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Débats
Mercredi 25 avril 2007 - Strasbourg Edition JO

16. Ukraine (débat)
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle les déclarations du Conseil et de la Commission sur l’Ukraine.

 
  
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  Günter Gloser, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, honorables députés, nous nous félicitons de votre décision de mettre à l’ordre du jour la situation actuelle en Ukraine, de même que les relations de l’Union européenne avec ce pays. Nous ne devons pas sous-estimer le rôle crucial de l’Ukraine pour la stabilité du continent européen. Aussi suis-je ravi d’avoir la chance d’exprimer la position de la présidence du Conseil sur ce sujet.

La révolution orange a démontré de façon éloquente le pouvoir des mouvements de la société civile en Europe de l’Est, tandis que les élections législatives démocratiques qui se sont tenues en mars 2006, libres et équitables en grande partie, pourront servir d’exemple à d’autres pays de la région.

Cependant, l’Ukraine s’est déjà retrouvée plusieurs fois en très mauvaise posture au cours du processus difficile de transition et de transformation. Ce n’est donc pas une première. En effet, l’Ukraine est le pays de la révolution orange, le point culminant et délicat d’un conflit politique auquel ont succédé des chamailleries entre les décideurs et la formation laborieuse d’une coalition et d’un gouvernement à la suite des élections législatives de mars 2006, lesquelles se sont davantage apparentées à un débat sur l’orientation du pays sur la scène nationale et internationale. À cela s’ajoutent aujourd’hui le décret du 2 avril 2007 du président Iouchtchenko requérant la dissolution du parlement et le refus du gouvernement et du parlement de s’y plier.

L’attitude des deux camps suscite de nombreuses interrogations dans le pays lui-même au sujet de la Constitution, le parlement ukrainien appelant la cour constitutionnelle à statuer sur le caractère constitutionnel du décret du président exigeant sa dissolution.

Le Conseil suit bien entendu de très près ces événements, ces derniers suscitant de vives préoccupations. L’Union européenne entretient des contacts étroits avec les deux parties au conflit depuis le début de la crise. M. Solana s’est entretenu avec les différents protagonistes en plusieurs occasions et les a informés de la position de l’Union, tandis que notre présidence les a priés instamment, le lendemain de la publication du décret sur la dissolution, de faire montre de modération et d’engager le dialogue sur la base des règles démocratiques et de la Constitution ukrainienne. Notre présidence est également en contact rapproché avec les groupes impliqués dans la crise et les protagonistes des deux camps, contacts qui serviront de base à l’UE.

La cour constitutionnelle ukrainienne s’est vu assigner une mission ardue et ne pourra l’assumer correctement que si on lui permet de statuer sur le caractère constitutionnel de la dissolution du parlement sans subir de pression externe. Néanmoins, si l’on veut apporter une solution durable à la crise politique, des compromis politiques seront indispensables. Nous nous réjouissons donc de la volonté que continuent d’afficher tant le président Iouchtchenko que le Premier ministre Ianoukovitch en ce qui concerne l’ouverture d’un dialogue, et nous nous félicitons des garanties données par les deux parties au conflit, qui affirment qu’elles ne recourront jamais à la violence pour sortir de la crise. Nous pensons que les deux parties respecteront les engagements pris en public et les garanties données à l’Union européenne afin de prévenir toute autre escalade de la crise.

Quelle que soit l’évolution de l’environnement politique dans la capitale ukrainienne, la démocratie, l’organisation d’élections libres et équitables, la liberté d’expression et la liberté de la presse demeurent le soubassement de la vie politique et sociale. Raison pour laquelle nous sommes persuadés que l’Ukraine trouvera une issue à cette crise politique, issue qui sera conforme aux conceptions que nous partageons en matière de démocratie et d’État de droit et qui garantira à l’Ukraine le soutien sans faille de l’Union européenne.

 
  
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  Vladimír Špidla, membre de la Commission. - (DE) Monsieur le Président, honorables députés, je vous remercie de m’avoir invité pour une déclaration sur les relations entre l’Union européenne et l’Ukraine. Ce débat revêt une importance cruciale, surtout compte tenu des conditions actuelles, notamment l’ouverture de négociations, le 5 mars dernier, sur un nouvel accord élargi afin de donner un nouveau départ à nos relations avec l’Ukraine.

Autre raison expliquant la pertinence actuelle du débat: l’évolution de la situation politique intérieure en Ukraine. Il est primordial, pour l’ancrage des fondements démocratiques dans ce pays et pour la continuité de son processus de réforme, de sortir de la crise actuelle. La Commission a gardé un œil attentif sur les derniers éléments intervenus sur la scène politique intérieure, observant, soucieuse, la manière dont la dissolution du parlement introduite par le décret du président Iouchtchenko a encore plus éloigné ce dernier de son Premier ministre.

