenaires sûrs et durables. Nous sommes inévitablement redevables l’un envers l’autre.

Et donc, par l’approche européenne de conciliation, basée sur l’intérêt mutuel et sur des valeurs communes, nous pouvons trouver des solutions pour créer une société globale où personne n’est perdant.

Afin de satisfaire à ces normes, je voudrais vous apporter quelques garanties et quelques précisions. Beaucoup ont catalogué la Géorgie comme un état provocateur qui essaie de restaurer son intégrité territoriale par la force. Je peux formellement vous assurer que ce n’est pas le cas. Nos intentions sont exclusivement pacifiques, car nous savons ce qu’est la guerre, nous savons à quoi ressemblent ses victimes parce qu’elles vivent parmi nous aujourd’hui, et nous savons que la guerre n’est pas la solution.

J’ai moi-même consacré ma carrière et ma formation à l’étude des droits de l’homme, en me spécialisant particulièrement dans le domaine des droits des minorités. La thèse que j’ai réalisée à l’Institut norvégien des droits de l’homme portait sur les droits des minorités, et plus particulièrement sur ceux des Ossètes du Sud et des Abkhazes. Aujourd’hui, moins de 40 000 Abkhazes vivent en Abkhazie et moins de 20 000 Ossètes du Sud vivent en Ossétie du Sud. Je tiens à ce que vous connaissiez ces chiffres parce qu’on dirait parfois qu’il est question de centaines de millions de personnes. Ils sont très peu et, pour cette raison, je suis particulièrement sensible à leurs inquiétudes. Je sais ce qu’ils ressentent. D’un côté, ces petits groupes sont devenus les pions d’un jeu qui les dépasse - ou, si vous préférez, ils sont les otages de grandes politiques et d’un jeu à somme nulle, liés à la résurgence des ambitions impérialistes. D’un autre côté, ils ont de réels problèmes que je comprends et auxquels je compatis profondément.

Je connais leurs inquiétudes. Nous essayons d’écouter leurs besoins et d’y répondre. Malheureusement, trop de personnes souffrent encore de ces conflits. Plus de 300 000 personnes d’origine géorgienne, ainsi que des Juifs, des Grecs, des Russes et des Ukrainiens, ont été chassées d’Abkhazie. Encore aujourd’hui, nous voyons les propriétés des personnes expulsées habitées par d’autres ou, bien souvent, vendues illégalement. En fait, l’un des cinéastes franco-géorgiens les plus célèbres, Otar Ioseliani, a récemment fait remarquer, alors qu’il commentait la récente campagne, que l’histoire semblait se répéter et qu’elle prenait les mêmes personnes pour cible pour la deuxième fois. Il a reproché au monde de rester silencieux, tout comme il l’avait été la première fois.

Il a dit ceci: «L’administration russe a entrepris un premier nettoyage ethnique en Abkhazie en 1993. Cinq cent milles personnes sont alors devenues des réfugiés. Celles qui n’ont pas pu s’échapper en traversant les montagnes ont été massacrées par les mercenaires, qui ont dévasté et détruit le pays. Et là aussi, tout le monde est resté silencieux». Et maintenant, ces mêmes personnes sont interpellées dans les rues de Moscou. En me rendant au Parlement européen ce matin, j’ai rencontré deux personnes venant d’Abkhazie. Elles m’ont dit qu’elles avaient été déportées de Russie et avaient payé un pot-de-vin à un policier pour être déportées en France. Ça recommence. C’est arrivé en 1993 et ça recommence.

Voici donc le lourd passé dont nous avons hérité. Aujourd’hui, nous ne sommes pas avides de vengeance. Les peuples ossète et abkhaze sont nos concitoyens, et j’en arrive ici encore aux mots indémodables de Sir Oliver Wardrop, qui écrivait en 1888 dans son livre The Kingdom of Georgia: «En tout premier lieu, il convient d’ôter de l’esprit du lecteur une idée qui est présente presque partout en Europe et qui est peut-être la raison principale de cette indifférence des hommes politiques à l’égard du Caucase. La Transcaucasie est souvent considérée, même par certaines personnes ayant déjà visité le pays, comme étant habitée par un grand nombre de tribus, plus ou moins sauvages, n’ayant rien en commun sinon l’avantage incertain d’être dominés par les Russes. Rien n’est plus trompeur. Les étudiants en ethnographie peuvent s’amuser à mener des études complexes sur l’origine des Khevsours, des Svanes, des Pchavs, des Ossètes (et des Abkhazes), il nous suffit de savoir que tous ces peuples sont, au moins d’un point de vue politique, géorgiens et qu’ils combattent au côté des rois des Kartévliens depuis l’époque de Guillaume le Conquérant».

La Géorgie est un état pluriethnique et je crois que cette diversité, ce mélange, est l’une de nos plus grandes forces. Ce n’est pas une faiblesse, mais bien une force.

J’étais très fier d’ouvrir, il y a quelques jours, une nouvelle école de langue ossète en dehors de l’Ossétie du Sud, le territoire que nous contrôlons. Maintenant, nous avons deux fois plus d’écoles de langue ossète en dehors de l’Ossétie du Sud qu’il n’y en a à l’intérieur.

Nous sommes toujours un état unitaire, mais nous sommes assurément ouverts à tout type d’accords permettant de satisfaire toutes les minorités. Chacune d’entre elles jouit d’une large autonomie, comme celles du Tyrol du Sud ou de bien d’autres endroits en Europe. Pour ces raisons, notre tâche est de tendre la main pour obtenir la paix, la justice et la réconciliation. Nous devons nous efforcer de résoudre nos problèmes par la négociation et le compromis afin que ces régions et tous ces peuples qui les habitent puissent connaître la même prospérité et les mêmes garanties en matière de sécurité que le reste de la Géorgie aujourd’hui.

