La Présidente. - L’ordre du jour appelle le rapport (A6-0057/2007) de M. Hasse Ferreira, au nom de la commission de l’emploi et des affaires sociales, sur les services sociaux d’intérêt général dans l’Union européenne (2006/2134(INI)).
Joel Hasse Ferreira (PSE), rapporteur. - (PT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, ce fut pour moi un honneur et une grande responsabilité d’élaborer le rapport sur les services sociaux d’intérêt général (SSIG). Le but que je m’étais fixé consistait à rédiger un premier rapport exposant, d’une part, les grandes lignes de mon analyse et, d’autre part, les propositions en la matière. J’ai cherché à obtenir non seulement l’accord du groupe parlementaire dont je suis membre mais également, eu égard à la structure, au style et à l’approche générale du rapport, un accord plus vaste. En d’autres termes, cet accord était destiné non seulement à être discuté au sein de la commission de l’emploi et des affaires sociales, mais également en séance plénière du Parlement européen. Il avait également pour intention d’obtenir le soutien de la majorité des membres du Conseil et de la Commission. Je souhaiterais également que la plupart des organisations sociales, qui m’ont beaucoup aidé dans l’élaboration du présent rapport, le considère comme un instrument utile permettant d’obtenir une clarification juridique du secteur social et comme un moyen permettant de donner une nouvelle visibilité et un nouvel élan aux SSIG à l’échelon européen.
J’avais écrit, en novembre, que l’exposé des motifs et le rapport présenté visaient à contribuer au renforcement du volet social du processus de construction européenne, en garantissant la sécurité juridique nécessaire aux acteurs sociaux et aux pouvoirs publics, en assurant la transparence financière et la compatibilité nécessaire avec les règles applicables dans le marché intérieur, et en améliorant la qualité des services fournis dans le respect du principe de subsidiarité et compte tenu de la nécessité de concrétiser la stratégie de Lisbonne sur le terrain social. Ce dernier point requiert par conséquent un vaste soutien de la part de l’Assemblée en faveur du présent rapport de même que l’implication des organisations sociales présentes à l’échelon européen ainsi qu’un soutien adéquat de la part de la Commission, du Conseil et des États membres.
Le rapport sur lequel vous êtes amenés à vous prononcer aujourd’hui mentionne un grand nombre de points importants pour garantir le bon fonctionnement des SSIG. Permettez-moi de souligner les points suivants: les SSIG représentent un moyen propre à renforcer la dimension sociale de la stratégie de Lisbonne, à atteindre les objectifs de l’Agenda social et à aborder des défis tels que la mondialisation, les mutations industrielles, le changement démographique, les migrations ainsi que le changement des modèles sociaux et de travail, en contribuant ainsi au développement d’une Europe sociale.
Dans son rapport, le Parlement appelle la Commission et les États membres à respecter la diversité des modalités d’organisation et de gestion des SSIG, et de ressources et méthodes de financement de ces services. Le Parlement signale également que, dans quelques États membres, la décentralisation des pouvoirs permettant aux autorités régionales ou locales de mieux contrôler la prestation de SSIG n’a pas été accompagnée d’une allocation budgétaire suffisante qui permette un niveau adéquat de prestation de ces services. Le Parlement demande donc aux États membres de faire en sorte que tout transfert de compétences en faveur des pouvoirs régionaux ou locaux pour la prestation de SSIG soit accompagné d’une allocation budgétaire adéquate.
Le rapport recommande également la convocation d’un forum, sous les auspices du Parlement européen, destiné à réunir des organisations sociales européennes et des représentants du Conseil et de la Commission en vue de piloter ce processus.
Mesdames et Messieurs, grâce à votre soutien, ce processus permettra d’avancer sur la voie du renforcement de l’UE mais aussi de la dimension sociale de l’Europe. Les conditions politiques sont, selon moi, présentes pour garantir une implication étroite de la Commission, du Conseil, des organisations sociales et des États membres dans ce processus ainsi qu’une participation utile et adéquate des entreprises, des syndicats et des partenaires sociaux.
Grâce à notre vif engagement, les mesures nécessaires pour clarifier avec davantage de précision la situation juridique des SSIG seront certainement prises et elles devraient, selon moi, être présentées devant l’Assemblée dès que l’occasion se présente.
Je suis persuadé que dès cette semaine nous parviendrons à progresser sur la voie de la clarification du rôle des SSIG et du renforcement du volet social de l’Union européenne.
Vladimír Špidla, membre de la Commission. - (CS) Madame la Présidente, permettez-moi de remercier M. Hasse Ferreira pour son rapport ainsi que pour les efforts déployés en vue d’atteindre un vaste consensus. Je me réjouis de constater que vous avez largement soutenu l’approche présentée par la Commission dans sa communication d’avril 2006. La contribution apportée par le Parlement à nos discussions est très importante pour définir un accès systématique aux services sociaux d’intérêt général (SSIG). Cette approche devrait clarifier la conformité avec les règles communautaires applicables aux SSIG et contribuer à la modernisation de ces services dans un cadre défini et prévisible, ce qui assurera et étayera, à son tour, leurs principaux objectifs sociaux.
Le rapport de M. Hasse Ferreira souligne en particulier le rôle capital joué par les SSIG en tant que composants importants du modèle social européen, l’importance de ces services pour la stratégie de Lisbonne, la nature particulière des SSIG ainsi que la nécessité de clarifier le cadre juridique applicable à ces services afin de les rendre plus clairs et plus prévisibles. À ce propos, je suis entièrement d’accord avec l’idée selon laquelle ce n’est pas la mise en œuvre de règles économiques qui s’oppose aux notions d’intérêt général et de cohésion sociale. Comme le souligne le rapport, les mesures prises font partie des actions que nous menons en vue d’améliorer la coopération entre le secteur social et le secteur économique. En cas de désaccord - et le président de la Commission, M. Barroso, l’a récemment rappelé à l’Assemblée -, l’intérêt général doit cependant l’emporter sur les règles régissant le marché intérieur et la concurrence économique.