Il est pour nous essentiel que l’Ukraine poursuive ses réformes, se rapprochant ainsi d’une démocratisation, d’une stabilité et d’une prospérité totales. L’Ukraine et son avenir en Europe dépendent uniquement de la stabilité, aspect crucial pour l’Union européenne également. En effet, la stabilité et la prospérité sont indispensables dans les pays qui nous entourent.

En réalité, c’est la maturité de la démocratie ukrainienne qui est mise à l’épreuve en ce moment. M. Barroso, le président de la Commission européenne, a déclaré lors de sa rencontre avec le président ukrainien la semaine dernière qu’il était impossible, dans une démocratie, de ne pas trouver une solution politique respectueuse de la loi à un problème politique. En outre, le débat politique franc et les manifestations globalement pacifiques - à ce jour - dans les rues de Kiev prouvent que le peuple ukrainien a compris que les querelles intestines devaient être réglées de manière responsable et démocratique.

Il est en particulier essentiel que tous les courants politiques concernés unissent leurs efforts de façon constructive et œuvrent véritablement au dégagement d’une solution politique, adhérant ainsi complètement aux principes de la démocratie et de l’État de droit. En outre, ils doivent tous se plier aux règles démocratiques fondamentales, s’attaquer à la corruption, respecter l’indépendance de la cour constitutionnelle et se conformer à ses décisions.

L’Ukraine doit également privilégier le long terme, processus auquel tout un chacun peut participer et qui débouchera sur une réforme constitutionnelle fondée sur un compromis politique d’un nouveau genre, lequel dotera le système politique de mécanismes de contrôle et de règles clairs. Alors que l’Union européenne n’a pas vocation à s’ingérer dans la crise en tant que médiateur direct entre les différents protagonistes, nous pouvons et devons appeler tous les acteurs politiques ukrainiens à adopter l’attitude prudente et raisonnable que leur dicte leur instinct, dans le but d’obtenir un compromis.

Tel est le message que nous devrions faire passer, de sorte que l’on ait la certitude que la jeune démocratie ukrainienne passera cette épreuve avec brio et que ses responsables politiques continueront d’œuvrer dans l’intérêt du pays et de ses relations futures avec l’Union européenne. Depuis le soulèvement baptisé la révolution orange et l’adoption du plan d’action UE/Ukraine, ces deux dernières se sont considérablement rapprochées et leurs relations se sont améliorées.

L’Ukraine illustre parfaitement les très bons résultats que peut donner la politique européenne de voisinage: notre dialogue politique s’est approfondi dans des proportions non négligeables, tandis que les secteurs dans lesquels nous coopérons sont de plus en plus nombreux. Nous avons décidé de revoir à la hausse le montant des aides octroyées au titre du nouvel instrument européen de voisinage et de partenariat à raison de 120 millions d’euros par an, avons paraphé l’accord sur l’assouplissement du régime des visas et les rapatriements et, sur le front commercial, élaborons en ce moment des mesures de grande envergure qui, conjuguées à ce nouvel accord élargi, constitueront une autre étape en vue de l’instauration d’une zone de libre-échange.

Nous venons juste de nous atteler à l’approfondissement de nos relations. En effet, c’est le 5 mars que la Commission a ouvert les négociations avec l’Ukraine sur ce nouvel accord de grande envergure, censé refléter au moment de sa conclusion l’importance des relations entre l’UE et l’Ukraine et laisser entrevoir de nouvelles perspectives, notamment celle d’un partenariat approfondi dans le secteur énergétique.

Un deuxième cycle de négociations s’est tenu à Kiev les 2 et 3 avril. Nous sommes totalement satisfaits de l’avancée réalisée. En effet, nous avons pu nous rendre compte qu’il était possible d’enregistrer des progrès considérables, le camp ukrainien faisant montre d’un engagement significatif à leur égard. La Commission espère que les négociations sur ce nouvel accord élargi se poursuivront comme prévu, partant du principe que l’Ukraine constitue un partenaire incontournable pour l’Union européenne. En outre, nous sommes toujours fermement résolus à approfondir et à consolider davantage nos relations avec ce voisin clé.

 
  
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  Jacek Saryusz-Wolski, au nom du groupe PPE-DE. - (EN) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice, Monsieur le Commissaire, la crise politique de Kiev est un sujet de préoccupation pour ceux qui se réjouissent des progrès politiques enregistrés depuis la révolution orange. Permettez-moi de vous rappeler le rôle de leader et de pionnier que le Parlement a joué en 2004.