Certains disent que nos problèmes avec les séparatistes sont simplement une affaire interne à la Géorgie. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Nos différents sont restés parce qu’ils reposent sur des revendications territoriales à répétition - vestiges de la période soviétique, lorsque l’empire s’est effondré et que les élites ont essayé de conserver leurs privilèges et leurs fiefs. Les généraux ont mené des guerres pour garder leur datcha en Abkhazie, car les datchas étaient les principales propriétés privées à l’époque soviétique, et ils s’y accrochent encore.

Dans ce scénario, la tactique visiblement employée aujourd’hui est d’aider les mandataires locaux en créant des blocages institutionnels aux discussions bilatérales et aux négociations. Dans ce scénario, les grands perdants sont la population et les générations futures, nées dans un climat de peur et de haine.

Mon message cet après-midi est un message de réconciliation et d’ouverture visant à la reconnaissance et à la protection des droits des minorités. Nous ne pouvons continuer à appliquer des solutions venant tout droit du XIXe ou du XXe siècle. Nous faisons appel à votre objectivité, à votre intérêt et surtout à votre loyauté lorsque vous évaluerez ces défis.

J’ai l’espoir qu’on saura reconnaître la conviction et la responsabilité qui sont les miennes en ma qualité de dirigeant démocrate. Je ne resterai jamais silencieux ou inactif face à une lourde menace pour la démocratie, pour l’intégrité territoriale de mon pays. Mais dans une situation aussi difficile, la Géorgie doit faire preuve de calme et se montrer constructive. C’est justement ce que nous ferons.

Nous avons pour but de poursuivre nos réformes politiques, sociales et économiques, aussi difficiles qu’elles soient, et de mettre à profit nos succès et nos progrès pour envoyer un signal positif.

Dans les années 90, la Russie a eu recours à l’arme du blocus économique pour empêcher l’intégration des Pays baltes à l’Union européenne, mais en définitive, ces blocus n’ont eu pour seul effet que d’accélérer la réorientation des économies baltes de l’Est vers l’Ouest. Il en ira de même en Géorgie.

Je profite aujourd’hui de ce forum pour proposer une voie qui appelle au renforcement de la coopération entre l’Union européenne et la Géorgie et notamment en consolidant notre coopération en matière de politique de voisinage, en recherchant les moyens d’approfondir cette relation afin que la Géorgie devienne à tout jamais un modèle qui démontre ce que l’exemple européen peut accomplir. Nous sommes prêts. Mais pour y parvenir nous avons besoin de vos juges, de vos juristes, de vos économistes, de vos experts en matière de sécurité.

Nous voulons une Géorgie qui sécurise ses frontières afin que l’Europe elle-même soit plus sûre. Nous pouvons surmonter l’incidence de l’embargo actuel avec votre engagement, notamment si la possibilité nous est offerte de commercer librement avec la Turquie et de progresser dans cette voie avec l’Union européenne.

Épargnez-nous de devoir demander votre aide en nous autorisant à commercer! Travaillons ensemble pour surmonter nos controverses territoriales.

J’ai proposé de m’entretenir avec Moscou ainsi qu’avec les chefs des régions séparatistes, afin de trouver un terrain d’entente. Nous avons demandé aux capitales européennes d’intervenir pour faciliter ce processus. Le moment est venu de bâtir la confiance!

Avec l’OSCE, les Nations unies et l’Union européenne nous avons offert les formes d’autonomie les plus larges à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie, et je réitère cette proposition devant vous aujourd’hui.

Nous qui, par le passé, avons tous été victimes des guerres, construisons ensemble aujourd’hui un avenir meilleur!

Il n’est pas dans l’intérêt de l’Europe, de la Russie et des pays voisins de l’Europe de permettre que ce problème perdure sans instaurer un cadre nouveau pour les défis émergents.

Donc, si nous voulons éviter le séparatisme rampant, nous devons ouvrir une nouvelle voie, une voie européenne qui concilie inspiration individuelle à l’autodétermination et intégrité territoriale. C’est crucial pour notre sécurité collective. Et ensemble nous pouvons y arriver.

C’est un honneur pour moi d’avoir pu partager avec vous aujourd’hui mes observations et mes réflexions sur le choix européen de la Géorgie. Je pense que la voie à suivre - celle de l’engagement et du bénéfice mutuel - trouve plus d’écho dans les capitales d’Europe et dans les institutions européennes, et cela devrait être encouragé.

Pour conclure, je voudrais revenir aux paroles de Robert Schuman qui a dit: «L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait». Je crois qu’aujourd’hui, nous voyons naître cette solidarité. Elle est sans aucun doute présente dans cette Assemblée, mais elle est présente également dans nos cœurs et dans nos actes tandis que nous avançons côte à côte.

(L’Assemblée, debout, applaudit l’orateur)

 
  
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  Le Président. - (en géorgien) Je vous remercie pour votre discours, Monsieur le Président.

(Applaudissements)

Comme vous pouvez voir, mon géorgien est bien pire que votre espagnol. Mais en tout cas, c’est une façon de vous exprimer l’affection avec laquelle le Parlement européen vous a reçu.

Le Parlement européen s’est lié d’amitié avec la Géorgie, ce qu’il a démontré dans sa dernière résolution appelant à la fin des agressions contre les citoyens géorgiens. En outre, il espère que votre présence et vos paroles en cette Assemblée contribueront à améliorer la situation en ce qui concerne les relations entre votre pays et la Russie.

Vous pouvez compter sur nous, Monsieur le Président. Didi madloba.

 
  
  

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE MOSCOVICI
Vice-président

 
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