Le rapport met l’accent sur la qualité, tant en ce qui concerne les services sociaux fournis aux particuliers qu’à propos de l’emploi dans ce secteur. Le Parlement a raison de se montrer intransigeant sur ce point. Nous devons toutefois trouver le juste équilibre entre la protection qu’attendent les prestataires des services et la qualité que souhaitent, à juste titre, les utilisateurs et les organes qui financent ces services. À ce propos aussi, M. Barroso nous a rappelé à quel point il était important que chaque cadre régissant les services d’intérêt général à l’échelon européen repose sur des objectifs tels que la qualité élevée, le bon rapport qualité-prix et un accès universel.
La Commission entend organiser une consultation avec les États membres et d’autres parties intéressées par ce thème. Elle s’inspirera des résultats de cette consultation ainsi que, bien sûr, des avis exprimés par le Parlement pour définir les prochaines étapes. Je compte investir toute l’énergie qui est en moi dans le but de garantir la sécurité juridique tant désirée et d’améliorer la qualité des services sociaux en veillant à assurer la compatibilité avec le principe de subsidiarité. Dans cet esprit, la Commission envisage, comme elle le signale dans sa communication d’avril 2006, la possibilité de présenter un projet de législation.
Je sais que le Parlement demande de disposer de périodes de temps bien définies pour achever la consultation annoncée par la Commission. Je peux vous assurer que la consultation sera terminée pour la fin du mois de juin. Je me félicite également de l’initiative du Parlement de réunir un forum qui accompagnera ce processus. Je serai ravi de représenter la Commission lors de ce forum.
Bernhard Rapkay (PSE), rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et monétaires. - (DE) Madame la Présidente, bien que je m’exprime bien entendu au nom de mon groupe, je m’adresse avant tout à vous en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et monétaires.
Je ne peux que partager l’opinion du rapporteur, M. Hasse Ferreira, et souscrire au contenu de son rapport en ce sens que les services d’intérêt général ne constituent pas seulement un important élément de cohésion économique et sociale, mais qu’ils contribuent aussi de façon significative à la compétitivité de l’économie européenne, et c’est particulièrement vrai pour les services d’intérêt général qui présentent un caractère social.
Il ne m’incombe pas d’évaluer en détail les propositions formulées par M. Hasse Ferreira, mais je suis tenu d’attirer une nouvelle fois votre attention sur les points que l’Assemblée avait déjà résolus antérieurement sur la base de mon propre rapport relatif au Livre blanc sur les services d’intérêt général. Je ne peux que confirmer que M. Hasse Ferreira a tenu compte des points qui avaient été élaborés par notre commission sur ce sujet et qu’il l’a fait d’une manière que nous jugeons satisfaisante.
Les services d’intérêt général sont censés être de qualité élevée, accessibles et disponibles universellement tout en étant fournis à un prix optimal, dans le respect de l’équilibre social et sur la base d’une sécurité d’approvisionnement durable. Il va sans dire que des services d’intérêt général peuvent être fournis dans le cadre d’une concurrence loyale, mais il convient parallèlement de garantir l’application du principe de l’égalité de traitement entre entreprises privées et entreprises publiques quoique nous devions veiller à ce que les règles du marché n’entravent pas les performances des services publics. La meilleure façon de garantir ce point consiste à adopter des mesures ciblées et des règlements spécifiques à chaque secteur, ce qui nécessitera une évaluation régulière des services publics au sein de l’Union européenne dans le but de déterminer les secteurs à propos desquels des propositions doivent être élaborées pour résoudre certains problèmes.
Nous avons déjà insisté auprès de la Commission pour qu’elle fasse quelque chose en vue d’améliorer la sécurité juridique dans ces domaines et, si nécessaire, élaborer une proposition de directive sectorielle; je ne peux actuellement qu’insister une nouvelle fois sur cette nécessité.
Roberto Musacchio (GUE/NGL), rapporteur pour avis de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire. - (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, ayant été rapporteur fictif à propos de cette mesure, je m’adresse à vous au nom de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, qui a adopté un avis en la matière. J’ai essayé de mettre en évidence un point de discussion qui ne soit pas une simple copie du domaine qui avait caractérisé la directive Bolkestein. Mon groupe et moi-même étions opposés à cette directive dans la mesure où elle visait à «marchandiser» les services en général.
Bien que j’y sois toujours opposé, j’ai essayé de définir les exigences de l’Europe en matière de services sociaux pour l’ensemble de ses habitants. Ils doivent, selon moi, être universels, accessibles à tous, administrés d’une manière démocratique et donc véritablement pour les citoyens; en d’autres termes, ils diffèrent des services commerciaux et ils requièrent donc une base juridique différente et distincte.
Cet avis a obtenu le soutien de la commission de l’environnement et je crois qu’il peut aussi être utile dans le cadre de la discussion sur les fournitures en général.
Luisa Fernanda Rudi Ubeda (PPE-DE), rapporteur pour avis de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs. - (ES) Madame la Présidente, je m’exprime dans le cadre de cette séance en qualité de rapporteur pour avis de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, qui a adopté cet avis à une large majorité.
Certaines considérations ont été incluses, soit dans l’esprit soit de façon plus explicite, dans le rapport que nous a présenté cet après-midi M. Hasse Ferreira.
Je voudrais vous expliquer certaines idées contenues dans le rapport rédigé par la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs ainsi que certains traits caractéristiques de ce qu’on appelle des services sociaux d’intérêt général.
Il est indéniable que tous ces services font partie de ce qu’on appelle dans les grandes lignes et d’une manière qui est difficile à définir avec précision le modèle social européen - un modèle qu’ils ont contribué à façonner.