Il est capital que la situation d’aujourd’hui soit résolue dans le respect de l’État de droit et des principes démocratiques cohérents avec les valeurs européennes et, avant tout, conformément aux souhaits exprimés démocratiquement par le peuple ukrainien.

De mon point de vue, nous aurions pu faire davantage pour empêcher le développement de cette crise, en fournissant notamment un soutien moral et financier plus substantiel pour aider l’Ukraine à surmonter l’héritage politique extrêmement difficile de son passé soviet.

Nous devons concentrer tous nos efforts sur le développement et la promotion des progrès démocratiques de l’Ukraine. Le moment est venu pour l’Europe de s’impliquer de manière plus engagée et cohérente. Un nouvel accord amélioré devrait définir les relations entre l’UE et l’Ukraine sur une nouvelle base renforcée proportionnelle aux défis posés par la réalité.

L’Union européenne doit comprendre et reconnaître le contexte dans lequel est née cette crise. Il ne sert pas à grand-chose d’appeler les dirigeants de l’Ukraine à un arrangement interne raisonnable quand toutes les parties prenantes au conflit ne sont pas prêtes à partager le pouvoir, et que les mécanismes constitutionnels normaux sont tombés en ruines.

Certains pourraient brandir la crise en Ukraine comme un prétexte pour ne rien faire, en prétendant que la situation en Ukraine représente un obstacle à un engagement plus sérieux de notre part. C’est exactement le contraire de ce que nous devrions faire. La difficulté de la situation interne pose à l’Union le défi d’établir un schéma d’engagement pratique pour résoudre la crise, qui pourrait avoir de plus vastes implications pour l’Europe. Il est grand temps de faire plus pour l’Ukraine. Des progrès tangibles ont été faits depuis la révolution orange, mais ils risquent d’être réduits à néant s’ils ne sont pas poursuivis. Soutenons l’Ukraine dans son choix européen.

 
  
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  Jan Marinus Wiersma, au nom du groupe PSE. - (NL) Monsieur le Président, nous aussi sommes préoccupés par l’instabilité politique constante en Ukraine. La situation consécutive au conflit entre le président et le parlement dessert le pays et affectera sans aucun doute sa coopération avec l’Union européenne. Tant que l’Ukraine n’aura pas trouvé d’issue à l’impasse constitutionnelle, poursuivre les discussions sur l’approfondissement de la coopération, voire réaliser des avancées concrètes, ne sera pas chose aisée.

Néanmoins, je ne pense pas que nous devions forcément croire que cette crise anéantira les résultats des événements radicaux qui se sont produits lors de l’hiver 2005-2006, la révolution orange débouchant sur la démocratisation fondamentale du pays. Ainsi, l’Ukraine est aujourd’hui un pays bien différent de ce qu’elle était auparavant, et ce au terme d’un processus dans lequel l’Union européenne a joué un rôle majeur et utile. Dans le même temps, il faut cependant ajouter que cette révolution orange n’a pas permis de remédier aux profondes fractures présentes dans ce pays. En outre, le cap qu’il doit prendre demeure une pomme de discorde. Le conflit actuel traduit les profondes failles qui traversent le pays, ainsi que son incapacité flagrante et constante à trouver le juste équilibre entre le rôle des différents acteurs politiques, le pouvoir des diverses institutions et les opinions divergentes quant à l’avenir du pays.

Ce n’est pas à nous qu’il incombe en premier lieu de choisir un camp. À l’heure actuelle, l’affaire est déjà devant la cour constitutionnelle de Kiev et, en ce moment, je ne vois pas pourquoi nous devrions douter de sa capacité à statuer valablement sur le bon équilibre institutionnel. En effet, elle a prouvé par le passé qu’elle pouvait prendre des décisions en toute indépendance. Néanmoins, la responsabilité réside en majeure partie au niveau des acteurs politiques et de la classe politique.

Sans compromis de leur part, une solution constitutionnelle ne servira à rien non plus. Ainsi, ils devront faire tout ce qui est en leur pouvoir pour s’investir dans un compromis qui, loin de diviser davantage les groupes, se révèle au contraire fédérateur. C’est là que les protagonistes européens peuvent, et d’ailleurs doivent, faire office de médiateurs. À ce propos, j’ai particulièrement apprécié les commentaires de M. Gloser à cet égard.