Un autre aspect que tout le monde accepte est de dire que ces services doivent être intégralement soumis au principe de subsidiarité de sorte qu’il incombe aux États de définir non seulement le domaine auquel ils s’appliquent, mais également le modèle et le système.
Il y a un autre aspect que, selon moi, tout le monde accepte et qui consiste à dire que nous vivons dans un environnement dynamique dans lequel tant les exigences de la société que l’inclusion de nouveaux services sociaux sont en évolution et mutation permanentes.
Enfin, en tant que rapporteur pour avis de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, je voudrais attirer votre attention sur une autre nécessité: celle de faire en sorte que les mesures prises en faveur des services sociaux soient compatibles avec la sécurité juridique et la libre concurrence.
N’oublions pas que chaque État a des modèles différents pour l’application des services. Dans le cas des services publics, les services sociaux doivent être garantis par les administrations publiques bien que ce ne doive pas nécessairement être elles qui les fournissent directement.
C’est pourquoi, lorsque des fournisseurs privés apparaîtront, j’estime que l’Assemblée et la Commission devront être conscientes, tout en respectant les caractéristiques spécifiques de ces services sociaux d’intérêt général - étant donné surtout les emplois qu’ils génèrent -, de la nécessité de garantir la sécurité juridique de ces fournisseurs de services qui souhaitent opérer dans l’ensemble de l’Union européenne.
Gabriele Stauner (PPE-DE), rapporteur pour avis de la commission des affaires juridiques. - (DE) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, la commission des affaires juridiques s’est efforcée, à travers un débat en profondeur, d’exposer de façon cohérente les problèmes juridiques qui ont été révélés par la directive sur les services, notamment par rapport aux services de santé - point sur lequel la Commission aura certainement des choses à dire. La principale commission parlementaire en la matière - celle de l’emploi et des affaires sociales - a largement tenu compte de nos propositions et je lui en suis reconnaissante. Nous avons considéré qu’il était tout aussi important de signaler que la commission des affaires juridiques avait de sérieux doutes quant à savoir si une réglementation européenne pouvait réellement améliorer les services sociaux à l’intention de la population et nous nourrissons les mêmes doutes quant à son efficacité.
Quoi qu’il en soit, toute réglementation considérée par la Commission doit reposer sur une base juridique non équivoque et nous ne pensons pas que l’article 16 du traité instituant la Communauté européenne puisse en être une dans le cas qui nous occupe. La commission des affaires juridiques considère qu’il s’agit ici d’un exemple classique de la nécessité d’appliquer le principe de subsidiarité. Au niveau des États membres, les services sociaux revêtent les formes les plus diverses, ayant évolué conformément aux propres traditions de ces États et étant financés selon des modalités tout à fait différentes. C’est pourquoi la commission des affaires juridiques a décidé qu’en vertu du principe de subsidiarité, il incombait exclusivement aux États membres de définir les services sociaux d’intérêt général; c’est là un autre point important qui a été inclus dans le rapport.
Il résulte évidemment de cette situation que la Commission ne peut revendiquer le moindre droit de poser des définitions en faisant remarquer, par exemple, des différences d’interprétation de concepts en matière de jurisprudence de la Cour de justice ou autre. Je voudrais également attirer l’attention de l’Assemblée sur la contradiction qui existe entre les points 12 et 16 de l’exposé des motifs; nous en avons pris note et nous ne l’avons par conséquent pas incorporée dans le texte du rapport.
Edit Bauer (PPE-DE), rapporteur pour avis de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres. - (HU) La commission des droits de la femme et de l’égalité des genres estime que la question des services publics revêt une importance clé dans la perspective d’atteindre les objectifs fixés par la stratégie de Lisbonne et qu’en outre aucune solution adéquate ne peut être trouvée à nos défis démographiques sans une stratégie visant à développer de tels services.
Permettez-moi de relever deux points parmi cet ensemble de problèmes: celui de l’accessibilité et celui de la qualité. Dans la mesure où le respect des droits de l’homme constitue un élément fondamental de nos attentes concernant les services sociaux, aucun pays n’est dispensé de l’obligation de lier ces services et les fournisseurs de ces services à des autorisations et des contrôles appropriés. Les personnes qui font appel aux services sociaux se retrouvent généralement en situation de vulnérabilité.
L’accessibilité de ces services constitue une autre exigence fondamentale. Dans la mesure où la crise démographique à laquelle l’Europe est confrontée ne peut être résolue sans un réseau de services sociaux approprié, force est d’insister sur le fait que la charge financière de tels services ne peut être transférée exclusivement vers les citoyens voire vers les autorités locales, à qui on impose des charges de plus en plus lourdes.
L’expérience des nouveaux États membres montre que l’endettement inexorable des autorités locales atteint des proportions effrayantes, car elles ne disposent pas des fonds nécessaires pour leur permettre de couvrir les services et domaines de compétence que l’État leur a transférés. On ne peut pas non plus demander au monde des affaires de supporter l’ensemble des coûts, mais la proposition selon laquelle il convient de partager la charge mérite d’être examinée pour autant que le monde des affaires reçoive un soutien et des incitants suffisants tels que des allégements fiscaux.
En réalité, étant donné le principe de subsidiarité, cette responsabilité relève tout naturellement de la compétence des États membres, mais on ne peut nier le fait qu’un échange des bonnes pratiques et un système de coordination ouverte pourraient s’avérer extrêmement utiles dans ce domaine.
Iles Braghetto, au nom du groupe PPE-DE. - (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, il est capital de nous poser les questions suivantes: que sont les services sociaux d’intérêt général, comment sont-ils organisés dans la société actuelle et quel est leur rôle dans le cadre de la construction d’une Europe des libertés et de la solidarité? Ils font partie du modèle social européen que souhaite l’Union européenne et ils constituent un objectif prioritaire de la stratégie de Lisbonne. Tout cela se résume à la question de la relation complexe qui doit être établie entre les citoyens, la société et l’État - relation qui doit être conforme avec le principe de subsidiarité.
Les services sociaux d’intérêt général doivent garantir le fait que chaque personne a une valeur égale et dispose des mêmes chances, tout en assurant sur le plan pratique la primauté de l’individu sur les institutions et celle de la société civile sur le pouvoir politique. Nous devons donc éliminer toutes les ambiguïtés et fournir une sécurité juridique afin de mettre en œuvre en Europe un système de services sociaux répondant aux besoins des gens et utilisant au mieux les ressources de la société civile.
Le Parlement représente sans nul doute le meilleur endroit pour mener une réflexion approfondie sur ces questions. Le rapport sur lequel nous allons nous prononcer est le résultat d’un compromis approuvé par une majorité de députés. Il représente le point de départ d’une discussion qui aura lieu dans l’attente de la proposition législative que nous présentera la Commission.
Jan Andersson, au nom du groupe PSE. - (SV) Madame la Présidente, permettez-moi de remercier tout d’abord le rapporteur, M. Ferreira, pour le travail constructif qu’il a réalisé et pour être parvenu à obtenir une vaste majorité en faveur de sa proposition en commission. Les services sociaux d’intérêt général avaient été exclus de la directive sur les services. Il y avait une raison pour cela: ils présentent un caractère très spécial qui diffère de celui des services commerciaux; c’est pour cette raison qu’ils ont été exclus. Leur caractère spécifique fait qu’ils bénéficient souvent d’un financement public, soit intégralement soit partiellement.
Ils ne sont pas destinés à des groupes; ils reposent avant tout sur la capacité à payer. Au contraire, certains services - par exemple, les services de garde d’enfants dans mon propre pays, la Suède - sont destinés à tout un chacun. Certains de ces services sont destinés à des personnes dont les besoins sont spécifiques: par exemple, les personnes âgées qui nécessitent des soins particuliers ou les handicapés dont les besoins sont spécifiques. Tout le monde doit être traité de la manière la plus égale possible.
La manière dont ces services sont organisés varie d’un pays à l’autre en Europe. Ils sont souvent organisés à l’échelon local. Ils sont gérés d’une façon démocratique, souvent à proximité des gens, et ils sont souvent administrés dans le cadre du secteur public par des fonctionnaires. Il arrive toutefois qu’on ait affaire à des coopératives voire à des sociétés privées. Les organisations elles-mêmes prennent des décisions au niveau local quant à la manière dont elles veulent que l’activité soit administrée.
Les services sociaux sont importants pour l’Europe. Ils sont importants pour plusieurs raisons, mais ils sont surtout importants pour ceux qui utilisent les services publics. Ils contribuent à l’égalité, y compris à l’égalité des genres. Comme l’a déclaré M. Rapkay, les services sociaux sont importants pour l’économie, car le reste de l’économie ne pourrait fonctionner s’il n’y avait pas de services sociaux dans les différentes parties de l’Europe, et ils sont surtout importants pour l’emploi dans la mesure où un grand nombre de personnes, en particulier des femmes, travaillent dans le secteur des services sociaux.
Pour ce qui est de l’importance de ces questions pour l’Europe, nous pouvons discuter de ce qu’il nous faut à l’échelon européen. Je partage l’avis exprimé par M. Rapkay ainsi que par la majorité de mon groupe selon lequel il nous faut une sorte de directive sectorielle dans le but précisément de pouvoir insister sur le caractère distinct de ces services et de les dissocier des services commerciaux. Il nous faut une telle directive, non pas dans le but de retirer les services sociaux de l’échelon local ou de susciter une situation qui serait contraire au principe de subsidiarité, mais en vue de protéger de tels services sur la base des activités qu’elles mènent actuellement et qui reflètent la diversité de nos États membres.
Sophia in ‘t Veld, au nom du groupe ALDE. - (NL) Madame la Présidente, je me sens un peu lasse, car j’ai l’impression que cela fait des centaines de fois que nous menons un tel débat et qu’à chaque fois les mêmes arguments ressortent. Cela fait des années que nous faisons la même chose. Nous sommes du même avis quant à l’importance des services sociaux d’intérêt général; c’est incontestable. Par contre, je ne partage pas la conclusion automatiquement tirée selon laquelle les règles du marché ne devraient pas être applicables dès qu’il est question du label «social».
Nous sommes tous favorables au principe de subsidiarité, mais qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie-t-il, comme je le pense, que ce sont les pays ou les autorités locales qui peuvent décider eux-mêmes la manière dont ils organisent leurs services ou cela signifie-t-il, comme d’aucuns le pensent, que les règles du marché, les règles régissant une concurrence loyale ne sont pas d’application?
Je ne suis pas favorable à une législation lorsque ce n’est pas nécessaire. Nous devons attentivement identifier les domaines qui posent problèmes et concevoir des solutions, tout cela accompagné, si nécessaire, d’une législation. Nous n’avons pas besoin, comme je l’entends depuis des années dans cet hémicycle, d’un cadre législatif ni d’une directive sectorielle. Nous devons avant tout clarifier la situation juridique et je voudrais, à cet égard, féliciter la commission des affaires juridiques dont j’approuve sans réserve la contribution.
D’autre part, de nombreuses personnes pensent que si quelque chose a le label «social», il s’agit toujours de petits services, qui ne se suffisent pas à eux-mêmes. Il est évident que nous devons soutenir de tels services et, en réalité, le Traité le prévoit. Le logement social représente, par exemple, une affaire de plusieurs millions. Il s’agit peut-être d’un domaine social en faveur d’une communauté, mais il brasse des sommes considérables et les intérêts en jeu sont les mêmes que pour les entreprises, les syndicats, les employeurs, les responsables politiques, etc.