Il y va de notre intérêt également, car personne ne sort gagnant en l’absence de solution pour sortir de l’impasse actuelle, tant en Ukraine que dans l’Union européenne. En effet, nous ne pouvons assumer notre rôle qu’avec certaines difficultés. Le défi qui se pose aujourd’hui consiste à remédier aux incohérences internes de manière à permettre aux Ukrainiens de poursuivre les réformes indispensables pour consolider les liens avec l’UE et donner corps à l’ambition du pays, qui aspire à adhérer à l’Union. Ce n’est que sur ce fondement crédible que les partis politiques pourront réaliser leur ambition commune.

 
  
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  István Szent-Iványi, au nom du groupe ALDE. - (HU) L’Ukraine constitue un partenaire incontournable sur le plan stratégique pour l’Union européenne. Il est clairement dans notre intérêt que l’Ukraine devienne un pays stable et démocratique doté d’une économie de marché opérationnelle. C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu et suivi la révolution orange, pleins d’espoir, pour nous rendre malheureusement compte ensuite que la transition démocratique, sociale et économique du pays est nettement plus complexe et contradictoire qu’il n’y paraît. La crise actuelle vient une nouvelle fois étayer cette thèse. Elle relève fondamentalement de la politique interne. Aussi la solution devra-t-elle être trouvée au sein du cénacle politique ukrainien, parmi les décideurs de ce pays, au travers de négociations pacifiques.

Nous pouvons apporter notre concours à ce niveau en nous positionnant en partenaires activement neutres. Neutres en ce qui concerne les parties au débat, mais pas quant à l’issue de ce dernier. En effet, il est dans notre intérêt que l’Ukraine se transforme en un État démocratique stable régi par l’État de droit et entretenant des relations étroites avec l’Europe.

Nous ne pouvons pas vraiment compter sur la contribution de la cour constitutionnelle ukrainienne pour résoudre le conflit, car elle représente elle-même un élément du problème. Aussi la plus grande responsabilité réside-t-elle au niveau des forces politiques internes en Ukraine et chez les responsables politiques du pays. L’Union européenne et l’Ukraine sont actuellement en pourparlers, qui avancent correctement, afin de mettre en place une coopération plus étroite.

En ce qui nous concerne, il est crucial que ces discussions aboutissent le plus rapidement possible, mais les dirigeants ukrainiens doivent comprendre que les liens entre leur pays et l’Union européenne seront solides si et seulement si l’Ukraine retrouve le chemin dont la crise actuelle l’a écartée. Aussi, nous insistons sur la nécessité de trouver une solution à la crise interne le plus rapidement possible, et ce au moyen de négociations pacifiques, ainsi que sur notre empressement à concourir à la résolution du conflit. Nous participerons à tout processus visant à la consolidation d’une Ukraine démocratique.

 
  
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  Guntars Krasts, au nom du groupe UEN. - (LV) Je vous remercie, Monsieur le Président. L’évolution de la situation en Ukraine intéresse particulièrement le Parlement européen, et pas seulement parce que l’Ukraine est un pays voisin de l’Europe. Bien que l’Ukraine ne soit pas considérée, à court terme du moins, comme un pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, l’aboutissement des processus démocratiques et l’essor économique du pays à moyen terme n’excluent pas une telle possibilité. L’instauration de la démocratie en Ukraine, son intégration dans l’économie mondiale et le développement de relations avec l’Union européenne sur de multiples aspects ont jeté les fondements nécessaires pour réorienter les contradictions politiques internes du pays vers des solutions constructives et l’union de la société ukrainienne. La crise politique actuelle met à l’épreuve la démocratie naissante en Ukraine, et la résolution de ce problème définira la direction qu’empruntera le pays à l’avenir. L’Union européenne doit encourager les factions politiques en conflit à accepter la voie du compromis. Les rivaux politiques doivent pouvoir se mettre d’accord pour combler les lacunes de la réforme constitutionnelle, afin que ces réformes tendent à préserver l’équilibre entre les institutions du gouvernement et que la stabilité du système politique national soit assurée. Les solutions à la crise politique devraient reposer sur des méthodes démocratiques, y compris des élections anticipées, qui donneraient aux Ukrainiens le dernier mot quant à la résolution de la crise politique. Je vous remercie.

 
  
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  Rebecca Harms, au nom du groupe des Verts/ALE. - (DE) Monsieur le Président, si vous voulez juger de l’étendue des progrès réalisés par l’Ukraine sur la voie de la démocratie, tout ce que vous avez à faire pour l’instant, c’est regarder à la fois Moscou et Kiev. En effet, une comparaison entre ces deux capitales montre que des années-lumière les séparent du point de vue du respect de la démocratie et que, nonobstant la confusion et le désordre ambiants, la situation est nettement plus stable à Kiev que ce que l’on pouvait espérer il y a trois ou quatre ans.

C’est parce que l’Europe - comme tout le monde l’a dit jusqu’à présent - a tout intérêt à voir l’Ukraine devenir une démocratie stable que je me refuse à prendre une position neutre par rapport à la décision du président Iouchtchenko. Selon moi, la convocation de nouvelles élections procède d’un raisonnement politique judicieux. Si un courant politique tel que le parti des régions annonce sa volonté de réunir sous sa bannière trois cents votes au parlement ukrainien, le président a tout à fait le droit de déclarer que, s’ils souhaitent ce type de majorité, ils devront l’obtenir par les urnes.

Je suis convaincue de la nécessité de ces élections, du bien-fondé de la décision du président ukrainien de précipiter le changement politique, et de l’intérêt que cela représente également pour l’Europe. Néanmoins, lorsque ces nouvelles élections seront effectivement organisées, tous les partis devront accepter leur issue et s’évertuer davantage à introduire véritablement les réformes constitutionnelles promises de longue date et mises en attente.

Je voudrais ajouter à l’attention des députés européens de nationalité polonaise, sachant que Varsovie est la principale alliée de l’Ukraine au sein de l’Union, que la capitale polonaise adopte une approche, en ce qui concerne l’Ukraine, très continentale, très européenne. Et je souhaite que nos collègues polonais - avec lesquels je suis d’accord sur de nombreux points - distillent des éléments prouvant le caractère européen de cette approche, de cette réflexion continentale dans d’autres domaines conflictuels. En effet, cela nous permettrait, une fois de plus, de mettre en œuvre une politique efficace vis-à-vis de l’Est, pas seulement à l’égard de l’Ukraine, mais également envers d’autres pays situés à l’est de l’Union.

 
  
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  Helmuth Markov, au nom du groupe GUE/NGL. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Commissaire, si le président d’un État doit dissoudre son parlement, il va sans dire que, ce faisant, il doit respecter les règles établies dans la Constitution de ce pays. Et, tout comme le président Iouchtchenko a parfaitement le droit de dissoudre les chambres aux termes de l’article 90 de la Constitution ukrainienne, lequel énonce des modalités et conditions claires et précises concernant ce type de dissolution, le parlement a quant à lui le droit d’introduire un recours devant la cour constitutionnelle et de faire part de sa différence de point de vue, à savoir que l’application de cet article n’est pas conforme au texte de la Constitution. C’est la raison pour laquelle les sociétés démocratiques ont mis en place la séparation des pouvoirs, laissant au pouvoir judiciaire le mot de la fin concernant l’interprétation d’un texte. Il ne s’agit donc pas d’une opinion politique, mais d’un avis juridique.

De même, n’importe quel parlementaire a parfaitement le droit d’émettre un jugement moral lorsque des collègues changent de camp. En outre, je tiens à vous rappeler que les groupes au Parlement européen eux aussi se font et se défont, que le Parlement européen compte lui aussi des transfuges en son sein, que ce type de transfert est tout à fait normal dans de nombreux pays au sein de l’Union européenne.

Les parlementaires ukrainiens ne reçoivent pas d’instructions directement de ceux qui les ont élus et, tant que rien ne changera, il pourra leur être demandé d’assumer une responsabilité morale, sans risquer d’être poursuivis en justice.

Mme Harms a raison lorsqu’elle affirme qu’un fossé énorme sépare Moscou de Kiev, et je lui demanderai d’évoquer l’ordre donné par feu Boris Eltsine, à l’époque où il était président de la Russie, de tirer sur le parlement russe qui refusait de se plier à sa volonté. Ce genre d’événement est exclu en Ukraine grâce aux forces démocratiques présentes, et c’est une bonne chose!

Ce que je trouve par intermittence dérangeant dans ce débat, c’est la hâte avec laquelle nous cataloguons les partis rivaux, en partant du principe que le président Iouchtchenko est le seul responsable politique avec lequel l’Union européenne peut coopérer, que le Premier ministre Ianoukovitch est le petit protégé de la Russie, dont il représente les intérêts, qu’il est évident qu’ils ne partagent pas la même nationalité, l’un étant ukrainien, l’autre russe. Or, ils sont en réalité tous deux citoyens ukrainiens et tous deux représentent les intérêts de leur pays. Le fait que leurs avis divergent quant à l’approche à adopter est tout à fait normal et est considéré comme tel dans tous les pays membres de l’Union.