Ce qui fait actuellement défaut, c’est l’intérêt du citoyen en tant que consommateur et acheteur de ces services; c’est cela qui, selon moi, doit prévaloir. Dans de nombreux cas, la concurrence a permis d’améliorer la fourniture de services et d’augmenter les tarifs, et, en cas de nécessité, le gouvernement peut toujours venir en aide et protéger les utilisateurs. C’est ce qui est inscrit dans le Traité et je ne vois aucune raison d’y apporter actuellement un réajustement général.
PRÉSIDENCE DE M. DOS SANTOS Vice-président
Jean Lambert, au nom du groupe des Verts/ALE. - (EN) Monsieur le Président, je voudrais rebondir sur un point qui a été soulevé par un ou deux collègues, à savoir le fait que de nombreux utilisateurs de services sociaux ne sont pas, d’une certaine façon, des consommateurs usuels. Ce sont des personnes qui ont des besoins sociaux particuliers, raison pour laquelle nous considérons que les services sociaux ont une mission différente, voire une organisation différente, par rapport à la consommation générale. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons retiré ces services de la directive sur les services. Nous estimions en effet que règles du marché qui s’appliquent aux agences de voyage, entreprises de construction ou autres activités du secteur des services généraux ne s’appliquent pas à ceux-ci.
Il est vrai que ces services, nous les avons conçus dans le cadre de la subsidiarité, et que bon nombre d’entre nous étaient très heureux qu’ils restent entre les mains des États membres, qui ont le droit de décider des services offerts et de leur organisation. Mais ces services sont tiraillés dans au moins deux directions. Ils subissent tout d’abord des pressions internationales par le biais de l’AGCS, raison pour laquelle nous avons remis sur la table un amendement rédigé par la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs. Ils subissent ensuite les pressions du marché à l’intérieur de l’Union européenne, qui commencent progressivement à éroder et à restreindre les droits des États membres à décider de l’organisation et du financement de leurs services.
C’est la raison pour laquelle bon nombre de députés de ce Parlement estiment que nous n’avons pas seulement besoin de clarté juridique, mais qu’il nous faut également nous pencher sur la protection juridique car, pour l’instant, le seul instrument dont disposent les États membres est le Traité. Il arrive, parce qu’ils ont choisi d’offrir leurs services d’une certaine manière, qu’ils doivent faire face à des conséquences imprévues en raison des pressions exercées par le marché.
Pour ce qui est de ce rapport, mon groupe estime que la version originale instaurait un cadre de qualité pour les services sociaux. Nous avons toutefois l’impression que, pour l’instant, il ne contient plus qu’une ébauche plutôt qu’une certitude et une position claire de ce Parlement. En gros, nous souhaitons poursuivre les consultations pendant trois mois de plus, après quoi le Parlement devra décider de ce qu’il veut faire: s’en tenir aux décisions que nous avons prises dans le cadre des précédents rapports, comme celui de M. Rapkay, ou faire marche arrière et refuser cette protection juridique dont beaucoup d’entre nous pensent que nos services sociaux ont bien besoin.
Kyriacos Triantaphyllides, au nom du groupe GUE/NGL. - (EL) Monsieur le Président, il existe un problème d’interprétation par rapport aux activités des services d’intérêt général. Tant la Commission européenne que la Cour de justice interprètent les régimes d’assurance sociale obligatoire et complémentaire, qui couvrent des concepts aussi fondamentaux que la santé, la vieillesse, les accidents de travail, le chômage, les pensions, les handicaps ainsi que les services fournis directement et préventivement ou en vue de l’intégration sociale de certaines personnes, de la cohésion, etc. et qui comprennent le logement social, l’intégration des personnes présentant des handicaps ou des problèmes de santé, les programmes d’aide aux toxicomanes, les programme de formation en vue de la réinsertion professionnelle, etc., comme des activités économiques, permettant ainsi à la Commission de soulever la question de l’ouverture de ces services à une concurrence non faussée.
Il est un fait qu’au lieu de reconnaître le rôle utile et fondamental de tels services sociaux d’intérêt général dans la société, la Commission inverse les choses et essaye d’en faire des produits commercialisables en offrant aux fournisseurs tiers le droit d’exercer ces services moyennant, bien entendu, paiement. Il en résultera des pressions sur l’aspect économique de ces services et sur l’aspect lié au secteur public.
La Commission essaye parallèlement de rendre la vie plus difficile aux fournisseurs du secteur public en citant le principe de la non-discrimination ou les articles du traité sur l’Union européenne. Cela profite aux particuliers étant donné que la suppression prétendue de la discrimination et le fait que ces services seront totalement ouverts à la concurrence permettra à ces particuliers de fournir des services sociaux en utilisant des méthodes propres aux entreprises. Étant donné que les services sociaux d’intérêt général et que les services de santé ont été exemptés de la directive Bolkestein, on constate clairement que la Commission cherche d’autres moyens d’amener ces services dans le cadre d’une libéralisation totale, offrant ainsi la possibilité aux entreprises multinationales de les fournir sous un régime plus avantageux.
Cela étant, j’estime que nous devons défendre le droit des États membres à définir comme ils l’entendent ce que sont des services sociaux d’intérêt général, à conserver leur aspect lié au secteur public et ne pas leur permettre de les transférer vers le privé par le biais d’une directive en leur donnant le statut de marchandises. Ces services sont vitaux pour la société et ils ne peuvent être traités comme une activité économique au sens strict du terme; ils représentent une nécessité sociale.
José Albino Silva Peneda (PPE-DE). - (PT) Monsieur le Président, permettez-moi de féliciter tout d’abord le rapporteur pour la qualité de son rapport, auquel j’apporte mon soutien. Les services sociaux d’intérêt général (SSIG) constituent aujourd’hui un important instrument susceptible de contribuer à une plus grande cohésion sociale, économique et territoriale, et on peut les considérer comme une composante essentielle des efforts menés pour atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne.
Ces services jouent un rôle clé en vue de s’attaquer à certaines carences sociales que le marché n’est pas capable de résoudre d’une manière satisfaisante. Les SSIG possèdent certaines caractéristiques - leur public cible, leur gestion, leur organisation et leur financement - qui les distinguent des services classiques. Les SSIG ont pris de l’ampleur en ce sens qu’ils affrontent de nouveaux défis et qu’ils modifient la perspective sociale de l’Europe; en d’autres termes, les SSIG doivent désormais s’adapter à des exigences plus sévères. Certains SSIG peuvent servir de bon exemple d’une flexibilité de gestion sur le marché de l’emploi. Il convient de les examiner très attentivement, car il y a des cas très intéressants.
Étant donné que la question qui nous intéresse concerne les services proches de leurs utilisateurs, j’estime que les autorités locales et régionales, conjointement avec la société civile, pourraient jouer un rôle en matière de fourniture de SSIG. Je suis convaincu, en d’autres termes, que c’est à l’échelon local que ces services auront une efficacité optimale. Indépendamment de l’adoption des meilleures pratiques et d’un utile échange d’expériences entre les États membres, je considère qu’il y a lieu de respecter les différentes normes culturelles qui existent au sein de l’UE et que le développement de SSIG devrait être structuré et mû en vertu des caractéristiques de chaque communauté. C’est pourquoi, conformément au principe de subsidiarité, je partage l’idée selon laquelle la diversité des modalités d’organisation, de gestion et de financement des services sociaux dans les États membres doit être respectée.
Anne Van Lancker (PSE). - (NL) Monsieur le Président, je voudrais tout d’abord féliciter notre rapporteur. Permettez-moi de vous dire d’emblée - et certains l’ont fait avant moi - que c’est grâce à l’Assemblée qu’un grand nombre de services sociaux ont été exclus de la directive sur les services, parce que, pour une majorité de députés, on ne peut concevoir de placer les services sociaux sur le même plan que les services commerciaux. Les services sociaux garantissent les droits fondamentaux des citoyens et ils protègent aussi les personnes les plus vulnérables. Ils sont clairement l’expression de la solidarité dans une société.
C’est pourquoi il faudrait, Monsieur le Commissaire, que la Commission reconnaisse cette caractéristique spécifique des services sociaux bien qu’il me semble évident que cette reconnaissance ne suffit pas en tant que telle. Cela fait aussi longtemps que la subsidiarité n’est plus la solution; c’est ce qu’ont clairement démontré Mme in ’t Veld ainsi que la communication de la Commission dans laquelle celle-ci explique la manière dont il convient d’appliquer, notamment aux services sociaux, les règles régissant le marché intérieur de même que les règles de concurrence. Ce n’est pas toujours la meilleure solution.
Pour créer une sécurité juridique et déterminer le degré d’application des règles du marché intérieur à ce vaste domaine, nous devons donc disposer d’une directive sectorielle destinée, comme quelqu’un l’a dit avant moi, à protéger la subsidiarité et à sauvegarder l’aspect social de ces services. Ce point figurait déjà dans le rapport de M. Rapkay. Aujourd’hui, à l’occasion du rapport Ferreira, nous redemandons à la Commission de présenter une proposition pour le mois de juin de cette année.
Il se fait que je sais que la présidence portugaise est particulièrement bien disposée à l’égard de la dimension sociale de la politique européenne. La protection et la sauvegarde des services sociaux cadrent parfaitement avec cette aspiration. J’espère donc que le rapport rédigé par la commission parlementaire bénéficiera d’un vaste soutien de la part de l’Assemblée et que la Commission présentera une proposition constructive d’ici l’été.
Danutė Budreikaitė (ALDE). - (LT) En automne dernier, nous avions discuté du Livre blanc de la Commission européenne sur les services d’intérêt général. Je regrette le peu de progrès enregistré jusqu’à présent au niveau de la libéralisation des services ainsi que le manque de clarté qui caractérise toujours la définition de ces services.
Nous examinons aujourd’hui les services sociaux d’intérêt général, qui sont définis comme des services auxquels s’appliquent les critères d’intérêt général, à savoir l’universalité, la transparence, la continuité, l’accessibilité, etc. Ces services contribuent à garantir un taux d’emploi élevé, un niveau élevé des soins de santé et autres services sociaux, l’égalité des genres ainsi que la cohésion économique, sociale et territoriale.
Mais ce ne sont là que des affirmations générales. Le rapporteur a souligné que les principes de subsidiarité et de proportionnalité devaient s’appliquer aux services sociaux d’intérêt général. Toutefois, l’application du principe de subsidiarité amènera les États à définir eux-mêmes ce que sont les services sociaux d’intérêt général, c’est-à-dire quels services sociaux peuvent être considérés comme étant d’intérêt général, de sorte que nous n’aurons jamais la libre circulation des services, ce qui constitue actuellement une des stratégies européennes les plus importantes en vue d’accroître la compétitivité économique. Le protectionnisme du marché subsiste, ce qui non seulement réduit la compétitivité économique, mais aussi prive les consommateurs de se voir offrir des services adéquats et de qualité.
Il convient, lorsque nous discutons des services, y compris des services sociaux d’intérêt général, de définir avant tout ce qu’ils sont.
Elisabeth Schroedter (Verts/ALE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, les services sociaux constituent des moyens permettant d’atteindre les objectifs de la politique sociale. En cela, ils servent le bien commun et aident chacun à faire usage de ses droits sociaux fondamentaux; ils représentent le pilier social de la société européenne et c’est pour cette raison et eu égard à leur nature particulière qu’il y a un an, le Parlement les avait retirés de la directive sur les services. La communication de la Commission essaye de faire en sorte que ces services soient à nouveau soumis aux lois du marché, mais la Commission fait fausse route.