Par conséquent, je pense que nous avons une quadruple mission. Premièrement, nous devons demander à la cour constitutionnelle de rendre sa décision le plus rapidement possible. Deuxièmement, nous devrions envisager et évoquer la possibilité d’envoyer une délégation en Ukraine. Troisièmement, il pourrait être également possible d’inviter tous les groupes de la Rada à se joindre à nous pour débattre. Quatrièmement, nous pourrions également inviter les différents adversaires le même jour afin de discuter tous ensemble de la question. Nous refusons que M. Ianoukovitch vienne ici un jour, M. Timochenko le lendemain et M. Iouchtchenko le surlendemain, alors que ce que nous voulons, c’est un débat commun.

(Le président retire la parole à l’orateur)

 
  
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  Bastiaan Belder, au nom du groupe IND/DEM. - (NL) Monsieur le Président, selon moi, l’avenir de l’Union européenne et celui de l’Ukraine sont indissociablement liés sur le plan politique. L’UE à 27 devra affirmer une fois pour toutes sa position, du point de vue constitutionnel, sur son étendue géographique et ses frontières extérieures, qui, en principe, devraient être repoussées de manière à accueillir un pays européen tel que l’Ukraine.

Cette clarification de la situation permettrait également à l’Ukraine d’envisager son avenir au sein de l’Union européenne, donnant très certainement un coup de fouet aux partisans des réformes et représentant par ailleurs un choix honnête pour tous les citoyens ukrainiens.

Compte tenu de la crise politique générale dans laquelle l’Ukraine est gravement empêtrée, tout cela semble bien loin de la réalité. Néanmoins, la mésentente à Kiev commande à ce stade à l’Union européenne d’agir avec énergie et créativité dans le cadre de la politique européenne de voisinage. S’ils veulent promouvoir la stabilité à long terme le long de notre frontière orientale, le Conseil et la Commission ne peuvent se permettre de se désintéresser de la crise ukrainienne. Comment réconcilieriez-vous ces intérêts stratégiques de l’Union avec une perspective engageante pour l’Ukraine?

 
  
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  Charles Tannock (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, j’ai eu le privilège d’être un observateur de l’élection parlementaire ukrainienne de 2006, qui a été exemplaire. Malheureusement, le résultat de ces élections n’a donné ni un gouvernement stable ni un climat de probité financière parmi bon nombre des députés de la Verkhovna Rada, qui ne s’intéressaient que très peu à la politique et ne se préoccupaient en fait que de protéger leurs intérêts commerciaux ou d’éviter les poursuites judiciaires en acquérant l’immunité parlementaire. Je n’ai dès lors pas été surpris d’apprendre les allégations selon lesquelles des députés acceptaient de fortes sommes d’argent pour passer au parti opposé, dans une tentative de la coalition au pouvoir d’atteindre les 300 sièges magiques, ou la majorité constitutionnelle, nécessaire pour dépouiller le président Iouchtchenko des pouvoirs qui lui restent.

J’ai personnellement toujours soutenu le droit intrinsèque de l’Ukraine de demander l’adhésion à l’UE, en vertu de l’article 49 du traité. Cette adhésion n’est pas pour tout de suite, étant donné la fatigue de l’élargissement, et la crainte de certains États membres que cette adhésion n’offense la Russie. Je pense néanmoins que le Conseil a raté le coche en n’accordant pas à l’Ukraine, dans les jours grisants de la révolution orange, le même statut que certains pays des Balkans occidentaux - comme l’Albanie - et d’être considérée comme un candidat potentiel à une éventuelle adhésion à l’UE. Cela aurait été une excellente carotte pour l’occidentalisation des forces réformistes démocratiques. Il est vraiment regrettable que cela ne se soit pas fait.

Je suis persuadé que l’Ukraine va se sortir de cette dernière crise constitutionnelle sans violence et dans le plein respect des normes européennes de démocratie, de droits de l’homme et d’État de droit. Je condamne fermement les présumées tentatives d’intimidation des juges de la Cour constitutionnelle dans leurs délibérations légales sur la légitimité de la dissolution de la Verkhovna Rada par le président Iouchtchenko. Parallèlement, j’applaudis les projets de l’UE pour une zone de libre échange et pour l’octroi de visas facilité une fois que l’Ukraine aura rejoint l’OMC. Idéalement, l’APC expirant en 2008 devrait être remplacé par un accord d’association. Quoi qu’il en soit, il faut rapprocher les Ukrainiens de l’Union européenne, de laquelle ils font légitimement partie. Il me semble évident que l’héritage durable de la révolution orange, à savoir la liberté de la presse et les élections démocratiques, reste intact.