Les hésitations de la Commission lorsqu’il s’agit d’exiger un cadre législatif pour les services d’intérêt général de cette nature portent atteinte à l’Union européenne. Il nous faut une déclaration solennelle, par le biais d’une loi, du fait que les services sociaux font partie du bien commun, et cela tout de suite. Tous les députés qui estiment que ce type de déclaration doit être fait sans tarder devraient s’abstenir d’approuver le compromis nébuleux de la Commission et, au contraire, voter pour la résolution de l’Assemblée concernant le Livre blanc sur les services d’intérêt général - d’où notre proposition.
Jean Louis Cottigny (PSE). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, je tiens avant toute chose à remercier notre collègue, Joel Hasse Ferreira, pour le travail accompli. Traiter des services sociaux d’intérêt général, les SSIG, n’est pas chose facile, mais il a su faire preuve d’écoute tout au long de nos réunions de travail.
Le point important du rapport de notre collègue réside dans le lancement d’une consultation des acteurs concernés, pour mieux prendre en compte les spécificités des SSIG dans l’application du droit communautaire. Les services sociaux se caractérisent notamment par le fait qu’ils sont personnalisés, qu’ils mettent en œuvre des droits sociaux fondamentaux et qu’ils contribuent à la cohésion sociale, en protégeant les plus vulnérables. À ce titre, ils font partie intégrante du modèle social européen car ils sont, dans leur forme actuelle, une spécificité européenne et ils contribuent à la stratégie européenne de croissance. Ils constituent un secteur d’activité dynamique et créateur d’emplois, tout en se distinguant des autres services d’intérêt économique général. Leur fonctionnement se fonde sur le principe de solidarité et sur la proximité avec les utilisateurs.
Le problème qui se pose aujourd’hui concernant la grande majorité des SSIG est qu’ils sont directement placés dans le champ d’application des traités communautaires; autrement dit, ils sont soumis aux règles du marché intérieur et de la concurrence. La question de l’application de ces règles s’est donc posée au regard de la nécessité de maintenir une intervention des pouvoirs publics sur des structures d’offre de services. Cet objectif de régularisation publique répond à des objectifs légitimes d’accessibilité et de continuité de qualité des services dans les territoires de vie, ainsi que de protection des usagers et des personnes vulnérables qui en sont bénéficiaires.
Notre modèle social, que l’on veut promouvoir comme alternative à l’ultralibéralisme, ne peut être victime de nos propres règles communautaires.
Karin Jöns (PSE). - (DE) Monsieur le Président, permettez-moi tout d’abord de féliciter le rapporteur. Les services sociaux d’intérêt général représentent un élément clé de l’Europe sociale. En tant que composants des services publics d’intérêt général, ils visent à garantir le fait que toute personne qui a besoin d’aide ou de soutien l’obtienne, et cela indépendamment de l’endroit où elle habite ou de son salaire.
Les services sociaux doivent non seulement être généralement accessibles et d’un prix abordable, mais ils doivent aussi être d’une qualité particulièrement élevée, car, comme cela a déjà été signalé, ils sont personnels et servent le bien public; c’est la raison pour laquelle ils ne peuvent être soumis à une concurrence débridée. Il faut, au contraire, les protéger et faire en sorte que la concurrence se situe dans un cadre juridique non équivoque.
Je voudrais juste signaler, en prenant comme exemple les soins aux personnes âgées, que le changement démographique va nous confronter à des défis de plus en plus importants. Après tout, dans notre société, il faut que chacun bénéficie non seulement du droit de vieillir dans la dignité - et de la possibilité de revendiquer ce droit - mais aussi de la garantie d’en profiter.
Harald Ettl (PSE). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, si, à défaut de faire reposer les services sociaux sur une base plus solide, nous les exposons de plus en plus aux règles de la concurrence, du sable viendra sans nul doute bloquer les rouages de la construction européenne.
On a peut-être enregistré en 2006 une bonne croissance économique, avec la création de nouveaux emplois, mais la pauvreté s’est elle aussi accrue. Il faut par conséquent que les entreprises aussi assument leurs responsabilités sociales et participent également à la fourniture de services sociaux ou que les États membres impliquent davantage les partenaires sociaux dans la structuration de ces services.
La qualité des services sociaux offerts peut être un moyen de lutter contre la pauvreté en Europe. On ne peut comparer des services sociaux et un atelier de réparation automobile; ce n’est pas la même chose. Le fait que les services sociaux doivent être viables et d’un prix abordable exige la mise en œuvre d’un cadre juridique européen, d’une directive sectorielle et pas seulement une solidarité officielle de la part des États membres et des députés de cette Assemblée. Nous devons prendre davantage conscience de nos responsabilités plutôt que d’émettre des lieux communs.
Anne Ferreira (PSE). - Monsieur le Président, tout d’abord, je tiens à féliciter M. Hasse Ferreira pour la qualité de son rapport et les points cruciaux qu’il contient. Je tiens aussi à rappeler la mobilisation européenne des citoyens, il y a un an, au moment du vote sur la directive sur les services. Cette mobilisation a permis de faire évoluer le texte et d’infléchir la position de nos institutions dans leur volonté de libéraliser l’ensemble des services, indépendamment des missions et des besoins qu’ils représentent.
Nous devons aujourd’hui nous faire l’écho de ces citoyens, des valeurs auxquelles ils tiennent et que nous partageons et auxquelles notre rapporteur donne corps. Les missions assumées par les SSIG servent les droits de l’homme, la dignité de la personne, l’intérêt général et la cohésion sociale et, par là même, sont donc en droite ligne avec la Charte des droits fondamentaux. Refuser de reconnaître cela, entretenir la confusion entre les notions de service économique et de service marchand comme le fait la Commission, c’est renoncer à la spécificité sociale de l’Europe et à ce qu’elle représente pour des millions de concitoyens. Une législation spécifique s’impose pour garantir l’exercice et le droit de ces services.