 
  
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  Adrian Severin (PSE). - (EN) Monsieur le Président, la crise en Ukraine prend ses racines dans l’écart entre les points de vue des acteurs politiques en ce qui concerne les mécanismes de freins et contrepoids et la séparation des pouvoirs. La crise est alimentée par les faiblesses de l’équilibre interinstitutionnel et par le fonctionnement des institutions gouvernementales.

L’Union européenne devrait jouer son rôle et assumer sa responsabilité, puisqu’elle n’a pas fait grand-chose pour empêcher le déficit démocratique ou la fragilité de la démocratie qui a conduit à cette crise.

La bonne nouvelle, c’est que les parties semblent à présent négocier et qu’il y a un espoir de compromis. Nous ne devrions pas prendre parti. Voir le peuple ukrainien comme pro-occidental ou l’inverse est une erreur. Je pense que nous ne devrions pas les juger sur leur rhétorique mais sur leurs actes, conformément à nos valeurs.

Parallèlement, nous devrions à tout prix éviter les initiatives personnelles qui pourraient être trompeuses ou détournées. De même, nous devons éviter d’envisager la situation en Ukraine avec des idées nationales en tête, et éviter la concurrence au sein de l’Union européenne ou du Parlement, car elle s’avérerait contreproductive.

D’un autre côté, nous ne devrions pas être indifférents à certaines valeurs. Je l’ai déjà dit, nous avons des valeurs particulières que nous sommes en droit de mettre en avant quand nous abordons cette crise.

Nous devons encourager tous les acteurs à faire preuve d’un esprit de compromis, de respect de l’État de droit et de la démocratie. Nous devrions également leur demander d’accepter les décisions de la Cour constitutionnelle, même si elle n’est pas encore pleinement fonctionnelle.

Nous devons les encourager à négocier un ensemble de modifications et d’améliorations constitutionnelles, de préférence convenues avant que la Cour constitutionnelle ne fasse connaître sa décision.

La délégation du Parlement pour les relations entre l’Union européenne et l’Ukraine est en contact permanent avec les personnes concernées et est prête à aider. Nous avons fait clairement comprendre que l’issue de la crise sera un test pour la capacité de l’Ukraine à coopérer avec l’Union européenne et à s’intégrer dans nos structures.

Nous avons également précisé qu’il ne faut pas sacrifier l’État de droit au nom d’un meilleur équilibre institutionnel ou vice-versa. D’un autre côté, nous devrions nous analyser nous-mêmes. Avons-nous une idée claire du statut futur des relations entre l’Union européenne et l’Ukraine? Savons-nous réellement quel genre d’État l’Ukraine devrait être? Avons-nous exprimé assez clairement nos attentes? Avons-nous une stratégie sur la façon dont nous devrions promouvoir la coopération entre l’Ukraine et l’Union européenne? Avons-nous un plan pour rapprocher l’Ukraine et ses eurosceptiques de nous? Sommes-nous interactifs, et pas seulement réactifs? Je crains que la réponse à bon nombre de ces questions pourrait être «non».

Si nous ne changeons pas notre approche, je crains que les perspectives ne soient pour le moins douteuses.

 
  
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  Grażyna Staniszewska (ALDE). - (PL) Monsieur le Président, le Parlement européen a figuré aux côtés de l’Ukraine au cours de la révolution orange. Nous avons été profondément émus par l’appel lancé de la place de l’indépendance à Kiev en faveur du respect de la dignité humaine, d’un pays démocratique fondé sur l’État de droit, d’un pays libéré de la corruption financière et politique. Telle est l’Ukraine que nous attendions tous.

De la tribune de cette Assemblée, j’en appelle aux deux camps du conflit ukrainien - le président Iouchtchenko et Ioulia Timochenko, les figures de proue de la révolution orange, d’une part, et le Premier ministre Ianoukovitch, le représentant de la coalition au pouvoir, d’autre part - pour que cette crise trouve une solution négociée.

Le compromis est une chose que l’Union européenne valorise beaucoup. Il s’agit d’une valeur qui a prouvé à maintes reprises sa capacité à parer à tout conflit. Nous nous félicitons que les deux parties aient accepté de s’asseoir à la table des négociations. Nous espérons que ces dernières toucheront vite à leur fin et déboucheront sur des résultats concrets. Les députés européens voudraient pouvoir encore déclarer, de manière justifiée et résolue, que nous sommes ouverts aux aspirations européennes des Ukrainiens.