Alexandru Athanasiu (PSE). - Nu voi mai relua aici tot ceea ce s-a spus, foarte corect, legat de poziţia serviciilor sociale de interes general. Aş vrea doar să fac câteva scurte aprecieri. În primul rând, solidaritatea socială şi coeziunea socială reprezintă marca de calitate a Uniunii Europene. În al doilea rând, serviciile sociale, sunt prin definiţie, bazate pe un acces nediscriminat, pe durabilitatea serviciului şi pe protejarea celor vulnerabili. În al treilea rând, este o responsabilitate a instituţiilor europene, astăzi, să găsească soluţia cea mai apropiată şi cea mai potrivită pentru a rezolva aceste probleme. Personal, consider că avem nevoie de o directivă-cadru pe care Comisia s-o prezinte instituţiilor Uniunii Europene şi, în primul rând Parlamentului European astfel încât principiile din acest domeniu să fie bine sistematizate.
Rămâne însă în sarcina fiecărui stat membru să definească, să organizeze şi să finanţeze serviciile sociale de interes general. Noi trebuie să stabilim o dată în plus faptul că au prioritate misiunile sociale asupra regulilor de concurenţă ale pieţii. Aş vrea să închei spunând câteva cuvinte pe care le-a spus un mare francez, un mare european avant la lettre, şi pe care o să le spun în franceză. Este vorba de părintele lui Emile şi părintele contractului social, Jean Jaques Rousseau. El spunea cu multă raţiune că: L’ordre social ne vient pas de la nature, il este fondé sur de conventions. Avem nevoie de convenţii.
Jean-Claude Martinez (ITS). - Monsieur le Président, le rapport de notre collègue Ferreira, tout le monde l’a dit, nous amène, une fois de plus, au cœur de ce modèle social européen qui fait que nous ne sommes pas les États-Unis.
Et derrière ce rapport, évidemment, il y a des enfants, il y a des vieux, il y a des malades, des exclus, des handicapés, et en bout, en final, si on n’y prend pas garde, il y a l’euthanasie avec les Pays-Bas, la Belgique, et bientôt la France.
Nous sommes donc dans la sphère de ce que nous, Français, depuis plus d’un siècle, dans des milliers de livres, de cours, de thèses dans les d’universités, nous appelions les «services publics». Voilà pourquoi les Français, le 29 mai 2005, ont refusé la constitution des services privés. En effet, nous, avec le mot magnifique de «service public», nous disons que dans la société des femmes et des hommes, il y a des parties communes de la copropriété nationale, et que c’est dans les parties communes, comme l’hôpital, l’école, la santé, que les services sont rendus au public. Et cette terminologie est supérieure à celle de service d’intérêt général, laquelle crée l’ambiguïté et des problèmes de frontières entre le privé et l’intérêt général, ainsi qu’entre le marché commercial, avec la concurrence des intérêts majeurs, et les biens publics, ce que Saint-Thomas d’Aquin appelait déjà les biens communs.
Et c’est précisément à cause de ce problème de frontières que nous légiférons: quels sont ces services, quelle est leur origine, quel budget leur consacrer, quelles compétences relèvent de l’Union d’une part et de la subsidiarité d’autre part, quelles frontières géographiques entre l’Europe de Mme Thatcher et l’Europe du social, quelle est la frontière en termes de logement, d’emploi, de garde d’enfants, de soins hospitaliers, entre le riche qui peut s’adresser au privé, et le pauvre qui ne peut pas le faire?
Un président des États-Unis avait posé sur son bureau un panneau sur lequel était écrit: «Ici s’arrête le fric, ici s’arrête l’argent» C’est la définition des services sociaux d’intérêt général: «Ici s’arrête le marché».
Vladimír Špidla, membre de la Commission. - (CS) Mesdames et Messieurs, je voudrais vous remercier pour le présent débat, qui a été très profond et extrêmement intéressant. Si vous me le permettez, je voudrais revenir sur certains points qui ont été abordés au cours du débat et qui, selon moi, sont particulièrement importants et pertinents.
Il apparaît clairement, à la lumière de la plupart des interventions, que les services sociaux d’intérêt général (SSIG) occupent une place tout à fait à part. Ce ne sont pas des services ordinaires dans la mesure où ils garantissent des droits en faveur des personnes qui sont, ou qui peuvent devenir, trop faibles ou trop vulnérables pour s’occuper d’elles-mêmes ou pour exercer ces droits. Vous avez également insisté avec force sur le principe de subsidiarité et sur le fait que des propositions visant à trouver des solutions sont apparues de toutes parts. La discussion a également montré clairement qu’il subsistait un certain doute à propos de la définition juridique de ces services, en particulier en ce qui concerne les principes régissant le marché intérieur.
Mesdames et Messieurs, j’ai le sentiment que toutes ces questions sont importantes et que nous devons continuer à y prêter attention. La Commission entend élaborer une stratégie européenne sur les SSIG, qui sera adoptée en automne de cette année. Cette communication fera état des différentes mesures qu’entend prendre la Commission. Celle-ci évalue actuellement les possibilités juridiques ainsi que la meilleure occasion politique pour proposer des instruments juridiques dans ce domaine. La communication sera publiée conjointement avec le rapport analysant les SSIG sur deux ans. Ce rapport a pour objectif d’examiner la situation des SSIG en Europe. Il décrit les progrès enregistrés dans la modernisation de ces services, souligne l’importance de ce secteur dans une perspective socio-économique et décrit l’évolution des mesures juridiques à ce moment-là.
Mesdames et Messieurs, je partage votre avis selon lequel les services sociaux d’intérêt général représentent un élément bien établi de notre modèle social, qu’ils devraient se développer très rapidement, que de nouveaux défis se profilent à l’horizon et qu’il faudra en discuter. Je vous remercie.