 
  
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  Jerzy Buzek (PPE-DE). - (PL) Monsieur le Président, il y a trois ans, nous avons soutenu, avec raison, la transition démocratique en Ukraine. Aujourd’hui, les Ukrainiens jouissent de la liberté de la presse et possèdent des institutions démocratiques plus efficaces. Il incombe désormais au peuple lui-même de décider de l’étape suivante et de la manière de mettre un terme aux tensions et crises démocratiques. Cela ne signifie pas pour autant que nous devons nous croiser les bras et regarder faire. En adhérant aux changements apportés en Ukraine, nous avons endossé certaines obligations morales, et il est de notre devoir de maintenir de bonnes relations avec ce pays.

Ainsi, premièrement, nous devons ouvrir des négociations dignes de ce nom avec l’Ukraine en vue d’une coopération énergétique plus étroite, ce qui nous aidera à garantir l’approvisionnement de l’UE en pétrole et en gaz via l’Ukraine, sans l’intervention russe.

Deuxièmement, l’Ukraine a besoin d’investissements massifs, en particulier dans le domaine des oléoducs et des gazoducs, qui manquent de financement ou sont inachevés.

Troisièmement, l’Union européenne doit lancer une offensive diplomatique dans les États de la mer Caspienne, qui pourraient fournir du pétrole et du gaz à l’UE, en transitant par l’Ukraine.

Quatrième point - le plus important -, nous devons mener une politique ouverte vis-à-vis de l’Ukraine et la considérer comme notre partenaire stratégique le plus proche et un futur membre de l’Union. De cette manière, nous apporterons un véritable soutien à une Ukraine indépendante, stable et démocratique, dotée d’une économie de libre-échange. La réussite de ce processus est entre nos mains et relève de notre responsabilité.

 
  
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  Günter Gloser, président en exercice du Conseil. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, nous nous accordons sur de nombreux points quand il s’agit d’évaluer la situation de l’Ukraine, et, à l’instar de ce que nombre d’entre vous ont dit durant ce débat, je pense que c’est maintenant aux responsables politiques d’exprimer leur avis, c’est à eux qu’il revient de prendre les décisions, et ce dans le respect des institutions qui ont vu le jour dans le pays, dont la cour constitutionnelle. En outre, ils doivent pouvoir prendre leurs décisions sans pour autant subir de pressions.

Il serait inopportun, en l’état actuel des choses, que l’Union joue un quelconque rôle de médiateur. Au contraire, il s’agit en premier lieu d’un problème intérieur exigeant de la part des responsables - le président de l’État et son Premier ministre - qu’ils trouvent un arrangement mutuel et une issue à la crise. Néanmoins, d’un autre côté - comme l’a très bien expliqué M. Špidla -, l’Union européenne a démontré elle-même que le meilleur moyen d’approfondir la coopération est de privilégier la voie des négociations et de laisser à l’Ukraine le choix entre de nombreuses pistes d’action pour son développement économique et politique. Telle est la stratégie que nous devrions adopter au cours des semaines à venir.

Comme je l’ai mentionné, M. Solana entretient des contacts étroits avec les deux groupes, et nous devrions non pas garder nos distances, mais plutôt prendre une position neutre en ce qui concerne les mesures que d’autres doivent prendre en Ukraine.

Ce nonobstant, j’espère que les habitants ukrainiens adhéreront aux perspectives que leur laisse entrevoir l’Union européenne. Je suis davantage enclin à l’optimisme lorsque je constate qu’aucun camp politique n’a perdu de vue le chemin qui mène à l’Europe, point sur lequel ils s’accordent tous.

 
  
  

PRÉSIDENCE DE MME ROTHE
Vice-présidente

 
  
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  Vladimír Špidla, membre de la Commission. - (DE) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, dans le fond, la Commission se rallie à l’évaluation que vous, députés européens, faites de la crise dans laquelle l’Ukraine est plongée à l’heure actuelle et se félicite de l’approche prudente adoptée à ce jour en la matière. En ce qui nous concerne, nous suivrons de près l’évolution de la crise et assumerons notre part de travail en encourageant les hauts fonctionnaires ukrainiens à accepter l’idée d’un compromis politique à long terme pour aider leur pays.

Comme déjà souligné précédemment, la Commission continue de soutenir sans réserve les négociations sur l’accord récemment élargi et considère l’Ukraine comme l’un de nos partenaires clés, vis-à-vis duquel elle se sent pleinement engagée. Nous observerons avec intérêt la suite du débat sur l’Ukraine au sein de votre Assemblée et attendons maintenant avec impatience la version finale du rapport Kamiński.

 
  
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  Le Président. - Le débat est clos.

 
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